Cette recherche a été menée dans le cadre d’un financement ISblue, école universitaire de recherche interdisciplinaire spécialisée en sciences et technologies marines. Une partie des analyses des données a été réalisée spécifiquement dans le cadre d’un Projet Interdisciplinaire Mutualisé (PIM) associant l’ensemble des formations liées aux problématiques maritimes en Bretagne. Nous remercions dans ce cadre tous les étudiants de master et élèves ingénieurs qui ont participé à ce travail, ainsi que les stagiaires ayant aidé à la réalisation des recueils de données. Merci spécifiquement à Noé Desmares, Lison Maurizio, Clara Minodier-Kruse, Romane Le Gléau, Gaëlle Stocklin, Juliette Cadasse et Maud Daniel.
1Souvent habitées par de petites communautés, les îles connaissent une évolution démographique spécifique. Les îliens sont inscrits dans un système île-continent construit sur une complémentarité entre deux espaces : leur propre référentiel insulaire et le référentiel continental [Péron, 1992]. Toutefois, leur situation jouant sur la séparation au continent [Lois, 2013] contribue à les marginaliser en les définissant d’abord par une situation d’enclavement. Cependant, les îliens développent des mobilités résidentielles vers le continent dont l’accélération se réfère à l’évolution de parcours de vie spécifiques. L’insertion des îles dans un système connecté, entre ports continentaux et insulaires – par le biais de desserte régulière [Péron, 1993 ; Guingot, 2022] –, encourage des mobilités quotidiennes originales, mobilités intra-îliennes et/ou extra-îliennes.
2Par ailleurs, les îles, véritables « mondes en réduction » [Péron 2005], étaient caractérisées par leur aménagement complexe. Ce dernier devait à la fois profiter des micro-différenciations naturelles (sol, exposition, proximité de la mer) et faire en sorte que chaque famille dispose de terrains pouvant fournir l’ensemble de la gamme des biens indispensables à sa survie. Les modifications démographiques structurelles qu’ont subies les îles depuis le début du XXe siècle ont modifié ces rapports au territoire [Brigand, 1983 ; Péron, 1985]. De ce fait, ces modifications connaissent des conséquences décuplées, comparativement aux territoires continentaux. À partir des années 1970, leur système est modifié en profondeur. La faible diversification de l’activité économique, les migrations et mobilités résidentielles liées à l’attraction d’un mode de vie urbain [Brigand, 2002] expliquent en grande partie le renforcement de modifications démographiques profondes [Péron, 1993].
3Dans ce contexte multiple, le lien entre mobilité résidentielle et mobilité quotidienne, déjà beaucoup étudié par de nombreux chercheurs, connaît plusieurs spécificités : enclavement quotidien, ancrage familial très marqué [Burholt et al., 2013], bi-résidentialité forte, télétravail en croissance. Pour analyser ces phénomènes, une approche académique nommée mobility biographies a émergé, centrée sur les parcours de vie individuels. Cette approche analyse l'impact d'événements personnels, tels que la naissance d'un enfant ou un déménagement, sur les habitudes de mobilité, quotidiennes et résidentielles, au fil du temps. Lanzendorf a initié cette approche en 2003 [Lanzendorf, 2003], enrichie par d'autres chercheurs [Scheiner, 2018]. Bien que ces travaux reposent principalement sur des méthodes quantitatives [Müggenburg et al., 2015], des approches qualitatives et mixtes ont récemment été intégrées [Plyushteva et al., 2018], offrant une compréhension plus nuancée des comportements de mobilité. Ce croisement méthodologique favorise une vision interdisciplinaire qui enrichit l'analyse des comportements de mobilité, y compris le concept plus récent d'immobilité [Scheiner, 2020].
4Sur le plan conceptuel, plusieurs variantes des mobility biographies existent aujourd'hui, issues des premières études démographiques longitudinales [Withers, 2009] et de l'approche des parcours de vie de l'école de Chicago des années 1920. Parmi ces variantes, l'approche life-oriented est la plus récente et propose une large base conceptuelle pour aborder les enjeux sociétaux [Zhang, 2018]. Elle vise à établir des liens entre les différents domaines de la vie, tels que la santé, l'éducation, l’emploi et la mobilité. Cet élargissement conceptuel a permis d'explorer de nouveaux thèmes, notamment les interactions entre la mobilité quotidienne et résidentielle, la qualité de vie, et les impacts des événements de vie comme la naissance, le mariage ou la relocalisation de l'emploi [Zhang et al., 2017]. C’est par cette approche que nous souhaitons aborder la question du lien entre mobilité quotidienne et mobilité résidentielle qui, dans les contextes insulaires, s’inscrivent comme deux stratégies parallèles visant à concilier lieu de vie et lieu d’activités.
5Au-delà des stratégies individuelles relatives au lien existant entre mobilités quotidiennes et résidentielles, la structure du logement, très marquée par les résidences secondaires [Brigand, 2017], amène des questions supplémentaires dans la compréhension de ce lien. Déjà très étudié dans le cadre de territoires continentaux, ce lien n’a en revanche pas été étudié pour des îles. L’objectif de cet article est d’apporter de nouvelles connaissances sur le sujet, en tentant de répondre aux trois questions de recherches suivantes :
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quels traits caractéristiques permettent de décrire les mobilités quotidiennes en contexte insulaire ?
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quelles mobilités résidentielles sont réalisées pour concilier lieu de vie et lieu de travail ?
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quelle place tient la résidentialité secondaire dans ce choix et quel est son impact sur la mobilité quotidienne ?
6Pour répondre à ces questions, nous avons étudié dans un premier temps les mobilités résidentielles des populations des îles du Ponant (îles précontinentales de la façade ouest du territoire métropolitain français), dans un deuxième temps les spécificités de la mobilité quotidienne des îliens par l’analyse spécifique de l’Île de Groix, pour finalement étudier les liens qui sous-tendent la relation entre mobilité quotidienne et mobilité résidentielle.
7Les avancées remarquables des moyens de communication au cours du siècle dernier ont redéfini toutes les frontières spatiales traditionnelles, y compris celle entre les zones rurales et urbaines, entre les lieux fortement connectés et les lieux isolés [Ortar et al., 2018]. Selon Kaufmann et al. [2004], deux dynamiques semblent jouer un rôle crucial : l'augmentation de la connectivité et de la réversibilité (figure 1). La première fait référence aux opportunités de rester fréquemment en contact avec de nombreuses personnes sans nécessiter une présence physique ; la seconde se rapporte à l'identification et à l'attachement à un territoire et à ses habitants. La grande mobilité des individus leur permet de changer facilement de référence territoriale ou d'en posséder plusieurs. L'interaction entre ces deux dynamiques génère de nouveaux phénomènes tels que la double résidence [Kaufmann 2002], le transnationalisme [Vertovec 1999], l'attachement émotionnel aux zones touristiques [Cohen 1984] et les travailleurs mobiles [Hislop et Axtell 2007].
Figure 1 : Typologie des territoires en fonction de leur mobilité et leur identité
Réalisation : auteurs à partir de Kaufmann [2002]
8La connectivité et la réversibilité peuvent être vues de deux manières opposées : d'un côté, l'augmentation de la fluidité conduit à une déterritorialisation complète [Harvey 1990] ; de l'autre, elle crée de nouvelles structures spatiales qui influencent les acteurs et leurs actions. Socialement, la mobilité résidentielle accrue est perçue soit comme une source d'anonymat, soit comme une opportunité de multiplier les rencontres [Urry 2003]. Ainsi, la croissance marquée de la connectivité et le processus de réversibilisation de la mobilité amènent de nombreux chercheurs [Harvey, 1990 ; Castells, 1998 ; Massey, 2011, 2013 ; Painter, 2009] à postuler que les réseaux entraînent la disparition des territoires traditionnels. La mobilité des individus, des biens et des capitaux transcende les frontières, rendant ainsi caduque la notion de territoire comme délimitation aréolaire [Harvey 1990]. Dans cette perspective, nous vivons une transition entre un monde organisé autour de territoires délimités et un monde réticulaire caractérisé par une fluidité spatiale. L'espace devient alors indéfini et ouvert, représentant un potentiel d'opportunités en perpétuelle réorganisation, similaire à un rhizome. Le monde se mue ainsi en une vaste interface.
9Les mobilités des îles, vues à travers ce prisme, nous amènent à considérer ces territoires comme fortement marqués au sein de cette typologie. Si la qualité de la desserte des îles de France métropolitaine comme de leur connectivité s’est grandement améliorée au cours de ces dernières décennies [Guingot 2022], elle n’en reste pas moins celle de territoires dont la marginalité spatiale est plus marquée que sur le reste du territoire national. De plus, le réseau permettant de les relier aux autres territoires reste principalement dépendant d’un mode de transport quasiment unique. Elles relèvent donc d’une réalité exceptionnelle sur le territoire français. De plus, si l’insularité présente une grande variété de situations [Hache, 1998], il existe une véritable identité culturelle, affichant même des revendications spécifiques [Doumenge 1985]. Les îles apparaissent donc comme des territoires à forte autonomie, peu connectés, avec forte appropriation sociale (catégorie D, figure 1). En conséquence, ces territoires sont marqués par des processus de retours fortement désirés et souvent réalisés sur nombre de territoires insulaires [Bambridge, 2004].
10Cette catégorisation, valable pour les mobilités quotidienne et résidentielle (figure 2), est particulièrement marquée pour les mobilités résidentielles. Les questions de réversibilité y tiennent une place fondamentale, et la connectivité est une composante importante en termes de choix de localisation du lieu de résidence. Ainsi, on retrouve des processus existant sur d’autres territoires dans le choix de rester ou partir et dans l’évolution de ces choix et leur incertitude [Authier et al., 2010]. Cependant, les profils sociaux des îliens et les contraintes marquées en matière de mobilités quotidiennes déforment ces processus de choix et les fait apparaître de manière exacerbée sur ces territoires.
Figure 2 : Le système de mobilité spatiale
Source : d’après Kaufmann [2001]
11Nous nous sommes concentrés, pour cette recherche, sur plusieurs échelles d’analyse :
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- 1 Les îles concernées sont donc : Belle-Île en Mer, L’Île-d’Yeu, Groix, Ouessant, Île-aux-Moines, Île (...)
Pour faire émerger les logiques globales liées aux mobilités résidentielles et aux migrations, nous avons travaillé sur l’ensemble des populations insulaires résidentes des îles de la France métropolitaine dont les îles ont le statut de commune autonome (ou plusieurs communes), à l’exclusion de la Corse qui relève d’une dynamique tout à fait spécifique1. Le statut de commune autonome (depuis au moins 1968) nous permet d’utiliser les données issues de recensement de la population pour analyser l’ancrage spatial de ces populations. Nous avons donc été dans l’impossibilité d’inclure par exemple l’île de Porquerolles, rattachée administrativement à la commune d’Hyères.
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Pour travailler sur les déterminants de ces mobilités et l’influence des logiques quotidiennes sur les choix résidentiels, nous avons choisi de réaliser une acquisition de données sur une île spécifique. Nous avons choisi l’île de Groix, qui présente une population et une superficie permettant d’extrapoler notre propos à d’autres configurations insulaires (figure 3), sans pour autant pouvoir prétendre à représenter l’ensemble des configurations territoriales propres aux contextes îliens. De même, les caractéristiques de la liaison entre l’île de Groix et le continent la situent dans une moyenne par rapport aux autres îles du Ponant (figure 4).
Figure 3 : Différences de superficie et de nombre d’habitants entre les îles du Ponant.
Source : INSEE 2021. Réalisation : auteurs
Figure 4 : Schéma de la durée et du nombre de rotations quotidiennes en basse saison entre les îles du Ponant et le continent
Source : Compagnies maritimes, Corsi [2020]
12L’ensemble des îles métropolitaines analysé regroupe 16 276 habitants, répartis en 8 328 ménages. Cette population est marquée par une spécificité liée à l’âge : la proportion d’individus de 65 ans ou plus est nettement supérieure à la moyenne française (38,3 % pour les îles contre 23,4 % en France).
13Les contraintes liées aux mobilités sur les îles ont conduit à une décroissance démographique forte de ces territoires (figure 5). Même si cette évolution a tendance à se stabiliser depuis 40 ans, la population îlienne a été quasiment divisée par deux en un siècle.
Figure 5 : Évolution de la population insulaire.
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
- 2 Les mobilités quotidiennes sont considérées comme une modification du lieu d’habitat en quittant l’ (...)
14Cette baisse démographique trouve son explication dans un solde migratoire négatif aggravé par un solde naturel déficitaire. Le solde migratoire négatif est principalement dû à un important exode insulaire vers le continent, motivé par divers facteurs [Péron 1993]. Tout d'abord, le déclin des activités traditionnelles sur les îles rend plus facile de trouver un emploi sur le continent. Les chômeurs et les personnes à faible qualification sont les premières concernées par une mobilité résidentielle vers le continent (figure 6)2. En outre, le mode de vie continental, avec ses commodités, attire les insulaires. Jusqu'aux années 1960, de nombreuses îles ne disposent pas d'électricité dans les maisons, l'eau courante n'est pas accessible aux éviers, les chemins sont mal aménagés, les habitations manquent de confort, les équipements médicaux sont insuffisants. De plus, les écoles n'accueillent souvent les enfants qu’au niveau de l’enseignement primaire. Les îles ne peuvent donc plus répondre aux besoins éducatifs des enfants et des jeunes, qui doivent se rendre en internat sur le continent pour poursuivre leurs études. Pour éviter que les jeunes ne quittent prématurément le cercle familial, des familles entières migrent parfois vers le continent [Péron 1993].
Figure 6 : Part des mobilités résidentielles en fonction de la catégorie socioprofessionnelle.
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
15Le déficit naturel constitue la seconde cause de la diminution démographique des îles françaises au XXe siècle. En effet, ce sont principalement les jeunes et les familles, c'est-à-dire la population en âge de procréer, qui ont quitté les îles (figure 7). Actuellement, le solde naturel demeure déficitaire sur toutes les îles, avec 50 naissances pour 100 décès. En comparaison, la France métropolitaine présente un excédent naturel avec 145 naissances pour 100 décès [Guingot 2022]. Il apparaît donc que les populations connaissant une forte mobilité résidentielle sont principalement constituées de couples avec de jeunes enfants, ou de jeunes adultes (actifs en début de parcours professionnel ou étudiants).
Figure 7 : Part Moyenne d'îliens par classe d'âge annuelle ayant effectué une mobilité résidentielle extra-îlienne.
Lecture : La part moyenne par classe d’âge annuelle a été calculée en divisant la proportion de population représentant chaque classe d’âges par le nombre d’années concernées par la classe d’âges en question. Par exemple, les 26 à 39 ans représentent 21,16 % des habitants ayant effectué une mobilité résidentielle entre 1968 et 1990, mais pour que ce chiffre soit comparable aux 12,70 % que représentent les 19 à 25 ans, chaque classe d’âges a été ramenée à son amplitude (13 ans pour les 26 à 39 ans, 6 ans pour les 19 à 25 ans).
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
16La structure démographique de ces mobilités résidentielles recouvre également une spatialisation spécifique. Cette spatialisation est à mettre en lien avec les motifs de mobilité expliqués précédemment. Les figures 8 et 8bis, qui prennent les cas des mobilités résidentielles des Groisillons et Groisillonnes et des Ouessantins et Ouessantines, mettent en évidence des lieux de destination principalement urbains, souvent portuaires. On voit émerger la région Parisienne en tête, mais également d’autres grandes métropoles : Clermont-Ferrand, Toulouse, Lyon, Marseille, Bordeaux, Troyes… Mais des flux importants sont également constatés sur des lieux présentant une plus grande proximité, mais toujours urbains. Ainsi, en Bretagne, Lorient et Brest apparaissent comme les principales destinations des mobilités résidentielles, suivie par Rennes, Lorient et Vannes.
Figure 8 : Mobilités résidentielles au départ de Groix de 1968 à 1990.
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
Figure 8 bis : Mobilités résidentielles au départ d’Ouessant de 1968 à 1990.
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
17Ces mobilités résidentielles, très importantes pour ces communes, sont tout à fait spécifiques des territoires insulaires. À l’exception de Belle-Île-en-Mer, qui a connu une stagnation démographique entre 1968 et 1999, toutes les autres îles hexagonales ont perdu jusqu’à 50 % de leur population en résidences principales. D’autres communes, principalement des villages faiblement peuplés en milieu rural profond, ont également connu une décroissance démographique durant cette période. Toutefois, l’immense majorité des communes comptant plus de 1 000 habitants en 1968, même situées en milieu rural, ont vu leur population augmenter durant ces décennies (augmentation en moyenne de 51 %) ; là où les îles de Groix, Ouessant et Batz, par exemple, ont vu leur population divisée par deux.
18Les questions de recherche d’emplois sont intrinsèquement liées à la recherche d’urbanité au sein d’une économie tertiarisée. Ces différentes destinations sont également des villes universitaires, présentant des offres de formation larges. L’offre de formation, inexistante sur les îles étudiées, explique en grande partie les mobilités résidentielles des individus de 19 à 25 ans (figure 5) et les mobilités étudiantes (figure 4). Les structures spatiales des mobilités résidentielles au départ des autres îles de France métropolitaine, si elles ne sont pas exactement les mêmes, sont comparables dans leur structure. On constate parfois des formes de spécialisation sur certains territoires de destination, certainement liées à un réseau de connaissance et à un processus de reproduction de mobilités déjà constatées.
19Les mobilités résidentielles mises en évidence montrent donc une mobilité avant tout conditionnée par la recherche de ressources spécifiques. Qu’il s’agisse d’un cadre de scolarisation pour des enfants, d’un environnement favorable dans le cadre d’une recherche d’emploi, ou d’un lieu d’étude proposant les formations attendues, la mobilité résidentielle correspond à un besoin lié à un parcours de vie.
20Cette diminution de population en résidences principales dépend de deux dynamiques concomitantes :
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d’une part, le taux d’accroissement naturel globalement compris entre -0,2 % et -1,8 % par an en fonction des îles concernées ;
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d’autre part, à des départs, couplés à un déficit d’arrivées (de nouveaux résidents ou de retours des personnes ayant effectué une mobilité en quittant leur île d’origine). Ainsi, nous observons un taux d’accroissement migratoire variant de -1,7 % à 0,1 % par an en fonction des contextes insulaires.
21Ce déficit est à mettre en relation avec l’augmentation rapide de population en résidence secondaire. Si la population a énormément diminué depuis un siècle, le nombre de logements, lui, a connu une augmentation. Ainsi, un double phénomène a eu lieu, à la fois de conversion en résidences secondaires des logements auparavant destinés à la résidence principale, mais également la construction de nouveaux logements, parfois à destination directe de cette nouvelle forme de résidentialité. Toutes les îles sont touchées par ce phénomène et les îles les plus peuplées connaissent des facteurs multiplicatifs de leur parc de résidences secondaires plus importants (figure 9).
Figure 9 : Évolution du nombre de résidences secondaires sur les îles métropolitaines françaises.
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
22Toutefois, si on étudie la structure des logements plutôt que leur effectif, il apparaît que presque toutes les îles connaissent la même évolution. On constate une augmentation rapide de la part des résidences secondaires de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 2000 puis un ralentissement de cette augmentation (figure 10). Seules l’île de Sein et l’île aux Moines connaissent une évolution spécifique de leur parc de logements. Concernant l’île de Sein, une politique locale volontariste, liée à la saturation du parc locatif possiblement dédié aux résidences secondaires, explique une diminution de la part des résidences secondaires après 2009. Dans le cas de l’île aux Moines, si le nombre de résidences principales continue à augmenter entre 1968 et 2021, l’augmentation importante des résidences secondaires entre 1980 et 2009 explique la diminution de leur part.
Figure 10 : Évolution de la part de résidences secondaires sur les îles métropolitaines françaises (en %).
Source : INSEE 2024. Réalisation : auteurs
23Différents facteurs peuvent expliquer la croissance des résidences secondaires constatée sur l’ensemble des autres îles : la présence de la mer autour d'une île exerce un désir de rivage [Corbin, 2013] et désir d’île [Péron, 1993] et est perçue comme un atout. De nos jours, de nombreuses îles sont devenues des lieux privilégiés de résidences secondaires, voire dépendent de cette population pour leurs revenus et leurs emplois. Le tourisme représente la principale source de revenus pour 70 % des îles européennes [Aronsson, 1997]. Ce processus mène à une nouvelle forme de gentrification en faisant énormément augmenter les prix de l’immobilier et entraîne des conséquences sur les possibilités de retour des populations ayant effectué une mobilité résidentielle pour des raisons d’études ou d’emplois [Jackson 2006]. Ce tourisme a connu une augmentation importante ces dernières années en atteignant des fréquentations très importantes pour des territoires relativement restreints et peu peuplés ; l’île de Groix, par exemple, accueille en moyenne plus de 235 000 touristes annuellement [rapport du Sénat, 2020).
24Notre souhait initial de baser notre recherche (concernant la mobilité quotidienne) sur les enquêtes ménages-déplacements (EMD) incluant des îles au sein de leur périmètre a finalement soulevé un véritable manque dans la connaissance de ces territoires insulaires. Soit exclues des périmètres enquêtés, soit sous-représentées au sein des échantillons d’enquêtes, les îles présentent à la fois une difficulté d’enquête et un surcoût important dans ces protocoles. Ainsi, la trop faible représentativité des chiffres donnés par les EMD concernant les milieux insulaires nous a fait préférer des données issues de nos propres enquêtes.
- 3 Cet intervalle de confiance est basé sur un niveau de confiance à 95% et traduit la marge d’erreur (...)
25Une enquête approfondie sur un territoire insulaire spécifique a été menée en mai 2023 : l’île de Groix (Morbihan, Bretagne). Sur les 2 256 habitants recensés en résidences principales et 2 152 estimés par la mairie en résidences secondaires (soit 4 408 résidents au total), nous avons interrogé 357 personnes. Des questionnaires en porte à porte ont directement été administrés aux personnes enquêtées par nos soins, sollicitant l’ensemble des habitations de l’île. Notre méthode présente un biais principalement temporel, puisque les individus enquêtés étaient sollicités sur des horaires recouvrant principalement les horaires classiques de travail. Nous avons donc réalisé cette enquête également les jours de week-end et jours fériés afin de pouvoir interroger au maximum les populations actives. Notre intervalle de confiance sur l’ensemble des Groisillons et Groisillonnes est égal à 4,76 %3. Toutefois, il se décline de manière différente selon que l’on considère les résidents principaux (intervalle de confiance égal à 5,4 %) ou les résidents secondaires (intervalle de confiance égal à 11,1 %). Deux protocoles ont été menés sur l’ensemble des personnes interrogées : d’une part, un questionnaire pour décrire avec précision leurs mobilités, quotidienne et résidentielle ainsi que les profils des individus ; d’autre part, des entretiens longs pour faire émerger les critères et perceptions liés, potentiellement explicatifs de ces mobilités. Cette acquisition de données, menées dans le cadre d’un projet Mob’îles (financé par l’école universitaire de recherche européenne ISBlue), a fait émerger plusieurs éléments concernant la mobilité quotidienne des enquêtés, qu’ils soient îliens en résidences principales ou secondaires.
26L’imaginaire collectif renvoie souvent à des idées fausses sur les mobilités quotidiennes des îliens. Comme pour bon nombre de territoires en marge, la mobilité fantasmée projette une forte immobilité, très axée sur des motifs liés à une utilité marquée. Pourtant, nos enquêtes ont révélé, comparativement aux mobilités constatées sur le continent, des individus plutôt mobiles et avec une variété de motifs inattendue. En effet, le temps quotidien consacré à la mobilité est plus important sur l’île de Groix que sur le continent (figure 11). De même, le nombre de déplacements par jour et par personne des Groisillons est comparable, en moyenne, à celui des continentaux. Toutefois, on constate un véritable écart sur la répartition modale. Si la majorité des déplacements sont effectués en véhicule particulier sur le continent, cette part devient minoritaire sur l’île enquêtée.
Figure 11 : Comparaison des indicateurs de mobilités entre l’île de Groix et la France métropolitaine
27Cependant, ces différences de répartitions modales sont à remettre en perspective par rapport au type de résidentialité des personnes enquêtées. En effet, si la voiture paraît beaucoup moins utilisée que sur le continent, cet écart est beaucoup plus marqué pour les résidents secondaires que pour les résidents principaux (figure 12). De ce fait, les modes alternatifs aux véhicules particuliers (principalement le vélo et la marche à pied), vus souvent comme moins rapides ou confortables, sont plus représentés chez les résidents secondaires. Cet écart trouve son explication également dans la répartition de ces déplacements en fonction des motifs (figure 13) : d’une part, comparativement au continent, les motifs récréatifs se trouvent très surreprésentés sur l’ile de Groix ; d’autre part, les motifs liés au travail sont énormément sous-représentés. Par ailleurs, il apparaît que les déplacements liés aux achats sont plus importants sur l’île, certainement par un effet de vases communicants liés à la sous-représentation des motifs d’études et de travail.
Figures 12 : Comparaison des répartitions modales des îliens en résidence principale et secondaire.
Source : ISBLUE, UBO, 2023. Réalisation : auteurs
Figure 13 : Comparaison des motifs de déplacements entre l’île de Groix et le continent.
Source Île de Groix : ISBLUE, UBO, 2023.
Source Continent : Enquête nationale sur la mobilité des personnes 2019.
Réalisation : auteurs
28La spatialisation de ces mobilités quotidiennes montre une structure principalement centrée vers le port, conditionnée par un bourg concentrant à la fois les emplois, les lieux commerciaux et une partie importante de la population. La majorité des îles françaises sont ainsi marquées par une forme de structure centre-périphérie, même si celle-ci est parfois relativisée par le caractère ténu de cette centralité. Pour le cas spécifique de Groix, un lien assez fort apparaît avec le continent. Ce lien s’explique par la part importante, sur cette île (comme sur Belle-Île ou l’île d’Yeu), d’une population active en emploi (comparativement aux autres îles, plus petites et moins peuplées) [Guingot 2022]. De plus, la qualité de la desserte entre cette île et le continent permet d’envisager un aller-retour au sein d’une même journée pour certains motifs de santé ou d’achats spécialisés. Enfin, on constate quelques déplacements périphériques, certainement liés à des pratiques récréatives, sportives ou de promenades (figure 14).
Figure 14 : Structure spatiale des déplacements effectués par des résidents de l’île de Groix.
Source Île de Groix : ISBLUE, UBO, 2023.
Réalisation : auteurs
29La mobilité quotidienne des Groisillons, prise comme exemple ici, apparaît donc à la fois importante, très spécifique et parfois contrainte. Les déplacements sont nombreux, mais très conditionnés à certains motifs. La grande majorité des déplacements s’effectue sans quitter le contexte insulaire : ils sont contraints par les services et activités proposés sur l’île. Ils sont de ce fait constitués par des déplacements courts en distance géographique, mais longs en temps de trajet en raison des modes de déplacement choisis. Et si pour une partie de la population, vivant essentiellement en résidence principale et majoritairement active, la question du temps de transport reste cruciale, elle est moins importante pour la population des résidences secondaires ou pour les personnes retraitées.
- 4 L’analyse des données produites (postérieures à l’enquête portant sur l’île de Groix) n’est pas enc (...)
30Des enquêtes menées en 2024 sur les îles d’Ouessant et de Batz tendent à confirmer ces structures sur d’autres contextes insulaires, même si la distance au continent, beaucoup plus réduite pour l’île de Batz semble permettre une plus grande diversification des motifs de déplacements4.
31Nous avons vu les logiques de mobilités résidentielles des îliens, qui montrent des logiques d’ancrage remises en cause par rapport à des cycles de vie et des besoins d’emplois ou de services. Par ailleurs, nous avons vu comment fonctionnent les logiques d’appropriation territoriales par la structuration des mobilités quotidiennes. Nous souhaitons, dans cette quatrième partie, mettre en évidence les logiques qui lient ces deux nécessités pour les îliens : comprendre les besoins de service (et donc de mobilité quotidienne) et les choix de localisation résidentielle. Nous privilégions pour cela une approche écologique, au sens de l’écologie urbaine [Bourdin, 2007]. Cette approche reflète le sentiment de désarroi face à l’évolution de son milieu d’habitat et les menaces qu'elle pose. Elle propose de comprendre le milieu de vie dans sa complexité, en intégrant des dimensions souvent opposées comme le biologique et le social, la nature et l’anthropique. Plus qu'une simple notion, elle met le milieu au centre des préoccupations, articulant environnement et espaces anthropisés. Ce concept s'inscrit dans les débats actuels sur l'aménagement et répond aux enjeux récents, tels que le développement durable et la ville durable.
32Ainsi, les espaces de vie, définis comme les zones où les individus accomplissent leurs activités quotidiennes, sont étroitement liés à la localisation de leur résidence, considérée comme le point central de ces espaces. Le domicile est donc le point de départ à partir duquel une personne vit et perçoit son île, façonnant non seulement ses pratiques spatiales, mais aussi les représentations qui les influencent [Carpentier 2007]. En prenant le domicile comme centre des espaces de vie, nous adhérons à l'idée d'une identité spatiale [Proshansky, 1978], et même d'une identité d'habitation [Feldman, 1990] basée sur des représentations et des pratiques distinctes.
- 5 Nous parlons ici de la résidentialité déclarée, qui ne correspond pas toujours, dans les faits, à l (...)
33À travers les entretiens que nous avons réalisés, différentes logiques émergent, principalement différenciées par le type de résidentialité déclarée5 :
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- 6 En mai 2023, le prix de l’immobilier moyen sur l’île de Groix était d’environ 3 500 euros/m², soit (...)
Pour les résidents principaux, nous constatons une forte relation entre les déplacements et la localisation résidentielle. Cette relation ne se manifeste pas seulement au niveau des pratiques, à travers les options disponibles pour chaque individu, mais également, et de manière plus fondamentale, au niveau des identités et des représentations associées. Ainsi, pour presque 2/3 des résidents principaux enquêtés, si la mobilité quotidienne apparaît avant tout comme une contrainte, elle apparaît de manière concomitante (et parfois paradoxale) comme une barrière à un afflux massif de touristes ou de résidents secondaires.
L’attachement au lieu dépasse donc très largement le cadre fonctionnel pour s’ancrer dans des questions identitaires. Dans ce cadre, il est fréquent qu’une conflictualité apparaisse avec les résidents secondaires, et encore plus avec les touristes. Ainsi, les notions d’« appartenance », d’« appropriation », apparaissent dans plus de 60 % des entretiens, soit pour signifier une forme de possession de l’île par ses résidents principaux, soit pour désigner négativement les pratiques des résidents secondaires.
Toutefois, la question fonctionnelle reste présente et les souhaits d’une meilleure connexion au continent apparaissent de manière récurrente. Le besoin de services élargis (de santé ou commerciaux principalement) figure aussi parmi les thèmes fréquemment abordés. Ce rapport aux services s’exprime également dans le maintien des services de scolarisation, présents sur l’île.
Enfin, cet ancrage s’exprime également à travers un cadre familial. Environ un quart des résidents principaux enquêtés ont exprimé, à travers nos entretiens, le cas de membres de leur famille (enfants, frères et sœurs, cousins, …) ayant dû quitter l’île pour différentes raisons (études, emplois) et dont le retour a été compromis par le caractère restreint de l’accès à l’immobilier, tant par rapport au volume de l’offre que par rapport aux prix très élevés6.
Ces représentations paraissent également réparties, quel que soit l’âge des individus enquêtés. D’un point de vue social, ce discours est davantage marqué chez les résidents principaux encore inscrits dans la vie active, qui identifie les touristes et résidents comme une nuisance à leur fonctionnement quotidien et le traduisent par des paroles fortement dépréciatives.
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Pour les résidents secondaires, deux sous-catégories émergent. Les personnes natives de l’île, et ayant cherché une résidence secondaire sur l’île ou en ayant hérité d’une part ; et les personnes ayant accédé à la propriété sur l’île, mais ne présentant pas d’attache familiale préalable à ce territoire.
Les identités et les représentations associées, même si elles apparaissent moins prégnantes que pour les résidents principaux, restent une composante importante de la compréhension de l’ancrage au territoire, surtout chez les « natifs » de l’île. Toutefois, la question fonctionnelle se pose de manière très différente, voire en opposition aux résidents principaux. Les résidents secondaires, à travers cette insularité, cherchent une forme de mobilité restreinte, voire une inaccessibilité de leur territoire. La très grande majorité des personnes enquêtées n’effectuent aucune mobilité sur le continent durant leur temps de séjour sur l’île et souhaitent, le plus possible, restreindre leurs déplacements à des mobilités intra-îliennes. Ainsi, ils conditionnent leur ancrage au lieu de résidence secondaire à une appropriation territoriale spécifique, avec une mobilité quotidienne restreinte dans l’espace, dans le temps, et pour un nombre de motifs le plus faible possible.
Les caractéristiques démographiques de ces populations ne paraissent pas avoir une influence majeure sur ces logiques d’ancrage et de représentation concernant les résidents secondaires. Toutefois, la faible représentativité des sous-groupes d’âges nous pousse à la plus grande prudence dans l’interprétation de ces résultats. Cette population présente également une assez grande cohérence sociale et est constituée principalement de personnes aux revenus élevés. Il paraît donc difficile de pousser plus avant l’analyse de ces ancrages par rapport à cette distinction.
34Cet ancrage paraît pourtant évoluer en fonction des pratiques numériques des îliens. Si on exclut le télétravail qui concerne quasiment exclusivement les résidents secondaires, les autres pratiques numériques paraissent globalement similaires, quel que soit le type de résidentialité. Une question spécifique a été ajoutée au questionnaire habituel sur les déplacements pour savoir si certaines pratiques numériques remplaçait une mobilité préexistante. Ainsi, on assiste à la fois à une forme d’ouverture par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais également à une substitution des mobilités préalablement tournées vers le continent et remplacées par des pratiques numériques (figure 15). L’absence de lycée sur l’île et l’échantillon d’enquêté excluant les personnes de moins de 15 ans expliquent l’effectif très faible de la modalité du recours au numérique pour remplacer une mobilité liée aux études.
Figure 15 : Répartition des stratégies de remplacement des mobilités par des pratiques numériques.
Source : ISBlue – UBO, 2023. Réalisation : auteurs
35L’analyse des mobilités quotidiennes en contexte insulaire a révélé des différences de pratique et d’attentes marquées entre résidents principaux et résidents secondaires. Cette différence, sans doute existante sur d’autres types de territoires à forte vocation touristique, s’avère sans doute encore plus marquée sur ces territoires présentant un plus grand éloignement lié à la rupture maritime.
36Par ailleurs, pour de nombreux territoires en situation de marginalité, il paraît souhaitable, voire souhaité, de bénéficier d’une meilleure inclusion dans un système territorial plus vaste (passer de la catégorie D à B (voir figure 1)). Et la tendance actuelle, marquée par l'utilisation grandissante de véhicules particuliers, tend à permettre cette évolution pour les espaces ruraux. Toutefois, l’augmentation du nombre de véhicules sur certaines îles ne conduit pas du tout aux mêmes effets et ces territoires ne paraissent pas devoir connaître, à courte ou moyenne échéance, d’évolution quant à leur connectivité ou à leur réversibilité. On pourrait pourtant imaginer des mobilités quotidiennes s’inscrivant dans des mouvements pendulaires entre île et continent. Les temps de transport que cela représente, pour la majorité des îles en tous cas, ne sont pas loin des temps engagés par bon nombre d’habitants de banlieue ou de territoires péri-urbains. Ces pratiques restent pourtant marginales, soit en raison de services de transport peu adaptés, soit en raison de barrières psychologiques. Le cadre des services de transports, en délégation de service public, oblige à une continuité territoriale, mais ne fonctionne pas sur une fréquence adaptée pour une logique de liaison de l’île au continent mais plutôt du continent vers l’île dans une logique de rentabilité pour les compagnies maritimes. De ce fait, les îliens subissent un temps restreint sur le continent, conditionné par les horaires des bateaux. Ces contraintes ont un double coût, à la fois économique et physique, la mobilité vers le continent impliquant souvent de devoir y rester plus qu’une journée. L’impossibilité d’une mobilité quotidienne vers des ressources essentielles explique donc une partie importante des mobilités résidentielles constatées.
37En conséquence, les îliens connaissent des mobilités résidentielles fortes, conditionnées par leur cycle de vie : scolarité, études supérieures, emploi. Ces mobilités, couplées à une progression rapide de la résidentialité secondaire (liée aux projections continentales de territoires sur-imaginés), conduit à une large domination du secteur tertiaire dont le tourisme occupe une part importante. Ces résidents secondaires s’inscrivent dans une forme de mobilité choisie, inscrite entre immobilité et déconnexion des territoires continentaux ; quand bien même cette dernière ne relève que d’une réalité physique. Ainsi, les attentes des résidents principaux et secondaires en termes de mobilité se retrouvent parfois en conflit. En définitive, l’ensemble de ces conditions affectent à long terme les mobilités résidentielles et quotidiennes des résidents îliens.