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Prêter attention aux docteur·es - Une tâche intergénérationnelle

Prolongations


Prolongations
Manon Bienvenu-Crélot, Layla Kiefel, Julie Lageyre, Noémie Marques-Verhille, Hugo Mazzero, Leila Oulkebous, Caroline Prévost, Aurore Sasportes et Blanche Turck

Texte intégral

1Docteur·es... nous espérons le devenir sans savoir grand-chose de la réalité que recouvre ce titre. Nous ne sommes pas dupes : nous savons les carrières universitaires hasardeuses et difficiles, les résultats rarement à la hauteur des sacrifices consentis. Mais que devient-on concrètement, au lendemain de la soutenance, déjà plus doctorant·es et sans assurance de décrocher un jour un poste à l’Université ?

2Cette question seule suffisait à alimenter notre curiosité en recevant les récits de docteur·es que nous allions devoir lire, annoter et penser. Nous étions animé·es par le sentiment que ces retours d’expérience viendraient combler un manque, du moins partiellement, et ouvrir le débat sur l’après-thèse, ainsi que sur la reconnaissance du doctorat en sciences humaines et sociales en France. Compte tenu du contexte particulièrement sinistre pour les Humanités en mars 2021, le Covid étant venu s’ajouter au vote contestable, en pleine pandémie, de la Loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche, force est de constater que nous ne nous attendions pas à des lectures particulièrement réjouissantes : raison de plus pour saluer le fait qu’une revue scientifique s’empare enfin du sujet des expériences et trajectoires personnelles des jeunes docteur·es, dans la continuité de prises de paroles amorcées sur les réseaux sociaux (site Précaires de l’ESR, par exemple) ou grâce à des événements associatifs, tels les ateliers organisés, à l’UBM, par l’Association Av’Hispa (« La thèse, et après ? », « Thèse et parentalité » et « Thèse et pandémie »). Ces nouveaux espaces de parole permettent d’expliciter les rapports entre vies privées et carrières d’enseignement-recherche, rapports jusqu’alors largement informulés, voire hypocritement occultés.

3À chaque récit correspond un parcours singulier, loin des statistiques et des généralités. C’est une courageuse plongée dans l’intime, qui détonne dans le milieu académique où l’expression du privé, et encore moins son écriture, n’ont pas bonne presse. Pour nous, doctorant·es, qui suivons ces jeunes chercheur·es à la trace, l’expérience de lecture est intense : à l’empathie, inévitable face à l’amertume exprimée dans nombre de récits, s’ajoute une identification parfois douloureuse, dans la mesure où nous avons été amené·es à nous projeter dans certains parcours. Cependant, même si la plupart des récits pointent les dysfonctionnements systémiques fragilisant énormément l’intégration des jeunes chercheur·es, la réception que nous en faisons n’est pas univoque : nous sommes plusieurs à ressentir de l’enthousiasme face à la diversité des parcours décrits dans les récits, émanant de différentes universités et institutions que nous sommes loin de tous et toutes connaître, où sont souvent exprimés avec force et sincérité les espoirs et les joies que procurent l’accomplissement d’un travail de recherche et l’épanouissement intellectuel. 

4À présent, quelle responsabilité pour nous qui avons reçu ces textes, les avons lus en cherchant à saisir ce que chacun d’entre eux avait à nous dire d’un titre, « docteur·e » ? Nous reconnaissons sans réserve l’importance de l’espace d’expression ouvert par la revue Essais, espace permettant un temps réflexif sur la thèse et l’après-thèse, et ce à plusieurs titres : en ressort, dans les récits, une conscience des enseignements apportés par l’expérience de docteur·es, qui vient à l’occasion en relativiser le pessimisme. Espace inhabituel, encore trop rare, qui a mis en évidence la nécessité, au vu de la convergence de certaines expériences, de ne pas passer sous silence ni minimiser les difficultés multiples auxquelles les jeunes chercheur·es sont confronté·es. Donner la parole a ouvert la possibilité d’un échange, dont le travail sur ce numéro, investi et collectif, témoigne. En effet, en tant que doctorant·es, nous avons été amené·es à considérer la valeur exemplaire de ces récits d’apprentissage : pour nous, il s’agissait une projection, une vision de notre avenir à très brève échéance qui entérinait l’importance de réseaux de solidarité et de transmission au sein de la communauté des jeunes chercheur·es, réseaux fondés sur des partages intergénérationnels. L’introspection provoquée par la lecture, si elle put s’avérer, dans un premier temps, déplaisante, ne nous condamnait pas à l’inaction : au contraire, nous sortons de cette expérience plus combatif·ves, lucides quant aux ajustements possibles dans nos vies professionnelles, notamment le besoin de profiter du moment de la thèse – privilégié pour celles et ceux qui jouissent d’un contrat doctoral – pour développer d’autres compétences, au cas où la carrière universitaire serait un échec. Nous souhaitons que ce numéro se fasse l’écho d’un héritage – entre espoir et avertissement – à transmettre aux futures générations de chercheur·es.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Manon Bienvenu-Crélot, Layla Kiefel, Julie Lageyre, Noémie Marques-Verhille, Hugo Mazzero, Leila Oulkebous, Caroline Prévost, Aurore Sasportes et Blanche Turck, « Prolongations »Essais [En ligne], Hors-série 7 | 2022, mis en ligne le 01 février 2022, consulté le 18 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/essais/10685 ; DOI : https://doi.org/10.4000/essais.10685

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Auteurs

Manon Bienvenu-Crélot

Doctorante en Études germaniques, UR Plurielles

Layla Kiefel

Doctorante en Études germaniques, UR Plurielles

Julie Lageyre

Doctorante en Histoire de l’Art, Centre François-Georges Pariset

Noémie Marques-Verhille

Doctorante en Histoire contemporaine, UMR LAM

Hugo Mazzero

Doctorant en Géographie, UMR Passages

Leila Oulkebous

Doctorante en Géographie, UMR LAM

Caroline Prévost

Doctorante en Études hispaniques et hispano-américaines, UR Ameriber

Aurore Sasportes

Doctorante en Études hispaniques et hispano-américaines, UR Ameriber

Blanche Turck

Doctorante en Littérature comparée, UR Plurielles

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