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Date limite d'envoi des articles : le mercredi 31 mai 2023 inclus

Coordination

- Isabella Damiani, géographe, LIMEEP-PS (UR 20204 / OVSQ), Université Paris Saclay / Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines

- Philippe Keckhut, géophysicien, LATMOS (UMR 8190 / OVSQ, CNRS, Sorbonne), Université Paris Saclay / Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines

Introduction

Pourquoi conquérir l’espace aujourd’hui ? Pourquoi, 60 ans après la première présence humaine dans l’espace, les acteurs continuent-ils à rivaliser dans ce domaine ? Quels rôles jouent les acteurs privés aujourd’hui ? Comment la compétition dans l’industrie spatiale a-t’elle évolué et remodelé le jeu des alliances et coopérations à l’échelle interétatique, mais également infraétatique ? Au-delà de leur utilisation habituelle à des fins militaro-sécuritaires, comment les données recueillies depuis l’espace peuvent-elles contribuer aujourd’hui aux réflexions dans les sciences exactes, mais également dans les sciences sociales ?

Ces questions sont à la base d’une réflexion interdisciplinaire sur le spatial qui a débuté il y a un an entre les différentes composantes intellectuelles de l’Observatoire de Versailles Saint Quentin en Yvelines (OVSQ), et qui a amené à la mise en place de l’Objet Interdisciplinaire de recherche Center for Space Science (CS3) à l’échelle du plateau de Saclay.

L’objectif de ce numéro sera donc de poursuivre la réflexion entamée avec de premiers regards croisés sur la question spatiale à l’occasion de la journée d’étude « Géopolitique de l’espace et espace(s) de la géopolitique » (avril 2022) organisée par le LIMEEP-PS, centre de recherche en sciences sociales de l’Observatoire de Versailles, rencontre qui a privilégié les approches géopolitiques et géoéconomiques du spatial. Les travaux devront s’insérer dans un des deux axes établis : un premier axe plus centré sur l’analyse des acteurs, des rivalités et des stratégies de pouvoir dans et sur le cosmos et un second axe plus structuré autour de l’utilisation de la donnée spatiale dans les recherches en géographie, géopolitique, sciences sociales ou exactes.

Axe 1 : Géopolitiques et géoéconomies de l’espace

Les grandes mutations dans les rivalités de pouvoir entre les acteurs pour la conquête de l’espace constituent un premier axe de cette réflexion. D’une dynamique essentiellement bipolaire russo-américaine dans les années 1950, la course spatiale a vite trouvé d’autres participants avec une coopération européenne, mise en place dès les années 1960 et qui évoluera dans la création de l’Agence spatiale européenne en 1975, ainsi que le développement des programmes spatiaux en Chine, Inde et Japon dès les années 1960. Ces dernières années, le multilatéralisme du cosmos ne cesse de découvrir de nouveaux acteurs institutionnels (Peter, 2006 ; Shay, 2018 ; Sourbès-Verger, 2010, 2019, 2022)

La course au cosmos est alimentée par des objectifs multiples. D’abord vient l’ambition de se positionner en tant que puissance spatiale, motivée notamment par des mobiles sécuritaires, et capable de créer une économie et une industrie spatiales productrices et financeuses de technologie des infrastructures de très haut niveau et de nouvelle génération, satellites, sondes ou lanceurs, comme le développement de la filière des nano satellites. Cette reconnaissance dans le domaine du spatial participe des efforts de l’acteur institutionnel en question de se construire une image plus générale de puissance.

Un autre enjeu des dernières années est certainement la privatisation et/ou la commercialisation banalisée de l’espace extra-atmosphérique (Sourbès-Verger, 2022). Le cosmos ne demeure pas seulement le lieu de rivalité entre acteurs institutionnels, mais devient un lieu d’affrontement entre les plus importants capitaux privés mondiaux, notamment nord-américains et chinois (Sénéchal-Perrouault, Liffran, 2019), déclencheur de l’âge du nouvel spatial, le New Space (Pasco, 2018).

Axe 2 : Espace(s) de la géopolitique

L’autre axe majeur de réflexion de ce numéro a comme point de départ l’idée que la course à l’espace poursuit d’autres objectifs, dont l’importance croît, comme le développement de la communication par satellite (Guerster et al., 2022) ou la production de la donnée sur les autres planètes, sur les autres galaxies, mais également sur la Terre, dans différents domaines scientifiques, dont la géopolitique.

Certaines nouvelles données en provenance de l’espace nous permettent d’analyser, de comprendre et d’interpréter les évolutions terrestres, afin de faire, par exemple, des prévisions sur certains risques environnementaux comme les éruptions volcaniques ou les feux de forêts (Saidi et al, 2021). Cependant, l’utilisation scientifique de la donnée spatiale, comme les images satellite, peut également soutenir l’analyse et la compréhension de dynamiques humaines, à lire la résilience sociale des territoires, à déchiffrer une tendance dans l’urbanisation, ou encore à interpréter l’évolution de l’aménagement d’un espace politique (Verger, 1981 ; Agnew, Gillespie, Gonzalez et al, 2008 ; Damiani, Bachelet, 2018 ; Singh, 2022). Lieu privilégié d'articulation du politique et du spatial (Foucher, 1991), vision matérielle de l’institution étatique (Amilhat Szary, 2020) la frontière fait partie des objets géopolitiques dont l’observation et l’étude peut être facilitée par le traitement de l’imagerie satellite. La résolution temporelle de la donnée satellite, notamment celle de certains programmes satellitaires mis en place dès les années 1960, permet, à travers des analyses diachroniques, de remonter le temps et de mieux discerner les évolutions frontalières sur le territoire (Kuenzer, Dech, Wagner, 2015).

L’utilisation de la donnée spatiale pour l’analyse de l’espace politique, particulièrement convoitée dans le domaine du renseignement militaire géospatial (GEOINT), peut également avoir des objectifs exclusivement scientifiques et indépendants de toute sorte d’acteurs politiques ou économiques. La donnée spatiale peut ainsi être un outil du pouvoir, mais également un outil de regard critique et de contrôle sur le pouvoir. Cette dernière interprétation sera la priorité dans ce travail de réflexion.

Calendrier

- Date limite d’envoi des articles : le mercredi 31 mai 2023 (inclus)

- Mise en ligne du numéro : fin 2023

Recommandations, procédure de dépôt et contacts

Les articles ne doivent pas dépasser 60 000 signes (espaces non compris) et respecter les normes de publication de L’Espace Politique [En ligne http://espacepolitique.revues.org/1302].

Les propositions d’articles sont à envoyer conjointement à Isabella Damiani et Philippe Keckhut (isabella.damiani@uvsq.fr, philippe.keckhut@latmos.ipsl.fr).

Bibliographie

Agnew J., Gillespie T., Gonzalez J., Min B., 2008, « Baghdad Nights: Evaluating the US Military 'Surge' Using Nighttime Light Signatures », UCLA: California Center for Population Research.

Amilhat Szary A-L., 2020, Géopolitique des frontières. Découper la terre, imposer une vision du monde, Le Cavalier Bleu, Paris.

Damiani I., Bachelet V., 2018, « Représentations géopolitiques sur la Route de la Soie, une étude à l’aide de l’analyse cartographique et du traitement d’images satellites », L’Espace Politique, 34 | 2018-1.

Foucher M., 1991, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, Fayard, Paris.

Guerster M., Crawley E., Aliaga S., Cameron B., 2022, « So many beams, so little time: Revenue Management in the next generation of flexible communication satellites », Acta Astronautica, Volume 191, 479-490.

Kuenzer C., Dech S., Wagner W. (dir.), 2015, Remote Sensing Time Series. Revealing Land Surface Dynamics, Springer, New York.

Pasco X., 2017, Le nouvel âge spatial – De la guerre froide au New Space, CNRS Éditions, Paris.

Peter N., 2006, « The changing geopolitics of space activities », Space Policy, Volume 22, Issue 2, 100-109.

Saidi, S., Younes, A.B. & Anselme, B. 2021, « A GIS-remote sensing approach for forest fire risk assessment: case of Bizerte region, Tunisia », Applied Geomatics 13, 587–603.

Senechal-Parrouault L., Liffran C., 2019, « La stratégie d’innovation chinoise dans le domaine spatial : les lancements spatiaux chinois à la conquête du marché », Asia Trends, N.5.

Shay S., 2018, « The United Arab Emirates (UAE) and the Space race », IPS Publications, octobre 2018.

Singh R., 2022, Re-envisioning Advances in Remote Sensing Urbanization, Disasters and Planning, CRC Press, Routledge.

Sourbes-Verger I., 2010, « Espace et Géopolitique », L’Information Géographique, 2010/2, vol.74, 10-35.

Sourbès-Verger, I., 2019, « Chine, Russie, Inde, Japon : essai de typologie de leurs ambitions spatiales en 2019 », Annales des Mines - Réalités industrielles, 25-29.

Sourbes-Verger I., 2022, « L’espace, lieu particulier des rivalités politiques et technologiques », Revue Défense Nationale, 2022/6.

Verger, F., 1981, L’Observation de la Terre par les satellites, Presses universitaires de France, Paris.

Verger, F., 2010, « Les débuts de la télédétection spatiale dans la géographie française : témoignage d'un pionnier », L'Information géographique, 2010/2, vol.74, 45-52.