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Regards

L’éducation par la Nature en forêt au sein d’un service de garde en milieu familial

Virginie Boelen, Céline Clouâtre et Tegwen Gadais

Résumés

Cet article présente le cas concret d’un service de garde en milieu familial priorisant le jeu libre pour une éducation par la Nature dans une forêt des Laurentides au Québec. Au regard des dix principes qui sous-tendent l’approche de L’École en forêt/nature au Canada développée par l'Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature (2020), nous analysons dans quelles mesures ceux-ci peuvent également s’appliquer à des services de garde en milieu familial au Québec comme celui que nous présentons ici.

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Texte intégral

1La parution du Cadre de référence alex créé par l’Association québécoise des centres de la petite enfance pour une éducation par la Nature en service de garde éducatif à l’enfance (AQCPE, 2020) témoigne d’un engouement croissant pour les approches d’éducation laissant plus de place au jeu libre en nature pour les enfants en bas âge. Ce cadre repose sur huit principes directeurs pour une éducation par la Nature dont ceux portant sur l’accessibilité à un lieu naturel riche en biodiversité (principe 2) et le temps accordé aux interactions de l’enfant avec les composantes de ce lieu (principe 1), de même que ceux qui concernent l’exploration et le jeu libre (principe 3) avec un souci d’éveil de la sensibilité écologique (principe 8).

2Nous nous intéressons ici plus particulièrement au cadre de référence de l’approche de l’École en forêt/nature au Canada (2020) qui propose, en plus des principes directeurs du cadre alex, trois valeurs piliers à développer chez l’enfant : la confiance, la liberté et une compréhension de soi-même en tant que partie intégrante du monde naturel, ce qui implique le développement d’une relation de réciprocité envers les éléments du territoire.

  • 1 Le programme pédagogique de ce service de garde a été conçu et expérimenté par Céline Clouâtre, co- (...)

3Cet article présente le cas d’un service de garde en milieu familial priorisant le jeu libre en éducation par la Nature dans une forêt des Laurentides au Québec1. D’après le descriptif des activités quotidiennes de cette garderie en milieu familial, nous analysons dans quelles mesures l’approche de l’École en forêt/nature du Canada, développée par l'Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature (2020), pourrait s’appliquer aussi en service de garde en milieu familial au Québec.

L’approche École en forêt/en nature

  • 2 Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature, 2020, p. 1 et 2, traduction libre

4La démonstration des bienfaits résultant du jeu libre en nature n’est plus à faire. Jouer dehors a un impact positif autant sur la santé mentale que physique des jeunes en plus de développer en eux une attention à la Nature avec le désir d’en prendre soin (Schäffer et Kistemann, 2012 : Chawla, 2020). L'Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature a mis en place un canevas d’éducation par la Nature intitulé École en forêt/nature du Canada (Forest/Nature School – FNS) (2020) qui repose sur les dix principes énumérés ci-dessous2 :

  1. L’école en forêt/en nature se déroule dans n'importe quel espace extérieur, y compris les espaces verts urbains, les terrains de jeux, les forêts, les ruisseaux, les prairies, les montagnes, le littoral et la toundra.

  2. Les périodes passées en nature sont régulières et répétées dans le même espace extérieur pour aider les enfants à développer une relation réciproque avec la terre et une compréhension d'eux-mêmes en tant que partie intégrante du monde naturel.

  3. Les enfants et les jeunes sont considérés comme des apprenants innés compétents, curieux et capables d'apprendre.

  4. Les éducatrices et éducateurs mettent en place des méthodes d'enseignement et d'apprentissage basées sur le jeu libre, l'émergence et la démarche d’enquête, laissant une grande marge de manœuvre aux apprenants.

  5. Le jeu des enfants - autodirigé, librement choisi, intrinsèquement motivé – est favorisé en tant que tel. Les programmes FNS prévoient suffisamment de temps et d'espace pour que les enfants et les jeunes puissent se plonger profondément dans leur jeu.

  6. Le risque dans le jeu est considéré comme faisant partie intégrante de l'apprentissage et du développement sain des enfants. Des éducatrices et des éducateurs compétents et qualifiés aident les enfants et les jeunes à gérer les risques.

  7. Le recours à des matériaux naturels favorise le jeu et l'apprentissage créatifs en continu.

  8. Une importance est accordée autant au processus qu'au résultat.

  9. L'établissement de relations respectueuses réciproques avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits qui tirent des enseignements de la Terre depuis des temps immémoriaux est priorisé.

  10. Une priorité est donnée à la création de communautés engagées, saines, dynamiques et diversifiées en tenant compte de l'accès et de l'équité dans les décisions et les actions.

5Dans l’exemple de la garderie en milieu familial que nous présentons, il s’agit d’examiner dans quelles mesures les dix principes fondateurs de l’École en forêt/nature du Canada (Forest/Nature School) sont appliqués, permettant de constater que ces principes peuvent convenir aux garderies ou à tout le moins, aux garderies en milieu familial.

Présentation de la garderie en milieu familial et forestier

6Située au sein de la forêt des Laurentides dont le relief est composé de montagnes arrondies, la garderie en milieu familial que nous présentons dispose d’une pièce abritée et chauffée, sans eau courante ni d’espace cuisine, sur un terrain privé couvrant environ 20 000 pieds (Photos 1). Les repas chauds servis aux enfants sont cuisinés à l’extérieur avec une mijoteuse ou encore, sur le feu de bois. L’approvisionnement en eau s’effectue par la sortie d’eau de la résidence personnelle de la responsable de la garderie en milieu familial. Le terrain est aménagé de grosses roches sur lesquelles les enfants peuvent grimper, d’un petit jardin, d’un espace gazonné, d’un terrain en pente et, pour le plus grand plaisir des enfants, d’un espace aménagé pour faire de la cuisine de boue (mud kitchen). Le terrain extérieur offre ainsi une variété de défis moteurs et d’endroits propices aux jeux créatifs, imaginaires et collaboratifs pour une petite dizaine d’enfants d’âge préscolaire, entre trois et cinq ans.

7En s’appuyant sur le fait que l’enfant est naturellement curieux et apte à faire des choix et des actions qui favorisent son développement (Maynard, 2007), trois objectifs développementaux principaux sont visés : la confiance et l’estime en soi ; les capacités physiques, sociales et émotionnelles et une attention respectueuse envers le milieu naturel, tous trois gages de santé mentale et physique.

8Le déroulement des journées est ponctué par des routines qui renforcent le sentiment de sécurité chez l’enfant. Il y a d’abord, par exemple, le cercle du matin, puis les repas en communauté, les jeux libres à l'extérieur ou encore le récit ou la lecture de contes. Les enfants sont accompagnés d’un adulte qui porte une attention particulière à leurs besoins ainsi qu’à leurs interactions entre pairs et avec la Nature. L’adulte a un rôle de soutien auprès des enfants dans le développement de leur curiosité ainsi que des habiletés visées (telles que mentionnées plus haut) en réagissant, en temps réel, à leurs questionnements et explorations, sources d’apprentissage. Regroupés sous la forme d’une communauté d’apprenants, les enfants vivent une expérience personnelle et de groupe en nature qui soutient le développement de compétences sociales, notamment grâce au besoin de collaboration entre pairs pour atteindre certains objectifs tels que la construction d’une cabane ou le transport d’objets lourds (Schäffer et Kistemann, 2012 ; Elliot et coll., 2014). De plus, les enfants ont la possibilité de prendre des risques raisonnables dans leurs jeux, comme grimper aux arbres et aux roches, utiliser des outils et courir en nature.

9Bien qu’un horaire-type soit proposé (voir ci-dessous), le temps destiné aux routines et aux activités est très flexible afin de privilégier les jeux menés par les enfants et de suivre leurs intérêts du moment. Si, par exemple, ceux-ci ont du plaisir en s’amusant sur une roche et qu’il n’y a rien d’important qui les attend au camp de base, le temps passé autour de cette roche se prolonge jusqu’à ce qu’ils s’ennuient ou changent d’activité par eux-mêmes. Ainsi, on ne cherche pas à exécuter un emploi du temps fixé d’avance en termes d’horaires, mais on se laisse vivre au rythme de l’enfant.

Récit d’une journée type avec ses routines et ses activités

  • 8h15 : Arrivée des enfants dans un lieu de rendez-vous en nature : un champ

10Les enfants sont accueillis entre 8h15 et 8h45 dans le champ d’un domaine privé qui n’est pas le camp de base. Durant ce temps d’accueil, les enfants prennent le temps de retrouver leurs camarades et de jouer dans cet espace. En hiver, ce terrain se prête particulièrement à la glissade.

  • 8h45 : Départ pour la forêt qui sera traversée pour atteindre le camp de base

11Afin d’annoncer le départ, l’éducatrice entame un chant et les enfants s’approchent pour former un cercle après avoir enfilé leur sac à dos. Ce chant est utilisé pour toute transition d’un lieu à l’autre. Comme presque tous les chants de cette garderie en milieu familial, celui-ci a un lien avec la nature. En voici les paroles : « Dans la forêt, j’aime bien me promener - Au fond des bois, je me sens si bien chez moi - J’aime bien le hérisson, on me dit qu’il est polisson - Parfois je vois le renard, quand il ne fait pas trop noir ».

12Après un temps de rassemblement en cercle (cercle du matin) le groupe entame sa promenade forestière. Avec le temps, les enfants comme l’adulte développent un sentiment d’appartenance et un lien affectif à la forêt qu’ils traversent tous les jours. Dans cet esprit, ils ont donné des noms à différents endroits où ils aiment jouer : La Roche à l’ours (Photos 2), La Roche glissante du pont, l’arbre "La Grand-mère", etc. Durant la traversée vers le camp de base, les enfants grimpent sur les roches et aux troncs d’arbres, jouent avec la terre ou la neige ainsi qu’avec des bâtons et des branches, notamment pour construire des abris pour eux ou pour les êtres de la forêt. Ils contemplent la Nature, chantent et courent tout en s’inventant des mondes imaginaires féconds associés aux éléments du lieu.

Photos 1 : La Roche de l’ours

13Lorsque le groupe décide de s’arrêter en forêt, les enfants déposent leur sac à dos à un endroit et partent sans hésiter jouer et explorer ! Toutefois, cette aisance prend quelques semaines à s’installer chez l’enfant qui intègre la garderie. En effet, lorsqu’un nouvel enfant s’ajoute au groupe, son niveau d’enthousiasme à se promener librement, à grimper et à jouer dans la forêt ainsi que sa résilience aux intempéries, aux chutes et aux défis, est à construire. Celui-ci a besoin d’être soutenu, accompagné et encouragé par l’adulte et les autres enfants du groupe afin de développer sa confiance en soi et en son nouvel environnement.

14Sur le parcours, les enfants ont adopté un grand arbre qu’ils ont nommé « La Grand-mère » (Photos 3). Tout autour de cet arbre, les enfants ont construit un abri avec des branches de bois trouvées à terre, leur servant de repère. L’idée de cet aménagement est venue directement de l’un des enfants. Attachés à ce lieu, les enfants y expérimentent chaque jour des jeux collectifs entremêlés avec de divers projets de construction. Le groupe prend d’ailleurs régulièrement la collation à cet endroit.

Photos 2 : La Grand-mère

  • Entre 10h30 et midi : Arrivée au camp de base

15L’heure d’arrivée du groupe au camp de base varie selon le niveau d’engagement des enfants dans les jeux, dans le respect des principes d’une vision lente du temps ainsi que du jeu libre.

16Dès l’arrivée, tout le groupe se réunit autour du rond de feu pour chanter une comptine associée de gestes, pour saluer les êtres vivants avec lesquels ils partagent le lieu. Voici les paroles de la comptine : « Bonjour chère Terre, bonjour cher Soleil - Bonjour les arbres et les petites fleurs (ou ‘la petite neige’ en hiver) - Bonjour les animaux et puis les oiseaux - Bonjour à toi et bonjour à moi. »

17Ensuite, les enfants retirent de leur sac à dos leur bouteille d’eau et prennent des fruits qu’ils se partagent entre eux. Lorsqu’ils arrivent tôt au camp de base, les enfants qui le désirent peuvent couper leurs fruits pour en faire une salade. Ensuite, ils lavent leur vaisselle de façon autonome, une fois la collation terminée.

18Certains jours, une activité créative en lien avec la saison est organisée. Celle-ci est annoncée par un petit chant choisi ou improvisé par l’éducatrice qui la débute et les enfants viennent voir ce qu’elle fait et se joignent à elle à leur gré.

  • 12h15 : La ronde et le repas en communauté

19Vers 12h15 un petit chant annonce aux enfants que ce sera bientôt le temps d’un rassemblement qu’on appelle la ronde. Ainsi, les enfants sont invités à terminer leur jeu et à commencer à ranger. Puis, tout le groupe se réunit pour une ronde associée à des chants, des comptines et des jeux en lien avec la Nature.

20À la suite de cette ronde, les enfants se lavent les mains et s’installent pour le dîner. Celui-ci peut avoir lieu à l’intérieur ou à l’extérieur selon la météo, le niveau d’énergie et le souhait des enfants (Photos 4). Avant le repas, le groupe chante une petite chanson en signe de gratitude pour le repas reçu. Voici les paroles de l’un de ces petits chants : « Merci mère Terre qui donne la pâture aux tout petits oiseaux - Qui donne notre nourriture et purifie notre eau - Bon appétit à tous les amis, grands et petits - Et il ne faut pas oublier les petites fourmis. »

Photos 4 : Le repas en communauté

  • 13h30 : Préparation pour la sieste

21Après le repas, les enfants préparent leur lit dans la pièce abritée et chauffée et regardent des livres en attendant que tout le monde soit prêt pour la sieste. Ensuite, un conte saisonnier leur est raconté, puis les enfants sont bordés avec un chant.

  • 15h00 : Réveil progressif, collation, et retour à l’extérieur pour les derniers temps de jeux.

  • 16h15 : Arrivée des parents

22Des sorties ponctuelles sous forme d’excursions sont aussi organisées dans le parc régional situé à proximité du camp de base. Celles-ci entrainent les enfants dans une ambiance d’aventure et de découverte, et leur permet de porter un regard nouveau sur la Nature qui les entoure. Ils vivent la fierté et la satisfaction d’arriver au sommet d’un mont avec une vue magnifique, en plus de développer leur endurance physique.

Rapprochement entre l’approche éducative de cette garderie et les dix principes de l’École en forêt/nature du Canada

23À la lumière de la description du lieu et d’une journée type de cette garderie en milieu familial, on peut constater que celle-ci applique de façon significative les huit premiers principes de l’approche École en forêt/en nature du Canada explicités plus haut. La Nature et le jeu libre sont au cœur de la pédagogie de cette garderie en milieu familial où sont valorisés et encouragés la libre exploration, la prise de risques calculés, ainsi que l’amour et le respect de la Nature dans un lieu naturel qui est visité de façon régulière et répétée (principes 1, 2, 6 et 7). En effet, par ce vécu en immersion dans la Nature, les enfants développent un lien de confiance, un lien affectif d’attachement et un sentiment d’appartenance envers cette dernière (Chawla, 2020). Tous ces éléments éveillent une sensibilité écologique faisant naître chez le petit le désir d’en prendre soin (Elliot et coll., 2014). Grâce à son horaire flexible, cette forme d’éducation par la Nature au moyen du jeu et de l’exploration libre, permet aux enfants d’explorer la Nature à leur rythme et dans le respect de ce qu’ils initient selon leurs intérêts. Le troisième, le quatrième et le cinquième principe sont ainsi pleinement activés où « les jeunes sont considérés comme des apprenants innés compétents, curieux et capables d'apprendre » (Child and Nature Alliance of Canada, 2020, p. 1 et 2, traduction libre). En effet, les enfants apprennent et se développent en jouant dans la boue, en grimpant aux arbres ou simplement en contemplant le ciel. Il importe de faire confiance en leurs capacités à se développer pleinement en interagissant avec les éléments de la Nature, de les laisser initier la majorité des jeux, d’être à l’écoute de ce qu’ils ont envie de créer.

24Tout en apprenant à connaître leur milieu naturel, les enfants apprennent à se connaître eux-mêmes et à prendre conscience qu’ils font partie de cette grande chaîne du vivant. Lors des activités menées par les enfants, ceux-ci développent des compétences sociales, apprennent à organiser leur travail, à demander de l’aide et à se concerter entre eux. Ils découvrent leurs capacités et leurs forces tout en interagissant avec leur environnement naturel. La personne adulte a davantage un rôle d’accompagnatrice dans le développement et le cheminement de chaque enfant, dans ses observations, ses questionnements et ses projets, pour favoriser son autonomie et la prise de décision. Par exemple, si en observant ce que font les enfants, l’éducatrice perçoit qu’ils ont besoin d’aide, elle s’approche. Toutefois, lorsqu’un enfant travaille sur un projet ne pouvant s’effectuer seul, la coopération est favorisée entre les enfants avec une intervention minimaliste de la part de l’éducatrice, comme dans l’exemple de la construction d’un abri comme celui de « la Grand-mère » avec des branches d’arbre au sol.

25Évidemment, l’éducatrice agit auprès des enfants afin de stimuler leur intérêt ou leur jeu. Elle marche dans la boue, observe les plantes ou les traces de pas dans la neige. Elle propose des chants et des contes parlant de la Nature. Occasionnellement, elle propose un bricolage naturel ou une activité de cuisine. De plus, en encourageant les enfants à participer aux tâches d’entretien des lieux, l’éducatrice renforce leur esprit de communauté avec le développement d’un sentiment de responsabilité envers les autres et le milieu de vie. Ces derniers points illustrent le dixième principe autour de la création d’une communauté.

26Sans nul doute, en jouant aux mêmes endroits régulièrement, l’enfant développe un lien affectif fort envers la Nature comme le réalise le père d’un des enfants du groupe (fillette de 4 ans) :

Quand on regarde les photos du groupe, tu devrais voir ses yeux, ils brillent ! Elle me commente chaque photo, m’explique tout. Elle me dit que c’est très important pour elle. Je n’ai jamais vu ses yeux comme ça. Il y a tellement de tendresse et de complicité, c’est vraiment beau ! […] Je n’avais aucune idée de la profondeur de ce qu’elle vivait intérieurement […]. Sincèrement, je ne savais même pas qu’un enfant avait ce niveau de profondeur, cette conscience du lien et de la richesse que ça constitue pour elle. […] Pour elle, c’est un royaume. Aucun doute !

27La joie et l’enthousiasme à jouer à La Roche de l’ours, à La Roche glissante du pont et à La Grand-mère témoignent de ce plaisir d’être en interaction avec la Nature. Les enfants demandent d’ailleurs à y retourner en famille.

28Sans l’expliciter, cette garderie en milieu familial respecte les enseignements des peuples autochtones reconnus pour leur relation symbiosynergique (Bertrand et Valois, 1999) avec le territoire. Beaucoup d’indicateurs montrent un rapprochement entre ce qui est fait dans cette garderie en milieu familial et les enseignements autochtones. Par exemple, un profond respect est manifesté pour la Nature ou, dit autrement, la Terre-Mère conçue comme un sujet ayant une identité (ce qui explique le fait que régulièrement le mot Nature est écrit avec un N majuscule comme tout nom propre). L’éducatrice accorde une belle place à l’oralité dans les chants et comptines ; elle priorise l’émergence de la relation propre de chaque enfant avec le territoire. Également, la gratitude envers la Terre-Mère est un élément phare de la routine (Toulouse, 2016). Ainsi par ses pratiques et les valeurs partagées, on retrouve le neuvième principe de L’École en forêt/nature au Canada (2020), celui de l’établissement de relations respectueuses réciproques avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits qui tirent des enseignements de cette Terre depuis des temps immémoriaux.

Conclusion

29L’approche pédagogique de cette garderie en milieu familial dans la région des Laurentides, entourée de forêt sur un relief constitué de petites montagnes arrondies, semble ainsi répondre aux dix principes fondateurs de L’École en forêt/nature au Canada développés par l'Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature (2020). Ces principes s’ancrent davantage dans une relation réciproque et symbiosynergique avec une Nature apprenante que le Cadre de référence alex pour une éducation par la Nature en service de garde éducatif à l’enfance (2020). Ce cas nous permet ainsi d’observer que les principes de l’École en forêt/nature au Canada (2020) peuvent être transférables en milieux de garde en petite enfance ou à tout le moins, en milieu familial, en particulier lorsque le cadre d’implantation offre un accès à des espaces naturels.

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Bibliographie

Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature (Child & Nature Alliance of Canada) (2020). Les principes de l’école en forêt/en nature. https://childnature.ca/about-forest-and-nature-school/

Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) (2020). Alex – Cadre de référence L’éducation par la nature en service de garde éducatif à l’enfance https://www.aqcpe.com/wp-content/uploads/2021/02/alex-cadre-de-reference_lenp-en-sge_2020_VF.pdf

Bertrand, Y. et Valois, P. (1999). Fondements éducatifs pour une nouvelle société. Chronique sociale / Éditions Nouvelles.

Chawla, L. (2020). Childhood nature connection and constructive hope:
A review of research on connecting with nature and coping with environmental loss.
People and Nature, 2, 619-642.

Elliot, E., Eycke, K. T., Chan, S. et Müller, U. (2014). Taking Kindergartners Outdoors: Documenting Their Explorations and Assessing the Impact on Their Ecological Awareness. Children, Youth and Environments, 24(2), 102122.

Maynard, T. (2007). Forest Schools in Great Britain: An Initial Exploration. Contemporary Issues in Early Childhood, 8(4), 320–331.

Schäffer, S. D. et Kistemann, T. (2012). German Forest Kindergartens : Healthy Childcare under the Leafy Canopy. Children, Youth and Environments, 22(1), 270279.

Toulouse, P. (2016). What Matters in Indigenous Education : Implementing a Vision Committed to Holism, Diversity and Engagement. Measuring What Matters, People for Education. https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2017/07/MWM-What-Matters-in-Indigenous-Education.pdf

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Notes

1 Le programme pédagogique de ce service de garde a été conçu et expérimenté par Céline Clouâtre, co-auteure de cet article et Katya Huber, éducatrice à la petite enfance.

2 Alliance canadienne pour l'enfant et la Nature, 2020, p. 1 et 2, traduction libre

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Pour citer cet article

Référence électronique

Virginie Boelen, Céline Clouâtre et Tegwen Gadais, « L’éducation par la Nature en forêt au sein d’un service de garde en milieu familial »Éducation relative à l'environnement [En ligne], Volume 18.2 | 2023, mis en ligne le 25 novembre 2023, consulté le 16 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/ere/11125 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12ihk

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Auteurs

Virginie Boelen

Virginie Boelen est professeure associée au département de didactique de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal. Elle se spécialise en éducation par la Nature dans une perspective de transition socioécologique du rapport au Monde. Elle a développé des outils pédagogiques à cet effet et effectue une recherche postdoctorale au sein du Laboratoire ENa-TerrA (Éducation par la Nature et Territoire Apprenant) à l’Université du Québec à Trois-Rivières.(Courriel : boelen.virginie[@]uqam.ca)

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Céline Clouâtre

Céline Clouâtre a consacré dix ans à la petite enfance avec une approche communautaire ancrée dans la nature. Elle s'intéresse à la manière dont le lien à la nature, le territoire et ses habitants peut favoriser l’écocitoyenneté, influencer le développement territorial et les espaces collectifs (et vice versa), tout en contribuant à la santé des communautés. Cet intérêt pour les relations et les enjeux associés se reflète dans ses réflexions sur les systèmes alimentaires et les activités de plein air.

Tegwen Gadais

Tegwen Gadais a enseigné l'éducation physique dans plusieurs établissements d'enseignement, à divers niveaux et auprès de diverses clientèles. Il possède également une expertise en coopération internationale et en développement où il continue de travailler avec diverses organisations dans les pays en développement. Ses recherches actuelles portent sur l'éducation physique, l'éducation à la santé, l'activité physique et l'éducation en plein air, les changements climatiques, le sport au service du développement et de la paix, ainsi que sur le développement de l'être humain dans une approche holistique et complexe.

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