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Zone libre

S’entendre pour surmonter la crise des antimicrobiens en santé animale – Une éthique des transitions

Antoine Boudreau LeBlanc

Résumés

Face à une complexité croissante, les systèmes de gouvernance peinent à intégrer une réflexivité critique dès les premières étapes de la prise de décision. Cet écart laisse les processus décisionnels vulnérables à des incohérences stratégiques et à un manque de collaboration entre parties prenantes. Pour répondre à cette lacune, le présent article propose le cadre méthodologique d’une éthique de transition recadrant la place des recherches en négociation et en éthique lors de l’animation des systèmes de gouvernance. La démonstration s’appuie sur un cas pratique – celui de la mise en œuvre d’un monitorage de l’utilisation des antibiotiques en santé animale au Québec – en proposant un cadre théorique d’intervention optimal pour assembler en une méthode cohérente le conseil d’études, les ateliers, la concertation et les consultations d’une part, ainsi que la direction prise par le leader, le bailleur de fonds et les parties prenantes diverses d’autre part. Cette nouvelle approche méthodologique s’est construite sur l’expérience vécue et la perspective d’un écosystème de l’éthique. Elle pose un terrain d’entente clarifiant le partage, la prise et la reddition des responsabilités par la génération d’un espace ouvert au dialogue. La résistance aux antimicrobiens et la perte en efficacité des antibiotiques exemplifient comment ce cadre méthodologique aide à aligner des principes éthiques (théoriques) avec des opérations stratégiques (pratiques) en favorisant le développement d’une gouvernance collaborative, apprenante et réflexive – ce qui permet de soutenir une planification itérative de projet. Cette démonstration ouvre de nouvelles perspectives sur le rôle des éthiques collaboratives dans la transformation des systèmes complexes. Le concept d’une « éthique de la transition » pose un cadre capable de matérialiser le processus social de la négociation et d’approfondir les consensus directeurs pour augmenter la valeur des projets collectifs. Cette perspective s’inscrit dans les perspectives de la soutenabilité où la négociation et la réflexion critique se maillent par défaut.

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Texte intégral

Introduction

1Les discussions en santé tendent à se concentrer sur la coordination des opérations, laissant ainsi en arrière-plan la gouvernance, pourtant essentielle pour structurer ces dynamiques. Examiner l’articulation des phases, de la conception à l’opération des projets, permet d’améliorer ces dynamiques en santé. En particulier, les études en négociation offrent un regard critique sur les analyses stratégiques, tactiques et logistiques : elles permettent de sortir du calcul des bénéfices et des risques liés à l’opération et à la production. Cette prise de recul de l’opération à la gouvernance vient faire ressortir la position des parties prenantes. La gouvernance, dans ce contexte, joue un rôle central en identifiant et en dénouant les conflits. Ces conflits sont parfois logistiques, parfois philosophiques – par exemple, épistémiques et éthiques. Ils révèlent alors des logiques de raisonnement douteuses ou implicites. Leur remise en question peut aider un collectif à avancer dans la proposition d’un changement. Cependant, traduire ces changements en actions sans générer de retard ni démotiver les parties prenantes reste un défi de taille. La mention de principes éthiques, bien qu’importante, ne suffit pas à approfondir les consensus ni à favoriser une négociation constructive. Une discipline, associée à des actions tangibles – comme introduite précédemment (Boudreau LeBlanc, 2023a) –, est nécessaire. L’articulation de cette discipline en éthique de la transition sera illustrée ici.

2Se contenter de l’éthique ne suffit pas : sa mise en pratique nécessite un agent facilitateur. Il doit non seulement traduire et relier les principes à la pratique, mais aussi servir d’intermédiaire entre l’éthique, la science et la communauté. Il acquiert ainsi une place optimale pour suivre l’évolution des méthodes et faire progresser la coconstruction des codes et des mécanismes de traduction, nécessaires à la coordination d’opérations décentralisées. Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001) décrivent la négociation sociale comme un système dans lequel l’intelligence est distribuée au sein d’un collectif d’acteurs socio-techno-écologiques. Ce dialogue collectif repose sur un processus de traduction sociale, pouvant être étudié, mesuré et optimisé. En matérialisant les relations entre personnes, institutions et choses, ce type de dialogue peut devenir une force motrice puissante pour la conduite de projets collectifs.

3Cet article explore la place, le rôle et l’apport des analyses éthiques dans le processus de recherche et de délibération des négociations, tout en démontrant la valeur de l’éthique comme outil de préparation à la décision publique. Il propose un cadre théorique sur l’intervention optimale pour assembler en une méthode cohérente le conseil d’études, les ateliers, la concertation et les consultations d’une part, ainsi que la direction prise par le leader, le bailleur de fonds et les parties prenantes diverses d’autre part. Il se concentre sur le rôle de la recherche interdisciplinaire dans les négociations et y valorise le chercheur non seulement pour son expertise et l’opération scientifique, mais également pour son positionnement en dehors du champ strictement scientifique, à l’interface entre science et politique. Le chercheur, en tant qu’acteur de valeur, joue un rôle fondamental dans la préparation du terrain social. Il ne s’agit pas pour lui de dicter la décision publique en s’appuyant sur son expertise, mais d’enrichir cette décision en articulant l’espace, en allongeant le moment et en approfondissant l’objet de la délibération et de l’évaluation.

4Les résultats d’une recherche anthropo-sociologique ayant déjà fait l’objet de publications exemplifient la démonstration. Ces résultats proviennent d’échanges avec un large éventail d’acteurs – d’administrateurs, de chercheurs, technologues, vétérinaires, d’agronomes, de meuniers et d’éleveurs (Boudreau LeBlanc et Williams-Jones, 2024) –, échanges qui se sont déroulés lors d’épisodes formels : ateliers de concertation, groupes de discussion et entrevues semi-dirigées. Ce collectif avance un système complexe de faits et de valeurs, incarné par des personnes physiques et morales (Boudreau LeBlanc et Williams-Jones, 2024), et dynamisé par des centres de recherche, d’enseignement et de transfert de connaissances, ainsi que des lieux d’hébergement, de traitement et de communication des données, d’informations et de connaissances, complémentés par des instances régulatrices et financières. Tout d’abord, cette démonstration conceptuelle présente la méthodologie d’une « éthique de la transition », qui pose la valeur d’un véhicule utilisé pour mobiliser les acteurs autour d’une vision d’avenir : l’Entente de principes. Ensuite, la démonstration méthodologique est avancée, en construisant sur des rencontres informelles et des immersions prolongées dans le milieu pratique, impliquant un journal de bord, des cartes conceptuelles, des investigations itératives et d’analyses rétrospectives, introspectives, réflexives et interjuges (Boudreau LeBlanc et al., 2022). Enfin, à travers l’exemple d’un cas pratique, ce véhicule apparaîtra comme un environnement d’études, de forums et d’accords permettant d’ouvrir un dialogue prospectif capable d’anticiper et de transiter d’un mode de gouvernance vers un autre.

Éthique de la transition

5La planification des projets en santé, comme dans d’autres domaines complexes à régler, tend à suivre une logique linéaire : idéation, conception, consultations, adoption, puis réalisation et cessation. Cependant, cette logique échoue en présence de situations complexes, où les variables, les enjeux et les imprévus s’entremêlent et émergent. Sans l’adoption d’une logique systémique, les gestionnaires perdent en efficacité opérationnelle, ce qui compromet la qualité du produit, du processus ou des retombées attendues.

  • 1 Boudreau LeBlanc et al. (2023) démontrent conceptuellement la valeur d’un véhicule de dialogue étan (...)

6Ces logiques systémiques – a fortiori collaboratives, adaptatives et réflexives1 – ajoutent une démarche cyclique à la planification des projets. Ces cycles comprennent des étapes itératives à chacune des phases, y compris un moment de délibération et d’évaluation, de l’idéation à la cessation du projet. Cette dynamique transforme le projet en un système apprenant en devenant capable d’ajuster la programmation au fil de son développement. Le défi, cependant, réside dans la capacité à tirer des apprentissages d’ensemble : non seulement pour optimiser la gouvernance du projet en cours, mais aussi pour améliorer celle des projets à venir; ce qui inclut le système d’innovation auquel ils appartiennent, voire de l’écosystème sociétal. Dans ce cadre, les délibérations et les évaluations dépassent les négociations ponctuelles, isolant les interactions entre leaders, gestionnaires, inspecteurs et autres parties prenantes consultées. Elles alimentent alors un processus plus large de négociation sociale, où la phase créatrice de l’idéation est en dialogue constant avec la phase constructive de la réalisation.

7Ces processus de gestion, intrinsèquement complexes, reposent sur des systèmes d’information et de communication sophistiqués. Les avancées relatives au traitement massif des données ont considérablement accru les capacités de surveillance, d’intervention et de recherche. Par exemple, dans le secteur bioalimentaire, la traçabilité a renforcé les outils de gestion et les instruments normatifs (Aenishaenslin et al., 2019). Cependant, une augmentation des capacités ne garantit pas la qualité des résultats. Les administrateurs d’antimicrobiens (Majowicz et al., 2018) tendent à craindre une dérive de la surveillance vers une invasion de la vie privée. De plus, les priorités du secteur bioalimentaire peuvent entrer en conflit avec celles d’autres secteurs (Broom et al., 2020).

Un cadre théorique

8L’éthique de transition s’appuie sur des réflexions prospectives, comme celles proposées par Philip Brey (2012) à travers le concept d’une « éthique anticipatoire » ou « de l’anticipation » (anticipatory ethics). Cette approche s’inscrit dans les perspectives de la soutenabilité, notamment celles de la « transition », empruntée à des modèles écologiques. Ces modèles, en particulier celui de Derk Loorbach (2010), décrivent la succession des « paysages » technologiques et sociaux, exigeant des principes et un mode de gouvernance capable de suivre ces changements d’état et de contexte organisationnel (transition management).

9Dans ce cadre, l’éthique des transitions joue deux rôles fondamentaux :

  1. Anticiper les transformations et leurs implications, en éclairant l’orientation d’un collectif face à un changement et à son incertitude ;

  2. Matérialiser des terrains d’entente, formalisés sur des principes et des méthodes consensuels, renforçant la confiance et la cohésion des acteurs impliqués.

10Le changement implique toujours un degré de complexité et d’incertitude. L’éthique de transition agit alors comme un intermédiaire évolutif, structurant un dialogue constructif, continu et anticipatoire. Ce dialogue favorise un climat propice à la négociation et au renforcement des liens sociaux – un terrain d’entente –, permettant une gestion collective plus proactive et mieux adaptée à l’émergence grâce aux liens de confiance amenés à se créer lors d’un partage optimal des ressources, des compétences et des responsabilités.

Le terrain de la négociation

11Comme l’explique Laurent Mermet,

Plutôt qu’une négociation où se forme la décision, on observe [pour gérer des situations complexes] de multiples négociations très diverses, souvent brèves, souvent cachées, souvent tacites, qui se déroulent à différents moments et en de nombreux points du processus décisionnel (2019 : 14-15).

12Ce changement de perspective redéfinit le rôle des gestionnaires et des institutions responsables des projets. Au lieu de se limiter à gérer des ressources humaines, financières ou technologiques, leur tâche transite vers l’assemblage des pièces en un tout cohérent pour coordonner des opérations décentralisées dans un cadre commun. Mermet (2019 : 12) appelle à dépasser les négociations institutionnelles formelles pour inclure les arrangements informels et les interactions indirects entre acteurs sociaux. Ces dynamiques, souvent imbriquées dans le fonctionnement des systèmes de gestion, précèdent les décisions, les budgets ou les plans d’action ; bien que – paradoxalement – ce sont eux qui autorisent en cascade les épisodes formels de négociation. Pourtant, une négociation devrait devancer ces décisions, même sans les ressources qui y seront subséquemment allouées.

13Ce paradoxe est répondu par le concept de forum hybride, développé par Callon, Lascoumes et Barthe, qui définit ces espaces précédant la décision comme des lieux de controverses sociales :

[…] Forums, parce qu’il s’agit d’espaces ouverts où des groupes peuvent se mobiliser pour débattre de choix techniques qui engagent le collectif. Hybrides, parce que […] on y trouve à la fois des experts, des hommes politiques, des techniciens et des profanes qui s’estiment concernés. Hybrides, également, parce que les questions abordées et les problèmes soulevés s’inscrivent dans des registres variés qui vont de l’éthique à l’économie en passant par la physiologie, la physique atomique et l’électromagnétisme (2001 : 37).

14Dans cette logique, la concertation devient un processus continu, où la délibération précède l’arbitrage et où une évaluation la suit. Ce cycle itératif renforce la qualité des décisions collectives. Lorsqu’on se concentre sur l’arbitrage, ces concertations dénouent les tensions, tout en identifiant les nœuds de collaboration possibles.

15Maillant les intérêts alimentaires et les impératifs de soin, le milieu vétérinaire fournit un cas pertinent pour illustrer ces tensions et ces collaborations. Chris Degeling (2009) analyse ces tensions dans le contexte des soins de santé humaine et vétérinaire, en montrant que l’utilisation des antimicrobiens génère à la fois des synergies et des conflits entre discours et intérêts (Wernli et al., 2017). En conséquence, la gestion de ces tensions devient un défi en soi, exacerbée par la complexité et l’incertitude des opérations, des acteurs et des risques à gérer.

Vers une sociologie de l’éthique

16Avec Bryn Williams-Jones et Cécile Aenishaenslin (2022), nous avons exploré cette vision de la négociation comme fondement d’une éthique de la gouvernance. Contrairement aux approches élémentaires, où l’éthique est confinée à des épisodes formels de négociation (dans d’un comité aux réunions ponctuelles, par exemple), l’éthique de la transition est mise à l’échelle des organisations. Bien qu’elle paraisse abstraite, elle repose sur des outils tangibles, construisant des « règles du jeu » sur un mode de documentation, de clarification et de discussions. Cette dynamique transforme le projet en un système apprenant.

17Dans ces systèmes, les principes éthiques ne sont pas figés. Leur signification, leur valeur et leur portée évoluent en fonction des contextes et des conditions d’application. L’éthique précède ainsi la gouvernance, en créant un terrain d’entente qui facilite une coopération éclairée. Plus qu’un ensemble de règles, cette éthique repose sur des analyses qui qualifient, priorisent et valorisent les principes structurant ces coopérations. Pour être efficaces, ces éthiques doivent cependant être par défaut – très tôt dans le processus – de la négociation, ce qui implique de précéder les plans, les budgets et les décisions officielles. En fait, le résultat de ces analyses devrait servir à cette prise de décision, en aidant à faire converger les positions et à arbitrer les différends à la lumière des axiologies (les systèmes de justifications, de biais et de valeurs) qui motivent les acteurs : le moteur des actions collectives. Ces axiologies gagnent en puissance opérationnelle lorsqu’elles tiennent compte des dynamiques de pouvoir, de l’équité procédurale et des critères de valeur propres à chaque acteur.

18Prendre conscience du contexte tôt dans le processus est nécessaire pour cartographier les préoccupations des parties prenantes (Driessen, 2012), mais aussi pour identifier les conditions initiales sous-jacentes aux projets pouvant susciter des renvois (conflictuels ou synergiques) d’échelles et ainsi transformer des préoccupations hypothétiques en d’éventuels obstacles. Cette inclusion du contexte comme objet d’investigation transforme le sens conventionnel donné à la responsabilité. Responsabilité signifie alors un partage des rôles face aux choses certaines, mais aussi moins certaines, bien que préoccupantes. Elle implique alors une clarification de l’imputabilité quant à ces incertitudes. Par imputabilité, nous entendons un processus apprenant, des dynamiques itératives et la construction des capacités individuelles et institutionnelles. Être imputable signifie une autonomie à acquérir des capacités et du pouvoir, mais dépend aussi du contexte. Ainsi, l’une des stratégies pour gagner en capacité et en pouvoir repose sur l’aménagement de ce contexte, notamment en travaillant sa résilience organisationnelle (Boudreau LeBlanc, 2023b).

19La gouvernance dépasse ainsi la gestion des ressources et leur exploitation : elle implique l’arrangement et le réassemblage de son organisation. Empruntant au modèle écologique (Boudreau LeBlanc et al., 2024), elle traduit la connaissance générale des écosystèmes à l’opération spécifique d’une politique d’aménagement construite par/pour une communauté – inter- disciplines, secteurs, générations, cultures, espèces. Dans la Revue canadienne de bioéthique (2023b), j’ai argumenté la valeur de cette perspective stratégique pour aligner les décisions prises avec les capacités du réseau qui les subissent, et cette philosophie de l’aménagement donne au cadre méthodologique présenté ci-après son sens et sa fondation conceptuelle.

Cadre méthodologique

20Une éthique de la transition se déploie en trois phases : 1) préparation du terrain ; 2) analyse organisationnelle ; 3) création d’un cadre minimal. Ces trois phases sont matérialisées par l’évolution d’un document martyr. Conçu pour stimuler la réflexion et animer le collectif, ce document évolutif gagne en pertinence et en puissance au fur et à mesure des itérations, renforçant ainsi son contenu et son appropriation collective.

21Cette méthodologie approfondit la planification stratégique sur la base d’un processus de négociation sociale, intégrant le traitement des différends et les renvois d’échelles. Elle repose sur une dialectique entre les conseils à caractère stratégique et éthique, menant à la coconstruction d’une vision commune du changement. Cette vision à la fois porteuse et précise par ses innovations stratégiques doit aussi être inspirante, motivante et engageante.

22Les trois phases de cette éthique se déclinent en dix étapes clés, détaillées ci-après (Figure 1).

Figure . Dynamique d’une éthique de la transition

Figure . Dynamique d’une éthique de la transition

Préparer le terrain

23La première étape consiste à recruter des personnes compétentes et à mobiliser les ressources nécessaires pour mettre en réseau les initiatives liées au projet. Cette démarche approfondit la réflexion et facilite la recherche d’un consensus – tout en délimitant les différends. Elle repose sur une équipe de pionniers volontaires, multidisciplinaires et diversifiés pour surveiller les dérives possibles et proposer des scénarios alternatifs capables de mitiger ces risques (Loorbach, 2010). Ces scénarios alternatifs posent le socle d’un conseil scientifique robuste aidant la recherche de solutions de remplacement, également capable d’intégrer des priorités politiques, sociétales et éthiques. Ces pionniers alimentent ainsi les délibérations et stimulent le processus d’évaluation. Ils bénéficient d’études approfondies conduites par des équipes d’experts pour étoffer et examiner le sens et la plausibilité de leur proposition.

24La deuxième étape vient matérialiser la coconstruction en rédigeant les prémisses d’une entente de principes. Elle pose le socle d’un processus itératif, c’est-à-dire qu’elle crée le document martyr, visant à identifier un cours d’action acceptable, ce qui revient à :

  1. documenter les processus avérés, potentiels et apparents, puis à généraliser les positions (en vue de formuler un sens commun, voire une orientation collective) ;

  2. en extraire les orientations stratégiques afin d’évaluer la stabilité des règles du jeu et leur puissance pour coordonner des opérations décentralisées (une co-opération) ;

  3. délimiter le collectif, puis à qualifier ses conditions, ses préconceptions et ses biais.

25Le défi réside dans la cohérence du contenu, notamment la signification donnée aux principes, à mesure que se succèdent les porteurs de dossier. Par la scénarisation, cette étape amène les leaders à concevoir une application précise dans laquelle les principes directeurs sont mis en application. Ces images peuvent ensuite être soumises à une analyse éthique approfondie pour faire progresser les critères d’évaluation et la méthode de délibération.

26La troisième étape engage les parties prenantes dans une orientation stratégique commune. Les prémisses précédentes, posant les piliers d’une éthique collective, renforcent la cohésion des membres et facilitent la création de mécanismes de reddition de comptes, de contre-pouvoir et de partage des responsabilités. La transparence des engagements, y compris vis-à-vis des médias, favorise l’imputabilité et la confiance. Par exemple, une ouverture du leader à des forces d’investigation externe témoigne d’une intégrité et d’une volonté à assumer ses responsabilités. Toutefois, la prise effective de responsabilités dépend du contexte, incluant la nature des crises, des urgences ainsi que des priorités sectorielles, sociétales et internationales.

Analyse éthique

27La quatrième étape examine les conditions initiales au dialogue, en analysant la disposition des parties prenantes à l’arbitrage et les facteurs influençant les décisions collectives. Ces occasions de délibérations prospectives et critiques doivent augmenter en proportion de la nature des technologies émergentes – maturité, sensibilité ou complexité. En ouvrant le dialogue éthique avant, pendant et après les épisodes de négociation, le leader évite les ressacs, anticipe les complications et s’ajuste aux conditions initiales qui évoluent (Jones, Bush et Macaulay, 2014). Cependant, ces analyses spécifiques se réalisant lors d’épisodes formels doivent s’inscrire dans le cadre d’une analyse sociale plus vaste, matérialisant les acteurs, leur position et la controverse imposant des conflits et nouant des alliances.

28La cinquième étape délimite le cadre des actions à systématiser, à partir de marqueurs et de thématiques valorisées par les parties prenantes. L’intention est alors d’identifier les priorités communes et de formaliser les nœuds de collaboration. Cette priorisation implique la synthèse des cadres théoriques portés par les acteurs. Chacune de ces perspectives pose des prémisses sociales, épistémiques et méthodologiques, donnant lieu à des différends métrologiques et évaluatifs aux préférences quantitatives, qualitatives ou réflexives. Ce travail intellectuel est un investissement souvent négligé en amont de la mise en œuvre d’une initiative. La Human Technology Foundation (Davet et al., 2020) le souligne en recommandant d’enraciner, dès leurs prémisses, les projets dans un organe de gouvernance ayant la compétence de développer un « référentiel commun ».

29La sixième étape identifie les préoccupations à évaluer. Kate Devitt, Peter Baxter et Grant Hamilton (2019) soulignent l’importance de matérialiser le leadership et l’imputabilité par un socle, un code, voire une entente, qu’elle nomme une « éthique de la biosurveillance ». Cependant, négocier la valeur d’un projet de surveillance présente un degré de complexité additionnel, car l’évaluation doit porter sur l’application du dispositif de surveillance et sur le projet à surveiller. Ainsi, ces négociations doivent porter sur un objet à court terme (sur l’infrastructure), mais aussi sur le processus à long terme (sur le fonctionnement et la vision organisationnelle). Conséquemment, le processus d’évaluation doit se pérenniser. À tout le moins, ces critères de qualité et ces mesures de suivi doivent devenir un objet de discussion ouverte.

30La septième étape pose les piliers d’ingénierie nécessaires à la gouvernance, en construisant sur un processus continu de médiation, d’expérimentation et d’évaluation critique des impacts stratégiques et éthiques de l’initiative. Le concept de la construction évoque le débat opposant le relativisme social, qui rapporte fidèlement les discours locaux, et le pragmatisme éthique, qui s’autorise un cadre minimal pour rendre transparents la pratique et les prémisses de la gouvernance – et cette transparence doit servir à une réflexivité critique de la part du leader. Complémentaire à cette construction tangible, élémentaire et formelle d’un cadre minimal, selon Michel Callon et Bruno Latour (2006), ce pragmatisme final doit reposer, en amont, sur une lecture a priori relative – au moment de l’investigation descriptive – pour présenter les positions, amorcer le dialogue, traduire puis reconnaître les pressions et les vulnérabilités relatives aux marges ainsi que les risques de dérives. Cette théorisation relative conduit à une éthique collective – un référent commun selon la Human Technology Foundation – posant une autocritique collective à la vision stratégique du leader. Toutefois, même ce référent collectif devrait s’ouvrir, par transparence, à un effort de remise en question s’échelonnant sur un long terme. L’idée d’un cadre pragmatique donne ainsi l’outil pour agir localement tout en poursuivant une réflexion globale.

Proposition d’entente

31La huitième étape établit un terrain d’entente sous la forme d’un véhicule de dialogue éthico-stratégique : l’entente de principes. Ce véhicule répond aux défis de bien utiliser le conseil scientifique pour évaluer de façon critique la qualité des opérations et de l’initiative. Plus qu’un document de référence ou un instrument normatif, ce type d’entente favorise le partage des responsabilités et l’engagement des parties prenantes. Elle a deux mandats principaux : clarifier les principes directeurs et soutenir une appropriation collective du leadership. En identifiant le cadre minimal qui fait consensus, l’entente aide à coordonner des actions collectives et décentralisées ; puis ce processus renforce la légitimité et pérennise le système de prise de décision. Contrairement à une charte ponctuelle, une telle entente reconnaît la valeur des démarches systémiques et évolutives, construisant sur des modalités transitoires, gagnant ainsi à être collaboratives, adaptatives et réflexives.

32La neuvième étape met l’entente à l’essai, car elle ne se limite pas à consigner des engagements. L’entente de principe constitue un instrument actif permettant d’anticiper et de résoudre des tensions émergentes, tout en maintenant une direction stratégique claire pour assumer la coordination collective d’un développement. En se construisant sur la perspective de la transition de Derk Loorbach (2010), cette étape valorise l’évolutivité des positions porteuses aussi longtemps que ces visions du changement sont imaginées sur un support transparent et critique, puis coconstruit. Cette agilité adaptative repose sur une réactualisation régulière stimulée par un processus de concertations.

33La dixième étape implique de systématiser les apprentissages grâce à une itération des phases. Cette itération conduit à un cycle de réflexion pré/post-décisionnelle permettant de précéder l’enclenchement des budgets. C’est ainsi que le processus de négociation surmonte le paradoxe politique, où l’épisode de concertation semble, de manière étroitement circulaire, devoir être autorisé par la décision – conséquemment, la concertation succède à la décision au lieu de la précéder, donnant un faux sentiment de consultation, érodant la confiance, et dévalorisant une intégration véritable du conseil scientifique et des avis citoyens. Ces réflexions et ces scénarisations doivent précéder les politiques et les allocations.

Application du cadre

34L’utilisation des antibiotiques fait actuellement face à une crise sanitaire reconnue par l’Organisation mondiale de la santé : la perte en efficacité de ces médicaments en raison d’une résistance grandissante des microbes aux traitements (Nijsingh, Munthe et Larsson, 2019). Cet enjeu illustre les défis à la croisée de la gestion, de l’économie, des sciences et de la politique. La résistance aux antibiotiques (ou antibiorésistance) exige des gestionnaires qu’ils naviguent sur un terrain où les valeurs, les intérêts et les perspectives individuels, sectoriels et culturels se croisent ou s’affrontent (Williams-Jones et Graham, 2003 ; Olivier et al., 2010 ; Beever et Morar, 2019 ; Boudreau LeBlanc et al., 2022b ; Boudreau LeBlanc et Williams-Jones, 2024). La présente section vient appliquer le cadre méthodologique de l’éthique de la transition à ce défi de dénouer les tensions éthiques et disciplinaires qui se reflètent dans les systèmes complexes.

Première étape : Préparer le recrutement

35La gouvernance des antimicrobiens repose sur un processus continu de recrutement et d’engagement de parties prenantes, rendant le socle initial de leur coalition mouvant. Une éthique de transition devient alors nécessaire pour construire un cadre minimal favorisant leur coopération.

36Au Québec, ce cadre s’est matérialisé autour d’une problématique commune : celle d’éviter les maladies et la mortalité animales, tout en maintenant des conditions de vie appropriées pour les patients et les cheptels grâce à une meilleure surveillance des antibiotiques (prescriptions/achats). Cette première concertation des acteurs (éleveurs, vétérinaires, nutritionnistes, associations, programmeurs, chercheurs, décideurs, etc.) a conduit à l’identification d’un problème sous-jacent : la surveillance conduit à une régulation plus soutenue. Pour maintenir l’engagement des acteurs, ces changements dans la pratique médicale devraient avoir des retombées ou s’adjoindre des mécanismes de facilitation tels que l’amélioration des soins aux animaux et de la production agricole – comme proposés dans Evaluation Review avec plusieurs collègues (2024).

37Pour reconnaître cette double problématique, le cercle d’acteurs doit grandir en suscitant de l’expertise en gestion, en droit et en éthique :

  1. Le leader de l’initiative doit être clairement identifié, ici entre la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal conduisant le processus de discussion et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation allouant le financement.

  2. Le cercle fondateur des parties prenantes doit être mis en concertation (voir la Figure 2).

  3. D’autres cercles peuvent être amenés à joindre le groupe, notamment pour des apports spécifiques en expertise, comme l’a fourni ici l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique, en raison de leur expérience récente de coconstruction d’une entente de principes – la Déclaration de Montréal IA Responsable.

38Cette identification doit s’inscrire par l’intermédiaire de différents véhicules porteurs. Par exemple, le déploiement d’études approfondies et de tables de travail alimente l’effort de problématisation tout en matérialisant le réseau gravitant autour du projet.

Deuxième étape : Préparer la coconstruction

39Une éthique de transition permet de se positionner sans trancher. On doit se positionner rapidement, car surveiller aide en effet à prévenir des risques et à améliorer les soins. Cependant, ce même bénéfice introduit des risques pour les personnes, les entreprises et les communautés impliquées. Amorcée en 2019, une étude de faisabilité a permis de matérialiser ces discussions sociales et de poser la base d’une démarche de coconstruction. Le choix d’un leadership scientifique offre un degré de neutralité entre les secteurs d’activité, en apportant une certaine indépendance vis-à-vis des intérêts économiques du bioalimentaire ou de la mission réglementaire du Gouvernement.

40La Figure 2 délimite le réseau qui se noue autour de la problématique commune. Les parties prenantes qui possèdent ou fournissent des données sont illustrées en vert. Elles ont une mission similaire en ce qui a trait à la protection de la vie privée, le secret d’entreprise et la loyauté client. Les parties prenantes qui utilisent les données ou éclairent directement les politiques d’antibiogouvernance sont illustrées en bleu. Les institutions facilitatrices qui aident à traduire les données en informations, puis en connaissances et en applications utiles pour faire avancer les pratiques sont illustrées en rouge. Les milieux régulateurs (directement ou indirectement) sont illustrés en blanc. Les parties prenantes nouent habituellement peu d’épisodes de concertation entre elles – elles restent en sous-groupes par filière de production et pratique vétérinaires. Cette recherche a contribué à dynamiser ce réseau vétérinaire et agricole au Québec. Toutefois, le défi dépasse l’organisation de concertations. Il s’impose pour pérenniser le dialogue (voir l’étape suivante).

Figure 2. Exemple de distribution des missions institutionnelles : le cas des parties prenantes en santé animale au Québec

Figure 2. Exemple de distribution des missions institutionnelles : le cas des parties prenantes en santé animale au Québec

Tiré de l’étude Boudreau LeBlanc et al., 2023

41L’absence de certains secteurs économiques, notamment de la santé publique et de l’aménagement du territoire, témoigne de craintes et d’une tension latente autour du partage de données – voire plus largement des ressources. Malgré une menace commune, la perte en efficacité des médicaments peut – à elle seule – être insuffisante pour surmonter les tensions historiques, quant à elles alimentées par des pouvoirs politiques et un effet d’héritage médiatique.

Troisième étape : Préparer l’engagement

42Chaque projet a un cycle de vie, de son implantation à sa cessation, ainsi que, plus largement, la dynamique de génération des données et d’utilisation des informations a aussi un cycle de vie. Cette vision de complexité reporte l’attention sur le contexte. Elle a l’avantage d’élargir la vision, de susciter l’engagement et de construire le changement sur une base de confiance.

43La Figure 3 présente l’outil interactif utilisé pour consolider la problématique avec les parties prenantes. Elle pose une vision de la technologie et du changement en cycle de vie en mettant l’accent sur l’amont (les sources de données) et l’aval (les puits d’informations) plutôt que sur le cœur. Utilisé durant deux concertations (2018-2022) ayant réuni 60 à 90 représentants, cet outil a servi à comprendre le rôle potentiel de chacune des parties prenantes lors d’une série de 12 consultations complétées par diverses entrevues ciblées semi-dirigées. Cet effort a ensuite stimulé une investigation de type boule-de-neige afin d’identifier les acteurs manquants – technologiques, disciplinaires et sociaux –, bien que nécessaires aux développements d’un monitorage et à la pérennisation du programme coordonnant son activité par l’allocation de financements, de personnels, d’infrastructures et d’autres ressources.

Figure 3. Exemple de carte conceptuelle pour tracer un cycle de vie (source / produit) optimal pour les données

Figure 3. Exemple de carte conceptuelle pour tracer un cycle de vie (source / produit) optimal pour les données

Tiré de l’étude DesCôteaux et al., 2021

44En ouvrant le dialogue, cette perspective systémique suscite la conception de projections alternatives, collectives et acceptables pour la mise en œuvre. Elle matérialise un vaste processus de négociation noué entre secteurs et rôles jalonnant le cycle de vie des données, des informations et des dispositifs suivant l’utilisation des antibiotiques au Québec et, lorsqu’on pérennise ce processus, la négociation encapacite le leader de la démarche à l’optimisation en continu de ce monitorage. Ces jalons nécessitent un cadrage, voire un encadrement, afin d’en coordonner le processus, d’en baliser la démarche, voire d’en valoriser et d’en transférer les apprentissages.

Quatrième étape : Analyser les conditions initiales

45Porter et rapporter avec équité, précision et sensibilité la parole des parties prenantes est un défi en soi. Ce travail ne se limite pas à une voix et des choix individuels – comme celui du législateur – ou à des séances statutaires de discussion. Ce processus comprend aussi la promotion et l’opération d’une mission institutionnelle, s’incarnant par des politiques, des procédures et une culture organisationnelle. Ces dynamiques animent un système de communication et de négociation infra- et inter- institutionnel, dont le rouage systémique n’est pas toujours formel.

46Par exemple, le gouvernement du Québec, par l’intermédiaire de la Politique gouvernementale de prévention en santé (PGPS), a posé un cadre minimal d’orientation interinstitutionnelle (plan d’action interministériel) et stimule ainsi des cascades de discussions décentralisées qui prennent forme dans les établissements, dans les réseaux, et en interaction entre plusieurs acteurs. La mesure 4.4 (Objectif 4.2, PGPS), notamment, explore la possibilité d’une surveillance de l’utilisation des antibiotiques en santé humaine et animale. Ces objectifs impulsent, en cascade, un vaste forum décentralisé de discussions et de négociations, plus ou moins efficace selon les stratégies politiques, économiques et sociologiques mises en œuvre.

47L’analyse de ce forum nécessite de retracer le système de Positions, Rôles, Intérêts, Missions, Observations et Valeur caractérisant les parties prenantes, ce que j’ai conçu avec Williams-Jones (2023) comme l’étude des PRIMOV. Ces systèmes viennent à poser en négociation sociale plusieurs missions institutionnelles, par exemple :

  1. Publique par le gouvernement du Québec, les ordres professionnels et les instituts nationaux – l’intérêt du public (au sens large) implique des influences et des orientations stratégiques en matière de protection des personnes, de qualité des services, de conformité professionnelle, voire de sécurité de l’État en général.

  2. Académique par les laboratoires, les chaires, les centres, les groupes, les instituts et les observatoires universitaires – la recherche et l’enseignement au sens large impliquent des influences et des orientations stratégiques en matière de genèse, de formation, de vulgarisation, de transfert, de valorisation des connaissances.

  3. Technologique par l’industrie, les centres d’expertise et les services techniques – la productivité et l’efficacité (au sens large) impliquent des influences et des orientations stratégiques en termes commerciaux, économiques et technologiques.

48Puis, ces missions imposent un certain nombre de conditions initiales prévisibles, que l’on peut ensuite préciser en prenant conscience des PRI (Positions, Rôles, Intérêts) caractérisant les acteurs portés par une mission commune, et des MOV (Missions, Observations, Valeurs) caractérisant le régime intellectuel justifiant la mission, puis encadrant sa programmation.

Cinquième étape : Analyser les actions à systématiser

49Poser des marqueurs offre un apport structurant pour les analyses stratégiques, les plans d’action et la coordination des interventions à de multiples échelles. Ils balisent les frontières relatives d’un paysage intellectuel a priori extensif et flou. Ces balises sont essentielles à l’instauration d’une dynamique collaborative, car elle donne le sens éthique au concept de l’acceptabilité sociale d’un projet. L’acceptabilité débute ainsi sous un cadre transparent posant les critères communs, dont le respect suscitera un engagement collectif lors de sa mise en œuvre. L’acceptabilité est ainsi dépendante de la voie d’action, mais aussi de ces conditions initiales, toutes deux devant faire consensus. Plus encore, l’acceptabilité ne s’exprime pas seulement au travers d’une autorisation ; elle se réalise surtout selon une modalité itérative d’évaluation.

50Le Tableau 1 identifie quatre ensembles de marqueurs qui sont ressortis des discussions pour situer le terrain de la négociation : ils synthétisent les défis (ex. : la participation) perçus par les parties prenantes lors de l’expérience vécue en agriculture au Québec, et priorisent les aspects du paysage intellectuel qui nécessiterait une voie d’action consensuelle à court terme – pour amorcer l’initiative. Cette catégorisation en vient à être renforcée par la mobilisation d’un système de principes, de standards, de normes, de règles, d’engagements, etc., qui donnent une profondeur aux actions (à la prochaine étape). Cette prise de conscience nécessite la mobilisation de consultations en petits et grands groupes, ainsi que la documentation des discours, l’analyse des positions et la communication du consensus atteint.

Tableau 1. Exemple de quatre aspects pour le succès d’un programme à l’interface entre le politique, le technologique et le scientifique

 

Moyen

Gestion de la ressource commune

Délibération pour un partage responsable des données en santé animale

Visée

Gestion d’un problème commun

Encadrer les pratiques requises pour une gouvernance responsable des antimicrobiens

Participation

Incitatifs à partager des données

Conduite responsable

Standardisation

Interopérabilité entre les données

Application judicieuse

Disciplinarisation

Répétabilité des méthodes de saisies

Intégrité en évaluation

Universalisation

Recrutement de nouveaux acteurs

Stratégies d’innovation

Sixième étape : Identifier les préoccupations à évaluer

51Ces actions à systématiser ouvrent à des controverses sociales. Par exemple, poser le bon degré de participation anime forcément une négociation sociale – Qui peut participer ? Jusqu’à quelle limite ? Pendant combien de temps ? – ayant de multiples facettes intrinsèques selon les priorités des parties prenantes, et s’accélère lorsque la négociation atteint le débat médiatique et public. D’abord diffus, nous devons transformer ces controverses en un corps accessible pour favoriser la prise de parole et ainsi assembler une justification et un plan cohérents.

52La surveillance nécessite ce type de négociations continues qui se poursuivent après l’instauration des infrastructures, par exemple : un dispositif de monitorage. Ces négociations se distribuent alors en de multiples séances et s’appuient sur une diversité de processus de recherches, d’enquêtes, de concertations, d’inspections, de réunions, voire d’entretiens (Mermet, 2019). Ainsi, la discussion sur les actions à systématiser (Tableau 1) doit conduire à un ensemble de tables de travail venant diversifier l’angle de perspective. Pour chaque systématisation, le Tableau 2 pose des exemples de qualités thématiques qui doivent être valorisées par les parties prenantes de manière à fonder la base des critères d’évaluation : ceci étoffe le code d’une éthique collective.

Tableau 2. Exemple de thèmes visant à approfondir les objets de discussions en groupe

Quali

Opération

Intention

Propriété

Possession & attachement aux données

Partage éthique des droits intellectuels

Sécurité

Protection & confidentialité

Anticiper les risques : cybersécurité & abus

Dignité

Autonomisation : un consentement libre, éclairé & continu

Inciter aux changements des pratiques par un lien de confiance

Imputabilité

Utilisation urgente & risque de tort

Favoriser un arbitrage éthique entre accès & protection des données

Proportionnalité

Mobilisation des connaissances & partage des retombées

Valorisation éthique & stratégique des données pour améliorer la santé

Équité

Financements appropriés, investissements justifiés

Allocation éthique & stratégique des ressources

53L’inspection formelle peut être déléguée si le critère d’évaluation est construit en amont par le collectif, puis remis en question en aval. Ces remises en question doivent être introspectives (par le collectif), mais pas seulement. Si la formalisation d’un terrain d’entente et l’application de ses principes sont du ressort du collectif – ainsi que de son organe et de son régime de gouvernance –, les conseils scientifiques ou un regard externe peuvent devenir structurants pour répondre à des questions de fond, notamment en termes méthodologiques. En effet, c’est parfois à l’arrivée d’un participant externe (ou par une prise de recul) que l’on réussit finalement à s’entendre. Ainsi, une éthique collective acquiert l’agilité adaptative suffisante lorsque son cadre réussit à articuler des retours d’expérience (locaux) et des conseils plus généraux.

Septième étape : Poser l’ingénierie de la gouvernance

54La gouvernance implique un travail conceptuel – qui ne doit pas être masqué par les obligations, les tâches, les pressions quotidiennes de la gestion. Gouverner implique un processus de conception, d’institutionnalisation et de révision de la gouvernance en soi. Au nom d’une rigidité codifiée, standardisée et normalisée, la gouvernance ne doit pas perdre cette fonctionnalité pivot – le véhicule de dialogue (CAR collaborative, adaptative et réflexive) – qu’elle s’inscrive au sein des organisations et porte la mission d’une institution, et ainsi impose un certain nombre de préceptes, d’obligations et de normes, venant développer l’architecture d’une certaine conformité. Peu importe la nécessité d’un squelette formel rigide, la gouvernance doit toujours laisser place à un dialogue constructif, capable de coordonner l’assemblage des pièces plus informelles, mobiles et inhérentes à toutes organisations – posant ainsi la chair autour du squelette.

55Ainsi, la gouvernance doit servir à optimiser la coordination d’opérations décentralisées. Toutefois, elle doit conduire une recherche en continu et approfondie, remettant en question son cadre et la constitution du consensus. Le Tableau 3 donne des exemples d’axes pour conduire cette gouvernance et pose ainsi la motricité d’une éthique de la transition. Au moment de lancer un changement, les pensées stratégiques et éthiques doivent être adjointes. La pensée stratégique comprend l’ensemble des études visant à affiner la conception, l’opération et les productions du projet à la lumière de ces ressources. Cependant, adopter une vision prospective, projetant cette stratégie dans le scénario de son changement, est nécessaire pour anticiper les problèmes. Plus encore, la pensée éthique permet d’en critiquer sa motricité, sa fonctionnalité et sa prospectivité pour consolider une résilience organisationnelle. Elle permet ainsi de prévenir des crises et de renforcer le lien de confiance malgré l’incertitude inhérente à un processus de changement.

Tableau 3. Exemple d’un cadre de transition pour coordonner le développement de la gouvernance d’un programme en temps de crise

Planifier le changement

Développement en phase

Développement planifié

Développement adaptatif

Culture de changement

Principe de transition

Principe de collaboration

Principe de progression

Éthique dès la conception

Structure appuyant ce changement

Opération : un comité stratégique

Collaboration : un comité multisectoriel

Direction : un conseil d’administration

Éthique : un conseil d’orientation

Tiré de Boudreau LeBlanc et al., 2021

Huitième étape : Proposer un terrain d’entente

56Les sciences de la gestion demeurent associées à une technique managériale mécanique (Mitchell, Lemon et Lambrechts, 2020), bien que les nouvelles perspectives avancées – complexes, systémiques, apprenantes – enracinent la négociation dans de nouvelles théories de travail, mobilisant les sciences sociales et l’éthique, car en pratique :

[…] les interventions visant à la résolution du conflit [ne sont pas ponctuelles, linéaires et directes, mais elles] sont multiples, complexes, généralement plus indirectes et souvent plus ambiguës. En tout état de cause, elles ne peuvent pas se ramener à une formule de résolution, la médiation, que l’on plaquerait sur une situation (Mermet, 2019 : 15).

57Intégrer, dès la conception des programmes politiques, la pensée stratégique et éthique fonde cette nouvelle perspective que Callon et ses collègues (2001 : 324-275) associent à la responsabilité et au principe de précaution. Au lieu d’un arbitrage polarisant – par exemple, être en faveur ou en défaveur de l’adoption technologique –, cette précaution s’opérationnalise en ouvrant un espace à la pensée critique bien en amont. Cette espace nécessite une préparation du terrain posant le socle à un document martyr archivant les conditions initiales, le scénario du changement et la manière de construire cette position collective.

58Sous cette perspective, l’entente de principe est portée par ce document martyr mettant en valeur la pensée stratégique, éthique et méthodologique. L’Encadré 1 pose le substrat directeur qui a guidé sa rédaction dans le cas québécois. L’entente guide le développement d’une orientation rigoureuse, stabilisant les « règles du jeu », malgré la succession des porteurs de dossier, des projets, des budgets et des programmes. Cette stabilisation du leadership, même dans une initiative collective, est la clé de sa continuité. L’entente ne complète pas le processus : elle doit porter les rudiments justificatifs nécessaires pour remettre en question la logique, les prémisses et la valeur des principes. Toutefois, le document martyr doit s’officialiser en une entente-cadre afin d’être porteur de changement (et être mis à l’essai à l’étape suivante). Il doit donc être délibéré avec les parties prenantes. Cependant, cette délibération doit se concentrer sur les manières d’opérer ces principes (Boudreau LeBlanc et al., 2022b).

Encadré 1. Ligne directrice de rédaction du véhicule de l’Entente de principe (Tiré de l’étude Boudreau LeBlanc et al., 2022a)

1 - Identifier l’objet de la problématisation

  • Énonciation du projet de changement en une terminologie qui fait consensus

Exemple : le titre, ici Entente de principe pour un partage responsable des données en santé animale, doit donner l’orientation prise par le collectif d’acteurs, c’est-à-dire l’effet désiré à la suite du changement et le cercle d’acteurs portant ce changement.

  • Explication du projet dans son ensemble

A fortiori fonder cette explication sur un processus de coconstruction et de schématisation de la théorie du changement proposé, comme l’illustre la Figure 2, posant une orientation et ses frontières.

  • Détailler les éléments de terminologie qui ont été négociés

Le diable est dans les détails. Les mots encapsulent des positions portées par certains, mais pas par d’autres, et ces positions peuvent incarner des dynamiques de pouvoir non souhaitées et non négligeables. Faites preuve de transparence sur vos prémisses.

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2 - Synthèse des préoccupations

  • Articuler les préoccupations en thématiques

Exemple : le Tableau 1

  • Définir les thématiques

A fortiori les définitions formelles visent à attirer les expertises pertinentes (et factuellement à recruter des experts) pour apporter des pistes alternatives et répondre à ces préoccupations. Si ces définitions doivent être concises, nettes et accessibles, elles ne doivent pas réduire la précision du propos afférent à la préoccupation.

  • Décliner ces regroupements en sous-thèmes reflétant les réalités pratiques

Exemple : le Tableau 2 vise ultimement à décliner des critères d’évaluation, des seuils de tolérance, des indicateurs de suivi, des activités de changement et des mesures d’encadrement.

  • Incarner ces sous-thèmes en vignettes illustrant sensiblement la préoccupation

A fortiori les vignettes visent à transmettre le message de fond de la préoccupation sans corruption par des formalités linguistiques ou conceptuelles. La visée ici est de rendre le propos accessible.

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3 - Prise de position collective

  • Axe – Catégoriser les principes pour reconnaître des ensembles sous-jacents

Exemple : les types de principes axés sur le contexte (construction des capacités ou résilience) vs l’objet du changement (partage des responsabilités, imputabilité ou contrôle).

  • Orientation – Énonciation des principes en termes concis et non alambiqués

A fortiori mentionner l’objet (le « sur quoi » du principe), le protagoniste (le « qui » devra agir), l’effet (le « pourquoi » et « pour qui »).

  • Explication – Définir les énoncés pour favoriser l’évaluation de leur crédibilité

A fortiori considérer des publics experts (épidémiologique, politique, juridique, éthique, etc.) et humains (c.-à-d. les personnes concernées, impliquées et touchées).

  • Démonstration – Incarner ces explications en vignettes illustrant les principes

A fortiori les vignettes visent à transmettre le message de fond de l’effet du principe sans corruption par des formalités linguistiques ou conceptuelles. La visée est de rendre le propos accessible.

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4 - Clarifier le Leadership

  • Définir le cercle de la responsabilité et le rôle du leader de l’initiative

Exemple : le leader de la mise en œuvre du monitorage sera responsable de la maintenance du système d’échange de données, mais pas forcément des informations issues du système de surveillance qui en découlera, ni de l’application des politiques et des règlements relatifs à l’utilisation des antibiotiques.

  • Nommer l’opérateur coordonnant l’initiative et opérant l’entente

A fortiori choisir un acteur crédible parmi/pour les parties prenantes (voir le point suivant) et ayant la compétence, l’intérêt et les ressources pour s’acquitter de cette position stratégique, ainsi que pour proposer, communiquer, voire coconstruire son plan d’action et de coordination.

  • Expliciter les financements et les bailleurs de fonds de l’initiative

A fortiori noter les financements à l’initiative et les engagements de financement en matière de maintenance du projet. Pour en arriver à clarifier cette position, le leader doit prévoir un processus de concertation et de négociation.

  • Expliciter les mécanismes de gestion des conflits

Exemple : le Tableau 3 et ces mécanismes peuvent venir avec des conditions initiales quant à des sources de financement non recevables pour appuyer l’initiative.

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5 - Mosaïque des alliés

  • Types d’acteurs à recruter

A fortiori définir les catégories d’acteurs (les chaises) qui doivent être autour de la table de concertation afin d’avancer, de réviser et de signer l’entente de principe.

  • Signataires impactés

A fortiori matérialiser le collectif d’acteurs, conscients des défis qu’entraînera ce changement, et étant préoccupés de leur situation à venir qui donne une force démocratique à l’entente.

  • Signataires responsables

A fortiori clarifier le partage des rôles et des responsabilités, ainsi que les sources d’impacts et de pouvoirs dans le système en changement afin de rendre visibles les leviers d’action.

Note : La structure en cinq points devrait se présenter en un document de cinq pages ou cinq sections. Adjoint à ce document devrait se trouver un forum de discussion ouvert, venant dynamiser le collectif qui donne vie à cette entente, et une durée d’application de ces termes, y compris une démarche itérative de révision des principes, du consensus et de l’entente.

59Cette philosophie de la gestion se maille aux perspectives de l’éthique de l’environnement et de la soutenabilité transformant le concept de la négociation en un cycle adaptatif où les protagonistes ne sont pas seulement humains. Cette nouvelle conception prend en compte la complexité des ensembles où les parties coévoluent. Le leader doit alors savoir comment « décider sans trancher », comme le soulignent Michel Callon et Yannick Barthe (2005) en systématisant des contre- pouvoirs, validations, traductions : ils nomment ceci la « démocratie dialogique ». Ce dialogue entre amont et aval conduit en collectif élève la perspective de la gestion à l’échelle des sociétés, puis de son environnement, en posant en dialogue la source du changement en amont, et son effet en aval.

Neuvième étape : Mettre à l’essai

60Le défi de l’équipe ayant le leadership de l’initiative et des experts en éthique est de renouveler les principes de l’entente à la lumière de l’expérience vécue des parties prenantes, puis sur la base d’un conseil scientifique, voire d’avis externes critiques et constructifs en rapport à la valeur de leur application. Cette valeur peut prendre la forme d’une étude de faisabilité, posant un regard logistique et économique sur l’opération et la production. Toutefois, en élargissant le cercle de parties impliquées dans cette étude, la faisabilité peut transiter vers des considérants plus larges, venant à susciter l’acceptabilité et produire une initiative soutenable.

61En éthique des données, ces réflexions élargies font échos au cadre développé par Ann Cavoukian, ancienne commissaire de l’Ontario en matière d’information et de confidentialité, de la Protection dès la conception des programmes (2010). Cette éthique gagne à se construire sur un socle solide de valeurs donnant le sens à l’idée de cette protection. Ces valeurs peuvent être juridiques ou éthiques. Un exemple notable est la Charte Privacy & Security Principles for Farm Data (novembre 2014) ou encore la Certification Ag Data Transparent désormais fournie en France (Royer et al., 2020). Ces cas aident à transposer les principes de l’entente dans un scénario plausible pour le collectif concerné. Ces scénarios facilitent la projection des parties prenantes dans le changement et anticipent la transformation des règles du jeu. Ces projections posent ainsi une base – tantôt stratégique, tantôt éthique – clarifiant le mode transitoire de gouvernance nécessaire pour dénouer les enjeux anticipés, par exemple, les impasses concernant la propriété intellectuelle et les conditions d’accès aux données (Scassa, 2018, 2019).

Dixième étape : Apprendre des tours d’itération

62Ces innovations méthodologiques seront nécessaires pour aborder les nouvelles réalités émergeant de l’intelligence artificielle (IA). L’intégration de l’IA à la présente problématique se voit, dès lors, d’autant plus complexifiée depuis l’apparition des outils similaires ou dérivés de ChatGPT. Conséquemment, la mise à l’essai d’une entente de principe, ainsi adoptée par un collectif, signifie amorcer de nouveau la préparation du terrain, car la négociation sociale se poursuit, toujours en relation avec le contexte.

63L’IA, par exemple, intègre la problématique comme piste de solution pour traiter les données de monitorage. Cependant, cette automatisation massive impose un nouveau problème. Ce changement de condition impose de nouvelles balises, limites et cadrage de la situation, allant de la mesure à l’information alimentant la surveillance et le soin animal. L’incertitude continue à planer même après s’être entendue : c’est l’une des réalités de la complexité. Dès que l’algorithme acquerra de nouvelles capacités, il dépassera les termes négociés.

64L’université a un rôle à jouer dans la réalisation de ce type d’entente modélisant la gouvernance comme un processus d’investigation continue à la recherche d’un consensus. Ainsi, le chercheur prend une place prépondérante dans ce scénario, comme l’a souligné le cas présenté ici d’un monitorage de l’utilisation des antibiotiques en santé animale au Québec. Les éthiciens ont leur place à titre de professionnels et de discipline. Leur discipline doit avancer les rudiments philosophiques, méthodologiques et pratiques aidant à la prise de conscience des conditions initiales contextuelles et ainsi répondre au défi d’adaptation et d’apprentissage auxquels les cycles de gestion sont confrontés. L’éthicien, quant à lui, doit aider à poser le socle de ces discussions, avant que les connaissances soient intégrées en normes et que leur sens ainsi que leur application soient négociés. Il doit être porteur d’une nouvelle sorte de méthodes éthico-stratégiques venant avancer le modèle de la gouvernance.

Conclusion

65Cet article situe la place, le rôle et l’apport des analyses éthiques dans le processus de recherche et de délibération des négociations, ainsi que la valeur de l’éthique pour préparer le terrain à la décision publique. Il démontre que les analyses stratégiques, tactiques et logistiques se concentrant sur les bénéfices et les risques ne sont que la pointe de l’iceberg des interventions en santé, car ces négociations reposent aussi sur des analyses éthiques. La notion d’entente de principes avancée ici dépasse la signification formelle balisée dans le contexte de l’administration publique et juridique québécoise et tombant dans la même famille que les conventions collectives : nous avons parlé de l’importance de poser un terrain d’entente qui, par les principes y étant soulignés, vient susciter un consensus collectif pouvant faire force de convention. Une bonne entente – à titre d’éthique de transition – doit faire la lumière sur les raisons du changement et ainsi approfondir la dimension anthropologique pour préciser le sens du plan stratégique de développement qui justifie le cadre de la gouvernance.

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Notes

1 Boudreau LeBlanc et al. (2023) démontrent conceptuellement la valeur d’un véhicule de dialogue étant collaboratif, adaptatif et réflexif (en anglais, The Dialogue CAR).

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Table des illustrations

Titre Figure . Dynamique d’une éthique de la transition
URL http://journals.openedition.org/ethiquepublique/docannexe/image/9304/img-1.png
Fichier image/png, 87k
Titre Figure 2. Exemple de distribution des missions institutionnelles : le cas des parties prenantes en santé animale au Québec
Crédits Tiré de l’étude Boudreau LeBlanc et al., 2023
URL http://journals.openedition.org/ethiquepublique/docannexe/image/9304/img-2.png
Fichier image/png, 167k
Titre Figure 3. Exemple de carte conceptuelle pour tracer un cycle de vie (source / produit) optimal pour les données
Crédits Tiré de l’étude DesCôteaux et al., 2021
URL http://journals.openedition.org/ethiquepublique/docannexe/image/9304/img-3.png
Fichier image/png, 188k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Antoine Boudreau LeBlanc, « S’entendre pour surmonter la crise des antimicrobiens en santé animale – Une éthique des transitions »Éthique publique [En ligne], vol. 26, n° 2 | 2024, mis en ligne le 19 avril 2025, consulté le 23 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/ethiquepublique/9304 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13s4o

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Auteur

Antoine Boudreau LeBlanc

Antoine Boudreau LeBlanc, Ph. D. en bioéthique, s’intéresse à la transposition des théories biologiques (écologie et évolution) aux environnements organisationnels, y compris les environnements numériques, les ressources en données et la sophistication des mécanismes de circulation de l’information résultant de l’intelligence artificielle (IA) et des écosystèmes d’innovation. Après des études en philosophie, en biologie, en écologie du paysage et en socioéthique, il a récemment terminé une résidence scientifique postdoctorale au ministère de la Cybersécurité et des Technologies numériques du Québec sur l’opérationnalisation de la gouvernance éthique dans l’IA. Il mène actuellement une recherche postdoctorale à l’Université McGill (IVADO) sur le même sujet, cette fois appliquée aux neurosciences et à la santé mentale dans un contexte clinique et urbain, en collaboration avec la Chaire One Urban Health (UMontréal) et le Centre de recherche en réglementation, droit et gouvernance (USherbrooke). Parallèlement, il participe à l’élaboration de la recommandation de l’UNESCO sur l’éthique des neurotechnologies. Il est responsable du cours Éthique, santé et mégadonnées à l’Université de Montréal depuis 2020 et est éditeur à la Revue canadienne de bioéthique.

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