1Pour répondre aux problématiques bioclimatiques et réduire les inégalités socioéconomiques, deux perspectives s’opposent (Prades, 2022). D’un côté, la crise d’un régime d’accumulation économique peut être corrigée par des politiques de régulation (normes, quota, marchés, redistribution, etc.), fondées sur une écologie marchande. D’un autre côté, une critique radicale pense le problème écologique comme source d’effondrement (collapsologie) et postule la nécessité d’une transformation radicale par la destruction des logiques économiques capitalistes (capitalocène). Entre ces deux visions, il est moins commun d’explorer une autre voie : les collectifs issus des sociétés civiles développent des pratiques économiques alternatives sous forme coopérative. Cette troisième voie repose sur trois principes : 1) une lucrativité limitée ; 2) un capital détenu par les usagers, non opéable et non délocalisable ; 3) un pouvoir partagé ou contrôlé. Cette perspective repose sur l’importance accordée aux collectifs citoyens dans les choix organisationnels de la coopérative, loin de l’entrepreneur de Schumpeter ou de l’État stratège.
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2C’est à l’exploration de cette perspective que cet article s’attèle à partir des investigations d’un fournisseur coopératif d’électricité renouvelable, Enercoop1. Créé dans le sillage de la libéralisation du secteur électrique français en 2004 afin de fournir de l’électricité renouvelable et baisser la consommation de ses membres, Enercoop forme en 2024 un réseau hexagonal de onze coopératives énergétiques, la coopérative historique à Paris (Enercoop Nationale, EN) et dix coopératives locales (Enercoop Locale). Parmi les singularités identifiées lors des investigations d’Enercoop, certains collectifs ont choisi, en complément du statut coopératif de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), un mode d’organisation singulier, inspiré de l’holacratie. Introduit à EN en 2008 pour sortir d’un conflit dans l’histoire d’Enercoop2 (entretien 57, fondateur, EN)3, ces pratiques holacratiques se sont progressivement diffusées au sein du fournisseur. Parmi les collectifs du réseau Enercoop, la SCIC de Midi-Pyrénées est celle qui a le plus approfondi ces pratiques (entr. 57, fondateur, EN) et forme ce qu’il est proposé ici d’appeler une « coopérative holacratique », du fait de la rencontre entre un statut coopératif et l’application, dès la création de la coopérative, de pratiques d’organisation holacratique (à visée habilitante).
3Dans l’investigation du pouvoir partagé ou distribué, l’organisation holacratique, encadrée par le statut SCIC, est propice à l’étude des pratiques concrètes de l’éthique en entreprise, dans le sillage de l’éthique appliquée de Georges A. Legault. Parmi ses apports, l’éthique appliquée questionne en effet la façon dont les acteurs décident en situation (Legault, 2016), et comment ils réfléchissent à leurs pratiques, aux décisions qu’ils prennent, à la hiérarchisation des valeurs et aux raisonnements pratiques que ces décisions sous-tendent et aux justifications qui amènent de tels choix (Legault, 2014). L’approche de l’éthique appliquée converge avec l’enquête sociologique réalisée durant deux ans auprès d’Enercoop qui s’était donné en particulier pour objectif de comprendre le fonctionnement et les finalités d’une coopérative holacratique (en termes d’organisation, de prise de décision, de finalités, de valeurs, etc.). Dans cette perspective, cet article vise à répondre à la question suivante : comment une coopérative holacratique partage-t-elle le pouvoir et organise-t-elle sa prise de décision ?
4Pour répondre à cette question, après avoir présenté la démarche méthodologique d’ordre socioéconomique et les investigations réalisées au cours d’études doctorales (encadré), une première partie introductive présente le contexte dans lequel la coopérative holacratique est née, à savoir le fournisseur coopératif d’électricité Enercoop. Puis la focale est mise sur la coopérative locale par l’intermédiaire d’une monographie d’Enercoop Midi-Pyrénées (EMIP). Après une présentation des activités d’EMIP, les incidences organisationnelles de l’holacratie sur la coopérative sont détaillées, ce qui amènera à décrire le fonctionnement de la coopérative en systèmes délibératifs, constituée de trois espaces (assemblée des sociétaires, équipe élargie de la coopérative et équipe de la coopérative). La suite du texte plonge dans l’organisation de l’équipe de la coopérative, en présentant ses différentes réunions, en détaillant les différentes modalités de décision à l’œuvre et en mettant la focale sur un mode de décision collectif – la décision par consentement (DPC) : grâce à l’éthique appliquée, ce mode de décision sera détaillé et analysé, à partir de deux exemples concrets observés au cours des investigations, ce qui amènera à réaliser une synthèse des conséquences de la DPC et sur l’éthique collective à l’œuvre en coopérative holacratique.
Données méthodologiques : l’enquête à Enercoop
Pour explorer Enercoop dans le cadre d’études doctorales, une double approche sociologique et économique a été mobilisée.
Sur le plan économique, une approche d’analyse industrielle, inspirée des travaux de Jean-Marie Chevalier (1977), a permis d’explorer les caractéristiques et les évolutions libérales des secteurs énergétique et électrique afin de comprendre le contexte qui avait permis la création d’Enercoop. Mais une telle démarche ne suffisait pas pour comprendre les motivations de cette émergence et approcher les spécificités de ce fournisseur. Pour ce faire, une approche appuyée par différentes méthodes d’enquête a permis de mieux identifier les spécificités d’Enercoop. Entre 2015 et 2020, l’immersion au sein d’Enercoop a ainsi mobilisé conjointement plusieurs méthodes de recueil de données : la conduite de 60 entretiens semi-directifs auprès de différents membres (fondateurs, bénévoles, salariés, consommateurs) visait, en fonction du profil de la personne interrogée, à comprendre l’émergence d’Enercoop, à explorer le fonctionnement des coopératives, à identifier les motivations d’adhésion des membres, à retracer leurs parcours biographiques et à caractériser leurs pratiques énergétiques. Ensuite, la réalisation de 50 sessions d’observation participante en Midi-Pyrénées et à Paris a consisté en l’observation de 4 moments de vie des coopératives : les instances formelles (AG, CA) ; des réunions hebdomadaires ; des évènements réalisés à l’extérieur (ateliers) ; et des séminaires à visée prospective. Enfin, l’approche qualitative a été complétée par une enquête sociologique en ligne auprès des sociétaires de la coopérative de Midi-Pyrénées. Environ 400 sociétaires (1/4 des sociétaires en 2018) ont répondu à 25 questions, ce qui a permis de cerner leur profil sociologique (âge, genre, CSP, etc.), leurs motifs d’engagement et d’interroger leur participation à la vie coopérative.
5À l’origine, Enercoop naît à Paris en 2004 et vise, dès le départ deux objectifs : fournir de l’électricité renouvelable (EnR) à partir d’énergie éolienne, hydraulique et solaire à l’échelle locale (circuits courts de l’électricité) et contribuer à diminuer la consommation d’électricité. Porté par des mouvements de contestation du nucléaire, Enercoop, doté d’une éthique de sobriété, souhaite s’ériger comme une sorte d’anti-modèle d’EDF : aux tendances nucléaires, centralisées et technocratiques de l’opérateur historique, le fournisseur, porteur d’une écologie coopérative, souhaite promouvoir un modèle coopératif d’énergie renouvelable, territorialisé et ouvert à la délibération. Avant de créer Enercoop, l’un des deux fondateurs d’EN, alors étudiant en dernière année de mastère spécialisé dans l’énergie, explique les raisons qui l’ont poussé, à la suite d’un stage pour une ONG écologique, à créer le fournisseur coopératif :
J’ai fait une étude sur les fournisseurs existants, à l’époque, il y en avait quatre ou cinq. Et là, on voit bien qu’on est dans le greenwashing pur et dur, c’est-à-dire l’idée du stage […], c’était : est-ce que l’ouverture du marché de l’énergie va permettre l’essor des énergies renouvelables ? Et la conclusion était vite faite, c’était [que] toutes les offres étaient en greenwashing. (entr. 57, fondateur, EN)
6En plus du constat de cette absence de soutien pour les EnR s’ajoutent deux autres principes. Dans les années 2000, de nombreuses lois sur l’énergie sont votées pour entériner la libéralisation :
Ensuite [j’étais] très axé pendant mon stage sur : la démocratie énergétique est confisquée. […]. J’ai vu un petit peu les lois se faire et se défaire. C’était en plein boom des lois sur l’énergie. Il y a eu quatre ou cinq lois en moins de dix ans. Et là, j’ai vu pour de vrai, de mes propres yeux, le scandale de la démocratie bidon. (entr. 57, fondateur, EN)
7L’absence de démocratie énergétique résonne avec un mot d’ordre : « renouvelable = local ; charbon, gaz, pétrole = centralisé » (entr. 57), un principe qui amène à vouloir initier un autre modèle énergétique. Inspiré d’exemples étrangers (Ecopower en Belgique, Greenpeace Energy en Allemagne), sa rencontre dans le milieu associatif avec un autre fondateur va rendre possible l’émergence du fournisseur coopératif d’électricité. Et c’est grâce au soutien d’acteurs de l’économie sociale qu’ils vont pouvoir créer Enercoop Nationale à Paris en 2004, sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).
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8La SCIC, choisie pour sa limitation des visées lucratives (refus de la chrématistique4) (entr. 56, 57), impose de respecter trois principes de base : une société de personnes composée de parts sociales et non d’actions, la double qualité des membres et une égalité formelle des sociétaires (Prades, 2022). Néanmoins, par rapport aux autres statuts coopératifs (SCOP, Loi 1947, etc.), la logique collégiale de la SCIC cherche à octroyer une place à l’ensemble de ses participants dans le gouvernement de l’entreprise. Pour ce faire, ce statut institue le « multisociétariat » et ouvre la coopérative vers l’extérieur en intégrant des sociétaires de qualité plurielle : consommateurs, salariés, producteurs, collectivités publiques, etc. Cette logique multicollégiale ne distribue pas aux différents collèges le même pouvoir de participation (pondération) lors des assemblées générales, ce qui peut diluer le principe d’égalité formelle. Enfin, contrairement à d’autres statuts coopératifs, la SCIC autorise le bénévolat dans l’entreprise, plaçant son organisation à mi-chemin entre une entreprise commerciale et une association.
9À partir de 2010, Enercoop a essaimé en région et constitue, en 2023, un réseau hexagonal de 11 SCIC. D’un point de vue statistique, le Réseau, en 2020, détient des contrats de production avec 277 producteurs qui représentent une « puissance totale » de 324 MW, soit environ 0,25 % des capacités installées en France et 0,66 % des capacités d’électricité EnR. Malgré le fait que ces chiffres restent minimes par rapport aux grands opérateurs français de production d’électricité, le Réseau connaît une croissance significative : ainsi, entre 2014 et 2019, la coopérative historique EN a multiplié par plus de 4 son chiffre d’affaires, passant d’environ 20 000 000 euros en 2014 à pratiquement 85 000 000 euros en 2019. En 2021, le Réseau de coopératives regroupait environ 100 000 consommateurs et 50 000 sociétaires. Ce changement d’échelle interroge la capacité d’Enercoop à croître tout en gardant son projet de départ initial, une question qui a formé la trame des études doctorales.
10En effet, par son choix coopératif, Enercoop s’inscrit dans la tradition d’économie sociale et réactualise la question à laquelle se confronte le mouvement coopératif depuis sa naissance, à savoir le risque de banalisation par le marché ou de l’institutionnalisation par l’État : ce qu’on nomme dans le langage des spécialistes, « l’isomorphisme ». Au cours des recherches doctorales, le principal cadrage théorique mobilisé, inspiré de l’analyse institutionnelle (Lourau, 1970) a conçu Enercoop comme un collectif porté par des objectifs politiques (instituant) et organisant des opérations économiques quotidiennes (institué) (Prades, 2022). Ce cadrage théorique a ainsi permis d’étudier les « forces de rappel » œuvrant au maintien des objectifs politiques à l’intérieur des opérations économiques quotidiennes. Trois « forces de rappel » ont pu être identifiées au sein d’Enercoop : 1) l’affect militant de ses membres ; 2) la polarisation géographique entre EN et les Enercoop locales (Maître, 2023) ; et 3) le choix de systèmes délibératifs de certains collectifs et de certaines coopératives au sein d’Enercoop (Maître, 2021). C’est cette troisième « force de rappel » que cet article explore, grâce aux investigations de la coopérative holacratique de Midi-Pyrénées, en interrogeant l’éthique à l’œuvre dans l’organisation du pouvoir partagé et la façon de se réguler par l’autodiscipline (Legault, 2014).
11Créée en 2015, Enercoop Midi-Pyrénées (EMIP) est une coopérative locale du réseau de coopératives. Au départ, les fondateurs qui sont principalement des bénévoles, souhaitent créer une coopérative de production d’EnR. Néanmoins, EN qui accompagne les groupes locaux qui souhaitent créer des coopératives en région encouragent les fondateurs d’EMIP à recruter un salarié dans l’activité de commercialisation, l’objectif étant de développer la prospection de producteurs dans une région bien dotée sur le plan énergétique (barrages hydrauliques des Pyrénées, taux d’ensoleillement) afin de répondre aux besoins d’approvisionnement régulièrement insatisfaits du réseau. Tout comme la coopérative historique, l’activité d’EMIP s’est beaucoup développée : elle a multiplié par trois le nombre de ses sociétaires entre 2016 et 2019, et son chiffre d’affaires est passé de 200 000 euros en 2015 à 394 000 euros en 2019, pour atteindre 543 400 euros en 20215.
12Motivée par cinq principes (développer les énergies renouvelables citoyennes en France, avoir une approche démocratique et intégrée, lutter contre le gaspillage énergétique et la précarité énergétique, et promouvoir les initiatives coopératives6), EMIP a deux principales activités. L’activité d’apporteur d’affaires consiste à apporter des clients qui souhaitent souscrire un abonnement d’électricité à EN, la coopérative historique, qui, du fait de son antériorité, conserve un certain nombre d’activités qu’elle coordonne pour l’ensemble des coopératives du réseau7. En 2020, l’activité d’apporteurs d’affaires est rémunérée à partir du nombre de kVa, c’est-à-dire qu’elle est calculée en fonction de la puissance souscrite du compteur du nouveau client apporté. Lors de l’immersion à Enercoop, ce mode de rémunération, jugé largement insatisfaisant8, est l’objet de nombreuses discussions. Néanmoins, les souscripteurs à l’offre d’électricité d’Enercoop qui souhaitent soutenir la coopérative locale peuvent en devenir sociétaires, en achetant une part sociale (100 euros).
13Avec l’activité d’apporteur d’affaires, EMIP réalise une activité co-intégrée avec EN qui a pour objectif la prospection de producteurs d’EnR en Midi-Pyrénées. Renforcée par la croissance de ses fonds propres générés par l’augmentation du sociétariat, elle développe deux autres activités.
14D’un côté, elle œuvre au développement de parcs solaires de petite taille (surface de 1 400 m², puissance de 250 kWc) sur d’anciennes friches industrielles et elle détient 15 parcs en 20249. Le choix de la petite taille est l’application de principes éthiques, ainsi que l’explique l’un des fondateurs d’EMIP :
Si on fait quelque chose quelque part, faut pas forcément faire un grand truc. On ne va pas faire 50 MW d’un seul coup, ou 100 Méga d’un coup parce que ça va coûter moins cher. Je me dis : il vaut mieux faire, si on veut faire ça, on va faire 10 fois 10, en le répartissant, en impliquant le maximum de personnes. Et on doit pouvoir le faire 10 fois 10 au même prix que 100. Parce que finalement, les équipements, on peut les acheter comme pour 100, mais on les répartit en 10 endroits. Le truc, c’est de le faire en bloc. Mais, surtout on implique un maximum de personnes. On dessert un maximum de personnes et on ne devient pas tributaire d’un gros truc. (entr. 18, fondateur, EMIP)
15En parallèle de ce développement proche de la logique « smart is beautiful » (Schumacher, 1973) qui vise à rapprocher lieu de production et de consommation d’énergie afin de réduire les pertes engendrées par le transport de l’électricité, EMIP réalise également des activités de conseils et d’accompagnement dans l’autoconsommation individuelle et expérimente des pratiques d’autoconsommation collective.
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16Parmi ses particularités, EMIP a donc cherché, dès le départ, à appliquer l’holacratie10. Cette volonté a été facilitée par la présence parmi les fondateurs d’une personne formée à l’holacratie (entr. 20). Voici comment cette personne, administrateur bénévole d’EMIP durant l’enquête, précise les spécificités de ce choix organisationnel lors d’une assemblée générale (AG) d’EMIP :
Nous utilisons le système holacratie, qui nous a paru, je dirai, le plus pratique à utiliser et le plus facile, qui peut paraître un peu ésotérique pour certains. Forcément, c’est ce qu’on appelle des innovations sociales, managériales. Et donc, c’est comment maximiser à la fois, l’autonomie pour que le plus de gens puissent prendre en conscience des initiatives dans la coopérative, qu’ils soient salariés ou bénévoles, au service du projet collectif. Et puis, que, aussi, tout un tas de choses soit mis à la prise de décision collective de plusieurs façons, de façon à ce que la cohérence et la consistance de notre action collective soient les meilleures possibles. (obs. 2,2, administrateur actif, AG EMIP 2018)
17Le « couple » de valeurs d’autonomie et de décision collective structurant la coopérative holacratique rejoint la question du conflit de valeurs et de sa résolution dans le dialogue, question qui est au cœur de l’éthique appliquée (Legault, 2016). Comment s’incarnent concrètement ces valeurs d’autonomie et d’intelligence collective au sein de la coopérative et quelle voie mobilise-t-elle pour résoudre les éventuels risques de conflit de valeur ? Avant de répondre à ces questions, il convient de présenter les objectifs de l’holacratie et le cadre organisationnel qu’elle instaure dans la coopérative.
18L’holacratie, présentée comme un système de management constitutionnel par Brian Robertson, vise à mettre au pouvoir un processus (et non un « autocrate »), détaillé dans une constitution, qui définit la raison d’être ainsi qu’un certain nombre de règles de l’organisation (Robertson, 2016). Ce système souhaite dépasser les hiérarchies, pour leur substituer des formes délibératives considérées comme plus efficaces : les objectifs sont d’optimiser le déroulement des réunions, de rendre l’organisation évolutive, et d’engager « une prise de décision distribuée », en attribuant à celui qui agit la capacité de décider (Robertson, 2016). Appliquer l’holacratie nécessite la création d’une culture d’entreprise radicalement différente (Martela, 2019) qui instaure un système de contrôle habilitant, face au système de contrôle coercitif des hiérarchies.
19Accompagnée par des outils numériques, l’organisation holacratique d’EMIP repose sur la distinction de deux sphères d’activité distinctes (opérations et politique), et l’application de certains concepts de base, en particulier le rôle et le cercle.
20Deux sphères d’activités cohabitent au sein d’EMIP, comme le précise un administrateur bénévole :
Les administrateurs ont un rôle très important à jouer dans la gestion, la gouvernance. On est dans un système, les sociétés coopératives d’intérêt collectif, où il doit y avoir […] une vraie séparation des pouvoirs entre les politiques, les administrateurs et les opérationnels, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas qu’ils ne se parlent pas. Mais il s’agit que certaines décisions relèvent des uns, et pas forcément des autres. […] Les politiques, ils sont plus porteurs de l’engagement sur le projet que les opérationnels. Les opérationnels ? Si tu veux, au bout d’un moment, quand tu es opérationnel, ça veut dire que tu es salarié […]. Il y a autre chose qui entre en ligne de compte : c’est quand même ton gagne-pain. Donc pour son gagne-pain, parfois, on est capable de tordre un peu les… Alors que le politique, il est censé plutôt essayer de coller à la vision, à l’ambition du projet. (entr. 18, administrateur actif, EMIP)
21Cette séparation des pouvoirs attribue aux administrateurs (bénévoles dans le cadre de la SCIC) l’objectif de veiller au respect des objectifs politiques, et incarnent le rôle de sociétaire boussole (gardien du temple) auprès des opérationnels :
Quand les décisions doivent être prises, comme on s’est consulté suffisamment [lors des réunions], les politiques prennent les décisions politiques, compte tenu de ce que tous les opérationnels ont raconté. Les opérationnels mettent en œuvre ces décisions, et prennent des décisions au jour. (entr. 18, administrateur actif, EMIP)
22En complément de cette séparation des pouvoirs, EMIP attribue à chaque entité de l’organisation (individu, groupe, réunion) un rôle, défini à partir d’une raison d’être (ce pourquoi le rôle existe), le domaine qu’il contrôle en autonomie, et ses redevabilités (les activités qu’il gère et sur lesquelles il peut être amené à se coordonner avec d’autres rôles) (Robertson, 2016). L’autorité n’est ainsi pas distribuée aux personnes, mais aux rôles qui se transforment au gré de l’évolution de l’organisation. Ces rôles sont discutés et reconfigurés collectivement lors de réunions de « gouvernance ».
23Enfin, toutes les organisations holacratiques peuvent être représentées comme « une série de cercles imbriqués les uns dans les autres » dans laquelle chaque cercle « dispose d’une autonomie, d’une autorité individuelle et d’une plénitude » (Robertson, 2016). EMIP a une structure organisationnelle constituée de différents cercles qu’on peut concevoir en trois espaces distincts (schéma 1).
Schéma 1 : Représentation des différents cercles de la coopérative holacratique
24Conformément aux études des organisations holacratiques (Battistelli, 2019), l’analyse d’un tel cadre organisationnel et le questionnement sur l’éthique appliquée d’EMIP amènent à mobiliser l’approche des systèmes délibératifs caractérisée par trois conditions :
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Des rétroactions doivent remonter depuis l’assemblée des sociétaires (public) vers le groupe qui détient les capacités d’agir (pouvoir).
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Ce canal d’information remontant doit être accompagné de dispositifs permettant un travail de redevabilité, par lequel l’espace de pouvoir est amené à rendre des comptes à l’assemblée des sociétaires.
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Enfin, ces groupes doivent trouver des espaces pour faire système, être en capacité à se remettre en question, et corriger leurs fonctionnements, via un principe de « métadélibération » (Battistelli, 2019 ; Dryzek, 2010).
25À partir des données recueillies, trois espaces de la coopérative peuvent être différenciés, et qui disposent chacun de sites consacrés à la délibération et au rendre compte (tableau 1).
Tableau 1 : Synthèse des différents espaces de la coopérative holacratique
Espace de la coopérative
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Où se passe la délibération ?
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Où se déroule le rendre compte (accountability) ?
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Qui participe ?
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1) Équipe de la coopérative
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Décision par consentement (DPC) lors des réunions quotidiennes
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Réunion des indicateurs
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Opérationnels et administrateurs actifs (bénévoles)
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Réunion du CODIR (DPC)
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Administrateurs actifs (bénévoles et salariés)
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2) Équipe élargie de la coopérative
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CA
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Administrateurs bénévoles et administrateurs salariés
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Journées séminaires
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Administrateurs et opérationnels
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3) Assemblée des sociétaires
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Ateliers lors de l’AG + temps formel (métadélibération)
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Temps formel
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Ensemble des sociétaires
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26Avant de détailler les singularités du processus de décision à l’œuvre dans l’équipe de la coopérative qui représente l’espace de pouvoir, il est tout de même intéressant de présenter les deux autres espaces et d’y préciser, grâce aux sessions d’observation réalisées, la place laissée au dialogue et à la délibération.
27Pour ce qui est de l’assemblée des sociétaires, l’enquête de terrain a pu constater que trois espaces de métadélibération ont été ouverts :
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Des ateliers pré-AG dans chaque département de Midi-Pyrénées avant une AG, où l’équipe devait présenter la feuille de route du modèle d’affaires pour les cinq années à suivre. À ce titre, parmi les éléments marquants de ces ateliers, alors que l’équipe de la coopérative s’interrogeait sur la possibilité de s’autonomiser d’EN, les sociétaires, présents aux ateliers pré-AG, ont utilisé leur contre-pouvoir et ont préféré que leur coopérative demeure dans le réseau Enercoop.
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Des ateliers thématisés lors de la journée AG, animés par des membres actifs de la coopérative, présentent des axes de réflexion importants pour l’équipe de la coopérative qui souhaite les soumettre aux sociétaires présents afin de recueillir leurs opinions. La complexité des thèmes est parfois une limite à la délibération qui peut réduire la capacité des sociétaires à comprendre le sujet et à exprimer leur opinion.
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Les temps formels d’AG sont des espaces où l’équipe de la coopérative rend compte de son travail. Dans ces temps formels qui sont concentrés, l’équipe de la coopérative doit présenter ses résultats économiques, répondre aux questions de l’assemblée et faire voter un certain nombre de résolutions. Malgré la densité du temps formel, les AG observées ont toutes été sujettes à questions et à « remous », à vives discussions, un aspect considéré comme le signe d’une certaine vitalité de la délibération à l’œuvre au sein de la coopérative.
28L’équipe élargie de la coopérative comprend l’équipe de la coopérative et l’ensemble des administrateurs bénévoles. Elle s’est réunie durant deux espaces durant l’enquête :
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Les CA observés ont été davantage des moments de rendre compte où l’équipe de la coopérative a présenté ses résultats économiques et exposé les orientations qu’elle souhaitait privilégier. Tout comme les temps formels des AG, le temps de CA est dense, ce qui réduit le temps de parole des administrateurs et traite parfois de sujets complexes, ce qui peut rendre difficiles le dialogue et la compréhension de certains administrateurs, une difficulté qui peut s’accroître, s’ils ne sont pas habitués à l’holacratie.
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Les séminaires d’équipe, qui se tiennent deux fois par an, ont été des temps moins contraints et laissaient davantage de temps de dialogue et de délibération, permettant aux « opérationnels » qui ne sont pas membres du CODIR de participer à la stratégie et aux administrateurs qui ne sont pas actifs au quotidien de se familiariser avec l’holacratie tout en partageant leur regard neuf sur la dynamique de la coopérative. Lors des observations réalisées, ces temps ont été particulièrement décisifs pour la coopérative, car ils ont amené à définir la stratégie de l’organisation à moyen terme, stratégie soumise par la suite à l’AG pour validation. Ces séminaires se déroulent en fin de semaine, ce qui demande à l’ensemble des participants de se mettre à disposition de leur coopérative et de sacrifier des jours parfois importants.
29En ce qui concerne l’espace de pouvoir, l’organisation en cercle de l’équipe de la coopérative a pour conséquence la tenue quotidienne de six types de réunions, auquel s’ajoute le CA (tableau 2). Lors des observations, chaque réunion se déroule en présence d’au moins un administrateur bénévole.
Tableau 2 : Les différentes réunions de la coopérative holacratique
Type de réunion
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Contenu
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Participant
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Régularité
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Comité de direction (codir)
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Pilotage régulier de la coopérative
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Parité d’administrateurs bénévoles et d’administrateurs salariés
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Mensuelle
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Gouvernance
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Définition et (re)définition des rôles et des règles
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L’équipe de la coopérative
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Mensuelle
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Triage
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Gestion des opérations
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Hebdomadaire
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Transverse
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Gestion d’activités transverses
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Si nécessaire
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Indicateurs
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Présentation des chiffres par activités
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Trimestrielle
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Vie coopérative
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Animation des activités de la vie coopérative
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Si nécessaire
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Conseil d’administration (CA)
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Administration, gestion, veille et représentation des sociétaires
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Administrateurs
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4 fois par an (minimum) (obligations légales)
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30L’exploration du processus décisionnel est au cœur de l’éthique appliquée. Chez EMIP, quatre modalités de prise de décision qui vont de l’autonomie à la recherche de décision en intelligence collective cohabitent :
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La décision en autonomie (DA) du rôle (en relation avec sa raison d’être, son domaine d’action et ses redevabilités).
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La décision par prise d’avis (DPA) qui convoque le collectif dans un temps réduit.
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La décision par consentement (DPC) (ou par absence d’objection), inspirée de la sociocratie de G. Endenburg (Buck et Endenburg, 2012).
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La décision en consensus (DC).
31Au cours de l’enquête, la DPC a été un objet privilégié pour interroger l’intelligence collective à l’œuvre dans la coopérative et analyser la façon dont elle influence et conditionne la décision.
32La DPC organise toutes les réunions selon une logique de tours de parole (voir schéma 2). L’objectif de la DPC n’est pas l’unanimité, mais elle vise le consentement : chaque personne est invitée à s’interroger si elle n’a rien à objecter à la proposition, et si elle peut vivre avec. C’est pourquoi elle peut être qualifiée de décision par absence d’objection, et se rapproche de la « décision par consensus apparent » (Urfalino, 2007).
33Concrètement, la DPC est structurée autour de deux rôles (élus pour une période donnée), l’animateur (qui distribue la parole et veille au respect des règles) et le secrétaire (dont l’écran d’ordinateur peut servir de support partagé, par exemple pour rédiger les propositions). Chaque réunion est introduite par trois tours de parole :
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Le tour d’inclusion (tour météo) précise l’état d’esprit de chacun en début de réunion pour permettre d’être apte à participer dans les meilleures dispositions.
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- 11 L’animatrice précise : « On a décidé de rebaptiser ce mot à EMIP par schtroumpfs parce qu’on trouva (...)
Le tour d’énonciation des sujets à traiter (tensions en holacratie, rebaptisées « schtroumpfs11 » chez EMIP) est un tour de parole où chaque interactant dispose d’un temps pour énoncer son schtroumpf ainsi que sa couleur suivant son urgence (rouge, vert). L’énonciation est courte, en quelques mots. Cette énonciation peut avoir été faite au préalable sur un support numérique.
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Le vote de l’ordre du jour : rarement soumis au vote lors des observations, c’est davantage la contrainte de temps qui est interrogée collectivement au regard du contenu supposé des schtroumpfs à traiter. Théoriquement, c’est à ce moment-là que la DPC s’applique en quatre séquences :
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L’énonciation d’un schtroumpf (1) par un proposeur est suivie de la proposition de sa résolution (individuelle ou collective si le soutien du collectif est demandé) ;
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Une séquence de clarification (2) s’ouvre ensuite où le proposeur peut répondre aux questions des interactants, sans ouvrir à discussion. Elle vise à améliorer la formulation de la proposition ;
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Il s’ensuit un tour de ressenti (3), où chacun dispose d’un temps pour s’exprimer. Cette séquence vise à enrichir la proposition, à mettre en valeur ses forces, ses faiblesses ou à permettre à chacun d’exprimer ses impressions, sans qu’elles soient nécessairement rationalisées ou argumentées.
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Après le tour de ressenti suit un tour d’objection (4) : c’est un moment clé où la proposition est testée face au collectif, entraînant son retrait ou sa validation. C’est un nouveau tour de parole ouvert à partir d’une question : « la proposition pose-t-elle problème ? » Tous les interactants peuvent s’exprimer, y compris le proposeur. Sans objection ou dans le cas d’une objection levée, la proposition est adoptée. Dans le cas d’une objection non levée, la proposition est retirée.
34Enfin, chaque réunion est ponctuée par un tour de clôture. Ouvert par l’animateur, il permet à chacun d’exprimer son ressenti au sujet de la réunion qui vient de se dérouler.
Schéma 2 : La réunion en décision par consentement (schéma réalisé par l’auteur)
35Basée sur une succession d’opérations réglées et codifiées par tours de parole, la DPC œuvre à un mode de distribution de la parole identifiée et identifiable par les interactants. Elle nécessite un apprentissage, une forme d’acculturation des membres à une structure conversationnelle mobilisable comme « ressource fondamentale » « pour organiser et accomplir de façon située » les interactions lors des différentes réunions (Fornel et Léon, 2000).
36Par sa focalisation sur la décision et sur la façon dont l’éthique est discutée, redéfinie et partagée lors de toute décision problématique (Legault, 2016), l’éthique appliquée (EA) est tout à fait pertinente pour analyser le processus décisionnel de la DPC et la façon dont la parole collective est amenée à identifier les tensions, à caractériser les conflits de valeur et à discuter des propositions de résolution dans les différents tours de parole. L’EA pointe en particulier quatre modalités à l’œuvre dans toute décision (Legault, 2016) :
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l’analyse des conséquences de la décision (proposition dans le cadre de la DPC) (1) ;
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l’évaluation de ses conséquences qui pointe le conflit de valeurs et les désaccords à résoudre (2) ;
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la pondération des critères et des arguments menant au choix final (3) ;
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le dialogue amenant à l’expression des raisons motivant la décision finale (4), à savoir l’acceptation (par absence d’objection) ou le rejet de la proposition (par incapacité à lever les objections).
37Pour ce qui est d’EMIP, lorsqu’un membre de la coopérative holacratique soumet une tension à la DPC, ce sont ces quatre modalités qui sont amenées à être discutées collectivement. Afin de montrer comment les questions éthiques travaillent le collectif en DPC et sont mises en tension avec les opérations économiques dans la coopérative holacratique, le choix est fait d’exposer deux séquences particulièrement révélatrices observées à EMIP : la singularité d’une réunion de gouvernance qui devient un espace de (ré)définition axiologique de la coopérative, et la description d’une délibération très serrée d’un CODIR d’EMIP mettant en tension valorisation des salariés et exercice économique excédentaire de la coopérative. L’analyse sera faite à partir d’une description accompagnée d’extraits de ces deux réunions et enrichie du vocabulaire et des modalités de l’EA.
38En holacratie, la réunion de gouvernance (généralement mensuelle) est un espace interactionnel où sont affectés, discutés et redéfinis les règles et les rôles attribués aux membres. Une réunion de gouvernance observée (obs. 1.3.1) paraît tout à fait exemplaire des singularités du processus décisionnel en DPC : douze membres y participent dont deux bénévoles actifs, sept salariés et trois stagiaires. Les sujets mis à l’ordre du jour par les différents membres sont énoncés dans un espace interactif consultable par avance : ainsi, chacun peut au préalable analyser les conséquences potentielles des sujets (si l’énonciation est claire) (modalité 1 de l’EA). Néanmoins, un tour de table est tout de même réalisé pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autres sujets à discuter : six sujets sont à l’ordre de cette réunion et le collectif doit s’entendre sur l’ordre de leur traitement. Cet ordre est validé par un autre tour de table.
39Parmi les propositions de cette réunion, une salariée soumet la possibilité d’instituer un « jour militant » qui vise à affecter, une journée par an, un salarié dans une activité militante. Pour justifier sa proposition, la salariée s’inspire de l’exemple d’une journée où un petit groupe de membres de la coopérative s’est rendu au procès de militants qui se sont introduits illégalement dans une centrale nucléaire. Sur place, les salariés d’Enercoop ont été encouragés par des personnes présentes à animer un stand Enercoop :
Nous, on a déjà décidé d’y aller en tant que citoyen avant d’être salarié d’Enercoop. Et aussi parce que le sujet concernait l’énergie. […] Il s’avère que […] au bout de deux heures qu’on était là-bas, l’organisatrice de ça nous a demandé si on pouvait tenir un stand Enercoop. Donc on a fini par avoir un stand avec les trois flyers qu’on avait amené et d’autres affiches… (salariée et proposeur, obs. 1.3.1)
40Rappelant d’autres évènements ultérieurs du même ordre, la salariée explique ses motivations avant tout d’ordre citoyen, avant de rappeler, pour justifier sa proposition, les intentions éthiques de sa coopérative de s’engager collectivement pour une « transition énergétique citoyenne ».
41Le tour de clarification de la proposition d’instituer un jour militant se déroule en « popcorn », c’est-à-dire que chaque membre peut ainsi énoncer spontanément ses questions au proposeur : elles sont nombreuses (est-ce marqué politiquement ? qui déciderait de l’action à mener ? que veut dire militant ? certaines actions ne risquent-elles pas de nuire à l’image d’Enercoop ? problème de légalité, d’assurance ? etc.) et le proposeur essaie d’y répondre pour affiner sa proposition.
42Puis vient le tour de ressentis dans lequel une différence distingue rapidement les premières prises de parole des salariés plutôt favorables, aux administrateurs : ces derniers, s’ils comprennent la proposition, s’y opposent en l’état sans énoncer leurs arguments. L’un des administrateurs semble plutôt prêt à lever son opposition si le choix de l’action militante du salarié est soumis à une validation collective. L’énoncé de cette condition reçoit des retours positifs, mais amène certains, au-delà des problématiques légales et assurantielles, à poser la question de l’instance qui serait responsable de valider l’action. Le proposeur enrichit sa proposition, en précisant qu’il serait pertinent que la validation soit de la responsabilité du cercle général (voir schéma 1) et que l’action soutienne la « transition énergétique ». En réaction à cet amendement de la proposition, un salarié-administrateur énonce plusieurs questions :
On n’a pas défini ce qu’est la transition énergétique. […] Les actions doivent être apolitiques, c’est-à-dire non organisées par des partis politiques. Le salarié doit consulter ou soumettre ? À qui ? Au cercle général ? Ou l’équipe salariée ? Et avoir validation, ça veut dire quoi ? C’est une consultation ? Une validation ? Pour moi, ça reste des choses [pas claires]. (administrateur salarié, obs. 1.3.1)
43Ces questions amènent beaucoup de membres à réagir pour modifier la proposition énoncée. Cette dernière est dans la foulée soumise au tour d’objection. Si trois membres, deux salariés et un salarié administrateur n’expriment aucune objection, une administratrice bénévole en expose une :
Alors, moi j’ai une objection parce qu’enfin, le budget, c’est important. Parce qu’on n’a pas un budget sans fond, la preuve. Par exemple, tous les sociétaires ne donnent pas de temps à la coopérative. […] Mais quelqu’un comme ** (sociétaire bénévole), elle va donner une demi-journée de son temps pour aider à avancer les choses. Donc encore une fois, je trouve cette proposition pas juste. Enfin, je trouve que c’est une très bonne idée, très mignonne. Et voilà, on devrait pouvoir tous prendre une journée sans rien dire comme on prend une journée, je le redis, comme gréviste. Mais il faut que ce soit quelque chose d’individuel. Le militantisme est individuel. Surtout si on ne représente même pas la coopérative. (administratrice bénévole, obs. 1.3.1.)
44Cette objection est renforcée dans la foulée par un autre administrateur bénévole qui précise que toutes les journées passées par les salariés dans la coopérative sont des journées militantes. À la suite de ces observations, le proposeur ne se sent pas en mesure d’argumenter pour lever l’objection, ce qui l’amène à constater le manque de maturité de la proposition. Néanmoins, avant de passer au traitement de la prochaine tension, l’espace dialogique ouvre un débat axiologique resserré sur les valeurs et les actions de la « coopérative militante » : EMIP ne devant pas se résoudre à seulement soutenir les énergies renouvelables, mais poursuivre également ses combats militants (sobriété, refus du nucléaire, etc.).
45Parmi les sessions observées, un autre exemple de traitement d’une tension montre comment l’exercice délibératif peut être intense et exigeant en coopérative holacratique. Après les mobilisations des Gilets jaunes en 2018, le gouvernement français a ouvert un dispositif de prime exceptionnelle défiscalisée à l’échéance très courte (deux jours) au moment de la réunion de CODIR observée (obs. 1.12.1). Une proposition à l’initiative d’un administrateur bénévole amène les membres du CODIR présents à devoir statuer rapidement sur la possibilité de prime aux salariés. Étant donné que la coopérative ne connaît pas les résultats définitifs de son exercice comptable, la proposition énoncée expose un scénario en deux temps : l’octroi d’une prime de 1 000 € au prorata temporis, qui pourra être abondée par la suite, si les résultats comptables pour 2018 sont bons. Dans le tour de clarification, un administrateur salarié demande des précisions quant à la conditionnalité de la 2e partie de la prime, ce qui amène le proposeur à préciser qu’elle serait conditionnée par la performance économique de la coopérative. Mais cette conditionnalité semble secondaire face à l’énoncé, par la suite, d’une objection d’une administratrice bénévole qui expose ainsi un conflit de valeur :
Enfin, mon objection n’est bien sûr pas sur la prime parce que je sais qu’elle est méritée. […] Je voudrais vraiment que vous entendiez que je suis contente du travail que les uns et les autres font, je suis contente que vous puissiez avoir des primes. Il ne s’agit pas de mal-interpréter tout ça. C’est très bien de pouvoir gratifier. Je comprends l’opportunité de la prime. Mais pour moi, j’ai toujours la première condition, à savoir en fonction du résultat. Je n’ai pas le résultat donc j’ai du mal à estimer le montant de l’enveloppe. (administratrice bénévole, obs. 1.12.1)
46Ce conflit de hiérarchisation des valeurs entre valorisation salariale et exercice budgétaire équilibré ou excédentaire de la coopérative (et donc évolution du montant de la part sociale) génère une intense délibération en DPC. Certains, dont un administrateur salarié, défendent les efforts réalisés par les salariés au cours de l’année (une salariée est partie en congé maternité sans être remplacée), et considèrent légitime l’octroi d’une prime. D’autres, notamment l’administratrice bénévole, autrice de l’objection qui joue son rôle de représentante des sociétaires, et conditionne cette prime à la certitude que la coopérative affiche un résultat net positif. Elle interroge également le niveau de la première partie de la prime, expliquant qu’il serait problématique qu’une prime soit versée aux salariés conjointement à un exercice comptable négatif. Hormis des questions d’ordre technique ou éthique (le caractère défiscalisé pose problème à certains membres), le processus dialogique très tendu pousse la membre de l’objection à rappeler qu’elle n’est pas contre la prime, mais qu’elle interroge son montant. Puis c’est au tour d’autres membres administrateurs-bénévoles d’amener d’autres critères, et de proposer différents scénarios pour évaluer les conséquences du choix et articuler le conflit de valeur à résoudre : faut-il prendre pour référence le caractère excédentaire ou déficitaire de l’exercice comptable ? Ou partir du chiffre prévisionnel ? Le versement de la prime ne pourrait-il pas faire l’objet d’un retour d’expérience pour les exercices ultérieurs ? N’est-il pas possible d’avoir des informations plus claires auprès de l’expert-comptable sur l’exercice comptable ? etc.
47Finalement, pour résoudre le conflit, l’administrateur bénévole à l’origine de la proposition propose de diviser par deux la première partie de la prime, établissant son montant à 500 €, ce montant qui pourra par la suite être abondé en fonction des résultats économiques de la coopérative : cette proposition lève la principale objection, mais un administrateur salarié expose clairement son désaccord et quitte (momentanément) la réunion. Cherchant à pondérer le désaccord, l’autrice de la principale objection amende sa proposition en conditionnant le montant de la première partie de la prime (500 € ou 1 000 €) aux résultats communiqués par l’expert-comptable avant l’échéance. Finalement, c’est au bout d’une grosse demi-heure de délibération en DPC que l’énoncé de la proposition est validé : sans information comptable supplémentaire d’ici l’échéance du dispositif, la prime sera à 500 €. Et si une information plus claire de l’expert-comptable valide un exercice comptable positif supérieur au coût de la prime, le montant de la prime sera de 1 000 €.
48Si la levée de l’objection est célébrée collectivement, le degré de tension très élevé au cours de cette DPC (l’un des membres est donc parti, puis est revenu environ 15 minutes plus tard) amène les membres, en fin de réunion, à rappeler les sources du problème. La coopérative manque d’information économique sur ses activités et il est nécessaire qu’elle se renforce en termes de gestion et de comptabilité afin qu’elle dispose d’une plus grande information sur ses propres comptes.
49Plus globalement, lors des observations, l’analyse de la DPC, comme le démontre l’exemple des deux tensions exposées, confirme l’importance de la séparation des pouvoirs entre « opérationnels » et politiques, suggérant un parallèle avec la « cogestion » (bestimmung), force de certaines entreprises allemandes. Les rôles dans la DPC diffèrent entre les administrateurs bénévoles et les autres membres. Pour ce qui est des administrateurs bénévoles, l’analyse montre qu’ils mobilisent beaucoup d’énoncés multiformulatifs (Widmer, 2010 ; Wieder, 1974) afin de rappeler les règles de fonctionnement du collectif, ce qui nécessite qu’ils disposent d’une bonne connaissance des règles de la coopérative. Leur présence, en tant que sociétaire boussole (au sens de garant du noyau d’intentions éthiques), assure la représentation des sociétaires qui ne peuvent pas ou choisissent de ne pas participer. Quant aux « opérationnels », la DPC représente également un défi : si elle ouvre la parole à tous les membres, elle leur demande de s’approprier des techniques conversationnelles complexes ainsi que de développer des capacités d’autonomie et une certaine affirmation d’eux-mêmes. Durant les entretiens, certaines personnes, déjà habituées à utiliser ces techniques, se disent très enthousiastes (entr. 21, 41, 44). Néanmoins, d’autres dont les expériences ont été écourtées poussent à constater les limites et les difficultés à s’y adapter (entr. 14, 20, 33).
50Plus globalement, la DPC génère des pratiques d’intelligence collective, encadrées par le contrôle des pairs (Maître, 2021). Beaucoup de sujets peuvent être discutés en DPC : elle reste néanmoins un dispositif coûteux en temps, qu’il s’agit d’utiliser avec parcimonie en complément des autres modalités décisionnelles. De plus, l’éthique de la délibération où les quatre modalités de l’EA peuvent être présentes peut également être très exigeante pour les participants.
51L’exploration d’Enercoop et la description analytique de la coopérative holacratique réalisées au cours de cet article montrent comment certains collectifs citoyens, organisés en coopérative, essaient de mettre en application au quotidien un pouvoir partagé grâce à des pratiques délibératives et à un processus décisionnel original qui laisse une place à l’éthique appliquée en entreprise. Analysés grâce à l’EA, les exemples de pratiques délibératives issues de l’holacratie et de la Décision par consentement démontrent tant la complexité, l’exigence que la force présente dans cette organisation basée sur l’intelligence collective. La complexité caractérise ce type d’organisation, car comme cela a été décrit, la coopérative holacratique doit trouver une juste mesure entre la distribution d’une certaine autonomie à ses membres qui doivent être en mesure de faire des choix et prendre des initiatives, et le recours à l’intelligence collective qu’il s’agit de mobiliser de façon pertinente : par exemple, mobiliser trop souvent le processus de Décision par consentement risque de s’avérer coûteux, éprouvant et non productif. L’exigence est à l’œuvre, tant dans les choix et les pratiques individuelles de chaque membre que dans le collectif réuni qui doit savoir faire preuve d’aptitudes importantes d’appropriation des techniques holacratiques et de facultés à communiquer et à délibérer, y compris dans des moments de désaccord et de tension forts. Quant à la force de l’intelligence collective, c’est qu’elle permet, selon les observations réalisées, aux membres qui s’y adaptent, d’exprimer pleinement leurs habilités professionnelles, ce qui offre à la coopérative la possibilité de mieux s’adapter à un environnement technique, complexe et souvent instable tout en cherchant à conserver des pratiques éthiques. Néanmoins, cette force reste contrebalancée par le risque que le système holacratique en coopérative puisse être difficile à prendre en main et à intérioriser pour des personnes non habituées à ces pratiques organisationnelles.
52Plus largement, le choix d’étudier des collectifs citoyens créant des coopératives - bornées par les principes de lucrativité limitée, un capital social détenu par les usagers et un pouvoir partagé ou distribué - est porté par la volonté d’interroger la forme et la place de l’entreprise qui occupe un rôle clé dans le processus de développement économique. Si l’organisation de l’entreprise connaît un certain nombre de transformations grâce à de nouvelles formes de management promues ces dernières décennies (entreprise AGILE, entreprise libérée, etc.), il semble important que ces nouveautés organisationnelles n’empêchent pas d’interroger la nature de l’entreprise, telle qu’elle s’est développée au XXe siècle, avec ses objectifs, ses finalités et ses incidences sociales, sociétales ou écologiques. C’est dans l’objectif de prendre au sérieux cette interrogation que l’étude sur Enercoop a été réalisée, afin d’explorer des exemples pratiques qui tentent de faire de l’entreprise une institution au service du bien commun, et de la concevoir elle-même comme un commun (Coriat, 2015), à savoir un collectif autoorganisé qui gère et gouverne une ressource collective et limitée en fabriquant ses propres règles élaborées collectivement. C’est du moins une des pistes de réflexion que les pratiques et l’étude de la coopérative holacratique d’Enercoop Midi-Pyrénées proposent d’ouvrir, en montrant comment les pratiques holacratiques, soutenues par des affects militants d’écologie coopérative, cherchent à réencastrer (au sens polanyien) les opérations économiques (institué) dans des pratiques éthiques (instituant). Si cette pratique organisationnelle est exigeante, en particulier au regard d’autres formes managériales plus courantes (hiérarchies), l’un des fondateurs d’EMIP, explique justement qu’elle reste une forme embryonnaire :
On est en recherche de modèle. On a un travers qui est de vouloir comprendre une réalité qui est une réalité émergente et transitoire. […] Pour moi, holacratie, sociocratie, ce sont des embryons. Ce ne sont pas des objets matures, et aujourd’hui, tous les objets, tous les systèmes sociaux matures, ils ont tendance à vouloir tuer tous les émergents. (entr. 58, administrateur actif, EMIP)
53L’articulation du statut de SCIC avec un système d’organisation holacratique habilitant peut-elle servir de modèle d’entreprise pour promouvoir et renforcer des pratiques plus éthiques en entreprise ? Ou cette expérimentation, initiée par une minorité active, est-elle une façon d’entreprendre marginale qui est vouée à disparaître avec elle ?