Chapitre III. Raisons de la sédentarisation des troupes à la fin du siècle
Résumés
Si Bruxelles possède l’un des plus beaux théâtres d’Europe depuis la construction du Théâtre de la Monnaie entamée en 1695, ce n’est qu’à la fin des années 1720 que le spectacle reprend vigueur et que la fréquentation des salles commence à s’accroître. Le théâtre devient progressivement un droit pour la classe moyenne. Les comédiens quittant la cour s’implantent dans les villes et y jouent les dernières pièces à la mode de Paris. Le répertoire se diversifie. L’entreprise théâtrale se professionnalise et on assiste à l’engagement de talents capables d’assumer des rôles très différents. Le transport des costumes et des décors devient plus compliqué. Par ailleurs, les municipalités décident de construire des salles de spectacle dignes de la réputation qu’elles veulent soutenir et qui assurent le confort de spectateurs de plus en plus nombreux. Les édiles décident de confier leur salle à une troupe pour une durée plus longue qu’une saison, si bien que les troupes se sédentarisent et les comédiens postulent au gré des emplois vacants. La circulation des troupes fait place à celle des personnes.
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Mots-clés :
XVIIIe siècle, comédien, troupe de théâtre, histoire du théâtre, salle de spectacle, conditions socialesKeywords:
18th century, actor, theatre company, history of theatre, performance venue, social conditionsPlan
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1Bruxelles possède, depuis sa construction à partir de 1695, l’un des plus beaux théâtres d’Europe, tous les chroniqueurs s’entendent à le reconnaître. Mais plusieurs facteurs en ont fait aussi, durant un demi-siècle, l’un des plus beaux écrins vides, déserté par le public, fui par les directeurs endettés. Seul le prestige dont jouissaient la ville et le bâtiment ont attiré de nouvelles troupes qui, l’une après l’autre, ont tenté de relever le défi. Un texte de 1763 résume bien la situation dans laquelle survivait vaille que vaille le Grand Théâtre, jusqu’à l’arrivée de Charles de Lorraine et la prise en main de la gestion par D’Hannetaire :
- 1 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. III, p. 84.
[Le Théâtre] de la Monnoie n’est parvenu que par degrés à la perfection où il est aujourd’hui ; il fut longtems fermé & longtems désert. La pluspart des entrepreneurs terminaient leur direction par faire banqueroute. Peu de conduite, la salle qu’il fallait louer fort cher, d’autres fraix considérables, & sur tout le petit nombre des spectateurs, les mettaient dans l’impossibilité de se soutenir1.
- 2 Il en va ainsi des Nymphes de Diane, opéra-comique de Favart représenté pour la première fois à Bru (...)
2Bruxelles ne semble pas avoir échappé entièrement à la léthargie théâtrale – voire à la décadence – que Fuchs a constatée en France sous la régence de Philippe d’Orléans et qui se poursuit au début du règne de Louis XV. Le regain d’activité qui s’opère à la fin des années 1720, parfois plus tard, touche aussi le Grand Théâtre et, même si les directeurs se succèdent à un rythme soutenu, le spectacle reprend vigueur. L’arrivée de Favart à la tête d’une troupe brillante convainc le public de venir découvrir ce qui se fait de mieux à Paris et même d’applaudir en primeur les nouvelles productions du directeur2. Tant au sein des troupes que parmi le public, une plus grande stabilité s’installe et la fréquentation va croître sensiblement durant toute la seconde moitié du siècle.
3Le théâtre est le privilège des riches et des puissants ; il va devenir, au cours d’un lent processus, un droit pour la classe moyenne. Quittant la cour et les obscurs jeux de paume, les comédiens s’implantent au cœur des villes, ils attirent la foule et jouent les dernières pièces à la mode de Paris. La « théâtromanie » grandissante gagne toutes les couches de la population : même les plus défavorisés se pressent aux spectacles des foires et des boulevards, devant les tréteaux des places publiques, aux parterres des théâtres. Le répertoire se diversifie : grandes tragédies, comédies, arlequinades, opéras-comiques et, bientôt, drames bourgeois dépeignent, parodient ou imitent le quotidien, les sentiments, les relations sociales.
4L’entreprise théâtrale elle-même s’en voit profondément modifiée et se professionnalise au fil du temps : pour jouer ce large répertoire qui recourt à des pièces de genres très différents, la troupe est obligée de s’étoffer et de compter quelques talents sûrs, quitte à les payer davantage. Le directeur gère une entreprise de plus en plus importante, mais la fortune reste hasardeuse. Les distances parcourues d’une ville à l’autre coûtent par conséquent beaucoup plus cher au directeur et le transport des décors et des costumes ne peut plus se faire dans de simples malles, tant ils sont devenus volumineux.
5La « théâtromanie » produit encore d’autres effets, plus visibles ceux-là : les municipalités se convainquent qu’elles doivent ériger des bâtiments dignes de la réputation qu’elles veulent soutenir. Elles font construire des salles de spectacle plus vastes, plus confortables, à l’acoustique et à la vision meilleures, permettant à un public de plus en plus nombreux d’assister aux représentations dans de bonnes conditions, et non plus dans des salles de fortune qui tombent en ruines. Progressivement, le théâtre occupe une place centrale dans la ville et, de bâtisse enserrée dans le tissu urbain, il devient un édifice public. Les édiles ont bientôt conscience qu’un lieu permanent doit être habité en permanence. Ils se mettent donc en quête d’une troupe digne d’occuper leur théâtre, pour une durée plus longue qu’une foire ou un été.
6Dans la seconde moitié du siècle, on assiste, un peu partout dans le « domaine français », à un processus de sédentarisation des troupes. Jusque-là, l’entrepreneur et sa troupe se déplaçaient de ville en ville, de manière saisonnière ou au hasard des itinéraires empruntés ; maintenant, le directeur reçoit un théâtre en gestion et les comédiens postulent au gré des emplois vacants. La circulation des troupes fait place à celle des individus.
7Nous allons examiner point par point les raisons et les conséquences de cette « théâtromanie ».
Le public : son goût croissant pour le théâtre
- 3 H. Lagrave, Le Théâtre et le public à Paris de 1715 à 1750, Paris, Klincksieck, 1972.
- 4 J. Duvignaud, Sociologie du théâtre, op. cit., p. 50.
8La fréquentation publique des théâtres parisiens au xviiie siècle est l’objet d’une imposante étude d’Henri Lagrave3. L’auteur y analyse la population sociale qui se rend au théâtre, les données économiques liées au coût des représentations et au prix des entrées, les genres de pièces figurant au répertoire courant. Cette étude sociographique n’aborde cependant pas ou peu les motivations qui déterminent une population donnée à se rendre au théâtre. La configuration générale d’un public est intimement liée à ce que Duvignaud nomme son « attente ». Pourquoi un spectateur se reconnaît-il dans une œuvre qui lui est donnée à voir, pourquoi une œuvre fonctionne-t-elle comme un modèle à un moment donné ou de manière universelle ? Cette attente, dit Duvignaud, « est malaisée à définir parce qu’elle implique tantôt une attente paresseuse qui cherche un assouvissement immédiat, un divertissement […], et tantôt une attente implicite, mal définie qui, à la suite d’un choc émotionnel, reconnaît dans une œuvre une figure qui répond à ses intentions les moins extériorisées »4.
9Si, pour l’époque contemporaine, de nombreuses sources peuvent nous venir en aide pour analyser cette « attente », il n’en va pas de même pour le xviiie siècle où ni la critique, ni les récits de voyageurs et de spectateurs, ni les intentions exprimées par un auteur ne nous permettent de reconstituer précisément la gamme des « attitudes » du spectateur face aux productions dramatiques de son temps. Afin de cerner au plus près le profil du « théâtromane », nous ne disposons que d’informations éparses, dans le temps et dans l’espace, dont on doit se garder de tirer des généralités. Certains indices, certaines descriptions nous aident toutefois à imaginer le comportement du public lors des représentations et l’atmosphère qui doit régner au théâtre.
Le comportement du public
- 5 Charles de Lorraine, l’impératrice Marie-Thérèse, son époux François II et l’empereur Joseph II.
- 6 La Gazette des Pays-Bas relate à plusieurs reprises des soirées semblables. Voir aussi E. Hennaut e (...)
10Divertissement de la cour et de la classe bourgeoise ou délassement de militaires en garnison, le théâtre est le lieu de tous les débats. Le brouhaha qui se répand au parterre et les badineries des loges en témoignent : le public est indiscipliné mais fidèle. Et s’il vient en nombre aux représentations ordinaires, la présence du gouverneur ou d’un seigneur étranger le fait accourir en masse et remplir les 1 200 à 1 300 places du Grand Théâtre. Les anniversaires et les fêtes patronales (saint Charles, sainte Thérèse, saint François, saint Joseph5), les victoires militaires et les visites de personnalités étrangères (princes, ambassadeurs et ministres) sont prétextes à réjouissances au Théâtre de la Monnaie ; après la représentation de comédie, on dresse la salle de bal par-dessus la scène et le parterre et le public danse jusqu’aux petites heures du matin6.
- 7 J.-K.-C. von Zinzendorf, Journal, Bruxelles, Hayez, 1991, p. 51, 80 et 102.
11Dans les loges, le va-et-vient est incessant. Le 1er janvier 1767, le comte von Zinzendorf assiste à une représentation de La Partie de chasse d’Henri IV : « J’entendis le premier acte chez Mlle Cardos, le second chez Mme d’Audenarde, le troisième dans la loge du Duc d’Arenberg, où était Mme Loccart. » À la date du 13 juin 1767, il écrit : « Pendant qu’on jouait Les Sabots, j’allais voir Mmes de Merode et de Ligne » ; ou encore, le 4 juillet 1769 : « Je vis jouer Les Précieuses ridicules de la loge de Madame d’Arenberg qui sortit avant le ballet pour engager Madame de Merode à souper chez elle. »7 On pourrait multiplier ces exemples à l’infini tant les mouvements sont constants parmi les spectateurs.
- 8 M. Galand, « Relations et liens financiers entre le gouvernement et le Théâtre de la Monnaie », in (...)
12Charles de Lorraine, indéfectible mécène du Grand Théâtre, assiste au spectacle plusieurs fois par semaine. Lorsqu’il arrive à Bruxelles en 1744, il poursuit la tradition inaugurée par la gouvernante Marie-Élisabeth. En guise d’abonnement, il paie, sur les deniers de l’État, la location d’une loge à l’année puis, devant les difficultés financières que rencontrent les entrepreneurs successifs, il en vient à verser le loyer du théâtre aux propriétaires. Le prince accorde encore d’autres indemnités aux directeurs, notamment pour l’organisation des bals gratis ; ses largesses profitent aussi à certains comédiens renommés, de passage à Bruxelles, qu’il récompense personnellement par une boîte en or, une médaille, une bague et d’autres cadeaux précieux8.
- 9 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Voir le texte complet dans Faber, op. cit., t. IV, p. 52.
13Progressivement, la qualité des spectacles s’améliore et, avec elle, la fréquentation du Grand Théâtre augmente. Dès cinq heures du soir (le spectacle commence habituellement à six heures), les rues avoisinantes se remplissent de calèches circulant en tous sens, et la confusion reprend à l’issue de la représentation, vers neuf heures. Afin de « prévenir les accidens et les malheurs qui peuvent arriver par le grand nombre de voitures qui se présente à la fois et de différens côtés, tant à l’entrée qu’à la sortie du spectacle », on promulgue, en 1769, un règlement relatif à la circulation des voitures autour du théâtre. Les fiacres doivent arriver par la rue du « Trou de la Monnaie » et repartir par le « Gracht », la rue des Augustins ou la rue Neuve. Pour venir rechercher leurs occupants après le spectacle, les cochers doivent faire le chemin en sens inverse. Pendant la représentation, les fiacres ne peuvent se tenir sur la place de la Monnaie : ils doivent stationner sur le « Gracht », les uns derrière les autres9.
- 10 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1478. Voir le texte complet dans Faber, op. cit., t. IV, p. (...)
14À l’intérieur du théâtre, la turbulence du public et l’indiscipline des acteurs conduisent le Tribunal aulique à édicter une réglementation de plus en plus sévère. En 1764 d’abord, on publie un règlement relatif à l’assiduité des comédiens aux répétitions. Lecture des pièces au foyer, répétition quotidienne à onze heures, amende en cas d’absence : le texte est une première ébauche d’un règlement plus complet qui verra le jour en 1778. C’est que le désordre règne dans la salle et sur la scène, celle-ci ayant accueilli, jusqu’en 1763 semble-t-il, des spectateurs disposés sur les côtés10.
- 11 V. Fournel, Curiosités théâtrales, Paris, Adolphe Delahays, 1859, p. 149 et 162 ; R. Van der Hoeven(...)
15Le public s’interpelle d’une loge à l’autre, s’invective, apostrophe les acteurs, les siffle même. Et lorsque le sifflet est interdit, les bruits de pieds et de cannes, les éternuements, toux et mouchages sonores y suppléent aisément. Pour prévenir les sifflets, la « claque » s’organise en véritable corporation, avec ses chefs et ses lieutenants qui entrent gratis au théâtre. Moins structurée et plus discrète qu’à Paris, la claque survivra cependant au Théâtre de la Monnaie jusqu’en 188411.
16On a conservé, à la Bibliothèque de l’Université de Gand, le témoignage d’un spectateur déclarant en 1783 qu’il a sifflé la première chanteuse, Mlle Lebrun, « pour qu’elle se taise ». Ou encore cette lettre anonyme, concernant probablement la même personne, dans laquelle le chef de la claque rend compte d’une représentation. La chanteuse, ayant ignoré les conseils de l’auteur, s’est exposée « à l’impétuosité de la Cabale ». L’épistolier ajoute :
- 12 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14.
J’ai beaucoup craint pour elle, et je crois que si je ne m’étois pas mis au parquet elle auroit succombée, elle le meritoit bien, mais graces à mes soins, elle a été aplaudie, j’en ai encore mal aux deux mains.12
- 13 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Reproduit par F. Faber, op. cit., t. I, p. 245.
17L’indiscipline du public est sévèrement pointée du doigt par D’Hannetaire, l’un des directeurs associés, qui écrit en 1770 : « Bruxelles est sans contredit la seule ville au monde où il y ait le moins de police à cet égard ; ce dont tout le monde, et surtout les étrangers, se plaignent généralement. » Il ajoute : « [Y] a-t-il rien de plus désagréable et de plus décourageant pour un acteur, qui a quelques talens, que de s’égosiller en pure perte vis-à-vis d’une assemblée tumultueuse qui ne l’écoute pas. »13
18Cette observation impitoyable est confirmée, bien que de manière tempérée, par un observateur français anonyme, qui note en 1774 :
- 14 Essais sur l’étude du comédien, s.l., 1774, p. 5-7.
En général le Spectacle de Bruxelles est très-fréquenté. Un Prince universellement chéri, & dont tous les momens sont marqués par la bienfaisance, y vient avec assez d’exactitude encourager & applaudir les talens. La Noblesse paraît s’en faire une sorte d’occupation. Elle juge avec justesse ; elle observe sur-tout un silence modeste & décent.
Le reste des Spectateurs forme un bizarre assemblage. Quelques loges sont retenues par des gens devenus riches tout d’un coup, qui, portant avec eux leur étonnement & leur gaucherie, semblent bouffis de l’encens que certaines personnes rendent à leur magnificence. Ils viennent au Spectacle par désœuvrement, admirent principalement les Décorations, applaudissent avec violence à l’unisson du Parterre qui donne le signal, causent fort haut & en chœur avec les allans & venans qui visitent leurs loges, & s’en retournent enchantés d’avoir attrapé neuf heures du soir.
Le Parterre est rempli de gens de tous états. Mais parmi la confusion, on les distingue aisément au maintien. Il y a peu de Négocians. Ils préferent les Estaminettes au Spectacle. C’est là qu’ils se réunissent & font leurs affaires le verre à la main. Le Parterre est donc composé de quelques Etrangers, des jeunes gens de la ville, de nombre d’Officiers & de Marchandes amoureuses.
J’ai été choqué du tumulte qui y regnait & qu’augmentaient encore deux loges destinées aux Comédiennes, autour desquelles s’attroupent de jeunes évaporés qui jouent les importans, sollicitent une œillade, chuchotent à demi-voix, singent les Seigneurs & se donnent en public des ridicules que malheureusement la fatuité de notre siecle range au nombre des qualités sémillantes. Les Actrices oisives se prêtent complaisamment à ces indécences & en surchargent le tableau14.
- 15 L. Vallas, op. cit., p. 287.
19La description, peu à l’avantage du public du Grand Théâtre, correspond pourtant à l’atmosphère que connaissent la plupart des théâtres français, que ce soit à Paris ou en province. D’un côté un public de connaisseurs, plus ou moins attentif et silencieux, de l’autre – au parterre surtout – une jeunesse oisive, turbulente et bruyante. On mesurera l’ampleur du phénomène à l’ordonnance de police prise à Lyon en 1753, interdisant aux spectateurs de « traverser la scène pendant la représentation, de s’y arrêter hors de leurs places ou dans les coulisses pour embarrasser ou déranger les acteurs »15.
- 16 Rouen, Archives départementales 1 B 5533 (dossier « Théâtre du Havre »).
20Au Théâtre du Havre, Marie-Anne Folliot, veuve Lequin, est quant à elle désemparée par le comportement de ses comédiens. Deux mois à peine après le début de ses représentations, elle sollicite du lieutenant général du baillage la publication d’un règlement visant à rétablir l’ordre dans sa troupe. Les acteurs « affectent de s’introduire parmy les spectateurs dans le parterre, parquet, et aux secondes loges » ; quant aux actrices, elles « s’introduisent dans les secondes loges semblablement parmy les spectateurs et attirent une quantité de jeunes gens qui, par leurs conversations et leurs entretiens, troublent l’ordre du spectacle et font manquer les acteurs qui sont sur la scène ». Pour remédier à cette situation, la directrice soumet au lieutenant général un règlement en onze points qui sera adopté le 17 août 177916.
La presse et la critique
21Qu’il soit simple amateur ou « théâtromane », le spectateur demande à revoir non seulement les pièces qu’il aime, mais aussi les acteurs qu’il apprécie. Comment ne pas se sentir frustré lorsqu’un bon comédien, que l’on a applaudi durant des semaines ou des mois, quitte la ville avec la troupe nomade qu’il accompagne ? À l’exception de l’une ou l’autre saison, plus stable que les autres, nous avons vu que les troupes, au cours de la première moitié du siècle, ne restent guère longtemps dans la même ville. Lorsque D’Hannetaire reprend la direction du Grand Théâtre en 1755, la troupe qu’il reforme comprend quelques sujets chers au public. C’est aussi à partir de ce moment que les gazettes et chroniques commencent à s’intéresser au jeu des acteurs, à analyser leur voix, leur présence, leurs qualités et leurs défauts.
- 17 Le Littérateur Belgique du 24 juillet 1755, no XVI.
22Le Littérateur Belgique, qui paraît d’avril à août 1755, inaugure cette nouvelle forme de critique journalistique, inspirée du Mercure de France. Même si les commentaires sont souvent laconiques, le chroniqueur personnalise davantage son analyse que ne le fait la Gazette de Bruxelles, plutôt pompière dans ses éloges. Il en va ainsi du début de Georges-Louis Durosoy de Grandville (que l’on avait déjà vu à Bruxelles et qui avait été témoin au mariage de D’Hannetaire à Liège en 1745) : « Un nommé du Rosoir [Durosoy] Comédien de Bonn a débuté ici par le rôle d’Orosmane dans Zaïre : il a été goûté. »17
23Quelques années plus tard, les Annonces et avis divers des Pays-Bas reprennent le flambeau du Littérateur : outre les annonces de spectacles presque quotidiennes, le journal commente certains événements de la vie théâtrale – comme la mort de Mme D’Hannetaire, dans le numéro du 3 février 1761 – ou s’étend sur des soirées marquantes, comme la seconde représentation de La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro :
- 18 Annonces et avis divers des Pays-Bas autrichiens du 7 janvier 1785.
Il y a apparence que l’affluence ne sera pas moins grande qu’à la premiere. On ne peut disconvenir que cette piéce mérite les applaudissemens qu’elle a reçus ; mais s’il lui est dû des éloges, elle n’est cependant pas à l’abri de la critique. Tous les rôles n’ont pas été également bien remplis, & celui du juge sur-tout a généralement déplu : l’acteur qui l’a rendu n’en a nullement saisi le caractére, & au lieu d’un bégue plaisiant, il en a fait un personnage paralisé à un tel point qu’on ne pouvoit rien distinguer de ce qu’il disoit. On l’invite à y mettre plus de naturel & plus de simplicité. La scène n’a pas d’ailleurs toujours produit l’effet qu’on auroit desiré, & cela sans doute par le défaut des décorations qui appartiennent à ce spectacle, & qui n’étoient point encore achevées18.
- 19 Jean Denabre, dit Marignan, était né à Bordeaux le 9 janvier 1720, où il fit ses débuts, avant de p (...)
24La Gazette des Pays-Bas emboîte le pas et, à partir de la fin des années 1750, elle relate parfois longuement les représentations d’œuvres particulières ou les prestations de comédiens importants. Un long article commente la première représentation du Déguisement pastoral, opéra de Pierre Van Maldere donné le 12 décembre 1759 ; le 28 mai 1761, lors d’une représentation du Soldat magicien, opéra d’Anseaume et Philidor, le chroniqueur écrit : « Mr. Marignan19, qui fait l’ornement de [la] Troupe & les délices des Spectateurs, s’y est surpassé dans le principal rôle. »
- 20 Gazette des Pays-Bas des 17 mai 1762 (suppl.), 21 février 1765 et 21 janvier 1768 (suppl.).
25Un autre jour, c’est la demoiselle Dalilo qui « a fait encore preuve de ses talens dans un autre genre, en jouant avec gout & finesse le rôle de la Marquise dans la Surprise de l’Amour ». Michel Billion, dit Billioni, suscite encore les éloges du gazetier et « confirme la haute idée que nous avions déjà conçue de ses talens par la réputation qu’il s’étoit acquise sur la Scene Italienne à Paris ». C’est aussi le maître de ballet Pierre Saint-Léger et le maître de musique Louis Granier qui remportent des éloges pour la composition des danses et des airs, à l’occasion de la mascarade de la Tour de Babel20.
Le prix des places et des abonnements
26À Bruxelles, pas plus qu’ailleurs, point ou peu de spectateurs issus des classes « populaires », mais une dominante de bourgeois aisés et d’aristocrates. À l’exception d’une cinquantaine de loges d’abonnés, louées à l’année entre 100 et 900 florins, le spectateur paie par représentation 9 escalins (environ 3 florins) au parquet et au premier rang, 4 escalins et demi au second rang, 2 escalins au troisième rang et au parterre, un escalin à l’amphithéâtre. Des prix abordables pour un spectateur occasionnel, mais un budget mensuel non négligeable pour un amateur qui désire se rendre trois à quatre fois par semaine au théâtre.
- 21 M. Galand, op. cit., p. 120.
- 22 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 124. La recette des abonnements s’élèvera à 50 000 flor (...)
27Dès 1749, Charles de Lorraine verse un abonnement annuel de 6 000 florins aux entrepreneurs du Grand Théâtre. Cette somme, prélevée sur le subside que l’impératrice Marie-Thérèse alloue à l’entretien de la cour de Bruxelles, passe à 8 000 florins en 176321 et atteint 10 000 florins en 1773. Cette dernière année, les abonnements des loges rapportent aux entrepreneurs quelque 40 000 florins. La loge voisine du prince est occupée par le comte de Cruykenbourg et sa femme, le comte de Chanclos et sa femme, le marquis de Lede et M. de Blois ; plus loin, la loge de la cour « pour les Dames du Palais », celle de Milord Torrington, du duc de Saint-Albans, du prince de Ligne et de la comtesse de Merode, du baron van Weerde, du chevalier de Celles, de la duchesse d’Arenberg ; au balcon, la loge du prince de Gavre et celle de la duchesse d’Ursel22.
- 23 Représentation extraordinaire pour laquelle même les abonnés paient l’entrée.
- 24 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 119.
28Le 5 août 1772, on donne, « par abonnement suspendu »23 la première représentation d’Aline, reine de Golconde, opéra-ballet de Sedaine et Monsigny que Paris a applaudi en 1766. De passage à Bruxelles, Sophie Arnould, actrice renommée du Théâtre-Français de Paris, y tient le rôle principal. La recette du jour se monte à 3 088 escalins, soit 1 080 florins. 868 personnes assistent au spectacle, dont 382 ont pris place au parterre et 193 dans l’amphithéâtre. Les premiers, seconds et troisièmes rangs sont occupés par 101 personnes, tandis que 93 sont installées dans les loges24. Compte tenu du nombre de spectateurs et du montant de la recette, il s’agit d’un jour faste pour les directeurs.
- 25 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 123 ; AVB, Fonds ancien 621.
- 26 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 121.
- 27 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 123.
29En effet, les recettes paraissent extrêmement variables d’un jour à l’autre. Certains facteurs que nous ignorons entrent en ligne de compte dans ces variations – comme le temps qu’il fait ou l’opportunité de pratiquer d’autres activités le même jour –, mais il semble bien que le choix du public soit essentiellement guidé par le répertoire. Ainsi, le 18 février 1776, la représentation du Don Japhet d’Arménie de Scarron ne rapporte que 381 escalins, alors que le lendemain, celle de La Belle Arsène, pièce récente de Favart et Monsigny, génère une recette de 1 296 escalins25. Le 8 septembre 1773, on donne, par abonnement suspendu, Le Magnifique, de Sedaine et Grétry, suivi d’un grand ballet intitulé Le Port de Londres : la recette s’élève à 1 059 escalins (370 florins), dont un cinquième provient des loges, payantes ce jour-là26. Créé à Bruxelles dès juillet 1775, soit cinq mois après Paris, Le Barbier de Séville connaît un succès constant, mais les recettes ne semblent pas à la hauteur des espérances : elles varient entre 590 escalins (le 30 juin 1776) et 229 escalins (le 23 janvier 1777). En revanche, la première représentation des Mariages samnites de Durosoy, le 4 novembre 1776, rapporte 3 276 escalins (1 146 florins) par abonnement suspendu27.
30Les pièces nouvelles ont manifestement davantage de succès que le répertoire ancien et, parmi les nouveautés, les opéras-comiques occupent une place de choix. Le travail de prospection accompli à Paris par Louis Compain n’est sans doute pas étranger à cette situation et Vitzthumb, en musicien averti, met un point d’honneur à inscrire les œuvres les plus récentes à son répertoire, quelques mois à peine après leur création parisienne. Mais comparé aux recettes, si bonnes soient-elles, le coût de production de telles nouveautés est considérable et sera l’une des causes principales de la faillite de Vitzthumb.
Les livrets de pièces
31Depuis toujours, le public aime à suivre la pièce dans le texte. Des livrets de circonstance, imprimés à petit nombre, étaient déjà édités au xviie siècle à l’intention des princes et des seigneurs qui assistaient aux représentations. Cette pratique tend à se généraliser au siècle suivant, lorsque la bourgeoisie fréquente davantage le spectacle. Nos collections publiques ont conservé un nombre non négligeable de ces livrets imprimés à dessein.
- 28 Paris, Bibliothèque nationale et Bibliothèque de l’Arsenal.
32Établi en 1682 dans un vieil entrepôt, l’Opéra du Quai au Foin a vu la création de nombreuses œuvres lyriques du répertoire français, dont celles de Lully. Le compositeur et maître de musique de l’opéra, Pierre-Antoine Fiocco, baptise bientôt cette maison « Académie de musique », à l’instar de celle de Paris. Dès 1695, on imprime expressément le livret de la pièce, vraisemblablement distribué à petit nombre aux seigneurs et aux notables. La première œuvre imprimée pour l’Académie de musique est Amadis, opéra de Quinault et Lully représenté à Bruxelles le 20 janvier 1695, « pour l’heureux mariage de Leurs Altesses Electorales de Baviere », précédé d’un prologue de Fiocco28. On imprime encore Acis et Galatée, Atys et Phaéton (1695), Bellérophon (1696), Armide et Thésée (1697) et Les Saisons (1698).
- 29 AEB, Notariat général de Brabant 3398 (notaire Rasch), bail du 13 juin 1736 pour le comédien Dugazo (...)
33Lorsque le Théâtre de la Monnaie ouvre ses portes en 1700, il semble certain que Bombarda ait prévu une « boutique de livres » à l’intérieur de l’édifice, dans l’accès principal du parterre. Tout d’abord, le propriétaire se réserve le droit de vente et les bénéfices qui en découlent ; ce n’est qu’en 1736 que l’entrepreneur pourra faire vendre lui-même les livres et en tirer profit29. Durant cette période, on imprime encore, pour l’Académie de musique, Alceste, Issé et Roland (1706), Persée (1707), Armide (1708), Amadis (1709), Hésione (1710), Amadis de Grèce et Les Muses (1711), Thésée (1713), Le Carnaval et la Folie et Didon (1714), les Nouvelles Fêtes vénitiennes et Omphale (1715), Les Fêtes vénitiennes (1717), Pirithoüs (1725 et 1726), Les Amours de Vénus, Armide et Marthésie (1726).
34Au cours des quatre saisons qui suivent, les directeurs Peruzzi et Landi font imprimer une vingtaine de livrets en italien, parfois en texte bilingue italien et français, reprenant l’ensemble des créations qu’ils donnent au Grand Théâtre, en présence de l’archiduchesse Marie-Élisabeth. Par la suite, la production des livrets ralentit et ne reprend qu’après 1750, lorsque l’imprimeur Jean-Joseph Boucherie édite la plupart des pièces en vogue, soit expressément pour le Théâtre de la Monnaie, soit « suivant la copie de Paris ». Les livrets sont dorénavant diffusés plus largement, répondant par là à une demande croissante du public.
- 30 Sur Gerardi et les libraires du théâtre, voir M. Cornaz, L’Édition et la diffusion de la musique à (...)
- 31 Nos archives n’ont malheureusement conservé que très peu d’exemplaires de ces affichettes, qui sont (...)
35En 1767, les Comédiens associés autorisent un certain Gerardi, « étranger non admis dans le corps des libraires de la ville », à tenir boutique dans le théâtre30. Le gouvernement ne tarde pas à imposer sa censure et, deux ans plus tard, il accorde à Jean-Louis de Boubers le privilège de vendre exclusivement des pièces de théâtre. Dès lors, le public trouvera dans cette librairie les pièces du jour, ainsi qu’un assortiment complet du répertoire du Grand Théâtre. De Boubers imprimera également, pour le compte des directeurs, les affichettes que l’on placarde en ville pour annoncer la représentation du jour31.
Les acteurs renommés
- 32 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 2598-2601 (Journal secret de Charles de Lorraine). Voir M. G (...)
36Autre signe de l’intérêt croissant du public pour le théâtre, Bruxelles accueille de nombreux acteurs de passage, venant pour la plupart de Paris : Pierre-Louis Dubus, dit Préville, en 1769, 1773 et 1776 ; Jean-Claude-Gilles Colson, dit Bellecour, en 1769 ; Sophie Arnould en 1772 ; Jean Rival, dit Aufresne, en 1773 ; Françoise Saucerotte, dite Raucourt, en 177932. Dans le même temps, des acteurs débutants font leurs armes à Bruxelles, espérant que Paris les remarque un jour.
- 33 Nicolas-Joseph Billot de La Ferrière, dit Florence, était né à Léry, près des Andelys, le 4 mars 17 (...)
37Parmi les personnages les plus connus, citons Joseph-Jean-Baptiste Albouy, dit Dazincourt, engagé à Bruxelles en 1769 ou 1770, aux emplois de valets et de Crispins ; il quittera secrètement la ville au début d’avril 1777, ayant obtenu un contrat à la Comédie-Française. Jeanne-Françoise Thévenin, dite Devienne, débute sa carrière à Bruxelles en 1782 et est engagée à la Comédie-Française en 1785. Nicolas-Joseph Billot de La Ferrière, dit Florence, est engagé au Grand Théâtre en 1771, aux troisièmes rôles ; il débutera à la Comédie-Française en 177733. Rose-Françoise Carpentier, épouse Gontier, est engagée à Bruxelles en 1771 et débute au Théâtre-Italien en 1778. Jean-Baptiste Fauchard, dit Grandmesnil, commence sa carrière théâtrale à Bruxelles en 1769, après avoir exercé le métier d’avocat à Paris ; il débutera à la Comédie-Française en 1790. Jean Mauduit, dit Larive (fig. 8), joue au Grand Théâtre en 1772 et 1773 ; il sera admis à la Comédie-Française en 1775 et épousera Eugénie D’Hannetaire la même année. Antoine Auvray, dit Saint-Preux, joue à Bruxelles en 1768 et de 1776 à 1778 ; il débutera au Théâtre-Italien l’année suivante.
Fig. 9. La Foire de village, comédie-parade de l’abbé Pagès, musique de Vitzthumb, représentée à Bruxelles en 1786.

Gravure de Delarue, d’après Le Gros.
Collection particulière.
38Si les noms de ces comédiens nous sont devenus presque étrangers aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que Bruxelles leur a servi de tremplin pour une carrière qu’ils ont tous espérée brillante. L’ère Vitzthumb est en effet une période faste pour le Théâtre de la Monnaie et le directeur semble avoir le flair pour débusquer de futurs talents. Mais, destin obligé des théâtres de province, les bons acteurs s’y perfectionnent en ne rêvant que de la capitale française. Bruxelles ne fait pas exception à la règle.
L’entrepreneur : les raisons économiques de sa stabilisation
39L’entreprise théâtrale a évolué au cours du siècle et l’organisation de type coopératif a cédé le pas, un peu partout en Europe, à une organisation relevant davantage de l’entreprise économique. Nous l’avons vu au chapitre précédent, les comédiens en société partagent l’ensemble des responsabilités de leur entreprise et, devant la diversification du répertoire et la multiplication des rôles, il leur devient progressivement impossible de faire face eux-mêmes à la gestion quotidienne de la troupe.
40Les contraintes matérielles, mais aussi la professionnalisation croissante du travail d’acteur et l’exigence d’un public qui réclame les dernières nouveautés de Paris, ces éléments ont incité la plupart des troupes à rechercher une personne, parfois extérieure au métier, capable de conduire l’entreprise à la plus grande satisfaction de tous. Parmi la cinquantaine de directeurs qui ont défilé à la tête du Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, on dénombre plusieurs artistes, comme Fonpré, Bourgeois, Mlles Dimanche et Dujardin, Francisque, Dugazon, Ribon, D’Hannetaire, Favart, Leclair, Hus, Durancy, Gourville, Compain, Vitzthumb, Pin, Sophie Lothaire et Ribié. D’autres sont commerçants, comme D’Angelis, le banquier Meeus, le tapissier Bruseau de La Roche, les marchands de vin Ribou de Ricard et Herman Bultos, ou encore Jean-Baptiste Galler, marchand de papiers peints. Bien que leur négoce ne les empêche pas de monter, à l’occasion, sur les planches, ils pratiquent la comédie plus en dilettantes qu’en professionnels.
Le loyer du Grand Théâtre
41Les chefs de troupes qui n’ont pas d’autre activité rémunératrice font difficilement face aux frais de l’entreprise théâtrale. Le loyer du Grand Théâtre ne s’est pas modifié de manière très significative au cours du siècle, mais il a subi des variations, fussent-elles minimes, telles que les directeurs les moins solides y ont laissé leurs maigres économies. Le prix de location annuel était de 3 000 florins en 1702, il est passé à 4 450 florins en 1793. Au fil des baux, on enregistre de nombreuses variantes dans la perception du loyer : en 1722, par exemple, le propriétaire ne fixe pas de loyer annuel mais exige de Mlle Dimanche le paiement de 4 pistoles par représentation (environ 22 florins) ; en 1726, il établit à charge de Mlle Dujardin un forfait annuel de 750 pistoles (environ 4 000 florins), qui tombera à 600 pistoles (environ 3 300 florins) pour Joachim Landi en 1728. À partir de 1733, le loyer est porté à 4 000 florins, puis il descend à 3 000 en 1736 et repasse à 3 500 deux ans plus tard.
- 34 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473 ; Notariat général de Brabant 1, 795, 796, 1029, 17152, 33 (...)
42En 1744, Jean-Baptiste Grimaldi, dit Nicolini, doit verser aux propriétaires le sixième de la recette journalière et, l’année suivante, D’Hannetaire doit leur en verser le cinquième. Ce n’est qu’à partir de 1766, lorsque les Comédiens associés signent un bail de dix ans, que le loyer annuel se stabilise à 9 000 livres par an, soit environ 4 400 florins34.
- 35 [H.-A. Cahaisse], Mémoires de Dazincourt, Paris, Favre, 1810, p. 20.
43Seul D’Hannetaire semble avoir fait face aux difficultés économiques d’une entreprise théâtrale toujours hasardeuse, grâce à sa fortune personnelle que Dazincourt prétend s’élever à 80 000 livres. Cette rente, écrit-il, établit « nécessairement une différence entre lui et les autres comédiens, relativement au choix de sa société »35.
- 36 Grenoble, Archives municipales, GG 102 (paroisse Saint-Hugues-Saint-Jean). Liebrecht (Comédiens fra (...)
- 37 Liège, Archives de l’État, registre 149 (paroisse Saint-Georges).
44Jean-Nicolas Servandoni, dit D’Hannetaire, a été baptisé à Grenoble de 4 novembre 1718, né la veille de Jean-Nicolas « Servandon, dit Jerolamy »36, peintre, et de Marie-Josèphe Gravier, « se disant de Florence ». Le 17 février 1748, il épouse à Liège sa compagne Marguerite Antoinette Huet, dite Danicourt37.
- 38 AEB, Tribunaux auliques, liasse 2402.
- 39 Spectacle de Bruxelles, Bruxelles, J.-J. Boucherie, 1767, p. 62.
45Arrivé à Bruxelles dans le courant de l’année 1745, D’Hannetaire prend la direction du Théâtre de la Monnaie à la mi-octobre38 et débute comme comédien par le rôle-titre du Comte d’Essex de Thomas Corneille39.
- 40 Marie-Louise-Philippine Eugénie Servandoni, dite Eugénie D’Hannetaire, avait été baptisée à Bruxell (...)
- 41 AEB, Notariat général de Brabant 7568 (notaire Lindekens).
- 42 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. II, p. 116.
- 43 AEB, Notariat général de Brabant 8423 (notaire De Jonge).
- 44 AEB, Notariat général de Brabant 8858 et 8859 (notaire Van Cauwelaert).
46Bien en cour, D’Hannetaire fréquente Charles de Lorraine et le prince de Ligne, qui apprécie particulièrement la compagnie de ses deux filles Eugénie et Angélique40. Le 26 février 1759, D’Hannetaire acquiert la baronnie de Haren. Cela n’en fait pas pour autant un « baron », mais un « seigneur »41… S’il n’a jamais demandé ni obtenu le titre de baron, Chevrier le qualifie pourtant de « baron à brodequin »42. Son épouse meurt le 31 janvier 1761 et D’Hannetaire revend le domaine le 27 décembre 176543. Il possède également une maison à Chaillot, dont la vente du mobilier, en 1778, lui rapporte 32 500 livres44.
- 45 Bibliothèque royale de Belgique, VI 34.709 A et Faber 3570 (1re édition 1772), VI 20.438 A et Faber (...)
47Homme d’affaires éclairé, D’Hannetaire jouit d’un prestige énorme, tant comme comédien que directeur et même auteur : en 1772, il publie ses Observations sur l’art du comédien qui connaîtront cinq éditions45. Cet homme « bien né » est plusieurs fois appelé à la rescousse lorsque des entrepreneurs comme Durancy, Gourville et Charliers voient leurs affaires péricliter. C’est lui qui prodigue les bons conseils et, au besoin, refinance l’entreprise pour autant que Charles de Lorraine lui en accorde une nouvelle fois la direction. La multiplicité de ses rôles dans l’activité théâtrale et sociale bruxelloise en fait un personnage incontournable durant plus de trente ans, jusqu’à sa mort survenue à Bruxelles le 1er janvier 1780.
- 46 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Reproduit par F. Faber, op. cit., t. I, p. 243.
48D’Hannetaire, l’un des directeurs associés des « Comédiens ordinaires de S.A.R. », rédige en 1770 un Mémoire ou observations sur l’état actuel du spectacle46, dans lequel il dénonce pêle-mêle la mauvaise constitution de la troupe, l’indiscipline des spectateurs, entraînant la démotivation des acteurs, et la direction du spectacle dispersée entre douze sociétaires souvent peu au fait des contraintes du métier. Acerbe, il les compare à « douze généraux sans expérience, à la tête d’une armée mal disciplinée ». Il met également en exergue la somme astronomique de 90 000 livres que les comédiens ont dû verser à Charliers pour racheter le magasin de décors et costumes, alors, dit-il, qu’il « n’en auroit pas valu dix mille pour un entrepreneur particulier ». Malgré les vives réactions qui s’ensuivent de la part des autres associés, la direction est confiée, l’année suivante, à deux des sociétaires, Ignace Vitzthumb et Louis Compain.
Rémunérations et talents
- 47 AEB, Manuscrits divers 3977. Joseph Pons, dit Beauval, était né à Aix-en-Provence le 20 avril 1750. (...)
49C’est le début d’une période brillante pour le Grand Théâtre, dont la troupe est progressivement remaniée. L’abondante correspondance que Vitzthumb entretient avec des comédiens et des directeurs français durant les six années de son « règne » montre à quel point l’engagement d’acteurs connus et la découverte de nouveaux talents sont vitaux pour l’entreprise. Chaque année, des dizaines de comédiens postulent pour un emploi à Bruxelles et Bercaville répond de sa plus belle plume, sous la dictée de Vitzthumb et de Compain. Lorsque le candidat est accepté commencent alors de longues négociations sur la rémunération, qui se terminent par des phrases décisives comme celle que la direction adresse le 22 juin 1776 à Joseph Pons, dit Beauval : « Les ressources de notre spectacle ne me permettent point d’outrepasser les 5 000 livres d’appointemens que j’ai eu l’honneur de vous offir. »47 Beauval accepte.
50Mais lorsque les tractations ont abouti et que l’acteur a débuté à l’essai, comment s’en débarrasser s’il ne convient pas ? Voici la lettre, au style diplomatique particulièrement subtil, que Vitzthumb adresse à Jeanne-Louise Delpech, dite Mme Dufour, le 19 septembre 1776, après un début peu convaincant :
- 48 AEB, Manuscrits divers 3977.
Le gout, la justesse et la précision de votre chant, l’intérêt que vous inspirez par votre adresse et votre intelligence, votre honnêteté et votre exactitude seroient des motifs bien puissants pour me faire rechercher l’agrement de vous avoir pour camarade l’année prochaine mais la delicatesse de votre organe ne s’accordant pas avec l’immensité de notre salle, qui par elle meme est peu sonore et fort ingrate, je me vois forcé malgré moi de renoncer à la satisfaction que j’aurois de pouvoir vous conserver. J’ai plus de regret de vous perdre, Madame, que vous n’aurez de peine à vous pourvoir, parce que vous avez tout le talent et le merite qu’il faut pour interesser et pour plaire48.
- 49 La Feuille sans titre no 137, mardi 17 juin 1777.
- 50 Journal de Paris no 303, 30 octobre 1778.
51Mme Dufour a joué dans la troupe du roi de Saxe à Dresde. Après son bref passage à Bruxelles, elle est engagée à Liège. Si la Feuille sans titre ne tarit pas d’éloges sur cette actrice, elle lui reconnaît cependant deux défauts qui sont « de perdre souvent de vue, en chantant, son rôle & son jeu, & de ne pas articuler assez distinctement »49. Ses débuts au Théâtre-Italien de Paris suscitent des commentaires identiques : « Cette actrice n’a pas de grands moyens ; mais elle dit avec raison ; sa voix a peu d’étendue ; mais le son en est agréable. »50
- 51 AEB, Manuscrits divers 1808, lettres des 24 et 26 février 1774.
52Lorsque Compain séjourne à Paris en 1774, il prospecte pour le Grand Théâtre, à la recherche de nouveaux talents et de nouvelles pièces. Ainsi négocie-t-il l’acquisition de partitions auprès de Gossec, Grétry, Philidor, Favart et Gluck. Les commentaires qu’il envoie à Franck, le secrétaire du ministre Starhemberg, sont ceux d’un spécialiste, sachant reconnaître une bonne voix, un acteur en devenir ou une aubaine pour le Grand Théâtre. Il n’est pas tendre pour la qualité des spectacles proposés par la Comédie-Italienne, comparativement à ce qui se donne au Théâtre de la Monnaie : « Je voudrais bien que le Public de Bruxelles pût se transporter ici ; il verroit combien est beau le spectacle que nous lui offrons tous les jours. » Plus loin, il ajoute à l’intention de Vitzthumb : « Nous devons être bien orgueilleux, car je t’assure que notre spectacle n’est pas comparable à celui des Italiens (en mal s’entend), nous sommes délicieux auprès d’eux. Ils ont trois sujets bons et voilà tout. »51
Productions spécifiques
Fig. 10. Tancrède, tragédie en musique représentée à Bruxelles en 1708.

Gravure de Harrewyn.
Collection particulière.
53La censure, établie en France en 1701, pèse lourdement sur le répertoire des théâtres de Paris. Les pièces jugées porter atteinte au pouvoir ou au clergé sont coupées, corrigées ou tout simplement interdites. Mahomet de Voltaire est ainsi suspendue jusqu’en 1751, mais elle continue à être jouée en Hollande. La Partie de chasse d’Henry IV de Collé, exaltant les vertus d’une monarchie libérale et humaine, subit le même sort lors de sa première représentation, en 1767. La pièce est cependant jouée à Bruxelles dès cette année, avec beaucoup de succès. En 1773, une décision royale interdit de représenter une pièce en province tant qu’elle n’a pas été jouée à Paris. L’usage fait souvent fi de cette interdiction et une production de plus en plus importante – toutes proportions gardées – voit le jour en province et à l’étranger avant d’être donnée à Paris.
- 52 Louis Heurteaux, dit Dancourt, était né à Paris en 1725, où il mourut le 29 juillet 1801.
- 53 [J.-M. Clément et J. de Laporte], op. cit., t. I, p. 260.
- 54 Claude Le Petit était né à Paris le 3 avril 1734. Il avait débuté à l’Opéra de Paris en 1760. Haute (...)
- 55 Spectacle de Bruxelles, 1767, p. 64 et 94.
54C’est ainsi que la direction du Théâtre de la Monnaie accueille des auteurs dont on ne veut pas à Paris, que ce soit pour des raisons de censure ou de renommée. Louis Heurteaux, dit Dancourt, surnommé « l’Arlequin de Berlin »52, fait jouer en 1762, à la Comédie-Italienne de Paris, une pièce de sa composition intitulée Les Deux Amis. C’est un four complet, comme le relatent les Anecdotes dramatiques : « Cette Piece fut maltraitée par le Parterre dès le premier Acte ; ce qui n’arrive jamais : l’on écoute toujours le premier Acte d’une Piece nouvelle, sans rien dire. »53 Pendant la saison 1765-1766, Dancourt fait partie de la troupe de Bruxelles. Le 27 juin 1765, il fait représenter la même pièce, dont il a changé le titre en La Quittance, ou les Deux Amis, et qu’il fait imprimer chez François t’Serstevens. L’œuvre n’aura pas davantage de succès ici, car elle ne connaîtra qu’une seule représentation. Le 19 mai 1766, on donne encore de Dancourt La Rencontre imprévue, qu’il a créée à Vienne deux ans auparavant et que t’Serstevens a imprimée en 1765. En 1769 ou 1770, on représente son Combat nocturne, qui sera imprimé chez Vanden Berghen. La musique de cet « opéra-bouffon » est due à Claude Le Petit54, haute-contre au Grand Théâtre55.
- 56 A. Goovaerts, Un opéra français composé en 1774 pour le Théâtre de la Monnaie, Paris, E. Plon, 1890
55En 1774, Regnard de Pleinchesne écrit pour le Théâtre de Bruxelles sa comédie « héroï-pastorale » Berthe, dont la première représentation est fixée au 4 novembre, jour de la Saint Charles. Mais la musique n’est pas prête, plusieurs compositeurs s’y attellent pourtant, dont Philidor, Gossec et Vitzthumb lui-même. Retardée au mois de décembre, la pièce sera finalement représentée le 18 janvier 1775, à l’occasion des fêtes données pour l’inauguration de la statue de Charles de Lorraine, sans l’ouverture qui ne sera jamais achevée56.
- 57 Louis Bruyas, dit Bursay, était né à Lyon le 24 avril 1738. Le 1er octobre 1776, il avait épousé à (...)
56Plus tard, Pierre-Ulric Dubuisson fera représenter à Bruxelles plusieurs de ses pièces, qui seront également imprimées pour la circonstance : Le Roi Théodore à Venise, Albert et Émilie, Hélène et Francisque et Scanderberg (1786), L’Arbre de Diane (1789) et Le Directeur dans l’embarras (1792), traduite de l’italien. À son tour, Louis Bruyas, dit Bursay57, donne plusieurs pièces de son cru ou adaptées de l’Allemand August von Kotzbue : Les Indiens en Angleterre (1792), Les Lois et les rois et Misanthropie et repentir (1793), ainsi que L’Enseigne ou le jeune militaire (1799).
57Moins heureux, Fabre d’Églantine tente en vain de faire imprimer une pièce à Bruxelles, après avoir été éconduit par les Comédiens-Français. Le 14 juin 1776, il écrit à Vitzthumb pour lui demander de s’occuper de l’impression de la pièce. Comme ce document a été ignoré de tous les biographes du célèbre dramaturge, nous la donnons en entier.
- 58 AEB, Manuscrits divers 3848.
Paris 14 juin 1776.
Monsieur
Auteur d’une pièce de théatre en trois actes, j’ai voulu la faire jouer à Paris, et l’ai adressée à cet effet au Sr Molé ; mon ouvrage après un assez long tems sur la réclamation que j’en ai fait m’a été renvoyé avec un jugement correctif, auquel, je n’ai pas jugé à propos de me conformer.
Je me suis décidé à faire imprimer cette pièce avec la note des comédiens à la suite, et ma réponse aux dittes notes ; mais malgré l’approbation du censeur, la police et le ministre m’ont refusé la permission de publier mon ouvrage, sur la requête des comédiens, sans doute ; quoi qu’on aye allégué la raison du suïcide qui fait le nœud de mon drâme.
Comme je ne voudrais pas perdre le fruit de mes peines, je voudrais publier dans l’étranger ce qu’on proscrit en France : mon intention est de vous céder, si vous le jugez à propos, l’ouvrage dont l’analyse est cy jointe ; représentation, impression, et débit, tout vous appartiendrait en propre ; vous pourriez vous arranger avec un libraire ou faire imprimer pour votre compte ; on attendait ici avec empressement la publication de mon drame et surtout de la lettre qui le suit, mais je n’ose me hazarder à satisfaire la curiosité du public et mes interêts ; vous seriez sur d’un débit étonnant dans Paris.
Voyez, Monsieur, si vous pouvez vous arranger avec moi, vous m’obligerez et vous pourrez y trouver votre compte.
Je suis avec toute la consideration possible, Monsieur, Votre très-humble et très-obeïssant serviteur, [signé] Fabre D’Eglantine.
Fabre d’Eglantine rüe et hôtel des prouvaires à Paris.
Analyse
{ Thérèse et Faldoni, ou, le fanatisme de l’amour.
{ drâme en 3 actes et en vers, représenté en province
{ envoyé au Sr Molé comédien pour être lu à l’assemblée des
intitulé { comédiens français ordinaires du Roi, et renvoyé avec de
{ fort longues notes en forme de jugement, sur lesquelles
{ l’auteur a fait les siennes, qui se trouvent cy jointes à la
{ suitte de celles de l’acteur français.
──────────────
{ . . . . . . L’un pour l’autre ils vécurent
épigraphe { l’un pour l’autre ils sont morts et les loix en murmurent
{ l’austère piété n’y voit rien qu’un forfait
{ le Sentiment admire, et la raison se tait.
──────────────
J.J. Rousseau
L’aventure de Thérèse et Faldoni arrivée à Lion fait le sujet de ce drame, qui est simple et sans fiction. Je n’ai rien obmis de la verité dans l’action.
Quatre personnages remplissent les trois actes.
Les deux amants et le pere et la mére ; le rôle de Thérèse est brillant et transcendant, celui de Faldoni est beau.
Pour donner une idée de la versification et du feu qui regne dans l’ouvrage, je rapporterai 8 ou 10 vers qui sont dans la bouche de Thérèse dans une sçene où elle veut obstinément mourir avec son amant qui ne peut à cause d’un accident se derober à la mort.
ô ciel ! et je vivrais ?....
va, je te rends justice, et sens tous tes regrets ;
ami, tu crains ma mort, elle afflige ton ame,
mais rassure ton cœur : dans celui d’une femme,
l’amour ne fut jamais ni faible ni craintif ;
le Sentiment en elle est toujours excessif,
je l’éprouve ; et pour moi, grace à tout mon courage,
la tombe en ce moment n’a point d’affreuse image ;
bien loin de regretter et la terre et le jour, pour mieux servir son ame et prouver son amour,
ton amante à la mort, d’un œil ferme et tranquille,
livrerait mille cœurs, si j’en possédais mille ;
connais comme je pense et laisse-moi mourir.
&c.
Voila la maniere de l’auteur58.
58Vitzthumb conseille à Fabre d’Églantine d’écrire à son imprimeur, le libraire Josse Vanden Berghen, ce que fait l’auteur. Le 24 juin, il écrit à nouveau à Vitzthumb, ajoutant : « Si je fais quelqu’arrangement avec Mr Vandenberghen, je desire que le soin que vous voulez bien prendre à la représentation de mon ouvrage vous soit profitable. » Il n’y aura probablement aucun arrangement possible avec le libraire, car la pièce ne sera ni imprimée ni représentée à Bruxelles.
Exploitation du Théâtre de Gand
- 59 Jacques-Gabriel Zanoni, dit Grégoire, était né à Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre) le 26 juin 1725. (...)
- 60 Almanach historique et chronologique de la Comédie Françoise etablie à Bruxelles, 1754 et 1755 ; Sp (...)
59Les almanachs bruxellois de théâtre nous apprennent que sous les directions de Durancy, Gourville et des Comédiens associés, le « noyau dur » du Théâtre de la Monnaie est formé de la famille D’Hannetaire (le père, la mère et leurs deux filles, une cousine et une nièce), à laquelle il convient d’ajouter la famille Durancy (le père, la mère et leurs deux filles), Gourville et sa femme, ainsi que le fidèle Jacques-Denis Dubois. Louis Compain arrive à Bruxelles en 1757, Jacques-Gabriel Zanoni, dit Grégoire59, en 1763 et Suzanne Artus, épouse Defoye, trois ans plus tard. C’est à peu de chose près la composition de la société de comédiens qui se constitue en 176660.
- 61 Elle s’était fait siffler et huer à La Haye, Liège et Lille. Chevrier en dresse un portrait satiriq (...)
- 62 Spectacle de Bruxelles 1768, p. 109.
60Celle-ci s’est engagée à exploiter le Théâtre de Gand durant les mois d’hiver et le comédien Grégoire a formé à cette fin une troupe comprenant des acteurs locaux et d’autres venant de France. Antoine-François-Alexandre Du Mezat, dit Dubourgneuf, et sa femme, Mme Derufosse (venant le Lyon) et sa fille, la basse-taille Pontlaville (qui chantera à Lyon cinq ans plus tard) et Mlle Mauri, dite Marchainville61, en sont les principaux comédiens62.
- 63 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 121-122.
- 64 AVB, registres 366 et 441 (baptêmes de Notre-Dame de la Chapelle et du Finistère) ; [F.-A. de Chevr (...)
61Signalons encore la présence discrète d’une ancienne comédienne de Bruxelles, qui a beaucoup fait parler d’elle quelques années auparavant : Mme Du Bouchet, qui joue les soubrettes et chante les rôles de duègnes, a été durant cinq ans la maîtresse du directeur Gourville, sous le nom de Marie-Anne Nonancourt. Parlant du Théâtre de Bruxelles, Chevrier, jamais avare de compliments caustiques, écrit : « On vient d’y remettre Cithére assiegée opera-comique dans lequel Mademoiselle Nonancour a joüé & chanté à son ordinaire, c’est-à-dire superieurement mal ; mais toute detestable que soit cette actrice, c’est un sujet utile au Directeur dont elle augmente tous les neuf mois la posterité du coté gauche. »63 Après avoir eu d’elle trois enfants illégitimes, Gourville s’en sépare au printemps 1762. Mlle Nonancourt est à présent « veuve du Directeur » et « entretient modestement & avec tempérance un Chevalier François à qui elle vient de donner une de ses robes pour servir de doublure à un habit d’été »64.
- 65 AEB, Notariat général de Brabant 7572 (notaire Lindekens).
- 66 C. S. Favart, op. cit., t. II, p. 101 ; M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 16 (...)
- 67 AEB, Manuscrits divers 3846.
- 68 R. Le Gardeur, The First New Orleans Theatre (1792-1803), La Nouvelle-Orléans, 1963, p. 24.
62Le 14 octobre 1763, elle passe en effet un contrat de mariage par-devant notaire avec le chevalier Joseph Du Bouchet de Préville, âgé de vingt-trois ans65. Durazzo l’engagera ensuite à Vienne en 1768, à l’instigation de Favart, où elle jouera à nouveau sous son nom de jeune fille66. Elle jouera encore à Copenhague vers 1771-1772 et s’établira ensuite à Paris d’où elle écrira à Compain, le 14 août 1773 : « Je connois tous les comédiens sans place à Paris, il y en a beaucoup, et plusieurs ont beaucoup de talents ; si je puis leur rendre service, et à vous aussi, en vous donnant des renseignement [sic] sur ceux dont vous auriez besoin, ne m’épargnez pas. »67 Elle embarquera deux ans plus tard pour La Nouvelle-Orléans, où elle épousera le comédien Jean-Baptiste Le Sueur, dit Fontaine, qu’elle quittera peu de temps après. Elle reviendra s’établir en France en 178568.
- 69 Jean-François Barizain, dit Monrose, était né en 1731. Après un bref passage à la Comédie-Française (...)
- 70 Voir au chapitre II la partie consacrée aux scènes provisoires et aux théâtres portatifs.
63Dès le mois de février 1769, le Théâtre de Gand est exploité par Charles Bernardy, dont nous avons retracé la vie au chapitre précédent. En décembre 1770, plusieurs comédiens de Bruxelles prennent la direction du Théâtre après la déconfiture de Madeleine-Luce Mézières (ou Maizière) : ce sont Alexandre Bultos, Jérôme-Constantin Calais, Jean-François Barizain, dit Monrose69 (futur époux de Mme Mézières), la basse-taille Volgeant et le haute-contre Jean-Baptiste Godard. En octobre 1777, Honoré de Pontèves-Tournon, dit Clairville, arrive à Gand accompagné d’une partie de la troupe qu’il a formée à Maastricht. À l’issue d’un long conflit, il sera remplacé en octobre 1779 par Ignace Vitzthumb, Henri Mees, Jacques-Joseph Debatty et Pierre-Joseph Swinnens, dit Lambert, tous membres de la troupe flamande qui s’est constituée à Bruxelles70.
- 71 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780.
64Outre les quatre directeurs associés, cette troupe comprend seize acteurs et seize actrices (dont une partie joue également dans les opéras en flamand), le maître de ballet Auguste Fisse et sa femme, six figurants et six figurantes, un souffleur, un machiniste et une buraliste. L’orchestre, placé sous la conduite de Vitzthumb, comporte vingt-sept musiciens, dont la plupart avait joué à Bruxelles : sept premiers violons, cinq seconds violons, deux altos, deux violoncelles, deux contrebasses, deux clarinettes, deux flûtes, deux cors de chasse, un basson et deux serpents71. Au départ de cette troupe, en avril 1781, l’« opéra flamand » sera supprimé et le Théâtre de Gand sera à nouveau dirigé successivement par des comédiens français, venant soit de Lille soit de Hollande.
Le magasin des décors et costumes
- 72 Concernent les années 1706, 1708 et 1715. AEB, Notariat général de Brabant 1751/2 (notaire Marsille (...)
65L’examen des inventaires du magasin de décors et costumes du Théâtre de la Monnaie permet d’intéressantes constatations. Nonobstant le fait que les inventaires sont rédigés à chaque fois sous des formes différentes, l’accroissement progressif du magasin est nettement perceptible, ainsi que l’évolution du répertoire. Dans les trois premiers inventaires72, les pièces énumérées concernent clairement le répertoire lyrique des Lully et Campra : on y relève la mention de costumes servant dans des œuvres telles que L’Europe galante de La Motte et Campra, Alcide de Campistron et Louis Lully, Alceste de Quinault et Jean-Baptiste Lully, Armide des mêmes, Issé de La Motte et Destouches, Le Triomphe de Bacchus et Cariselli, extraits des Fragments de Mr Lully de Danchet et Campra, Tancrède des mêmes, Bellérophon de Thomas Corneille et Lully, ainsi que Le Bourgeois gentilhomme de Molière et Lully. L’inventaire de 1715 contient en outre la description de pièces de costumes de quelques personnages des anciens théâtres français et italiens, comme Polichinelle, dame Gigogne et Pierrot.
66L’inventaire rédigé en février 1778 par les curateurs de la créance Vitzthumb est des plus complets et des plus intéressants. Il recèle en outre une description complète des livres et partitions de musique entreposés respectivement chez le souffleur et copiste Jean-Claude Humain, dit D’Humainbourg, et chez le copiste et musicien Evrard-Bernard Booremans. La bibliothèque comprend 1 335 ouvrages, dont 308 volumes d’œuvres complètes ou non, 412 pièces séparées de comédies, 207 d’opéras-bouffons, 196 d’opéras-comiques, 189 de tragédies, ainsi que 23 pièces en allemand.
67Quant aux partitions musicales, elles forment un matériel d’orchestre complet, « avec les parties », comprenant les dernières nouveautés de Paris. Parmi les 128 partitions recensées d’œuvres théâtrales, certaines sont imprimées, d’autres manuscrites, dont 35 sont arrangées par Vitzthumb. La bibliothèque musicale compte encore 134 volumes de « Symphonies par differens autheurs » et deux volumes de divertissements.
- 73 Jean-Baptiste Cifolelli était né à Naples en 1724 et mourut à Montpellier le 26 mars 1800. Il était (...)
68À l’exception de quelques grandes œuvres classiques, comme Le Festin de Pierre, Le Bourgeois gentilhomme ou Monsieur de Pourceaugnac de Molière, les costumes ont tous trait au répertoire plus récent des Favart, Voisenon, Audinot, Poinsinet, Marmontel, Anseaume, Sedaine et autres auteurs d’opéras-comiques à la mode. On notera également les costumes servant aux Mariages samnites, que Durosoy publie en 1776 et dont le prince le Ligne composera une variante l’année suivante, sous le titre Céphalide, ou les Autres mariages samnites, musique de Vitzthumb et Cifolelli73.
69Le répertoire n’a cessé de s’accroître et, avec lui, le nombre de partitions et de costumes de toutes sortes, tant pour les anciennes comédies et tragédies que pour les nouveaux opéras-comiques. Entreposés dans le grenier du théâtre, les costumes pâtissent d’un manque de place évident qui ne sera résolu qu’à la construction du nouveau bâtiment en 1819.
- 74 AEB, Notariat général de Brabant 92401 (notaire Pierre Nuewens).
70Quant aux décors, ils sont entassés derrière les coulisses. Outre des décors passe-partout représentant une forêt, un port de mer, un château, une prison ou un jardin, on trouve quantité de décors servant plus spécifiquement à des pièces désignées dans l’inventaire : le palais d’Olympie, la chambre du Tripot comique, les coulisses pour Gaston et Bayard, les rochers des Mariages samnites, les toiles de fond de Cythère assiégée, de Fleur d’épine et de la Rosière, les châteaux du Bon fils, de Mazet et de la Folie amoureuse, les décors complets de la Reine Berthe et des Deux Avares, la cabane des Deux Chasseurs et la laitière, deux niches pour L’Île sonnante. La plupart des éléments ont été réalisés par les peintres et décorateurs Jacques-Denis Dubois, Jacques Lecomte et Jean-Joseph Chamant74.
Le commissaire du gouvernement
71Dans la seconde moitié du siècle, l’activité théâtrale prend la forme d’une réelle entreprise, au sens capitaliste du terme : spécialisation des tâches, hausse de la production, abandon progressif du schéma coopératif, loi de l’offre et de la demande. Le pouvoir se comporte de plus en plus en état libéral, accordant la protection d’une part, assurant le contrôle de l’autre, tout en conservant des prérogatives certaines, quoique discrètes, sur le programme artistique.
- 75 AEB, Conseil privé autrichien 1052. Publié par F. Faber, op. cit., t. IV, p. 53.
72Dès le début des années 1770, le Conseil privé autrichien a désigné une personne chargée de toutes les affaires relatives au théâtre : le comte de Maldeghem, chambellan de la cour, est nommé « commissaire du Gouvernement » par l’ordonnance du 14 février 1771. Sa tâche consiste à « veiller à la régie générale du spectacle […], assister aux délibérations des associés […] ; voir leurs comptes ; accepter ou rejetter les nouveaux sujets qui seront proposés, soit pour membres de l’association, ou pour sujets à gages fixes ; assurer le service, et une bonne police parmi les comédiens et autres suppôts du théatre ; faire émaner dans cette vue, un ou plusieurs réglemens, qui devront être rigoureusement exécutés dans tous leurs points ; faire corriger et punir les négligences ou excès des dits comédiens et autres suppôts du théatre, par les moyens usités dans d’autres troupes de spectacle, et généralement pour tenir la main à l’exacte et entière exécution dudit octroi »75.
73En ce qui concerne les affaires privées, c’est le conseiller Jacques-Antoine Le Clerc qui sert d’intermédiaire entre la cour et le Grand Théâtre, pour tout ce qui touche aux requêtes des comédiens et des directeurs. En 1784, le Tribunal aulique nomme en outre un officier de police du spectacle dont le rôle est de veiller au bon ordre dans le théâtre. Les nouvelles recrues tout comme le « Répertoire des Pièces et Ballets, qui devront être donnés chacun des quatre jours de la semaine suivante », sont dorénavant soumis à l’approbation du gouvernement, qui conserve ainsi la haute main sur la politique artistique du Grand Théâtre. Ce contrôle de l’État ira grandissant au siècle suivant, a fortiori lorsque l’intervention publique prendra la forme de subventions régulières.
L’urbanisation : la construction de théâtres définitifs dans les grandes villes
74Cabanes de bois, granges, entrepôts, les édifices les plus divers servent de salles de spectacle jusqu’à la fin du xviiie siècle. Si quelques jeux de paume font belle figure à côté de ces misérables baraquements, peu de villes ont fait construire des salles dignes de ce nom au début du siècle. Bruxelles peut s’enorgueillir de posséder, après Paris, l’un des plus prestigieux et spacieux théâtres d’Europe.
- 76 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 57-58.
75La plupart des salles construites dans la première moitié du siècle sont mal conçues. Par leur architecture d’abord : des matériaux peu solides, assemblés de manière grossière, ne peuvent assurer à l’édifice ni sa robustesse ni sa longévité. Les villes ou les propriétaires qui financent les travaux sont-ils si parcimonieux dans leurs dépenses au point de mettre en péril la construction et d’exposer le public à un danger permanent ? C’est en tout cas l’une des hypothèses de Fuchs, qui énumère les malfaçons de plusieurs théâtres de France : le théâtre d’Amiens a la réputation d’être « une glacière », celui de Lille manque d’annexes les plus élémentaires telles que des loges, la salle de Toulouse est mal insonorisée, la protection contre le feu est partout rudimentaire, voire inexistante76.
- 77 Arles, Archives municipales, FF 7.
- 78 Nancy, Archives municipales, DD 47.
76À Arles, un rapport de visite de la salle de spectacle effectué le 11 mai 1770 signale que la charpente de la toiture ne pourra plus tenir que trois ans, tandis que le nombre de spectateurs au théâtre et dans les loges ne devra pas excéder quatre à cinq cents personnes77. À Nancy, une troupe dont on ignore la composition a complètement désossé l’ancienne salle de spectacle : « l’emphitheatre du parterre est totalement enlevé de même que les planches de dessous », ainsi que « les deux petits escaillies de dessante audit emphitheatre », constate l’état des lieux dressé le 26 février 1753. Les dégâts se montent à plus de dix mille livres78.
- 79 L. Vallas, op. cit., p. 290-293.
- 80 Lyon, Archives municipales, DD 300.
77Que dire du théâtre de Lyon, reconstruit par Soufflot en 1756 dans les jardins de l’hôtel de ville, dont les défauts se remarquent immédiatement ? Les frères Grimm, dans leur Correspondance, notent : « Soufflot qui a fait à Lyon une salle où l’on n’entend pas, vient d’en faire une à Paris où l’on ne voit rien. »79 Douze ans plus tard, l’architecte Morand, dans un mémoire rédigé à l’intention des échevins, rappelle que les spectateurs lyonnais sont depuis longtemps incommodés par « la mauvaise odeur des pissotieres placées de chaque coté du parterre »80.
Le bâtiment public
- 81 H. Lagrave, C. Masouer et M. Regaldo (éds), op. cit., p. 118-119.
- 82 L. Gozard, La Vie théâtrale à Toulouse, Toulouse, Université de Toulouse-le-Mirail, 1993, p. 9-10.
- 83 Le Mans, Archives départementales B 1475 ; R. Deschamps La Riviere, op. cit., t. XLVII, p. 124.
78Construire un théâtre, c’est aussi élever un bâtiment public dans la ville. De ce point de vue, peu de municipalités ont estimé utile de donner à l’édifice une dimension d’intégration urbaine, une visibilité centrale. Ainsi en va-t-il du théâtre de Montpellier, adossé aux murailles de la ville ; à Bordeaux, c’est un ancien jeu de paume excentré et vétuste, tout en bois de sapin, qui accueille les représentations pendant un siècle, jusqu’à l’incendie qui le ravage complètement en 171681 ; à Toulouse, c’est une auberge, à l’enseigne du « Logis de l’Écu », qui sert de salle de spectacle autant que d’entrepôt de marchandises diverses82 ; au Mans, le comédien Jassinte dresse son théâtre sous les halles de la ville, « n’ayant peu trouver aucuns lieux commodes en cette ville »83 ; dans d’autres villes, on accède à la salle par une impasse ou par un étroit couloir longeant des façades borgnes.
- 84 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 20-21.
79Avant 1700, peu de villes françaises possèdent une salle spécialement dévolue aux spectacles : le théâtre de Lyon, les jeux de paume de Bordeaux, Marseille et Rouen, la salle de Valenciennes, aménagée au-dessus de la halle aux blés84. La plupart du temps, les comédiens de passage sont obligés de débarrasser les marchandises entreposées dans les hangars et autres granges avant de pouvoir installer une scène et des gradins.
80Aussi Bruxelles peut-elle se prévaloir de disposer de plusieurs salles, dont l’Opéra du Quai au Foin. Toutefois, ces salles sont, comme nous l’avons vu, aménagées dans des espaces rectangulaires – voire très allongés, comme les jeux de paume –, à l’acoustique défaillante et à la visibilité limitée. Bombarda fait donc réellement œuvre novatrice lorsqu’il décide de construire une salle elliptique, sur le modèle des théâtres vénitiens.
Les transformations
- 85 E. Hennaut et M. Campioli, op. cit., p. 68-72.
81Si le bâtiment a conservé sa configuration initiale tout au long du siècle, il a cependant subi de nombreuses transformations, tantôt des accès à la salle, tantôt de la disposition intérieure ou de la décoration (fig. 11). En 1755, D’Hannetaire fait venir de Paris douze lustres de cristal afin d’améliorer l’éclairage de la salle et il confie à Jacques-Denis Dubois, acteur et peintre, le soin de rénover les peintures de la salle et du décor de scène principal. Plus tard, d’autres améliorations ont trait aux loges et aux travaux de dorure85. Le journaliste et romancier Jean-François de Bastide, chassé de France pour « mauvaise conduite », arrive à Bruxelles en 1766 et y fonde le Journal de Bruxelles ou le Penseur, qui paraîtra deux années de suite. Voici comment il décrit le Grand Théâtre :
- 86 J.-F. de Bastide, Journal de Bruxelles ou le Penseur, Bruxelles, Imprimerie royale, 1766-1767, p. 8 (...)
Une salle très-spacieuse & très-ornée ; des loges commodes & proportionnées au rang des personnes qui les occupent constamment (*) ; un Théâtre de grandeur extraordinaire, où Melpoméne, Euterpe, & Thalie, trouvent toujours leur vrai séjour par la magie des plus parfaites décorations ; des Directeurs dignes de présider à ces Jeux sublimes par un goût toujours admirable, par une dépense toujours déterminée par l’honneur plus que par l’intérêt ; une Orchestre réunissant les différens mérites des plus célébres Orchestres de l’Europe ; un homme si capable de la conduire, & lui inspirant tant d’ardeur que son bâton devient une baguette ; des talens dignes d’estime, quelques-uns supérieurs à la louange, le plus rare talent dans l’objet le plus intéressant par son zéle (**) ; des spectateurs toujours touchés des plaisirs qu’on leur offre ; une protection qui entre avec grandeur dans les plus petits détails, pour animer des Arts qui honorent la Nation, & le grand Prince qui la gouverne. Voilà le Spectacle de Bruxelles ; voilà l’objet que je ne cesse de contempler. Puisse sa gloire ne diminuer jamais, puisse la nation s’en pénétrer toujours.
(*) Quatre rangs de loges, presque toutes louées par bail, & très-souvent remplies.
(**) Madame de Foye, que je ne nomme que pour le reste de l’Europe86.
- 87 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 124.
82Vitzthumb procède ensuite à un rafraîchissement général et au renouvellement décoratif de la salle. Le 13 mai 1772, la direction du théâtre paie à l’architecte Guimard un acompte de 150 florins pour « des ouvrages de sculpture pr la Sale » ; le 10 août, elle paie un acompte de 84 florins à l’ouvrier Poiret pour « des ouvrages de Maçonnerie » ; le même jour, un acompte de 315 florins à Sevin « pour avoir peint le Plafond du Théatre »87.
Fig. 11. Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle.

Jacques Isnardon, Le Théâtre de la Monnaie, Bruxelles, 1890.
- 88 Au sujet des différents projets de reconstruction du théâtre, voir H. Liebrecht, op. cit., p. 348-3 (...)
83Mais le Grand Théâtre, l’un des plus anciens d’Europe, accuse un état de vétusté avancée : le gîtage de l’amphithéâtre est vermoulu, la moindre surcharge ferait s’écrouler les loges, le magasin des décors et costumes deviendrait aisément la proie des flammes, des fissures apparaissent dans la maçonnerie. Ce triste constat est dressé en 1784 par les architectes Montoyer et Fisco et renforcé l’année suivante par un nouveau rapport de Guimard et Montoyer. Plusieurs projets de reconstruction du théâtre voient le jour, dont celui de Brion, qui propose de l’ériger dans le Parc de Bruxelles. C’est finalement le projet de l’architecte français Charles De Wailly qui sera retenu par le gouvernement, mais ne sera jamais réalisé par manque de fonds. Il faudra attendre 1817 pour que les travaux débutent, sur les plans de l’architecte Louis-Emmanuel Damesme, juste derrière l’ancien théâtre. Entre-temps, la salle de Bombarda sera maintes fois étançonnée et réparée vaille que vaille88.
Les salles de spectacle dans nos régions
- 89 Gazette de Bruxelles, supplément du 30 janvier 1750.
84Dans nos régions, plusieurs édifices sont embellis ou nouvellement construits au début de la seconde moitié du siècle, démontrant ainsi que les villes s’associent à la théâtromanie ambiante. Si l’établissement d’un théâtre régulier à Tournai date de 1745, sous le régime français, ce n’est que neuf ans plus tard qu’un édifice est construit en dur. À Mons, le départ des troupes françaises en 1749 et le rétablisement du régime autrichien incitent les édiles à redonner vie aux spectacles : « On a rétabli le Theatre, on y fait des embellissemens d’un goût aussi nouveau que charmant, la foulle des Dames & des Cavaliers qui s’y trouvent est toujours fort considerable. »89
- 90 Gazette de Bruxelles du 31 août 1756.
85Grand amateur de spectacles, le prince Charles de Lorraine fréquente régulièrement le Théâtre de la Monnaie. Lorsqu’il prend ses quartiers d’été et d’hiver à Tervuren, ce divertissement lui manque à tel point qu’il fait construire un théâtre dans sa résidence. La salle est inaugurée le lundi 30 août 1756, en présence de la principale noblesse du pays90. On ignore quelles pièces y sont représentées, mais on peut supposer que la plupart des comédiens de Bruxelles sont engagés par le prince pour y jouer leur répertoire.
86Même des villes de moindre importance, comme Bruges, affichent avec fierté l’établissement d’un nouveau théâtre :
- 91 Gazette de Bruxelles du 5 octobre 1756.
Messieurs du Concert établi en la Ville de Bruges, ont fait nouvellement construire un grand Théatre, propre à donner toutes sortes de Spectacles. Et si quelque bonne Troupe vouloit y venir représenter l’Hiver prochain, elle n’auroit qu’à s’addresser aux Directeurs dudit Concert, qui lui donneront toutes les aisances possibles91.
- 92 J. Martiny, op. cit., p. 10-11 et 24-27 ; H. Hamal, op. cit., p. 77-79.
87Liège ne possède pas de théâtre en dur avant 1740 : diverses « baraques » en bois sont édifiées sur la Batte par les entrepeneurs successifs, puis démontées après usage. Vers 1740, les directeurs Leroy et Defresne obtiennent l’autorisation de construire au même endroit une salle en briques et en bois. Il faut cependant attendre l’année 1767 pour que la Ville de Liège commande à l’architecte Barthélemy Digneffe la transformation d’un ancien bâtiment de douane en salle de spectacle, érigée sur la Batte et inaugurée le 19 septembre par une représentation du Voëge di Chôfontaine, opéra du Liégeois Jean-Noël Hamal. Les peintures et décorations sont dues au fils du célèbre architecte Servandoni92.
- 93 P. Claeys, op. cit., t. I, p. 67-73 et t. II, p. 87.
88Après le violent incendie qui détruit le théâtre de Gand en 1715, la municipalité cède le terrain du Kouter à la confrérie de Saint-Sébastien, principale entreprise de spectacles de la ville. Vingt ans plus tard, celle-ci y fait construire une nouvelle salle et demande à l’architecte gantois de Wilde d’en concevoir les plans. Le théâtre est inauguré en mars 1737 par une troupe de danseurs de corde. Ce n’est qu’en 1774 qu’une restauration complète et des agrandissements notables seront entrepris par la confrérie93.
89Les principales villes des Pays-Bas méridionaux redoublent de zèle pour améliorer les conditions de jeu des troupes et le confort des spectateurs. Ces différentes mesures vont bientôt susciter l’établissement d’un spectacle plus permanent. Les villes vont passer des contrats établis sur plusieurs années avec des directeurs de plus en plus professionnels quant à la gestion du théâtre et au métier d’acteur. L’entrepreneur s’entourera d’un noyau plus stable de comédiens et n’aura de cesse d’améliorer la qualité de sa troupe, en y intégrant des éléments qu’il choisira lui-même – ou son agent – d’après la renommée ou en s’adressant à ses collègues des principaux théâtres de France.
Les progrès techniques
90Les techniques de construction et les progrès scientifiques et architecturaux contribuent sensiblement aux transformations des salles de spectacle, passant du rectangle oblong à la forme elliptique que nous connaissons encore aujourd’hui. À Paris, les Comédiens-Français inauguraient leur nouvelle salle en 1689, érigée selon les plans de François d’Orbay. Tout en conservant la forme traditionnelle du jeu de paume, elle est arrondie vers le fond. Ce n’est qu’en 1754 que l’architecte Germain Soufflot, après un voyage en Italie, adopte pour le nouveau Théâtre de Lyon la forme elliptique, répandue depuis longtemps dans la péninsule. Il transforme, selon les mêmes principes, la salle des machines des Tuileries, dans laquelle les Comédiens-Français s’installeront en 1770, l’ancienne salle menaçant ruine. Claude-Nicolas Ledoux conçoit les plans du théâtre de Besançon dont la forme – un demi-cercle s’évasant vers la scène – est considérée comme révolutionnaire.
91Mais les théories de Soufflot, mises au point pour améliorer la vision des spectateurs et l’acoustique générale, en quelque endroit de la scène que se trouve l’acteur, convaincront bon nombre d’architectes qui adopteront la forme elliptique : Bénard à Marseille et surtout Victor Louis à Bordeaux copient et améliorent le dessin de l’ellipse tronquée d’après les principes de Soufflot, au point que le Théâtre de Bordeaux, à son achèvement en 1780, est considéré comme l’une des plus belles salles du royaume. Deux ans plus tard, Charles De Wailly et Joseph Peyre achèvent l’Odéon, où s’installe le nouveau Théâtre-Français.
92En un siècle à peine, les conceptions architecturales se sont sensiblement modifiées, tout à l’avantage du spectateur, en évoluant du demi-cercle évasé à l’ellipse tronquée. L’édification de nouvelles salles dans les villes ne prouve cependant pas systématiquement que le public est friand de spectacles ni qu’il fréquente assidûment les représentations. Souvent, ces constructions sont en outre imposées par le pouvoir central pour des raisons de prestige et les charges qu’elles représentent sont bien trop lourdes à supporter pour les villes. À Bruxelles, le gouvernement différera le chantier du nouveau théâtre pendant plus de trente ans, à travers les régimes politiques successifs.
- 94 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 105-107.
93Entre 1750 et 1773, vingt-trois nouvelles salles permanentes s’ouvrent en France, dans des villes comme Angoulême, Arras, Troyes, Metz, Reims, Saint-Étienne, Strasbourg, Grenoble, Cambrai, Le Havre, Auch et Toulon. Pendant le règne de Louis XVI, le mouvement se ralentit toutefois et, à l’exception de quatre ou cinq villes, les grands travaux se concentrent sur Bordeaux et Marseille, ou sur la rénovation d’anciennes salles devenues incapables d’assimiler l’augmentation de la population. La France connaît une politique théâtrale à deux vitesses, induite vraisemblablement par le degré d’implication des gouverneurs de provinces et du Roi lui-même dans l’économie des villes. Dès avant la Révolution, l’État renvoie la responsabilité aux villes, estimant qu’il faut laisser aux « individus assez aisés pour profiter des spectacles la charge de faire vivre la Comédie »94.
94Qu’il s’agisse de Louis XIV ou – dans une moindre mesure bien entendu – de l’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, l’idée que le théâtre sert le prestige du souverain, de la ville et de la nation sous-tend la politique d’édification de nouvelles salles de spectacle hors de la cour. Le théâtre devient un lieu de culture et de divertissement, le spectacle est encouragé là où le jeu et la débauche sont sévèrement sanctionnés. De plus en plus populaire, le théâtre pénètre presque toutes les couches sociales, en particulier les petits commerçants qui y trouvent leur intérêt en retour : les abords de la salle de spectacle se développent, aidant à vivre quantité de petits métiers comme les gagistes, les cochers, les merciers, sans oublier les cabaretiers et hôteliers. L’implantation d’un théâtre au cœur de la ville fait vivre tout un quartier.
95Les principales villes de France et de nos régions prennent conscience que le théâtre – tant l’activité que le bâtiment – devient source de prestige et favorise la tranquillité et l’ordre publics. Les salles provisoires, puis définitives se multiplient, consacrant ainsi le ralentissement du nomadisme. Pour les troupes de campagne, il ne reste bientôt plus que les bourgades et les villes de moindre importance, dans lesquelles la circulation s’accroît, faute de meilleure alternative. Des recherches approfondies dans les archives locales confirmeraient certainement l’hypothèse selon laquelle les comédiens de passage ont peu à peu investi, dans la seconde moitié du siècle, la quasi-totalité des petites villes de province.
96Itinérantes ou sédentaires, les troupes ne peuvent compter en définitive que sur leurs propres ressources financières, quel que soit le système d’organisation adopté. Le pouvoir estime en effet que l’entreprise doit se suffire à elle-même, si ce n’est une participation éventuelle au loyer du théâtre, comme c’est le cas sous Charles de Lorraine. L’accroissement numérique du personnel et, notamment, de l’orchestre, l’élargissement du répertoire, l’obligation de répondre toujours plus et mieux aux attentes du public pour la nouveauté, l’augmentation en conséquence des frais de scène, toutes ces variables alourdissent les cahiers des charges des directeurs et conduisent ceux-ci vers d’inévitables banqueroutes et liquidations dont l’État n’est que le notaire, se gardant bien de renflouer l’entreprise.
- 95 R. Van der Hoeven, op. cit., p. 10-11.
97Ce n’est que sous le régime hollandais que la cassette royale interviendra pour équilibrer les bilans annuels du Théâtre de la Monnaie, acquérir des décors et costumes et alimenter la caisse de retraite des comédiens. En outre, le roi Guillaume versera chaque année le loyer du théâtre à la Ville de Bruxelles, propriétaire du nouveau bâtiment95.
Notes
1 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. III, p. 84.
2 Il en va ainsi des Nymphes de Diane, opéra-comique de Favart représenté pour la première fois à Bruxelles le 1er juin 1747.
3 H. Lagrave, Le Théâtre et le public à Paris de 1715 à 1750, Paris, Klincksieck, 1972.
4 J. Duvignaud, Sociologie du théâtre, op. cit., p. 50.
5 Charles de Lorraine, l’impératrice Marie-Thérèse, son époux François II et l’empereur Joseph II.
6 La Gazette des Pays-Bas relate à plusieurs reprises des soirées semblables. Voir aussi E. Hennaut et M. Campioli, op. cit., p. 80-83.
7 J.-K.-C. von Zinzendorf, Journal, Bruxelles, Hayez, 1991, p. 51, 80 et 102.
8 M. Galand, « Relations et liens financiers entre le gouvernement et le Théâtre de la Monnaie », in M. Couvreur (dir.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 117-131.
9 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Voir le texte complet dans Faber, op. cit., t. IV, p. 52.
10 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1478. Voir le texte complet dans Faber, op. cit., t. IV, p. 45 et 62-63. E. Hennaut et M. Campioli, op. cit., p. 62-63.
11 V. Fournel, Curiosités théâtrales, Paris, Adolphe Delahays, 1859, p. 149 et 162 ; R. Van der Hoeven, Le Théâtre de la Monnaie au xixe siècle, Bruxelles, GRAM, 2000, p. 339-341.
12 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14.
13 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Reproduit par F. Faber, op. cit., t. I, p. 245.
14 Essais sur l’étude du comédien, s.l., 1774, p. 5-7.
15 L. Vallas, op. cit., p. 287.
16 Rouen, Archives départementales 1 B 5533 (dossier « Théâtre du Havre »).
17 Le Littérateur Belgique du 24 juillet 1755, no XVI.
18 Annonces et avis divers des Pays-Bas autrichiens du 7 janvier 1785.
19 Jean Denabre, dit Marignan, était né à Bordeaux le 9 janvier 1720, où il fit ses débuts, avant de passer plusieurs années au Théâtre de Lyon. Il débuta à la Comédie-Italienne en 1758, aux emplois d’arlequin, et joua à Bruxelles de 1760 à 1762. Après un séjour à Marseille et Bordeaux, Marignan débuta à nouveau à la Comédie-Italienne en 1767. En 1781, il publia à Paris des Eclaircissemens donnés à l’auteur du Journal Encyclopédique, sur la musique du Devin du village, dans lesquels il relate ses années passées au Théâtre de Lyon. Il mourut à Paris le 27 février 1797.
20 Gazette des Pays-Bas des 17 mai 1762 (suppl.), 21 février 1765 et 21 janvier 1768 (suppl.).
21 M. Galand, op. cit., p. 120.
22 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 124. La recette des abonnements s’élèvera à 50 000 florins en 1785. Voir F. Faber, op. cit., t. IV, p. 78-81.
23 Représentation extraordinaire pour laquelle même les abonnés paient l’entrée.
24 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 119.
25 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 123 ; AVB, Fonds ancien 621.
26 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 121.
27 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 123.
28 Paris, Bibliothèque nationale et Bibliothèque de l’Arsenal.
29 AEB, Notariat général de Brabant 3398 (notaire Rasch), bail du 13 juin 1736 pour le comédien Dugazon. Voir E. Hennaut et M. Campioli, op. cit., p. 85.
30 Sur Gerardi et les libraires du théâtre, voir M. Cornaz, L’Édition et la diffusion de la musique à Bruxelles au xviiie siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2001, p. 243 et 246.
31 Nos archives n’ont malheureusement conservé que très peu d’exemplaires de ces affichettes, qui sont dispersées dans des dossiers divers (Conseil privé autrichien, Secrétairerie d’État et de Guerre, Tribunaux auliques pour l’essentiel).
32 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 2598-2601 (Journal secret de Charles de Lorraine). Voir M. Galand, « Artistes du Grand Théâtre cités dans le “journal secret” de Charles de Lorraine », in M. Couvreur (dir.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 323-325.
33 Nicolas-Joseph Billot de La Ferrière, dit Florence, était né à Léry, près des Andelys, le 4 mars 1749 (et non en 1752 comme l’ont répété toutes les biographies). Il débuta à Bruxelles en avril 1771 et fut admis à la Comédie-Française le 21 janvier 1777. Il mourut à Paris le 25 juin 1816.
34 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473 ; Notariat général de Brabant 1, 795, 796, 1029, 17152, 3396-3399, 3429-3431, 3434, 7453, 7575, 8852, 17.1111, 18.984, 20.360, 20.361 ; Tribunaux auliques 2402.
35 [H.-A. Cahaisse], Mémoires de Dazincourt, Paris, Favre, 1810, p. 20.
36 Grenoble, Archives municipales, GG 102 (paroisse Saint-Hugues-Saint-Jean). Liebrecht (Comédiens français d’autrefois à Bruxelles, p. 54) lit « Fontantiny ». On a longtemps cru qu’il était le neveu du célèbre Servandoni, mais de récentes découvertes de Jérôme de La Gorce ont mis au jour la filiation directe de l’architecte avec l’homme de théâtre.
37 Liège, Archives de l’État, registre 149 (paroisse Saint-Georges).
38 AEB, Tribunaux auliques, liasse 2402.
39 Spectacle de Bruxelles, Bruxelles, J.-J. Boucherie, 1767, p. 62.
40 Marie-Louise-Philippine Eugénie Servandoni, dite Eugénie D’Hannetaire, avait été baptisée à Bruxelles le 6 janvier 1746 (paroisse Saint-Nicolas) et mourut à Paris le 23 février 1816. Marie-Angélique Servandoni, dite Angélique D’Hannetaire, était née à Toulouse le 22 septembre 1749 (paroisse Saint-Étienne) et mourut à Paris le 14 avril 1822.
41 AEB, Notariat général de Brabant 7568 (notaire Lindekens).
42 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. II, p. 116.
43 AEB, Notariat général de Brabant 8423 (notaire De Jonge).
44 AEB, Notariat général de Brabant 8858 et 8859 (notaire Van Cauwelaert).
45 Bibliothèque royale de Belgique, VI 34.709 A et Faber 3570 (1re édition 1772), VI 20.438 A et Faber 3571 (2e édition 1774), VI 59.092 A et Faber 3572 (3e édition 1775), II 7463 A et Faber 3573 (4e édition 1776) et II 39.300 A (5e édition 1800).
46 AEB, Conseil privé autrichien 1052A. Reproduit par F. Faber, op. cit., t. I, p. 243.
47 AEB, Manuscrits divers 3977. Joseph Pons, dit Beauval, était né à Aix-en-Provence le 20 avril 1750. Il avait épousé en premières noces à Cadix, le 13 mai 1770, Élisabeth Rey, et en secondes noces à Bruxelles, le 25 novembre 1776, Rosalie D’Humainbourg, fille du comédien et souffleur Jean-Claude-Mathias Humain, dit D’Humainbourg, née à La Rochelle le 8 septembre 1754.
48 AEB, Manuscrits divers 3977.
49 La Feuille sans titre no 137, mardi 17 juin 1777.
50 Journal de Paris no 303, 30 octobre 1778.
51 AEB, Manuscrits divers 1808, lettres des 24 et 26 février 1774.
52 Louis Heurteaux, dit Dancourt, était né à Paris en 1725, où il mourut le 29 juillet 1801.
53 [J.-M. Clément et J. de Laporte], op. cit., t. I, p. 260.
54 Claude Le Petit était né à Paris le 3 avril 1734. Il avait débuté à l’Opéra de Paris en 1760. Haute-contre apprécié, il chanta au Concert spirituel en 1762, puis passa à Bruxelles en 1764 et à La Haye en 1774. Il passa encore une saison à Bruxelles, puis se rendit à Toulouse en 1776 et à Bordeaux en 1779. Il débuta à la Comédie-Italienne le 14 juin 1779. Il mourut à Paris le 20 octobre 1788.
55 Spectacle de Bruxelles, 1767, p. 64 et 94.
56 A. Goovaerts, Un opéra français composé en 1774 pour le Théâtre de la Monnaie, Paris, E. Plon, 1890.
57 Louis Bruyas, dit Bursay, était né à Lyon le 24 avril 1738. Le 1er octobre 1776, il avait épousé à Marseille Marie-Anne Moylin, fille des comédiens Martin Moylin et Marie Fromageot. Il mourut le 14 juin 1807 au cours de la bataille de Friedland (aujourd’hui Pravdinsk).
58 AEB, Manuscrits divers 3848.
59 Jacques-Gabriel Zanoni, dit Grégoire, était né à Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre) le 26 juin 1725. Son père, Esme (ou Edme) Zanoni, était maître à danser et « opérateur », fils lui-même du maître à danser et marionnettiste Grégoire Zanoni. Il débuta à Bruxelles en 1763 et y mourut célibataire le 17 avril 1789. Joseph et Thomas Patras étaient ses demi-frères.
60 Almanach historique et chronologique de la Comédie Françoise etablie à Bruxelles, 1754 et 1755 ; Spectacle de Bruxelles, 1767 et 1768.
61 Elle s’était fait siffler et huer à La Haye, Liège et Lille. Chevrier en dresse un portrait satirique dans son Observateur des spectacles, op. cit., t. II, p. 63-65.
62 Spectacle de Bruxelles 1768, p. 109.
63 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 121-122.
64 AVB, registres 366 et 441 (baptêmes de Notre-Dame de la Chapelle et du Finistère) ; [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. II, p. 250.
65 AEB, Notariat général de Brabant 7572 (notaire Lindekens).
66 C. S. Favart, op. cit., t. II, p. 101 ; M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 161.
67 AEB, Manuscrits divers 3846.
68 R. Le Gardeur, The First New Orleans Theatre (1792-1803), La Nouvelle-Orléans, 1963, p. 24.
69 Jean-François Barizain, dit Monrose, était né en 1731. Après un bref passage à la Comédie-Française, il joua à Gand et à Bruxelles entre 1769 et 1771. Il joua à Berlin de 1771 à 1773, puis à La Haye. Il débuta au Théâtre-Italien en 1782 mais ne fut pas reçu. Il mourut à Paris le 22 décembre 1821.
70 Voir au chapitre II la partie consacrée aux scènes provisoires et aux théâtres portatifs.
71 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780.
72 Concernent les années 1706, 1708 et 1715. AEB, Notariat général de Brabant 1751/2 (notaire Marsille) ; AEB, Notariat général de Brabant 185 (notaire Lion) ; AEB, Notariat général de Brabant 941/2 (notaire Meert).
73 Jean-Baptiste Cifolelli était né à Naples en 1724 et mourut à Montpellier le 26 mars 1800. Il était le père de la chanteuse Colette Cifolelli, qui épousa à Bruxelles, le 24 avril 1786, le comédien Jacques-Charles Ricquier (Vernon, 9 novembre 1752 – Bruxelles, 8 octobre 1831).
74 AEB, Notariat général de Brabant 92401 (notaire Pierre Nuewens).
75 AEB, Conseil privé autrichien 1052. Publié par F. Faber, op. cit., t. IV, p. 53.
76 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 57-58.
77 Arles, Archives municipales, FF 7.
78 Nancy, Archives municipales, DD 47.
79 L. Vallas, op. cit., p. 290-293.
80 Lyon, Archives municipales, DD 300.
81 H. Lagrave, C. Masouer et M. Regaldo (éds), op. cit., p. 118-119.
82 L. Gozard, La Vie théâtrale à Toulouse, Toulouse, Université de Toulouse-le-Mirail, 1993, p. 9-10.
83 Le Mans, Archives départementales B 1475 ; R. Deschamps La Riviere, op. cit., t. XLVII, p. 124.
84 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 20-21.
85 E. Hennaut et M. Campioli, op. cit., p. 68-72.
86 J.-F. de Bastide, Journal de Bruxelles ou le Penseur, Bruxelles, Imprimerie royale, 1766-1767, p. 81-83. Sur Mme Defoye, voir la notice en ligne dans le dictionnaire SIEFAR.
87 AEB, Administration du Théâtre de Bruxelles 124.
88 Au sujet des différents projets de reconstruction du théâtre, voir H. Liebrecht, op. cit., p. 348-353 ; V.-G. Martiny, « Charles de Wailly », in Études sur le xviiie siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1977, t. IV, p. 87-99 ; E. Cabris, La Monnaie, Tielt, Racine, 1996, p. 20-33 ; J. Vercruysse, « Les projets d’un nouveau Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle », in M. Couvreur (dir.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 111-115.
89 Gazette de Bruxelles, supplément du 30 janvier 1750.
90 Gazette de Bruxelles du 31 août 1756.
91 Gazette de Bruxelles du 5 octobre 1756.
92 J. Martiny, op. cit., p. 10-11 et 24-27 ; H. Hamal, op. cit., p. 77-79.
93 P. Claeys, op. cit., t. I, p. 67-73 et t. II, p. 87.
94 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province, op. cit., p. 105-107.
95 R. Van der Hoeven, op. cit., p. 10-11.
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Titre | Fig. 8. Jean Mauduit, dit Larive. |
Légende | Gravure de Prud’hon d’après Cœuré. |
Crédits | Collection particulière. |
URL | http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/2066/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 421k |
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Titre | Fig. 9. La Foire de village, comédie-parade de l’abbé Pagès, musique de Vitzthumb, représentée à Bruxelles en 1786. |
Légende | Gravure de Delarue, d’après Le Gros. |
Crédits | Collection particulière. |
URL | http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/2066/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 395k |
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Titre | Fig. 10. Tancrède, tragédie en musique représentée à Bruxelles en 1708. |
Légende | Gravure de Harrewyn. |
Crédits | Collection particulière. |
URL | http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/2066/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 282k |
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Titre | Fig. 11. Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle. |
Crédits | Jacques Isnardon, Le Théâtre de la Monnaie, Bruxelles, 1890. |
URL | http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/2066/img-4.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Philippe Van Aelbrouck, « Chapitre III. Raisons de la sédentarisation des troupes à la fin du siècle », Études sur le XVIIIe siècle, 48 | 2020, 159-188.
Référence électronique
Jean-Philippe Van Aelbrouck, « Chapitre III. Raisons de la sédentarisation des troupes à la fin du siècle », Études sur le XVIIIe siècle [En ligne], 48 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 29 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudes18/2066 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13r3s
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