• 1 Charles Le Blanc, Manuel de l’amateur d’estampes, Paris, vol.2, 1854, p. 311-312.
• 2 Roger-Armand Weigert, Inventaire du fonds français de la Bibliothèque nationale, xvii^e siècle, vol. (...)

1Charles Le Blanc1 affirme à la fin du xix^e siècle qu’il existerait trois graveurs différents du nom de Jacques Granthomme. Il propose une répartition précise d’un certain nombre d’estampes, sans vraiment justifier ce classement et en donnant des éléments biographiques minimaux. Pour lui, il y a donc un Granthomme le vieux qui aurait travaillé à Lyon à la fin du xvi^e siècle ; un graveur qui aurait travaillé à Lyon également au début du xvii^e siècle ; et un Jacques Granthomme le jeune qui serait né à Heidelberg vers 1560 et qui aurait travaillé en Italie, en France et en Allemagne. Toutefois, Roger-Armand Weigert révoque tout cela en doute, en écrivant2 : « cette diversité d’appréciation, l’identification des œuvres revenant à chacun de ces Jacques Granthomme mériterait tous les éloges si elle reposait sur des bases solides ; ceci, en réalité, paraît incertain ».

• 3 La BnF (fiche autorité du catalogue général) et l’Istituto centrale per la grafica le donnent tous (...)
• 4 Catalogue de la Library of Congress : « signed with full name or with varous monograms, which has l (...)

2Depuis, tout est resté flou. La British Library se limite à un seul Jacques Granthomme, tout en signalant que son père porte le même nom3. Même la Library of Congress, qui donne pourtant une bibliographie intéressante, refuse le fait qu’aient existé plusieurs Jacques Granthomme car les spécialistes pensent alors que l’hypothèse vient d’une erreur d’interprétation du monogramme JG, qui désignait en réalité Jean de Gourmont4.

• 5 Je me fonde ici sur une étude établie à partir des documents conservés aux Archives communales de D (...)

4Il est toutefois exact que rien n’est simple. La généalogie de la famille Granthomme, établie à partir des archives de Douai, ne permet pas entièrement de comprendre comment tout cela s’organise5. La famille serait issue d’un certain Grégoire Grandhomme qui exerce le métier de fournier à Douai et serait né vers 1486. Bourgeois de Douai en 1528, il a de son deuxième mariage avec Jehanne Dupuich cinq enfants dont quatre sont cités dans le partage de 1558 (FF951) – parmi eux, Jacques, qui est orfèvre – ce qui nous rapproche du monde de la gravure.

• 6 Alphons Hamer, « Pierre Rucholle (Douai c. 1584/87 – 1646/47 Antwerp): A Franco-Flemish artist redi (...)

5Ce Jacques Granthomme épouse une certaine Françoise de Raisse, également issue d’une famille d’orfèvres. Il est dit orphelin et veuf en 1590 et meurt avant 1598. Il aurait deux enfants, Madeleine et Pasque. On se situe en tout cas bien dans le monde de la gravure, voire de l’estampe : la dernière sœur de Jacques, Marie Granthomme, a, avec son mari Quentin Cardon, plusieurs enfants dont Marie, qui épouse en 1592 Philippe Rucholle (Ruissol), maître peintre, qui est le frère de Pierre Rucholle, important graveur douaisien qui va faire carrière à Anvers6.

• 7 Laborde, 48150 (paroisse Saint-Hilaire).
• 8 an, mc, LXIII, 171, 19 mai 1613.

7On n’a jamais non plus fait le lien avec un graveur en taille-douce nommé Arnoult Granthomme (ou Grandhomme) : est-il lié à la famille de Douai ? On le voit, en 1599, avoir un fils prénommé Jehan de sa femme Louise Pontcheval (?) avec pour parrain un imprimeur en taille-douce, Jehan Messager7. Mais, « fort mauvais mesnager », il a quitté sa femme et est mort seul à Troyes en 16048.

• 9 Archives nationales, minutier central, XVIII, 112, 4 mai 1588. Ce document serait à éditer et étudi (...)
• 10 Par exemple le portrait de Ollenix du Mont-Sacré (British Museum 1928,0313.395 et 1983,U.2799) ou d (...)

9En 1588, Jacques Granthomme (le fils ?) loge chez Jean Rabel, dont il est peut-être l’élève et avec qui il collabore. Granthomme est le graveur et Rabel l’éditeur9. Certaines des estampes qui sont à l’origine éditées par Rabel se trouvent également avec un excudit de Jacques Granthomme dans un second état10. Il est toutefois prévu que Granthomme puisse quitter Paris sans que cela remette en cause son engagement – il est dans la nature des choses qu’il aille chercher du travail ailleurs.

• 11 L’ouvrage, absent de la BnF, ne semble conservé qu’en un unique exemplaire en France, à la BNU de S (...)

10En 1594, on le voit donner des planches pour un ouvrage publié à Sienne : La prima parte della teorica, e pratica di bene scrivere, formar Tiri diversi, e Groppi doppi, sciolti, e collegati : dinuovo cõposta per Alberto Mureti, et intagliata da M. Iacomo Granthuõme Fiammengo. On constate qu’il est effectivement présenté comme flamand de nation11.

• 12 Die Matrikel der Universität Heidelberg, vol. 2 (von 1554 bis 1662), Gustav Toepke (éd.), Heidelber (...)
• 13 Die Matrikel der Universität Heidelberg, vol. 2 (von 1554 bis 1662), Gustav Toepke (éd.), Heidelber (...)

11Jacques le fils, sous le nom de « Jacobus Grandhomme, formarum sculptor », s’enregistre le 1^er septembre 1596 auprès de l’université d’Heidelberg – formalité obligatoire pour pouvoir travailler pour elle12. Il est rejoint par son père, qui s’immatricule à l’université le 1^er juin 159713 – cela ne nous assure pas de manière certaine qu’il ait été graveur en taille-douce, mais qu’il exerce en tout cas une profession proche, susceptible d’intéresser l’université, peut-être imprimeur. Il faut sans doute y voir des raisons religieuses : la ville propose certes des opportunités économiques dans le domaine du livre et de l’estampe mais elle est surtout un haut lieu du calvinisme – Hyeronimus Commelinus, le plus grand éditeur de la ville, originaire de Douai, a pu jouer un rôle dans la venue des deux Jacques Granthomme. C’est très certainement en lien avec Commelinus que Jacques Granthomme y grave des portraits de personnes importantes de la ville et de son université (Henri Smet, Paul Melissus,…) ainsi que des portraits de célèbres réformateurs (Luther, Grynaeus, Théodore de Bèze, Calvin…) ce qui laisse à penser que son départ a pu avoir pour cause une adhésion au protestantisme, au temps de la Ligue.

• 14 Son inventaire après-décès est conservé : Archives nationales, minutier central, VI, 170, 15 janvie (...)
• 15 Archives nationales, minutier central, LXIII, 151, 12 septembre 1600.

12Rentré à Paris après l’édit de Nantes (avant l’automne 1600), Jacques Granthomme le fils épouse une certaine Renée Renverse. Elle est la fille de Louis Renverse, marchand de vin, et de Louise Gabillault. Cette dernière devient veuve à une date indéterminée (avant 1602) et épouse en secondes noces Jérôme Hermant, maître tailleur d’habits14. Jacques Granthomme vit d’abord chez sa belle-mère, à Saint-Germain-des-Prés. Le 12 septembre 1600, il se rapproche du quartier des graveurs en louant à un maître tonnelier, Jean Emyn, une partie de sa maison rue Saint-Jean-de-Latran, à l’enseigne de Saint-Christophe15.

• 16 Archives nationales, minutier central, VI, 170, 23 janvier 1602. Le 30 janvier, ils laissent la mai (...)
• 17 an, mc, VI, 170, 3 octobre 1602.
• 18 an, mc, LXIII, 154, 11 mars 1603.

13Notre acte ici présenté confirme qu’en mai 1601, le fils est revenu travailler à Paris et nous apprend que son père vit toujours à Heidelberg. Puisqu’il prend un apprenti pour quatre ans, c’est qu’il compte bien rester dans la capitale française et n’a pas l’intention de repartir en Allemagne. Le 23 janvier 1602, alors qu’il habite toujours rue Saint-Jean-de-Latran, il prend à bail pour cent écus une boutique, avec salle et trois chambres au-dessus, rue du Petit-Pont16 : sans doute l’héritage récent de sa belle-mère lui permet-il d’augmenter son train de vie. Le 3 octobre de la même année, il est dit habiter rue Neuve de l’île du Palais17, où il se trouve encore au printemps suivant18.

• 19 British Museum, 1850,0223.389. URL : https://www.britishmuseum.org/collection/object/P_1850-0223-38 (...)
• 20 British Museum, 1827,1008.260. URL : https://www.britishmuseum.org/collection/object/P_1927-1008-26 (...)
• 21 British Museum, 1911,0412.157. URL : https://www.britishmuseum.org/collection/object/P_1911-0412-15 (...)
• 22 BnF, Estampes, Hennin 1953.
• 23 Actif à partir de 1688, le fils doit naître aux alentours de 1665. Si le père est né vers 1640, il (...)
• 24 Par exemple Vitae Patrum, de Vita et verbis seniorum libri X historiam eremiticam complectens…, Lyo (...)

15Il semble que Jacques Granthomme (le fils ?) soit retourné à Heidelberg en 1611 (voire qu’il serait peut-être mort lors de la prise de la ville par les troupes catholiques en 1622 ?). Notre acte permet de poser l’hypothèse que le père soit resté sur place pendant toute la décennie 1610. Le fils est-il retourné à Heidelberg à la mort de son père ? Ou à l’occasion du changement de souverain, appelé par le régent Jean de Deux-Ponts, dont il donne un important portrait dès 1611 ? Sa présence à Heidelberg est en tout cas bien attestée pendant toute la décennie 1610 : on peut citer une affiche, imprimée dans le domaine germanique, qui représente Gabor Bethlen, prince de Transylvanie et libérateur de la Hongrie, publiée en 1619. Le nom de Jacques Granthomme y figure, mais tout en bas, sans doute comme imprimeur (ou éditeur ?), non sur le portrait gravé19. Une autre affiche représentant le mariage de l’électeur palatin Frédéric V en 1613 est attribuée à Granthomme (comme graveur ?) bien que son nom n’y figure pas20. Il publie également le portrait d’un bébé qui, d’après les armoiries, doit être un fils de Frédéric V du Palatinat et d’Élisabeth d’Angleterre – les deux premiers étant nés en 1614 et 161721. Enfin, il apparaît comme imprimeur d’une affiche, comprenant estampe et typographie, à propos du siège de Haguenau en 1622, localisé à Heidelberg22. Il semble donc assuré qu’il soit reparti en Allemagne dans la décennie 1610, mais avouons que nous ne savons pas grand-chose à ce sujet et que des recherches sur place seraient sans doute nécessaires pour mieux comprendre la fin de vie des deux personnes de ce nom23… D’autant qu’on le voit toujours donner des œuvres en France pendant ce temps24.

• 25 Barré : de graveur en taille doulce. Ajouté dans la marge : Ces motz de graveur en taille doulce pa (...)

21Par devant les notaires au Chastelet de Paris soubzsignés, fut present en sa personne Walter Dover, Anglois de nation, natif de Miles en le duché de Suffocq, lequel de son bon gré a vollontairement recongneu et confessé par ces presentes et confesse, pour son proffict faire et dommage esviter en aucune chose, si comme soy estre mis en service comme apprenty, du jour de Pentecoste prochain venant jusques à quatre ans après ensuyvans entiers, finis et accompliz, a dict avecq honneste homme Jacques Grandhomme, graveur en taille-doulce, imprimeur et enlumineur esd. taille doulces, demeurant à Paris rue Sainct Jehan de Latran viz à viz du college de Cambray dict les Trois Evesques, parroisse Sainct Benoist, à ce present et acceptant, qui a pris et receu à sond. service comme apprenty led. Dover, auquel il promet monstrer et enseigner sond. estatz25 d’imprimeur et enlumineur de taille-doulce, la marchandise et tout ce dont il se mesle et entremet en iceulx, luy querir, fournir et livrer ses vivres de boyre, manger, feu, lict, hostel et lumiere et le traiter généralement comme il appartient et sy l’entretiendra ledit Grandhomme de tous ses habitz, linge, chaussures et autres ses vestemens qui luy seront necessaires pendant led. temps selon qu’il est convenable à son estat comme apprentiz

• 26 Faire… cognoissance, ajouté en fin d’acte et appelé à cet endroit par une croix.

22Sans que pour ce il soit baillé et donné par ledict Dover aud. Grandhomme son maistre aucune chose à cause du present apprentissage, le tout moyennant que ledict. Dover apprentiz a promis et promet servir sond. maistre ausd. estatz d’imprimeur et enlumineur en taille doulce et en touttes ses autres affaires licithes et honnestes qui luy seront par luy commandées, faire son proffict, esviter son dommage et l’advertir du contraire s’il vient à sa cognoissance26, sans soy deffuir ny aller ailleurs servir pendant led. temps et, en cas de fuitte, consent et accorde que, en vertu des presentes, il soit pris et apprehendé au corps et ramené à sond. maistre pour parachever le temps qu’il pourroit rester lors dud. present apprentissage

• 27 Heidelberg, Allemagne.
• 28 Barré : de venir.

24Et a esté le present aprentissage faict en la presence de honnorables personnes Richart Estine, marchant et bourgeois de la ville de Londres en Angleterre, estant de present en ceste ville de Paris au logis du sire Morice Bellier, marchand peignier à Paris rue de la Drapperie près le Palais et de Jacques Grandhomme l’aisné, pere dudict acceptant, demeurant à present en la ville de Hedelberg27 en Almalgne, ville metropolitaine du comté palattin, aussy estant de present en ceste ville de Paris logé avecq sond. filz ; lesquels ont declaré avoir esté priés et requis28 par lesd. parties respectueusement de venir avecq eulx ès estudes des susd. notaires soubsignés pour estre seullement presens au present apprentissage à cause du bas aage dud. Dover qui a dict n’estre aagé que de vingt ans ou environ

• 29 Guillaume Nutrat, notaire titulaire de l’étude VIII, rue de la Vieille-Draperie comme le suivant, d (...)

29Nutrat29

• 30 Christophe de La Pie, notaire titulaire de l’étude LXVI de 1595 à 1611.

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