• 1 On trouve également le terme de quasi-État, le vocabulaire restant mal cadré et mouvant. Voir Rosiè (...)

3C’est le statut particulier, ou plutôt son absence de statut défini et reconnu, qui explique que la Transnistrie soit en théorie une entité fermée. La Transnistrie, officiellement Pridniestrovie ou République Moldave du Dniestr pour ses autorités, constitue en effet un État non reconnu ou État de facto, État autoproclamé1. Il existe au moins une dizaine d’États de facto dans le monde, dont la reconnaissance par les États (ou de leur point de vue par les autres États) est limitée, allant de 0 (pour le Somaliland ou la Transnistrie, si l’on excepte leur reconnaissance par d’autres États non reconnus) à quelques dizaines (pour Taïwan et surtout le Sahara occidental) sur un total d’environ 200 États faisant globalement consensus dans le système-monde actuel. La zone concentrant le plus grand nombre (environ la moitié) d’entités étatiques non ou peu reconnues n’est autre que l’ex URSS (voir Figure 2).

• 2 Nom donné à la région entre les fleuves Prout et Dniestr, le premier faisant aujourd’hui office de (...)
• 3 Le seul changement, côté occidental, est le remplacement à partir de 1859 de l’empire ottoman par l (...)
• 4 Voir les travaux sur la korénizatsia (King, 2000 ; Martin, 2001), ou indigénisation, politique marq (...)

4Si la Transnistrie n’est pas reconnue, c’est parce que l’entité a fait sécession entre 1990 et 1992 de la Moldavie dont elle relève officiellement. La Moldavie était alors un nouvel État, issu de la chute de l’URSS ; si la Moldavie avait constitué une principauté dotée d’une large autonomie dans le passé et notamment au Moyen Âge, sa période d’indépendance était révolue depuis plusieurs siècles et l’État était véritablement à construire à partir de 1991 La partie occidentale du pays était rattachée à l’aire culturelle roumaine et faisait partie de la Grande Roumanie de l’Entre-deux-Guerres (1918-1940), tandis que la partie de la Bessarabie2 au-delà du Dniestr (rive gauche donc) est restée dans l’empire russe (frontière stable de 1812 à 19143) puis dans l’URSS (les principales étapes de la genèse de la Transnistrie sont résumées dans la Figure 3). Dans l’entre-deux-guerres, le pouvoir soviétique a cherché à faire de cette région frontalière, dont la capitale effective était Balata en Ukraine (1924-1929) puis Tiraspol (1929-1940), une vitrine censée attirer les Roumains, selon une logique de « piémont »4. Le projet n’a pas eu le succès escompté mais ce qui correspond approximativement à l’actuelle Transnistrie en est ressorti plus russifié, plus urbanisé et plus industrialisé que le reste de la Moldavie au moment où l’URSS a rassemblé ces deux régions lors de la Seconde Guerre mondiale, suite à l’annexion d’une partie de la Roumanie.

• 5 Néanmoins, avec le temps qui passe, le discours en faveur de l’indépendance tend à l’emporter chez (...)

6Si la sécession est réussie en partie, elle ne l’est qu’à moitié. La Transnistrie est en effet indépendante de fait mais pas de droit. Aucun État, pas même la Russie qui lui a pourtant permis de prendre l’ascendant sur les forces moldaves, ne la reconnaît. Il est vrai que la volonté de constituer un État est douteuse, les autorités hésitant entre la demande d’une reconnaissance avec une souveraineté pleine et entière et celle d’un rattachement à la Fédération de Russie. Ainsi la Transnistrie appelait régulièrement, en particulier par la voix du Soviet Suprême, son assemblée législative, à son intégration à la Russie, l’absence de contiguïté territoriale n’étant guère un obstacle puisqu’elle se pose aussi pour l’oblast (région) de Kaliningrad5.

• 6 Pour ce qui est des mobilités, la multi-passeportisation permet aux habitants de voyager. Au moins (...)
• 7 Dans cette partie, les chiffres se fondent sauf mention contraire sur les chiffres du service des d (...)

8Cependant, la Transnistrie parvient à survivre et à commercer6. Même si elle est largement dépendante du soutien russe, elle apparaît comme une entité relativement mondialisée. Bien qu’étant en marge du système-monde politique et diplomatique, la Transnistrie commerce avec presque tous les pays eurasiatiques (voir Figure 4), notamment ceux qui sont les plus proches d’elle7. L’Amérique est aussi bien représentée. Au-delà de l’aspect qualitatif, il faut considérer le quantitatif. Deux tiers des exportations de la Transnistrie sont destinées à l’Union européenne (UE), si l’on excepte les exportations vers la Moldavie (près de 50 % du total en 2019, valeur relativement constante depuis au moins le milieu des années 2000) considérées comme destinées à un pays tiers par la Transnistrie mais qui relèvent d’échanges internes (à la Moldavie) aux yeux du reste du monde. Naturellement les chiffres doivent être pris avec un certain recul en l’absence de possibilité (ou plutôt de volonté, car elle signifierait reconnaissance) de vérification internationale. Sur la dernière décennie, la part des exportations vers la Moldavie est en hausse constante tandis que celle des importations décline, ce qui va bien dans le sens d’un affranchissement de la tutelle moldave, lequel fait le jeu du pouvoir transnistrien.

• 8 Des chiffres font état de 300 % au début des années 2000 (Burla, Gudim, Kutyrkin et al., 2005, p. 2 (...)
• 9 Singapour dépasse 300 % et le Luxembourg atteint près de 400 % en 2019 selon la Banque mondiale.

10En valeur relative cependant, l’analyse est quelque peu modifiée. La Transnistrie est isolée diplomatiquement mais son ouverture sur le monde ne se dément pas. Le degré d’ouverture commerciale d’un État peut être mesuré en rapportant le volume de ses échanges (somme des importations et des exportations divisée par deux) au PIB. La comparaison des données des Images Économiques du monde (PIB et commerce) et de celles fournies par la Transnistrie est éloquente. Le taux d’ouverture de l’économie transnistrienne sur la décennie 2010 dépasse 210 %8 ; à titre de comparaison la France et la Russie oscillaient autour de 50 % à la même date et l’économie très extravertie des Pays-Bas atteignait le seuil de 160 % (chiffres 2010-2019 de la Banque mondiale). L’ouverture économique de la Transnistrie est dans les records mondiaux en la matière même si elle reste derrière la cité-État de Singapour et le Luxembourg9. La valeur de ses échanges est très supérieure à celle de ses propres productions. Il faut donc conclure que la Transnistrie est une plaque-tournante, à son échelle certes, pour le commerce ; si elle était intégrée aux statistiques des organisations internationales, elle figurerait parmi les États les plus ouverts au monde, comme la plupart des micro-États d’ailleurs (en lien notamment avec l’étroitesse du marché national).

• 10 La chambre de commerce et d’industrie de Tiraspol a établi un jumelage avec celle de Leipzig.

13La Moldavie a régulièrement durci ou fait pression pour durcir les conditions d’exportation des produits transnistriens. Depuis 2006, face au manque de coopération de Tiraspol et grâce au contexte de la Révolution Orange qui lui était favorable, les élites politiques ukrainiennes au pouvoir souhaitant se rapprocher de l’Union européenne, la Moldavie a renforcé le contrôle des douanes sur sa frontière ukrainienne, forçant également les entreprises de Transnistrie à s’enregistrer à Chisinau pour pouvoir exporter légalement et bénéficier des avantages de la Moldavie en direction de l’UE notamment. Peu après, la Moldavie a accentué ces mesures, en exigeant une certification sur les matières premières importées, pénalisant des entreprises comme MMZ, Tirotex et Kvint (Gamow, 2007). Prenons le cas d’une entreprise mondialisée, Tirotex, deuxième usine de Transnistrie (Nr2.ru, 2008a). Des entreprises italiennes, mais aussi allemandes10, entendent profiter de la main-d’œuvre à bas coût pour le textile et de la relative proximité géographique de la Transnistrie, depuis une quinzaine d’années au moins (Center for Strategic Studies and Reforms, 2003, p. 16) : Tiraspol n’est guère qu’à 1 200 kilomètres de la frontière Nord-Est de l’Italie.

• 11 Le titre reprend le dicton états-unien qui existe (ou existait) à propos de General Motors, soulign (...)
• 12 Et même dans ce cas cela ne change pas grand-chose, le fer représentant alors une partie importante (...)

15Mondialisée, l’économie de la Transnistrie l’est. Mais l’étroitesse du marché intérieur et l’ouverture économique qui lui est corrélée ne constituent pas toujours un avantage. L’usine MMZ (Молдавский Металлургический Завод : Moldavskiy Metallurguitcheskiy Zavod, Usine Métallurgique Moldave) de Ribnitsa (voir Figure 5), un combinat soviétique mis en service en 1985, avait contribué sur la décennie 1997-2007 à 60 % des recettes de l’État transnistrien (Munteanu, 2007, p. 53)… Les métaux représentent le premier secteur d’exportation de l’entité (47 % du total) avec 400 millions de dollars en 2021 (selon les douanes de Transnistrie). L’essentiel de ce chiffre est dû à MMZ, la grande usine métallurgique de Ribnitsa. Mais la valeur de sa production, qui semble considérable, est en réalité décevante. La valeur des exportations de produits issus de la métallurgie n’excède que de 30 millions de dollars, soit moins de 20 %, celle des importations de ces mêmes produits si le minerai brut est bien compté dans les métaux et pas avec le reste des matières premières12. Dans ce cas il est probable que parmi les 186 millions de dollars de métaux importés il n’y ait pas que du fer mais au moins une part importante de fer. Et il faut ajouter le coût de l’énergie pour faire fonctionner les hauts fourneaux. De ce point de vue, l’usine est en partie avantagée par le faible coût de l’énergie, grâce au tarif plus bas sur le gaz que dans le reste de la Moldavie permis par le soutien russe à la Transnistrie.

• 13 L’ensemble de l’économie transnistrienne obéit à une logique d’oligarques et de monopoles. Ainsi l’ (...)
• 14 Novostipmr, 2015a. L’usine employait 4 000 personnes en 2002 (Bell, 2002, p. 285) ; 1 000 emplois s (...)
• 15 Le gouvernement moldave ne cherche pas à tout prix à couler l’usine : d’une part en cas de réunific (...)

17L’enclavement renchérit également les exportations, d’autant que si MMZ est située dans l’hinterland du port ukrainien d’Odessa, les performances logistiques de ce dernier restent médiocres, raison pour laquelle le trafic reste limité (25 millions de tonnes officiellement en 2019, soit par exemple trois fois que le Havre, port secondaire à l’échelle européenne). S’y ajoute, dans le contexte d’une économie de survie, tant de l’entreprise en particulier que de la Transnistrie en général, le manque de capitaux pour favoriser une modernisation : la compétitivité ne peut guère passer pour l’heure par l’innovation. Après avoir appartenu à un groupe d’oligarques russes et ukrainiens jusqu’au milieu des années 200013, l’usine est devenue la propriété de deux hommes d’affaires russes, Alisher Usmanov et Vassily Anissimov, dont le but était de récupérer une partie de la dette de gaz de la Transnistrie, détenue par Gazprom (Gamova et Sergueïev, 2007) ; la volonté d’un rapide retour sur investissement n’était pas compatible avec la nécessité de modernisation dans le cadre d’une vision à moyen et long termes. Une autre difficulté structurelle probable est l’absence de souplesse dans la gestion du personnel d’une usine (2 500 employés en 201514) qui est un quasi symbole national, un héritage de la grande industrie lourde soviétique. Enfin, la non-reconnaissance fait peser des incertitudes : en 2018, dans un contexte de tensions entre l’Ukraine et la Russie, à la suite de l’ingérence russe en Crimée et en Ukraine de l’Est depuis 2014, l’Ukraine a placé l’usine MMZ sous sanction, avant de la retirer de la liste des entreprises visées en 2019 sur demande du Premier Ministre moldave15.

• 16 De l’aveu même du site de l’usine puisque les statistiques utilisées ici en proviennent et sont rec (...)
• 17 La Figure 6 montre que sa part dans la consommation mondiale est brutalement divisée par 3 de 0,1 % (...)

18Cela rejoint la difficulté conjoncturelle. L’usine, vantée sur son site Internet comme très productive, est très dépendante de la demande d’acier mondiale (voir Figure 6). Après une période d’apogée à la fin des années 1990, la crise du début des années 2000 s’est fait sentir, la production tombant entre 2001 et 2002 de près d’un million de tonnes à 500 000 à peine16. L’usine s’est rapidement redressée, face à l’augmentation de la demande mondiale en acier, tirée par les pays émergents. En revanche la crise économique mondiale de la fin de la décennie 2000 a vu la production presque divisée par 3, tombant de 900 000 à 300 000 tonnes d’acier, sans remontée significative depuis ; le décrochage de l’usine par rapport à la production et à la demande mondiale s’accroît17. De fait, il suffit de longer les bâtiments de l’usine au Nord-Est de la ville de Ribnitsa pour se rendre compte que derrière le discours officiel l’usine est en grande partie une immense friche industrielle au sein de laquelle la nature a partiellement repris ses droits, ce qui souligne qu’une partie des bâtiments est abandonnée depuis des années déjà (voir Figure 7). L’usine est donc surdimensionnée, héritage du gigantisme soviétique et de sa politique de spécialisation des productions entre républiques ; plus sa production diminue, plus la part de ses frais fixes augmente et plus ses coûts de production à la tonne augmentent, donc moins elle est compétitive. L’usine métallurgique de Ribnitsa semble engagée dans un cercle vicieux, sans redressement à attendre avant une reprise de la croissance mondiale et donc de la demande en acier, reprise qui tarde à se dessiner. Quand MMZ éternue, c’est la Transnistrie qui s’enrhume…

• 18 De la même manière, 90 % de l’électricité consommée en Moldavie dans les années 2000 venait de Tran (...)

19Or dans le même temps la Transnistrie n’a pas bénéficié d’une aide accrue de la Russie qui pourtant a massivement soutenu ces années-là les sécessionnistes Sud-ossètes et abkhazes (après la « Guerre des Cinq Jours » en août 2008 en Géorgie) qui ont ainsi renforcé leur propre État non reconnu en construction (voir Figure 2). Au contraire, dans un contexte de changement politique à la tête de l’entité en 2012, la Transnistrie a été victime d’un réajustement du prix du gaz comme les États voisins, lequel n’aide pas l’usine MMZ. En 2007, il semble que l’usine bénéficiait d’un tarif spécial, de 30 dollars pour mille mètres cubes contre 60 normalement (Munteanu, 2007, p.  53). À ce niveau, il est effectivement possible de parler comme A. et I. Munteanu d’une compétitivité artificielle18, avec une Russie qui faisait plus qu’aider l’économie de la Transnistrie : elle l’empêchait de s’effondrer. L’augmentation des prix du gaz imposée par la Russie, au-delà de la crise de l’acier, obère l’avenir de l’usine. Le faible prix du gaz ne pousse pas à l’innovation ni à l’économie d’énergie mais crée au contraire une dépendance à la Russie.

• 19 Le 30 janvier 2015, selon le site de l’entreprise.
• 20 Le site de l’usine insiste beaucoup sur le renouveau et le succès apporté par l’opération. Pourtant (...)
• 21 En 2017, les ministères de l’économie et des finances, interrogés sur la situation de l’usine, se l (...)
• 22 Cité sur le site de l’entreprise : « Many of the plant’s staff took part in the creation of the Pri (...)

20La question de la dette gazière inquiète les autorités politiques transnistriennes mais pèse également dans les relations entre la Russie et la Moldavie, tenue pour débitrice des consommations de gaz de la Transnistrie qui relève officiellement de son territoire. En Transnistrie, le gouvernement craint également avec la crise économique une baisse du niveau de vie des habitants et une crise politique. Ainsi un soutien aux usines exportatrices a-t-il été décidé en décembre 2015 (Novostipmr, 2015b). En plus d’un tarif toujours quelque peu réduit pour le gaz, les usines réalisant plus de 70 % de leur chiffre d’affaires à l’export bénéficient depuis début 2016 d’un tarif réduit d’un peu plus de 20 % pour l’électricité par rapport aux autres entreprises. Ce soutien, taillé sur mesure ou presque pour l’entreprise, intervient dans un contexte où l’État transnistrien a remis la main sur cette usine phare19, qui avait été privatisée au début des années 200020. Ce retour à un capitalisme d’État montre combien l’usine est stratégique pour l’entité ; derrière la dépendance de l’économique au politique, il faut bien avoir conscience de celle du politique à l’économique, qui la précède. Il n’y a pas de solution miracle pour les autorités21 et il s’agit de limiter la crise et la contestation sociale, l’État transnistrien pouvant d’autant moins abandonner l’usine à son sort qu’elle a constitué un bastion lors des manifestations qui ont abouti à la sécession depuis la Moldavie, comme l’a rappelé le président transnistrien Evgueni Chevtchouk lors du Jour des Métallurgistes, le 18 juillet 201522. À partir de 2017, la situation a continué de se dégrader, l’Ukraine ayant autorisé les autorités moldaves à venir contrôler les flux avec la Transnistrie de son côté de la frontière. Ce rapprochement entre Moldavie et Ukraine, consécutif aux crises de Crimée et d’Ukraine de l’Est en 2014, étrangle le commerce transnistrien et force les entreprises à payer des taxes non seulement à Tiraspol mais également à Chisinau quand elles souhaitent exporter, affaiblissant de fait leur compétitivité. L’ouverture à la mondialisation se révèle être un handicap en cas de tensions géopolitiques.

• 23 « partie du monde mal connue et qui tient à le rester, qui se présente à la fois comme le négatif d (...)
• 24 Présenté dans le roman en partie autobiographie de N. Lilin (2010).

21Au-delà de cette crise conjoncturelle, mais qui dure depuis plus d’une décennie, se pose la question plus structurelle de la criminalité, de la corruption et de la contrebande. Le revers de la médaille de l’insertion de la Transnistrie dans la mondialisation est en effet sa dépendance à une économie grise, par essence mondialisée. La Transnistrie tire en réalité sa compétitivité d’une rente de statut ou plutôt d’absence de statut : zone grise, antimonde23 de la mondialisation, elle s’insère dans un système criminel (Parmentier, 2006) régional lié à l’arrière-pays d’Odessa. Ce système repose sur des solidarités locales et ethniques, avec notamment un puissant clan sibérien24, constitué originellement par la déportation dans la région d’opposants à Staline. Igor Smirnov lui-même, le père de l’indépendance de la Transnistrie et premier président (1991-2011) Igor Smirnov, est né dans le Kamchatka. Le statu quo profite tout autant à la corruption en Transnistrie, en Moldavie et en Ukraine qu’il ne profite de cette corruption. L’insertion dans la mondialisation grise n’est donc pas un facteur d’ouverture et de résolution de la sécession mais un puissant facteur de son maintien comme « conflit gelé ».

• 25 Entretien réalisé par Thomas Merle avec la vice-ministre de l’Économie en mai 2018 et observations (...)

23La situation ici étudiée d’un État non reconnu qui s’intègre bien dans la mondialisation, jusqu’à en être victime, mériterait d’être confrontée à d’autres cas. La diversification des partenaires commerciaux de l’Abkhazie, qui a pourtant un accès à la mer, est sensiblement plus faible, sans même parler de celle de l’Ossétie du Sud. Taïwan bénéficie de réseaux anciens, tissés du temps où l’île était reconnue par les grands de la planète comme un État. Mais le cas du Somaliland, État non reconnu sans protecteur évident et situé au cœur d’un État failli, la Somalie, mériterait une étude. Le Somaliland est relativement fonctionnel et parvient à attirer les investisseurs ; Bolloré s’était positionné sur le marché de la rénovation du principal port de l’entité, Berbera, mais un consortium porté par Dubaï l’a emporté en 2016. L’absence de reconnaissance d’un État ne signifie pas sa non-intégration dans la mondialisation économique25.