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Notes et documents

L’apprentissage de François Lescouvé auprès de Jean Lenfant (1659)

François Lescouvé’s apprenticeship with Jean Lenfant (1659)
Rémi Mathis

Résumés

Le 20 décembre 1659, François Lescouvé (1643-1666), 16 ans, fils d’Antoine Lescouvé, maître arquebusier à Abbeville et de Geneviève Lupy, décédée, est mis en apprentissage pour six ans avec le graveur Jean Lenfant pour apprendre la gravure en taille-douce. Lenfant reçoit pour cela 150 livres payées en deux fois, à un an d’écart.

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Entrées d’index

Index géographique :

France

Index chronologique :

17e siècle
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Texte intégral

Introduction

  • 1 Maxime Préaud, Inventaire du fonds français. Graveurs du xviie siècle, t. 10 (Leclercq-Lenfant), Pa (...)
  • 2 Rémi Mathis, Maxime Préaud, Vanessa Selbach, « François Lescouvé » dans Inventaire du fonds françai (...)

1Nous donnons ici un acte qui a été signalé depuis longtemps mais n’a jamais été publié. Il est par exemple mentionné dans l’article de l’Inventaire du fonds français consacré à Lenfant1 – et la rédaction de celui sur François Lescouvé nous donne l’occasion de le publier2.

  • 3 Archives départementales de la Somme, 5MI D250, Abbeville, paroisse du Saint-Sépulcre (p. 207/471).
  • 4 Nous mentionnons dans l’IFF (Rémi Mathis, Maxime Préaud, Vanessa Selbach, « Pierre Lescouvé (ou Les (...)
  • 5 Après avoir écrit ces lignes, nous apprenons qu’un ouvrage est annoncé à paraître sur le sujet, ce (...)

2François Lescouvé est en 1643 : il est baptisé à l’église du Saint-Sépulcre le 20 octobre 1643 avec un certain François Mallet pour témoin3. Son père, Antoine, est maître arquebusier, c’est-à-dire fabriquant d’armes à feu. Cela demande des compétences dans le travail du métal, ce qui en fait un métier qui n’est pas si éloigné de celui de graveur. Son réseau social serait à analyser4 mais de nombreux graveurs parisiens sont originaires d’Abbeville5 : sans doute est-ce par leur intermédiaire que François Lescouvé est envoyé dans la capitale avec l’idée de devenir graveur en taille-douce.

Fig. 1. Le contrat d’apprentissage de François Lescouvé avec Jean Lenfant (AN, MC, LVIII, 563, 20 décembre 1659).

  • 6 La ratification et son dépôt sont édités ci-dessous après le contrat d’apprentissage proprement dit (...)

3Jean Lenfant fait partie de ces graveurs abbevillois ayant fait carrière à Paris : sans doute faut-il donc y voir la raison du choix de ce maître par les Lescouvé, père et fils. Maxime Préaud souligne à raison que Lenfant a conservé des liens avec sa ville natale et qu’une partie de son œuvre est liée à Abbeville et à la Picardie, bien que réalisée dans la capitale. Le jeune homme, venu seul à Paris, est d’ailleurs logé dans la maison de son futur maître, rue des Cordiers, « à l’image Notre-Dame », ce qui indique des relations préexistantes entre eux. Antoine Lescouvé se trouve ainsi obligé de ratifier le contrat a posteriori, puisqu’il est responsable de son application solidairement avec son fils, chez un notaire d’Abbeville, avant que Jean Lenfant ne rapporte chez le notaire parisien la ratification paternelle et la fasse enregistrer6.

  • 7 Marianne Grivel, Le Commerce de l’estampe à Paris au xviie siècle, p. 17. Chez les apprentis qui pa (...)

4À 16 ans, François Lescouvé commence son apprentissage à un âge ordinaire7 ; sans doute a-t-il bénéficié d’une éducation généraliste à Abbeville, voire d’un début de formation technique avec son père. En revanche, six ans d’apprentissage est une longue durée pour un apprenti qui a déjà 16 ans – peut-être Jean Lenfant espère-t-il en faire un collaborateur plus qu’un élève au fur et à mesure de la capacité du jeune homme à graver.

  • 8  Rémi Mathis, « L’apprentissage de François Belliou auprès de Guillaume Vallet (1681) », Nouvelles (...)
  • 9 Eugène Piot, État civil de quelques artistes français. Extrait des registres des paroisses des anci (...)

5Contrairement à certains apprentis dont on ne connaît pas de travaux8, la suite de la carrière de François Lescouvé et son activité comme graveur sont attestées. On connaît de lui un Sauveur du monde, d’après Daniel Hallé, daté de 1665 et qui porte son excudit puis ceux de Boudan (beau-père de Jean Lenfant) et finalement de Gantrel (second mari de la veuve de Jean Lenfant). Lescouvé semble s’être mis ensuite au service d’un autre Abbevillois, Nicolas de Poilly, pour qui il grave, en 1665 également, un almanach pour l’année 1666. C’est également chez Poilly, rue Saint-Jacques, à « la Belle Image », qu’il meurt, à moins de 23 ans : il est enterré à Saint-Séverin le 23 mars 16669. Jean Lenfant aura bien formé un graveur très prometteur, mais qui n’aura pu donner de réels gages de la qualité de son travail artistique.

Fig. 2. Signatures de Jean Lenfant et François Lescouvé en bas de l’acte (AN, MC, LVIII, 563, 20 décembre 1659).

Édition

6Source du texte : AN, MC, LVIII, 563, 20 décembre 1659

Contrat d’apprentissage

7Par devant les notaires du roy au Chastelet de Paris soubzsignés fut present François Lescouvé, aagé de seize ans, fils de Antoine Lescouvé, maistre arquebusier à Abbeville en Picardie et de deffuncte Geneviefve Lupy, sa femme en premiere nopces, luy, estant maintenant en cette ville de Paris logé en la maison du preneur cy après nommé. Duquel Lescouvé son pere, il a dict avoir charge de faire, et par ces presentes, et promet de luy faire ratiffier icelles et le faire obliger sollidairement aveq luy à tout leur contenu et en fournir lettres obligatoires en bonne forme aud. preneur d’huy en quinze jours prochains.

  • 10 Ancienne rue de Paris, désormais située sous les bâtiments de la Sorbonne, qui allait de la rue Sai (...)

8Lequel esd. noms a reconnu et confessé s’estre mis en apprentissage et service de ce jourd’huy jusques à six ans prochains finis et accomplis à et avecq Jean Lenfant, graveur en taille douce à Paris demeurant rue des Cordiers10 à l’image Nostre Dame, parroisse Sainct Benoist, à ce present et acceptant, qui l’a pris et retenu à son service et apprenty pour led. temps, pendant lequel il promet de luy monstrer et enseigner à son pouvoir l’art de graveur en taille douce et tout ce dont il s’entremet en icelluy, le nourir, loger et traicter humainement comme il appartient, luy faire blanchir son linge et encorres luy fournir tous les oustils propres et necessaires pour travailler dudict art ; et ledict apprenty s’entretiendra ou se fera entretenir par sondict pere de tous ses habits, linges, chaussures, et autres necessitez, honnestement selon sa condition. Et outre, en faveur dudict apprentissage, ledict apprenty esdicts noms a promis solidairement sans division, discussion ni fidejussion, renonceans ausd. beneffices, de bailler et payer audict preneur en sa maison à Paris ou au porteur la somme de cent cinquante livres, sçavoir soixante quinze livres dans le mois de janvier prochain et l’autre moitié dans le mois de janvier de l’année suivante M VIC soixante un, et encorres de s’employer audict art et icelluy apprendre au mieux et plus tost qu’il luy sera possible et servir sondict maistre et luy obeir en touttes choses licittes et honnestes qu’il luy commandera, faire son proffict et l’advertir de son dommage s’il vient à sa connoissance sans s’absenter ne aller ailleurs servir durant led. temps, auquel cas d’absence ou fuitte ledcit apprenty sera tenu de payer ou faire payer par sondict pere audict preneur en sa maison Paris incontinant led. cas arrivé la somme de six cens livres t. pour ses dommages et interests. Car ainsy etc. obligeans chacun en droict  led. apprenty esdicts noms sollidairement comme dessus corps et biens etc. renonceans etc.

  • 11 Claude Dauvergne, notaire à Paris (étude LVIII), de 1612 à 1660.

9Faict et passé à Paris ès estudes desd. notaires soubzsignés l’an mil six cens cinquante neuf le vingtiesme jour de decembre après midy et ont signé en minutte de ces presentes avecq lesd. notaires soubzsignés demeurée à Dauvergne11, l’un d’iceulx, pour coppie

  • 12 Charles-François de Saint-Vaast, notaire à Paris (étude LXXIII) de 1621 à 1667.

10Desainctvaast12

11Dauvergne

Ratification par Antoine Lescouvé, père de François

12Par devant les notaires roiaux en Ponthieu residens à Abbeville soubsignez fut present Anthoine Lescouvé, maistre arquebusier en ceste ville, rue et chaussée du Bois, paroisse du Sepulchre, lequel, après que lecture luy a esté faicte par l’un des nottaires soubsignés du brevet d’apprentissage en devant, qu’il a dict bien sçavoir et entendre, a volontairement recongneu et confessé avoir ratiffié, confirmé, approuvé icelluy et eut pour agreable, voulut, consent et accorde par les presentes, que sorte son plein et entier effet selon sa forme et teneur ; ce faisant s’est obligé et oblige pour et avecq led. François Lescouvé son fils aprenty y nommé, solidairement l’un pour l’autre et un seul pour le tout, sans division, discution et fidejussion, renonceans auxd. benefices et droictz envers ledit Jehan Lenfant, preneur, aussy nommé au paiement de la somme de cent cinquante livres tz au temps et termes y portés, stipulé en led. brevet en cas que led. aprenty quitte led. preneur auparavant le temps et terme dud. apprentissage [...] clauses et conditions y contenues ; et ont signé led. brevet d’aprentissage... promettants... obligeants... renonceants... Faict et passé en cette ville le vingt neufiesme jour de decembre mil six cens cinquante neuf et a signé

13ALescouvé

14Lefebvre

15Retard

Dépôt de la ratification par Jean Lenfant

16Et ce jourd’huy datte des presentes est comparu par devant les notaires au Chastelet de Paris soussignés led. Jean Lenfant, preneur nommé en la coppie du brevet d’apprentissage et ratiffication d’icelluy cy dessus et devant escrit, lequel a apporté à Dauvergne, l’un des notaires, lad. coppie et ratiffication pour l’annexer à la minutte dud. brevet et luy en delivrer les expeditions necessaires. Ce luy a esté octroyé en l’estude dud. Dauvergne l’an mil six cens soixante le troisiesme jour de febvrier et a signé

17Jean Lenfant

18Dauvergne

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Notes

1 Maxime Préaud, Inventaire du fonds français. Graveurs du xviie siècle, t. 10 (Leclercq-Lenfant), Paris, Bibliothèque nationale, 1989, p. 102.

2 Rémi Mathis, Maxime Préaud, Vanessa Selbach, « François Lescouvé » dans Inventaire du fonds français (Le-Li), vol. 14, Paris, BnF, à paraître en 2023. Les informations présentes dans ce texte proviennent du travail de recherche effectué dans ce cadre par Maxime Préaud puis moi-même.

3 Archives départementales de la Somme, 5MI D250, Abbeville, paroisse du Saint-Sépulcre (p. 207/471).

4 Nous mentionnons dans l’IFF (Rémi Mathis, Maxime Préaud, Vanessa Selbach, « Pierre Lescouvé (ou Lescouvette ?) » dans Inventaire du fonds français (Le-Li), vol. 14, Paris, BnF, à paraître en 2023) un certain Pierre Lescouvé (ou Lescouvette ?), graveur en 1708 et également fils d’un maître arquebusier (AN, MC, XXVIII, 92, 15 janvier 1708.). Le nom « Lescouvé » est typique du Ponthieu et de la Picardie.

5 Après avoir écrit ces lignes, nous apprenons qu’un ouvrage est annoncé à paraître sur le sujet, ce dont nous nous réjouissons fort, tant Abbeville a été une terre fertile en graveurs : Philippe Tillier, Les Graveurs d’Abbeville, Société d’émulation d’Abbeville, 2022.

6 La ratification et son dépôt sont édités ci-dessous après le contrat d’apprentissage proprement dit, mais n’apportent pas de renseignements particuliers, si ce n’est l’adresse d’Antoine Lescouvé ou le délai qu’il a fallu (neuf jours puis plus d’un mois) pour suivre la procédure.

7 Marianne Grivel, Le Commerce de l’estampe à Paris au xviie siècle, p. 17. Chez les apprentis qui payent leur apprentissage (et non sont payés car déjà capables de travailler pour leur maître), 16 ans est l’âge moyen, mais on peut commencer dès l’âge de onze ans.

8  Rémi Mathis, « L’apprentissage de François Belliou auprès de Guillaume Vallet (1681) », Nouvelles de l’estampe, 263, 2020. URL : http://journals.openedition.org/estampe/1649 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.1649 ; Rémi Mathis, « Faire travailler les filles. L’apprentissage d’Élisabeth de Nieport auprès de Suzanne Sarrabat (1686) », Nouvelles de l’estampe, 263, 2020. URL : http://journals.openedition.org/estampe/1456 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.1456 ; Rémi Mathis, « Un Toulousain à Paris. L’apprentissage de Michel Dubois auprès du graveur Antoine Leclerc », Nouvelles de l’estampe, 265, 2021. URL : http://journals.openedition.org/estampe/1698 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.1698 ;

9 Eugène Piot, État civil de quelques artistes français. Extrait des registres des paroisses des anciennes archives de la Ville de Paris, Paris, 1873, p. 77.

10 Ancienne rue de Paris, désormais située sous les bâtiments de la Sorbonne, qui allait de la rue Saint-Jacques à la rue de Cluny (désormais rue Victor-Cousin).

11 Claude Dauvergne, notaire à Paris (étude LVIII), de 1612 à 1660.

12 Charles-François de Saint-Vaast, notaire à Paris (étude LXXIII) de 1621 à 1667.

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Table des illustrations

Légende Fig. 1. Le contrat d’apprentissage de François Lescouvé avec Jean Lenfant (AN, MC, LVIII, 563, 20 décembre 1659).
URL http://journals.openedition.org/estampe/docannexe/image/1760/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Légende Fig. 2. Signatures de Jean Lenfant et François Lescouvé en bas de l’acte (AN, MC, LVIII, 563, 20 décembre 1659).
URL http://journals.openedition.org/estampe/docannexe/image/1760/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 33k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Rémi Mathis, « L’apprentissage de François Lescouvé auprès de Jean Lenfant (1659) »Nouvelles de l’estampe [En ligne], 266 | 2021, mis en ligne le 02 décembre 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/estampe/1760 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.1760

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Auteur

Rémi Mathis

Archiviste paléographe, conservateur des collections du XVIIe siècle au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France, rédacteur en chef des Nouvelles de l’estampe

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