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Géopolitique locale de la ruralité : engagements citoyens et dynamiques alternatives

De la conquête territoriale à l’ancrage local : engagements d’acteurs pour maintenir un vivre ensemble par le football

From territorial conquest to local roots: a geopolitical analysis of football in rural areas
Meddy Escuriet

Résumés

Le football est le premier sport de masse à l’échelle mondiale. En France, c’est celui qui compte le plus grand nombre de licenciés. Si les clubs professionnels peuvent être des mastodontes culturels et économiques, les clubs amateurs, particulièrement en milieu rural, rencontrent souvent des difficultés significatives. Ces clubs jouent pourtant un rôle crucial dans les territoires où ils sont ancrés, en tant qu’acteurs majeurs du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. L’Union Sportive Egliseneuve-près-Billom, située dans une commune rurale du Puy-de-Dôme, illustre cette réalité. Confronté à une diminution du nombre de licenciés et à une forte concurrence locale, le club a dû adapter ses pratiques, en tenant compte d’un contexte géopolitique complexe, où se mêlent enjeux territoriaux et dynamiques d’acteurs. Cet article propose d’analyser les stratégies géographiques et territoriales mises en œuvre par le club pour attirer de nouveaux joueurs, assurer sa pérennité associative et renforcer son rôle structurant dans la communauté.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 En 2023 le football était devant le tennis et l’équitation le sport qui comptait le plus de licenci (...)

1Depuis les années 1950 et les travaux pionniers de Robert Specklin (1956), le football est progressivement devenu un véritable objet d’étude pour la géographie française, puis pour la géopolitique. Premier sport de masse à l’échelle mondiale, c’est également le sport qui compte le plus de licenciés en France1. Dans les espaces ruraux, les petites associations sportives et en particulier les clubs de football sont des acteurs essentiels du lien social local et des piliers du vivre ensemble. Au-delà de leur fonction sportive, elles jouent un rôle clé dans l’animation des villages en organisant par exemple des événements festifs et en créant des espaces de convivialité. Confrontés à de nombreux défis, les clubs ruraux sont pourtant en difficulté. Depuis les années 1990, leur nombre diminue de manière significative en raison de plusieurs facteurs tels que l’exode rural, le vieillissement de la population et la concurrence d’activités sportives moins contraignantes.

2En dépit de ces défis, l’importance de ces clubs pour le dynamisme et la cohésion des communautés rurales est indéniable. Pourtant, alors que le football a été abondamment étudié sous l’angle des relations internationales (Poli, 2004 ; Poli et Ravenel, 2005 ; Soppelsa, 2010 ; Boniface, 2017 ; Aurégan, 2017 ; Gaubert et Augustin, 2017 ; Guégan, 2017 ; Piraudeau, 2017 ; Ravenel et al., 2017 ; Gaubert, 2017a ; Abouna et Bourgeois, 2021 ; Ravenel et Garnier, 2022 ; Loïzzo, 2023), la situation des clubs de football en milieu rural reste peu explorée dans la littérature scientifique. Malgré cela, leur situation soulève de véritables enjeux géopolitiques. Ces associations locales, bien qu’éloignées des projecteurs du football « business », sont en effet au cœur de dynamiques territoriales complexes les obligeant à développer des stratégies pour survivre et s’insérer dans des jeux d’acteurs locaux.

3À cet égard, les clubs de football ruraux ne sont pas seulement des lieux de pratique sportive, mais des institutions qui participent à la mobilisation des ressources locales, à la création de liens sociaux durables et à la construction des identités territoriales. Dans un tel contexte, comment ces clubs, malgré leurs difficultés, parviennent-ils à assurer leur pérennité tout en préservant leur rôle fondamental dans le maintien des liens sociaux en milieu rural ?

4Le cas d’Égliseneuve-près-Billom dans le Puy-de-Dôme, et de son club, l’Union Sportive Égliseneuve-près-Billom (USEPB), illustre bien cette réalité. Située dans une commune rurale de la dernière couronne de l’aire d’influence de Clermont-Ferrand, l’USEPB fait partie des plus petits clubs du département, évoluant au plus bas niveau du district du Puy-de-Dôme. Confronté à la baisse de son effectif et soumis à la concurrence d’autres clubs, il est en difficulté. Association importante dans la vie de la commune, l’USEPB tente de survivre afin de faire perdurer les synergies qu’elle crée autour d’elle. Chaque saison, sa survie passe par la mise en place de réflexions stratégiques sur la façon d’atteindre deux objectifs importants : conserver et recruter des membres, notamment des joueurs, et obtenir les moyens financiers de faire fonctionner l’association. La poursuite de ces deux objectifs oblige le club à considérer le territoire à deux échelles et de deux façons différentes. À l’échelle la plus petite, le territoire est d’abord un objet de concurrence avec d’autres clubs pour la conservation et le recrutement de nouveaux joueurs. À une échelle plus grande, surtout celle de la commune, le territoire constitue une ressource aussi bien financière qu’identitaire sur laquelle il peut s’appuyer. En plus de l’inscription dans ces dynamiques territoriales, l’USEPB doit se positionner au cœur de plusieurs jeux d’acteurs. Ces acteurs influencent directement les stratégies mises en place. Selon les situations, ils peuvent soit faciliter l’atteinte des objectifs du club, soit se transformer en obstacles. Il est donc essentiel pour le club d’adapter ses actions en fonction de ces différentes interactions et des rapports de force qu’elles impliquent.

5Pour recruter de nouveaux joueurs, les clubs de football doivent tout d’abord considérer le territoire comme un espace à conquérir et à défendre. Confronté à d’autres clubs cherchant à faire la même chose, l’USEPB a mis en place plusieurs stratégies recrutement. Dans un premier temps, elle a élargi son emprise géographique en engageant plusieurs joueurs habitant Clermont-Ferrand et son agglomération. La contrainte des coûts liée à des temps de transport élevés pour ces nouveaux joueurs ainsi que la concurrence sont les principales raisons qui ont causé l’échec de cette stratégie. Bénéficiant de la non-participation d’un club important du territoire, l’USEPB a dans un second temps adoptée une stratégie géographique inverse en se repliant et en consolidant son assise territoriale. Cela lui a permis d’engager des joueurs locaux, originaires des communes proches d’Égliseneuve-près-Billom et même du village.

6En nouant des partenariats avec des sponsors du territoire ou en organisant chaque année des manifestations c’est en investissant sur ses fondations et en consolidant son ancrage local que l’USEPB est parvenue à obtenir des ressources financières pour pouvoir fonctionner. En mobilisant à des fins stratégiques les représentations du club et du territoire qu’il contribue à produire, le club s’est saisi des manifestations organisées chaque année pour fidéliser les nouveaux joueurs arrivés. Ainsi la vente annuelle des calendriers du club a été utilisée pour permettre aux nouveaux joueurs d’adhérer à une identité territoriale et de développer un attachement au club et à la commune.

Chercheur pratiquant originaire de la commune d’Égliseneuve-près-Billom, dirigeant et joueur du club depuis plusieurs années, je tenterai de montrer à travers cet article que les principaux enjeux relatifs à la pratique du football au dernier échelon départemental (12 divisions d’écart avec la Ligue 1) se situent principalement en dehors du terrain.

Le football amateur : quels enjeux géopolitiques à l’échelle locale ?

  • 2 En plus de la parution en 2017 d’un numéro spécial de la revue Géographie et Cultures consacré aux (...)
  • 3 Malgré le fait que Christian Pociello et Jean Corneloup soient tous deux sociologues, leurs travaux (...)

7Comme l’indique l’importante revue de littérature compilée par Vincent Gaubert et Jean-Pierre Augustin (2017), en ouverture d’un numéro spécial dans la revue Géographie et Cultures, le football a été étudié par la géographie, sous plusieurs angles et à plusieurs échelles2. Dans le sillage et en parallèle des études en sociologie ou en géographie des sports (Pociello, 1999, Corneloup, 20023 ; Keerle, 2007 ; Escaffre, 2011 ; Bourdeau et al., 2011 ; Augustin, 2016), la distribution spatiale des pratiquants du football, ainsi que la localisation des clubs ont fait l’objet de plusieurs travaux. En croisant densité de population, caractéristiques sociales des villes et même climats régionaux, Robert Specklin (1956) a, dès les années 1950, tenté d’expliquer la distribution spatiale en deux blocs (nord-est et sud-est) des clubs de football de première et deuxième division. En 1998, Loïc Ravenel s’est également intéressé aux clubs professionnels français en tentant, par exemple, d’en appréhender les spécificités par rapport aux autres clubs européens. En mettant en évidence le fait que dans les années 1990 les grandes villes françaises n’abritaient qu’un seul club de haut niveau, Ravenel démontre que la puissance démographique n’est pas forcément synonyme de diversité et de performance sportive. Avec l’arrivée de Guingamp et Gueugnon en première division et la victoire finale d’Auxerre en 1996, il constate que la hiérarchie footballistique française laisse à cette époque une place non négligeable aux villes petites et moyennes (Ravenel, 1998). Sortant du cadre national, plusieurs auteurs ont analysé les modèles de distribution des clubs dans une région en particulier (la Lorraine pour Walterspieler (1982), la Franche-Comté pour Mathieu et Praîcheux (1984) et Grosjean (2003, 2006a, 2006b)). Aussi bien dans son travail de thèse en cours que dans les articles qu’il a publiés, Thomas Meignan à, quant à lui, souligné les liens existant entre éléments géographiques et identité des clubs de football amateurs dans les petites villes (2023a) et en milieu rural (2023b). En s’intéressant à la manière dont les matchs de football exacerbent les rivalités entre communes tout en stimulant les identités villageoises, il montre que les guerres de clochers « comme elles sont parfois nommées par les clubs, sont encore présentes dans beaucoup de territoires » (Meignan, 2023b, p. 201). Le lien entre football et identité locale a également été identifié par plusieurs sociologues (Faure, 1999 ; Renahy, 2001 ; Mauny et Gibout, 2008 ; Arnal, 2013). Les travaux de Thierry Arnal (2013) sur les processus d’affirmation et d’idéalisation d’une identité minière au sein d’un club amateur aveyronnais et ceux de Nicolas Renahy (2001) sur les rapports entre une équipe bourguignonne et son territoire sont particulièrement intéressants. Dans les deux cas, des processus complexes d’identification des clubs à leur territoire et, en retour, d’identification des acteurs des territoires à leurs clubs sont mis en lumière.

  • 4 Abouna et Bourgeois (2021) s’intéressent dans leur article à la mondialisation et la féminisation d (...)

8Au-delà des modèles de distribution spatiale et des enjeux identitaires que sa pratique peut impliquer, le football a également été appréhendé sous l’angle des relations internationales. Utilisé comme un outil de soft-power diplomatique (Boniface, 2017 ; Loïzzo, 2023), il sous-tend des rapports de pouvoir, voire des tensions entre États et entre territoires. Sport mondialisé par excellence (Aurégan, 2017 ; Gaubert et Augustin, 2017 ; Abouna et Bourgeois, 20214), le « produit football » contribue à redéfinir les rapports Nord-Sud (Soppelsa, 2010) ou à générer des flux lors des transferts de joueurs (Poli, 2004 ; Poli et Ravenel, 2005 ; Piraudeau, 2017 ; Ravenel et al., 2017). Si des initiatives intéressantes s’inscrivent en marge du football business en proposant de redonner le football au peuple (Dey-Helle, 2024), il est bien souvent considéré comme un instrument de pouvoir par les puissances contemporaines (Guégan, 2017 ; Gaubert, 2017a ; Ravenel et Garnier, 2022).

9Qu’il s’agisse d’enjeux géographiques ou géopolitiques, les études sur le football en sciences sociales ont eu tendance à passer sous silence la situation des petites associations sportives. Puisqu’elles sont également au cœur d’enjeux territoriaux, pouvant impliquer des rapports de pouvoir entre acteurs, il est légitime de se demander dans quelle mesure leur situation soulève des enjeux géopolitiques à une échelle locale.

10Renvoyant selon Yves Lacoste (1995, p. 3) à « l’étude des rivalités de pouvoir sur des territoires », la géopolitique a laissé pendant de nombreuses années de côté les enjeux locaux (Paquet, 2019). La géopolitique locale, pouvant être comprise comme l’analyse des rapports de force entre acteurs autour de projets locaux d’aménagement du territoire ou d’évènements ayant un impact local, doit beaucoup aux travaux de Philippe Subra. Pour ce dernier (2016, p. 6), « associer les mots “géopolitique” et “local” ne va pas forcément de soi ». Alors que la géopolitique fait référence aux conflits internationaux qui éclatent entre différents pays du monde autour du contrôle des territoires, le terme local se rapporte à des enjeux de gestion ou de gouvernance territoriale plus proches des citoyens.

11Les problématiques rencontrées par les clubs de football à l’échelle locale, voire micro-locale, peuvent sembler limitées par rapport aux conflits internationaux ou aux conflits à propos de projets d’aménagement du territoire. Si elles ne génèrent pas de luttes et de rapports de force conflictuels et ne dépassent pas (au premier abord) l’échelle des territoires et des acteurs directement impliqués, elles peuvent néanmoins être considérées sous un angle géopolitique.

12Les clubs de football, même à un niveau amateur, sont tout d’abord confrontés à des enjeux territoriaux spécifiques. Pour exister et permettre la pratique du football, ils se doivent d’atteindre deux objectifs importants : conserver et recruter des membres d’une part et obtenir des moyens financiers pour fonctionner d’autre part. Pour atteindre ces deux objectifs, le territoire est en même temps un espace à défendre ou à conquérir et une ressource sur laquelle s’appuyer. En plus de leur inscription territoriale, ils doivent tenir compte du système d’acteurs dans lequel ils sont insérés. Les acteurs, « toute personne physique ou morale qui est dans l’action pour défendre un intérêt » (Loyer, 2019 p. 150) peuvent être individuels (membres du club) ou collectifs (autres clubs concurrents, municipalité, sponsors, habitants, autres associations). Les interactions que les clubs entretiennent avec eux influencent directement la manière dont ils évoluent dans leurs contextes locaux et assurent leur pérennité. Pour fonctionner, ils se doivent de fidéliser et renforcer leur effectif tout en tenant compte de la concurrence des autres clubs qui cherchent à faire la même chose, empiétant parfois sur leur territoire. Pour obtenir les ressources nécessaires à leur fonctionnement, ils éprouvent la nécessité d’établir des relations avec les collectivités, de nouer des partenariats avec des sponsors ou d’organiser des événements. D’une manière générale, les clubs ne se contentent pas de réagir aux dynamiques locales, mais planifient activement des actions pour conquérir ou consolider un espace, maximiser leurs ressources et garantir leur viabilité dans un contexte concurrentiel.

13Égliseneuve-près-Billom est une commune rurale du Puy-de-Dôme, qui subit l’influence de la métropole de Clermont-Ferrand. Dans un secteur géographique en mutation, qui n’est pas confronté aux problématiques démographiques qui touchent les territoires ruraux plus isolés, c’est le club de football – l’Union Sportive Égliseneuve-près-Billom (USEPB) – qui est fragile. Confronté à la baisse de ses effectifs, il peine à maintenir une équipe en championnat. Acteur important de la vie locale, il est, comme bon nombre de clubs de football ruraux en France, menacé de disparition.

Les clubs de football ruraux, des acteurs majeurs du vivre ensemble en difficulté : l’exemple de l’Union Sportive Égliseneuve-près-Billom

14Égliseneuve-près-Billom est une commune puydomoise située à environ 35 kilomètres à l’est de Clermont-Ferrand et à 25 kilomètres de Thiers. Traversée par la route départementale 997 reliant Clermont-Ferrand à Ambert, la commune est membre du Parc Naturel Régional du Livradois Forez. Le bourg d’Égliseneuve-près-Billom installé sur un promontoire rocheux domine la plaine de la Limagne et offre une vue dégagée sur la Chaine des Puys et le Massif du Sancy à l’ouest et sur les Monts du Forez à l’est (Photographie 1). Après avoir connu un fort exode rural à partir du milieu du XIXème siècle, Égliseneuve-près-Billom gagne de la population depuis les années 1970 et totalise aujourd’hui 892 habitants (INSEE, 2021).

Photographie 1 : Panorama du bourg d’Égliseneuve-près-Billom (vue vers l’ouest)

Photographie 1 : Panorama du bourg d’Égliseneuve-près-Billom (vue vers l’ouest)

Source : Cliché provenant du site internet de la commune d’Egliseneuve-près-Billom (https://egliseneuve-pres-billom.fr consulté le 6 juin 2024).

  • 5 Le bassin de vie de Billom totalise 16 communes (Billom, Bongheat, Égliseneuve-près-Billom, Espirat (...)

15Commune à habitat dispersé, elle compte en plus d’un bourg centre une quarantaine de hameaux. Deux commerces sont installés à Égliseneuve-près-Billom, une pizzeria et un bar tabac restaurant. Située à cinq kilomètres de Billom (4 904 habitants, INSEE 2021), la commune appartient au bassin de vie de cette petite ville5. Les habitants peuvent donc bénéficier à proximité des services de base qui n’existent pas sur son territoire (médecins, pharmacies, supermarchés, etc.).

  • 6 Égliseneuve-près-Billom est située dans l’aire d’attraction de Clermont-Ferrand (INSEE, 2024b)

16De tradition agricole, la commune subit depuis plusieurs années un net recul du nombre des exploitations présentes sur son territoire. Il en reste une quinzaine aujourd’hui (Ministère de l’Agriculture, 2020). Il s’agit principalement de petites exploitations familiales d’élevage bovin ou ovin et de cultures diverses (maïs, blé, tournesol). L’exploitation de la vigne a fortement marqué la culture, le style de bâti et le paysage d’Égliseneuve-près-Billom. Il subsiste aujourd’hui quelques parcelles de vignes sur les coteaux et le comité des fêtes organise chaque année un concours des vins. Le secteur social et médico-social est le principal employeur de la commune. La Maison d’Enfants à Caractère Social (MECS) La Peyrouse et l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) d’Escolore emploient à eux deux environ cent personnes (travailleurs sociaux, personnels administratifs, travailleurs handicapés, etc.). Classée « commune rurale à habitat dispersé » par la grille communale de densité de l’INSEE (2024a), Égliseneuve-près-Billom subit tout de même l’influence de Clermont-Ferrand. Si on se réfère à la tentative de définition du périurbain proposé par Laurent Cailly, on remarque qu’Égliseneuve-près-Billom est une commune subissant une influence urbaine encore timide mais réelle. Pour lui, l’espace périurbain désigne « une aire polarisée par des navettes domicile-travail ou par d’autres mobilités (achats, loisirs, sociabilités, etc.), un espace principalement résidentiel ou prédominent l’habitat pavillonnaire et les formes d’urbanisation nouvelles, une interface paysagère et fonctionnelle – hybride – où se mélangent des dispositions proprement “rurales” (agriculture, paysages bucoliques, faibles densités) et des dispositions proprement urbaines » (origine citadine des habitants ; lieux de travail, de consommation ou de loisirs majoritairement urbains) » (Cailly, 2013, p. 769). Si les mobilités quotidiennes vers l’agglomération clermontoise ne sont pas négligeables6, Égliseneuve-près-Billom est une commune plus rurale que périurbaine. En effet, les habitants habitent un territoire se caractérisant tout d’abord par la persistance de l’agriculture et les densités de population basses. De plus, les emplois et les services offerts dans l’ensemble du bassin de vie de Billom leur permettent de conserver une relative indépendance par rapport à la métropole. En dépit de projets d’urbanisation récents, l’habitat pavillonnaire ne domine pas et les égliseneuvois ne sont pas majoritairement des urbains venus s’installer à l’écart de la ville, mais davantage des personnes originaires du village ou des localités alentours. La mentalité rurale, l’esprit de village et l’interconnaissance s’expriment par l’intermédiaire des nombreuses associations que compte la commune. Un peu moins d’une vingtaine sont implantées à Égliseneuve-près-Billom. Elles œuvrent dans des secteurs divers (organisations d’évènements culturels, sport, danse traditionnelle, théâtre, protection de la nature et du patrimoine, etc.).

17L’Union Sportive Égliseneuve-près-Billom (USEPB), le club de football local est l’une d’entre elles. L’association a été créée en 2021 suite à la fusion de deux clubs existants, le Foot Jeunes Égliseneuve-près-Billom qui ne comptait qu’une section jeunes et le Football Club Égliseneuve-près-Billom qui ne disposait que d’une section adultes. La présence de deux clubs était liée à une scission en 2004 au sein de la section football de l’amicale laïque créée dans les années 1930. En plus de permettre une pratique sportive de proximité, l’USEPB est un acteur important de la vie locale. Un dimanche sur deux, les matchs à domicile qui réunissent les habitants mettent de l’animation dans le village. Chaque année, le club organise plusieurs manifestations qui sont des moments importants dans la vie communale. Ce qui est vrai pour Égliseneuve-près-Billom et son club de football l’est également pour d’autres communes rurales. Thomas Meignan (2023b) a par exemple constaté que dans les espaces ruraux parfois confrontés à d’importantes difficultés, les clubs sportifs et à fortiori les clubs de football jouent un rôle essentiel. Au regard de leur dynamisme, ils « participent, parmi d’autres éléments, à la vie et à l’identité des territoires ruraux. En proposant des activités sportives (match, entraînements) et extra-sportives (repas, lots, bals, etc.), ils permettent le développement local des ruralités » (Meignan, 2023b, p. 195). Dans certains cas, ils peuvent même s’inscrire dans une logique d’inclusion des personnes en situation de handicap (Chignier-Riboulon et al., 2022).

  • 7 À titre de comparaison, au 1er juin 2024 (après la date de clôture des possibilités de créations de (...)

18Malgré son importance pour la commune et ses habitants, l’USEPB est en difficulté. Confrontée à la diminution de ses effectifs, le club peine chaque saison à obtenir suffisamment de membres pour engager une équipe en championnat. Totalisant pour la saison 2023-2024, 31 licenciés, il faisait d’ailleurs partie des plus petits clubs du Puy-de-Dôme. Sur les 142 clubs engagés dans les compétitions de football masculin dans le département, il était parmi les 15 clubs ayant l’effectif le moins élevé7.

  • 8 Après plusieurs années de stagnation du nombre de licenciés, avec plus de 2 300 000 licences délivr (...)

19Les difficultés éprouvées par le club ne sont cependant pas originales. Elles s’inscrivent dans un contexte général de baisse du nombre d’associations sportives depuis les années 1990. Touchant toute la France, ces évolutions affectent surtout le milieu rural et concernent tous les sports (Meignan, 2023b). Pour le football, sur l’ensemble du Massif-Central, le nombre de clubs est passé de plus de 2 000 en 1990 à moins de 1 200 en 2020 (Meignan, 2023b). À l’échelle du district du Puy-de-Dôme, il est passé de 237 en 1986 à 163 en 2020. La mise en évidence des modèles de diffusion du football proposée par Frédéric Grosjean (2006a, 2006b) est utile pour comprendre la disparition progressive des petits clubs. Considérant les clubs de football comme des services offerts à la population « au même titre que le bureau de poste ou le café (lieu de convivialité, maintien du lien social) » (2006a, p. 74), il constate plusieurs phases d’augmentation et de baisse de l’offre en clubs de football en France. Introduit au début du XXème siècle, d’abord dans les villes, « selon les canaux de la hiérarchie urbaine » (Grosjean, 2006a, p. 69), le football à progressivement inondé le milieu rural. Entre 1965 et 1985, le football « devient un véritable phénomène culturel et médiatique (début des retransmissions des matchs télévisés dans les années 1960) ». La généralisation des moyens de transport individuels, l’allongement du temps libre, le contexte démographique favorable pour les communes rurales à cette époque mais aussi les politiques incitatives de la fédération sont autant de facteurs qui expliquent son développement en milieu rural. La fin des années 1980 et le début des années 1990 marquent le recul du nombre de clubs de football en France et particulièrement en milieu rural. L’exode rural, le vieillissement de la population dans les campagnes, la concurrence avec de nouvelles formes de football (Gaubert, 2012, 2017b) et le développement nouvelles activités sportives moins contraignantes, causent le déclin (Meignan, 2023b). Dans son article publié il y a une vingtaine d’années, Frédéric Grosjean constatait déjà les difficultés auxquelles allaient être confrontés les clubs ruraux : « Sur ces bases, il est possible de soumettre quelques perspectives d’évolution de cette activité. Aujourd’hui, l’espace d’adoption est saturé : les potentiels de création de nouvelles équipes sont fortement réduits tandis que les clubs menacés de disparition sont nombreux. Ainsi, le recul de la discipline risque de se poursuivre en milieu rural alors que l’on relève quelques possibilités de créations de nouvelles équipes dans les communes périurbaines. » (Grosjean, 2006a, p. 71). D’un côté, le nombre de clubs de football diminue, d’un autre coté le nombre de licenciés augmente à l’échelle nationale8. Si, après la disparition de leur club, certains joueurs arrêtent le football, d’autres s’inscrivent dans un autre club (Grosjean, 2006a). Pour maintenir l’activité sportive, les clubs en difficulté peuvent être amenés à fusionner c’est-à-dire à « cesser leur propre activité dans le but de créer une nouvelle entité regroupant les anciens clubs » (Meignan, 2023b, p. 203). Cette solution pouvant être intéressante en milieu rural, peut poser des problèmes surtout en ce qui concerne la difficulté à créer l’identité d’un nouveau club à partir de la fusion de clubs voisins dont les confrontations passées s’inscrivaient dans de rivalités de clocher (Meignan, 2023b).

  • 9 L’A.S.C Lachaux n’est pas parvenu à terminer la saison 2023-2024, au mois de février 2024 il a décl (...)
  • 10 Au 1er juin 2024 (après la date de clôture des possibilités de créations de nouvelles licences pour (...)

20La composition de la Poule A du championnat de départemental 5 du district du Puy-de-Dôme, dans laquelle évoluait l’USEPB pendant la saison 2023-2024, est révélatrice de la fragilité des clubs ruraux et du recours à la fusion comme modalité d’adaptation (Carte 1). Sur les 11 équipes engagées, en plus de l’USEPB, deux évoluaient avec un effectif limité : il s’agissait du F.C Dorat et de l’A.S.C Lachaux9. Situés tous deux en milieu rural, hors de l’aire d’influence de Clermont-Ferrand, ils faisaient également partie des plus petits clubs du district et étaient les seuls de la poule à n’avoir qu’une équipe engagée10. Quant au club de Durolle-Foot, issu de la fusion entre les clubs de Chabreloche et Celles-sur-Durolle en 2013, il s’en tirait mieux puisqu’il comptait 215 licenciés et neuf équipes engagées.

Carte 1 : Répartition géographique des équipes de la poule A du championnat de 5e division du district du Puy-de-Dôme (saison 2023-2024)

Carte 1 : Répartition géographique des équipes de la poule A du championnat de 5e division du district du Puy-de-Dôme (saison 2023-2024)

Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap

21Alors que les clubs ruraux sont des acteurs importants au niveau local, le contexte général ne leur est pas favorable. Avant de fusionner avec une autre entité ou de tout simplement disparaître, quels leviers les clubs les plus fragiles peuvent-ils utiliser ? La survie en tant qu’entité indépendante de clubs comme l’USEPB dépend largement de leur capacité à attirer et à fidéliser leurs adhérents (qu’il s’agisse de joueurs ou de bénévoles), condition indispensable pour pouvoir participer aux compétitions et faire fonctionner les associations. Or, dans un contexte de concurrence entre plusieurs clubs, tous à la recherche des mêmes ressources humaines, il devient nécessaire de déployer des stratégies de recrutement. Elles reposent souvent sur la conquête ou la préservation de territoires, qu’ils soient proches ou plus éloignés, face à d’autres associations qui ont des objectifs similaires. Chaque club cherche ainsi à étendre son influence sur des espaces géographiques donnés, luttant pour attirer des joueurs libres ou en quête de changement. La concurrence entre les clubs prend donc une dimension territoriale, où l’espace devient un objet à conquérir ou à défendre.

Recruter de nouveaux membres dans un contexte concurrentiel : entre conquête et repli territorial

  • 11 Le S.C Billomois, deuxième division départementale, 199 licenciés (2022-2023) ; l’AM.C.L.S.F.C Sain (...)

22À l’échelle du bassin de vie de Billom dans lequel est implantée la commune d’Égliseneuve-près-Billom quatre clubs11 évoluent à un niveau plus élevé que l’USEPB. Totalisant également un nombre de licenciés plus grand, certains ont plusieurs équipes engagées en championnat. Parmi eux, le Sporting Club Billomois est le club historique du bassin de vie, c’est aussi le principal concurrent de l’USEPB. Ayant évolué plusieurs années au niveau régional, il est souvent parvenu à recruter bon nombre de joueurs auparavant licenciés à Égliseneuve-près-Billom. À plus petite échelle, en s’intéressant aux clubs situés dans un rayon de 20 kilomètres autour de la commune, la concurrence est également très rude. Même si plusieurs clubs ont disparu depuis les années 1990 et que d’autres ont fusionné (Meignan, 2023b), une dizaine de clubs, évoluant au niveau départemental et même régional, sont en activité. Bien que n’étant pas forcément situés à proximité directe d’Égliseneuve-près-Billom, les plus compétitifs exercent leur emprise sur l’USEPB et surtout sur les joueurs pouvant avoir l’ambition de jouer dans des divisions plus élevées. Cet élément renvoie aux constats de Frédéric Grosjean (2006a), qui a montré que la compétitivité des clubs agit sur leur portée spatiale, les meilleurs d’entre eux recrutant dans de vastes espaces.

23La baisse de l’effectif de l’USEPB a été amorcée à partir des années 2010. Le club avait auparavant plusieurs équipes de jeunes et deux équipes engagées dans les championnats seniors. À la suite de la crise du COVID, il a fait face au retrait de plusieurs joueurs et au départ d’autres pour des clubs de niveau plus élevé. À la sortie de la crise, sur la saison 2021-2022, l’USEPB comptait 20 licenciés. L’analyse de la localisation de leurs domiciles révèle trois catégories : les licenciés de la commune, ceux habitant les communes proches et ceux vivant à plus de dix kilomètres dans l’agglomération de Clermont-Ferrand (Carte 2).

Carte 2 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2021-2022 (20 licenciés)

Carte 2 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2021-2022 (20 licenciés)

Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap

  • 12 Le concept d’espace vécu a été introduit par Armand Frémont au cours des années 1970. Si seule cett (...)

24En 2021-2022, seul le président de l’USEPB habitait la commune. Présent depuis plus d’une trentaine d’années, il faisait partie des membres historiques du club. Plusieurs autres licenciés vivaient dans les communes autour d’Égliseneuve-près-Billom, notamment à Billom et dans son bassin de vie. Les derniers résidaient quant à eux à plus de dix kilomètres d’Égliseneuve-près-Billom. Membres de longue date, ils peuvent être considérés, au même titre que le président comme des licenciés historiques. Originaires du village ou des communes limitrophes, leurs projets familiaux ou professionnels les ont amenés à progressivement quitter le territoire pour habiter dans l’agglomération de Clermont-Ferrand. Malgré l’évolution de leur mode d’habiter, ces derniers sont restés fidèles au club ce qui impliquait pour eux de nombreux déplacements. Plusieurs fois par semaine, ils étaient amenés à devoir assumer plus d’une demi-heure de route (aller et retour) pour s’entraîner, participer aux matchs ou aux manifestations organisées par le club. En indiquant que « la mobilité des sportifs se combine avec d’autres formes de mobilité » (Grosjean, 2006a, p. 74), Frédéric Grosjean avait constaté que la pratique du football amateur s’insérait, pour les pratiquants, dans un champ plus large de mobilité en se combinant avec d’autres formes de mobilité (professionnelle, commerciale, etc.). L’exemple de ces joueurs historiques expatriés permet de fournir un constat complémentaire. Alors que leur espace de vie est urbain ou périurbain, leur pratique sportive est à rebours de l’attraction et de la polarisation urbaine (leurs déplacements s’effectuent du domicile en milieu urbain ou périurbain vers la périphérie). Puisqu’ils sont originaires de la commune ou du territoire, leur mobilité sportive se combine avec celle de l’espace vécu, englobant les fréquentations sociales (espace social familial et amical) et témoignant d’un fort attachement au territoire et à la commune12. À l’issue de la saison 2021-2022, le club a subi sept départs. Six joueurs vivant dans le bassin de vie de Billom ont quitté l’USEPB pour aller jouer à un niveau plus élevé notamment au Sporting Club Billomois. L’un des joueurs historiques habitant à 15 kilomètres au nord d’Égliseneuve-près-Billom a quant à lui raccroché les crampons. L’analyse des origines résidentielles des licenciés pendant la saison 2021-2022 permet de mettre en évidence l’éclatement géographique des membres du club. Alors qu’auparavant chaque village avait son club de football, fédérant presque uniquement des habitants du village (Prévitali, 2011), l’évolution des modes d’habiter des licenciés, l’augmentation de l’influence périurbaine et la concurrence accrue des autres clubs ont quasiment fait disparaitre de l’association les adhérents habitants de la commune. Pendant les saisons 2022-2023 et 2023-2024, l’étude des origines géographiques des licenciés permet quant à elle de mettre en lumière deux stratégies de recrutement distinctes adoptées par le club pour faire face au manque de joueurs. Plusieurs acteurs ont alors joué un rôle crucial, en facilitant ou au contraire en freinant leur mise en œuvre.

25Privilégiant un élargissement de la zone de recrutement du club, la première stratégie a conduit à l’arrivée de plusieurs jeunes joueurs de Clermont-Ferrand au début de la saison 2022-2023 (Carte 3).

Carte 3 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2022-2023 (23 licenciés)

Carte 3 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2022-2023 (23 licenciés)

Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap

26Le président ainsi que les autres membres historiques de l’USEPB ont été à l’origine de la mise en place de cette stratégie. Mettant leur attachement au club au service de sa survie, ils ont, face à la nécessité de recruter, mobilisé leur réseau personnel et professionnel pour convaincre ces nouveaux joueurs de venir à Égliseneuve-près-Billom. Pour limiter les coûts de transport, ils ont même organisé un système de covoiturage. Bien que convenablement intégrés grâce aux efforts des membres du club, les joueurs recrutés au début de la saison 2022-2023 n’ont pas tous réussi à s’y épanouir. En plus de contraintes de la distance et du transport, les nouveaux venus habitaient dans un espace fortement concurrentiel pour l’USEPB. En conséquence, la majeure partie d’entre eux a quitté le club à la fin de la saison en faisant par exemple le choix de rejoindre des clubs plus proches de chez eux.

  • 13 Parmi ces arrivées plusieurs constituent des retours de joueurs licenciés à l’USEPB en 2021-2022 pa (...)
  • 14 Parmi l’ensemble des licenciés l’USEPB comptait 29 hommes et deux femmes. Ces dernières, qui sont d (...)

27La seconde stratégie de recrutement, centrée sur un repli géographique, a découlé de la non-participation à la saison 2023-2024, du Sporting Club de Billom, principal club du bassin de vie. Laissant de nombreux licenciés sans club, cet événement, qui a fait grand bruit dans l’actualité footballistique locale, a permis l’arrivée de sept joueurs habitant à Égliseneuve-près-Billom et dans les communes alentours, offrant ainsi à l’USEPB une possibilité de renouvellement et de renforcement de son effectif13(Carte 4). Pour la saison 2023-2024, l’USEPB totalisait 31 licenciés14. Parmi l’ensemble des membres du club, 21 étaient uniquement joueurs, six uniquement dirigeants et quatre cumulaient une licence de joueur et une licence de dirigeant. En 2023-2024, l’USEPB se trouvait donc dans une situation où elle pouvait compter sur l’arrivée de plusieurs nouveaux joueurs. Toutefois, conserver ces recrues était un enjeu crucial pour stabiliser et renforcer durablement son effectif. Pour atteindre cet objectif, le club a misé sur son ancrage local. En organisant diverses manifestations et en renforçant ses connexions territoriales, l’USEPB espérait non seulement assurer sa survie financière mais fidéliser les nouveaux joueurs.

Carte 4 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2023-2024 (31 licenciés)

Carte 4 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2023-2024 (31 licenciés)

Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap

Obtenir des financements et fidéliser les joueurs en s’appuyant sur l’ancrage local : quand les représentations du club et du territoire sont mobilisées à des fins stratégiques

  • 15 Frais pour la saison 2023-2024 : achat des annuaires obligatoires (40 €), inscription aux compétiti (...)

28La gestion d’une équipe de football, même au niveau amateur, implique de nombreux frais. Afin d’être inscrit aux compétitions, tous les clubs doivent chaque année payer une cotisation à leur district ou à leur ligue de rattachement. À ces sommes, s’ajoutent des frais qui correspondent aux transferts de joueurs ou à d’éventuelles sanctions sportives ou administratives. Si les clubs doivent conserver et attirer des membres et des joueurs, ils doivent aussi veiller à leur bonne santé financière. Pour pouvoir inscrire une équipe en championnat et assurer son bon fonctionnement tout au long de la saison, il est impératif de mobiliser des financements. Dans cette perspective, le territoire n’est plus seulement un espace de concurrence entre les clubs, il constitue également une ressource vitale que les associations mobilisent. L’USEPB, en ce qui le concerne, dépense chaque année environ 1 000 euros en frais de gestion15. Les cotisations annuelles des licenciés – 70 euros par membre – ne suffisent pas à équilibrer les comptes du club. Privilégiant le soutien matériel et logistique, la commune d’Égliseneuve-près-Billom ne distribue aucune subvention financière au club. Pour payer les frais, l’USEPB doit donc mobiliser ses fonds propres. Le club, malgré sa petite taille, parvient à maintenir son activité chaque année grâce au soutien de nombreux sponsors locaux. Ces partenariats qui prennent souvent la forme d’aides financières ou matérielles, émanent principalement de petits artisans et commerçants de la commune et du bassin de vie. Ils contribuent en finançant l’achat d’équipements, en sponsorisant des jeux de maillots ou en achetant des encarts publicitaires dans le calendrier du club.

29Les quatre manifestations annuelles organisées par l’USEPB ont aussi une place importante dans l’effort de collecte de fonds. Au mois de décembre se déroule la vente des calendriers du club et au mois de février le repas moules-frites. Pour terminer la saison, deux tournois, au mois de juin et de juillet sont organisés. Sources de revenu importante pour l’USEPB, ces manifestations offrent plusieurs autres avantages. Occasion pour le club d’affirmer son ancrage dans la vie de la commune, elles permettent également, par un processus de fédération des membres du club autour du noyau associatif et des habitants, l’incorporation des nouveaux membres. Plus largement, elles permettent aux nouveaux joueurs d’adhérer à une identité territoriale et de développer un attachement au club et à la commune.

30Pour Marie-Christine Fourny (2008, p. 8), l’identité territoriale a pour objet « l’individu ou le groupe dans la manière dont ils construisent leur propre identité sociale ou personnelle à partir du territoire. Elle considère les procédures de l’attachement, de la définition d’un “soi” ou d’un “nous” à travers la dimension territoriale ». Mettant en opposition des nations, des territoires, des villes ou des villages, le football, joue un rôle de catalyseur des identités territoriales. Pour Olivier Le Noé (2002), il remplit même une fonction de sublimation des enjeux territoriaux. « À travers les rencontres sportives qui opposent les clubs, ce sont bien sûr des villes, mais aussi des communautés locales dont les socles peuvent être socioculturels, religieux ou ethniques qui entrent en concurrence » (Le Noé, 2002, p. 29). Pour susciter l’adhésion des nouveaux joueurs, l’USEPB mobilise les représentations du club et du territoire à des fins stratégiques. Pour cela, il s’appuie sur les événements qu’il organise tous les ans. Ces représentations, qui associent « des éléments du réel pour construire ce qui apparaît comme une vérité à défendre » (Loyer, 2019, p. 101), se placent en effet au cœur de la stratégie géopolitique du club. Dans un contexte où il est important pour le club de conserver et de fidéliser ses joueurs d’une année sur l’autre, la participation à ces événements, unificateurs, permet aux nouveaux joueurs de s’imprégner d’une identité territoriale, d’intégrer les valeurs défendues par le club, tout en créant des liens avec les autres membres et les habitants.

  • 16 L’association des conscrit d’Égliseneuve-près-Billom réunit les habitants et habitantes de 17 à 21  (...)
  • 17 Tournée des membres de l’association des conscrits d’Égliseneuve-près-Billom dans les hameaux du vi (...)

31Pour présenter ce processus, l’exemple de la vente des calendriers du club est particulièrement intéressant. Pour les nouveaux joueurs, cet évènement constitue tout d’abord une occasion de faire connaissance avec les habitants. Si les plus anciens membres du club sont connus et reconnus, les plus jeunes doivent souvent se présenter. L’exercice permet aux nouveaux joueurs « d’acquérir une légitimité symbolique » (Renahy, 2001, p. 711) en étant identifiés par les habitants comme membres du club. En retour, ils permettent aux membres du club mais également aux habitants d’identifier les nouveaux joueurs comme faisant partie des leurs ou défendant les couleurs d’Égliseneuve-près-Billom. Des processus similaires ont été constatés par Nicolas Renahy (2001). Dans le cas du club où il a fait sa recherche, c’est le footing de préparation de la saison qui, adoptant un tracé qui traverse le village, permet d’officialiser l’intégration des nouveaux membres : « Ces séances de footing peuvent être analysées selon une logique d’appartenance tout autant que de représentation » (Chamboredon et al, 1984-1985). Elles permettent en effet à tout licencié, qu’il réside ou non à Foulange, d’être identifié par son club. Dans cette période de « reprise », lorsque les joueurs viennent à la rencontre des habitants du village, ils sont dévisagés en même temps qu’applaudis, et les têtes nouvelles sont rapidement identifiées en fonction de leur origine familiale, professionnelle ou résidentielle, comme elles le seront lors des premiers matchs, en situation de spectacle explicite. Pour un club dont les membres foulangeois sont désormais minoritaires, le footing dans le village permet donc l’officialisation de l’appartenance de chacun au FCF, la reconnaissance de l’individu par les habitants, y compris ceux qui ne fréquentent pas le stade » (Renahy, 2001, p. 711). Les échanges avec les habitants permettent également aux licenciés de prendre conscience du fait qu’ils sont suivis, soutenus et que leur club permet de révéler l’identité villageoise (Meignan, 2023b). Prenant connaissance des résultats du clubs dans la presse ou sur Internet, il est fréquent que, lors des saisons difficiles, les habitants d’Égliseneuve-près-Billom s’interrogent sur la santé sportive de l’équipe. À l’inverse, ils félicitent les joueurs quand les résultats sont au rendez-vous. Parfois, la vente des calendriers rend possible la rencontre avec d’anciens joueurs. Les discussions et le partage d’anecdotes permettent aux licenciés de prendre conscience du fait que les valeurs défendues par le club s’inscrivent dans une continuité historique. Les calendriers rendent possible une autre forme d’identification pour les nouveaux joueurs, celle-ci est autant géographique que symbolique. En leur permettant de sillonner la quarantaine de hameaux de la commune, elle leur offre la possibilité de connaître le territoire et de s’identifier au village et à ses habitants par la pratique des lieux. En Bourgogne, Nicolas Renahy avait constaté que le parcours du tracé du footing traversant le village correspondait aux parcours des défilés villageois : « Son parcours ne varie pas ; il correspond à ceux de tous les défilés villageois et de toutes les manifestations : celle des pompiers et de leur clique lors de la fête des pompiers, celle de la chorale le soir de la fête de la musique, celle des enfants lors de la retraite aux flambeaux précédent le 14 juillet » (Renahy, 2001, p.709). À Égliseneuve-près-Billom, le parcours dans les hameaux suivi par les membres du club est le même que celui réalisé par l’association des conscrits16 lors de leurs traditionnelles aubades17. Ces similitudes permettent d’inscrire la vente des calendriers du club dans la continuité de la tradition villageoise. En fin d’année, bon nombre d’habitants attendent le passage des licenciés du club. Tout comme pour le passage des conscrits, il n’est pas rare, dans ce village vigneron, qu’une visite pour la vente des calendriers se termine dans une cave d’un des hameaux d’Égliseneuve-près-Billom. Moments de convivialité, expressions du vivre ensemble, ces moments permettent aux licenciés nouveaux ou anciens de partager des instants festifs et fédérateurs entre eux et avec les habitants.

32En ce qui concerne ses objectifs financiers et la conservation et la fidélisation de ses membres, l’USEPB peut compter sur la présence de plusieurs acteurs facilitateurs. En mettant à disposition les infrastructures communales comme la salle des fêtes pour l’organisation du repas moules-frites, la municipalité d’Égliseneuve-près-Billom joue un rôle important. Même si la mairie ne distribue pas de subventions aux associations, elle offre un soutien concret à l’USEPB pour l’organisation d’évènements, aussi importants pour le club que pour la vie locale. Les autres associations de la commune apportent également une aide non négligeable. Le comité des fêtes et l’amicale des chasseurs, par exemple, prêtent du matériel pour l’organisation des manifestations. Ces rapports inter-associatifs soulignent la solidarité entre les différentes entités du village et le dynamisme de la vie locale. Les habitants jouent un rôle crucial également. Leur participation aux événements comme le repas moules-frites ou la vente des calendriers témoigne de leur attachement au club et à son importance dans la vie du village. En accueillant les nouveaux joueurs lors de ces moments conviviaux, ils participent à l’intégration des nouveaux membres. Le président du club occupe une place particulièrement importante dans ce processus. Grâce à son implantation locale et à son réseau, il mobilise des sponsors locaux. Obtenant des partenariats et des tarifs préférentiels notamment pour imprimer les calendriers du club, il met par exemple à contribution les usagers de l’ESAT de la commune, dans lequel il travaille, pour confectionner les frites lors du repas annuel. Son investissement personnel et son rôle de médiateur entre les acteurs locaux et le club en font un pilier incontournable du fonctionnement de l’USEPB. Habitant à proximité immédiate de la mairie, il entretient des relations étroites avec la municipalité, facilitant ainsi les discussions et la défense des intérêts du club au quotidien. Les membres les plus anciens, les « historiques », jouent également un rôle fondamental. En relais du président, ils participent à la recherche de sponsors et à la transmission des valeurs du club. Leur expérience et leur engagement facilitent l’intégration des nouveaux joueurs. C’est à travers ces anciens que les nouveaux peuvent adhérer à « l’esprit club » (Callède, 1987 ; Prévitali, 2011, 2013) en découvrant et adoptant les codes sociaux, les valeurs et l’héritage symbolique du club. Puisqu’ils ne sont pas encore dans l’action pour défendre les intérêts du club, les nouveaux joueurs, si on se base sur la définition de la notion d’acteur proposée par Barbara Loyer (2019, p. 150), citée plus haut, ne peuvent pas être considérés comme des acteurs à proprement parler. Pas encore engagés dans la défense active des intérêts de l’USEPB, ils restent pour l’instant de simples membres. Ce n’est qu’à partir du moment où ils commenceront à s’impliquer dans la vie du club, à travers des actions concrètes et une participation plus engagée, que l’on pourra considérer que leur fidélisation aura été pleinement réussie. De ce fait, ils passeront du statut de membres du club au statut d’acteur à part entière.

Conclusion

33Cet article met en évidence les problématiques et les enjeux auxquels est confronté un petit club de football dans une commune rurale. À Égliseneuve-près-Billom, comme ailleurs, le club de football est vecteur de développement local. S’inscrivant dans les dynamiques associatives et la vie de la commune, la pratique du football qu’il rend possible, les manifestations et festivités qu’il met en place, le positionne comme un créateur de liens entre les habitants et un acteur de la cohésion sociale à part entière. Confronté à la baisse du nombre de ses licenciés, l’USEPB rencontre les mêmes difficultés que traversent bon nombre de clubs en France et plus particulièrement en milieu rural. En lien avec l’évolution des modes de vie ou en raison de la concurrence accrue avec les autres clubs, la survie en tant qu’entités indépendantes des petites associations sportives de football en milieu rural est de plus en plus menacée. Avant d’envisager une fusion avec d’autres structures ou, pire encore, une dissolution, il est crucial pour ces clubs fragiles d’identifier les leviers sur lesquels ils peuvent agir. Evoluant dans des territoires objets de pouvoir, les clubs doivent déployer de véritables stratégies pour survivre. Ces dernières prennent naissance dans l’enchevêtrement des rapports entre plusieurs acteurs. Pour un club de football comme l’USEPB, nous l’avons constaté, la capacité à attirer et à fidéliser des adhérents, qu’il s’agisse de joueurs ou de bénévoles, constitue une condition sine qua non pour continuer à exister. Dans ce contexte, les stratégies de recrutement deviennent primordiales. Elles doivent s’articuler autour de la conquête et de la préservation de territoires, que ceux-ci soient immédiats ou plus éloignés, face à d’autres associations poursuivant des objectifs similaires. Chaque club est ainsi en compétition pour étendre son influence sur des espaces géographiques définis, cherchant à capter des joueurs en quête de nouvelles opportunités ou de changement. Pour recruter de nouveaux membres et faire perdurer l’association, l’USEPB a misé sur deux axes complémentaires : l’élargissement de sa zone de recrutement principalement en secteur urbain et périurbain puis, face à l’échec de cette stratégie, sur un repli géographique la saison suivante en se recentrant sur des joueurs locaux. Pour stabiliser son effectif, la conservation de ces nouvelles recrues est devenue un enjeu crucial. En plaçant les représentations de la commune et du club au centre de sa stratégie géopolitique, l’USEPB a mobilisé les évènements qu’il organise pour permettre aux nouveaux joueurs d’adhérer à une identité territoriale et de développer un attachement au club et à la commune.

  • 18 « Dans toutes les compétitions officielles des catégories U19 et supérieures, ainsi que dans l’ense (...)

34Au moment où j’écrivais cet article la saison 2023-2024 touchait à sa fin et l’USEPB terminait à la 7e place du championnat départemental 5. Si les nouvelles arrivées à l’issue de la saison 2022-2023 ont semblé offrir un répit au club, c’était sans prendre en compte l’existence de l’article 160 des règlements généraux de la FFF, qui impose des restrictions de jeu pour les joueurs ayant changé de club. En effet, le paragraphe 1.a limite le nombre de joueurs issus d’un club quitté la saison précédente pouvant être alignés sur la feuille de match18. Ainsi, parmi les sept recrues, seules deux ont eu l’autorisation de participer aux rencontres pour la saison 2023-2024. En attendant un an que la situation des nouveaux joueurs ne se régularise, l’USEPB a décidé de faire jouer tous ses membres, sacrifiant ainsi sa compétitivité sportive pour favoriser la création de liens pour la saison suivante. Malgré de nombreuses victoires sur le terrain, l’USEPB a perdu quatre matchs sur tapis vert durant la saison. Alors que l’heure était à la préparation de l’année suivante, la totalité des nouveaux joueurs engagés au début de la saison avaient fait le choix de poursuivre l’aventure à Égliseneuve-près-Billom. Satisfaits de l’ambiance qui y règne, leur intégration tend à prouver l’efficacité de la stratégie de fidélisation par l’attachement au club et à la commune adoptée par l’USEPB. Si cela a fonctionné, le faible nombre de licenciés qui perdure est un vecteur de fragilité indéniable sur le long terme. Dans ce contexte difficile les acteurs du club jouent un rôle fondamental. Qu’il s’agisse en premier lieu du président mais également des joueurs et des bénévoles fidèles, leur engagement collectif conditionne la survie et le dynamisme de l’association. Leur importance réside dans leur capacité à porter les valeurs de l’USEPB, à maintenir une cohésion interne et à préserver l’identité territoriale qui lie le club à la commune. Ainsi, leur engagement quotidien constitue le principal levier de résilience du club face aux défis auxquels il est confronté. Dans le souci d’assurer son avenir, la question de la fusion avec un autre club du territoire se posera un jour. Afin de ne pas perdre l’identité qui fait sa force et la fierté de ses membres, reste à savoir avec quel club fusionner… Pour l’instant, l’équipe dirigeante n’en est pas encore là. Pour la saison 2024-2025, l’USEPB aura une équipe engagée en championnat. Comme les nouveaux joueurs ne seront plus soumis aux obligations règlementaires de la FFF et à l’impossibilité de jouer ensemble, la saison prochaine s’annonce donc prometteuse aussi bien sur le plan sportif qu’associatif.

35Au-delà de la situation d’un petit club de football rural, cet article a permis de prouver que l’étude du football amateur peut être envisagée sous un angle géopolitique. Nous l’avons montré, les territoires dans lequel les clubs évoluent sont porteurs d’enjeux et les dynamiques dans lesquels ils s’inscrivent font l’objet de jeux d’acteurs. En changeant d’échelle, on constate que la situation des clubs de football locaux, ne dépassant pas au premier abord l’échelle des territoires et des acteurs directement impliqués, peut avoir des incidences géopolitiques plus vastes. Comme nous avons pu le constater, en milieu rural, la vie citoyenne et associative contribue directement à l’attractivité des territoires. Ainsi, pour que les clubs de football ruraux, véritables acteurs d’échange, de partage et d’inclusion, continuent à contribuer à l’attractivité de leurs territoires respectifs, ils doivent non seulement exister, mais aussi rester dynamiques. Dans cette quête d’attractivité territoriale, leur situation revêt donc une importance géostratégique non négligeable pour le développement local des espaces ruraux.

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Notes

1 En 2023 le football était devant le tennis et l’équitation le sport qui comptait le plus de licenciés en France. Pour la saison 2022-2023, 2,22 millions de personnes possédaient une licence de football (pratiquant-e et dirigeant-e) dans un club affilié à la Fédération Française de Football (FFF) (site internet de la FFF, « Le budget et les chiffres clés saison 2022-2023 », consulté le 13 mai 2024, https://www.fff.fr/80-le-budget-et-les-chiffres-cles.html)

2 En plus de la parution en 2017 d’un numéro spécial de la revue Géographie et Cultures consacré aux liens entre football et géographie, il est important de noter l’existence du podcast de France Culture « géographie du football français » sorti le 28 avril 2022.

3 Malgré le fait que Christian Pociello et Jean Corneloup soient tous deux sociologues, leurs travaux ont été mobilisés par plusieurs géographes s’intéressant au sport (voir Ravenel, 2011).

4 Abouna et Bourgeois (2021) s’intéressent dans leur article à la mondialisation et la féminisation du football. Ils constatent que malgré une pratique en développement, le football féminin reste marginalisé médiatiquement, financièrement ainsi que par l’intérêt qu’il suscite pour le grand public. En mettant en exergue à travers cet article la situation d’un club de football masculin, je suis pleinement conscient que les logiques d’invisibilisation des femmes dans l’espace sportif se retrouvent également sur le terrain scientifique (Quelain, 2020).

5 Le bassin de vie de Billom totalise 16 communes (Billom, Bongheat, Égliseneuve-près-Billom, Espirat, Estandeuil, Fayet-le-Château, Glaine-Montaigut, Isserteaux, Mauzun, Moissat, Montmorin, Neuville, Reignat, Saint-Jean-des-Ollières, Saint-Julien-de-Coppel et Sallèdes) (INSEE, 2022).

6 Égliseneuve-près-Billom est située dans l’aire d’attraction de Clermont-Ferrand (INSEE, 2024b)

7 À titre de comparaison, au 1er juin 2024 (après la date de clôture des possibilités de créations de nouvelles licences pour la saison 2023-2024), le Clermont Foot 63 était le club qui comptait le plus de licenciés (663) tandis que l’A.S. Montel-Villosanges était celui qui en comptait le moins (24). Ces chiffres totalisent l’ensemble des licences par clubs. Ainsi, le chiffre pour le Clermont Foot 63 (663 licences) comptabilise les licences dans les différentes sections du club (sections masculines et féminines de jeunes, de séniors, etc.).

8 Après plusieurs années de stagnation du nombre de licenciés, avec plus de 2 300 000 licences délivrées, la FFF a atteint son record sur la saison 2023-2024 (site internet de la FFF, « Clubs et licenciés », consulté le 12 mai 2024, https://www.fff.fr/article/12662-pres-de-2-4-millions-de-licences-en-2023-2024.html)

9 L’A.S.C Lachaux n’est pas parvenu à terminer la saison 2023-2024, au mois de février 2024 il a déclaré forfait pour la suite des rencontres.

10 Au 1er juin 2024 (après la date de clôture des possibilités de créations de nouvelles licences pour la saison 2023-2024), le F.C Dorat comptait 36 licenciés et l’A.S.C. Lachaux, 33.

11 Le S.C Billomois, deuxième division départementale, 199 licenciés (2022-2023) ; l’AM.C.L.S.F.C Saint-Julien-de-Coppel, deuxième division départementale, 72 licenciés (2022-2023) ; l’AL. Glaine-Montaigut, deuxième division départementale, 51 licenciés (2022-2023) et l’A.S Moissat, première division départementale, 167 licenciés (2022-2023).

12 Le concept d’espace vécu a été introduit par Armand Frémont au cours des années 1970. Si seule cette expression renvoyant à la dimension subjective du rapport à l’espace a trouvé un écho en géographie, il distinguait en plus de l’espace vécu deux dimensions sous-jacentes, l’espace de vie et l’espace social (Staszak, 2013). Pour Frémont (1980, p. 49) l’espace de vie correspond à « l’ensemble des lieux fréquentés par une personne ou par un groupe social » et fait donc référence aux fréquentations et aux comportements spatiaux. À partir de l’espace de vie, il est possible d’identifier l’espace social de l’individu ou du groupe. Pour Frémont, ce second type d’espace correspond à l’espace de vie auquel on ajoute « l’ensemble des interrelations sociales qui sous-tendent ce réseau » (Frémont, 1980, p. 49). À mi-chemin entre dimension individuelle et collective, l’espace social additionne les différentes logiques relatives aux interrelations sociales et aux structures sociales plus profondes qui permettent d’expliquer l’espace de vie d’une personne ou d’un groupe (Frémont, 1976). Au contraire de l’espace de vie et de l’espace social, l’espace vécu renvoie à l’espace subjectif, perçu, interprété et représenté par chacun. Sur la base de l’espace de vie et de l’espace social, l’espace vécu ajoute alors « les valeurs psychologiques qui s’attachent aux lieux et qui unissent les hommes à ceux-ci par des liens immatériels » (Frémont, 1980, p. 49).

13 Parmi ces arrivées plusieurs constituent des retours de joueurs licenciés à l’USEPB en 2021-2022 partis en fin de saison vers le SC Billom

14 Parmi l’ensemble des licenciés l’USEPB comptait 29 hommes et deux femmes. Ces dernières, qui sont des compagnes de joueurs, occupaient des fonctions de dirigeantes (trésorerie, trésorerie adjointe)

15 Frais pour la saison 2023-2024 : achat des annuaires obligatoires (40 €), inscription aux compétitions (140 € pour le championnat et la coupe du Puy-de-Dôme), frais de gestion annuelle prélevés par le district (187 €) et la ligue (237 €), frais de licence pour les joueurs (27,5 € par joueurs), pour les dirigeants (20,5 € par dirigeants, remboursés en cas de double licence joueurs-dirigeants), frais de changement de club (100 € par joueurs transféré), frais d’arbitrage (lors des match à domicile le club doit s’acquitter des frais d’arbitrage et participer aux frais de déplacements de l’arbitre).

16 L’association des conscrit d’Égliseneuve-près-Billom réunit les habitants et habitantes de 17 à 21 ans. Elle vise à permettre aux jeunes de la commune l’organisation de diverses festivités. Elle s’inscrit dans la continuité des traditions festives qui précédaient le départ des hommes du village au service militaire. Pour plus d’information sur la tradition et l’histoire des conscrits d’Égliseneuve-près-Billom : https://youtu.be/iD1JHL17fIw?si=07zJWPPXsFFaf9on

17 Tournée des membres de l’association des conscrits d’Égliseneuve-près-Billom dans les hameaux du village

18 « Dans toutes les compétitions officielles des catégories U19 et supérieures, ainsi que dans l’ensemble des compétitions nationales de jeunes, le nombre de joueurs titulaires d’une licence “Mutation” pouvant être inscrits sur la feuille de match est limité à six dont deux maximum ayant changé de club hors période normale au sens de l’article 92.1 des présents règlements » Paragraphe 1.a des Règlements généraux de la FFF (site internet de la FFF, « Règlements généraux de la FFF 2023-2024 »)

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Table des illustrations

Titre Photographie 1 : Panorama du bourg d’Égliseneuve-près-Billom (vue vers l’ouest)
Crédits Source : Cliché provenant du site internet de la commune d’Egliseneuve-près-Billom (https://egliseneuve-pres-billom.fr consulté le 6 juin 2024).
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/13487/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 375k
Titre Carte 1 : Répartition géographique des équipes de la poule A du championnat de 5e division du district du Puy-de-Dôme (saison 2023-2024)
Crédits Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/13487/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 617k
Titre Carte 2 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2021-2022 (20 licenciés)
Crédits Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/13487/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 568k
Titre Carte 3 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2022-2023 (23 licenciés)
Crédits Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/13487/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 499k
Titre Carte 4 : Origines résidentielles des licenciés de l’USEPB au cours de la saison 2023-2024 (31 licenciés)
Crédits Source : M.Escuriet (2024) Carte réalisée sur QGis 3.34. Données extraites du logiciel Footclubs. Fond de carte OpenStreetMap
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/13487/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 580k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Meddy Escuriet, « De la conquête territoriale à l’ancrage local : engagements d’acteurs pour maintenir un vivre ensemble par le football »L’Espace Politique [En ligne], 53-54 | 2024-2/3, mis en ligne le 01 mars 2025, consulté le 20 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/13487 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13gh9

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Auteur

Meddy Escuriet

Docteur en géographie
UMR Territoires (Université-Clermont-Auvergne)
mescuriet@gmail.com

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