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I - Les dynamiques démographiques et de peuplement des îles

Pressions démographique et touristique dans les îles des archipels des Canaries et des Baléares (Espagne)

The Canary and Balearic Islands (Spain): demographic and tourist pressure in a comparative perspective
Alberto Capote Lama et José Antonio Nieto Calmaestra

Résumés

Les deux archipels espagnols, les îles Canaries dans l’océan Atlantique et les îles Baléares dans la Méditerranée, constituent actuellement deux des communautés autonomes qui connaissent la plus forte croissance démographique en Espagne. Celle-ci devrait se prolonger au cours des prochaines années. Cette dynamique démographique a été amorcée par la spécialisation économique dans le tourisme des deux territoires au cours des dernières décennies du XXe siècle. Ces dernières années, le nombre d’arrivées touristiques n’a cessé de croître, l’Espagne devenant la deuxième destination mondiale. L’objectif de cet article est d’analyser, dans une perspective comparative, comment le tourisme de plus en plus massif de ces dernières années a coïncidé avec une croissance démographique fondée notamment sur un solde migratoire positif. Au-delà du contraste entre les espaces insulaires et l’Espagne continentale, l’attention est également portée sur les différences au sein de chaque archipel.

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Texte intégral

1/ Introduction

1Le 20 avril 2024, une manifestation importante a eu lieu aux îles Canaries pour protester contre le modèle touristique actuel. La population demandait un moratoire sur le tourisme, la réglementation du logement et l’introduction d’une écotaxe. Un mois plus tard, dans la ville de Palma de Mallorca, aux Baléares, une manifestation similaire s’est également tenue : l’objet de la protestation était une fois de plus le tourisme de masse et, en particulier, son influence sur l’augmentation des prix de l’immobilier. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, l’Espagne était le deuxième pays au monde en termes de touristes internationaux en 2023. Selon l’Institut national de la statistique espagnol (INE) et ses statistiques des mouvements touristiques aux frontières (Frontur), 85,2 millions de touristes internationaux sont entrés dans le pays, un nombre record, supérieur aux niveaux d’avant la pandémie de 2020. Les îles Baléares et les îles Canaries sont particulièrement touchées par l’importance de ces flux de touristes : elles ont accueilli le tiers de ces derniers et elles constituent en 2023 les deuxième et troisième destinations touristiques espagnoles.

2Les critiques du modèle touristique des deux archipels ne sont pas récentes. Dans les deux cas, le modèle actuel de tourisme massif, qui s’appuie largement sur les stations balnéaires, trouve ses racines dans les années 1960 avec le plan de stabilisation du gouvernement franquiste de 1959, dans lequel le tourisme est devenu l’un des éléments clés de l’ouverture du pays sur l’extérieur [Jerez Darias et Martín, 2021 ; Domínguez Mújica, 2008 ; Rullan, 1999]. Depuis, les deux territoires ont connu une profonde transformation économique, territoriale et sociale fondée sur le développement touristique. De territoires éminemment ruraux, les deux archipels sont devenus en seulement 20 ans dépendants de l’activité tertiaire, principalement touristique. La condition d’insularité, ainsi que les politiques propres au gouvernement central et régional dans chacune des îles, ont conduit à un développement économique presque exclusivement basé sur le tourisme au cours de la seconde moitié du XXe siècle, qui s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui |Pons Esteva y Rullan, 2020 ; Díaz Hernández y Parreño, 2005]. Dans le cas des îles Canaries, cette vision du développement touristique comme seule alternative économique viable a été renforcée après l’éruption volcanique qui a dévasté une partie de la vallée de l’Ariane à La Palma en 2021 [Pérez, 2023].

3La très forte croissance du tourisme ces dernières années a fait que les deux communautés ont été pionnières en Espagne en établissant des moratoires sur le contrôle des flux touristiques par leurs gouvernements régionaux, en quête d’une plus grande durabilité, notamment pour réglementer la création de nouveaux hébergements touristiques. Cependant, les différentes initiatives lancées n’ont pas atteint les objectifs recherchés en raison de la pression des grands promoteurs et des entreprises touristiques [Simancas Cruz, 2023].

  • 1 Les communautés autonomes en Espagne sont des entités territoriales dotées d’une autonomie politiqu (...)

4Selon les statistiques annuelles de la population de l’INE, les deux communautés autonomes1 occupent également les premières positions en termes de croissance démographique depuis le début du siècle. Entre 2000 et 2023, le nombre d’habitants de la communauté autonome des îles Baléares a augmenté de 43 %, plus du double de celle de l’Espagne dans son ensemble (18,7 %) : il s’agit de la plus importante croissance démographique enregistrée parmi les communautés autonomes espagnoles. Les îles Canaries ne sont pas bien loin : avec un taux d’accroissement de 28,9 % en 23 ans, elles se classent au quatrième rang des communautés les plus dynamiques sur le plan démographique, après Madrid et la Région de Murcia.

5On s’attend en Espagne à ce que cette dynamique perdure. Selon les projections de population de l’INE pour la période 2024-2074, si les tendances démographiques actuelles se poursuivent, les îles Canaries et les îles Baléares pourraient devenir, avec la Région de Murcia, deux des trois communautés autonomes à la plus forte croissance démographique : les populations de ces deux archipels pourraient encore croître de plus de 21 % (îles Baléares) et de plus 13 % (îles Canaries) d’ici à 2040. Ce dynamisme est surtout porté par le solde migratoire ; dans ces deux archipels, le solde naturel, lourdement pénalisé par une fécondité très faible, est parmi les plus bas du pays.

6Cette situation, qui n’est déjà pas sans poser des problèmes, risque d’être de plus en plus difficile à contenir sur un espace géographique très contraint. L’objectif de ce travail est donc de proposer une analyse approfondie de l’interaction entre dynamiques démographiques et développement touristique dans les deux archipels espagnols des îles Baléares et Canaries. La comparaison avec la situation générale en Espagne continentale permettra de mieux saisir les éventuelles particularités de ces territoires insulaires. In fine cet article a pour ambition d’apporter des éléments aux débats politiques et publics autour des problématiques telles que l’accès au logement et la gestion des flux migratoires dans les espaces qui font face au tourisme de masse.

7Les questions auxquelles on souhaite plus particulièrement répondre dans cet article sont les suivantes :

  • Comment le développement du tourisme a-t-il contribué à l’augmentation de la pression démographique dans les deux archipels espagnols ?

  • La croissance démographique de ces deux communautés autonomes a été la plus rapide d’Espagne. Sur quoi repose cette dynamique démographique ?

8A priori nous faisons l’hypothèse que la pression touristique de ces dernières années n’est pas une spécificité de ces deux archipels, mais que son intensité est en revanche bien supérieure à celle de l’Espagne continentale, tant en raison de son volume que des caractéristiques insulaires de ces deux territoires. L’augmentation du tourisme a coïncidé avec l’augmentation de la population, ce qui se traduit par des territoires particulièrement denses mais qui présentent une certaine diversité en leur sein.

9Pour répondre à ces deux questions générales, nous proposons dans un premier temps de quantifier l’effet des touristes sur l’augmentation de la pression anthropique des deux archipels. Ensuite, nous décomposerons la dynamique démographique de ces deux territoires, avec une attention particulière sur le rôle de l’immigration. Les données pour le calcul des différents indicateurs utilisés dans cet article proviennent de l’INE. Ces deux parties sont précédées d’une présentation du contexte géographique des deux archipels et des sources et méthodes mobilisées.

2/ Présentation des territoires insulaires espagnols

10Les îles Canaries et îles les Baléares représentent deux des 17 communautés autonomes qui composent actuellement l’Espagne.

Figure 1. Localisation des îles Baléares et Canaries

Figure 1. Localisation des îles Baléares et Canaries

Source : Institut Géographique National. Réalisation : auteurs

11Les îles Canaries sont un archipel d’origine volcanique situé dans l’océan Atlantique, face aux côtes de l’Afrique, à plus de 1 000 km de la péninsule ibérique (figure 1). Elles sont considérées comme une région ultrapériphérique par l’Union européenne (UE). Malgré leur éloignement du continent européen, elles font donc partie de l’espace Schengen. L’archipel est composé de sept îles réparties en deux provinces. La province de Santa Cruz de Tenerife comprend les îles d’El Hierro, La Gomera, La Palma et Tenerife. Dans la province de Las Palmas se trouvent les îles de Fuerteventura, Gran Canaria et Lanzarote. Les îles Canaries sont actuellement la huitième communauté autonome espagnole en termes de population.

12Le relief de l’archipel est très accidenté. Le plus haut sommet d’Espagne se trouve même sur l’île de Tenerife : le volcan Teide, avec une altitude de 3 718 m.

13Le climat est chaud et subtropical océanique, les températures sont tempérées et les précipitations sont faibles. Bien que le modèle touristique prédominant soit « plage et soleil », il convient de noter que plusieurs îles disposent de grands espaces protégés qui sont très attractifs sur le plan touristique. Cinq des sept îles ont en effet été déclarées réserves mondiales de biosphère par l’Unesco : Lanzarote (en 1993), El Hierro (en 2000), La Palma (en 2002), Fuerteventura (en 2009) et La Gomera (en 2012).

14Les sept îles diffèrent les unes des autres en fonction de plusieurs variables telles que leur taille, leur population et leurs activités économiques. Les deux îles les plus peuplées sont, de loin, Gran Canaria et Tenerife, toutes deux avec un nombre de personnes recensées proche d’un million d’habitants. À l’autre extrémité, on trouve l’île d’El Hierro où vivent à peine plus de 11 000 personnes (tableau 1). Une classification est généralement établie sur ce critère démographique entre les îles mineures (La Gomera, El Hierro et la Palma) et les îles principales (Fuerteventura, Lanzarote et donc Gran Canaria et Tenerife). Ces îles se distinguent également par leur attractivité touristique. Jerez Darias et Martin [2024] observent ainsi qu’il existe un groupe d’îles, celui des « îles touristiques », qui concentre en grande partie les avantages et les inconvénients du tourisme, tandis que les autres îles, comme La Gomera, fonctionnent comme des espaces complémentaires ou alternatifs.

15Les îles Baléares constituent également une communauté autonome en Espagne. Elles sont situées en Méditerranée, au large de la côte orientale de la péninsule ibérique (figure 1). L’archipel est composé de deux groupes d’îles et de nombreux îlots : d’une part, les îles Gimnesias, qui correspondent aux îles de Mallorca et Menorca, ainsi que plusieurs îlots voisins ; d’autre part, les îles Pitiusas, qui comprennent Ibiza et Formentera, ainsi que d’autres îlots. Mallorca est l’île la plus grande et la plus peuplée ; c’est là aussi que se trouve la capitale politique de la communauté : Palma.

16Le relief des îles est une extension des monts Bétiques péninsulaires. Le massif montagneux le plus important est la Sierra de Tramontana (1 445 m) sur l’île de Majorque. Le climat est de type méditerranéen maritime, avec des températures hivernales douces et des températures estivales modérées.

17La situation géographique en Méditerranée a fait des îles Baléares l’une des destinations privilégiées du tourisme international en Europe. Par exemple, en Espagne, c’est la principale destination du tourisme de croisière [Buades, 2012]. Les îles Baléares disposent également de plusieurs espaces naturels protégés, parmi lesquels cinq ont été classés par l’Unesco. Par exemple, l’île de Menorca est reconnue comme réserve de biosphère et la vieille ville d’Ibiza est reconnue comme site du patrimoine mondial.

Tableau 1. Principales caractéristiques démographiques et géographiques des îles

Territoire

Population en 2023

Surface (Km2)

Densité (habitants/km2)

Ville principale

Îles Baléares

1 209 906

4 998

242

 

Formentera

11 389

83

137

San Francisco Javier

Ibiza

159 180

573

278

Ibiza

Mallorca

940 332

3 640

258

Palma

Menorca

99 005

702

141

Mahón

Îles Canaries

2 213 016

7 447

297

 

Fuerteventura

124 152

1 660

75

Puerto del Rosario

Gran Canaria

862 893

1 560

553

Las Palmas de Gran Canaria

Lanzarote

158 798

846

188

Arrecife

Province de Las Palmas de Gran Canaria

1 145 843

4 066

282

 

La Gomera

22 361

370

60

San Sebastián de la Gomera

El Hierro

11 659

269

43

Valverde

La Palma

84 338

708

119

Santa Cruz de la Palma

Tenerife

948 815

2 034

466

Santa Cruz de Tenerife

Province de Santa Cruz de Tenerife

1 067 173

3 381

316

 

Source : INE. Calculs : auteurs

18Du point de vue administratif, les îles, comme le reste du territoire espagnol, sont divisées en municipalités (88 aux Canaries et 67 aux Baléares), bien qu’au niveau local chaque île ait son propre gouvernement : aux îles Canaries, on trouve les « cabildos » et aux îles Baléares, les conseils insulaires.

  • 2 Réglementé par le décret 382/1986 du 10 février, le Registre des entités locales est une sorte d’in (...)
  • 3 Source : Ministère du Logement et de l’Agenda urbain.

19Concernant la distribution territoriale de la population, les deux archipels font partie des communautés autonomes ayant la plus forte densité de population d’Espagne : selon les données du Registre des entités locales2, en 2023, les îles Canaries, avec 296 habitants par km2, occupent la troisième position et les îles Baléares, avec 240 hab./km2, la cinquième, bien que les deux territoires disposent de vastes zones protégées qui couvrent, selon l’Annuaire des zones protégées, 17,5 % de la superficie des îles Baléares et 45 % de celle des îles Canaries. Cela signifie donc que la population se concentre très fortement ailleurs (figure 2), et tout particulièrement dans les grandes agglomérations des villes : dans les îles Baléares, Palma et Las Palmas comptent ainsi chacune plus d’un demi-million d’habitants (respectivement 546 et 538 mille habitants), tandis qu’aux Canaries, Tenerife-La Laguna en compte 396 mille3. La population se masse également dans le sud de l’île de Tenerife, le sud d’Ibiza ou à l’est de l’île de Gran Canaria. Ces concentrations démographiques recoupent les principaux centres d’attraction touristique.

Figure 2. Distribution géographique de la population dans les îles (en 2023)

Figure 2. Distribution géographique de la population dans les îles (en 2023)

Source : INE. Recensement annuel de la population. Réalisation : auteurs.

3/ Méthodologie et sources

3.1 Mesures de la pression touristique

20Pour quantifier la pression touristique, nous avons retenu deux indicateurs : d’une part, la pression démographique réelle sur le territoire, c’est-à-dire l’effet démographique conjoint qu’ont le stock permanent d’habitants et la présence non permanente des flux de touristes ; d’autre part, la pression sur le marché immobilier.

a) Mesure de la pression démographique réelle sur le territoire

21Pour construire l’indicateur de pression démographique réelle sur le territoire, plusieurs sources ont été mobilisées (tableau 2).

Tableau 2. Calcul de la pression démographique réelle sur le territoire

DONNÉES

SOURCE

PÉRIODICITÉ

OPÉRATIONS

Estimation Population recensée
(stock de résidents permanents)

Statistiques démographiques continues (INE)

Trimestrielle

Estimation population mensuel
(A)

Solde de visiteurs
(Flux de touristes)

Mesure du tourisme à partir de la position des téléphones portables (INE)

Mensuelle

Différence entre les entrées et sorties des visiteurs d’un lieu, (tant nationaux qu’étrangers)
(B)

Surface des territoires

Registre des entités locales

Annuelle

(C)

Pression démographique réelle sur le territoire

 

 

(A+B)/C

22L’estimation de la population permanente s’appuie sur une source classique et robuste, celle des Statistiques démographiques continues, qui est produite chaque trimestre par l’INE.

  • 4 On peut consulter les projets techniques et tous les détails de cette source statistique sur le sit (...)

23Le nombre de visiteurs s’appuie pour sa part sur une ressource bien plus originale. Il s’agit en effet d’une statistique expérimentale de l’INE, qui mesure le tourisme à partir du signal de téléphonie mobile4. Le signal des portables permet d’estimer le mouvement des personnes dans un environnement précis. À partir de ces statistiques expérimentales de l’INE, il est possible de connaître les mouvements d’envoi et de réception des appels et ainsi de déterminer les entrées sur le territoire, celles en provenance de l’étranger comme celles en provenance des autres territoires espagnols. C’est la seule source statistique en Espagne qui, tout en garantissant l’anonymat, permet de suivre et de quantifier les touristes grâce à leurs traces téléphoniques.

24Comme il s’agit d’une statistique expérimentale de l’INE, les données ne sont disponibles que depuis l’année 2019. Cependant, nous avons fait l’analyse pour les années 2022 et 2023, qui correspondent à la reprise de l’activité touristique après la pandémie de Covid-19. Seules les données de 2022 et 2023 sont analysées car, en 2019, elles ne sont pas disponibles pour toute l’année et en 2020 et 2021, le Covid-19 a entrainé des variations dans la fréquentation touristique qui ne rendent pas compte de la situation « normale ». En revanche, à partir de 2022, les données se stabilisent et sont beaucoup plus révélatrices de la réalité.

25La périodicité de ces informations est mensuelle, tandis que les données issues des Statistiques démographiques continues (INE) sont publiées tous les quatre mois. Nous avons donc décomposé par interpolation ces données semestrielles afin d’estimer la population présente chaque mois, et ainsi coupler cette information avec celle relative aux flux de touristes.

26Avec l’ensemble de ces données, il est donc possible de calculer un solde de visiteurs. Si on ajoute ce solde au volume de la population recensée, on peut donc approcher la population totale supportée par un territoire, que l’on peut ensuite rapporter à la superficie du territoire étudié. Celle-ci est connue grâce au registre des entités locales, qui actualise chaque année les informations sur la superficie des entités administratives. De ce fait, l’indicateur de pression démographique réelle peut être calculé aussi bien au niveau de la communauté autonome que pour chaque île séparément. Cette pression démographique réelle par unité de surface permet des comparaisons entre territoires. On peut faire des bilans mensuels et annuels et ainsi mettre en évidence le poids de la saisonnalité.

b) Mesure de la pression du secteur touristique sur le marché immobilier

27Concernant la pression sur le marché du logement du secteur touristique, la prolifération des logements destinés à un usage touristique a été mesurée à partir du nombre de logements existants de ce type et de leur proportion dans le nombre total de logements. Pour quantifier le nombre de logements touristiques existants, l’INE publie une autre statistique expérimentale qui mesure le nombre de ce type de logements et leur capacité (nombre potentiel de résidents) à partir de données obtenues par la technique du web scraping. Ce procédé informatique permet d’extraire les données des trois plateformes d’hébergement touristique les plus utilisées en Espagne. En plus du nombre de logements, il est donc possible de déterminer le nombre total de places touristiques disponibles. Ces données permettent de quantifier l’un des impacts les plus contemporains de l’activité touristique sur la démographie locale. Les données sont disponibles pour les mois de février et août depuis mi-2020. L’indicateur des logements touristiques sur le total peut aussi être calculé pour les communautés autonomes et par île.

  • 5 Les données sur les hébergements touristiques sont disponibles depuis 2020. Cependant, comme ous l’ (...)

28Toutefois, avec cette source de données, il y a un petit écart dans la date de référence de l’information puisque les informations sur les logements touristiques se réfèrent à 2023 et les données sur le total des logements à 20215. Mais nous pouvons considérer que les années de livraison des données sont suffisamment proches pour que le parc de logements n’ait pas évolué de manière trop importante et garantisse ainsi la robustesse de l’ordre de grandeur des indicateurs calculés.

3.2 Mesure et décomposition du mouvement démographique

29La mesure du mouvement démographique et sa décomposition en soldes naturel et migratoire s’est de son côté appuyée sur diverses ressources classiques et éprouvées. L’INE publie en effet chaque année diverses sources essentielles pour les études démographiques en Espagne :

  • le Registre municipal des habitants (le Padrón) est un registre administratif dans lequel sont enregistrés les habitants de chaque commune. Il sert à établir la population officielle de tout territoire. Il offre également des informations sur les caractéristiques structurelles de la population : âge, sexe, nationalité et lieu de naissance. C’est donc une source essentielle pour analyser la croissance démographique et tout ce qui touche à sa structure ;

  • les statistiques du mouvement naturel de la population, où, entre autres données, sont collectées les naissances et les décès enregistrés chaque année, ce qui permet d’étudier la croissance naturelle de la population.

  • 6 C’est pourquoi, par exemple, en plus d’être exprimés en unités différentes, les soldes migratoires (...)

30Pour étudier les migrations, il existe deux procédures : l’utilisation de l’équation d’équilibre classique, qui consiste à soustraire les chiffres du solde naturel du solde total. On détermine ainsi le solde migratoire apparent. L’autre possibilité, pour une approche plus détaillée des migrations, est d’utiliser les statistiques de variation résidentielle, récemment rebaptisées statistiques des migrations et des changements de résidence. En substance, il s’agit d’une exploitation d’informations liées aux inscriptions et aux changements de résidence dans les registres municipaux des habitants. Les renseignements ainsi obtenus sur les changements de résidence et les lieux d’origine et de destination permettent de différencier l’immigration et l’émigration des étrangers et les mouvements d’Espagnols qui se produisent à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Mais cette source enregistre les mouvements et non les personnes. Il faut donc tenir compte du fait qu’une même personne, tout au long de l’année, peut effectuer plusieurs changements de résidence et sera donc comptée plusieurs fois. L’agrégation des changements de résidence ne permet donc pas de retrouver le solde migratoire apparent. Selon la méthode mobilisée, la mesure du solde migratoire peut donc être différente. Plutôt que d’opérer une correction pour donner l’illusion d’une cohérence parfaite entre les différentes mesures, nous avons préféré diffuser les résultats tels qu’ils sont déterminés à partir de chacune de ces deux démarches. Elles conduisent toutefois aux mêmes constants généraux6.

4/ La pression touristique

  • 7 Au moment de la rédaction de cet article, nous ne disposons pas des données pour l’ensemble de l’an (...)

31Ces dernières années, il est courant de trouver dans la presse espagnole des informations sur l’impact de la croissance du tourisme dans les deux archipels espagnols et sur les débats politiques au sein des deux gouvernements autonomes. Les titres de la presse et des journaux télévisés reflètent l’ampleur parfois jugée excessive de l’activité touristique et la pression sur la population, notamment en ce qui concerne le marché immobilier. Il est anticipé que le record touristique sera une nouvelle fois dépassé en 2024, tant pour l’ensemble de l’Espagne que pour les deux archipels7. La fréquentation touristique dans les îles Canaries au mois de mai 2024 semble justifier ces perspectives : le seuil du million de visiteurs a été dépassé, un nombre inédit à cette période de l’année.

4.1 La pression démographique réelle sur le territoire

32Le rapport entre, d’une part, la somme des effectifs de touristes et d’habitants et, d’autre part, la superficie du territoire révèle une pression démographique bien plus élevée dans les deux archipels que dans le reste de l’Espagne (figure 3). Dans les deux archipels, la pression démographique est environ quatre fois plus importante que la moyenne nationale. Elle est aussi un peu plus élevée dans les Baléares qu’aux Canaries.

Figure 3. Pression démographique réelle sur le territoire (habitants + visiteurs par km2). (moyenne 2022-2023)

Figure 3. Pression démographique réelle sur le territoire (habitants + visiteurs par km2). (moyenne 2022-2023)

Sources : INE, statistiques démographiques continues ; statistiques expérimentales (mesure du tourisme à partir de la position des téléphones portables) ; Registre des entités locales. Calculs : auteurs.

33Mais le plus intéressant est de constater les contrastes entre les îles de chaque espace insulaire. Aux Baléares, Formentera, la plus petite île, atteint une valeur identique à celle d’Ibiza, l’une des plus connues au niveau international et cinq fois plus grande. Les deux îles partagent des éléments en commun tels que le paysage et le fait d’avoir été une destination dans les années 1960 pour les jeunes du monde entier aux idéaux hippies. Le tourisme à Formentera a été plus tardif, mais en dépit de ce retard dans son développement touristique, l’île est devenue l’une de celles qui ont le pourcentage le plus élevé d’appartements touristiques privés. Formentera a pourtant été la première île à prendre des mesures en vue de restreindre l’accès à certaines plages et de préserver ainsi autant l’environnement, détérioré par l’affluence des touristes, que la sécurité sur les routes avoisinantes [Cardona, 2017]. En fait, les deux îles proposent des formes de tourisme différentes mais complémentaires : tandis qu’Ibiza attire pour son intense vie nocturne, Formentera s’appuie sur sa nature et sa tranquillité apparente. Certains touristes partagent d’ailleurs leurs vacances entre les deux îles mais avec des usages différents.

34En ce qui concerne l’archipel des Canaries (figure 3), les densités les plus élevées se trouvent dans les deux îles les plus peuplées, Gran Canaria et Tenerife, et les plus faibles dans les îles plus petites. En fait, La Gomera et El Hierro, deux des îles surnommées « les îles vertes » pour leurs espaces protégés, atteignent des densités inférieures à celles de l’Espagne continentale ou de l’ensemble du pays. Ces résultats correspondent à ceux d’autres études antérieures qui montrent que la pression touristique est plus faible dans les îles Canaries occidentales (La Palma, La Gomera et El Hierro) qui sont moins développées sur le plan touristique à l’exception de Tenerife [Fernández Latorre y Díaz del Olmo, 2011].

35Il est essentiel d’observer également les résultats en fonction des mois de l’année ; les résultats sont en effet très contrastés entre l’Espagne continentale et les îles. Aux Baléares, la pression touristique peut être 5 à 7 fois supérieure à celle exercée ailleurs en Espagne (figure 4) pendant la haute saison, de mai à septembre. Entre les deux territoires insulaires, les différences sont très visibles : aux Baléares, comme dans le reste de l’Espagne, l’activité touristique a une forte composante saisonnière, tandis qu’aux Canaries elle se maintient tout au long de l’année avec des oscillations à peine visibles.

Figure 4. Pression démographique mensuelle (habitants + visiteurs par km2) en base 100 (référence : pression démographique moyenne en Espagne)

Figure 4. Pression démographique mensuelle (habitants + visiteurs par km2) en base 100 (référence : pression démographique moyenne en Espagne)

Lecture : Pour chaque mois, la valeur de la pression démographique de chaque territoire est rapportée à celle de l’ensemble de l’Espagne. En juillet 2023, la pression démographique réelle aux Baléares était donc plus de 7 fois supérieure à la moyenne nationale au cours de ce même mois.

Sources : INE, statistiques démographiques continues ; statistiques expérimentales (mesure du tourisme à partir de la position des téléphones portables) ; Registre des entités locales. Calculs : auteurs.

36Aux Baléares, malgré les efforts déployés depuis les années 1990 par les gouvernements régionaux successifs pour désaisonnaliser l’activité touristique, le modèle estival du soleil et de la plage continue de rythmer la fréquentation des touristes [Coll Ramis and Seguí Llinas, 2014]. Le climat constitue l’un des facteurs clés pour expliquer le phénomène de saisonnalité touristique à Mallorca. Même le tourisme rural souffre d’une forte saisonnalité [Cardona y Serra Cantallops, 2013]. Il faut cependant noter que la période estivale dure longtemps : les arrivées touristiques commencent à augmenter à partir d’avril et peuvent durer jusqu’au mois d’octobre. Cela signifie que les densités les plus élevées sont enregistrées pendant les mois de juin, juillet, août et septembre. On estime que les îles Baléares reçoivent presque le même nombre de touristes en quelques mois que les îles Canaries pendant quasiment toute l’année.

37Le panorama est différent aux îles Canaries. Par rapport à ses destinations concurrentes, situées principalement en Méditerranée, les îles Canaries sont la destination qui présente le moins de saisonnalité : il y a un plus grand équilibre dans l’arrivée des touristes tout au long de l’année [David Negre y Moreno Gi, 2023] grâce à des conditions météorologiques et des températures stables durant la majeure partie de l’année. Cette régularité relative tout au long de l’année de la présence touristique est bien montrée sur la figure 4.

4.2 Pression touristique sur le logement

38S’il est un impact du tourisme contesté par une partie de la population, c’est bien la croissance du nombre de logements destinés à un usage touristique ces dernières années, grâce à l’action d’entreprises de technologie numérique telles qu’Airbnb ou Homeaway [De la Calle, 2019 ; Sequera et Nofre, 2018]. Les deux territoires insulaires espagnols n’échappent pas à cette dynamique. En 2017, les îles Canaries sont devenues la quatrième communauté autonome d’Espagne où la demande pour ce type d’hébergement touristique est la plus élevée [Díaz Hernández et al., 2017]. Il s’agit d’un phénomène très répandu qui touche non seulement les principales îles et destinations touristiques des deux archipels, mais également les enclaves touristiques secondaires comme Menorca et La Palma. L’offre est principalement concentrée dans les centres historiques des principales villes de La Palma. Une situation similaire est observée à Menorca. Son augmentation commence à devenir visible à partir de 2014, tandis qu’en parallèle on constate une diminution des logements disponibles à la location pour les résidents [Yrigoy, 2017].

39Le tableau 3 présente les estimations du nombre de ce type d’hébergement touristique dans les îles des deux archipels pour l’année 2023.

Tableau 3. Part des logements touristiques dans l’ensemble des logements

Territoire

Ensemble des logements en 2021
[1]

Logements touristiques en 2023
[2]

Ratio
[2]/[1]

Baléares, îles

652 122

25 950

4,0 %

Formentera

6 969

887

12,7 %

Ibiza

78 915

3 634

4,6 %

Mallorca

505 728

17 998

3,6 %

Menorca

60 522

3 432

5,7 %

Canaries, îles

1 088 727

43 514

4,0 %

Fuerteventura

61 731

6 456

10,5 %

Gran Canaria

410 442

9 813

2,4 %

Lanzarote

79 092

7 343

9,3 %

Province de Las Palmas de Gran Canaria

551 265

23 612

4,3 %

La Gomera

15 042

918

6,1 %

El Hierro

6 921

494

7,1 %

La Palma

46 764

1 852

4,0 %

Tenerife

468 735

16 638

3,5 %

Province de Santa Cruz de Tenerife

537 462

19 902

3,7 %

Espagne péninsulaire

24 885 465

253 317

1,0 %

Espagne

26 626 314

322 780

1,2 %

Source : INE, statistiques expérimentales ; mesure du nombre de résidences touristiques en Espagne et de leur capacité. Calculs : auteurs.

40Nous pouvons constater que, sur toutes les îles, le ratio de logements touristiques par rapport au nombre de logements enregistrés lors du dernier recensement de la population espagnole est supérieur à la valeur nationale et à celle de l’Espagne continentale. Les valeurs sont élevées aussi bien dans les îles les plus grandes et les plus peuplées que dans les plus petites qui, en principe, subissent moins de pression touristique. C’est justement cette faible pression qui explique la rareté des infrastructures hôtelières réglementées (à moins que ce ne soit l’inverse), remplacées par une offre de logements touristiques à caractère plus informel. C’est le cas par exemple d’El Hierro aux îles Canaries, avec l’un des ratios les plus élevés. En effet, l’île d’El Hierro, qui est la plus petite et la moins peuplée, a fondé son activité économique sur l’agro-tourisme. Depuis deux décennies, elle a commencé à développer son activité touristique avec un modèle durable, mais elle présente peu à peu des signes qui peuvent la conduire vers le modèle dominant « soleil et plage » des autres îles [Martín Fernández, 2009].

41Selon le dernier rapport de la Banque d’Espagne (2024), le marché immobilier espagnol est devenu de plus en plus cher depuis 2014, à l’achat comme à la location. Cette hausse des prix présente des inégalités territoriales, affectant davantage les zones urbaines et touristiques. Cette augmentation s’explique par une augmentation de la demande due à la croissance de la population, à sa concentration dans les zones urbaines, à une évolution macro-économique positive après la période de crise de 2008-2014 et à l’intérêt accru pour l’achat comme investissement locatif. Parallèlement, le parc immobilier s’est réduit en raison de plusieurs facteurs, notamment la baisse de la construction de nouvelles habitations après le boom de la première décennie du siècle, ainsi que l’augmentation des logements destinés à la location touristique, en particulier dans les villes touristiques comme Ibiza et Palma, aux Baléares.

42Dans le cas des deux archipels, notamment dans les Îles Baléares, il faut ajouter un élément de pression supplémentaire : l’augmentation des résidences secondaires de la population étrangère non-résidente. Selon le rapport de la Banque d’Espagne (2024), les Îles Baléares sont la communauté autonome où le plus grand nombre de logements de ce type ont été vendus, atteignant un maximum historique en 2023 avec un quart des ventes totales. Les îles Canaries occupent la troisième position (21 % à la même date). Les acheteurs viennent principalement de trois pays : Allemagne, Royaume-Uni et France.

43Tout cela fait que les deux archipels, en particulier les îles Baléares, possèdent l’un des marchés immobiliers les plus chers d’Espagne, à la location et à l’achat (figure 5). La ville d’Ibiza représente un exemple éloquent de la crise du logement aux Baléares. C’est la ville où les prix à la location sont les plus chers d’Espagne après Barcelone. À Ibiza, la spéculation immobilière autour des résidences secondaires et des appartements touristiques a limité les offres de logements pour la population locale, y compris pour les travailleurs saisonniers pendant les mois de haute saison [Vives Miró et Rullan, 2020].

Figure 5. Évolution des prix du logement (base 100 en 2015)

Figure 5. Évolution des prix du logement (base 100 en 2015)

Source : Banque d´Espagne

5/ Des territoires qui attirent de plus en plus de population

5.1 Dynamique démographique

44Comme évoqué précédemment, l’archipel des Baléares est la communauté autonome espagnole qui a vu sa population augmenter le plus fortement entre 2000 et 2023. Les îles Canaries font également partie des régions qui ont connu une croissance supérieure à l’augmentation moyenne de l’Espagne : elles occupent la quatrième position (derrière les communautés de Murcie, Madrid et des îles Baléares). Plus précisément, la croissance démographique annuelle moyenne des îles Baléares et des îles Canaries au cours de la période 2000-2023 a été respectivement de +1,44 % et +1,02 %, tandis que pour l’ensemble de l’Espagne elle a été +0,69 % (tableau 4). En d’autres termes, le taux de croissance des îles Baléares a été le double de celui de l’Espagne continentale (+0,65 %) au cours de cette période. Cette tendance n’est pas nouvelle : elle existe depuis la fin du XXe siècle. En effet, la rapidité de la croissance démographique des îles était déjà notable dans les années 1960, coïncidant avec le passage d’un modèle économique qui s’appuyait sur le secteur primaire à une économie fondée sur le secteur tertiaire au premier rang duquel figure le tourisme [Alvarez et al., 2005, Fundación BBVA, 2008].

Tableau 4. Dynamique démographique des îles, 2000-2023 (moyenne annuelle en %)

Territoire

Taux de
croissance naturelle
annuel moyen
(en %)

Taux de
croissance migratoire
annuel moyen
(en %)

Taux de
croissance totale
annuel moyen
(en %)

Îles Baléares

0,19

1,25

1,44

Formentera

0,30

2,10

2,40

Ibiza

0,33

1,99

2,32

Mallorca

0,17

1,15

1,32

Menorca

0,17

1,07

1,24

Îles Canaries

0,12

0,91

1,02

Fuerteventura

0,55

2,39

2,94

Gran Canaria

0,08

0,53

0,61

Lanzarote

0,43

1,59

2,02

Province de Las Palmas de Gran Canaria

0,16

0,82

0,98

La Gomera

-0,14

0,95

0,8

El Hierro

-0,13

1,38

1,26

La Palma

-0,13

0,22

0,09

Tenerife

0,09

1,08

1,17

Province de Santa Cruz de Tenerife

0,07

1,00

1,07

Espagne péninsulaire

0,03

0,62

0,65

Espagne

0,04

0,65

0,69

Source : INE, recensement annuel de la population ; mouvement naturel de la population. Calculs : auteurs.

45Au sein des archipels, la croissance démographique a été très inégale d’une île à l’autre. Au Canaries, elle s’est concentrée surtout dans les deux îles centrales (Tenerife et Gran Canaria), à un degré moindre dans les îles de Lanzarote et Fuertenventura, et elle a été à peine perceptible dans les îles plus petites. Le principal moteur de cette croissance démographique a été l’immigration, en particulier de personnes en provenance d’Amérique latine en raison des liens historiques avec ce continent [Domínguez Mújica, 2006]. Les flux en provenance d’Europe et, plus récemment, d’Afrique ont également contribué à cette dynamique migratoire et donc démographique. En revanche, l’immigration en provenance d’autres régions espagnoles a été très modeste. En général, cette attractivité migratoire s’est concentrée dans les municipalités qui avaient commencé à bénéficier de la croissance du tourisme international [Díaz Hernández et Parreño Castellano, 2005].

46Dans les îles Baléares, la croissance la plus forte est constatée dans les îles de Formentera et d’Ibiza qui, comme mentionné précédemment, sont les îles où la pression touristique est la plus intense. La croissance au cours des années 2000-2023 a été plus de trois fois plus importante que celle de l’Espagne continentale. Ibiza présente également une croissance presque double de celle de l’autre île principale, Mallorca. L’attractivité migratoire a aussi connu des évolutions dans ses bassins privilégiés de recrutement. Le modèle migratoire a évolué d’une prédominance des migrants internes en provenance du continent à une diversification de l’origine des flux : ce sont d’abord ceux en provenance de l’Europe qui ont dominé, avant que l’arrivée de migrants africains et latino-américains ne s’intensifie [Salvà, 2012].

47Ces variations d’ensemble sur la période 2000-2023 sont le produit de dynamiques diverses au cours de ce premier quart de XXIe siècle. Dans les premières années, les composantes migratoire et naturelle ont toutes les deux contribué au dynamisme démographique : pendant un court moment, l’Espagne a en effet bénéficié à la fois d’un regain de sa fécondité (de la moitié des années 1990 jusqu’à la fin des années 2000) et d’un renversement du profil migratoire du pays qui, de pays d’émigration, est devenu pays d’immigration. Mais à partir de 2015, l’Espagne a commencé à avoir un solde naturel négatif qui perdure encore aujourd’hui, toutefois compensé par le rebond du solde migratoire dès que les effets de la crise économique de la fin des années 2000 se sont estompés.

48Les archipels espagnols ont eux aussi connu, en partie, ces renversements de tendance. Une dynamique naturelle comparable mais décalée dans le temps y a notamment été observée : aux Canaries, le solde naturel est devenu négatif trois ans après la partie continentale de l’Espagne, soit en 2018 ; il a fallu attendre quatre ans de plus, en 2022, pour que ce soit aussi le cas aux Baléares. Dans tous les cas, le facteur déterminant de la croissance démographique est un solde migratoire positif. La croissance naturelle est à peine perceptible et sa plus grande importance ne doit être soulignée que dans les îles d’Ibiza, Fuertenventura et Lanzarote, là où la croissance de la population a été la plus importante ces dernières années.

5.2 Les migrations

49L’Espagne a été un pays d’émigration au cours du XXe siècle et ce n’est qu’en 1999 qu’elle a connu un solde migratoire positif [Pérez Díaz, 2022]. Au cours des premières années de ce siècle, l’Espagne était la première destination européenne des flux migratoires internationaux. La crise économique de 2008 a interrompu cette dynamique et, pendant quelques années, le solde migratoire fut à nouveau négatif [Domingo et Sabater, 2013] : les flux d’entrées ont diminué, en même temps que les migrations de retour et les re-émigrations vers des pays tiers ont augmenté, sans oublier l’apparition d’une nouvelle émigration espagnole (pour la plupart, des jeunes espagnols ayant fait des études universitaires). Le solde migratoire est toutefois redevenu positif dès le recul de la récession économique.

50Entre les années 2000 et 2023, la proportion de population de nationalité étrangère en Espagne est passé de 2,2 % à 11,6 %, selon les statistiques de l’INE. Dans le cas des deux archipels espagnols, les pourcentages ont toujours été supérieurs à la valeur moyenne nationale : actuellement, la population de nationalité étrangère représente 13,2 % aux Canaries et 18,8 % aux Baléares. L’INE permet également de connaître la répartition des nationalités au sein de la population étrangère. Dans les deux cas, on retrouve une pluralité de nationalités, mais les origines européennes dominent. Aux îles Canaries, la nationalité qui se démarque clairement est celle des Italiens. Avec les Allemands, les Britanniques et les Français, cet ensemble d’immigrés représente 39 % de la population de nationalité étrangère sur l’archipel. Les autres nationalités qui se démarquent sont les Marocains et certaines origines latino-américaines, principalement vénézuélienne. Aux Baléares, la première nationalité est celle des Marocains, suivis de près par les Italiens. Les étrangers originaires d’Italie, de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni représentent 31 % de la présence étrangère dans cet archipel.

51Les statistiques de variations résidentielles, calculées à partir des données du Registre de population, permettent d’avoir une estimation des taux d’émigration et d’immigration des différentes îles (tableau 5).

Tableau 5. Dynamique migratoire des îles, 2000-2023 (Taux annuels moyens en ‰)

Territoires

Taux d'immigration
(pour 1000)

Taux d'émigration
(pour 1000)

Taux de migration nette
(pour 1000)

Îles Baléares

48,11

38,24

9,87

Formentera

81,53

56,12

25,41

Ibiza

68,7

51,99

16,71

Mallorca

44,22

35,5

8,72

Menorca

52,83

43,15

9,68

Îles Canaries

40,86

33,12

7,74

Fuerteventura

82,1

63,02

19,08

Gran Canaria

29,92

25,35

4,57

Lanzarote

71,84

59,55

12,29

Province de Las Palmas de Gran Canaria

39,26

32,57

6,69

La Gomera

40,85

32,21

8,64

El Hierro

56,42

46,49

9,93

La Palma

35,37

30,37

5

Tenerife

43,23

33,95

9,28

Province de Santa Cruz de Tenerife

42,59

33,72

8,87

Espagne péninsulaire

32,09

27,68

4,41

Espagne

32,83

28,16

4,67

Source : INE, statistiques de variations résidentielles. Calculs : auteurs.

52Les îles Baléares (9,87 ‰) ont un taux de migration nette un peu plus élevé que les îles Canaries (7,74 ‰), mais les deux archipels, entre 2000 et 2023, présentent un solde migratoire relatif nettement plus excédentaire que celui de la Péninsule (4,41 ‰).

53Au sein de chaque archipel, la situation est encore une fois très contrastée. Ce sont sans surprise les principales destinations touristiques qui se distinguent par une plus grande croissance : Formentera et Ibiza se démarquent clairement, dans le cas des îles Baléares, et Fuerteventura et Lanzarote le font également dans le cas des îles Canaries. En revanche, la moindre attraction migratoire est enregistrée dans le cas de Gran Canaria.

54Bien qu’il ne s’agisse pas de flux massifs en regard de ceux des étrangers en situation administrative régulière, les deux archipels sont situés sur les routes des migrations maritimes irrégulières. C’est tout particulièrement le cas des îles Canaries. En effet, parmi les trois routes africaines qui mènent à l’Europe, la route atlantique, où les îles Canaries constituent un lieu de transition, a pris du poids par rapport à la route méditerranéenne, pourtant géographiquement plus directe, qui avait l’Espagne péninsulaire comme point d’arrivée. L’évolution des flux a été marquée par des épisodes d’intensité différente. Deux épisodes ont été marquants : premièrement, en 2006, la « crise des cayucos » [Charef, Cebrián, 2009] ; puis, plus récemment, à partir du second semestre 2020, la brusque et forte augmentation des flux d’arrivées dans les Canaries (tableau 6), conséquence des effets socio-économiques de la pandémie dans des secteurs tels que le tourisme au Maghreb [Acosta Sánchez, 2022 ; Godenau et Zapata Hernádez, 2022].

Tableau 6. Évolution récente de l’immigration irrégulière, 2017-2023 (nombre de personnes)

Année

Espagne

Espagne péninsulaire

Îles Canaries

Îles Baléares

2017

27 834

27 132

425

277

2018

64 298

62 792

1 307

199

2019

32 449

29 255

2 687

507

2020

42 097

17 362

23 271

1 464

2021

41 945

17 227

22 316

2 402

2022

31 219

12 900

15 682

2 637

2023

56 852

14 748

39 910

2 194

Source : Balances e Informes, Ministerio del Interior y Delegación del Gobierno en Baleares.

55Avec l’importance des flux, les origines de ces migrants se sont diversifiées de plus en plus : même si les Marocains se démarquent, les migrants originaires du Sénégal, du Mali et de la Côte d’Ivoire, entre autres, ont augmenté. Les importantes fluctuations de l’intensité des flux rendent difficile l’accueil des migrants par les institutions canarias. Toutefois, face à ces arrivées, les habitants ont souvent apporté une réponse sociale positive [Monreal et Paredes, 2021].

5.3 Structure de la population

56L’Espagne est actuellement l’un des pays où l’indice synthétique de fécondité est le plus faible au monde : 1,2 enfant par femme, tandis que la moyenne pour l’Union européenne est de 1,4 enfant/femme et dans les pays voisins comme la France (hexagonale) de 1,7 [Pison et Poniakina, 2024]. Le déclin a commencé à se produire en 1979, même si au début des années 2000 il y a eu un petit intervalle d’années pendant lequel il a de nouveau augmenté. En comparaison avec les pays voisins, l’Espagne se distingue par une entrée plus tardive dans la baisse de la fécondité, suivie d’un déclin plus rapide. Si l’on ajoute à cela le fait de faire partie des dix pays ayant l’espérance de vie à la naissance la plus élevée [OECD, 2023], l’Espagne a connu un vieillissement accéléré de sa population. Elle devrait même devenir l’un des pays les plus vieillis de l’Union européenne en 2050 avec son voisin le Portugal. Cependant, il existe des contrastes notables entre les régions. Au cours du XXe siècle, les différences étaient dominées par une opposition entre le Nord et le Sud du pays, une dichotomie qui devient de plus en plus complexe, avec un Est plus dynamique, notamment le littoral méditerranéen, et un Ouest qui souffre davantage du déclin démographique [De Cos Guerra et Reques, 2019 ; Jiménez Blasco, 2008].

57Les deux archipels espagnols font partie des communautés autonomes dotées de la structure par âge la plus jeune d’Espagne. En effet, en 2023, par rapport à l’âge moyen, les îles Baléares occupent la deuxième position parmi les plus jeunes et les îles Canaries occupent la sixième position. Cependant, dans les deux territoires insulaires, comme dans le reste de l’Espagne, la tendance est au vieillissement de la population.

58Cette évolution vers une structure vieillissante a cependant été plus rapide aux îles Canaries qu’aux îles Baléares. À partir de 2012, les îles Canaries ont commencé à dépasser la valeur de l’âge moyen aux Baléares, une tendance qui se poursuit encore aujourd’hui et qui se maintiendra en 2023 avec une valeur proche de la moyenne nationale (figure 6).

Figure 6. Évolution de l’âge moyen de la population de 2000 à 2023 (âge en années)

Figure 6. Évolution de l’âge moyen de la population de 2000 à 2023 (âge en années)

Source : INE, indicateurs démographiques de base. Réalisation : auteurs.

59À l’heure actuelle, l’indice de vieillissement – nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus rapporté à celui des moins de 20 ans – dans les îles Canaries est de 136 (136 personnes âgées de 65 ans ou plus pour 100 jeunes âgés de moins de 20 ans), une valeur très proche de la moyenne nationale (137). En revanche, aux Baléares, l’indice est beaucoup plus faible (110), bien que dans l’absolu il soit élevé (plus de personnes âgées que d’enfants et d’adolescents).

60La figure 7 représente les pyramides des âges pour les années 2000 et 2023 pour l’Espagne, les îles Canaries et les îles Baléares. À première vue, un vieillissement important est très clairement perçu dans les trois cas : des pyramides plus étroites à la base et élargies au sommet. Les cohortes les plus nombreuses sont largement concentrées dans les générations nées lors du baby-boom espagnol de 1955 à 1975 : ces générations constituent aujourd’hui les cohortes d’actifs les plus âgées mais aussi les plus nombreuses. L’entrée progressive de ces groupes à l’âge de la retraite, ainsi que la fécondité qui diminue chaque année, ne laissent guère de doutes sur le futur démographique proche de l’Espagne : elle sera bientôt l’un des pays les plus âgés d’Europe. Le profil des pyramides des âges des populations des archipels des Canaries et des Baléares suit ces grandes tendances nationales, avec quelques nuances cependant. Les îles Canaries ont une structure plus âgée et sont plus proches de la tendance générale de l’Espagne que les îles Baléares. Dans les îles Canaries, on constate une réduction d’effectifs de toutes les générations jusqu’à celles âgées de 34 ans en 2023, qui est en partie due à une baisse du taux de natalité depuis le début du siècle, ce qui la place comme la communauté espagnole avec le moins de naissances. Les deux archipels parviennent tous les deux à mieux contenir en revanche la croissance de la part de personnes âgées de 65 ans ou plus : sur le continent espagnol, celles-ci représentent 20,4 % de la population, contre 17,5 % dans les îles Canaries et 16,5 % aux Baléares.

Figure 7. Pyramides des âges en 2000 et 2022.

Figure 7. Pyramides des âges en 2000 et 2022.

Source : INE, recensements annuels de population. Calculs : auteurs.

61Dans les îles, la situation est variée (tableau 7) : les populations les plus âgées se trouvent sur les îles les plus occidentales de l’archipel canarien (La Palma, La Gomera et El Hierro) ; les deux plus grandes îles (Tenerife et Gran Canaria) occupent une position intermédiaire et les populations les plus jeunes se trouvent sur les îles orientales (Lanzarote et Fuerteventura). Aux Baléares, les populations les plus jeunes sont sur les îles les plus petites (Ibiza et Formentera), tandis que Mallorca et Menorca accueillent des populations dont les structures par âge se situent près de la moyenne.

Tableau 7. Proportion (en %) de personnes âgées de 65 ans ou plus, 2023

Territoires

Population totale

Population âgée de 65 ans ou plus

Part des 65 ans ou plus dans la population totale (en %)

Îles Baléares

1 209 906

199 586

16,5 %

Formentera

11 389

1 545

13,6 %

Ibiza

159 180

21 407

13,4 %

Mallorca

940 332

158 903

16,9 %

Menorca

99 005

17 731

17,9 %

Îles Canaries

2 213 016

386 547

17,5 %

Fuerteventura

124 152

15 188

12,2 %

Gran Canaria

862 893

153 481

17,8 %

Lanzarote

158 798

21 754

13,7 %

Province de Las Palmas de Gran Canaria

1 145 843

190 423

16,6 %

La Gomera

22 361

5 200

23,3 %

El Hierro

11 659

2 694

23,1 %

La Palma

84 338

18 275

21,7 %

Tenerife

948 815

169 955

17,9 %

Province de Santa Cruz de Tenerife

1 067 173

196 124

18,4 %

Espagne péninsulaire

44 662 439

9 101 643

20,4 %

Espagne

48 085 361

9 687 776

20,1 %

Source : INE, recensement annuel de population. Réalisation : auteurs.

Conclusion

62Les deux archipels espagnols ont fait l’actualité ces dernières années, notamment en raison de la pression démographique exercée sur le territoire, conséquence du nombre record de touristes battu depuis la pause pandémique : l’Espagne est devenue la deuxième destination touristique mondiale. Les îles Canaries ont également été au cœur de l’actualité, mais pour une autre raison : pour avoir occupé une place importante sur la route migratoire à travers l’Atlantique depuis l’Afrique vers l’Europe et pour l’arrivée de nombreux migrants en situation irrégulière sur le sol européen.

63Les deux communautés autonomes des Baléares et des Canaries ont été et devraient continuer d’être deux des territoires à la plus forte croissance démographique d’Espagne. Cet article a permis de documenter, à l’aide de statistiques originales et récentes produites notamment par l’INE, la forte concentration de population dans les deux archipels espagnols, tout en révélant les contrastes entre les deux archipels avec le reste de l’Espagne, mais aussi au sein de chacun des archipels entre les îles qui les composent.

64En Espagne, les deux archipels sont deux des principales destinations touristiques. Si l’on analyse l’arrivée des touristes en termes de densité territoriale et de population résidente, on constate une concentration jusqu’à quatre fois plus forte qu’en Espagne continentale. Les valeurs pourraient être encore plus élevées si les deux archipels ne disposaient pas d’espaces protégés couvrant une superficie considérable. La pression diffère entre les îles de chaque archipel, avec un impact plus important sur celles qui sont de taille plus importante et qui ont une plus grande tradition de destination touristique depuis les années 1960. Mais on le retrouve aussi dans certaines petites îles, comme Formentera, qui joue un rôle complémentaire avec sa voisine Ibiza, sans aucun doute le pôle principal, dans ces îles, du tourisme de masse international. Il faut également souligner le contraste entre les deux communautés autonomes : l’augmentation de la pression démographique sur le territoire pendant les mois d’été dans les îles Baléares, par rapport à une pression qui reste constante et qui se distribue de manière régulière tout au long de l’année dans les îles Canaries.

65La spécialisation économique dans le tourisme des deux territoires s’est accompagnée d’une croissance importante de leur population depuis les deux dernières décennies du XXe siècle. Cette tendance s’est accentuée au cours de ces premières années du XXIe siècle, plaçant les deux territoires parmi ceux qui connaissent la croissance la plus rapide d’Espagne. Cette croissance s’est appuyée, dans les deux cas, sur un solde migratoire positif, en particulier aux îles Canaries, qui se sont récemment affirmées comme l’une des communautés autonomes avec le taux de natalité et l’indice conjoncturel de fécondité les plus bas. Malgré les images médiatiques de l’arrivée de l’immigration irrégulière, la majeure partie de l’immigration dans les deux archipels est légale et administrativement régulière. Les étrangers en provenance du reste de l’Europe restent les plus nombreux ; ils viennent dans ces archipels pour des motifs économiques mais aussi en raison des aménités proposées par ces espaces insulaires (climat, géographie, infrastructures, niveau de vie, entre-soi socio-économique).

66Ce dynamisme démographique a toutefois son revers. Au cours des dix dernières années, la croissance du tourisme massif sur les îles, à laquelle a contribué l’augmentation de l’offre d’habitations à des fins récréatives, a suscité le mécontentement croissant de la population locale. Mis à part les problèmes environnementaux, la hausse des prix de l’immobilier et des loyers alimente ainsi la vague montante de l’hostilité autochtone. Les îles Canaries sont la troisième communauté autonome avec le taux de chômage le plus élevé d’Espagne : il était en 2023 de 16,1 % contre 12,2 % en moyenne en Espagne, selon l’Enquête sur la population active de l’INE. D’autre part, les îles Canaries présentent l’indice conjoncturel de fécondité le plus bas, ce qui peut être compris comme une manifestation des difficultés rencontrées par de nombreux jeunes Canariens pour fonder une famille. La situation est meilleure aux Baléares, mais très dépendante de la saisonnalité de l’activité touristique. La crise du logement dans les deux territoires insulaires est le reflet du côté le plus négatif de cette spécialisation économique : dans les deux cas, notamment aux Baléares, on trouve l’un des marchés immobiliers les plus chers d’Espagne pour la population locale. La croissance démographique et l’orientation du marché vers le tourisme, tant saisonnier que résidentiel, ont entraîné une réduction de l’offre tant en quantité qu’en accessibilité économique. Cette situation, avec les déséquilibres qu’elle crée entre les populations locales et étrangères, peut-elle renverser le dynamisme démographique de ces îles ? Il s’agit en tout cas d’une problématique qui pourrait conduire à une crise inédite : le fort dynamisme économique et démographique de ces archipels pourrait-il se retourner contre lui-même ? La question est d’autant plus à suivre que d’autres territoires en Europe sont également confrontés à une situation comparable.

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Bibliographie

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Notes

1 Les communautés autonomes en Espagne sont des entités territoriales dotées d’une autonomie politique et administrative au sein de l’État espagnol. L’Espagne est un État décentralisé, divisé en 17 communautés autonomes et 2 villes autonomes (Ceuta et Melilla). Chaque communauté autonome dispose de compétences propres, définies par la Constitution espagnole de 1978 et par son statut d’autonomie, un texte fondamental qui régule son organisation, son gouvernement et ses pouvoirs.

2 Réglementé par le décret 382/1986 du 10 février, le Registre des entités locales est une sorte d’inventaire où sont enregistrées toutes les entités territoriales (communautés autonomes, provinces, îles, communes, etc.) existant en Espagne. Cette source enregistre le nom officiel de chaque entité, les changements de nom possibles et d’autres données (affiliation territoriale, surface, population, etc.).

3 Source : Ministère du Logement et de l’Agenda urbain.

4 On peut consulter les projets techniques et tous les détails de cette source statistique sur le site de l’INE : https://www.ine.es/experimental/turismo_moviles/experimental_turismo_moviles.htm

5 Les données sur les hébergements touristiques sont disponibles depuis 2020. Cependant, comme ous l’avons déjà mentionné, le tourisme a été très affecté par la pandémie de Covid-19. Nous avons donc décidé de prendre uniquement l’année 2023 comme référence, car elle est considérée comme l’année de pleine reprise du tourisme après l’impact de la pandémie. En 2022, des signes de reprise étaient déjà visibles, mais 2023 a marqué un retour complet à la normale. C’est pour cette raison que seule l’année 2023 a été retenue comme référence, afin d’éviter tout biais lié à la pandémie.

6 C’est pourquoi, par exemple, en plus d’être exprimés en unités différentes, les soldes migratoires du tableau 4 diffèrent de ceux du tableau 5.

7 Au moment de la rédaction de cet article, nous ne disposons pas des données pour l’ensemble de l’année 2024. Mais les premières mesures effectuées avant l’été semblaient donner du crédit à cette perspective.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Localisation des îles Baléares et Canaries
Crédits Source : Institut Géographique National. Réalisation : auteurs
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 2. Distribution géographique de la population dans les îles (en 2023)
Crédits Source : INE. Recensement annuel de la population. Réalisation : auteurs.
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Figure 3. Pression démographique réelle sur le territoire (habitants + visiteurs par km2). (moyenne 2022-2023)
Crédits Sources : INE, statistiques démographiques continues ; statistiques expérimentales (mesure du tourisme à partir de la position des téléphones portables) ; Registre des entités locales. Calculs : auteurs.
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Figure 4. Pression démographique mensuelle (habitants + visiteurs par km2) en base 100 (référence : pression démographique moyenne en Espagne)
Légende Lecture : Pour chaque mois, la valeur de la pression démographique de chaque territoire est rapportée à celle de l’ensemble de l’Espagne. En juillet 2023, la pression démographique réelle aux Baléares était donc plus de 7 fois supérieure à la moyenne nationale au cours de ce même mois.
Crédits Sources : INE, statistiques démographiques continues ; statistiques expérimentales (mesure du tourisme à partir de la position des téléphones portables) ; Registre des entités locales. Calculs : auteurs.
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 152k
Titre Figure 5. Évolution des prix du logement (base 100 en 2015)
Crédits Source : Banque d´Espagne
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Figure 6. Évolution de l’âge moyen de la population de 2000 à 2023 (âge en années)
Crédits Source : INE, indicateurs démographiques de base. Réalisation : auteurs.
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 136k
Titre Figure 7. Pyramides des âges en 2000 et 2022.
Crédits Source : INE, recensements annuels de population. Calculs : auteurs.
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/15254/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 236k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Alberto Capote Lama et José Antonio Nieto Calmaestra, « Pressions démographique et touristique dans les îles des archipels des Canaries et des Baléares (Espagne) »Espace populations sociétés [En ligne], 2024/2-3 | 2024, mis en ligne le 13 février 2025, consulté le 25 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/eps/15254 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13ekq

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Auteurs

Alberto Capote Lama

Departamento de Geografía Humana, Universidad de Granada
Facultad de Filosofía y Letras, Campus Cartuja
Calle del Prof. Clavera, s/n, Beiro, 18011 Granada
Mail : alama[at]ugr.es

José Antonio Nieto Calmaestra

Oficina de Ordenación del Territorio, Junta de Andalucía
Delegación provincial de Granada. Consejería de Fomento, Articulación Territorial y Vivienda.
Avd. Joaquina Egüaras, 2. Edificio "Almanjáyar". Planta 4ª. 18071 – Granada
Mail : jantonio.nieto[at]juntadeandalucia.es

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