Vieille Montagne Heritage (VMH) est une jeune association, qui travaille à valoriser le patrimoine industriel d’une des entreprises les plus prestigieuses en Europe au XIX^e siècle, La Vieille Montagne, major de l’industrie du zinc, aux XIX^e et XX^e siècles, et pour tout dire, l’une des premières multinationales du monde industriel. Pourriez-vous nous dire ce qui a motivé la création de l’association ?

VMH est en effet une toute jeune association créée à la fin de l’année 2018. Un évènement en particulier a contribué à sa création. C’est lors de la célébration en 2016 des 120 ans de l’acquisition par la Vieille Montagne SA de la mine de zinc de Nenthead dans le Nord de l’Angleterre, que des représentants passionnés de différentes associations et structures vouées à la valorisation d’anciens sites de l’entreprise Vieille Montagne dans toute l’Europe, se sont retrouvés et ont pu échanger pour la première fois à propos de leurs recherches, de leurs projets et de leurs attentes.

L’évocation notamment par Arnaud Péters, historien à l’Université de Liège, de la conservation, dans de bonnes conditions mais sans classement, du fonds documentaire de la Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montagne (dite Vieille Montagne ou VM), cédé aux Archives de l’État belge à Cointe sur les hauteurs de Liège en 1993, a suscité un très grand enthousiasme, suffisant pour que les bases d’une association internationale soient jetées. Ce fonds exceptionnel, puisqu’il rassemble, en continu entre 1806 et 1982, la quasi-totalité des archives opérationnelles de l’entreprise, remplit à lui seul plus de 700 mètres linéaires d’étagères !

Couvrant tous les aspects de la gouvernance de l’entreprise (rapport financiers et commerciaux, investissements, brevets, acquisitions, gestion des ressources humaines...), ce fonds est susceptible, une fois inventorié et classé, de donner accès à des informations historiques et techniques de tout premier ordre, non seulement au niveau de l’entreprise multinationale, sur chacun des sites qu’elle pilotait depuis son siège, à Angleur près de Liège, mais aussi sur l’époque où elle intervenait.

Les responsables des Archives de l’État à Cointe, malgré leur très grand intérêt pour le fonds Vieille Montagne, nous ont confirmé qu’au-delà de la conservation au sec et à l’abri de la lumière, ils ne pouvaient en financer ni l’inventaire, ni le classement selon les règles actuellement en vigueur en vue de leur consultation en ligne. La création d’une association pour leur venir en aide a été évidemment très positivement accueillie. Cet objectif initial, nécessaire mais pas suffisant, a été à l’origine de la création de VMH.

En raison de son importance industrielle, et aussi parce qu’elle a déployé une politique de gestion du personnel innovante pour son époque, l’entreprise La Vieille-Montagne a fait l’objet de nombreux travaux historiques. Comment se fait-il que la patrimonialisation de son site d’origine, Moresnet, soit intervenue aussi tardivement ?

L’entreprise a en effet, dès le XIX^e siècle, été pionnière en matière de politique sociale. Ce thème de la gestion, de la protection et de la motivation du personnel est particulièrement intéressant car il fait partie intégrante de l’ADN de l’entreprise et est consubstantiel de sa croissance comme de sa réussite. Il est vrai que beaucoup a déjà été écrit à ce sujet, mais il y a encore énormément à découvrir dans les archives de l’entreprise en cours de classement.

Concernant le site de Moresnet centré sur la très riche mine originelle de l’Altenberg (la Vieille Montagne en allemand), il faut revenir à son histoire et prendre en compte sa dimension purement industrielle. Les images que nous avons retrouvées de ce site, notamment à travers les merveilleuses aquarelles d’A. Maugendre, montrent la croissance organique des bâtiments industriels de traitement des minerais autour de l’exploitation à ciel ouvert de la mine.

Ces bâtiments techniques ont été réalisés avec le souci de l’efficacité industrielle pour laquelle ils étaient conçus. Très peu ont survécu à leur usage, à la réduction de l’activité puis à la fermeture du site. Le comblement de la mine et la revente des terrains industriels ont contribué à normaliser le paysage de cette bourgade. Peu de traces subsistent...

Si la Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montagne a financé plusieurs autres édifices, dont l’école primaire désormais maison communale de Kelmis-La Calamine, seuls deux bâtiments de l’entreprise toujours visibles pouvaient retenir l’attention.

Tout d’abord, l’ancienne maison privée du directeur général du site VM de Moresnet (datant de la première moitié du XIX^e siècle), transformée et agrandie pour accueillir un hôtel, et surtout l’ancienne maison directoriale d’exploitation de la mine (datant du début XX^e siècle) avec l’ancienne gare accolée ; l’ensemble situé le long de la route de Liège à Aix-la-Chapelle ayant été racheté par un particulier comme logement familial. La qualité architecturale de cette dernière construction et sa localisation ont permis de lui donner le rôle central dans ce projet mémoriel.

Pourriez-vous nous présenter le site de Moresnet ? Présente-t-il des spécificités par rapport aux autres sites patrimoniaux liés à l’entreprise ? Par rapport au patrimoine industriel du Pays de Liège et de la Belgique ?

Le site de Moresnet occupe une place très importante dans l’histoire du zinc. Certains pensent que la calamine que renfermait ce riche gisement fût exploitée dès l’époque romaine. À partir du X^e siècle et jusqu’à l’aube du XIX^e siècle, la calamine qui y est extraite alimente les fabriques de laiton où elle est alliée avec le cuivre. Ce très long passé minier confère au site de Moresnet sa spécificité. En 1809, la mine est concédée au chimiste liégeois Dony et le destin du site change. C’est le début d’une exploitation industrielle qui durera près de huit décennies. Des fours à zinc, une laverie de minerai puis une usine d’oxyde seront construits autour de la mine. Les autres sites participant de la même aventure industrielle sont différents : il s’agit de fonderies. On en dénombre près de 20 vers 1860. Elle se situent au cœur du bassin houiller de Liège et ont progressivement fermé. Seul le site d’Angleur connait encore au XXI^e siècle des activités industrielles. Les autres ont été démantelés ou réhabilités durant la seconde moitié du XX^e siècle.

Vieille-Montagne Heritage dispose à Moresnet d’un magnifique bâtiment-musée. Quelle en est l’histoire ? Bénéficie-t-il d’une reconnaissance officielle en tant que patrimoine industriel ? Si c’est le cas, est-ce que cela a représenté une contrainte ou, au contraire, un avantage, voire une piste ultérieure de réflexion de la muséographie ?

Le siège de l’association Vieille Montagne Heritage (VMH) est en effet situé dans le Museum Vieille Montagne (MVM). Ce Musée qui nous accueille est géré par la régie communale autonome GALMEI, une structure dédiée qui l’a financé en partie. Elle est chargée de son entretien et de sa programmation.

Quelques mots sur ce bâtiment-musée : la Maison Directoriale correspondait au bâtiment central de l’activité de la VM à Moresnet-neutre. Elle regroupait les fonctions administratives et de gestion du personnel. Dessinée par un architecte liégeois, construite en 1910 dans le style Art Nouveau géométrique (tendance finale de l’Art Nouveau qui préfigurait le style Art Déco), elle avait conservé son intégrité extérieure. Les façades et la toiture (en zinc) étaient toujours d’origine.

Cette toiture en particulier, dite à la Mansard avec brisis presque vertical et terrassons à faible pente, toujours en place après 107 ans de bons et loyaux services, avait été réalisée selon des techniques particulières initiées et brevetées par la Vieille Montagne. Il a été facile de retrouver les catalogues anciens pour la faire refaire à l’identique par une équipe de compagnons.

Par un heureux hasard, la création de l’association VMH a correspondu au lancement du projet municipal de transférer son musée local (Musée de la Vallée de la Gueule) dans le bâtiment ex-VM qu’elle avait décidé de racheter. Notre association et ses experts ont donc été sollicités pour soutenir le projet et alimenter en contenus et justifications historiques les collections existantes. L’idée d’en faire un « Museum Vieille Montagne » (MVM) s’est progressivement imposée car elle permettait, à travers l’histoire de cette entreprise sur ce site fondateur, de parler aux jeunes générations d’un passé glorieux et unique dont peu de municipalités peuvent se prévaloir.

Le bâtiment est classé depuis 2016 comme patrimoine de la Communauté germanophone de Belgique. La volonté du bourgmestre de l’époque était de lui rendre son aspect initial. Le travail de rénovation s’est donc basé sur des photos anciennes. Il n’a pas été difficile par ailleurs de convaincre le propriétaire privé de la station-service, accolée au bâtiment principal et qui ne faisait pas partie du projet, de refaire sa toiture en même temps et selon les mêmes techniques d’origine.

Comment avez-vous construit le parcours muséographique du musée ? Comment le public l’apprécie-t-il ?

L’ancien musée de la vallée de la Gueule était un musée d’histoire locale développant l’aspect minier et l’histoire de Moresnet. Dans les années 2000, le projet nait de rénover le parcours. Le processus s’accélère en 2014 au moment de la mise en vente du bâtiment appelée à accueillir le nouveau musée. Entre 2016 et 2018, le projet muséographique est concrétisé par deux scénographe et historienne allemandes avec qui plusieurs de nos membres ont collaboré. Épuré et innovant, le parcours muséographique du nouveau Museum Vieille Montagne a été l’objet d’échos massivement positifs. Une fréquentation très importante a pu être observée depuis l’ouverture. Naturellement, cet élan a été mis entre parenthèse avec le début de la crise sanitaire liée au Covid.

Travaillez-vous avec les habitants ? Avez-vous intégré les habitants de Moresnet à vos travaux de sauvegarde/valorisation/patrimonialisation ? Est-il facile de susciter leur intérêt ou leur adhésion au projet ? Avez-vous entrepris des démarches mémorielles : enquête, recherche d’objets, d’iconographie, interactions avec les écoles et les lycées, avec les universités ? Avez-vous pu bénéficier du soutien d’anciens qui possédaient encore une connaissance de l'environnement industriel ?

Céline Ruess, conservatrice du Museum Vieille-Montagne, entend développer le travail avec les habitants qu’elle considère comme un axe de développement très important. En deux ans, plusieurs projets ont été réalisés dans ce sens. L’ambition est d’intégrer les citoyens locaux et bénévoles à la vie du musée. Le terreau communal est fertile car la vie associative y est dynamique. Le Museum Vieille-Montagne se donne pour but de fédérer et de canaliser les énergies.

De même, plusieurs érudits locaux collaborent avec le musée. Firmin Pauquet en était jusqu’à son récent décès la figure de proue. Ses archives personnelles ont été versées aux Archives de l’État à Eupen tandis que sa collection de minéralogie et son fonds d’ouvrages sur la Vieille-Montagne ont été léguées au musée. Des collectes d’objets sont également organisées. Elles se heurtent toutefois à une difficulté : il n’existe plus beaucoup de témoignages de l’époque industrielle qui s’est achevée dans la première moitié du XX^e siècle. Malgré la fermeture de la mine au début des années 1880, la laverie puis l’usine d’oxydes de zinc ont continué à fonctionner jusque-là.

Au sein de VMH, on trouve aujourd’hui des anciens employés de la Vieille-Montagne, des collectionneurs et une quantité de spécialistes qui mettent successivement leurs compétences à disposition du projet muséal.

Avez-vous une politique de sauvegarde et de valorisation des archives industrielles ? Quels sont vos partenaires ?

Ce sujet est central pour notre association. Comme déjà évoqué, un des objectifs initiaux de l’association VMH est de valoriser les extraordinaires archives de l’entreprise Vieille Montagne. Lors du rachat de la Vieille Montagne en 1989 par l’Union Minière, et de la fermeture de son siège historique d’Angleur transféré à Bruxelles, ces archives, plutôt que d’être dispersées dans les sites de l’entreprise, ont été données à trois institutions liégeoises : le Musée de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège (MMIL) a reçu les objets, maquettes, affiches et sculptures ; l’Université de Liège (CHST), le fonds iconographique : photos, aquarelles, les catalogues… et les Archives de l’État-Wallonie le fonds documentaire, le plus important en fait. Il s’agit certainement d’un des fonds industriels les plus riches et les plus complets en Europe car il concerne un fleuron de l’industrie métallurgique qui a eu, dès la moitié du XIX^e siècle, une activité internationale et qui est resté leader jusqu’au début des années 1960.

Nous sommes fiers de compter l’AVAE comme partenaire et membre de notre association. Son directeur, motivé par la qualité de la matière disponible et par l’importance de l’enjeu, a rapidement décidé de participer lui aussi au financement. Fin 2019, deux archivistes chevronnés ont commencé le classement d’environ 180 mètres linéaires de documents sélectionnés pour leur densité d’informations (en particulier les rapports annuels d’activité du siège, des différentes filiales et des sites implantés à travers le monde). Leur travail a déjà permis à plusieurs membres de l’association d’éditer des ouvrages très complets sur des sites VM en Suède (site d’Ammeberg) et en Italie (site de Porto Flavia).

L’exploitation minière et industrielle a dû transformer inévitablement le paysage. Avez-vous pris en considération cet aspect et si oui, comment l’avez-vous intégré au discours muséographique ? Quel travail faites-vous pour la réappropriation du paysage : passage d’un paysage industriel à un paysage touristique ? Pour transformer un paysage minier, pollué de surcroît, en site patrimonial ?

Le Museum Vieille-Montagne occupe une position centrale qui permet d’embrasser, depuis l’étage du bâtiment, l’ancien paysage minier. Il propose, dans le cadre d’un partenariat avec l’asbl Ardenne & Gaume, de compléter la visite du parcours intérieur par une promenade commentée au cœur de la halde calaminaire du Casino Weiher. Le site a été constitué suite au dépôt de remblais calaminaires. Il abrite aujourd’hui une flore et une faune métallophytes exceptionnelles. De nombreux sites calaminaires de ce type existent dans la région de La Calamine et plus globalement en région liégeoise. Sur ces sites très chargés en métaux lourds (zinc et plomb essentiellement), la nature a repris ses droits. Des espèces rares s’y installent. La préservation de ces sites sous forme de réserves naturelles protégées est un beau clin d’œil de l’histoire. Mais il convient de bien circonscrire la pollution qui, s’agissant de métaux lourds, est particulièrement stable. C’est un processus de patrimonialisation intéressant qui permet de protéger les traces du passé industriel par le biais de la protection de l’environnement.

Est-il facile de trouver des moyens et ressources pour mettre en œuvre vos projets présents et futurs ? La recherche de moyens financiers, auprès d’administrations, de collectivités, de mécènes est-elle relayée efficacement par les plateformes du type Leetchi ou Dartagnans ?

Pour notre association, la recherche de moyens financiers constitue naturellement un objectif fondamental. Un groupe de travail spécifiquement dédié à cet objectif vient d’être constitué dans le cadre du dernier conseil d’administration de notre association (octobre 2020). Ce groupe de travail sur le financement est centré sur la recherche de ressources au sens large, et en particulier des ressources financières pour alimenter les projets de l’association et lui permettre de respecter ses engagements. Il entend négocier avec d’éventuels sponsors, bienfaiteurs, entreprises publiques ou privées et associations ayant des intérêts et objectifs communs à ceux de notre association. Il va également étudier les dossiers de demande de subsides. Une opportunité serait de solliciter le fonds du European Year of Heritage ou encore de s’inscrire dans un réseau de sites industriels belges. La position de La Calamine au cœur de l’Euregio et de la Grande-Région constitue par ailleurs une opportunité de donner à nos projets de développement une dimension internationale qui est dans notre ADN. Les fonds Interreg pourraient par exemple être sollicités. Un autre axe de développement réside dans l’accroissement du nombre d’adhérents dans les trois catégories (individuels, associations, entreprises). À terme, d’autres pistes seront examinées comme la vente de produits ou les études ou prestations intellectuelles.

Outre l’ambition patrimoniale, quel intérêt ce projet représente-t-il pour les collectivités territoriales amenées à soutenir vos efforts ?

Au-delà des enjeux patrimoniaux qui sont déterminants, notre projet fait écho à des enjeux identitaires soulevés notamment par David van Reybrouck dans son ouvrage « Zinc » paru en 2016. Il y raconte l’histoire d’Emil Rixen dont il met en perspective les cinq changements de nationalité : né à Moresnet-Neutre en 1903, sujet de l’empire allemand en 1915, citoyen belge après le traité de Versailles en 1919, sujet du troisième Reich de 1940 à 1945 et, à ce titre, prisonnier de guerre allemand, et finalement Belge. Une réflexion sur les rapports entre hommes et frontières émerge du parcours de ce personnage qui a littéralement été traversé par les frontières. À travers son parcours, l’auteur amène un supplément d’âme à un chapitre atypique de l’histoire du droit international, de la géopolitique et… de l’industrie.

La région dans laquelle notre association est ancrée est fondamentalement marquée par son caractère frontalier. Et la Vieille-Montagne, elle-même, qui fut on l’a dit l’une des premières multinationales du monde, a cultivé dès son origine en 1837 une dimension internationale. Participer aux recherches sur la singularité de cette zone frontalière constitue un challenge qui mobilisera notre association.

Avez-vous fait des recherches en archéologie industrielle sur le site (archéologie du site minier, ou d’ateliers industriels…) ?

Dans les réseaux du Museum Vieille-Montagne et de notre association, gravitent une série d’hommes de terrains, collectionneurs, minéralogistes passionnés par certains aspects du passé minier de la région de La Calamine. Certains disposent de connaissances et de documents très précieux, notamment à propos des anciens puits et galeries qui abondent dans les sous-sols. Depuis le Museum, la conservatrice Céline Ruess souhaite lancer plusieurs projets en matière d’archéologie industrielle. Il s’agit d’un chantier en pleine construction qui suppose une synergie avec notre association et permettra notamment de réaliser des recherches archivistiques venant en soutien de ce projet. L’ambition serait de mieux documenter l’histoire du site. À cet égard, le travail de numérisation et de valorisation des collections iconographiques de l’Université de Liège (qui dispose d’un superbe fonds iconographique Vieille-Montagne) constitue une opportunité. Les recherches devraient également porter sur les rares vestiges que l’on trouve dans l’environnement immédiat du musée dont un ancien four de calcination et ce qu’il subsiste de l’ancienne usine à oxydes.

Votre association a-t-elle des liens avec les autres sites miniers et industriels qui ont été ouverts ou exploités par La Vieille Montagne, en Belgique et dans le reste de l’Europe ? Quels sont vos projets à cet égard ? Si oui, avez-vous l’ambition de mettre en œuvre une politique de valorisation cohérente et commune à l’ensemble de ces sites ?

L’association VMH a dès son origine intégré la dimension internationale de l’entreprise Vieille Montagne, puisqu’elle est constituée en AISBL, association internationale sans but lucratif. Très peu d’associations de ce type sont créées chaque année en Belgique et de ce fait, elles sont enregistrées avec l’aval du Roi !

La dimension européenne se retrouve également dans les nationalités des membres de l’association et de son conseil d’administration. Outre leur pays, ils représentent le plus souvent un site industriel ancien ou toujours actif de l’entreprise. Les pays les plus représentés sont la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Angleterre et la France. Nous échangeons en français, anglais et allemand.

La carte des sites de la Vieille Montagne forme, de l’Afrique du Nord à la Suède, de l’Angleterre à l’Italie, un réseau suffisamment dense pour que nous ayons mis en réflexion dans les projets de l’association, celui d’un « Parcours Européen du Zinc », une sorte de chemin industriel valorisant l’extraordinaire saga de cette entreprise hors normes, des femmes et des hommes qui l’ont développée pendant deux siècles.

Ce type de projet transfrontalier valorisant des archives industrielles de qualité est tout à fait éligible à l’obtention de subsides des services de la Culture de la Communauté Européenne via notamment les fonds du European Year of Heritage. Nous préparons un dossier en ce sens en sachant que les délais de préparation, de présentation et d’obtention de ces subsides se comptent en années ! Par ailleurs, certains membres de VMH (MMIL, Musée de l’Altenberg à Oberhausen) sont eux-mêmes déjà en réseau avec d’autres musées ou institutions locales.

Quelles relations entretenez-vous avec les différentes instances européennes (EACEA, Union Européenne, Conseil de l’Euro, fonds FEDER, Fonds Interreg) ?

Comme évoqué plus haut, les Fonds Interreg pourraient être sollicités dans le cadre de recherches de moyens financiers supplémentaires. Rappelons également notre réflexion sur la mise en place d’un « Parcours européen du zinc » ou notre volonté de préparer un dossier de candidature pour le fonds de l’European Year of Heritage.

En définitive, outre l’aboutissement du parcours de patrimonialisation et de restauration, quelles sont les principales réussites révélées par ce projet ? Quel message souhaiteriez-vous transmettre à ceux qui pourraient hésiter avant de se lancer dans un projet très stimulant mais aussi très ambitieux ?

Le fait de rassembler des énergies, des profils et des compétences, de les fédérer et de les valoriser constitue un challenge extrêmement passionnant. Les profils de nos membres sont marqués par une grande diversité mais la passion commune pour l’histoire et le patrimoine industriel guide notre cheminement collectif. La première réussite que nous avons connue réside dans notre création elle-même après l’événement fondateur de Nenthead. Ensuite, le défi de la valorisation du patrimoine industriel constitue un chantier particulièrement stimulant car tout ou presque reste à faire. La démarche de notre association peut être assimilée à un acte militant sur certains plans.

Pour vous, quels seront les grands projets à venir, souhaités ou rêvés ? À votre avis, comment va évoluer la relation au patrimoine technique/industriel dans le quart de siècle à venir ?

Nos ambitions sont de poursuivre la valorisation des archives et de toute documentation relative à l’histoire du zinc et plus globalement de la métallurgie. Nous voulons ouvrir des chantiers de longue haleine pour lesquels une association comme la nôtre apporte une plus-value. Dans une région de vieille industrie comme la Wallonie, ces enjeux sont cruciaux car ils touchent à l’identité, la culture et l’enseignement.

En matière d’histoire industrielle, les discours nostalgiques ou post-traumatiques ont longtemps dominé dans le paysage wallon. Depuis les années 1970, le phénomène de désindustrialisation a induit une vision particulière du passé industriel et du patrimoine qui l’incarne. En Wallonie, le patrimoine immobilier lié à la métallurgie est peu protégé. C’est plus particulièrement le cas en ce qui concerne la sidérurgie et les sites accueillant des hauts-fourneaux. Mais dans le débat actuel (entamé depuis l’extinction des derniers hauts-fourneaux wallons au début des années 2010), la métallurgie du zinc est invisible. Cette absence illustre l’ampleur de la tâche qui nous attend.

Contribuer à valoriser les matériaux documentaires, améliorer les connaissances sur l’histoire de l’industrialisation de nos régions et de l’Europe, communiquer vers le public, etc., ces missions nous forcent à promouvoir un discours circonstancié sur l’aventure industrielle de la Vieille-Montagne et sa signification. Ce sujet de recherche concerne une palette très large de dimensions et se trouve à l’interface de plusieurs disciplines ou écoles : l’histoire des techniques, l’histoire économique, l’histoire des entreprises, l’histoire environnementale.