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Le Moyen Âge, fabrique de stéréotypes ?

Renard II, comte de Sens (1012-1055) : hérétique et roi des juifs ?

Renard II, Count of Sens (1012-1055): heretic and king of the Jews?
Damien Varenne

Résumés

En 1015, le roi Robert le Pieux s’empare de la ville de Sens avec l’appui de l’archevêque Liéry et en chasse le comte Renard II. Cet événement politique, important en soi, est marqué par les accusations d’hérésie et d’infidélité émises contre Renard dans les sources contemporaines. Raoul Glaber, trente ans plus tard, n’hésite pas à faire de Renard un ami des Juifs pour justifier l’action du roi. C’est à ces justifications et aux stéréotypes qu’elles véhiculent que s’intéresse cet article qui en étudie les fondations historiques ainsi que les évolutions jusqu’au XIIe siècle, dans le Roman de Renart.

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Texte intégral

  • 1 Juliette Clément (coord.), Fulbert de Chartres. Œuvres, correspondance, controverse, poésie (texte (...)

1Dans une lettre adressée probablement en 1015 aux comtes Galéran de Meulan et Gautier d’Amiens, Fulbert1, évêque de Chartres, écrit : « sachez aussi que l’archevêque de Sens m’a consulté pour savoir comment traiter avec l’hérétique Renard, lequel cherchait à nuire à l’Église de Dieu ». L’hérétique Renard, mentionné dans la lettre de Fulbert, est le comte Renard II de Sens, qui, cette année-là, doit fuir sa ville, chassé par l’offensive conjuguée de l’archevêque de Sens, Liéry, et du roi Robert le Pieux.

  • 2 Ibid. p. 137 : « Sciatis, fratres, quia rex R (obertus) benefacit cum Christianos adiuat et heretic (...)

2On ne connait pas la teneur exacte du conseil donné par Fulbert à Liéry, celle-ci étant contenue dans un document annexe à la lettre, mentionné par Fulbert, mais qui ne nous est pas parvenu. Il ne fait toutefois guère de doute que Fulbert a poussé Liéry à réagir avec vigueur contre Renard puisqu’il commence sa lettre en justifiant l’action violente du roi : « Sachez frères, que le roi Robert sert la cause du bien en apportant son appui aux chrétiens et en s’attaquant aux hérétiques »2.

  • 3 Historia Francorum Senonensis, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, 9, Hanovre, 1851, p. 364- (...)
  • 4 Raoul Glaber, Histoires, texte traduit et présenté par Mathieu Arnoux, Brepols, Turnhout, 1996, p.  (...)

3Dans cette affaire, l’accusation d’hérésie justifie une action brutale qui aurait pu, sans cela, passer pour illégitime. Ces accusations sont relayées, sous une forme un peu différente, par deux autres sources contemporaines, ou de peu postérieures : l’Historia Francorum Senonensis3 (entre 1015 et 1031) et les Histoires de Raoul Glaber4 (entre 1046 et 1049). C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un comte se voit retirer son honor (provisoirement dans le cas de Renard) à la suite d’une accusation d’hérésie.

4L’accusation d’hérésie est déjà un stéréotype en soi. Mais là où Fulbert de Chartes se contente d’en user sans guère préciser ce qu’il entend par là, l’Historia Francorum Senonensis et Raoul Glaber utilisent plusieurs topoi qu’ils développent davantage : celui du noble laïc, persécuteur des églises, ami des Juifs et judaïsant lui-même, qui allie déviance doctrinaire et maladie mentale. Ces stéréotypes s’appuient déjà sur une longue tradition, mais les accusations portées contre Renard en constituent une inflexion qui prépare déjà les grandes années de chasse aux hérétiques des XIIe et XIIIe siècles. Ce sont à la fois ces racines profondes et ces évolutions que nous nous attacherons à étudier.

Les faits

5Que se passe-t-il en 1015 qui implique l’intervention du roi et le conseil de Fulbert de Chartres ?

  • 5 Historia Francorum Senonensis, MGH, SS, 9, p. 369. Pour la date de la mort de Fromont, voir les Ann (...)

En 1012, le comte Fromont II de Sens meurt, laissant le pouvoir sur le comté à son fils Renard II5. Cela fait plus de soixante-quinze ans que des Fromont et des Renard se succèdent à la tête du comté, depuis que le duc des Francs Hugues le Grand, le grand-père du roi Robert, a installé Fromont Ier comme vicomte à Sens en 936/937.

  • 6 Historia Francorum Senonensis, op. cit., p. 369.

6Les vicomtes, puis comtes, de Sens ont dû composer tout au long de leur domination avec la concurrence d’un autre acteur prestigieux, l’archevêque. Des relations entre les deux personnages aux Xe et XIsiècles ne surgissent dans nos sources que d’épisodiques affrontements dont le caractère systématique, bien que souvent affirmé, apparaît bien incertain. Toujours est-il que lorsque l’archevêque Liéry succède à Seguin, avec l’appui du roi Robert, en l’an mil, il a dû faire face à la concurrence du fils du comte Fromont II, Brunon, soutenu par une partie du chapitre6.

  • 7 En plus de l’Historia Francorum Senonensis on trouve des indications dans la Chronique de Saint-Pie (...)

Si les rapports entre Liéry et Fromont II n’en semblent pas durablement affectés, ce n’est pas le cas de ceux que l’archevêque entretient avec le fils de ce dernier, Renard II dont plusieurs sources7 soulignent les rapports exécrables qu’il pouvait avoir avec le prélat. Ceux-ci sont si tendus que l’on finit par aboutir à la situation évoquée plus haut, à savoir l’appel à l’aide de Liéry au roi, après avoir demandé conseil à ses suffragants, dont Fulbert, et le coup de force contre Renard.

  • 8 Historia Francorum Senonensis, op. cit., p. 369.

7Celui-ci a lieu le 22 avril 1015 et semble avoir surpris le comte, forcé de fuir la ville « tout nu » tandis que son frère est fait prisonnier par les troupes royales venues en renfort, après avoir opposé une résistance désespérée dans une des tours de la ville8. Renard n’a d’autre choix que d’aller chercher de l’aide auprès du comte de Blois, Eudes II, qui, trop heureux de profiter de la faiblesse du comte de Sens, lui fournit une aide militaire en échange de la cession de Montereau.

  • 9 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, op. cit., p. 110-113.

Renard revient alors assiéger la ville, ravageant les alentours au point de provoquer une famine. Le roi préfère alors négocier : un accord est passé avec le comte qui récupère son comté en viager, ce dernier devant être partagé à sa mort entre le roi et l’archevêque9.

Renard l’hérétique… et roi des Juifs ?

8Raoul Glaber, quand il décrit les événements menant à la chute de Renard, commence par faire un récit circonstancié des infamies dont le comte Renard s’était rendu coupable, sa persécution contre l’Église, sa sympathie envers les Juifs, les lacunes de sa justice qui finissent par convaincre le roi Robert d’intervenir.

  • 10 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176.
  • 11 Ibid., p. 180.

Parmi ces accusations, celle qui frappe le plus est la proximité de Renard avec les Juifs. Renard est accusé d’apprécier les coutumes juives à tel point qu’il désire se faire nommer par ses proches « roi des Juifs »10. Plus loin, le moine bourguignon dit de Renard qu’il « judaïsait »11.

  • 12 Pseudo-Philomene, Gesta Karoli Magni ad Carcassonam et Narbonam, F. E. Schneegans (éd.), Halle, 189 (...)
  • 13 Tous ces éléments sur le « roi juif » de Narbonne sont empruntés à Aryeh Graboïs, « Le « roi juif » (...)

9Le titre de roi des Juifs n’est pas sans rappeler celui apposé par les Romains sur la croix de Jésus. Il ne s’agit cependant pas de comparer le comte de Sens au Christ. En revanche, ce titre peut évoquer celui porté au XIe siècle par le chef de la communauté des Juifs de Narbonne. Celui-ci, issu d’une dynastie qui gouverne la juiverie de la ville du XIe au début du XIVe, porte le titre hébreu de « Nassi », c’est-à-dire prince. Ce titre fut traduit par les Chrétiens par l’expression « roi juif » et son emploi fut suffisamment reconnu pour figurer dans l’œuvre en occitan du pseudo-Philomène,12 qui relate au XIIe siècle la geste de Charlemagne en Septimanie13. Il n’est pas impossible que Raoul Glaber, grand voyageur, ait eu vent de cette situation et l’ait plaquée sur le personnage de Renard.

  • 14 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176-177 : « Iudȩorum quoque in tantum prevaricatorias diligeb (...)
  • 15 Gilbert Dahan, Les intellectuels chrétiens et les Juifs au Moyen-Âge, Paris, éditions du Cerf, 1990 (...)

10On peut cependant remarquer que Raoul n’accuse pas réellement Renard d’être un roi des Juifs. « Il aimait les mœurs déviantes des Juifs au point d’exiger de tous les siens qu’ils lui donnent le titre de roi des Juifs avant son nom (il s’appelait Renard). » 14Renard revendiquerait donc, d’après Raoul, de lui-même une certaine proximité avec les Juifs. Doit-on y voir la trace d’une protection du comte envers la communauté juive de la ville ? Le fait est possible, d’autant que la protection des Juifs était l’une des tâches incombant au roi, et donc aux représentants de l’autorité publique, depuis Charlemagne, au moins. Dans certains cas, le roi pouvait même faire office d’intermédiaire entre les Juifs et les autorités ecclésiastiques. C’est le cas par exemple lorsque le roi de France demande au pape Alexandre III l’autorisation, au nom des Juifs de son royaume, d’utiliser de la main-d’œuvre chrétienne pour construire leurs synagogues15.

  • 16 On a parfois rapproché le titre de roi des Juifs donné à Renard du Tractatus écrit par Fulbert cont (...)
  • 17 Odorannus, Opera omnia, Robert-Henri Bautier et Monique Gilles (éd. et trad.), Paris, éditions du C (...)

Cela ne peut cependant rester qu’une hypothèse16 tant les indices sont rares et incertains pour attester d’une présence juive à Sens au début du XIe siècle17. Il est plus intéressant de nous interroger sur la raison même qui pousse ce dernier à évoquer les Juifs comme source de la déviance de Renard.

  • 18 Dominique Iognat-Prat, Ordonner et exclure, Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au jud (...)
  • 19 Valentina Toneatto, « Aux marges de la foi, aux confins de l’humanité. Bestialité, hérésie et judaï (...)
  • 20 Bernard Blumenkranz, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme [I] » (...)
  • 21 Martin Quenehen, « Ennemis intimes. La représentation des Juifs dans l’œuvre de Grégoire de Tours » (...)
  • 22 Bernard Blumenkranz, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme (II)  (...)

11Raoul, en tant que contempteur des Juifs, fait exception à son époque dans le milieu clunisien dont il est proche18. La réponse n’est donc pas à chercher dans son appui à la réforme monastique clunisienne. Si l’on rapproche en revanche les accusations d’hérésie, dont Renard fait l’objet de la part de Fulbert, de celles de Raoul Glaber on peut remarquer que ce dernier réutilise un vieux topos qui, dès l’Antiquité, lie les Juifs à la notion d’hérésie. On trouve une assimilation de l’hérésie aux Juifs chez Ignace d’Antioche (fin du Ier siècle – début du IIe siècle) puis chez Arnobe le Jeune (première moitié du Ve siècle)19. De même, Quodvultdeus, au début du Ve siècle, fait des Juifs une catégorie d’hérétiques avec notamment les Manichéens et les Ariens20. Grégoire de Tours, au VIe siècle assimile à son tour judaïsme et hérésie, avec des nuances toutefois21. On retrouve encore cela chez Isidore de Séville et Raban Maur, entre autres22.

  • 23 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176 : « etiam christianȩ fidei insidiosus habebatur detractor (...)
  • 24 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 178 : « Domine Iesu, qui in hac die pependisti in cruce pro s (...)

12Une autre caractéristique de Renard chez Raoul Glaber est sa cruauté et son absence de pitié. Il reprend ici un stéréotype présent chez Saint Augustin qui fait de la cruauté et du « cœur de pierre » l’une des caractéristiques des Juifs par leur incapacité à croire. Or Raoul associe explicitement le manque de foi de Renard à sa cruauté (il est « perfide détracteur de la foi chrétienne » et « étranger à toute humanité »23). C’est alors qu’il fait le récit de la condamnation d’un voleur par Renard le jour du vendredi saint. Doit-on y voir un rappel de la condamnation du Christ par les Juifs ce même jour ? Raoul ne le dit pas aussi clairement, mais il met dans la bouche du voleur des paroles qui associent son supplice à celui de Jésus24.

  • 25 Epitre aux Galates, 1 -14, « Si toi qui es juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, commen (...)
  • 26 Valentina Toneatto, op. cit., p. 23.
  • 27 Isidore de Seville, Liber de variis quaestionibus adversus Iudaees seu ceteros infideles vel pleros (...)
  • 28 Bede le venerable, Historia ecclesiastica, PL., tome 95, col. 160 c : « judaïzante adhuc in multis (...)
  • 29 Voir par exemple Yitzhak Hen et Gerda Heydemann, « A Double-Edged Sword : Jews and the Rhetoric of (...)

13Remarquons cependant que Raoul Glaber fait de Renard un « judaïsant » et non pas un juif. Le terme est tiré de l’épitre aux Galates25 où il a un tout autre sens. Dès Ignace d’Antioche, il vient désigner une hérésie du christianisme qui consistait, comme les Juifs, à refuser l’incarnation26. On retrouve le terme, dans un traité d’Isidore de Séville27 et dans l’Historia ecclesiastica de Bède le Vénérable28, auteur que Raoul Glaber connaissait fort bien puisqu’il en fait l’éloge au début de ses Histoires. Chez les auteurs du haut Moyen-Âge, était considéré comme judaïsant tout chrétien dont les croyances pouvaient le rapprocher, par un quelconque aspect, du judaïsme, sans que le contenu en soit très précisément défini29.

En faisant de Renard un judaïsant, Raoul Glaber se rapproche donc des accusations d’hérésie que l’on retrouve chez Fulbert. Le titre de « roi des Juifs » ne doit pas être compris comme une accusation de conversion au judaïsme, mais plutôt comme une forme de déviance, au demeurant fort vague, du christianisme chez le comte de Sens.

Hérésie et folie

  • 30 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 180-181 : « Praeterea Rainardo, ut diximus, iudaizante, quin (...)

14Si l’on admet le principe que le fait de « judaïser » ne signifie pas, pour Renard, se convertir au judaïsme, mais une propension plus large et plus vague à l’hérésie on doit alors relever la proximité de ce terme avec celui de l’« insania » c’est-à-dire de la maladie mentale. Raoul Glaber précise : « comme nous l’avons vu, Renard judaïsait, ou, plus exactement, était devenu fou. » 30

  • 31 Voir Franco Júnior Hilário. « Les « abeilles hérétiques » et le puritanisme millénariste médiéval » (...)
  • 32 Ibid., p. 187-191.

La notion de folie accompagne régulièrement celle de l’hérésie chez Raoul. Lorsqu’il relate, par exemple, l’hérésie de Leutard, près de Châlons31. Raoul Galber évoque sa « folie incurable » (vesanie previcata) et insiste sur le fait que ceux qui le virent détruire l’image du Christ le pensèrent dément (« credentes illum, ut erat, insanum fore »). L’évêque, qui l’interroge, démontre qu’il est devenu un « dément hérétique » (« ostendens hominem insanientem hereticum factum ». L’évêque réussit alors à « arracher le peuple à sa folie » (« revocavit ab insania populum »). De même, dans son récit de l’exécution des hérétiques d’Orléans, il qualifie l’hérésie d’« insanissima heresis ». Plus loin, les hérétiques sont qualifiés d’« Insanientes » tandis que le prêtre qu’ils tentent de convaincre, et qui, résistant à leurs arguments, provoqua leur chute, est qualifié de « sain d’esprit » (« sane mentis »)32.

  • 33 Jean-Paul Rassinier, « L’hérésie comme maladie dans l’œuvre de Saint Augustin », In Mots, no 26, ma (...)
  • 34 Bede, Historia ecclesiastica gentis Anglorum, i. 8, Bertram Colgrave et R.A.B. Mynors (éd.), Oxford (...)
  • 35 Adon de Vienne, Chronicon in aetates sex divisum Nempe, Patrologia Latina, tome XVI, col 89a. Nous (...)

15La folie appliquée à Renard vient donc confirmer le fait que judaïser doit être compris chez ce dernier comme un signe d’hérésie. Cette association entre la maladie mentale et l’hérésie est l’héritière d’une tradition remontant au moins à saint Augustin, qui appliquait l’insania aux païens ou aux hérétiques33. Les auteurs des siècles suivants continuent d’associer l’insania à l’hérésie : Bède le vénérable évoque la « folie des ariens » (« vaesania Arrii ») dans son Historia Ecclesiastica34 ; après lui un Adon de Vienne évoque au IXe siècle, dans son Chronicon, l’apparition de la « maladie hérétique des Manichéens » (« insania Manichaeorum haeresis »)35.

16Raoul Glaber ne fait donc que reprendre le vocabulaire de ses prédécesseurs. L’emploi de celui-ci est cependant un peu différent. Alors que pour Leutard et les hérétiques d’Orléans règne une stricte équivalence entre maladie et hérésie, la folie apparaît comme une alternative à la déviance religieuse chez Renard. La phrase de Raoul Glaber (« Preterea Rainardo, ut diximus, iudaizante, quin potius insaniente ») n’implique en effet pas une analogie ou une stricte équivalence entre la folie et le fait de judaïser. La folie apparaît alors comme une meilleure explication au comportement de Renard que l’hérésie. Qu’y a-t-il de différent entre le cas de Renard et ceux des autres hérétiques évoqués par Raoul pour que celui-ci donne une inflexion à la traditionnelle analogie entre folie et hérésie ?

N’oublions pas que Raoul écrit à la fin des années 1040, à un moment où Renard II s’est rétabli dans son comté par la grâce de son compromis avec le roi, et ce jusqu’à sa mort en 1055. Il a bien fallu expliquer qu’un personnage accusé d’hérésie, crime grave qui valut peu après 1015 le bûcher aux hérétiques d’Orléans, puisse ainsi échapper à la confiscation de son honor.

  • 36 Les deux exemples ci-dessus sont cités par Sabina Flanagan, « Heresy, madness and Possession in the (...)

17La maladie mentale, jusqu’ici presque systématiquement associée à l’hérésie, pouvait fournir une échappatoire. Si le comte Renard souffre d’instabilité mentale, il n’est dès lors pas vraiment responsable de ses actes et peut échapper à la peine normalement dévolue aux hérétiques. Raoul Glaber est le premier à utiliser ce biais qui va se développer dans les procédures à l’encontre des hérétiques. En 1169, une femme noble de la région de Cologne nommée Sigewise, qui répandait des paroles hérétiques, n’est pas condamnée à mort, mais exorcisée d’un démon (avec l’aide d’Hildegarde de Bingen) qui la possédait et provoquait sa folie. Il n’est pas impossible que la noblesse de la dame et les puissantes protections dont elle bénéficiait aient joué en sa faveur, comme sans doute le statut de comte de Renard et le fait que, malgré sa chute, il continuait à se montrer dangereux. En 1215, de même, le concile de Latran emploie une expression très semblable à celle de Raoul Glaber pour traiter du cas d’Amaury de Bène, décédé depuis plus de cinq ans au moment du concile, et de ses thèses théologiques. Ces dernières sont qualifiées de « plus folles qu’hérétiques » (« non tam haeretica quam insana ») ce qui évitait au concile de condamner (même a posteriori) un individu qui avait tout de même été maître de l’Université de Paris et surtout précepteur du fils ainé du puissant roi Philippe Auguste, le futur Louis VIII36.

  • 37 Nicolau Eymerich, Le manuel des inquisiteurs, Louis Sala-Molins (éd. et trad.), Paris, Albin Michel (...)

18L’excuse de la folie semble avoir été si utilisée, depuis Raoul Glaber, pour échapper à la condamnation pour hérésie, que le Manuel des inquisiteurs de Nicolau Eymerich, à la fin du XIVe siècle fait, dans un ironique retournement de situation, de la simulation de la folie l’un des signes d’hérésie que doit apprendre à reconnaître l’inquisiteur37.

La folie de Renard citée par Raoul Glaber marque donc une inflexion majeure dans le topos qu’était déjà depuis l’Antiquité l’association de la folie et l’hérésie. La première devient une excuse pour atténuer la gravité de la seconde et échapper ainsi à la justice.

Renard, le persécuteur d’églises et l’exaltation du ministère royal

19La mise au pas du comte Renard obéissait à des impératifs politiques, pour Robert le Pieux et l’archevêque Liéry. Pour le premier, il s’agissait de neutraliser un adversaire potentiel, allié à la fois à son plus farouche adversaire, Brunon de Langres, dans une guerre de Bourgogne sur le point de se conclure et à un rival dangereux à la fois par son emprise territoriale et son implication dans les intrigues de la cour, Eudes II de Blois. Pour Liéry, elle servait à affirmer une bonne fois pour toutes la suprématie du prélat sur le comte dans la ville de Sens.

  • 38 Emmanuel Bain, « Aux sources du discours antihérétique. Exégèse et hérésie au XIIe siècle », in Aux (...)
  • 39 Fulbert de Chartres, op. cit., p. 136 : « Raginardo heretico qui persequebatur aecclesiam Dei ».
  • 40 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 178.

20Les récits contemporains des faits n’insistent presque pas sur cet aspect, si ce n’est par allusion. Si nos sources évitent de parler de l’arrière-plan politique de la chute de Renard, cela tient à ce que cette dernière ne satisfaisait pas les bonnes règles du droit. Il fallait donc trouver un motif valable à l’action du roi et de l’archevêque. C’est là qu’intervient l’accusation d’hérésie dont Fulbert se fait le chantre auprès d’autres comtes qui auraient pu avoir toutes les raisons de se sentir inquiétés par l’initiative de Robert le Pieux. Cette accusation avait ceci de commode que, dans l’idéologie des temps carolingiens dont Fulbert de Chartres est un héritier, l’hérésie se définit moins par son contenu que par son attitude menaçante envers l’Église, ce qui laissait une grande marge d’appréciation à l’accusation38. Fulbert lie d’ailleurs explicitement l’accusation d’hérésie dont Renard fait l’objet à la persécution de l’Église39. Chez Raoul Glaber, le topos du comte persécuteur de l’Église est moins explicité. Il s’incarne surtout dans l’incapacité du comte à rendre justice. Renard II se montre inflexible avec un pauvre hère accusé de vol et le condamne à mort. Son attitude s’oppose à la clémence de l’archevêque Liéry qui accepte d’absoudre le voleur de ses péchés. Dernier péché du comte, enfin, il condamne le voleur un vendredi, offense faite au Seigneur, car le vendredi est le jour de sa crucifixion. Dieu témoigne d’ailleurs de son désaccord avec l’attitude de Renard en sauvant le voleur par un miracle, sans rapport aucun avec la moralité de celui-ci, puisque ce dernier recommence par la suite à voler40. Le comte est donc un impie qui refuse le conseil de l’Église et n’accomplit pas son devoir de miséricorde.

  • 41 Bruno Dumézil, « La chasse aux Bonosiens dans la Burgondie, Ve-VIIe siècle : une affaire d’hérésie  (...)
  • 42 Robert-Henri Bautier, « L’hérésie d’Orléans et le mouvement intellectuel au début du XIe siècle : d (...)
  • 43 Guy Lobrichon, « Arras, 1025, ou le vrai procès d’une fausse hérésie », in Inventer l’hérésie ? Dis (...)

21Cet usage politique de l’hérésie pour mettre au pas des adversaires n’est pas une nouveauté, on peut en retrouver un autre exemple aux temps mérovingiens, lorsque Clotaire II élimine une opposition de nobles d’Outre-Jura après les avoir accusés d’appartenir à une obscure hérésie du IVe siècle41. On retrouve ce prétexte de l’hérésie pour solder des comptes politico-religieux à Orléans en 102242 et à Arras en 102543. En revanche, la nouveauté tient à la gestion de la punition du crime d’hérésie laissée au bras séculier.

  • 44 Grégoire le Grand, Registrum epistularum. Libri VIII-XIV, appendix, Norberg D. (éd.), Turnhout, Bre (...)
  • 45 Fredegaire, Chronique des temps mérovingiens, O. Devillers et J. Meyers (éd.), Turnhout, Brepols, 2 (...)

22En effet, dès lors qu’aucune source n’accuse explicitement Renard d’avoir été infidèle envers le roi, faute, sans doute, de preuves matérielles d’une telle forfaiture voire de sa réalité même, le seul crime qui justifie la perte de son comté par Renard est celui d’hérésie. Fulbert ne peut être plus clair lui qui commence sa lettre à Galéran et Gautier en affirmant que Robert « sert la cause du bien (…) en s’attaquant aux hérétiques ». Certes, dès Grégoire le Grand, le rôle du roi dans la lutte contre l’hérésie était affirmé. En 591, le pape affirmait à Clotaire II son rôle d’adjutor dans la lutte contre l’hérésie. Mais le pape ne faisait référence, par cette expression, qu’à la convocation d’un concile par le roi, et non à l’usage de la violence44. De même, l’instrument principal de la répression des « hérétiques » d’Outre Jura est la mission des moines de Luxeuil tandis que l’âme de la révolte, le patrice Alethius est certes exécuté, mais pour avoir comploté la mort du roi et assassiné son représentant, le duc Herpo45. Le roi est donc bien un acteur de la lutte contre l’hérésie, mais il agit par l’intermédiaire des évêques et des moines colombaniens.

  • 46 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 180 : « suasum est regi, qui videlicet ilium frequenter ob su (...)
  • 47 Mathieu Arnoux, dans son édition des Histoires de Raoul Glaber attribue l’aspect expéditif du récit (...)

23Dans le cas de Renard, en revanche, un archevêque fait face à ce que nos sources présentent comme un hérétique et délègue au pouvoir temporel l’exécution d’une sentence. Selon l’Historia Francorum Senonensis et la lettre de Fulbert de Chartres, Liéry a consulté ses suffragants sur le cas de Renard, ce qui est la seule trace de procédure dont nous gardons la trace. Une fois celle-ci accomplie, le représentant du pouvoir civil peut user de la violence nécessaire à la punition du coupable. La nouveauté du procédé transparait dans la manière plus qu’expéditive qu’a Raoul Glaber de présenter l’action du roi : « On persuada le roi, qui l’avait déjà souvent blâmé pour ses méfaits, de soumettre à son pouvoir le gouvernement d’une ville si importante, de peur qu’à la longue, le scandale religieux ne s’étendît intolérablement46 ». L’allusion à l’intérêt politique qu’avait le roi de s’assurer du contrôle de Sens [« une ville si importante »] est évidente et se mêle à l’aspect moral et religieux de l’affaire [le « scandale religieux »]47.

24L’intervention du bras séculier pour punir Renard représente donc une nouveauté qui sera amenée à se renouveler et se systématiser. Renard a cependant finalement échappé à toute condamnation, probablement en raison de sa capacité à continuer de peser après sa déchéance en s’appuyant sur son alliance avec Eudes de Blois. C’est sans doute la raison pour laquelle Raoul, au contraire de Fulbert, ne prononce jamais explicitement le mot « hérésie », puisqu’il écrit à un moment où ces accusations avaient cessé d’être utiles, tandis que Fulbert écrit peu après la capture de Sens par Robert, avant que le compromis entre le roi, le comte et l’archevêque ne solde les comptes.

  • 48 Fulbert de Chartres, op. cit., p. 136-137 : « rex R (obertus) benefacit cum Christianos adiuat et h (...)
  • 49 Yves Sassier, « Royauté et conception du pouvoir chez Fulbert de Chartres », in Fulbert de Chartres (...)

25L’action de Robert contre Renard est en revanche l’occasion pour nos sources d’exalter la mission royale de soutien à la religion chrétienne. Fulbert est explicite sur cet aspect : « le roi Robert sert la cause du bien en apportant son appui aux chrétiens et en s’attaquant aux hérétiques (…), car en faisant cela il exerce son ministère et il fait son salut. » 48Cette mission royale de protection des Chrétiens et des églises est directement héritée de la période carolingienne, notamment du règne de Louis le Pieux. Le rôle des évêques, mais aussi des laïcs détenteurs d’honores comme Galéran et Gautier, les destinataires de la lettre de Fulbert, est de seconder et guider (pour les premiers) le roi dans sa tâche49.

  • 50 Laurent theis, « Robert le Pieux était-il pieux ? » in Fulbert de Chartres, précurseur de l’Europe (...)
  • 51 Dans sa lettre 130, citée par Laurent theis, op. cit., p. 131.
  • 52 Historia Francorum Senonensis, MGH, SS9, p. 368-369.
  • 53 Ibid., p. 369 : « Hic persecutionem intuilit ecclesiis Christi et fidelibus eius, quanta non est au (...)

26De manière plus spécifique, l’intervention de Robert contre Renard fut aussi l’occasion de la célébration de la piété de ce roi. Si Odorannus et Helgaud de Fleury furent les seuls à appeler Robert « Pius » avec une majuscule50, le premier mentionnant à peine la capture de Sens et le second pas du tout, Fulbert et l’Historia Francorum Senonensis, n’hésitent pas à exalter la piété du roi. Fulbert s’adresse à Robert en lui donnant du piissime rex51. L’Historia Francorum Senonensis relie encore plus explicitement la piété du roi à son action contre Renard. Robert y est le seul roi qualifié de piissimus. Or, c’est principalement son action contre Renard qui est mise en avant dans la chronique et qui fonde donc sa piété52. C’est pourquoi, comme Fulbert dans sa lettre, cette source insiste sur la persécution des églises et des Chrétiens par Renard (« Il abattit cette persécution sur les églises du Christ et leurs fidèles à un point qui n’avait pas été vu depuis le temps des païens53. »). Renard est par ailleurs qualifié de « plus grand des infidèles » (« infidelium nequissimus »). Si le mot d’hérétique n’est pas prononcé, nous avons vu que la simple accusation de persécution de l’Église suffisait à provoquer la qualification d’hérésie. C’est donc bien la lutte contre cette dernière, et la défense de l’Église, qui vaut à Robert son qualificatif de « très pieux ».

Du comte persécuteur d’églises à la fable animalière ? Renart, après Renard

  • 54 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif dite de Clarius, Robert Henri Bautier et Monique Gilles (éds.), éd (...)
  • 55 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, Op. cit., p. 110 : « quando ille divinum officium celebrans vultu (...)
  • 56 Guy Lobrichon, « Lutte contre l’hérésie et justifications bibliques de la violence, IXe-XIIIe siècl (...)

27La Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, source sénonaise début du XIIe siècle, s’acharne tout particulièrement sur la figure de Renard II54. L’Historia Francorum Senonensis faisait de ce dernier un infidèle, tout autant à son roi qu’à l’Église et à la foi chrétienne. La Chronique de Saint-Pierre-le-Vif copie le texte de cette dernière source en y ajoutant toutefois des détails qui virent au burlesque. Renard II y est présenté montrant ses fesses à l’archevêque pour se les faire baiser, crachant au visage de ce dernier et n’hésitant pas à tuer ses hommes55. La mention par cette chronique du « baiser de paix » de l’archevêque, refusé par le comte, peut être vue comme une allusion à la Paix de Dieu et la nécessité affirmée par les évêques de l’an mil d’assurer une communauté de paix dans leur diocèse. Renard, en offrant ses fesses, vient donc briser cette communion56.

L’aspect burlesque de cette description ne manque pas d’interpeller et on peut légitimement se poser la question de savoir si le personnage même de Renard n’avait pas été lentement déformé, entre le début du XIe et celui du XIIe siècle, par une tradition orale qui en faisait un individu de plus en plus caricatural.

  • 57 Voir Karl Ferdinand Werner, « Reineke Fuchs. Burgundischer Ursprung eines europäischen Tierepos », (...)
  • 58 Ysengrimus, edited and translated by Jill Mann, Cambridge, Harvard University Press (Dumbarton Oaks (...)
  • 59 Karl Ferdinand Werner montre bien qu’Hersent, l’épouse adultère d’Ysengrin, doit être identifiée av (...)
  • 60 Armand STRUBEL, et al. (éd.), Le Roman de Renart, Paris : Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1 (...)
  • 61 Aurélie Barre, « Le renard de Rutebeuf », Cahiers de recherches médiévales, 14 | 2007, 253-266.

28C’est ce qui peut faire supposer que Renard II et son grand-père, Renard Ier le Vieux, aient pu être l’inspiration première du personnage éponyme du Roman de Renart57. La période de la fin du Xe et du début du XIsiècle est, en effet, la matrice de cette œuvre, ainsi que de l’œuvre qui la précède, l’Ysengrimus de Nivard58. Le personnage de Renart, traitre envers Ysengrin, dont la femme Hersent le fait cocu avec le goupil59, s’y montre rebelle à son roi et infidèle à l’Église. Le personnage est d’ailleurs explicitement mentionné comme homosexuel et hérétique dans la branche VII « la confession de Renart »60. Ruteboeuf dans sa version du personnage de Renart associe aussi clairement celui-ci à l’hérésie, mais aussi à la judéité et la traitrise, la couleur rousse de Renart étant celle de Judas61.

  • 62 Cantique, 2, 15.
  • 63 Valentina Toneatto, op. cit., p. 34-35.
  • 64 Madeleine Scopello, « Le renard, symbole de l’hérésie dans les polémiques patristiques contre les g (...)
  • 65 Haymon d’Auxerre, Commentarium in Cantica Canticorum, PL., 117, col 307d (JP. Migne attribue ce tex (...)
  • 66 Alessia Trivellone, « Le Mont-Cassin, une fabrique de l’hérésie au XIe siècle », in Aux marges de l (...)

29Or dès l’antiquité, la figure du goupil est associée à l’hérésie. On retrouve l’association chez un auteur comme Irénée de Lyon puis chez saint Augustin. Elle est liée au commentaire d’un passage du cantique des cantiques : « Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageurs de vignes, car nos vignes sont en fleur62. » Elle utilise aussi un passage de Juges, 15 où Samson brûle les champs des Philistins en attachant des torches à la queue de trois-cents renards. Saint Augustin évoque ainsi les hérétiques qui se cachent dans leurs tanières comme des renards pour mieux tromper63. On retrouve cette association aux temps carolingiens chez Raban Maur, notamment, en des termes très similaires64, tandis qu’Haymon d’Auxerre commente le passage du Cantique des Cantiques en associant lui aussi renards et hérésie65. Du vivant même de Renard II, on trouve dans un manuscrit du Mont-Cassin (manuscrit Casin. 759) une miniature représentant Samson attachant des torches aux queues des renards. Bernard de Clairvaux, dans ses sermons sur le Cantique des Cantiques, reprend l’image du renard hérétique et assure une large diffusion, au XIIe siècle, à ce topos66.

  • 67 Jean Batany, « Animalité et typologie sociale, quelques parallèles médiévaux », in Épopée animale, (...)

30Bien sûr, le comte Renard n’est pas à l’origine de l’association du goupil à l’hérésie dans le Roman de Renart et les ouvrages qui l’ont précédé. Le stéréotype du renard hérétique était suffisamment ancré en Occident pour que celle-ci soit indépendante. En revanche, quand il fallut donner un nom au goupil dans le Roman, celui de Renard, associé dans la tradition écrite monastique (et peut-être orale) à une figure de comte (rappelons que Renart, dans le Roman, est un assez haut seigneur67), infidèle, quelque peu hérétique, mais réussissant toujours par miracle à s’en sortir, finit par s’imposer.

Conclusion

  • 68 Rober Frank, « Qu’est-ce qu’un stéréotype ? », in Une idée est un fait vrai. Les stéréotypes nation (...)

31Robert Frank, en 2000, donne quatre caractéristiques qui permettent de définir un stéréotype : sa réduction simplificatrice, le fait qu’il exprime un jugement, sa dimension collective et sa répétition dans le temps long68.

Les accusations auxquelles Renard fait face correspondent-elles à cette définition ?

32Lorsque Raoul Glaber appose sur Renard certains traits de caractère comme la cruauté, la sécheresse de cœur, lorsque l’Historia Francorum Senonensis compare son comportement à celui des persécuteurs païens de l’antiquité, ils utilisent autant de clichés qui résumaient la vision que l’on se faisait au Moyen-Âge des hérétiques et des Juifs. Voilà pour la réduction simplificatrice.

33Le simple fait d’appeler Renard « hérétique » constitue en soi un jugement, jugement qui appelle punition, celle-ci étant appliquée par l’autorité du roi, agissant en tant qu’intermédiaire de Dieu. À cette acception juridique du jugement s’ajoute le jugement moral, dont Raoul Glaber, qui fait de Renard un homme cruel, et l’Historia Francorum Senonensis, qui le traite d’« infidelium nequissimus » se font l’écho. La deuxième caractéristique des stéréotypes est sans doute la plus évidente ici.

34Les accusations d’hérésie contre Renard sont l’occasion, pour ses accusateurs, de définir l’ordonnancement du monde dans lequel l’ordre est assuré par le roi, avec pour auxiliaires les évêques et les titulaires d’honores. Elles permettent donc de décrire un idéal d’organisation de la société chrétienne dont Renard constitue le repoussoir. En décrivant le mauvais comte qu’est Renard, on définit au contraire ce que doit être le représentant de l’autorité publique : protecteur des églises, auxiliaire dans son comté de l’évêque, qui participe par sa participation pacifique à l’office à l’harmonie de la communauté. Voilà pour la dimension collective.

Enfin, nous avons vu que le fait même d’accuser quelqu’un d’hérésie, pour le motif fort vague d’opposition à l’Église, correspond à une longue tradition. Les éléments mêmes de l’accusation, la persécution des églises, la proximité avec les Juifs ont eux-mêmes des racines qui remontent à l’antiquité et aux premiers penseurs du christianisme. Voilà pour le temps long.

  • 69 Guy Lobrichon, « Lutte contre l’hérésie et justifications bibliques de la violence, IXe-XIIIe siècl (...)
  • 70 La postérité du manuscrit de l’Historia Francorum Senonensis montre les liens qu’il entretient avec (...)
  • 71 Dominique barthélémy, L’an mil et la paix de Dieu, Paris, Fayard, 1999, p. 188.

35L’utilisation de stéréotypes contre Renard II n’est cependant pas que la répétition infinie de motifs inchangés depuis des siècles. On utilise, certes, des clichés qui se sont forgés dans l’antiquité, mais avec une dynamique et des objectifs propres au début du XIsiècle. Fulbert de Chartres se fait le relais d’une tradition remontant à l’époque carolingienne. Cependant, contrairement aux évêques carolingiens, il considère que le pouvoir royal doit se faire le bras agissant, et volontiers violent, de l’autorité ecclésiastique69. Là où Fulbert exprime l’avis des évêques, Raoul Glaber et l’Historia Francorum Senonensis donnent celui du monachisme bénédictin70. Avis qui n’est d’ailleurs guère différent de celui de l’évêque de Chartres, qui entretenait d’excellentes relations avec les monastères de son diocèse, puisque ces deux sources condamnent Renard comme persécuteur des églises et de l’évêque. Le geste sacrilège du comte, qui condamne un voleur le vendredi saint, témoigne chez Raoul Glaber de l’extension de la dévotion à la croix et de l’idée d’un vendredi qui serait exempt de toute violence, ce qui préfigure la Trêve de Dieu71.

  • 72 Monique Zerner (dir.), Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Co (...)

36L’usage des stéréotypes de l’hérétique contre Renard est donc celui d’un monde en mouvement qui, tout en restant profondément tributaire des concepts forgés durant le haut Moyen-Âge, prépare la profonde mutation que représente la réforme de l’Église aux XIe et XIIsiècles. L’hérésie joue dans ce nouveau monde le rôle de repoussoir à partir duquel la norme canonique se fixe. La violence royale exercée contre Renard préfigure celle qui s’abattra systématiquement contre les hérétiques qu’invente l’Église au XIIe siècle72. Renard parvient à y échapper, à l’image de son homonyme animalier du siècle suivant, parce qu’il peut rester suffisamment dangereux pour amener le roi à composer, contrairement aux chanoines d’Orléans qui inaugurent la longue liste des bûchers d’hérétiques quelques années plus tard.

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Notes

1 Juliette Clément (coord.), Fulbert de Chartres. Œuvres, correspondance, controverse, poésie (texte latin et traduction française), Société archéologique d’Eure-et-Loir, 2006, p. 137 : « Sciatis iterum quod archiepiscopum Senonensis requisuit a me consilium quid debertet facere de Raginardo heretico qui persequebatur aecclesiam Dei ».

2 Ibid. p. 137 : « Sciatis, fratres, quia rex R (obertus) benefacit cum Christianos adiuat et hereticos dampnat ».

3 Historia Francorum Senonensis, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, 9, Hanovre, 1851, p. 364-369. Dans la suite de cet article les Monumenta seront abrégées en MGH.

4 Raoul Glaber, Histoires, texte traduit et présenté par Mathieu Arnoux, Brepols, Turnhout, 1996, p. 176-183.

5 Historia Francorum Senonensis, MGH, SS, 9, p. 369. Pour la date de la mort de Fromont, voir les Annales Sanctae Columbae Senonensis, MGH, SS, 1 p. 105.

6 Historia Francorum Senonensis, op. cit., p. 369.

7 En plus de l’Historia Francorum Senonensis on trouve des indications dans la Chronique de Saint-Pierre-le-Vif dite de Clarius, Robert-Henri Bautier et Monique Gilles (éds.), éditions du CNRS, 1979, p. 110-113.

8 Historia Francorum Senonensis, op. cit., p. 369.

9 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, op. cit., p. 110-113.

10 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176.

11 Ibid., p. 180.

12 Pseudo-Philomene, Gesta Karoli Magni ad Carcassonam et Narbonam, F. E. Schneegans (éd.), Halle, 1898, p. 178-182.

13 Tous ces éléments sur le « roi juif » de Narbonne sont empruntés à Aryeh Graboïs, « Le « roi juif » de Narbonne », in Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 109, no 218, 1997. pp. 165-188.

14 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176-177 : « Iudȩorum quoque in tantum prevaricatorias diligebat consuetudines, ut se regem ipsorum suo pre nomine (Rainardus quippe dicebatur) suis omnibus imperaret. » 

15 Gilbert Dahan, Les intellectuels chrétiens et les Juifs au Moyen-Âge, Paris, éditions du Cerf, 1990, p. 44-45.

16 On a parfois rapproché le titre de roi des Juifs donné à Renard du Tractatus écrit par Fulbert contre les Juifs et qui réfute justement l’existence d’un royaume juif. Il faut écarter cette hypothèse, Fulbert traitant de la possibilité de l’existence d’un royaume juif quelque part dans le monde et non pas du cas, très concret et très proche, du comte de Sens.

17 Odorannus, Opera omnia, Robert-Henri Bautier et Monique Gilles (éd. et trad.), Paris, éditions du CNRS, 1972, p. 92-93 mentionne une expulsion des Juifs de Sens par l’archevêque Anségise (871-883) avec interdiction d’y résider à l’avenir. Le fait qu’Odorannus ne fait aucune remarque à ce sujet pourrait laisser entendre qu’il n’y avait pas de communauté juive à Sens au moment où il écrit (années 1040, c’est-à-dire à peu près en même temps que Raoul) même si cela reste sujet à caution. Bernard Blumenkranz, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme [V] », in Revue des études juives, tome 117, 1958, p. 22-23, est sceptique sur la réalité de cette expulsion. Sur la présence de Juifs à Sens dans la première moitié du XIe siècle, l’indice le plus probant pourrait être le respons adressé aux Juifs de Troyes au sujet d’une rançon pour la libération de Juifs de Reims à laquelle auraient participé les Juifs de Sens et d’Auxerre : Irving A. Agus, Urban Civilization in Pre-Crusade Europe : A Study of Organized Town-Life in Northwestern Europe During the Tenth an Eleventh Centuries Based on the Responsa Literature, New York, Yeshiva University Press, 1965, t.1, p. 165. L’attribution de ce respons à des rabbins du début du XIe siècle n’est cependant pas assurée ; voir à ce sujet le compte rendu du livre d’Irving Agus par Simon Schwarzfuchs, « Irving A. Agus - Urban Civilization in Pre-Crusade Europe : A Study of Organized Town-Life in Northwestern Europe During the Tenth an Eleventh Centuries Based on the Responsa Literature. 2 vol., New York, Yeshiva University Press, 1965, XI + 821 pages », in Revue des Études juives, tome 125, no 4, 1966, p. 428. Bernard Blumenkranz, « À propos du (ou des) tractatus contra Iudaeos de Fulbert de Chartres », in Revue du Moyen Âge latin, t. 8, Strasbourg, 1953, p. 51-54, lie la rédaction de ce traité par Fulbert de Chartres à l’expulsion du comte Renard II de sa ville. Il faut toutefois réfuter cette hypothèse comme nous le disons supra à la note 16. Le respons cité plus haut semble au moins attester de la présence de Juifs à Sens dans les siècles centraux du Moyen Âge. Un réseau assez important de communautés juives existait dans la Champagne toute proche et notamment à Troyes : voir Gérard Nahon, « Les communautés juives en Champagne médiévale (XIe-XIIe siècle) », in Rashi, Paris, Service Technique pour l’Éducation, 1974, p. 33-78.

18 Dominique Iognat-Prat, Ordonner et exclure, Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’Islam, Paris, Aubier, 1998, p. 273-274 remarque que Cluny vit en bonne intelligence avec les Juifs de sa fondation au XIe siècle (échange de terres avec des propriétaires juifs, prêts accordés à des Juifs…) et qualifie Raoul Glaber d’« exception ».

19 Valentina Toneatto, « Aux marges de la foi, aux confins de l’humanité. Bestialité, hérésie et judaïsme de l’Antiquité au début du Moyen-Âge. », in Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen-Âge, Franck mercier et Isabelle rosé (dir.), PUR, 2017, p. 19 et p. 23.

20 Bernard Blumenkranz, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme [I] », in Revue des études juives, tome 9 (109), juillet 1948 – juin 1949 1948. P 12

21 Martin Quenehen, « Ennemis intimes. La représentation des Juifs dans l’œuvre de Grégoire de Tours », Archives Juives, vol. 42, no. 2, 2009, pp. 112-128.

22 Bernard Blumenkranz, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme (II) », in Revue des études juives, tome 11 (111), janvier 1951 – décembre 1952 1951. pp. 5-61 et, du même auteur, « Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les Juifs et le Judaïsme. (III) », in Revue des études juives, tome 13 (113), janvier-décembre 1954. pp. 5-36.

23 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 176 : « etiam christianȩ fidei insidiosus habebatur detractor, atque ideo pauperum iduicia absque ulla promulgabat pietate, penitus humanitate remota ».

24 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 178 : « Domine Iesu, qui in hac die pependisti in cruce pro salute hominum, indulge mihi. »

25 Epitre aux Galates, 1 -14, « Si toi qui es juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ? »

26 Valentina Toneatto, op. cit., p. 23.

27 Isidore de Seville, Liber de variis quaestionibus adversus Iudaees seu ceteros infideles vel plerosque haereticos iudaizantes ex utroque Testamento collectus, Angel Custodio Vega et A. E. Anspach (éd.), Typis Augustianis monasterii Escurialensis, 1940.

28 Bede le venerable, Historia ecclesiastica, PL., tome 95, col. 160 c : « judaïzante adhuc in multis ecclesia ».

29 Voir par exemple Yitzhak Hen et Gerda Heydemann, « A Double-Edged Sword : Jews and the Rhetoric of Power in Ostrogothic Italy », in Barbarians and Jews. Jews and Judaism in the Early Medieval West, Yitzhak Hen et Thomas F.X. Noble (éd.), Turnhout, Brepols, 2018, p. 93-118.

30 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 180-181 : « Praeterea Rainardo, ut diximus, iudaizante, quin potius insaniente », nous nous inspirons de la traduction de Mathieu Arnoux en l’adaptant, car celui-ci avait traduit « judaizante » par « s’était fait juif » ce qui va contre notre raisonnement. 

31 Voir Franco Júnior Hilário. « Les « abeilles hérétiques » et le puritanisme millénariste médiéval », Le Moyen Age, vol. cxi, no. 1, 2005, pp. 71-93.

32 Ibid., p. 187-191.

33 Jean-Paul Rassinier, « L’hérésie comme maladie dans l’œuvre de Saint Augustin », In Mots, no 26, mars 1991. Médecine, santé et politique, Simone Bonnafous et Daniel Teysseire (dir.) p. 65-83. Raoul Glaber emploie le terme dementia une fois pour parler des hérétiques d’Orléans.

34 Bede, Historia ecclesiastica gentis Anglorum, i. 8, Bertram Colgrave et R.A.B. Mynors (éd.), Oxford, 1969, p. 34-37, cité par Paul Antnoy Hayward, « Before the Coming of Popular Heresy : The Rhetoric of Heresy in English Historiography, c. 700-1154”, in Heresy in Transition, transforming Ideas of Heresy in Medieval and Early Modern Europe, ian Hunter, John Christian Laursen et Cary J. Nederman, Ashgate, 2005, p. 9.

35 Adon de Vienne, Chronicon in aetates sex divisum Nempe, Patrologia Latina, tome XVI, col 89a. Nous emploierons désormais le sigle PL pour la Patrologie Latine.

36 Les deux exemples ci-dessus sont cités par Sabina Flanagan, « Heresy, madness and Possession in the High Middle Ages », in Heresy in Transition, transforming Ideas of Heresy in Medieval and Early Modern Europe, Ian Hunter, John Christian Laursen et Cary J. Nederman, Ashgate, 2005, p. 29-41. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, l’article est consacré au Moyen-Âge central.

37 Nicolau Eymerich, Le manuel des inquisiteurs, Louis Sala-Molins (éd. et trad.), Paris, Albin Michel, 2001, p. 165-168. Cité par Maud Ternon, « Hérétique ou dément ? Autour du procès de Thomas d’Apulie à Paris en 1388 », Criminocorpus [En ligne], Folie et justice de l’Antiquité à l’époque contemporaine, mis en ligne le 15 février 2016, consulté le 04 février 2023.

38 Emmanuel Bain, « Aux sources du discours antihérétique. Exégèse et hérésie au XIIe siècle », in Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen-Âge, Franck mercier et Isabelle rosé (dir.), PUR, 2017, p. 55-58.

39 Fulbert de Chartres, op. cit., p. 136 : « Raginardo heretico qui persequebatur aecclesiam Dei ».

40 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 178.

41 Bruno Dumézil, « La chasse aux Bonosiens dans la Burgondie, Ve-VIIe siècle : une affaire d’hérésie ? », in Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen-Âge, Franck mercier et Isabelle rosé (dir.), PUR, 2017, p. 187-199.

42 Robert-Henri Bautier, « L’hérésie d’Orléans et le mouvement intellectuel au début du XIe siècle : document et hypothèses », Actes du 95ème congrès national des sociétés savantes (Reims 1970), Section de philologie et d’histoire jusqu’à 1610, t. I., Paris, BNF, 1975.

43 Guy Lobrichon, « Arras, 1025, ou le vrai procès d’une fausse hérésie », in Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Monique Zerner (dir.), Collection médiévale de Nice, 2, Turnhout, Brepols, 1998, p. 67-86.

44 Grégoire le Grand, Registrum epistularum. Libri VIII-XIV, appendix, Norberg D. (éd.), Turnhout, Brepols, 1982 (CCSL 140A), Epistula XI, 5, p. 950-951.

45 Fredegaire, Chronique des temps mérovingiens, O. Devillers et J. Meyers (éd.), Turnhout, Brepols, 2001, p. 124-127.

46 Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 180 : « suasum est regi, qui videlicet ilium frequenter ob suam improbitatem redarguerat, ut scilicet tantae civitatis principatum regio subiugaret dominio, ne siquidem diutius vires pessimi incrementi sumeret scandalum sacrae fidei. »

47 Mathieu Arnoux, dans son édition des Histoires de Raoul Glaber attribue l’aspect expéditif du récit de la capture de Sens par Robert à la hâte qu’a Raoul d’en venir au thème antisémite que représente le récit de la destruction du Saint-Sépulcre (voir Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 183, note no 63). Nous pensons au contraire que la rapidité avec laquelle l’action du roi est évoquée vient de la gêne que pouvait susciter l’aspect résolument nouveau avec lequel l’hérésie de Renard avait été traitée et le doute sur sa légalité qui pouvait régner.

48 Fulbert de Chartres, op. cit., p. 136-137 : « rex R (obertus) benefacit cum Christianos adiuat et hereticos dampnat (…) quia hoc est ministerium eius per quod saluus esse debet. »

49 Yves Sassier, « Royauté et conception du pouvoir chez Fulbert de Chartres », in Fulbert de Chartres, précurseur de l’Europe médiévale ?, Michel Rouche (dir.), PUR, 2008, p. 221-229.

50 Laurent theis, « Robert le Pieux était-il pieux ? » in Fulbert de Chartres, précurseur de l’Europe médiévale ?, Michel Rouche (dir.), PUR, 2008, p. 130.

51 Dans sa lettre 130, citée par Laurent theis, op. cit., p. 131.

52 Historia Francorum Senonensis, MGH, SS9, p. 368-369.

53 Ibid., p. 369 : « Hic persecutionem intuilit ecclesiis Christi et fidelibus eius, quanta non est audita a tempore paganorum usque in hodiernum diem. »

54 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif dite de Clarius, Robert Henri Bautier et Monique Gilles (éds.), éditions du CNRS, 1979, p. 108-113.

55 Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, Op. cit., p. 110 : « quando ille divinum officium celebrans vultumque dans populo salutabat, ille, vultum avertens, in posterioribus suis ei pacem offerebat. »

56 Guy Lobrichon, « Lutte contre l’hérésie et justifications bibliques de la violence, IXe-XIIIe siècles », in l’Église et la violence (Xe-XIIIe siècle), Dominique BarthÉlÉmy, Michelle FourniÉ, Daniel Le BlÉvec (dir.), Cahiers de Fanjeaux, 54, Privat, Toulouse, 2019, p. 112-114.

57 Voir Karl Ferdinand Werner, « Reineke Fuchs. Burgundischer Ursprung eines europäischen Tierepos », in Zeitschrift für deutsches Altertum und deutsche Literatur, 124. Bd., H. 4 (1995), p. 375-435. Voir aussi Jean Batany, Scènes et coulisses du « Roman de Renart », SEDES, Paris, 1989, p. 73-100. Nous renvoyons à la démonstration de ces deux auteurs, car il serait trop long de la reproduire ici.

58 Ysengrimus, edited and translated by Jill Mann, Cambridge, Harvard University Press (Dumbarton Oaks Medieval Library, 26), 2013. On peut ajouter à cette matrice un autre texte, l’Ecbasis cuiusdam captivi per tropologiam, dont la rédaction peut être datée avec précision entre 1027 et 1049 et qui nait dans un contexte clunisien : voir Alain-Julien Surdel, « Pour une lecture plus clunisienne de l’Ecbasis Cuiusdam captivi per tropologiam », in Épopée animale, fable, fabliau. Actes du IVe colloque de la société internationale renardienne, Evreux, 7-11 septembre 1981, Gabriel Bianciotto et Michel Salvat (éd.), Paris, PUF, 1984, p. 641-653.

59 Karl Ferdinand Werner montre bien qu’Hersent, l’épouse adultère d’Ysengrin, doit être identifiée avec Gersende, femme du duc Henri de Bourgogne, qui avait trompé ce dernier avec Landri de Nevers.

60 Armand STRUBEL, et al. (éd.), Le Roman de Renart, Paris : Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1978, branche VII, « La Confession de Renart », p. 127-148 : « Sire, j’ai esté sodomites, Encore sui je droiz herites [hérétique] ». À ce sujet, voir Chloé Chalumeau, « Quand les vertus deviennent vices : du carnavalesque à la satire dans La Confession Renart », e-Spania [En ligne], 22 | octobre 2015, mis en ligne le 31 octobre 2015, consulté le 25 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24905 ; DOI : https://doi.org/10.4000/e-spania.24905.

61 Aurélie Barre, « Le renard de Rutebeuf », Cahiers de recherches médiévales, 14 | 2007, 253-266.

62 Cantique, 2, 15.

63 Valentina Toneatto, op. cit., p. 34-35.

64 Madeleine Scopello, « Le renard, symbole de l’hérésie dans les polémiques patristiques contre les gnostiques », in Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 71e année no 1, Janvier-mars 1991, p. 87.

65 Haymon d’Auxerre, Commentarium in Cantica Canticorum, PL., 117, col 307d (JP. Migne attribue ce texte à Haymon d’Halberstadt par erreur).

66 Alessia Trivellone, « Le Mont-Cassin, une fabrique de l’hérésie au XIe siècle », in Aux marges de l’hérésie. Inventions, formes et usages polémiques de l’accusation d’hérésie au Moyen-Âge, Franck mercier et Isabelle rosé (dir.), PUR, 2017, p. 242-243. Alessia Trivellone démontre bien que cette miniature doit être rattachée au thème de l’hérésie.

67 Jean Batany, « Animalité et typologie sociale, quelques parallèles médiévaux », in Épopée animale, fable, fabliau…, op. cit., p. 49. Jean Batany rappelle par ailleurs que l’ours Brun est un évêque. Karl-Ferdinand Werner associe la figure de l’ours Brun à celle de Brunon de Cologne, dont un contingent fut vaincu par Renard 1er, le père de Renard II, à la bataille de Villiers-Louis. Brunon était aussi le nom de l’évêque de Langres, oncle de Renard II et du frère de ce dernier, un temps candidat à l’archevêché de Sens.

68 Rober Frank, « Qu’est-ce qu’un stéréotype ? », in Une idée est un fait vrai. Les stéréotypes nationaux en Europe, Jean Noël Jeannenay (dir.), Paris, 2000, p. 20-21.

69 Guy Lobrichon, « Lutte contre l’hérésie et justifications bibliques de la violence, IXe-XIIIe siècles », in l’Église et la violence (Xe-XIIIe siècle), Dominique BarthÉlÉmy, Michelle FourniÉ, Daniel Le BlÉvec (dir.), Cahiers de Fanjeaux, 54, Privat, Toulouse, 2019, p. 112-114.

70 La postérité du manuscrit de l’Historia Francorum Senonensis montre les liens qu’il entretient avec le monachisme bénédictin réformé, notamment celui de Fleury, très puissant à Sens. Voir Pascale Bourgain, « la protohistoire des chroniques latines de Saint-Denis (BNF, lat 5925) », in Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Françoise Autrand, Claude Gauvard et Jean Marie Moeglin (dir.), Paris, Éditions de la Sorbonne, 1999, p. 375-394.

71 Dominique barthélémy, L’an mil et la paix de Dieu, Paris, Fayard, 1999, p. 188.

72 Monique Zerner (dir.), Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Collection médiévale de Nice, 2, Turnhout, Brepols, 1998.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Damien Varenne, « Renard II, comte de Sens (1012-1055) : hérétique et roi des juifs ? »Essais [En ligne], 20 | 2023, mis en ligne le 20 juin 2023, consulté le 07 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/essais/12571 ; DOI : https://doi.org/10.4000/essais.12571

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Auteur

Damien Varenne

Agrégé d’histoire géographique, doctorant en histoire médiévale sous la direction de Frédérique Lachaud (Sorbonne Université) et Florence Close (Université de Liège). Thèmes de recherche : Histoire des pouvoirs politiques et religieux, de la structuration des territoires et de la représentation de l’espace à la fin du Haut Moyen-Âge et au début du

Moyen-Âge central (IXe-XIe siècles). Publications : Damien Varenne, « “Le Coup de Melun” : trahison, châtiment et erreurs de datation dans diverses sources narratives (fin Xème, début XIème siècle) », Questes, 30 | 2015, 33-47 - http://journals.openedition.org/questes/4224 ; DOI : 10.4000/questes.4224 ; communication au colloque d’Issoire (2019) : « La ville romane, enjeu de pouvoirs et de conflits à Sens (fin Xème - deuxième moitié du XIème siècle) », à paraître en 2022 dans la Revue d’Auvergne - http://centre-artroman.issoire.fr/Colloque-international-d-art-roman ; article paru dans le « Carnet Parodien d’histoire de l’art et d’archéologie » : « le songe de Constance, autour de la translation des reliques de saint Savinien de Sens, 25 août 1028 ». - https://carnetparay.hypotheses.org/1143
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