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Chapitre II. Troupes et comédiens itinérants

Chapter II. Troupe and Travelling Actors
Jean-Philippe Van Aelbrouck
p. 57-158

Résumés

Examen de l’ensemble des informations disponibles pour illustrer la vie du comédien itinérant : la constitution de la troupe et sa structuration interne, la gestion des conflits entre les troupes et au sein de celles-ci, le recrutement des acteurs et leurs rôles sur la scène, le fonctionnement de l’entreprise théâtrale et les autorisations de jouer, la circulation des troupes et des individus, le statut du comédien au sein de la société. La vie de Charles Bernardy et de sa troupe fait l’objet d’une description approfondie. D’abord danseur, celui-ci est devenu l’un des plus grands chefs de troupe de la fin du XVIIIe siècle. Tout au long de sa carrière, il a choisi de sillonner tantôt les Pays-Bas, tantôt la France. Fondateur d’une famille nombreuse, il a mis ses enfants et petits-enfants à contribution et a créé une troupe d’enfants dont la vocation première était la formation dramatique de jeunes talents.

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Texte intégral

  • 1 J. Duvignaud, L’Acteur, Paris, Écritures, 1993, p. 109.

1Au cours de l’Ancien Régime, l’acteur évolue dans un contexte permanent de « courtisanerie » : il est dépendant du prince qui l’entretient et le protège, il est tributaire du public qu’il flatte et distrait. Ce double lien de courtisanerie lui permet de vivre, de manger et d’exister socialement. Duvignaud a montré comment la protection royale constitue, pour les Comédiens-Français, une garantie d’existence et la reconnaissance d’un statut social, au-delà des prescriptions religieuses qui excommunient l’acteur1.

  • 2 M. de Rougemont, La Vie théâtrale en France au xviiie siècle, Genève, Slatkine, 1988, p. 194.

2La vie privée du comédien fascine le public, persuadé que celui qui s’exhibe sur les planches et interprète les héros est en représentation permanente à la scène comme à la ville. Cette curiosité du public donnera naissance à un ensemble de stéréotypes sur cette catégorie d’hommes étranges, qu’on voudrait d’origine modeste et souvent illégitime, découverts par un protecteur qui les lance dans la carrière théâtrale, en butte à tous les scandales et orgies, pour finalement mourir dans la misère. Ces clichés auront la vie dure puisque le xixe siècle les érigera quasiment en modèles biographiques des grandes vedettes2.

3En réalité, on ne sait presque rien de la vie professionnelle et quotidienne du comédien, autant qu’on ignore comment il entre dans le métier. Certains embrassent la profession par vocation, d’autres par tradition familiale, mais ce sont là des cas minoritaires. La majeure partie des troupes est formée d’individus dont on ignore la provenance et les motivations. Dans ce chapitre, nous allons tenter de dégager quelques nouvelles pistes et d’établir quelques repères dans la carrière de ces comédiens anonymes.

  • 3 A. Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre, Paris, Firmin-Didot, 1885, p. 664-665 (...)

4Parmi l’innombrable variété des métiers de la rue, le saltimbanque occupe une place importante dans le domaine du spectacle : acrobates, bateleurs, baladins de toutes sortes, sauteurs et danseurs de corde, équilibristes, montreurs d’animaux, la nomenclature est infinie et tout le xviiie siècle est parsemé d’annonces de leurs représentations et de récits de leurs exploits. Leur caractéristique commune est qu’ils vont de ville en ville et de foire en foire, donnant à voir des numéros fondés sur l’habileté, l’adresse personnelle et une grande technique corporelle. La place publique est leur lieu de travail, ils se produisent seuls ou en groupe3.

5Les danseurs de corde marchent, dansent et voltigent sur une corde tendue ou sur un « fil d’archal ». Dès le début du siècle, les meilleurs se rassemblent autour du célèbre Restier et forment ainsi les premières troupes, dont l’une d’entre elles, celle de Jean-Baptiste Nicolet, portera même le titre de « Grands Danseurs du Roi ». De Giovanni Francolino à Louis Porte, dit Hercule, Bruxelles recevra la visite de quantité de danseurs de corde tout au long du siècle.

  • 4 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, Paris, Berger-Levrault, 1877, décrit une multitude de spe (...)

6D’autres professions apparaissent encore dans les foires, comme les paradistes qui, juchés sur les balcons des loges, exécutent des scènes burlesques ou bouffonnes (« parades ») dans le but d’attirer le public à l’intérieur de la salle où se déroulera la pièce complète. Les parades donnent peu à peu naissance aux « prologues » des spectacles de foires. Quant aux « tours d’adresse » et autres démonstrations sensationnelles, ils captivent l’intérêt du badaud par le caractère « surnaturel » de la performance : colosse soulevant une table chargée de dix-sept hommes, enfant poilu, homme à deux têtes, « nain-géant » et tête parlante4 sèment l’effroi parmi les enfants et attisent la curiosité des grands.

  • 5 Ibid., t. I, p. XXII.

7Les artistes forains comprennent également des « acteurs », au sens où la voix et le langage priment la technique corporelle. Bien souvent maîtres à chanter ou à danser, peintres ou menuisiers de leur état, ils sont engagés par un entrepreneur de spectacles pour la durée d’une foire, quelques semaines tout au plus. L’engouement croissant que le public manifeste à l’égard de ces spectacles et les rémunérations qui en découlent encouragent certains d’entre eux à devenir des acteurs professionnels. Lorsque la période des foires se termine à Paris, ils courent la province, seuls ou en groupe, prodiguant leur art de ville en ville5. Rapidement, le mélange avec les comédiens « traditionnels » va s’opérer et l’Europe sera bientôt envahie de troupes « françoises et italiennes », proposant un répertoire de comédies et de tragédies mêlé de scènes foraines, de danse de corde et de tours d’adresse divers.

8Au cours de cette étude, nous laisserons délibérément de côté les activités purement foraines pour nous concentrer sur les troupes « mixtes » et à proprement parler « théâtrales ».

Les troupes itinérantes

  • 6 La somme de nos connaissances sur le sujet a été réunie par G. Mongrédien et J. Robert dans un dict (...)

9Des études approfondies ont été menées, encore dans un passé récent, sur les troupes françaises qui ont sillonné l’Europe jusqu’au xviie siècle6. On sait que les comédiens de campagne étaient au nombre d’un millier environ, formant quelque deux cents troupes itinérantes. En revanche, peu de documents nous renseignent sur la vie quotidienne de ces troupes et de ces comédiens.

  • 7 P. Scarron, Le Romant comique, Paris, Toussainct Quinet, 1651. Nombreuses rééditions, y compris du (...)

10Il est pourtant une œuvre romanesque à laquelle on doit accorder une attention particulière, car elle mêle la fiction, la réalité et l’autobiographie : le Roman comique de Paul Scarron7, paru en 1651, décrit la vie d’une troupe de campagne établie au Mans. L’auteur y relate des événements dont il a été personnellement témoin, puisqu’il passa plusieurs années au service de l’évêque du Mans. Il cite des localités qu’il connaît bien, donnant ainsi un cadre véridique à son roman.

11Les personnages, qu’il a rencontrés et fréquentés, l’ont assez marqué pour donner au lecteur une impression de vérité et de souvenirs personnels, quitte à régler au passage quelques comptes avec d’anciens détracteurs.

12Plutôt que de dépeindre des personnalités mancelles, dans ce que les personnages pourraient avoir de spécifique à la région, Scarron préfère décrire des types provinciaux, généralisant par là son propos sur une certaine société bourgeoise citadine.

13Scarron est auteur littéraire, mais aussi auteur dramatique. L’intérêt qu’il porte aux comédiens est donc perceptible, il en a partagé la vie un temps, il connaît leurs personnalités, leur aventure humaine. Selon certains biographes, il se serait inspiré d’une troupe existante et de comédiens réels. Que cela soit vrai ou non, il connaît l’univers qu’il dépeint et la troupe à laquelle il se réfère évoque à elle seule toutes les troupes qui circulaient en France à cette période. Elle est en quelque sorte l’archétype des troupes ambulantes du xviie siècle.

14Jusque dans l’usage des noms de scène, Scarron a voulu approcher au plus près la vérité. La Rancune, Roquebrune et Destin, Mlles Angélique et La Caverne, chacun campe un caractère dont Scarron a dû croiser la route. Et lorsqu’il dépeint les personnages manceaux, il nous fait entrer de plain-pied dans la réalité la plus quotidienne, dans la vraisemblance la plus parfaite.

  • 8 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois. Divisé en trois livres, Lyon, Michel Mayer, 1674. Rééditions Br (...)

15Avec Scarron, un autre auteur évoque la vie des comédiens au xviie siècle, presque à la manière d’une étude sociologique cette fois : le Théâtre français de Samuel Chappuzeau8 est le seul ouvrage à détailler le mode de vie et la conduite des comédiens dans la société de l’époque. Dans l’éternel débat qui anime les chrétiens autour de la moralité du spectacle, Chappuzeau défend clairement l’innocence du théâtre, voire sa vertu éducative pour la noblesse et la bourgeoisie.

16Les comédiens, hors des jours de représentation, sont toujours bien vêtus, note Chappuzeau : étant obligés de paraître à la cour, chez quelque prince ou gouverneur, ils sont obligés de suivre la mode et dépensent énormément en « habits ordinaires », de sorte qu’il leur est impossible de placer leur argent et de le faire fructifier. Voilà pourquoi, conclut l’auteur, on voit peu de comédiens s’enrichir.

17Les troupes de campagne « changent souvent, et presque tous les caresmes. Elles ont si peu de fermeté que, dès qu’il s’en est fait une, elle parle en même temps de se désunir ». L’inconstance, le manque de moyens financiers et les faibles talents de certains acteurs en sont les causes principales. Ces troupes ambulantes servent de lieu de formation et de terrain d’expérimentation à la plupart des comédiens : « [C]’est d’où l’on tire au besoin des acteurs et des actrices qu’on juge les plus capables pour remplir les théâtres de Paris. »

18Défense et illustration du théâtre, fréquentation de la noblesse et maigres ressources de l’acteur, inconstance des troupes et attirance pour la Ville lumière : en quelques lignes, Chappuzeau a résumé les caractéristiques qui continueront à définir les traits essentiels des comédiens itinérants jusqu’à la fin du xviiie siècle.

L’engagement des comédiens

  • 9 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, Paris, CNRS, 1986 (...)

19S’il est vrai que, souvent, le rêve d’un comédien de province est de « monter à Paris », nous devons toutefois nous départir d’une vision trop métropolitaine de la profession, sous peine de passer à côté des réalités qui régissent la vie des troupes itinérantes. « Je crois fermement, écrit Fuchs, que l’histoire littéraire – et l’histoire générale – gagnerait à ce qu’on ne fût pas toujours hypnotisé par ce qui se passait à Paris. »9

20En France, la saison théâtrale – on disait alors la « campagne » – débute le lendemain de la Quasimodo (le lundi suivant celui de Pâques) pour se terminer la veille des Rameaux, laissant ainsi une interruption des spectacles de quinze jours. À Bruxelles et dans nos contrées, elle débute généralement le lundi de Pâques et se termine la veille des Rameaux, soit une interruption d’une semaine. Les contrats portent habituellement sur une seule saison et, à la clôture, la troupe est dissoute et chacun est libre de s’engager ailleurs.

21Cette période de relâche est mise à profit par les directeurs pour modifier la composition de la troupe, débusquer de nouveaux talents et prendre des arrangements avec les villes qu’ils envisagent de visiter. Durant cette période « chômée », les comédiens se rendent à Paris pour tenter de décrocher les meilleurs contrats. Lorsque la troupe est trop éloignée de Paris ou si elle décide de poursuivre en commun le travail pour une nouvelle saison, elle envoie dans la capitale un ou deux de ses membres, chargés de recruter les effectifs manquants.

  • 10 Ibid., p. 51.

22Un tel fonctionnement, connu dès le xviie siècle, perdurera jusqu’au lendemain de la Révolution, parallèlement à l’apparition, vers 1765, de « correspondants » ou d’agents théâtraux10.

L’entreprise théâtrale

23Le modèle d’entreprise théâtrale que décrit Chappuzeau – le seul qu’il connaisse – repose sur une participation directe des acteurs associés, pour la durée de leur contrat, aux décisions à prendre et à la santé financière de l’entreprise. Ce modèle est encore, pour l’essentiel, celui que connaît la Comédie-Française aujourd’hui, malgré les tentatives de modernisation de la vénérable institution.

24Au xviiie siècle apparaissent des troupes fonctionnant comme des sociétés coopératives, dans lesquelles chaque acteur détient une part ou une fraction de part. La recette brute des représentations est divisée entre les « actionnaires », à proportion de la mise de départ, soit au jour le jour, soit à la fin du mois. C’est le modèle que les comédiens de Bruxelles adoptent en 1766, lorsque D’Hannetaire obtient du gouverneur Charles de Lorraine un nouvel octroi exclusif, autorisant une société de quinze acteurs à exploiter le Théâtre de la Monnaie.

  • 11 Le secrétaire de la ville Jean-Baptiste Grimberghs, le banquier Jean-Baptiste Meeus ou le négociant (...)

25Ce modèle de coopérative n’est plus efficace dès lors que la troupe se sédentarise et que le travail d’acteur s’accroît notablement. Le sociétaire ne peut plus s’occuper des contingences matérielles et institutionnelles et il doit s’en remettre à une personne extérieure au métier d’acteur, un directeur ou « entrepreneur de spectacles ». Ce dernier n’est pas forcément comédien lui-même car, en définitive, on lui demande de bien gérer les affaires du théâtre et non de paraître sur scène. À l’exception de quelques cas isolés dans la première moitié du siècle11, c’est Ignace Vitzthumb qui inaugurera, en 1772, ce nouveau modèle de fonctionnement pour le Théâtre de Bruxelles.

  • 12 M. de Rougemont, op. cit., p. 176-177.

26Les acteurs et le personnel du théâtre sont recrutés par le directeur, les contrats sont signés par lui seul et il assume l’entière responsabilité financière de l’institution. Les membres de la troupe accèdent au statut de « salariés » et, en échange de leurs compétences propres et de leur travail, le directeur leur paie chaque mois une part des appointements annuels négociés en début de contrat. Cette forme d’entreprise théâtrale répond aux nouvelles règles de l’économie préindustrielle et préfigure le fonctionnement des manufactures du début du xixe siècle, associant délégation du pouvoir et spécialisation du travail12.

27Nous verrons plus loin comment la sédentarisation des troupes a conduit le Théâtre de la Monnaie à pratiquer les deux derniers modèles et comment ils s’organisent successivement au sein de la troupe.

Constitution des troupes

  • 13 L’Hôtel de Bourgogne en premier, le Théâtre du Marais ensuite (1634), puis celui du Palais-Royal (1 (...)

28Paris est depuis longtemps la référence en matière théâtrale : l’établissement définitif de la troupe royale à l’Hôtel de Bourgogne, en 1629, marque le début d’une circulation continue entre Paris et la province. La permanence de lieux théâtraux à Paris13 a favorisé le développement de véritables « marchés de comédiens ».

  • 14 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 10.

29Les troupes de campagne, entre deux saisons théâtrales, délèguent souvent l’un des leurs pour venir conclure à Paris des contrats avec de nouveaux acteurs. Les représentations étant interdites pendant la période du carême, ce chômage forcé incite comédiens et directeurs à gagner Paris pour y négocier de nouveaux contrats. Les comédiens qui n’ont pas été repris dans une troupe parisienne se rabattent alors sur celles de province et les engagements sont conclus sur place. C’est l’une des raisons pour lesquelles on trouve très peu de contrats d’engagement dans les archives notariales des villes de province14.

30Dans nos régions également, cette pratique est générale, du moins jusqu’au milieu du xviiie siècle. Témoin la copie du contrat d’engagement que le chanteur Jean Arnault (ou Arnoult) signe à Paris en 1704 :

  • 15 AEB, Tribunaux auliques 1589.

Suivant la lettre missive de Monsieur de Bombarda du treiziesme du present mois de novembre j’ay arresté avecq le Sr Arnault pour chanter a l’opera de Bruxelles tous les rolles qui luy seront distribuées par Monsieur Fiocco, sans que ledict Sieur Arnault puisse soubz quelque pretexte que ce soit s’absenter que du consentement par escript de Messieurs de Bombarda ou Fiocco et ce pendant le temps et espace de deux années aux app[ointeme]nts de huict cent libvres monnoie de France, a[ins]y faict a Paris ce vingt e sixe novembre 1704 et courreront lesdicts app[oi]ntements du jour de l’arrivée à Bruxelles dudit Sr Arnault. Signé Guyenet et Arnault15.

  • 16 J. de La Gorce, L’Opéra à Paris au temps de Louis XIV, Paris, Desjonquères, 1992, p. 119-121.

31En 1703, le directeur de l’Académie royale de musique de Paris, Jean-Nicolas de Francine, a déjà fait appel à Gio Paolo Bombarda, fondateur du Théâtre de la Monnaie, comme régisseur provisoire, afin d’assainir les finances de l’Opéra16. Bombarda est par conséquent un homme respecté et influent au sein de la société théâtrale parisienne. Lorsque Pierre Guyenet, homme d’affaires plutôt qu’homme de théâtre, succède à Francine, c’est tout naturellement qu’il traite avec Bombarda ou pour son compte.

32Afin d’être complet sur le personnage d’Arnault, voici le portrait peu flatteur qu’en dresse l’auteur du Parnasse Belgique en 1706 :

  • 17 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, Cologne, Héritiers de Pierre le Sincère, 1706, p.  (...)

Est d’une bonne taille, l’air vieux & toûjours inquiet. Chantant à l’Antique, ignorant & voulant disputer de ce qu’il n’a jamais connu. Mediocre Acteur. Il croit avoir la voix fort étenduë, & le ton n’est jamais assez bas pour lui. Jamais content d’aucun Acteur. Difficile à connoître, médisant de son meilleur ami, il médiroit de lui-même, s’il doutoit qu’il fût. Ses assiduitez auprès de quelques Belles n’ont jamais pû prouver de bonnes fortunes. Repetant cent fois, & riant d’une pauvreté qu’il croit un bon mot. Son genie est borné à parler de l’Opera de Lion, tirez-le delà, il faut disputer. Ne convenant jamais de rien ; heureux d’être tombé dans une Societé, qui a connu ses défauts, ce qui sans celà lui auroit attiré beaucoup de chagrin17.

  • 18 AEB, Notariat général de Brabant 184 (notaire Lion). Cet acte concerne la troupe de l’électeur de B (...)
  • 19 AEB, Notariat général de Brabant 185 (notaire Lion). Cet acte concerne Du Bourg, La Salle et sa fem (...)
  • 20 AEB, Notariat général de Brabant 3400 (notaire Rasch). Jean-Jacques-François Drouin était né à Pari (...)

33Des documents d’archives révèlent toutefois que, même au début du xviiie siècle, certains contrats entre comédiens sont signés dans d’autres villes que Paris. On trouve ainsi quelques rares exemples, dans les archives notariales de Brabant, de contrats d’association entre comédiens itinérants ou de contrats d’acteurs engagés dans une troupe déjà constituée. Signalons notamment le contrat d’association passé entre Châteauvert et consorts à Bruxelles, le 9 janvier 170618 ; le contrat d’association passé entre Dubourg et consorts à Bruxelles, le 7 janvier 171019 ; le contrat d’engagement de Jean-Jacques-François Drouin pour la troupe de Lille, passé le 25 février 173820.

34Nous reviendrons ultérieurement sur le contrat de 1710, qui offre de précieux renseignements sur la composition des troupes et les rôles des comédiens à cette époque.

Les Comédiens-Italiens

Fig. 4. Supplément du Théâtre italien, Bruxelles, 1697.

Fig. 4. Supplément du Théâtre italien, Bruxelles, 1697.

Collection particulière.

  • 21 É. Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne, Paris, Berger-Levrault, 1880, t. I, p. X (...)

35À Paris, la comédie italienne est particulièrement prisée par l’aristocratie et par la bourgeoisie, qui ne manquent l’une et l’autre aucun des spectacles mêlant textes en italien et scènes en français, le tout assaisonné de plaisanteries improvisées qui frôlent parfois la grossièreté. Malgré plusieurs avertissements de la police, les comédiens italiens redoublent de grivoiserie et d’indécence. Le Roi fait poster au théâtre un commissaire de police, chargé de lui faire quotidiennement rapport et de fermer le théâtre à la moindre contravention21.

36Malgré cette vigilance, le 4 mai 1697 le théâtre est fermé sans sommation :

  • 22 A. d’Origny, Annales du Théâtre Italien, Paris, Veuve Duschesne, 1788, t. I, p. 27.

M. d’Argenson, Lieutenant-Général de Police, muni d’une lettre de cachet, se rendit sur les onze heures du matin, au Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, & y fit mettre les scellés, tant sur les portes des rues Mauconseil & Françoise, que sur celles des loges des Acteurs ; il fut défendu en même tems aux Comédiens de se présenter pour continuer leurs représentations, Sa Majesté ne voulant plus les avoir à son service. Chacun parla de cet événement selon ses préjugés, & crut en avoir pénétré les vraies causes […] ; néanmoins elles sont encore ignorées22.

37Les historiens trouveront la réponse bien plus tard et découvriront que les comédiens italiens venaient d’annoncer les représentations prochaines d’une pièce intitulée la Fausse prude, qui visait directement Mme de Maintenon, seconde épouse du Roi. Il n’en fallait pas davantage pour que le souverain se défît des saltimbanques impudents, fussent-ils admirés du public parisien.

  • 23 Cette indication est donnée par M. Venard, op. cit., p. 17. L. Vallas, Un siècle de musique et de t (...)
  • 24 AVB, fonds ancien 2233, 3458-3460, portefeuilles 1-37. Concernant Gasparini, nous avons retrouvé un (...)

38La troupe italienne est donc dispersée aux quatre vents et gagne la province : plusieurs comédiens se rendent à Lyon23 et dans d’autres grandes villes de France ; certains d’entre eux arrivent peut-être même à Bruxelles, appelés par le régisseur de Bombarda, le Vénitien Francesco Gasparini. Parmi les papiers de ce commerçant, établi à Bruxelles depuis la fin des années 1680, figure en effet une correspondance abondante, relative tant à son négoce qu’au théâtre. Un registre d’appointements de comédiens court de juin à octobre 1697, d’autres registres couvrent les années 1697 à 1699 et mêlent des noms d’acteurs avec ceux de commerçants et de fournisseurs. L’ensemble de ces documents mériterait un dépouillement plus systématique que celui auquel nous avons procédé24.

Conflits entre les troupes

39Mais Paris est encore le théâtre d’autres conflits entre comédiens. Alors que les spectacles des foires Saint-Germain et Saint-Laurent étaient essentiellement composés à l’origine de pièces pour marionnettes et d’exercices de sauteurs et de danseurs de corde, voire de bonimenteurs, les entrepreneurs commencent à introduire, vers la fin du xviie siècle, de petites comédies jouées par de vrais acteurs.

  • 25 M. de Rougemont, op. cit., p. 263-264.

40Une fois les Comédiens-Italiens expulsés de Paris, les acteurs forains s’emparent de leur répertoire et donnent à leurs pièces un ton qui les fera passer progressivement du statut de saltimbanques à celui de comédiens. Cette transformation du répertoire devient d’autant plus sensible que plusieurs comédiens d’origine italienne, désireux de rester en France et d’y poursuivre leur métier, se joignent aux troupes foraines25.

  • 26 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, op. cit., t. II, p. 250-285.

41Le succès public qui en résulte ne tarde pas à provoquer une concurrence de plus en plus sérieuse pour la Comédie-Française : invoquant les privilèges et les hautes protections dont elle a toujours joui, elle attaque les forains en justice à plusieurs reprises et, après d’interminables procès dont Campardon a rendu compte en détail26, elle finit par obtenir gain de cause.

  • 27 « Va dinao » (il va dîner). Ibid., t. I, p. XIX, note 1.

42C’est sans compter sur les ruses que les acteurs forains sont capables de déployer pour déjouer les interdictions dont ils sont victimes. Ainsi, se voyant interdire tout dialogue sur les tréteaux, les forains imaginent d’abord ne jouer leurs pièces que sous la forme de monologues, ou encore parler à un muet, à un interlocuteur placé dans les coulisses, voire à un animal ; plus tard, ils inventent un jargon évoquant un bas latin quelconque27, mais qui n’entre bien entendu pas en concurrence avec la langue française dont les Comédiens-Français revendiquent seuls l’usage ; ensuite, ils en viennent à inscrire tous les dialogues sur des « écriteaux », sortes de rouleaux de papier sur lesquels on se contente d’inscrire les paroles.

43Bientôt, ces manières de plaisanteries prendront un tour définitif, notamment par l’adjonction de parties chantées, dont l’air est souvent tiré du répertoire populaire, remplaçant ainsi les dialogues interdits. Voici comment le commissaire de police de Paris Ményer décrit la scène en 1718 :

  • 28 Ibid., t. II, p. 363.

Paroissent ensuite trois archers qui veulent arrêter Arlequin, lequel, en jouant de sa lyre, les charme et lui donne lieu de se sauver, ce qui compose le premier acte qui est joué tant par les acteurs que par les spectateurs par des écriteaux descendant d’en haut sur lesquels sont écrits des vaudevilles qui composent la pièce : les acteurs font les gestes et par différentes figures pantomimes expriment ce qui est écrit dans les écriteaux, et les spectateurs chantent et dans quelques endroits les acteurs, pour lier les couplets, disent quelques paroles, et quand les écriteaux descendent, quatre violons, une basse, un hautbois sonnent l’air du vaudeville marqué dans les écriteaux et que le public chante en vaudeville28.

  • 29 M. de Rougemont, op. cit., p. 266 ; J. de La Gorce, op. cit., p. 140-142.

44Les Comédiens-Français n’ont plus de raisons objectives de s’acharner sur les acteurs forains puisque leurs revendications sont satisfaites. C’est maintenant au tour de l’Opéra de crier à la concurrence : il est en effet détenteur unique du droit de chanter, de danser et d’accompagner les pièces en musique dans tout le royaume de France. Le rapport de force se joue différemment ici et, très vite, les directeurs de l’Opéra, Pierre Guyenet et ses successeurs, en proie à des déroutes financières grandissantes, tentent de sauver la mise en vendant à deux exploitants forains le droit de donner des spectacles chantés. C’est ainsi qu’en 1714 naît l’Opéra-Comique29.

45Cette nouvelle « institution » parisienne va également vouloir défendre bec et ongles ses récents privilèges. Les directeurs qui se succèdent à sa tête doivent payer de fortes sommes à l’Opéra pour être autorisés à jouer leur répertoire en musique ; aussi faut-il impérativement attirer un public de plus en plus nombreux, aménager une salle de plus en plus confortable, réunir une troupe de plus en plus nombreuse et brillante.

46L’Opéra-Comique va connaître ses plus belles heures de gloire avec Jean Monnet et Charles-Simon Favart dans les années 1743-1745 et, après une fermeture de sept années, de 1752 à 1762 encore, jusqu’à sa réunion avec la Comédie-Italienne.

47Les acteurs forains, si malmenés par les théâtres privilégiés, n’ont souvent d’autre alternative que de quitter Paris et de donner à voir leurs talents en province. Depuis la fermeture du Théâtre-Italien en 1697 et, plus encore, depuis les conflits avec la Comédie-Française et l’Opéra, les villes de France sont envahies de spectacles en tous genres : pièces foraines, comédies italiennes et françaises, spectacles de marionnettes, danseurs de corde, tableaux mouvants, spectacles d’optique, ombres chinoises, opérateurs et marchands d’élixirs, toute une génération d’acteurs tente sa chance sur les routes, et cet exode atteindra bientôt l’Europe entière.

  • 30 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle, Paris, E. Droz, 1933, p. 24-26.

48Il semble d’ailleurs, d’après les premières constatations de Fuchs, que les troupes se dirigent principalement vers le nord : les Pays-Bas espagnols et la Hollande, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède aussi seront les principales destinations choisies, alors que la France plonge dans une quasi-léthargie théâtrale durant les dernières années du règne de Louis XIV. Ce ralentissement, voire cet arrêt d’activité est attesté par l’absence de documents d’archives s’étendant sur dix à vingt ans, dans la plupart des villes françaises30.

Les régions du nord

49Dans les régions du nord, au contraire, l’activité est plutôt florissante et nos contrées sont visitées par quantité de troupes venues de France. Bruxelles et Gand – pour ne citer que deux villes des Pays-Bas parmi les plus importantes sur le plan théâtral au début du siècle – sont le passage obligé de nombreuses troupes ou d’individus isolés qui parcourent le nord de l’Europe.

  • 31 AVB, fonds ancien 1760 (Resolutieboecken) ; Gand, Stadsarchief, Oud Archief 200/7 (Schouwburg).

50Des Français comme Lescot, Lalauze, Lavigne, Fonpré, Brilla, Restier, mais aussi des Anglais comme Ferguson, des Hollandais comme Oploo et Magito, des Italiens comme Francolino et Constantini, tous proposent des spectacles, des tours d’adresse, des remèdes miracles. Après avoir obtenu du magistrat de la ville les autorisations nécessaires, ils négocient les dates de représentations avec les directeurs du théâtre ou avec les propriétaires des salles et des emplacements destinés aux forains31.

  • 32 M. S. Djelassi, op. cit., p. 160-163.

51L’importance que revêt, durant les xviie et xviiie siècles surtout, la présence d’un théâtre français auprès de la plupart des cours d’Europe traduit le besoin de prestige à travers lequel l’aristocratie veut briller. On songe au rôle que tient Voltaire auprès de Frédéric II de Prusse ; on évalue moins les moyens financiers que Charles XII de Suède, à peine âgé de dix-huit ans, déploie pour faire venir de Metz à Stockholm la troupe de Rosidor. Le 4 août 1699 est signée à Paris une convention d’engagement au service du roi de Suède d’une troupe de douze acteurs, quatre chanteurs, quatre danseurs, quatre musiciens et un décorateur, contre une pension annuelle de 18 000 livres. La troupe devra quitter Metz le 18 août et se rendra à Amsterdam, par la Moselle et le Rhin, où elle embarquera pour Stockholm. Les comédiens français étant catholiques, ils ne seront « en aucune maniere inquiettez en leur religion dont ils pourront faire l’Exercice chez les Ministres Catholiques qui sont à la Cour de Suede ». La convention, signée pour deux ans, sera renouvelée jusqu’en 170632.

52Vers la même époque à Bruxelles, l’archiduc Maximilien-Emmanuel de Bavière, gouverneur des Pays-Bas espagnols, donne mandat à Gio Paolo Bombarda d’engager des troupes venues de France. Celui-ci traite alors directement avec l’Académie royale de musique de Paris pour engager quelques artistes renommés. À d’autres occasions, il passe contrat avec des troupes de passage, comme celles de Fonpré et de Prévost.

La juridiction de la Comédie-Française

  • 33 J. Nattiez et R. Thomas-Coële, « Les questions de Max Fuchs », in Y. Giraud (dir.), La Vie théâtral (...)

53Afin de constituer une troupe de qualité, le directeur signe des contrats individuels d’engagement avec les comédiens qu’il a choisis. Soit il débauche des acteurs arrivés en fin de contrat dans une autre troupe, soit il va lui-même faire son choix à Paris. En effet, chaque année à la clôture de saison, le samedi des Rameaux, les comédiens désireux de changer de troupe, de ville, de directeur, de conditions financières se rendent à Paris où se tient une véritable « foire aux acteurs ». Ils sont recrutés à la criée de la rue des Boucheries et, à partir de 1788, par des correspondants tenant des « bureaux d’adresse » à leur intention33.

54Les engagements sont en principe soumis à la juridiction de la Comédie-Française, qui maintient ainsi un contrôle précis sur les déplacements des comédiens. Les contrats sont souvent l’objet de démêlés divers et les sujets de controverses ne manquent pas : tel premier rôle doit fournir ses costumes, tel directeur refuse de fournir ceux du figurant, tels comédiens se disputent la distribution des rôles et des emplois dans la troupe, tel acteur estime devoir gagner tant, etc.

  • 34 J. Bonnassies, La Comédie-Française et les comédiens de province, Paris, Léon Willem, 1875, p. 7-9.
  • 35 F. Rousseau, « Documents pour l’histoire du théâtre français en Belgique », Revue belge d’histoire, (...)
  • 36 F. Faber, op. cit., p. 4-8.

55En vertu de sa situation de théâtre privilégié, la Comédie-Française a le droit de juger les contestations qui s’élèvent entre les directeurs et les comédiens de province. Il s’agit en réalité d’une simple coutume, qui ne s’est muée en « droit », voire en obligation, qu’en 175734. Mais déjà bien avant, cette coutume est ancrée dans les mœurs juridiques des troupes, témoin la clause figurant au bas de l’acte d’association passé à Mons le 7 février 1707 : « [S]’il arrivoit quelque dispute entre lesdits associéz, plutôt que d’en appeler pardevant le juge d’une ville, ils s’en raporteront d’un commun accord à Messieurs les Comédiens de Paris. »35 Une même clause figure dans les contrats de la troupe de Jean Biet, dit Beauchamps, passés à Gand les 28 mars 1696 et 28 novembre 169736.

56Dès qu’un comédien franchit la frontière du royaume, il échappe normalement de facto à cette juridiction. C’est pourquoi de plus en plus, de telles situations conflictuelles sont réglées, dans les Pays-Bas, par une juridiction dépendant du gouverneur : l’alcadie de la cour ou tribunal aulique. Puisqu’en France, la plupart des troupes sont placées sous la haute protection d’un seigneur, d’un prince ou d’un gouverneur, les comédiens arrivant dans les Pays-Bas sollicitent tout naturellement la protection du tribunal aulique plutôt que de s’en remettre à une juridiction civile.

57Le fonds des tribunaux auliques conservé aux Archives de l’État en Belgique de Bruxelles est riche de plus de 3 000 dossiers de plaintes, sanctions et procès divers à l’égard du personnel de la cour dans son ensemble, parmi lesquels on dénombre quelque 430 dossiers relatifs à des comédiens et à des musiciens. On y trouve de nombreuses indications biographiques, des copies de contrats d’engagement, des peintures de mœurs, et toujours en filigrane l’impécuniosité d’artistes couverts de dettes, qui n’ont d’autre choix que de se laisser prélever une part de salaire en guise de remboursement.

L’agent dramatique

  • 37 C. S. Favart, Mémoires et correspondance littéraires, dramatiques et anecdotiques, Paris, Léopold C (...)

58Dans les petites villes de France ou à l’étranger, l’entrepreneur de spectacles a intérêt à s’appuyer sur un relais de confiance à Paris. Cette personne, versée si possible dans l’art théâtral et dans les affaires, sert d’agent dramatique au directeur et lui indique les comédiens dotés d’une certaine valeur artistique, sans être pour autant trop exigeants quant aux rémunérations. L’exemple le plus connu et le plus marquant de ce type d’association est le tandem formé par Charles-Simon Favart et le comte Giacomo Durazzo, dont la correspondance foisonne d’anecdotes précieuses pour l’histoire du théâtre37.

59Dès 1762, Favart, qui est à Paris l’agent théâtral de la cour de Vienne, écrit à Durazzo :

  • 38 Ibid., t. I, p. 45 (lettre du 28 décembre 1762).

Jamais les talents n’ont été si rares parmi nous ; on bat la caisse pour en trouver, et si notre capitale, qui est leur rendez-vous ordinaire, en manque aujourd’hui, on ne doit pas espérer d’en trouver ailleurs.
La paix rend encore l’ouvrage plus difficile ; chaque ville de province veut avoir une troupe, et l’on fait des recrues jusques sur nos boulevards
38.

  • 39 Ibid., p. 133 (lettre du 29 juillet 1763).

60Sept mois plus tard, Favart se plaint encore de ce que « la paix qui va multiplier les troupes de comédiens à l’infini, fait déjà renchérir jusqu’aux plus médiocres sujets. Les appointemens d’aujourd’hui ne sont pas ceux qu’ils avoient il y a dix ans ; le prix des sujets augmente à proportion du besoin et de la rareté »39.

  • 40 Louis-Gabriel Cabre, dit Bercaville, était né à Paris vers 1710. Le 20 juillet 1738, il avait épous (...)
  • 41 Almanach historique et chronologique de la Comédie Française établie à Bruxelles, 1754, fo 43 vo.
  • 42 J. Fransen, op. cit., p. 299.

61À Bruxelles, pendant la domination française par les troupes du maréchal de Saxe, le nouveau directeur Favart emmène avec lui un fidèle complice qui deviendra un personnage important, bien qu’effacé, du Grand Théâtre. Bercaville, de son vrai nom Louis-Gabriel Cabre, a épousé à Strasbourg la comédienne Julienne-Nicole Sabatier, connue à l’Opéra-Comique dès 1733 sous le nom de Mlle Julie40. En juillet 1741, elle fait ses débuts au Théâtre-Français de Paris mais n’y reste pas, « ayant trouvé mieux que ce que l’on donne ordinairement à l’essay à la Comédie Française »41. Les époux gagnent ensuite La Haye en 1743 ; lors d’un passage dans cette ville, Voltaire remarque : « Il y a une Bercaville qui vaut mieux, sans comparaison, que toutes les soubrettes qu’on a essayées et qui est plus effrontée elle seule que toutes les autres ensemble. »42

  • 43 Manuscrit trouvé à la Bastille, s.l., 1789, p. 4.

62Le couple fait ensuite partie de la troupe de D’Hannetaire à Bruxelles en 1745 et, lorsque arrive Favart l’année suivante, il s’intègre tout naturellement dans la nouvelle troupe. Dès lors, Bercaville devient le régisseur de Favart et se voit confier, à son retour en France, le poste de « lecteur » de Maurice de Saxe43, fonction qu’il occupera jusqu’à la mort du maréchal survenue en 1750.

63Il revient à Bruxelles quelques années plus tard comme « inspecteur » du Grand Théâtre, poste qu’il continuera d’occuper jusqu’à la saison 1779-1780. Dans une lettre datée du 8 mars 1762, un correspondant de Chevrier écrit :

Le Sieur Bercaville ex-Comédien occupe aussi une place en sous-ordre dans cette administration, c’est le même que vous appeliez l’aide de Camp de Gourville, il remplit ici la même place sous le titre d’inspecteur, on l’a chargé en cette qualité de la correspondance extérieure, & j’ose vous dire qu’il s’acquitte de cet emploi à la satisfaction pléniere de Messieurs les Administrateurs, son amour pour le Théatre que ses talens ont embelli autrefois, & son zèle l’ont engagé seuls de se charger de cette besogne […].

  • 44 Claire-Josèphe Léris de La Tude, dite Mlle Clairon, sociétaire de la Comédie-Française.
  • 45 [F.-A. de Chevrier], L’Observateur des spectacles, La Haye, H. Constapel, 1762-1763, t. I, p. 333-3 (...)

Infatigable dans ses correspondances, il vient d’augmenter d’un huitieme le produit de la poste, il ne paroit plus que des lettres à la main, celles surtout de Mademoiselle Cleron44 ont la preférence dans son porte-feüille, & fixent particulierement l’attention du Comité dont toutes les deliberations sont dictées par la sagesse45.

  • 46 Ibid., t. II, p. 254.

64Plus loin, Chevrier qualifie sa fonction de « Directeur Ordinaire & Enroleur »46. Sa connaissance du milieu théâtral et ses relations parisiennes font de lui un personnage clé du recrutement des meilleurs éléments pour le Théâtre de la Monnaie.

65Dans les années 1770, les deux directeurs du Théâtre de la Monnaie se partagent un temps les rôles de la même manière que l’ont fait Favart et Durazzo : tandis qu’Ignace Vitzthumb reste aux commandes à Bruxelles et signe les contrats préparés par Bercaville, Louis Compain va prospecter à Paris.

  • 47 AEB, Conseil privé autrichien 1054 ; Manuscrits divers 1808, 3846, 3847, 3848, 3977. Cette correspo (...)

66Après la mort de sa femme en couches survenue en décembre 1773, Compain se rend donc dans la capitale française pour recruter de nouveaux comédiens et chanteurs. Durant deux mois, il entretient une correspondance presque quotidienne avec son associé Vitzthumb et avec Franck, le secrétaire du prince de Starhemberg, ministre plénipotentiaire de Charles de Lorraine, sur les pièces qu’il a vues aux Italiens, aux Français, à l’Opéra, et sur les entrevues qu’il a eues avec des auteurs comme Favart, Grétry, Gossec ou Philidor47.

67Chargé de débusquer les « bonnes affaires », Compain écrit à Franck le 24 février 1774 :

J’ai été chez Mlle Demontansier avec laquelle j’ai déjeuné. Nous avons parlé longtems ensemble : elle ne veut se relâcher en aucunne maniere relativement à Mr Patras ; et voici ce dont nous sommes convenus. Nous nous proposons de parler à Mr Aufresne pour savoir déterminément ses intentions, et s’il préfére rester avec Mlle Demontansier, ou s’il veut venir à Bruxelles ; alors je lui demanderai quelles sont ses prétentions. Mlle Montansier m’a dit que son intention étoit de lui donner 10 mille francs pour sa femme et lui : faites moi le plaisir, Monsieur, de m’informer, si en cas que Mr Aufresne nous donne la préférence, je puis lui offrir 10 mille francs, pour son épouse et lui.

68Compain ajoute à sa lettre un billet ainsi rédigé :

  • 48 François-Hyacinthe-Guillain Cressent de Bernault dirigea plusieurs troupes, notamment à Rouen, Ange (...)
  • 49 AEB, Manuscrits divers 1808. Bien en cour, la Montansier était à cette époque directrice des specta (...)

Je viens de faire une trouvaille précieuse : une jeune personne de 18 ans, très bien née, bien faite, jolie, d’une belle taille, la voix superbe, flexible, belle cadence, étendue, bien timbrée, juste ; elle n’a joué qu’en société. C’est un beau présent à faire à Vitzthumb. Je l’ai engagée et lui ai dit que l’on décideroit de ses appointemens quand elle sera à Bruxelles. Elle m’est recommandée par d’honnêtes gens, et n’est point fille. Bernaud48, et plusieurs autres directeurs, étoient à sa poursuite. J’ai cru devoir conclure. Nous voilà en secondes chanteuses supérieurement49.

  • 50 AVB, registres 172 (décès de la paroisse Sainte-Gudule) et 471 (baptêmes de la paroisse Saint-Nicol (...)

69Et pour cause : Compain est tombé sous le charme de Françoise-Claudine de Clagny, une jeune chanteuse née à Paris le 30 avril 1753 avec laquelle il aura trois enfants. Elle mourra à Bruxelles le 28 juillet 1780, à l’âge de vingt-sept ans50.

70Continuant ses investigations, Compain écrit à Franck le 9 mars :

  • 51 AEB, Manuscrits divers 1808. Dans une lettre du 2 mars, Compain écrit « ce coquin de Patras ».

Je suis de votre sentiment, Monsieur, relativement à Mrs Aufresne et Patras ; je crois qu’il vaut mieux, pour nous, d’avoir Mr Patras ; ce n’est pas le plus honnête homme du monde ; mais pour peu que S. A. le Ministre daigne nous protéger ouvertement, vis-àvis lui, on pourra le mettre à la raison51

71À la fin de son séjour, Compain résume à l’intention de Franck les dispositions qu’il a prises pour revenir à Bruxelles avec plusieurs comédiens, dans une lettre datée du 27 mars :

  • 52 Dictionnaire de Trévoux, Paris, Compagnie des Libraires associés, 1752, t. I, col. 1924 : « On appe (...)
  • 53 AEB, Manuscrits divers 3847.

J’ai reçu ce matin une lettre de Mlle Le Clair, que je vous envoie, Monsieur, afin que vous mettiez sur le Répertoire les piéces par lesquelles elle desire débuter.
[…] Je ferai partir Mercredi prochain, tout le peuple comique par la dilligence, consistant en : 1
o mon beau pere qui vouloit partir comme un sot, samedi dernier, sans passeport, et que j’ai empêché de partir sans en avoir un ; 2o Mde De Clagny ; 3o Mlle De Lisle, figurante (emmenant sa femme de chambre) ; 4o Baptiste, afin de pouvoir donner une place dans ma voiture à quelqu’autre ; 5o Mlle Le Clair, et Mlle Montauban dans ma brouette52 : cette dernière est une figurante de l’Opéra que j’ai engagée à 600 livres53.

Les contrats d’association

  • 54 AEB, Notariat général de Brabant 184 (notaire Lion) ; G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 235.

72Toutefois, les troupes itinérantes recrutent généralement d’une autre manière et, jusqu’au milieu du xviiie siècle, on rencontre des noyaux de comédiens stables s’entourant de nouvelles recrues pour quelques mois ou pour une année complète. Par le contrat d’association passé à Bruxelles le 9 janvier 1706 entre Châteauvert et consorts, on voit en effet que les principaux membres de la troupe forment depuis quelque temps un noyau solide, au service de l’électeur de Bavière54.

  • 55 Copenhague, Archives nationales (baptêmes de l’Église catholique romaine) ; Lille, Archives municip (...)

73Jean-Baptiste de Lorme, dit Châteauvert, a joué plusieurs années durant au Danemark, au service du roi Christian V. Son fils Julien est baptisé à Copenhague le 9 septembre 1686, ainsi que deux autres enfants : René le 10 août 1688 et François le 8 août 1691. Sa fille Marie-Aldegonde est baptisée à Lille le 27 janvier 1697. Son fils aîné Jean-Baptiste épouse à Gand, le 14 avril 1704, Marie-Jeanne Barrié, dite Fonpré, également fille de comédiens. Il leur naît un fils, Jean-Baptiste-Joseph, à Bruxelles le 2 février 1705, dont le parrain est Châteauvert55.

74Muni des procurations de ses fils Julien et Pascal ainsi que de celles de Georges-Guillaume Du Mont, dit Lavoy, de sa femme et de Michel Chalons, Châteauvert s’associe avec Michel de Villedieu, son épouse Marie-Françoise-Baptiste de Houy, dite Rosange, la sœur de celle-ci, Catherine de Houy-Derval, qui joue également sous le nom de Rosange, et Charles Desurlis. Les comédiens conviennent de s’associer « pour la representation des Comedies en touts lieux qu’ils trouveront convenir, et dans le royaume [de France] et hors du royaume, à commencer à Pasque prochain et finir le mercredy des Sendres de l’an 1707 ». Les contrats d’engagement individuels sont passés à Namur.

75Les contrats que nous avons cités pour Gand (1696 et 1697), Mons (1707) et Bruxelles (1706 et 1710) sont les seuls documents conservés qui témoignent de la manière dont se constituent les troupes itinérantes dans nos régions. Au-delà de 1710, on ignore absolument où et comment se concluent de tels contrats, mais il est à supposer que la capitale française, sous Louis XV, redevient la référence en la matière. Un dépouillement systématique du Minutier central de Paris permettrait probablement de découvrir des documents probants à cet égard pour le xviiie siècle.

76Cette coutume perdurera à Bruxelles jusqu’à la fin des années 1760, lorsque se constituera une troupe à caractère permanent, les « Comédiens ordinaires de S.A.R. » le prince Charles-Alexandre de Lorraine.

Les chefs de troupes et l’entreprise théâtrale

77Si, au xviie siècle, on recensait déjà quelque deux cents troupes de comédiens français circulant en France et en Europe, dès les dernières années de ce siècle on assiste à une prolifération de troupes et de comédiens itinérants. Certaines circonstances, comme la fermeture du Théâtre-Italien, les conflits entre les artistes forains et la Comédie-Française, ou encore la mort de Louis XIV, ont concouru à cette multiplication de troupes, d’abord errantes avant de devenir itinérantes, c’est-à-dire plus systématiques dans leurs déplacements.

78Étrangement, on enregistre peu de continuité entre les troupes du xviie siècle et celles du xviiie. La fin du règne de Louis XIV a subi la dévotion croissante du monarque et son intérêt de moins en moins marqué pour les fêtes, les plaisirs et le théâtre ; son décès en 1715 va accélérer la rupture entre les deux siècles et, surtout, entre deux générations d’entrepreneurs de théâtre.

79Des familles de comédiens itinérants vont disparaître, tandis que de nouvelles vocations naissent et se répandent sur les routes d’Europe. Les Beauchamps, Belleroche, Bonœil, Châteauneuf, Clavel, Desurlis, Fonpré, Poisson et autres Rosidor s’éteignent peu à peu, alors que se constituent de nouvelles troupes autour des Baptiste, Beaugrand, Dreuillon, Drouin, Dugazon, Francisque (ainsi que ses frères et neveux Moylin), Gherardi, Gourville, Hus, Malter, Patras, Pitrot, Ribou, etc.

80Certaines familles constitueront de véritables dynasties. Issue bien souvent d’un aïeul comédien, une branche de la famille va prendre son indépendance par rapport à la troupe à laquelle elle appartenait. Par mariages et par affinités personnelles, cette branche va s’amplifier et se transformer bientôt en affaire de famille, gérée par le père. Chaque membre de la famille se spécialisera et y aura sa place : le père et la mère tiennent les premiers rôles, les enfants jouent, chantent et dansent, les cousins forment l’orchestre, etc.

La société coopérative

81L’itinéraire mouvementé de la plupart des troupes laisse entrevoir la persistance de difficultés financières sans nombre, qui poussent souvent la troupe à fuir les situations de banqueroute dont elle est frappée. Certes, pendant toute la première moitié du siècle, les autorisations de représenter dans les villes sont données bien souvent pour un été ou un hiver, quand ce n’est pas pour un mois ou deux seulement. Rarement une troupe a l’occasion de gérer ses affaires sur une période plus longue, et chaque déménagement est un nouveau recommencement.

82Seuls la renommée – fruit de la qualité des comédiens – et le répertoire proposé au public – résultat de l’expérience du directeur – sont de nature à sortir certaines troupes de l’échec financier répété.

83Le système économique développé par la plupart des troupes itinérantes dès le xviie siècle s’apparente à ce que nous appelons aujourd’hui une société coopérative. Au moment de la formation de la troupe, chaque acteur apporte sa contribution financière selon ses moyens et ses talents. Un petit capital commun est ainsi constitué, permettant à la troupe de vivre et de voyager. Les recettes nettes des représentations sont ensuite redistribuées au prorata de la mise individuelle, soit au jour le jour, soit à la fin du mois.

84Lorsqu’un actionnaire quitte la troupe, sa part est rachetée par son remplaçant et la somme ainsi perçue est versée au comédien sortant sous la forme d’une rente ou pension, versée à vie ou pour une période déterminée. Un tel système offre l’avantage d’intéresser directement le comédien dans les succès de la troupe. A contrario, les échecs sont aussi supportés collectivement. Mais la mise de départ étant souvent mince, le fonds de roulement permet rarement de faire face aux insuffisances de recettes ou aux aléas économiques et mène tôt ou tard à la faillite de l’entreprise théâtrale dans son ensemble.

Le directeur des spectacles

85Au début du xviiie siècle déjà apparaît une autre forme d’organisation, dirigée par un entrepreneur. Ce « directeur des spectacles » n’est pas forcément un comédien, il est bien souvent commerçant ou rentier de son état. C’est lui qui recrute les comédiens et les rémunère, sous la forme d’un salaire annuel payé par mensualités.

  • 56 Au sujet de Mme Montansier, voir l’ouvrage un peu romancé de Louis-Henri Lecomte (Paris, Félix Juve (...)

86L’intérêt financier et la spécialisation grandissante des métiers amènent progressivement certains entrepreneurs à multiplier les troupes dont ils assurent la gestion. Ainsi, un directeur qui a deux troupes sous sa responsabilité peut les faire alterner dans plusieurs villes d’une même province, augmentant d’autant les espérances de recettes et diminuant du même coup les risques financiers. On connaît de nombreux cas de ce genre d’entreprise, dont le plus célèbre est sans doute celui de Marguerite Brunet, dite Mme Montansier, qui dirigea plusieurs troupes en Bretagne, chacune placée sous la responsabilité d’un régisseur différent56.

  • 57 Joseph Bruseau de La Roche, né à Paris et époux de Marie-Caroline de Lorme, était acteur, dramaturg (...)

87À Bruxelles, Ignace Vitzthumb procède de même lorsqu’il fait circuler une « troupe flamande » dans les principales villes des Pays-Bas, tandis que la « troupe française », basée au Théâtre de la Monnaie, joue en hiver à Gand et à Anvers. En 1731 déjà, Joseph Bruseau de La Roche57 met en scène un personnage de la « Comédie flamande » s’adressant à un acteur de la troupe française de Bruxelles :

  • 58 J. Bruseau de La Roche, Le Jugement comique ou La revue des spectacles de Bruxelles. Bruxelles, N. (...)

[C]omme les bonnes Actrices sont rares & que les nôtres ne sont pas mauvaises, nous craignons toûjours que les Actrices Françoises ne nous les enlevent58.

88Trente ans plus tard, Chevrier consacre lui aussi quelques lignes au spectacle flamand, qu’on nomme alors « Théâtre national » :

  • 59 Lundi 18 janvier 1762. L’article de Chevrier est daté du 1er février.
  • 60 En 1757 déjà, Joannes Franciscus Cammaert traduisit en flamand cette comédie de Favart et la fit im (...)
  • 61 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 164-165. Guillaume-Joseph Charliers de Buisseret, seigneur (...)

Ce Spectacle sensible moins à l’argent qu’aux vœux du public, a pris depuis le dix-huit de ce mois59 un [sic] relache de quelques jours, les Comédiens François de la même Ville, plus attentifs à leurs intérêts qu’à leur mérite personnel, continuënt leurs représentations sinon avec succès, du-moins avec un concours d’aimables oisifs, de jolies femmes & d’autres qui cherchent à se montrer, quoiqu’on ne cherche plus à les voir, & enfin d’hommes respectables qui en quittant leur Cabinet, cherchent au Spectacle, cette forme de dissipation que le grand monde produit.
Le Théatre Flamand qui se pique de savoir dédier les productions qu’il représente, vient d’adresser la traduction de Ninette à la Cour
60 à Monsieur Charlier, Amateur des Arts, Protecteur des Spectacles & ce qui est très analogue à ces deux qualités, Intendant de la Navigation Bruxelloise61.

89Nous verrons plus loin comment Vitzthumb tirera parti de ce « Spectacle flamand » et le mènera à plusieurs reprises dans les principales villes des Pays-Bas.

Les directrices

  • 62 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois, op. cit., p. 82-83.

90La condition de la femme au théâtre au xviiie siècle n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études : tout au plus quelques articles et l’une ou l’autre monographie. On sait cependant qu’il règne dans les métiers « comiques » une assez grande égalité entre les sexes. Au siècle précédent déjà, l’écrivain et dramaturge Samuel Chappuzeau nous indique que « l’authorité de l’Estat [des comédiens] est partagée entre les deux sexes, les femmes luy estant utiles autant ou plus que les hommes, et elles ont voix délibérative en toutes les affaires qui regardent l’intérest commun ». Les seules différences qui peuvent apparaître entre les membres d’une troupe, quel que soit le sexe, sont celles dues au talent, « ce qui en cause de même dans les employs et dans les profits ». Au sujet des responsabilités et des bénéfices, il poursuit : « Quelquefois la demy-part, et même la part entière est accordée à la femme en considération du mary, et quelquefois au mary en considération de la femme ; et autant qu’il est possible, un habile comédien qui se marie prend une femme qui puisse comme luy mériter sa part. Elle en est plus honorée, elle a sa voix dans toutes les délibérations, elle parle haut, s’il est nécessaire, et (ce qui est le principal) le ménage en a plus d’union et de profit. Il en est de même d’une bonne comédienne, à qui il est avantageux d’avoir un mary capable, et qui ayt acquis de la réputation. »62 Et Chappuzeau de conclure : « mais cela ne se rencontre que rarement »…

91Comment une femme assumant des tâches habituellement réservées aux hommes est-elle considérée au xviiie siècle et comment une « entrepreneuse » de spectacle est-elle traitée par ses pairs et par ses subordonnés ? Quelle énergie et quelle poigne doit-elle mettre dans son entreprise pour être respectée ? Hormis l’article légèrement condescendant, « la » Dujardin sillonne la France et les Pays-Bas durant trente ans ; « la » Baptiste dirige les théâtres de Valenciennes et de La Haye pendant trente-cinq ans ; « la » Destouches est admirée et respectée à Lyon durant plus de vingt-cinq ans ; « la » Montansier l’est dans tout le royaume et l’empire français pendant presque soixante ans.

  • 63 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 176 et 207.

92Parmi les quelque 220 troupes recensées par Georges Mongrédien pour le xviie siècle, aucune n’est dirigée par une femme. Tout au plus les actrices sont-elles épouses du chef et, même veuves, elles ne reprennent jamais la direction laissée vacante par leurs maris : tantôt elles sont associées au nouveau directeur, tantôt elles épousent le frère ou le cousin du directeur défunt et maintiennent ainsi leur rang d’épouse du directeur. Les seuls rares cas concernent des femmes dirigeant des troupes d’enfants, les leurs et ceux de leur famille pour la plupart. Marguerite Raisin et sa fille, Catherine de Villiers, sont de ce nombre63. La tradition va d’ailleurs se perpétuer tout au long du siècle suivant et s’éteindre progressivement à la fin de l’Ancien Régime. C’est donc un phénomène propre au xviiie siècle : pas de femmes directrices au xviie siècle et plus aucune au xixe.

  • 64 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 54.

93Pour prendre la mesure du statut de directrice au xviiie siècle, il faut d’abord rappeler les conditions civiles de la femme actrice. La majorité n’est acquise qu’à l’âge de vingt-cinq ans, dans la plupart des régions de France et d’Europe. Une mineure a donc besoin de l’accord parental pour entrer dans une troupe et c’est généralement le père qui signe le contrat d’engagement. De même, une femme mariée peut rarement signer seule un contrat, l’autorisation de l’époux étant souvent requise. Fuchs cite même le cas d’une actrice que le mari aurait obligée de s’engager dans une autre troupe que celle de son choix64.

94Comment devient-on directrice de troupe ? Le cas de Mme Montansier ne peut certainement pas être généralisé, mais il est illustratif de l’accès à cette fonction. « La » Montansier fut d’abord salonnière, elle avait ouvert un salon à Paris, près du Louvre, où se réunissait la crème de l’aristocratie. Elle n’eut sans doute aucun mal à convaincre certains de ses visiteurs de l’entretenir et de la conseiller pour devenir comédienne et elle se produisit pour la première fois sur scène en 1768 à Nantes, dans Nanine de Voltaire. Voyant que ses talents n’étaient pas suffisants pour en faire un vrai métier et souffrant d’un fort accent gascon, elle se résigna à conduire une troupe, puis une autre, jusqu’à devenir une véritable entrepreneuse de réputation nationale. Bien en cour grâce à son entourage galant, elle parvint à convaincre les intendants et gouverneurs de province, et jusqu’au Roi lui-même, de lui céder le privilège de représenter dans les principales villes de France : Versailles, puis tout l’Ouest de la France et enfin Paris, où un théâtre porta d’ailleurs son nom. Elle occupa même pendant cinq mois le Théâtre de la Monnaie, de novembre 1792 à mars 1793, dans les pas du général Dumouriez.

  • 65 M. de Rougemont, op. cit., p. 183.

95Martine de Rougemont confirme la grande diversité d’origine sociale et professionnelle des directeurs de théâtre : certains viennent de la finance, d’autres de la littérature, d’autres encore cherchent aventure, mais très peu viennent du théâtre, à l’exception de quelques « enfants de la balle », comme le dramaturge Favart ou Mlles Dujardin et Dimanche, qui viennent de l’opéra. Curieusement, alors que le double métier d’entrepreneur de spectacles et de directeur de théâtre requiert quelques compétences juridiques, aucun ne vient de la robe65.

  • 66 [J.-B. Durey de Noinville], op. cit., t. II, p. 99-102.
  • 67 J. de La Gorce, « Une académie de musique en province au temps du Roi-Soleil : l’Opéra de Rouen », (...)

96L’une des premières directrices – sinon la toute première – qui aient véritablement réuni et conduit une troupe de comédiens à travers la France se nomme Marianne Dujardin. Née vers 1690, elle a figuré dans les chœurs de l’Académie royale de musique de Paris et y a même tenu quelques rôles-titres entre 1704 et 171166. Au cours de cette dernière année, elle se rend à Rouen avec la troupe que Guillaume Puylata, riche héritier lyonnais, a levée à Paris et elle reste pendant deux ans l’actrice principale de l’Opéra de Rouen67.

  • 68 João Gomez da Silva, comte de Tarouca, avait pris part aux négociations de la Paix d’Utrecht (1713)
  • 69 Nicolas Desfontaines aurait été commis du marquis de Louvois.
  • 70 [P. Bonnedame dit Desforges], Mémoires anecdotes pour servir à l’histoire de M. Duliz, Londres, Sam (...)

97De 1713 à 1715, elle dirige une troupe nomade qui se produit notamment à Bruxelles et à Gand, puis elle dirige le théâtre de Rennes en 1718, avant de jouer comme comédienne et chanteuse à Lille. À La Haye en 1721, elle semble avoir fait fortune, aussitôt dépensée par son mari : « Francisque & son épouse, accablés de dettes, se trouverent alors dans un grand embarras. Persécutés de toutes parts, & ne sachant comment se tirer d’affaire, ils eurent recours à monsieur Duliz, qui obtint de Monsieur le comte de Tharouca68 un sauf-conduit pour un[e] proscrit[e] de France nommé[e] Desjardins à relever l’opéra de la Haye. Elle s’y rendit avec ses principaux sujets, & et elle y auroit gagné des sommes immenses, sans la mauvaise conduite de monsieur Desfontaines69 son prétendu mari. Il dépensoit l’argent des recettes en bonne chère, au jeu, & porta les choses à un tel excès, que cette demoiselle, au nom de laquelle étoit les engagemens, fut arrêtée prisonnière au bout de sept à huit mois. »70

98En 1722, elle donne quinze représentations à Anvers et trente-sept en 1723, puis elle retourne à La Haye. Elle donne ensuite l’opéra à Bruxelles à l’hiver 1723-1724 et obtient l’occupation du Théâtre de la Monnaie de Pâques 1726 à Pâques 1727.

99On la retrouve ensuite à Metz en 1729, puis de 1730 à 1733, année où elle se rend à Bayonne. À l’été 1734, elle est à Toulouse et à Montauban, d’où elle sollicite la direction du Théâtre de Marseille, qu’elle obtient pour la saison 1735-1736. Elle joue entre-temps à Avignon et à Montpellier.

  • 71 Bordeaux, Archives municipales, BB 105.
  • 72 Bayonne, Archives départementales et municipales, FF 189 et FF 542.

100À Bordeaux, en 1732, elle a sollicité et obtenu l’autorisation de faire construire une nouvelle salle dans le jardin de l’Hôtel de Ville « pour representer des opera, Comedies, ou autres Spectacles ». Trois ans plus tard, elle restitue la salle à son propriétaire71. Elle dirige ensuite le Théâtre de Bayonne de 1733 à 173672, puis elle est à Toulouse en 1737, à Avignon et à Marseille en 1738. Les dernières traces qu’on ait d’elle se situent à Bordeaux et Toulouse en 1741.

101Née probablement vers 1695, Louise Dimanche est mentionnée pour la première fois comme danseuse et actrice à Bruxelles en 1715, notamment dans Les Nouvelles Fêtes vénitiennes de Danchet et Campra, et dans Omphale de La Motte et Destouches. Elle est à Lille, toujours comme danseuse et chanteuse, entre 1715 et 1718, puis à La Haye en 1719, d’où elle sollicite la direction du Théâtre de la Monnaie. Elle s’y rend en octobre 1721, mais n’y reste que quelques semaines, cédant son bail au musicien Thomas-Louis Bourgeois. Elle a cependant le temps de monter l’opéra Médée et Jason de l’abbé Pellegrin, dans lequel elle tient le rôle-titre.

  • 73 Lille, Archives municipales, registre des mariages de la paroisse Saint-Étienne.
  • 74 M. Grut, Royal Swedish Ballet. History from 1592 to 1962, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 2007, p. 4 (...)

102De nouveau à Lille en 1722, comme directrice cette fois, elle représentera avec sa troupe, par intermittence, jusqu’en 1725. C’est à Lille qu’elle contracte mariage avec le chanteur Nicolas Bonnet Demouchy le 15 juin 172273. Elle est encore à La Haye en septembre 1722, puis à Stockholm de 1723 à 1725, à l’invitation du maître de ballet Jean-Baptiste Landé. Elle y chante et compose même la musique d’un divertissement74.

  • 75 J. G. Walther, Musicalisches Lexikon, Leipzig, 1732, citant le Hof- und Staats-Calender de 1729.

103Sa présence est ensuite signalée comme cantatrice à la chapelle royale de Dresde en 172975.

  • 76 AVB, registre 478 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).
  • 77 La Haye, Archives municipales, registre 356 (Carmes déchaussés).

104À la mort de son mari, Louise Dimanche retourne à Lille, sans doute pour remonter une nouvelle troupe, dont fait partie Jean-Nicolas Prévost, qui deviendra son second mari. Le mariage est célébré à Bruxelles le 23 février 173776. Le couple retourne ensuite à La Haye où naît son fils Jean-François, le 2 décembre 173977. C’est la dernière mention connue de cette directrice de théâtre, tandis que son mari termine sa carrière à Genève en 1768, sous le nom de Rosimond.

105Les deux cas exposés ici illustrent le mélange de succès et de déconvenues auquel est confronté tout directeur de troupe, quel que soit son sexe. Mais dans le cas des femmes, il leur faut en outre développer une ténacité et une force de conviction pour affronter un univers masculin souvent teinté de galanterie, quand ce n’est pas de scandale. Toutes ne sont pas des « salonnières », loin de là, mais la plupart doivent se battre pour se faire respecter à l’égal de leurs confrères masculins.

L’importance numérique des troupes

106Quelle est l’importance numérique de ces troupes itinérantes ? Si l’on a évoqué précédemment le mode de recrutement des comédiens, on ne sait pas exactement quels emplois doit réunir un directeur. La Comédie-Française a déterminé une nomenclature des rôles et des emplois correspondants, liste dont s’inspirent les troupes de province, autant que faire se peut, mais avec des moyens financiers tellement réduits que la plupart des comédiens doivent assurer plusieurs rôles au cours d’une même représentation. Leur polyvalence s’étend également au chant et à la danse et seules les troupes de première importance et économiquement plus stables peuvent se permettre d’engager du personnel « spécialisé » qui soit exclusivement acteur, chanteur ou danseur.

  • 78 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique ; ou portraits caracterisez des principaux sujets, (...)

107La première troupe bruxelloise dont la composition soit parvenue jusqu’à nous est celle que dirigent le musicien Pierre-Antoine Fiocco et le comédien Jean Barrié, dit Fonpré, pour la saison 1705-1706. Dans un pamphlet paru en 1706, Jean-Jacques Quesnot de La Chênée, qui a dirigé peu de temps auparavant le Théâtre de La Haye, décoche une flèche trempée dans le vitriol à l’adresse de chacun des membres de la troupe. Du maître de musique à l’obscure figurante, chacun a droit à une description sarcastique, quand elle n’est pas ordurière78.

  • 79 Quesnot était protestant. Il avait été intendant du Théâtre de La Haye en 1702 sous la direction du (...)

108Les deux passages suivants illustrent à suffisance le ton parfois grossier, voire graveleux, par lequel un directeur déchu traite ses anciens condisciples79 :

  • 80 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, op. cit., p. 17 et 29. « La Lubrique » désigne Mll (...)

LA LUBRIQUE
Est entre deux tailles, ni grande ni petite, grosse de sa personne, dont la beauté consiste en deux gros yeux bleus. La premiere à soupirer, toûjours abstraitte, même en presence de ceux qui croient seuls posseder son cœur. Si affamée de plaisir, qu’un Amant ne lui suffisant pas avec son Epoux, elle a ordinairement recours en leurs absences à la langue de son petit chien. Ne croiant personne au-dessus d’elle pour l’esprit, ne disant jamais quatre paroles suivies, médisante en titre d’office, bornée dans son geste en deux mouvemens, chantante en chevre, possedant beaucoup de Rolles, mais les exécutant sans art ; d’une avarice sordide.

LE SCELERAT
Est petit & rempli. Fourbe dans sa phisionomie, encore plus fourbe dans ses actions ; rempli de lui-même au point de mépriser tout le monde. Mauvais Acteur, detestable Chanteur, & fort ignorant, presomptueux dans toutes ses démarches, toûjours inquiet, ne convenant de rien que de ses propres idées, semant la discorde par tout. S’apropriant sans scrupule tout ce qu’il croit lui convenir. Avide des bons repas jusqu’à la friponnerie, docile aux coups de bâton. Le plus bel endroit de sa vie est, d’avoir repudié sa femme pour entretenir un commerce honteux avec l’Impertinente à laquelle il a fait quitter son mari & de laquelle il a des enfans. Menteur outré, médisant à ne pas épargner les têtes couronnées. Il n’y a pas d’Academie, où il ne soit connu pour un fripon
80.
Trente-huit personnes composent cette troupe singulière, sans compter les musiciens, probablement Bruxellois d’origine pour la plupart. Les treize actrices et les huit acteurs sont aussi chanteurs dans les opéras et parfois figurants dans les ballets ; quant aux cinq danseurs et neuf danseuses, on leur demande rarement de jouer d’autres rôles, sinon comme figurants éventuels dans la comédie et l’opéra.

  • 81 Nouvelles fêtes vénitiennes et divertissemens comiques, représentés par l’Academie de Musique. A Br (...)

109Le livret des Nouvelles Fêtes vénitiennes (d’après Les Fêtes vénitiennes de Danchet et Campra), opéra représenté à Bruxelles en 1715, donne la composition de la troupe pour cette même année : elle compte sept actrices-chanteuses et six acteurs-chanteurs principaux ; le ballet comporte sept danseuses et sept danseurs. Il faut adjoindre à ce noyau principal de vingt-sept personnes un nombre important de figurants formant, dans le cas présent, la « troupe d’ecoliers de Barbacola », une « troupe de magiciens et de sorcieres » et une « troupe de genies sous diverses figures comiques »81.

  • 82 Omphale, tragedie. Representée par l’Academie de Musique le 4 Novembre, Fête de Sa Majesté Imperial (...)

110Le 4 novembre de la même année, on joue Omphale, opéra de Destouches et La Motte. Le livret donne la composition de la troupe pour la saison 1715-1716 : elle compte trente et une personnes (dont dix actrices, chanteuses et danseuses) et un nombre encore plus considérable de figurants, formant le « chœur des Divinitez du ciel », le « chœur des Divinitez de la Terre », le « chœur des Jeux et des Plaisirs » et les « chœurs et troupes de Lydiens et Lydiennes, pretres et pretresses, captifs, heros, magiciens, pretres et pretresses de l’amour »82. La troupe du Théâtre de la Monnaie a tendance à s’étoffer au fil des ans.

  • 83 Pirithoüs, tragedie, representée par l’Academie royale de Musique. A Brusselle. Avec Privilege de S (...)
  • 84 J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 83-88.
  • 85 Pirithoüs, tragedie, representée par l’Academie royale de Musique. A Brusselle, M.DCC.XXVI. Avec pr (...)

111Pendant la saison 1724-1725, la directrice du Théâtre de la Monnaie, Marianne Dujardin, donne plusieurs représentations de Pirithoüs, opéra de La Serre et Mouret. La troupe se compose de vingt et un acteurs et chanteurs (neuf femmes et douze hommes), tandis que le ballet compte six danseurs et sept danseuses83. Parmi ces dernières figure Marie-Anne Camargo, alors âgée de quinze ans. Elle y danse les premiers rôles. L’année suivante elle fera des débuts remarqués à l’Opéra de Paris et poursuivra une carrière qu’on qualifierait aujourd’hui d’« internationale », jusqu’en 175184. La pièce de La Serre est reprise en 1726 avec une composition sensiblement différente : l’effectif de la troupe est passé de trente-quatre à quarante personnes (vingt-six acteurs-chanteurs et quatorze danseurs)85.

  • 86 C. S. Favart, op. cit., t. I, p. XXIII.

112Lorsqu’en 1746, Maurice de Saxe confie à Charles-Simon Favart la direction du Théâtre de la Monnaie, celui-ci forme une « troupe nombreuse et assez bien composée ». Il a eu soin de recruter ses compagnons parmi les meilleurs sujets de Paris, car l’Opéra-Comique vient d’être supprimé et la plupart des comédiens qui en composaient la troupe sont disponibles. Favart complète son effectif par des comédiens renommés de province, ainsi que par plusieurs sujets issus de la troupe bruxelloise que D’Hannetaire a formée et dirigée l’année précédente. Aussi, de 1747 à 1749, Favart a su réunir un ensemble de qualité qui lui « attira une grande affluence : je tâchois de l’entretenir en donnant de temps en temps des nouveautés analogues aux circonstances et aux événemens »86.

  • 87 M. Haine, « Charles-Simon Favart à la tête du Théâtre des armées du maréchal de Saxe à Bruxelles (j (...)
  • 88 Bernard, Tableau du spectacle français, Maastricht, J. T. Van Gulpen, 1781, p. 117-118 ; F. Faber, (...)

113Malou Haine a recensé trente-cinq personnes dont les noms ont pu être identifiés, nombre auquel il convient d’ajouter les musiciens et figurants87. C’est probablement la troupe la plus importante, et surtout la meilleure, que le Théâtre de la Monnaie ait connue jusqu’alors. Dans le même temps, la troupe du comte de Lœwendal, établie à Maastricht, compte quarante-huit comédiens, chanteurs et danseurs, ainsi que dix figurants88.

114Quelques années plus tard, un certain De Beaumont fait imprimer chez Jean-Joseph Boucherie un almanach des spectacles de Bruxelles pour la saison 1753-1754. Ce précieux volume donne la composition complète de la troupe dirigée par Jean-François Fieuzal, dit Durancy, un ancien « officier » du maréchal de Saxe arrivé à Bruxelles en 1746 : elle compte onze rôles féminins, dix rôles masculins et deux rôles d’enfants ; le ballet comporte trois maîtres de ballet et premiers danseurs, trois premières danseuses et douze figurants. Parmi les principaux acteurs se trouvent des personnages comme D’Hannetaire et Gourville, avec femmes et enfants, qui resteront étroitement associés à la vie théâtrale bruxelloise pendant de nombreuses années.

  • 89 Hippolyte-Joachim Faussabry de Langellerie était claveciniste et il accompagnait souvent Mme Favart (...)
  • 90 Almanach historique et chronologique de la Comedie Françoise, etablie à Bruxelles, sous la Protecti (...)

115Quant à l’orchestre, il est formé de treize musiciens sous la direction du maître de musique Langellerie89. Un machiniste et décorateur, un concierge, un souffleur, un copiste, un receveur, un contrôleur, un portier et une quinzaine d’employés divers viennent compléter cet effectif impressionnant90.

  • 91 Almanach historique et chronologique de la Comedie Françoise, etablie à Bruxelles, sous la Protecti (...)

116L’année suivante paraît le second (et dernier) volume de l’Almanach91 : on y dénombre onze acteurs-chanteurs, onze actrices-chanteuses, deux maîtres de ballet et premiers danseurs, trois premières danseuses et onze figurants et figurantes. L’orchestre, toujours placé sous la direction de Langellerie, comporte vingt musiciens. Compte tenu de la rareté du document, il nous paraît utile de donner la composition de la troupe pour l’année théâtrale 1754-1755 :

  • 92 Sur Madeleine-Céleste Fieuzal, dite Durancy, voir la notice en ligne dans le dictionnaire SIEFAR.
  • 93 Marie-Anne Cortini, dite Pantalonciny, était née en 1736. Elle avait épousé à Bruxelles, le 10 mai (...)

état présent des comédiens

Messieurs,
Durancy Directeur, tenant l’emploi des premiers comiques brillans, les premiers rôles dans les Opera comiques, ainsi que dans les intermedes d’Opera qui ont été donnés sur ce Théâtre.
Gourville, tous les forts premiers rôles en chef, & les amoureux de caractere, ainsi que des Lelio dans l’Italien.
Le Jeune, tous les jeunes premiers rôles, & le choix des seconds, & chantant des premiers dans les Opera Comiques.
D’Hannetaire, tous les rôles à manteaux, Crispins & Marquis ridicules, & les troisièmes rôles dans le tragique.
Dubois, les rois dans le tragique, les peres nobles, & autres rôles de convenance.
Babron, les Arlequin & seconds comiques brillans, les Dangeville, & danse dans les ballets.
Dufresne, les troisièmes amoureux, & au besoin les seconds, chante dans les Opera comiques, & figure dans les ballets.
De Sennepart d’Aubercourt, les financiers, paysans & autres de convenance.
Auger, acteur & basse-taille.
Clavel, les seconds & troisiemes comiques & autres rôles, & danse dans les ballets.
Baptiste, pour suppléer dans le besoin aux troisiemes rôles de comiques.

Actrices
Mesdemoiselles,

Gourville, les premiers rôles en partage, ainsi les Silvia, premieres amoureuses & rôles travestis, & danse seule & en pas de deux.
Destrelle, joue également les premiers rôles, les Silvia, premieres amoureuses & rôles travestis, & chante les premiers rôles dans les Opera.
D’Hannetaire, toutes les premieres soubrettes en Chef, & chante dans les Opéra.
Durancy, les rôles de caractère, grandes coquettes, meres raisonnables, & chante dans les operas.
Charpentier, joue les rôles de caractere à l’option de madame Durancy.
Agathine, les secondes soubrettes, & Colombine dans l’Italien, & danse dans les ballets.
Desjardins, les seconds rôles dans le tragique, les secondes amoureuses dans le Comique, & chante dans les opera.
Sophie, des seconds rôles dans le tragique, & les troisiemes en chef, ainsi que des secondes amoureuses dans le comique, joue dans les Opera comiques, & figure dans les ballets.
Rosalie, des jeunes amoureuses & autres rôles de convenance, danse seule & pas de deux.
Eugénie d’Hannetaire, tous les rôles d’enfants, Crispins & autres de son âge.
Céleste Durancy
92, les Soubrettes & les rôles d’Amour dans les Opera & autres piéces, où il est besoin d’enfans.

Danseurs
Messieurs,

Desjardins, maître de ballet, & premier danseur.
Le Maire, maître de ballet, & prem. Dans.

Danseuses
Mesdemoiselles,
Pantalonciny93, premiere danseuse.
Gourville, Idem.
Gregoire, Idem.

Figurans
Messieurs

Figurantes
Mesdemoiselles

Vanderlinde

Agathine

Clavel

Rosalie

Jouardin

Manüel

Babron

Sophie

Dufresne

Dubreüil

Baptiste

Orquestre
Messieurs,

De Langellery, Maitre de musique en chef & Directeur de l’orquestre.

Bruere

maître de musique

Boutmi

clavecin

Vicedomini

violoncelli

Godecharles

Lartillon

contre-Basse

Vanden Broeck

Vandenhouten

basson

Lelié

premiers violons

Vandenhouten

Sourewyn

Van Malder

Vandenhouten

seconds violons

Bauwens

Persazi

Langlois

Fauconnier

Alto viola

Van der Hagen

Hautbois & Flutti

Bulber

Parsazi

cors de chasse

Fauconnier

L’incidence du répertoire

  • 94 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 49.

117On le voit, les troupes qui se sont succédé au Théâtre de la Monnaie sont particulièrement nombreuses et leur effectif n’a cessé de croître. Fuchs estime d’ailleurs que les troupes qui circulent à cette époque hors de France sont généralement plus fournies que les troupes de la province française. L’accroissement de ces dernières a probablement été influencé par la pratique établie dans le reste de l’Europe94. Le répertoire interprété n’est sans doute pas étranger à la composition des troupes, car il faut se souvenir que les diverses interdictions et obligations émanant des trois théâtres de Paris ne touchent qu’incidemment l’étranger, laissant ainsi aux directeurs l’opportunité de montrer un répertoire souvent censuré dans les villes françaises.

118Si une troupe de province doit acheter l’autorisation de jouer des pièces en musique et des opéras, il n’en va pas de même à l’étranger, où le directeur échappe à cette contrainte. Il recrute donc à loisir comédiens et chanteurs, danseurs et figurants. Le développement de l’opéra-comique comme nouveau genre théâtral contribuera toutefois à l’accroissement des troupes dans les provinces françaises.

  • 95 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, op. cit., p. 13, 17 et 18.
  • 96 Gazette de Bruxelles, no XXXIV, supplément du 8 août 1749.
  • 97 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 275 ; t. II, p. 44 et 104. Françoise Charrin, dite Lucile, (...)

119Exigeant davantage de qualités lyriques de la part du comédien, les opéras-comiques nécessitent l’engagement de spécialistes, pour les premiers rôles du moins. Il en résulte une répartition radicalement différente des genres et des rôles parmi les membres de la troupe. Si Quesnot de La Chênée reproche à Mlle Barbier de posséder une voix « des plus fausses », à Mlle Voilier de chanter « en chevre » ou à Mlle Cazal d’avoir « deux voix dont elle n’en peut faire une bonne »95, l’auteur de l’Almanach pour 1754 loue la première actrice, Mlle Destrelle, qui, « par ses tendres sons séduit tout le monde & l’enchante » ; la Gazette de Bruxelles, relatant une représentation d’opéra-comique italien, constate que « les Acteurs s’attirèrent l’approbation de tous les Spectateurs par la beauté des airs nouveaux »96 ; même le pamphlétaire Chevrier, d’habitude si virulent, trouve la voix de Mlle Caméli agréable et « faite pour un chant sans prétention », et celle de la demoiselle Lucile « précise et agréable »97.

120L’opéra-comique oblige en quelque sorte des acteurs « polyvalents » à se déterminer, à se spécialiser, tantôt dans la comédie, tantôt dans la tragédie, tantôt dans le chant, et à parfaire les qualités de jeu ou de voix que le directeur, le public et la critique lui reconnaissent.

  • 98 M. de Rougemont, op. cit., p. 43 et ss ; P. Vendrix (éd.), L’Opéra-comique en France au xviiie sièc (...)

121Né de la « comédie-ballet » de Molière et Lully, perfectionné dans la « comédie en vaudevilles » et largement inspiré de l’opera buffa italien, l’opéra-comique acquerra au cours du siècle une autonomie grandissante et un style propre, accordant de plus en plus d’importance au chant, jusqu’à l’équilibre parfait entre texte et musique. Durant les années 1765 à 1785, les opéras-comiques de Sedaine et Marmontel, mis en musique par Monsigny, Grétry et Gluck, porteront le genre à son apogée et exigeront des interprètes des qualités artistiques de plus en plus maîtrisées98.

122Jusqu’à la veille de la Révolution, l’opéra-comique constituera le « fonds de commerce » d’entrepreneurs en difficulté et de troupes en mal de stabilité, car il apportera au comédien comme au spectateur un répertoire sans cesse renouvelé, couronné par une reconnaissance publique sans cesse confirmée.

Un cas particulier : Charles Bernardy et sa troupe

  • 99 M. Fuchs, « Charles Bernardy et sa troupe d’enfants », Bulletin de la Société des historiens du thé (...)
  • 100 Voir l’annexe II, la généalogie de la famille Bernardy telle que nous avons pu la reconstituer.

123Étrange destin que celui de ce danseur devenu l’un des plus grands chefs de troupe de la fin du xviiie siècle. Lorsque Max Fuchs s’y intéresse, il évoque les renseignements abondants, bien qu’incomplets, dont il dispose en 1935 pour brosser un premier tableau de ce personnage et de sa famille99. Les recherches que nous avons effectuées, dans le prolongement de Fuchs, ont abouti à livrer quelques secrets bien gardés par Bernardy et à compléter le portrait de cet entrepreneur audacieux et voyageur100.

124Fuchs déplore qu’on ignore tout des origines et des débuts de Bernardy ; il lui soupçonne par ailleurs, d’après le patronyme, une origine italienne. La supposition est tentante, mais elle est erronée : comme au début du xxe siècle il seyait à une danseuse de russifier son nom, les xviie et xviiie siècles ont vu fleurir les pseudonymes italianisés en « i » ou en « y ». Bernardy ne fait pas exception à la règle, il est originaire de nos régions.

  • 101 Anvers, Stadsarchief, registre 21 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).
  • 102 AVB, registre 449 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

125Le 17 mai 1724 est baptisé à Anvers Charles-Alexandre Bernard, fils de Guillaume Bernard et de Marie Vander Borght101. Il est le deuxième enfant d’une famille qui comptera deux fils et trois filles. Les parents, mariés à Bruxelles en 1721, se sont installés à Anvers peu après. Étaient-ils comédiens ? C’est possible, mais rien ne le prouve avec certitude. Deux éléments, si maigres soient-ils, pourraient cependant plaider en cette faveur : d’une part le fait que le mariage a été célébré en la paroisse bruxelloise Notre-Dame du Finistère – paroisse des comédiens par excellence –, et d’autre part la formule matrimoniale « cum dispensatione in tribus bannis », souvent usitée lors de mariages de comédiens et de voyageurs102.

Les débuts

  • 103 Anvers, Stadsarchief, registre 200 (mariages de la paroisse Notre-Dame Sud).
  • 104 AVB, registre 360 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame de la Chapelle). En 1727, Françoise Chaumont (...)

126Nous disposons malheureusement de trop peu de renseignements sur les années 1720, que ce soit pour la troupe de Bruxelles ou pour celle d’Anvers, pour pouvoir vérifier cette hypothèse. En revanche, nous savons que la femme que Charles-Alexandre Bernard épouse à Anvers le 10 janvier 1746 est bien fille de comédiens103. Baptisée à Bruxelles le 2 avril 1726, Marie-Anne-Florence Chaumont a pour père le comédien Pierre Renaud (ou Erneau) et pour mère la comédienne Françoise Chaumont104. Elle prendra le nom de sa mère, comme cela se produit parfois dans le milieu comique. De l’union de Bernardy avec Mlle Chaumont naîtront au moins neuf enfants, dont plusieurs joueront dans la troupe paternelle.

  • 105 Anvers, Stadsarchief, registre 23 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).

127Le premier enfant, Marie-Denise, est baptisé peu de temps après le mariage de ses parents : le 16 juillet 1746 à Anvers, elle a pour marraine Marie-Denise Fonpré, issue d’une famille de comédiens105. À partir des années 1780, elle dirigera une troupe d’enfants sous le nom de Mme Fleury.

  • 106 Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse Saint-Étienne.

128Bernardy travaille ensuite dans la troupe de Lille où naît son premier fils Louis-Joseph, le 18 mai 1749. Il a pour marraine Anne-Marie Restier, épouse du danseur et comédien Jean-Michel Babron106 ; il entamera une carrière de peintre et de décorateur dans la troupe de son père.

  • 107 Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse Saint-Étienne.
  • 108 Né vers 1705, Raymond-Balthazar Dourdé avait épousé Catherine Lany, sœur du maître de ballet de l’O (...)
  • 109 Il faut sans doute lire Michu (ou Michut), comédien qui joua à Bruxelles, à Hambourg et dans de nom (...)
  • 110 Jean-Michel Babron était né à La Rochelle le 26 mai 1713, fils d’Augustin et de Louise Couvrechef, (...)
  • 111 L. Lefebvre, op. cit., p. 241 ; Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse S (...)

129La première mention de l’activité théâtrale stricto sensu que nous ayons retrouvée concernant Bernardy date de 1750 : son troisième enfant, Françoise-Adélaïde, est baptisé à Lille le 1er décembre de cette année. Sur l’acte de baptême, l’enfant est « fille de Marie Anne Chaumon comedienne se disante epouse de Charle Bernardy aussi comedien de la troupe de cette ville »107. Le directeur de la troupe lilloise, un certain Farin de Hautemer, docteur en médecine, compte parmi ses pensionnaires des acteurs comme Ribou, Ricarville, Dourdé108, Pezé, Michiet109, Toscan, Mme Restier épouse Babron110, Mlles Dancourt et Leroi111.

  • 112 Paul-Ignace Desjardins avait épousé à Bruxelles, le 22 janvier 1755, sa collègue Éléonore Clousier. (...)
  • 113 Fils du libraire parisien Pierre Ribou, Nicolas Ribou, né à Paris vers 1720, avait épousé à Bordeau (...)
  • 114 Nicolas Bourdais était né à Paris le 18 avril 1707. Le 23 septembre 1736, il épousait à La Haye sa (...)
  • 115 Marcel Corbin était né à Angers le 1er janvier 1722. Le 4 juillet 1751, il épousa à La Haye Rose Fr (...)
  • 116 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780-1803.
  • 117 J. Fransen, op. cit., p. 304.

130La troupe se disperse l’année suivante et l’on retrouve Bernardy et sa femme dans la troupe du prince d’Orange Guillaume IV ; cette troupe joue à Gand de novembre 1751 aux Rameaux 1752. Elle comprend les danseurs Noël-Antoine Devos, Charles Bernardy, Jean-Claude Lescot et Paul-Ignace Desjardins112, les comédiens Nicolas Ribou113, François Quinault, Nicolas Bourdais114, Marcel Corbin115, Julien, Brault, Restier et Alexandre Chamfleur, ainsi que Mmes Françoise Gravillon épouse Baptiste, Beaupré et Bernardy116. L’année suivante, la troupe est remaniée et se rend à La Haye sans les époux Bernardy117.

Premier danseur à Vienne

  • 118 B. A. Brown, Gluck and the French Theatre in Vienna, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 66-69.
  • 119 Aus des Zeit Maria Theresias. Tagebuch des Fürsten Johann Joseph Khevenhüller-Metsch, kaiserlichen (...)

131Lorsque Jean-Louis Hébert, directeur de la troupe française de La Haye, est chargé par Vienne de former une troupe pour le Théâtre de la Cour (Hofburgtheater), il choisit plusieurs comédiens de La Haye et de Gand, parmi lesquels nous retrouvons Ribou, Brault, Julien et Bernardy, ainsi que Mmes Bernardy et Beaupré. Hébert signe les contrats en février 1752 et la troupe débute à Vienne le 14 mai118. Dans son journal, le prince Khevenhüller-Metsch, surintendant de l’impératrice Marie-Thérèse, écrit que la première représentation a fait piètre impression, « gar zu ridicules gestes und contorsions »119.

  • 120 B. A. Brown, ibid., p. 450 et 464-472.

132Premier danseur de la troupe, Bernardy donne, durant la première saison 1752-1753, un ballet intitulé L’Œil du maître puis, d’octobre 1758 à février 1762, il compose une trentaine de ballets représentés pour la plupart au Théâtre de la Porte de Carinthie (Kärntnertortheater)120. On a conservé, pour certains de ces ballets, des dessins montrant des scènes évocatrices du thème, comme ce ballet des Perruquiers, représenté le 3 octobre 1759. Le Journal étranger relate une représentation de la pièce :

  • 121 Journal étranger, mai 1760, p. 107-108.

[Le ballet] des Perruquiers étoit un Tableau comique & tres-naïf. On y voyoit une Boutique assez grande, remplie de Garcons & de Filles qui travailloient aux divers ouvrages de leur profession. Au fond, on appercevoit d’un côté la chambre du Maître, où la Maîtresse étoit avec un Garçon favori ; de l’autre une cuisine ornée de toute sa batterie. On sonnoit le dîner, & tout le monde quittoit l’ouvrage. Après le repas, pendant l’absence du Maître, il s’élevoit une dispute entre les Ouvriers : Filles & Garçons se battoient pêle mêle avec des perruques, & se jettoient tout ce qui tomboit sous leurs mains, cheveux, poudre & pommade ; jusqu’à ce que le Maître arrivant, chassoit les Garçons à coups de pieds. Que faisoient-ils pour rentrer ? L’un venoit dans la Boutique avec un emplâtre sur l’œil, pour se mieux déguiser, & demandoit qu’on lui fît la barbe. A peine l’avoit-on lavé, qu’il en entroit un autre sous un nouveau déguisement, à qui il falloit couper les cheveux. Un troisiéme venoit, pour faire accommoder sa perruque ; un quatriéme pour se faire friser. Le Maître quittoit une de ses pratiques, pour aller à l’autre : tous les quatre couroient après lui, chacun voulant être expédié le premier. Dans cet embarras, le Maître appelloit sa femme, & lui faisoit signe d’aller chercher ses Garçons. Alors ils quittoient leurs déguisemens, se jettoient à genoux, obtenoient leur pardon, & se remettoient à l’ouvrage. Ce n’est-là qu’une partie du Ballet. Vous imaginerez la vivacité de cette Pantomime, quand vous sçaurez qu’il étoit uniquement composé de Danseurs Italiens121.

133Cette description est complétée par celle de Philippe Gumpenhuber :

  • 122 P. Gumpenhuber, Répertoire de tous les spectacles qui ont été donné [sic] au Théatre de la Ville, c (...)

Le Theatre represente l’apartement d’un Peruquier. On y voit beaucoup d’hommes et de filles, qui sont occupé à divers travaux de ce métier : ce qui fait une vuë fort agreable. Les Amants de ces filles qu’y travaillent, se glissent dans cette maison sous divers pretextes, et cela cause plusieurs jalousies, et des accidens particuliers, sur quoi tous les intrigues de ce Ballet se fondent. La Pantomime est fort gaye, et accompagné du commencement jusqu’à la fin de la même facon122.

  • 123 B. A. Brown, op. cit., p. 466-468.

134Durant son séjour à Vienne, Bernardy a l’occasion de travailler avec d’éminents musiciens comme Josef Starzer et Franz Asplmayr, compositeurs des ballets de la cour, mais aussi et surtout avec le chevalier Gluck en personne. Tous les ballets composés par Bernardy entre le 30 mai 1759 (Les Turcs) et le 2 mai 1761 (Les Moissonneurs) sont mis en musique par Gluck123. Le maître de ballet demeure à Vienne jusqu’en mars 1762 et les dix années qu’il y passe sont certainement décisives dans sa carrière.

Maître de ballet à Bruxelles

  • 124 Ce ballet fut représenté à Bruxelles le 29 mai 1763 et repris à Liège en novembre 1768 – où il fit (...)
  • 125 Gazette des Pays-Bas, 27 juin 1763.
  • 126 Catalogue de vente de la maison Sotheby’s, 12 novembre 1979.

135Arrivé à Bruxelles au début de la saison 1763-1764, probablement sur la recommandation du comte Durazzo, Bernardy y donne quelques œuvres remarquées, telles que Rhœcus ou les Hamadryades, qui fait le tour des grandes villes de nos régions124, ainsi que Les Quakers, Circé125 et Jason ou les Argonautes126. La Gazette des Pays-Bas relate l’accueil réservé au chorégraphe :

  • 127 Marie-Denise Bernardy avait 16 ans à ce moment.
  • 128 Bernardy avait connu Jean-Joseph Chamant à Vienne où ce dernier travailla de 1752 à 1761 au moins. (...)
  • 129 Gazette des Pays-Bas, 27 juin 1763.

Les Comédiens ordinaires de S.A.R. ont donné jeudi & vendredi, & redonneront sans doute encore souvent, avec succès, Circé ou la Delivrance des Compagnons d’Ulysse, grand Ballet Heroïque. Tous les Arts qui peuvent entrer dans ce genre y ont brillé à l’envi. Le dessein du tout étoit en général bien entendu, les differens groupes bien taillés, les positions élégantes & pittoresques, l’action régulierement, les passions énergiquement exprimées ; tout se devinoit, tout s’entendoit : on n’auroit pas eu besoin de programme, & cependant par surabondance, la Direction en a distribué un qui fait honneur à celui qui l’a redigé. Le Sr Bernardy, seul Maître des Ballets de la Troupe, avoit déjà heureusement préludé par celui des Hamadryades dans le genre Heroïque, & par le tableau grotesque des Quakers, qu’on ne se lasse pas de revoir. Il s’est surpassé dans Circé, dont l’exécution a répondu à la composition. Mr & Mad. Frossart y ont dansé comme on sait qu’ils dansent ; & la jeune Dlle Bernardy comme on n’imagineroit pas qu’on pû danser à son âge127. Le Palais, formé en apparence par la baguette de Circé, étoit dans la vérité un de ces prodiges de l’Art si familiers à Mr Chamans128 le vrai enchanteur, dont l’imagination et le pinceau ont produit ce joli chef-d’œuvre129.

  • 130 P. Highfill et al., Biographical Dictionary of Actors, Carbondale, Southern Illinois University Pre (...)

136Bernardy quitte Bruxelles pour Londres, sans doute avant la fin de la saison 1763-1764, car il se produit au Théâtre de Drury Lane dès le 10 mars 1764, dans un pas de trois avec le danseur Duval et la danseuse anglaise Elizabeth Tetley. Dix jours plus tard, il danse avec les mêmes une pièce intitulée The Turkish Coffee House. Il passe encore toute la saison suivante à Londres, jusqu’en mai 1765 au moins130.

Directeur d’une troupe d’enfants

  • 131 Amiens, Archives municipales FF 1308 et 1309.

137Ici se situe un moment essentiel dans la carrière de Bernardy : c’est la première fois qu’on le rencontre comme directeur d’une troupe d’enfants. Quittant Londres, il constitue une nouvelle troupe, dont on ignore la composition, mais qu’on peut supposer principalement familiale, ses enfants ayant atteint l’adolescence, voire l’âge adulte. Ainsi, le 6 octobre 1765, répondant à une demande du magistrat d’Amiens, le duc de Chaulnes, gouverneur de Picardie, autorise Bernardy à donner des représentations dans cette ville. On ignore combien de temps la troupe demeure à Amiens, mais on sait qu’une même autorisation sera donnée à Mlle Montansier le 27 avril 1766, laissant ainsi supposer que la troupe de Bernardy a quitté la ville131.

  • 132 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780-1803.
  • 133 Louis-François-Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788). Paris, Bibliothèque nat (...)
  • 134 Paris, Bibliothèque nationale de France, Registres de l’Opéra-Comique, Recettes journalières 1765-1 (...)
  • 135 Anvers, Archives communales, registre 200 (mariages de la paroisse Notre-Dame Sud).
  • 136 Anvers, Archives communales, registre 24 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).

138En novembre 1766, Bernardy s’associe avec les sieurs Ferré et David pour diriger le Théâtre de Gand jusqu’aux Rameaux suivants132. Durant cette période, sa fille aînée Marie-Denise tente sa chance au Théâtre-Italien de Paris : un ordre de début est donné par le duc de Richelieu133 le 23 mai 1765 et elle débute le 3 juin dans Le Peintre amoureux de son modèle de Louis Anseaume et Egidio Duni et Les Deux Chasseurs et la Laitière des mêmes auteurs, mais ce sera son unique apparition dans ce théâtre134. Elle épouse à Anvers le comédien Louis-Joseph Nones, dit Fleury, le 11 décembre 1766135. Elle a de lui une fille, Marie-Florence, baptisée le 28 décembre de la même année136, qui fera carrière à Paris sous le nom de Mlle Fleury.

  • 137 E.-D. De Manne, Galerie historique des comédiens de la troupe de Talma, Lyon, N. Scheuring, 1866, p (...)
  • 138 Bordeaux, Archives municipales, GG 1003d.

139Nones est originaire de l’île du Cap-Breton, au large du Canada, surnommée alors « l’île Royale ». Il est certainement comédien dans la troupe de Bernardy lorsqu’il rencontre Marie-Denise. De Manne prétend qu’il était « négociant d’Anvers, qui, n’ayant pas réussi dans ses entreprises commerciales, s’expatria et vint en France s’établir à Bordeaux »137. Il est vraisemblable qu’il s’essaie au commerce, en plus de la comédie, mais il ne quitte définitivement nos régions qu’après 1774. Il joue cependant dans la troupe de Bordeaux durant la saison 1772-1773 avec sa femme138, avant de regagner les Pays-Bas et plus particulièrement Maastricht.

  • 139 L. Péricaud, Théâtre de « Monsieur », Paris, E. Jorel, 1908, p. 19. La basse-taille est dénommée au (...)
  • 140 H. Lagrave, C. Masouer et M. Regaldo (éds), op. cit., t. I, p. 358.

140Le couple se sépare quelques années plus tard et Fleury se rend à Paris pour faire partie de la première troupe du nouveau Théâtre de Monsieur – futur Théâtre de l’Opéra-Comique, puis Théâtre Feydeau – qui ouvre ses portes en janvier 1789 ; il y est engagé comme première basse-taille comique139. De retour à Bordeaux en 1791, il forme une troupe d’enfants et s’associe à Belleville pour ouvrir une nouvelle salle de spectacle dont l’existence se limitera à quelques mois140.

  • 141 J. Fransen, op. cit., p. 379.
  • 142 Anvers, Stadsarchief, Schepenregister 1289. Voir l’annexe III.

141Quant à Mme Fleury, elle dirigera également une troupe d’enfants (probablement celle que son père lui aura léguée). Ainsi, on la rencontre en 1780 à Utrecht où elle se voit refuser l’autorisation de donner des représentations, puis en 1783-1784 elle est à Rotterdam141 et, en 1785, elle obtient de la ville d’Anvers la direction du Théâtre pour l’hiver 1785-1786142.

Séjour dans la principauté de Liège

  • 143 J. Martiny, Histoire du Théâtre de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1887, p. 28 ; H. Hamal, Annales (...)

142Revenons à Bernardy père qui, le 17 octobre 1767, s’associe à Dubois pour diriger le Théâtre de Liège pendant la saison d’hiver 1767-1768. Bernardy restera ensuite seul directeur jusqu’en 1773. L’autorisation accordée par le prince-évêque s’étend également aux villes de Spa et de Verviers143.

  • 144 P. Claeys, op. cit., p. 140.
  • 145 Ibid., p. 142-143.

143Durant cette première année à Liège, Bernardy recrute des comédiens pour le Théâtre de Gand ; ils débutent le 10 février 1769144. Grâce à Prosper Claeys, on connaît le répertoire que la troupe donne à Gand entre le 10 et le 19 mars 1769. Il s’agit des pièces suivantes : Eugénie (Beaumarchais), Nanette et Lucas (Framery), Rhœcus ou les Hamadryades (ballet de Bernardy), L’Épreuve réciproque (Legrand), Le Roi et le Fermier (Sedaine), Adélaïde Du Guesclin (Voltaire), Le Bûcheron (Guichard), Le Peintre amoureux de son modèle (Anseaume), La Sérénade vénitienne (ballet-pantomime), Athalie (Racine), Le Tonnelier (Quétant), Les Fausses Confidences (Marivaux) et Le Maréchal-ferrant (Quétant)145.

  • 146 A. Body, op. cit., p. 17.

144Dans le courant de l’été, la troupe joue à Spa pour les curistes : toute l’aristocratie européenne se donne chaque année rendez-vous dans la ville d’eaux et la comédie y bat son plein de la fin juin à la mi-septembre. Les comédiens se rendent ensuite généralement à Verviers pour un mois ou deux, avant de reprendre leurs quartiers d’hiver à Liège146.

  • 147 Spa, Archives communales, registre paroissial 6.

145C’est ainsi qu’on trouve, dans les registres paroissiaux de Spa, deux actes qui concernent Bernardy : le 13 août 1769 est baptisé François-Joseph, fils du couple Fleury-Bernardy, et douze jours plus tard y est baptisée la sixième enfant de Charles Bernardy, Marie-Madeleine, qu’on surnommera Mimi147.

  • 148 Bernard, op. cit., p. 183.

146Dans le temps qu’elle sillonne la principauté de Liège, la troupe de Bernardy occupe également le Théâtre de Maastricht pour deux saisons. Elle y donne sa première représentation le 25 novembre 1771, constituée du Maréchal-ferrant de Quétant et Philidor, d’Annette et Lubin de Mme Favart et Blaise, ainsi qu’un ballet intitulé Les Tambourins. La troupe se compose de MM. Bernardy, Fleury, Hébert, D’Allaincourt, Landois, Monrose, Calais, Bultos, Volgeant, Belleroche, Rémond et Auzou, de Mmes Bernardy, Fleury, Rémond, et Auzou dite Sophie, ainsi que de Mlles Bernardy, Evrard et Fougère148.

  • 149 Ibid., p. 186.

147Le 3 avril 1773, à la clôture de la saison 1772-1773, la troupe se compose comme suit149 :

Acteurs, Chanteurs & Danseurs.

Messieurs

Bernardy, Directeur.

Hebert.

D’Allaincourt.

Landois.

Montrose.

Calais.

Bulteau.

Voljan.

Belleroche.

Rémond.

Auzout.

Fleury.

Actrices, Chanteuses & Danseuses.

Mesdames

Bernardi.

Fleury.

Rémond.

Auzout, dite Sophie.

Mesdemois.

Evérard

Fougère.

Bernardi.

  • 150 AEB, Manuscrits divers 3846. Les rôles de financiers et à manteaux étaient tenus par des comédiens (...)

148La saison 1773-1774 sera la dernière de Bernardy dans la principauté de Liège. Aussi plusieurs comédiens et danseurs tentent-ils d’assurer leurs arrières en postulant dans d’autres troupes. Le 3 juillet 1773, le comédien Pontilly écrit de Spa à Ignace Vitzthumb et Louis Compain, directeurs associés du Théâtre de la Monnaie, et leur propose ses services dans les rôles de financiers, les rôles à manteaux et les paysans150. Le 1er septembre 1773, le danseur Vidoty écrit aux mêmes :

  • 151 AEB, Manuscrits divers 3848.

[A]yent oûï dire que vous voulies former un Ballai pour l’année procheinne, je vous offre mes tallens pour premiers danseur en tout genre et pour maitre des Ballai ; quent a mes tallens, vous pouries vous informer de moi, ici, et je me donne pour de la premiere force dans le demi caractere et comique, je joue aussi les fors acessoire dans l’opera boufon et les secõdes bas taille au bessoin151.

  • 152 A. Body, op. cit., p. 13.
  • 153 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 205.

149En 1771, Bernardy a eu maille à partir avec ce danseur turbulent qui ne s’est pas présenté à la représentation du 15 août152. Durant la saison 1780-1781, on le retrouvera à Bordeaux avec sa femme, engagés tous deux comme simples danseurs153.

Les « Enfants brabançons »

  • 154 « Brabandsche Kinderen ».
  • 155 Le sieur Frédéric, de son vrai nom Frédéric Schreuder (et non Sluyter comme l’indique à tort Franse (...)

150Dès la saison 1774-1775, Bernardy opère un nouveau tournant dans sa carrière : abandonnant toute entreprise théâtrale pour adultes, il constitue – ou renforce – une troupe d’enfants formée essentiellement du noyau familial. Cette troupe, qu’il baptise les « Enfants brabançons »154, sillonne les Pays-Bas autrichiens et septentrionaux. Toute l’Europe connaît le « phénomène » des troupes enfantines depuis longtemps. Dans nos contrées, celle du sieur Frédéric a fait les beaux jours des Théâtres d’Amsterdam et de La Haye de 1758 à 1763155.

  • 156 Prévôt ou bourgmestre.

151La première mention que nous ayons retrouvée de la troupe d’enfants de Bernardy figure dans une lettre que le baron Vander Hemm, écoutête156 de Malines, adresse au directeur du Théâtre de la Monnaie Ignace Vitzthumb le 30 mars 1775 :

  • 157 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21331.

Monsieur,
Je souscris volontiers à vous accorder pendant le jubilé le privilege exclusif de representer à Malines, autant que je suis persuadé que votre troupe nous rendra contents, et du bon ordre qu’elle observera ici pendant son sejour. [...] Le S
r Bernardi d’Anvers a une pantomine, ce qui ne peut nuire aucunement à votre entreprise, et m’aiant demandé à pouvoir la donner dans une baraque qu’il construit, je lui ai donné la permission comme me l’aiant demandé avant qu’il etoit question de votre spectacle, quoi que je suis assuré que sa troupe de pantomine n’aura point comme la votre l’applaudissement du public, et qu’elle ne diminuera en rien l’avantage que vous esperez157.

152Le succès de cette nouvelle entreprise dépasse les espérances. Pour l’ouverture de la saison théâtrale, le lundi de Pâques 17 avril 1775, les « Enfants brabançons » donnent une farce muette intitulée La Naissance d’Arlequin. Ils continuent leurs représentations jusqu’à la mi-mai. Voici ce qu’écrit à leur sujet la gazette d’Anvers :

  • 158 Gazette van Antwerpen, no 31, 18 avril 1775. Traduction de l’auteur : « Hier s’est ouvert sur notre (...)

Gisteren is op ons groot Tooneel geopend het nieuw Spectakel door de Brabandsche Kinderen en Leerlingen van Sieur Bernardi, Ingeboreling dezer Stad, met de stomme Klugt, de geborte van Arlequin &c. Die Kinderen, oud van 4 tot 12 jaeren, zullen agtervolgens vertoonen verscheyde andere Pantomimen, ook vermengd met Arietten, en opgeluysterd met veele Konstwerken, Veranderingen, en nieuwe Decoratien, daer toe hier geschilderd met alle haere eygenschappen. Het groots en schoon Musik, en de uytvoering van dit eerste Stuk met een welpassende Voorreden heeft verdiend de algemyne toejuyging, zoo dat dit Spectakel niet te wyken heeft aen Dat van den vermaerden Italiaen Sieur Nicolini158.

153Un mois plus tard paraît l’article suivant :

  • 159 Gazette van Antwerpen, no 39, 16 mai 1775. Traduction de l’auteur : « Avec l’applaudissement des ét (...)

Met toejuyging der Vremdelingen van distinctie vervolgen de Brabandsche Kinderen en Leerlingen van Sieur Bernardi te geven op ons groot Tooneel hunne stomme Klugten, vermengt met Ariëtten, getrocken uyt de schoonste Fransche Opéras. Die van den Deserteur en de Weldaedige Fée, opgeluysterd met Decoratien van nieuwe uytvinding, Konsttuygen, hervormingen en veranderingen, komt ook te verdienen de algemyne toejuyging, gelyk de volgende nieuwe Spectakels staen te overtreffen de verwagting van het Publik. Dit Stuk wird ook eergisteren avond voor de derdemael vertoond, en staet den 21sten dezer te worden opgevolgd door het nieuw Stuk: den Houtkapper, met schoonste Ballets, en uytmuntende Musik159.

  • 160 R. Coppieters, Journal d’événements divers et remarquables (1767-1797), Bruges, L. De Plancke, 1907 (...)

154En juin, la troupe se rend à Bruges où elle donne notamment, le 29, une pièce de Guichard intitulée Le Bûcheron160.

Voyages en France

155La nouvelle troupe itinérante entame alors un long périple à travers la France. Le 13 septembre 1775, Bernardy demande l’autorisation de jouer à Amiens :

  • 161 Amiens, Archives municipales FF 1311.

Supplie humblement le Sr Charles Bernay [sic] venant de Lille, directeur d’une troupe d’Enfants depuis cinq ans jusqu’à neuf ans, au nombre de quatorze a ce qu’il vous plaise accorder au suppliant de donner à Jouer Pantomimes, dans la Salle de Spectacles ordinaire de cette ville, à commencer vendredy prochain, jusqu’au moment que Mde Montansier directrice d’une autre troupe se presentera pour jouer la Comedie… [Signé] Bernardy161.

156L’autorisation est accordée, « à condition que le théatre sera taxé à trente six sols, premieres Loges trente six sols, l’amphitéatre vingt quatre sols, et les places du parterre douze sols ».

  • 162 A. Durieux, Le Théâtre à Cambrai avant et depuis 1789, Cambrai, J. Renaut, 1883, p. 76. Les archive (...)

157Le 13 février 1776, c’est la ville de Cambrai qui lui délivre l’autorisation de donner des représentations jusqu’au Carême, avec sa troupe provenant de Lille, composée de quatorze enfants « depuis l’âge de cinq ans jusqu’à dix ». Il aurait dû arriver à Cambrai trois mois plus tôt mais en a été empêché par le retour des anciens directeurs Casimir et Delatour162.

158De cette même ville, Bernardy écrit le 4 février 1776 à Ignace Vitzthumb, afin de pouvoir donner des représentations à Bruxelles :

Monsieur,

Il me paroit, celon les articles de la permission que S. A. R. a daignez m’accorder, que mon fils c’est mal expliqué, ou que vous l’avez mal compris ; je suis donc obligé de vous récrire avant d’entreprendre le voyage de Bruxelle pour eviter des inconvenians qui nuiroient beaucoup à mon Spectacle, en consequence je vous envoie le repertoire de ma petite trouppe, par là vous verrez les obstacles qui pourroient en resulter, & meme il faut avoir la bonté de me mander les pieces qui me seront defendue de representer.

Opera

Comedie

L’amoureux de 15 ans

Les veuves turques

le marechal

les trois Sultanes

la fausse magie

La femme qui a raison

Silvain

Les fausses inconstances

Zemire & Azor

Samson

Les pecheurs

le Barbier de Seville

L’ami de la maison

La colonie

Pantomime

les femmes vangées

melée d’arriettes de

la belle Arzene

differens opera

le Deserteur

La naissance d’Arleq.

le Deserteur ou la fée bienfaisante

en outre des petits Ballets

  • 163 AEB, Manuscrits divers 3848.

Par ce repertoire vous verrez si la choses est faisable, d’aillieurs songez que c’est des enfans & que cela ne peut point nuire à vos interets. Je vous prie de me repondre à vue afin de pouvoir annoncer dimanche [11 février] ici ma cloture163.

159Par une seconde lettre datée du 6 mars, on apprend que Vitzthumb, pour des raisons inconnues, n’a pas accédé à la demande de Bernardy qui répond :

  • 164 AEB, Manuscrits divers 3848.

Comme je n’ai aucune assurence jusqu’aujourd’hui, que je vois meme celon votre lettre que vous ne pouvez m’en donner, je suis forcé de vous prier de me conserver les Bontés de S. A. R. de Monsgr le prince de Staremberght pour une occasion plus favorable, ainsi que les Bons Sentimens que vous avez toujours temoigné à mon egard ; si, cependant ces obstacles sont levés & que vous m’en donnez la nouvelle, je disposerez tout pour mon depart quoique le tems devient fort court164.

  • 165 Dijon, Bibliothèque municipale, Ms 742bis.
  • 166 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

160La troupe continue alors sa route et se produit à Dijon en mars 1776165, à Strasbourg en août, puis à Colmar à la fin du même mois166.

  • 167 Bernard, op. cit., p. 245 ; H. Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, Paris, Librairie de l’ (...)

161D’après Bernard et Lyonnet, Bernardy est impliqué dans la création de la troupe des « Petits comédiens du Bois de Boulogne »167. Cette troupe s’établit à Paris en 1777 et donnera des représentations jusqu’en 1781. Bernard raconte d’ailleurs que le tout-Paris accourt voir les spectacles des enfants de Bernardy, à tel point que les troupes des comédiens français et italiens en conçoivent une jalousie féroce, allant jusqu’à faire interdire à Bernardy d’annoncer ses spectacles par voie d’affiche. Comme c’est alors l’unique et meilleur moyen d’attirer le public, la troupe, privée de cette publicité, voit la fréquentation baisser et en est réduite à quitter Paris.

  • 168 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

162Ce séjour dans la capitale française comble tant soit peu la lacune qui existe entre le passage de Bernardy à Colmar et sa présence probable à Rouen en juillet 1777168.

  • 169 Le Mans, Archives départementales, dossier « Archives communales » 611.

163Au début de l’année suivante, il donne plusieurs représentations au Mans. Les Archives départementales de la Sarthe ont conservé un registre de représentations données au Théâtre du Mans couvrant neuf années. Ce volume s’étend, avec quelques lacunes, du 15 février 1775 au 26 février 1784. Bernardy arrive au Mans avec sa « troupe des petits comediens » le 22 janvier 1778 ; il y restera jusqu’au 9 février, après avoir donné treize représentations. Il loue la salle de spectacle 15 livres par jour. Voici le répertoire qu’il y donne169 :

  • jeudi 22 janvier : Les Trois frères rivaux (Lafont) et L’Amoureux de quinze ans (Laujon) ;

  • samedi 24 janvier : Les Trois Sultanes (Favart), avec un ballet pantomime, et Le Tonnelier (Audinot et Quétant) ;

  • dimanche 25 janvier : L’Embarras des richesses (Dalainval) et Sylvain (Marmontel) ;

  • mercredi 28 janvier : Le Barbier de Séville (Beaumarchais) et Les Pêcheurs (anonyme) ;

  • jeudi 29 janvier : La Femme qui a raison (Voltaire) et La Colonie (Framery) ;

  • samedi 31 janvier : La Belle Arsène (Favart), avec un grand ballet ;

  • dimanche 1er février : L’Avocat savetier (Rosimond) et Le Déserteur (Sedaine), avec deux ballets ;

  • lundi 2 février : La Belle Arsène (Favart), avec un ballet ;

  • mercredi 4 février : L’Écolier devenu maître (Quétant) et Le Portrait [sic pour Le Tableau] parlant (Anseaume) ;

  • jeudi 5 février : Les Fausses Inconstances (Moissy) et Les Souliers mordorés (Ferrières) ;

  • samedi 7 février : Les Mariages samnites (Durosoy) et Le Maréchal-ferrant (Quétant) ;

  • dimanche 8 février : La Fée Urgèle (Favart et Voisenon), avec quatre ballets ;

  • lundi 9 février : L’Épreuve nouvelle et Les Trois Fermiers (Monvel), avec un grand ballet.

164Bernardy est ensuite à Angers en mars 1778, où sa femme est mêlée à un incident survenu au théâtre, qui fait grand bruit :

  • 170 Angers, Archives municipales, FF 41.

Le mardy dix sept de ce mois [de mars 1778] deux particulliers, étant sur le theatre de la comedie, l’un d’eux prit une chaise et la jetta des coulices sur le theatre, par deux fois différentes, ce qui obligea l’acteur à la porter de l’autre coté du theatre ; que le particullier fit le tour du theatre et alla rejoindre l’acteur pour le maltraiter, ce qu’il eut fait s’il ne se fut en allé ; que ce même particullier sur les représentations qui lui furent faites par plusieurs personnes […] pour le bon ordre des spectacles se plaignoient de son bruit ; il dit qu’il se foutoit d’eux et des commissaires ; que même il menaça de faire passer le gout du pain au regisseur de la comedie [Alexandre Chamfleur] s’il ne lui eut pas parlé poliment ; que la Directrice [Mme Bernardy] parlant au machiniste de son spectacle [Jean Cambeault] ; du bruit que ce particullier faisoit prit un baton pour maltraiter ledit machiniste et qu’il fut obligé de s’evader, au moyen de ce que la dame Bernardy le desarma. Que le deuxième particullier s’acosta de ladite Dame Bernardy et lui tint des propos les plus insollents, en lui demandant s’il n’etoit pas possible de coucher avec une de ses actrices, qu’il lui nomma170.

  • 171 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

165On perd ensuite la trace des Bernardy durant un an. Du 21 au 27 mars 1779, la troupe est signalée à Aix-en-Provence, elle donne des représentations à Toulon et Marseille jusqu’au mois de juin et revient à Aix-en-Provence. Elle remonte ensuite le Rhône et se dirige vers Dijon où elle arrive à la fin du mois. Elle y donne des représentations dans le courant de l’été. C’est probablement vers cette période qu’il faut situer le passage de Bernardy à Caen, où le duc d’Harcourt fait interdire les représentations données au Vauxhall171.

  • 172 R. Coppieters, op. cit., p. 16.

166Le 16 janvier 1780, Bernardy obtient de jouer quelques fois à Bruges172. Du 6 au 13 août 1780, la troupe donne huit représentations à Saint-Quentin ; elle y joue :

  • le 6 août : Zénéide (Cahusac) et La Belle Arsène (Favart) ;

  • le 7 août : La Rosière de Salency (Favart) et Le Consentement forcé (Guyot de Merville) ;

  • le 8 août : Le Jugement de Midas (d’Hèle) et Le Consentement forcé ;

  • le 9 août : Le Barbier de Séville (Beaumarchais) et Le Tableau parlant (Anseaume) ;

  • le 10 août : L’Amant jaloux (?) et Le Magasin des Modernes (Panard) ;

  • le 11 août : Les Trois Sultanes (Favart) et Le Cadi dupé (Lemonnier) ;

  • le 12 août : Le Maréchal-ferrant (Quétand) et Les Deux Jeannots (?) ;

    • 173 G. Lecocq, Histoire du Théâtre de Saint-Quentin, Paris, Raphael Simon, 1878, p. 136.

    le 13 août : Zémire et Azor (Marmontel) et Les Veuves turques (Poullain de Saint-Foix)173.

Échec à Bruxelles

167Bernardy, bien décidé à repartir à la conquête du public bruxellois, adresse en octobre 1780 la requête suivante au prince de Starhemberg, devenu gouverneur des Pays-Bas autrichiens ad interim au décès de Charles de Lorraine :

  • 174 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21332.

Votre Altesse,
Bernardi et sa famille, comediens pensionnées de Leurs Majestées Imperiales et Royale, natives d’Envers et de Bruxelle, citoiens maintenant en cette ville, desireroient avec leurs enfans, petits enfans, les quelles ont eu, tant dans la comedie que l’opera, le plus grand succes dans toutes les villes privilegiées les plus exclusives du royaume de France, contribuer aux amusemens de Votre Altesse pendant le cour du careme prochain, ou pour un autre tems plus convenable aux ordres de Monseigneur, j’ose meme avancer que c’est un des spectacles le plus decens pour ce terme
174.

168La requête tombe on ne peut plus mal : en effet, moins d’un mois auparavant, les directeurs du Théâtre de la Monnaie ont sollicité et obtenu l’autorisation de faire représenter des spectacles par une troupe d’enfants. Voici le texte de la requête qu’ils ont adressée au même Starhemberg :

  • 175 L’escalin vaut 6 sols 3/4, il faut donc environ trois escalins pour un florin.
  • 176 Le Vauxhall d’hiver était situé à la Foire Saint-Germain. « Ouvert en 1773 ou 1774, cet établisseme (...)
  • 177 AEB, Conseil privé autrichien 1053A.

Les Directeurs du Spectacle désirant procurer aux Bourgeois, et à la Jeunesse de cette Ville, les moyens de danser, à un Prix moderé, Plaisir qu’ils se procurent à raison de deux Escalins175 par Personne, soit à la Maison du Roi, lorsqu’ils en obtiennent la Permission, soit dans un autre endroit spacieux, ont imaginé de continuer les Redoutes d’Hyver sous la Dénomination de Récréations nocturnes à raison de quatorze sols par personne : la Durée sera de trois heures, immédiatement à l’Expiration de la redoute.
Les Personnes qui auront payé à la redoute jouiront de la récréation nocturne si elles le jugent à propos ; on n’y souffrira aucun Masque, aucune Epée ou Arme offensive quelconque.
Pour donner du crédit à cette récréation nocturne, les Directeurs, à l’imitation du Vaux-Hall d’Hyver de Paris
176, formeront une Ecole de huit couples d’Enfans qu’ils feront instruire pour la danse, qu’ils costhumeront selon leurs differens caracteres, et dans lesquels ils puiseront des figurans et figurantes pour leur Théâtre, à mesure que ces Enfans croîtront en Age et en Talens ; c’est l’unique moyen de former un Ballet raisonnable, et peu dispendieux.
Ils ne réussiront point dans ce Projet si le Gouvernement, et le Conseil ne les autorise à contracter avec les Pere et Mere qui engageront leurs Enfans pour plusieurs années, et qui seront responsables et solidaires pour ces mêmes Enfans, soit de la Conduite, du dédit, et autres Punitions, selon l’Exigence des Evenemens.
Ces Enfans une fois engagés, et instruits devront par conséquent fournir la Durée des Contrats que leurs Pere, ou mere auront souscrits, et cette Durée, selon l’Age où on les commencera, devra être au moins de cinq Années. L’indocilité, le peu d’intelligence, mettra
les Directeurs seuls, dans le cas de remercier ces Enfans, et cet Exemple de séverité donnera l’Emulation et la Crainte, necessaires à établir dans une Ecole177.

169Le conseiller Jacques-Antoine Le Clerc, dans sa note de proposition au gouverneur datée du 15 septembre 1780, suggère qu’on laisse les directeurs ouvrir une « Petite Redoute » (qui, écrit-il « me paroit plus propre et plus decent » que le nom de « Récréations nocturnes ») à la suite de la redoute ordinaire ; il n’émet pas d’objection non plus à ce qu’on y produise des « Ballets d’enfans ou tels autres divertissements honnetes ». En revanche, il déconseille fortement de permettre l’ouverture d’une école de danse, « d’autant que dans l’opinion publique un établissement pareil, vu du côté des mœurs, seroit infailliblement considéré comme une école de debauche et de libertinage ».

  • 178 L’octroi exclusif accordé aux directeurs du Théâtre de la Monnaie le 29 mars 1782 prévoit en effet (...)

170Aussi, lorsque la requête de Bernardy est renvoyée aux directeurs du Théâtre pour qu’ils statuent sur ce cas178, la réponse est claire et ne se fait pas attendre. Le 2 novembre, Louis-Jean Pin, Herman Bultos et Sophie Lothaire écrivent :

  • 179 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21332.

Nous vous avertissons que nous ne pouvons consentir que la Troupe de vos enfans représente ce Carême sur le Théâtre de cette ville. Notre octroi est exclusif. Si l’on souffroit la représentation des Opéras, Comédies, Ballets, Pantomimes, et autres spectacles que la troupe des enfans, dirigés par vous, donne au public, Spectacle qui est à notre connoissance, nous garderions la préférence et nous n’y associerions personne. En conséquence nous nous opposons à ce qu’aucun spectacle étranger qui assimile le nôtre, en quelque genre que ce soit, vienne nuire à nos intérets179.

Retour dans la principauté de Liège

  • 180 Gazette de Liège, du 16 au 26 février 1781.

171Éconduit, Bernardy tente à nouveau sa chance à Liège, où sa troupe est accueillie pour neuf représentations qui rencontrent un vif succès. Du 14 au 27 février, « les petites comédiens, élèves du Sr. Bernardy, par accord des Comédiens de la Principauté de Liége » donnent Sylvain et La Rosière de Salency, Le Jugement de Midas, Le Magasin des modernes et L’Amant jaloux, Le Cadi dupé, Zémire et Azor, Les Mariages samnites et Les Trois Sultanes180.

  • 181 Bernard, op. cit., p. 243.

172Voici comment se compose alors sa troupe181 :

Acteurs & Chanteurs.

Messieurs

Du Puis, âgé de 18 ans, les prem. Basses-tailles.

Laurent, 16, la première la Ruette.

Massin, 15, premier rôle dans la Com.

Du Puis, Cadet, 12, Première Haute-Contre.

Bussier, 15, sec. Haute-cont.

Fleury, 11, partage la Ruet & la basse-taille.

Martin, 11, les Accessoir. dans l’Opera.

Charles, 12, les Accessoir. dans l’Opera.

Actrices & Chanteuses.

Mesdemoisell.

Florine Fleury, 14, prem. Chant.

Adelaïde Fleury, 13, prem. Chant.

Mimi Bernardi, 11, sec. Chant.

Mimi le Clair, 10, sec. Chant.

Lucie Payonné, 8, les jeunes sec.

Sophie de Rosier, 10, les jeunes prem. dans la Com.

Trinette Masin, 6, les amoureuses dans la Com.

Marianne du Lac, 15, les Duegnes dans l’Opera.

M.

Antoine Bernardi, Maître de Musique,

qui a formé tous ces Enfans pour le Chant.

  • 182 Né à Spa le 13 août 1769, décédé à une date inconnue.
  • 183 Née à Anvers le 28 décembre 1766, décédée à Orly le 23 février 1818.
  • 184 Née à Liège le 6 juin 1768, décédée à Henri-Chapelle le 13 avril 1830 ; elle fut la maîtresse du pr (...)
  • 185 Née à Spa le 25 août 1769, décédée à Strasbourg le 28 mars 1813.
  • 186 Né à Vienne le 20 juin 1759, décédé à Strasbourg le 23 juin 1815.

173Les enfants de la famille Bernardy sont François-Joseph Nones, dit Fleury182 ; Marie-Florence Nones, dite Florine, qui entrera à la Comédie-Française en 1786, sous le nom de Mlle Fleury183 ; Françoise-Adélaïde Nones, qui jouera plus tard à Bruxelles et à Liège sous le nom de Mlle Fleury-Delligny (ou Deligny184) ; Marie-Madeleine Bernardy, dite Mimi185 ; Antoine Bernardy, le musicien de la famille186.

174Le Tableau du spectacle français donne également de précieuses indications sur les pérégrinations de la troupe de Bernardy :

Le petit Fleuri, Florine & Adelaïde Fleuri, Mimi & Antoine Bernardi, sont fils, filles, sœur & freres de Madame Fleuri, ancienne Actrice de cette Ville, & à la quelle M. Bernardi son pere, céda aux Pâques de l’année courante la direction de cette Troupe, pour recompenser les soins de cette Dame, en soutenant l’Honneur de ces enfans, & en les élévant, selon les principes de probité.
Cette Troupe a débuté pour la prémière fois à
Anvers, le Lundi des Pâques 1775. Elle a satisfait par tout le public, sur tout : En France, à Paris ; Amiens, Abbeville, Reims, Dijon, Besançon, Nancy, Strasbourg, Lille, Dunquerque, Lyon, Grénoble, Nantes, Rennes, Orleans, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Montpellier, Toulon, Tours ; en Savoie, à Chambery ; en Hollande, à Amsterdam, La Haye, Rotterdam, Leide ; Aux Païs-Bas Autrichiens, à Anvers, Gand, Bruges, Namur ; dans l’Empire ; Liège, Aix-la-Chapelle &c.
A
Paris ils joüaient au Bois de Boulogne : toute la Ville accourait à leur Spectacle. Les Comédiens Français & Italiens les jalousaient tellement, qu’ils ôterent par le credit de leurs amis, à M. Bernardi la permission lui accordé, d’annoncer dans les petits affiches de cette Ville, la réprésentation du jour. Ce qui les derangea; car la plupart des citoïens de cette grande Ville, ignorant alors l’existence de la Troupe dans la Capitale, ne fréquentait plus ce Spectacle.
Le Fort de ces Acteurs est l’Opéra. Ils donnent de tems en tems des Comédies. On distribue des Rôles
Comiques aux enfans selon la convenance. Ils répresentent tous les Opéras-nouveaux, comme, la Belle Arsêne &c. Leurs voix sont Mélodieuses, douces & Flexibles ; leur jeu est aisé, naturel & avec intelligence ; leurs tailles belles, leurs phisionomies intéressantes, la prononciation sonore, distincte & bien articulée sans emphase. Bref, le tout proportionné à leurs âges & emplois, Mastrigt peut à juste titre régrêter, d’avoir été privé d’un Spectacle, devant le quel tous les autres, dans le même genre, doivent s’éclipser.

  • 187 Bernard, op. cit., p. 243-245.
  • 188 P. Claeys, op. cit., p. 172 ; R. Coppieters, op. cit., p. 30.

175Le 4 mars, Bernardy se rend seul à Maastricht pour tenter d’y obtenir l’autorisation de donner quelques représentations, mais cette autorisation lui est refusée187. Il se dirige alors vers les villes flamandes et s’arrête à Ostende, Bruges et Gand. Dans cette dernière ville, il donne deux représentations fin juillet 1782, au cours desquelles la troupe joue Les Événements imprévus (d’Hèle, musique de Grétry, 1778) et L’Infante de Zamora (Framery, musique de Paisiello, 1781). Le 27 août, il donne une représentation très appréciée à Bruges, en l’honneur d’un élève du collège188.

  • 189 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14.

176Par une lettre du 19 novembre 1782, Bernardy sollicite le Théâtre de Gand auprès de Philippe-Ferdinand, vicomte de Vilain XIIII, grand bailli de la ville : il offre ses services pour l’année théâtrale 1783-1784, si un changement de direction devait intervenir. La lettre est datée de Bruxelles et Bernardy habite rue Saint-Pierre, dans le quartier du Finistère189.

Retour aux troupes d’adultes

  • 190 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1786.

177Pour la saison 1785-1786, Bernardy et sa fille dirigent le Théâtre d’Anvers. La composition de la troupe nous est donnée par un almanach190.

  • 191 Pierre-Marie Rousseau, dit Darmancourt, était né à Stockholm le 10 juin 1767 (Stockholm, Archives m (...)
  • 192 Joachim Genevay, dit Gazel, était né à Lyon le 2 mai 1755. Il termina sa carrière à Amsterdam dans (...)
  • 193 François-Joseph Bernardy était né à Vienne le 18 décembre 1756 et mourut à Brest le 10 mai 1822.
  • 194 Anne Guilbert était née à Paris le 23 décembre 1764 et décédée à une date inconnue.
  • 195 Marie-Denise Bernardy était née à Anvers le 16 juillet 1746 et décédée à une date inconnue.

178Contrairement aux distributions que nous avons rencontrées précédemment, cette troupe-ci n’est plus une troupe d’enfants : Darmancourt a vingt ans191 ; Gazel en a trente192 ; François-Joseph Bernard, dit France-Bernardy, en a vingt-neuf193 ; son épouse, Anne Guilbert, en a vingt-deux194 ; Marie-Denise Bernard, épouse Fleury, en a quarante195.

  • 196 F. Faber, op. cit., t. I, p. 153 ; J. Martiny, op. cit., p. 59 ; Gazette de Liège, 5 mai 1786.

179À la fin de la saison, Bernardy regagne Liège où il obtient du prince-évêque Constantin-François une ordonnance lui accordant le privilège exclusif de donner des représentations dans toute la principauté durant deux ans. Les spectacles commencent le 6 mai 1786, puis Bernardy passe l’été à Spa196.

  • 197 Pierre-Henri de Moulinneuf, dit Montroze, était né à Marseille le 28 février 1761. Le 5 novembre 17 (...)
  • 198 Marie-Agathe Moiret, née à Versailles le 30 mars 1757, épousa à Gand, le 29 décembre 1781, le coméd (...)
  • 199 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1787.

180De sa troupe anversoise, Bernardy n’aura conservé que Gazel, Paris et sa fille Mme Fleury, mais il engage de nouveaux acteurs comme Marion, avec lequel il a déjà travaillé vingt ans plus tôt, Montroze197, sa femme et sa fille, ainsi que Mme de La Sablonne198, qui deviendra directrice du Théâtre de Liège en 1791. Pendant la même saison, Bernardy occupe le Théâtre de Maastricht avec une troupe sensiblement différente et plus réduite, dont il a confié la régie à son fils François-Joseph199.

  • 200 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1792.

181D’octobre 1790 à septembre 1792, Bernardy occupe le Théâtre de Gand avec une troupe comprenant une vingtaine de comédiens et un orchestre complet dirigé par son fils Antoine. L’aîné des fils, Louis-Joseph, est le peintre et décorateur attitré de la troupe. Bernardy exploite aussi pendant cette période les théâtres de Bruges et d’Ostende. Une troupe tout aussi imposante en nombre est engagée pour la saison 1792-1793 et se fixe à Ostende, sous la direction des « frères Bernardy »200.

  • 201 F. Faber, op. cit., t. II, p. 215.
  • 202 Ibid., p. 176 ; J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 172. Pierre-Claude Péguchet, dit Linsel, était né (...)
  • 203 Bernard, op. cit., p. 187-189.

182Louis, François et Antoine conduisent une troupe de onze acteurs et sept actrices. On y remarque Michel-Nicolas Ansoult, qui tiendra pendant cinq ans les emplois de premières basses-tailles à Bruxelles, jusqu’à sa mort survenue le 25 décembre 1804201. Fait également partie de la troupe un Rémois d’origine, Pierre-Claude Péguchet, dit Linsel. Il jouera à Bruxelles dès 1796, aux emplois de seconds comiques et de haute-contre jusqu’à sa mort, le 25 septembre 1826 à Laeken. Ses deux filles danseront au Théâtre de la Monnaie dès 1817202. Dans la troupe d’Ostende, notons encore la présence, aux emplois de haute-contre, d’un certain Clairville, surnommé « l’Abbé », qui a joué à Maastricht en 1773-1774 et y a connu la famille Bernardy203.

Une petite-fille à la Comédie-Française

Fig. 5. Costume de Mlle Fleury (1787).

Fig. 5. Costume de Mlle Fleury (1787).

Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, vol. II, n° XXIII.

Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Estampes, V.H. 9643 A.

183En octobre 1786, Marie-Anne-Florence Nones a débuté à la Comédie-Française sous le nom de Mlle Fleury :

  • 204 J. C. Le Vacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, Paris, Janinet, 1786 (...)

Le 23 Octobre, Mlle Fleury Bernardi a débuté au Théâtre Français dans le rôle d’Hipermnestre ; sa voix est tendre, douce & flexible, sa figure est agréable, & sa taille très-belle ; elle a de la noblesse dans le maintien.
Le rôle
d’Hipermnestre est long & pénible, & Mlle Fleuri relevait d’une longue maladie quand elle a débuté : elle a reparu dans le même rôle le 30 Octobre, & le Public, charmé de sa diction pure & sonore, avait mal jugé de ses moyens dans les momens d’explosion. On les croyait trop faibles pour les rôles qui exigent de grands mouvemens & de grands efforts, & dont toutes les situations portant l’ame hors d’elle-même, fatiguent la faiblesse des organes délicats d’une personne jeune, & dont la voix intéresse plus qu’elle ne doit émouvoir. Elle a joué aussi le rôle de Madame Beverley ; mais quel que soit le mérite de ces pièces modernes, elles sont sans doute moins favorables aux véritables talens, que celles dont le style se rapproche davantage du goût de l’antiquité, puisque Mlle Fleuri a obtenu les applaudissemens les plus vifs & les plus mérités dans le rôle de Didon qu’elle a joué trois fois204.

  • 205 E.-D. De Manne, op. cit., p. 87-94 ; H. Lyonnet, op. cit., p. 60-61.

184Elle deviendra sociétaire de la Comédie-Française en 1791 et excellera dans les rôles de « grandes princesses ». En 1794, elle épouse un médecin breton, Valentin-Magloire Chevetel, se retire de la scène en 1807 et meurt à Orly le 23 février 1818205.

Les dernières années

  • 206 Paris, Archives nationales, Minutier central, MC/ET/VIII/1355.

185À partir de 1793, Bernardy met fin à ses activités théâtrales et s’installe à Paris avec son épouse, probablement pour se rapprocher de sa petite-fille, Mlle Fleury. Bernardy finira ses jours rue de Vaugirard, où il meurt le 14 juin 1807 à l’âge de quatre-vingt-trois ans ; sa femme s’éteint un mois plus tard, le 16 juillet. L’inventaire après décès, effectué le 25 août 1807 à la requête de leur fille Françoise-Adélaïde, désigne comme héritiers Louis-Joseph Bernardy, musicien demeurant à Ostende, Antoine-Joseph, « maître de musique attaché à l’orchestre de la comédie de Calais », François-Joseph, « artiste demeurant à Angers », Marie-Eloïse, veuve de Louis Aimé, demeurant à Strasbourg, et Marie-Anne-Florence « Nonnès dite Fleury », épouse de Marie-Magloire-Valentin Chevetel, demeurant à Paris206.

186Ainsi se résume la carrière d’un simple comédien devenu chorégraphe et directeur. Si la plupart des troupes circulantes ont cherché à se stabiliser, surtout dans la seconde moitié du siècle, tout porte à croire que Bernardy a délibérément choisi le voyage et l’itinérance. Sillonnant tantôt les Pays-Bas, tantôt la France, il aura mis à profit les leçons reçues à Vienne au début de sa carrière.

  • 207 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 40.

187Fondateur d’une famille nombreuse, il met ses enfants et petits-enfants à contribution et parvient à tirer le meilleur parti de l’entreprise familiale. Sans être un précurseur en la matière, il aura certainement redoré le blason des troupes d’enfants, dont la réputation a fait des « écoles de libertinage »207. Connues dès la fin du xviie siècle, ces troupes ont pourtant eu pour vocation première la formation dramatique de jeunes talents et il est regrettable qu’aucune étude sérieuse et complète sur le sujet n’ait encore été menée, pour mieux comprendre leur fonctionnement et connaître leurs itinéraires.

Le voyage

188On l’a déjà constaté dans le cas de la famille Bernardy, les troupes itinérantes parcourent des centaines de kilomètres par an – quand ce ne sont pas des milliers –, se rendant en quelques jours de Rouen à Marseille ou de Bordeaux à Lyon.

189Comment voyagent les troupes, comment les comédiens se rendent-ils individuellement d’une ville à l’autre afin d’y satisfaire à leurs engagements, quelles sont les conditions de voyage, comment achemine-t-on les bagages et les décors d’un lieu à l’autre ? Ces questions ne trouvent malheureusement pas toutes de réponses dans les archives ou les témoignages de l’époque, loin de là.

  • 208 Non placées sous la protection d’un seigneur.

190Par la littérature ou le cinéma, on imagine volontiers des caravanes de carrioles bringuebalantes véhiculant des comédiens en haillons. Cette image d’Épinal avait sans doute plus qu’un fond de vérité du temps de Molière, lorsqu’il s’agissait de troupes « libres »208 ou de troupes foraines. Mais les conditions matérielles et les exigences des comédiens ont fait évoluer progressivement cette situation vers davantage d’organisation, sinon de confort.

191Pourtant, même au milieu du xviiie siècle, on note encore de grandes différences dans les conditions de circulation, selon que la troupe est de qualité ou non, renommée ou non, parcourant les grandes villes ou les sous-préfectures. Dans une lettre qu’il écrit de Gisors à son ami Favart, l’auteur dramatique François-Antoine Quétant relate une représentation à laquelle il a assisté en 1763 :

  • 209 C. S. Favart, op. cit., t. III, p. 82-83.

J’ai vu exécuter à l’Isle-Adam votre petit divertissement des Comédiens du Mans. Il fut représenté à huis clos chez S. A. Ce spectacle impromptu fit à tout le monde le plus grand plaisir ; Molière seul pourroit aussi bien caractériser les personnages que vous y avez peints. Le rôle de la Rancune, exécuté par M. Préville, étoit délicieux ; tous les accessoires répondoient au sujet. Le théâtre représentoit à s’y tromper ceux que les bateleurs élèvent à la hâte dans les hôtelleries. Quatre paravens d’inégale hauteur formoient les coulisses, et le fond étoit fermé par un rideau de serge que les acteurs levoient par un coin pour entrer en scène209.

192Exécutée par une troupe de qualité, semble-t-il (Préville était acteur de la Comédie-Française depuis dix ans), cette parodie est encore en deçà de la réalité que vivent certaines troupes de campagne. Imaginaire ou véridique, le récit de Dorvigny, dans son Nouveau Roman comique, n’en témoigne pas moins des conditions misérables dans lesquelles se produisent des comédiens de second plan, entre dilligence et débrouillardise. Il met en scène une troupe de comédiens, « peu nombreuse en sujets, et très-faible en talens », installée pour quelques représentations à Vienne en Dauphiné. L’aventure se passe dans les années 1765-1770. Pour leurs trois dernières représentations, « au lieu des petites pièces qu’ils avaient jouées jusqu’alors, [les comédiens] se piquèrent de vouloir donner trois chefs-d’œuvre dramatiques ». Devant une salle de jeu de paume remplie, ils représentent Zaïre de Voltaire :

  • 210 L. F. Dorvigny, Le Nouveau Roman comique, Paris, Vatar-Jouannet, an IX (1801), t. I, p. 13-14.

On lève la toile : le public indulgent et peu habitué à la pompe des grands spectacles, leur fit d’abord grâce pour la mesquinerie des décorations. Il est vrai que l’un des membres de la troupe, le tailleur-costumier, homme à talent dans sa partie, pour subvenir, autant que possible, au dénuement absolu d’habits tragiques, avait emprunté tous les rideaux de lits et de fenêtres, ainsi que les courte-pointes des auberges où les héros de la pièce logaient ; il les avait adroitement déguisés en dolimans, en soubrevestes, en turbans, etc. Des plumes de coq, disposées avec art, formaient le panache d’Orosmane. Cinq ou six petits manchons de Girard, de diverses couleurs, qu’on avait débordés, décoraient l’habillement de Zaïre, et, faute de mieux, lui figuraient une garniture mélangée d’hermine et de martre. Les grenadiers d’un régiment qui séjournait alors dans la ville, avaient prêté leurs bonnets pour coiffer les gardes du sérail210

193Seule l’inventivité, voire l’ingéniosité d’un costumier peut donner aux haillons l’illusion du faste oriental requis par la tragédie de Voltaire. Car les recettes souvent dérisoires et les salaires de misère perçus par les comédiens de campagne sont loin d’autoriser une troupe à des dépenses somptuaires en matière de décors et de costumes. Le prince de Ligne le rappelle encore à la fin du siècle :

  • 211 C.-J. de Ligne, Lettres à Eugénie sur les spectacles, Bruxelles, Paris, Champion, 1922, p. 114.

Si les directeurs de province payaient bien, amusaient et considéraient les talents, on ne verrait pas la clabauderie d’un père noble, les criailleries du valet, la cabale de l’amoureux contre les financiers, la méchanceté de la soubrette, le rhume de l’amoureuse et la colique du rôle de caractère. Plus riches, les acteurs seraient mieux mis, chose nécessaire, car les troupaillons ambulants qu’on rencontre parfois sont si dégoûtants qu’ils dégoûtent de la comédie. Un grand talent qui s’y trouverait par hasard ne paraîtrait pas même, en haillons, vieux habits trop courts, ou galonnés en papier d’or, ou pomponné d’argent noir et faux211.

194L’indigence n’est pourtant pas une constante dans la société comique, mais l’opinion, confrontée à des cas de cet ordre, s’est laissé convaincre que comédien, vagabond et vaurien sont synonymes. Ce préjugé a encore la vie dure aujourd’hui.

195Trop peu de comédiens ont laissé de leurs périples des témoignages de première main et, lorsqu’il s’en trouve, l’auteur a tant enjolivé le scénario qu’on ne peut tirer de ses mémoires aucun élément fiable quant au mode de vie et à l’intimité des personnages.

Les passeports

196Les documents qu’il faut examiner en premier lieu pour tenter de circonscrire les modes de déplacement des troupes sont les passeports, individuels ou collectifs, délivrés par les autorités compétentes. Dans le cas des Pays-Bas espagnols et autrichiens, c’est le Conseil d’État et de l’Audience qui s’acquitte de cette tâche.

197Le fonds conservé aux Archives de l’État en Belgique comprend 19 liasses et registres de passeport, classés par ordre chronologique, qui courent de 1529 à 1742. Parmi les milliers de passeports conservés, très peu concernent les comédiens. Nous avons dépouillé ce fonds de 1675 à 1742 et nous n’en avons relevé que 14 relatifs au théâtre. Les principales pièces sont examinées ci-après.

198Le 3 mai 1689, le gouvernement général des Pays-Bas espagnols délivre un passeport à la troupe de l’Opéra du Quai au Foin dirigée par Charles de Soulas, dit Floridor. Nous l’avons donné en entier plus haut.

  • 212 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1028.

199D’autres pièces nous renseignent encore sur le mode de déplacement des troupes. Ainsi, le 16 février 1693, on délivre un passeport à des comédiens « allant de Namur à Mons avec leur equipage et les chariots necessaires et le retour desdits chariots »212.

200Le document suivant – que Faber et Liebrecht ne semblent pas avoir vu – donne une idée de la composition numérique des troupes qui circulent à la fin du xviie siècle ; il s’agit d’un passeport délivré le 14 octobre 1695 :

  • 213 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1029.

A Son Altesse Electorale
Romainville et sa Trouppe de Commediens François supplient tres humblement V.A.E. estre servie de leur faire depecher un Passeport gratis pour pouvoir passer de France par ces Pays en Hollande pour le nombre de Personnes et leur bagage reprises dans le memoire cy Joint, libre de tous droits. C’est la grace qu’ils
esperent de la Grandeur et Generosité de V.A.E.

Memoire de la Trouppe des Comediens francois venant de France pour Hollande et les Noms des Acteurs d’icelle
De Romainville
De Sourlis et son fils
Du Buisson
Prefleury
De Romagnesy
La De Romainville
De Romagnesy autrement La Richart
Jouvenoit
Dangueville
Prefleury
Six violons
Deux Danseurs
Une Chanteuse un decorateur
Un Musicien servantes et enfans des Comediens et deux Portiers gagistes
Et Tous leur Bagage.

Passeport p
r Une Trouppe de Commediens françois passante de France par ces Pays en Hollande en nombre 24 a cheval en carosse, batteau et autrement avecq servantes et enfans desds Commediens, hardes et bagages, pour six semaines213.

  • 214 De La Haze – et non de La Haye comme l’indiquent tous les historiens du théâtre – était né à Paris (...)
  • 215 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 74, 174, 182 et 183 ; AVB, registre 159 (décès de la paroi (...)

201Cette troupe, assez importante et complète pour l’époque, compte en effet onze comédiens, une chanteuse, sept musiciens et deux danseurs, permettant de couvrir à peu près l’ensemble du répertoire dramatique en vogue. Charles de La Haze214, dit Romainville, sa femme et son beau-frère Jean Desurlis (Des Urlis ou de Surlis) dirigent pendant plusieurs années une troupe itinérante qui voyage principalement dans les Pays-Bas et le Nord de la France. On y rencontre également Jean Pohu, dit Préfleury, ainsi que Gaëtan Romagnesy, qui mourra à Bruxelles le 27 octobre 1700215.

  • 216 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1031.

202Le 9 mars 1697, on délivre encore un passeport au comédien Jacques Prévost (ou Provost), « sa femme, et son fils, leurs hardes [barré : “avec huit Coffres d’esquipage plus ou moins”], venant de L’Ille, à Bruxelles. Pour un mois »216.

203À la mort de François-Hyacinthe Ribon, survenue à Bruxelles le 22 septembre 1741, la troupe qu’il conduisait se disperse ; ses proches reçoivent un passeport pour Mannheim, délivré le 16 février 1742 et, six jours plus tard, le gros de la troupe s’en va à Munster :

  • 217 Friedrich August comte de Harrach (1696-1749), gouverneur intérimaire des Pays-Bas autrichiens.
  • 218 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.

Suplie tres humblement son Excelence Monseigneur Le Comte D’arac217, La Veuve Ribon de luy acorder un pasport pour elle Louise Ribon, son fils Jacques Charle Ribon, Anne Margerite son domestique, deux Cofres et une Cassette, pour aller d’ici a Manheime. Elle continura ses veux et priere pour son Excelence et son auguste famille.
La Troupe des Comediens françois consistant en 15 personnes tant hômes que femmes allant de cette ville de Bruxelles a Munster avec hardes et Bagages
218.

204Avec le temps, la description physique des invididus est prise en compte et se fait plus précise. Le passeport délivré le 17 mars 1787 au comédien de La Sozelière et à sa femme en témoigne :

  • 219 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 2264. Pierre-Louis Gautrin, dit de La Sozelière, était né à Pon (...)

Pierre Louis de la Sauceliere [sic] commedien allant en France, natif de Pontoise, agé 47 ans 5 p[ieds] 9 p[ouces] chev. chat. yeux bleus, a habité paroisse St Nicolas 11 mois avec son epouse Charlotte Catherine Boiron dit Baron agée 42 ans native de Paris taille 6 p[ieds], chev. et yeux bruns, commedienne, accompagnés de leur fille agée 13 ans, bon 9 mois219.

La circulation comique

  • 220 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 90 e (...)

205Dans un manuscrit qui fait suite à sa Vie théâtrale en province au xviiie siècle, publié en 1986, Max Fuchs cite de nombreux exemples de représentations données dans une ville de passage, par des troupes qui déroulent des décors sommaires emportés dans leurs bagages. Après avoir voyagé toute une journée, la troupe s’arrête, plante ses décors là où elle en a reçu l’autorisation, joue et repart le lendemain. La « circulation comique » toucherait ainsi l’ensemble des villes et bourgs de la province française car, comme l’écrit Fuchs, on peut supposer que les troupes jouent le plus souvent possible, au hasard des étapes220.

206Mais le directeur ne va pas à l’aventure : avant de prendre la route, il a longuement négocié avec les villes importantes et sait où et quand il va jouer, à quel genre de public il aura affaire ; il connaît le prix du loyer de la salle, les autres frais à débourser ; il a recueilli auprès de collègues divers renseignements qui lui seront utiles. Lors d’un déplacement de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, la troupe met à profit ses étapes dans des localités de moindre importance pour donner une représentation, qui lui assurera au moins une rentrée égale aux frais de logement et de nourriture de ce jour-là.

  • 221 Ibid., p. 90-91.

207Fuchs a savamment retracé les itinéraires comiques parcourus dans les provinces françaises. Il identifie les axes principaux (de Calais à Colmar, de Strasbourg à Marseille, d’Aix à Bordeaux, de Bayonne à Rennes, de Nantes à Lille) et les multiples branches qui s’y rattachent, le tout formant un tissu routier dense reliant la plupart des villes françaises. Il constate que l’anneau ainsi formé laisse un vide central qui s’étend de la Loire à la Garonne et de la Vienne à l’Allier, correspondant grossièrement aux régions montagneuses du centre de la France221.

208Pourtant, conclut Fuchs, la réalité n’est probablement pas si simple et ce qui nous apparaît comme des lacunes n’est sans doute qu’une absence de traces qu’aucun chercheur n’a encore relevées à ce jour. Un nombre considérable de petites villes mériterait une investigation afin d’y découvrir le passage d’une troupe, le témoignage d’une représentation, l’autorisation de la municipalité ou le contrat de bail d’une salle de spectacle improvisée.

209Dans nos régions, de telles routes existent bien entendu, mais elles sont souvent le prolongement des itinéraires français vers d’autres destinations. Ainsi en est-il de l’axe Lille-Bruxelles-Liège-Maastricht ou Cologne, de l’axe Lille-Gand-Anvers-Rotterdam et la Hollande, de l’axe Rouen-Amiens-Valenciennes-Mons-Bruxelles. Ces trois axes et leurs ramifications ont couvert quasiment tout le territoire des Pays-Bas méridionaux et de la principauté de Liège. Vers le nord, Bruxelles sert de point de départ à deux destinations essentielles : l’une vers Amsterdam, Hambourg et la Scandinavie, l’autre vers Ostende et l’Angleterre.

La plupart des villes se trouvant sur ces axes ont été visitées par des troupes de passage : Jean-Benoît Leclair est signalé à Louvain en 1748, Marguerite Gauché dirige le Théâtre de Namur en 1748, Beaumesnil passe à Ypres en 1751, Charles Bernardy et sa troupe d’enfants sont à Malines en 1775, à Bruges et Ostende en 1782, la troupe de Dannery séjourne à Tournai et Courtrai en 1777, Dorfeuille passe la « bonne saison » à Ostende en 1786. Il semble d’ailleurs que les autorisations relatives au Théâtre de Gand s’étendent à Bruges et Ostende, de même que celles de Mons valent aussi pour Tournai et Courtrai, une même troupe exploitant les trois salles simultanément ou en alternance. Ce principe est également appliqué à Liège, où l’autorisation vaut pour Verviers et, en été, pour Spa où se rassemblent des curistes venus de l’Europe entière.

Les modes de déplacement

  • 222 Ibid., p. 94-95.

210Dès l’institution des diligences publiques, les comédiens se déplacent généralement par ce moyen, auquel ils adjoignent des chariots pour transporter les décors. Alors qu’une troupe sédentaire dispose d’installations coûteuses, une troupe itinérante se contente souvent de simples tréteaux, qu’elle aménage en fonction du lieu de représentation. Pareillement, les toiles peintes, sans châssis, forment un fond de scène qu’on peut rouler et emporter sans encombre dans ses bagages222.

  • 223 AEB, Notariat général de Brabant 1639 (notaire Janssens). Voir F. Faber, op. cit., t. IV, p. 228.
  • 224 AEB, Notariat général de Brabant 267 (notaire De Bruyn). Voir H. Liebrecht, op. cit., p. 86.

211Lorsqu’une troupe ne dispose pas d’attelage, elle passe un accord avec un messager ou un batelier pour transporter le personnel et ses effets. Ainsi en 1662, la troupe de Mlle d’Orléans est emmenée à La Haye par le batelier Wauters, avec hardes et bagages, pour 150 florins223. En 1695, c’est la troupe du duc de Hanovre qui est transportée de Bruxelles à Liège par le « maître charton » Borghers, en trois chariots équipés et attelés chacun de quatre chevaux, pour le prix d’une pistole par personne224.

212Le directeur de troupe doit ménager dans son budget un poste relativement important pour les frais de déplacement. Outre les contrats signalés ci-dessus, on peut juger des conditions et du prix du voyage en diligence de Bruxelles à Paris en consultant les almanachs de l’époque :

  • 225 Calendrier de la cour […] pour l’année mil-sept-cent soixante-dix-sept, p. 173.

Départ & Arrivée des Voitures Publiques.
La Diligence de Bruxelles pour Paris part de jour à autre à quatre heures du matin, depuis le premier d’Avril jusqu’au premier d’Octobre, & y va en trois jours ; & depuis le premier d’Octobre jusqu’au premier d’Avril elle ne part qu’à six heures & demie, & n’arrive que le quatriéme jour, on paye par place 70 livres de France y compris la Nourriture qui commence à Cambrai, & qui y fini en venant de Paris, & 63 sans Nourriture, le Bagage à la suite desdites places, ne paye que trois sols de France, par livre.
Cette Diligence prend du monde pour Mons, Valenciennes, Cambrai, &c.
225

213Ainsi il faut trois jours (quatre en hiver) pour parcourir les 300 km qui séparent Paris de Bruxelles, par Mons, Valenciennes, Cambrai, Saint-Quentin, Noyon, Compiègne et Senlis. À raison de 70 livres par personne, une troupe de vingt personnes doit donc débourser 1 400 livres (environ 700 florins de Brabant) sans les bagages, soit environ le salaire d’un comédien moyen. En été, la diligence de Liège part de Bruxelles à 3 heures et demie du matin et y arrive le soir même, tandis qu’en hiver, elle part à 6 heures du matin et y arrive le lendemain à midi. Celle de Tournai part à 5 heures du matin en été et arrive le soir même, après s’être arrêtée à Halle, Enghien, Ath et Leuze. Elle revient à Bruxelles le lendemain soir.

  • 226 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 97-1 (...)
  • 227 Bordeaux, Archives municipales, GG 573 (paroisse Saint-Pierre) ; Marseille, Archives municipales, G (...)

214Durant la première moitié du siècle toutefois, les déplacements prennent beaucoup plus de temps et Fuchs a évalué à une trentaine de kilomètres la distance journalière moyenne que peut franchir une troupe circulant en carrioles chargées de bagages, décors et costumes226. Un exemple vient pourtant contredire ce calcul : Simon Moylin se marie à Bordeaux le 18 mars 1727 et, le 21, il est à Marseille, parrain au baptême d’un fils de Gabriel-Gaspard Malter227. Le voyage a donc pris trois jours pour parcourir plus de 600 kilomètres…

215Signalons encore un document intéressant et jamais exploité, qui nous renseigne sur le chargement des voitures conduisant Barthélemy Hus-Desforges, sa femme et ses quatre enfants, de Lyon à Auch, « avec deux chaises roulantes, dans l’intervalle de quatorze jours ». Le contrat est passé à Lyon le 29 mars 1760 :

Déclare led. sr Desforges que les équipages qu’il fera mettre sur lesd. deux chaises consistent en six males ou coffres et deux paniers, et qu’il se fournira, et à sa famille, le logement et la nourriture pendant la route et à ses frais.

  • 228 Auch, Archives départementales, 3 E 2285, p. 159-161 (notaire Davet). A. Branet, « M. d’Etigny et l (...)

216Les deux voituriers s’engagent à « charger les males et équipages dud. sr Desforges derrière lesd. chaises, de manière qu’elles ne puissent être (ni les effets qui y seront dedans), gâtés et endommagés, et que tout arrive à bon port et sans perte, ni autres accidens »228.

217De nombreux exemples nous renseignent également sur les déplacements individuels des comédiens français engagés à Bruxelles. Si le directeur du Théâtre de la Monnaie consent à payer le voyage, la garde-robe d’acteur est souvent à charge du comédien lui-même.

  • 229 Adélaïde Pion de Lille, née à Paris vers 1750, avait épousé à Cadix François-Marie Joubin de Calmon (...)

218Mme Calmont229, actrice de Marseille, écrit le 8 novembre 1773 au directeur Ignace Vitzthumb, à propos de son contrat d’engagement :

  • 230 AEB, Manuscrits divers 3848.

Je suis jeune, j’aime mon Etat, et mon seul desir est de travailler, et me faire connoitre dans une des meilleures troupes du spectacle français. Voyla une raison assez forte pour me faire prefferer Bruxelle à toutte autre ville. Ainsy Monsieur, sans autre préambule, voicy mes propositions ; je tiendray l’Emplois des reines en chef et sans aucun partage, ainsy que les meres nobles, je jouëray quelques premiers rôles fort dans le Tragique. Je me fourniray d’habits pour mes Emplois, excepté ceux que le magazin est dans l’usage de fournir ; je me rendray aux répétitions, Répertoires et assemblées aux heures indiquées, à peine de payer l’amende imposée. Je me tiendray prête aux pieces fixée sur le repertoire qui me sera delivrée par la personne préposée à cet effet. Je suivray la Troupe en tout ou en partie, par tout où il plaira à Mrs les Entrepreneurs la conduire ou faire conduire. (Voicy mes pretentions) Je desire de tout mon cœur qu’elles puissent vous convenir. Je demande un Engagement de trois ans et les appointemens que gagnent les 1ers rôles. Je seray voituré avec mon mary par voiture royalle, ainsy que mes Equipages, de Marseille à Bruxelle et de même dans tous les voyages que fera la troupe ; je demande le Logement à l’hôtel de la Comédie, si mes Camarades y sont logés. Quant à l’engagement de trois ans, nous ne le ratifirons qu’aprês mes débuts si touttefois nous nous convenons230.

219Mme Calmont sera effectivement engagée pour la saison 1774-1775 à 6 000 livres d’appointements annuels.

Le transport des décors

220Quant aux décors, il nous semble intéressant de relater un échange de correspondance au sujet du transport des décors indispensables à la représentation des pièces italiennes que l’Arlequin Bigottini propose aux directeurs Vitzthumb et Compain.

  • 231 C. Goldoni, Memorie, Venise, Zanetti, 1936, t. I, ch. XLV.
  • 232 « Haar Exercitien bestaan in alle soorten van Comedien, als ook Opera, Vliegwerken, Afdaalingen, me (...)
  • 233 AVB, registre 441 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame du Finistère). Le 28 février 1756, Bigottini (...)

221Francesco Bigottini est né à Rome et, selon Goldoni, il commence sa carrière vers 1741 à Rimini231. Treize ans plus tard, il sillonne déjà les Pays-Bas ; la troupe italienne qu’il dirige joue à Rotterdam du 10 au 31 août : « Ses exercices consistent en toutes sortes de comédies, ainsi que des opéras, des machineries, des descentes, avec métamorphoses et jolis feux d’artifices italiens. » La série de représentations débute par une pièce intitulée Flaminio et Arlequin232. En 1756, Bigottini est de passage à Bruxelles puis, le 26 avril 1757, il débute à la Comédie-Italienne de Paris, mais il en est renvoyé moins d’un an après233.

222Les directeurs de Bruxelles lui écrivent le 7 juillet 1773 pour lui proposer de venir remonter quelques-unes de ses pièces au Théâtre de la Monnaie, « car nous désirons remettre les Italiens sur le Théatre dont le Gouvernement a bien voulu nous confier la Direction ».

223Bigottini se trouve depuis deux ans à Cadix, d’où il répond le 16 août :

  • 234 AEB, Manuscrits divers 3846.

Je vous dirai que depuis plusieurs années je me suis fait une espece de magazin pour donner la facilitée aux directeurs de donner mes piecces à machines tout de suitte, autrement il faudroit toujours attandre qu’il soyent prettes. Enssi j’ai presque toutes mes decorations et machines par [pour] mes piecces, enssi je vous fournirai donc tout ce que j’ai, decorations machines cordes poulies feraille et toutes le diabeleries ensemble, enssi vous ne me fournirez que le bois. Vous avez sans doute un macheniste que de concert avec moi les choses seront bien tôt sur piés. Par les piecces etudiée du Theatre Italien vous scavez bien qu’il ne faut point des machines ni depence enssi nous pouvons le mettre du matin au soir. Si vous croiez que cela puisse vous faire vos interets mes appointemens sont de 5 000 livres de France. Je ne vous parle [pas] des apointemens que j’ai ici car il sont de huit milles et une representation, mais en France sont etés toujours de cinq. Si cela vous convient je vous prie de me faire reponce à letre vüe ou l’engagement, je vous envoyerai le mien. […] Si nous pouvons conclure ensemble je ferai partir tous mes affaire par Ostande et il seront à Bruselles avant mon arrivée. Je me flate que S.A.R. ne sera point faché de me revoir car c’est lui qui m’as mis à la Comedie françoise dans le temps que Mr Dentaire [D’Hannetaire] etoit directeur, mais dans ce temp-là, je n’avois pas des piecces à machines qui sont des piecces ecrites aussi, qui ont fait toujours plaisir et beaucoup d’argents234.

224Le 7 septembre, les directeurs écrivent encore :

  • 235 AEB, Manuscrits divers 3846.

Nous vous prions, Monsieur, de prendre tellement vos mesures pour votre départ que vous soÿez ici à l’ouverture de notre Spectacle qui est le lundy de Paques en vous servant toute fois des voitures publiques ordinaires. Vous serez fort bien d’envoÿer par mer quelque tems avant votre départ votre Bagage et vos effets à Ostende en les adressant purement et simplement à M. Raffin Receveur principal à Ostende que nous en préviendrons en tems, et nous nous chargerons nous memes du soin de les faire arriver d’Ostende ici235.

  • 236 AEB, Manuscrits divers 3977. 27 pieds et demi du roi font environ 9 mètres.

225Le 10 décembre 1773, Bigottini écrit de Cadix pour demander les mesures de la première coulisse du Théâtre de Bruxelles car, en arrivant à Bordeaux, il devra faire faire « une decoration qui serve de coup de theatre dans la Naissance d’Arlequin, que Mrs les ationaires de Cadix l’ayant trouvé trop belle ve[u]lent la garder malgré mes convantions ». Deux semaines plus tard, les directeurs répondent que « la hauteur de notre Premiere Coulisse est de 27 pieds et demi de Roi »236.

226Une dernière lettre de Bigottini datée de Cadix, le 17 février 1774, notifie aux directeurs :

  • 237 AEB, Manuscrits divers 3977.

J’ai enbarqué tous mes effets theatrales sur un Vaisseau nommée La Glaneuse monté par le Capitaine Jouan Godec qui fait route par Ostende [...]. Le dit equipage consiste en deux grandes caisses deux malles et une petite caisette et deux etrengles de fer. Voici l’adresse qui ly a [sur] c[h]acuns des dittes malles ou caisses :
Decorations de Theatre appartenant à Mr Bigottini Comedien de S.A.R. à Bruxelles.
Mon depart est fixée à Lundy sans fautte 21 du courant de Madrid. Je vous ecrirai aussi bien que de Baurdeaux tout de suitte que je serai arrivé
237.

  • 238 AEB, Conseil privé autrichien 1054.

227L’Arlequin arrive à Bruxelles pour commencer la saison 1774-1775 avec 5 000 livres d’appointements annuels. Son contrat stipule qu’il devra « prêter toutes ses machines et décorations », conformément aux négociations qui ont eu lieu précédemment238.

  • 239 AEB, Manuscrits divers 3847.

228Voilà le voyage effectué par un comédien pour répondre à un nouvel engagement : une distance de 2 500 km parcourue par terre tandis que des malles voyagent par mer vers Ostende. L’itinéraire de Bigottini passe par Madrid, Bayonne, Bordeaux et Paris. Arrivé à Paris le mercredi 13 avril 1774, il ne trouve aucune place disponible dans la diligence de vendredi pour Bruxelles et doit retarder son voyage de deux jours. Il arrivera finalement à Bruxelles le mardi 19. Quant aux malles, elles arrivent à Ostende dans les premiers jours d’avril et le receveur Raffin les charge sur une péniche qui quitte Ostende le 12 avril. Elles arrivent à Bruxelles le dimanche 17 et le voyage en péniche aura coûté 40 florins 8 sols239.

  • 240 Félix-Bouvier, Une danseuse de l’Opéra : la Bigottini, Paris, Charavay, 1909, p. 7 ; Toulouse, Arch (...)
  • 241 Paris, Archives nationales, Minutier central, MC/ET/LXII/638.

229Signalons encore, au sujet de ce comédien, qu’il entre en 1777 au Théâtre-Italien, dont il est congédié en 1780. Il est le père de la célèbre danseuse Émilie Bigottini : elle naît à Toulouse le 16 avril 1784, du « peintre François-Antoine Bigottini de Lavaletteline » et de Dominique Lacoste240. Le fait qu’il se qualifie de peintre n’a rien d’extraordinaire puisque, durant sa carrière, il a exercé à parts égales les talents de comédien, de musicien, de machiniste et de décorateur. La particule qu’il ajoute à son patronyme laisserait supposer qu’il est originaire de la Valteline en Lombardie. Il semble à peu près sûr qu’une particule aura eu davantage de chance d’attirer sur ses talents de peintre l’attention de la haute société toulousaine. Il meurt à Paris le 3 juin 1786241.

Fig. 6. Mlle Bigottini, lithographie de Demanne, d’après Vigneron.

Fig. 6. Mlle Bigottini, lithographie de Demanne, d’après Vigneron.

Collection particulière.

230Quant à sa fille, elle entrera à l’Opéra de Paris à l’âge de dix-sept ans et, jusqu’à sa retraite en 1823, elle sera considérée par le public et la critique comme une référence du bon goût artistique.

La troupe du comédien Jassinte

  • 242 AVB, Fonds ancien 2770.

231Dans les archives anciennes de la Ville de Bruxelles, inventoriées par Charles Pergameni, nous avons retrouvé un registre du plus grand intérêt pour la connaissance des troupes itinérantes au xviiie siècle. Ce « journal de campagne » contient en effet de précieux renseignements sur le répertoire joué par ces troupes au début du siècle, ainsi que sur les prix des places et la fréquentation du public242.

  • 243 AVB, registre 478, 31 août 1733 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).
  • 244 AVB, registre 468, 17 octobre 1733 (baptêmes de la paroisse Saint-Nicolas).
  • 245 AVB, registre 165 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

232Comment un registre, tenu pendant neuf mois entre Orléans, Le Mans et Tours, a-t-il échoua-t-il à Bruxelles ? A-t-il été versé dans les Archives de la Ville au hasard d’une acquisition ou a-t-il été rapporté à Bruxelles par la troupe en question ? Le comédien Aubert, dont le nom figure sur le registre, joue en effet dans la troupe de Bruxelles durant la saison 1733-1734. Cette information nous est notamment fournie par son acte de mariage243 et par l’acte de baptême de sa fille Marie-Françoise244. François Aubert semble être un comédien suffisamment important pour qu’il ait pu détenir le fameux registre et le laisser à Bruxelles, peut-être à l’entrepreneur des spectacles du moment, Joseph Bruseau de La Roche, par ailleurs témoin de son mariage et qui meurt à Bruxelles le 17 juillet 1750245.

Le registre de la troupe

233Le registre est un volume in-4o de 20 cm de largeur sur 31 de hauteur, comportant deux feuillets non chiffrés, suivis de 109 feuillets numérotés et de 44 feuillets blancs. La reliure plein veau est munie de deux lanières de cuir brisées et elle porte l’inscription « année 1730 ». Le dos de la reliure comporte quatre nerfs.

234Pour tenter de mettre en situation les informations contenues dans le registre et la vie théâtrale des villes visitées par la troupe, nous avons entrepris des recherches systématiques aux archives municipales d’Orléans, du Mans et de Tours, ainsi qu’aux archives départementales du Loiret, du Maine et de Touraine. Nous n’y avons découvert que quelques rares documents épars, n’ayant d’ailleurs aucun lien direct avec la troupe qui fait l’objet de ce chapitre. Le registre découvert à Bruxelles n’en a donc que plus de valeur ; a contrario, il ne peut être remis dans le contexte théâtral propre aux trois villes évoquées.

235Les archives d’Orléans ayant été détruites en juin 1940, nous avons dû nous contenter de consulter l’inventaire sommaire établi en 1907 et n’y avons trouvé qu’un seul dossier comprenant trois affichettes annonçant des représentations entre 1784 et 1789. La consultation des registres paroissiaux pour l’année 1730 n’a pas donné de meilleur résultat.

  • 246 R. Deschamps La Rivière, « Le théâtre au Mans au xviiie siècle », Revue du Maine, 1900, t. XLVII et (...)

236Au Mans, quelques documents tirés des archives départementales ont fait l’objet d’une étude de Deschamps La Rivière246 en 1900. Ces documents, que nous avons consultés à notre tour, font état du passage de Jassinte en 1717 et de celui d’Aubert en 1742. Aucune troupe n’est signalée pour 1730.

  • 247 A. Vincent, « Notes sur le théâtre à Tours », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 189 (...)

237L’histoire du théâtre à Tours n’a suscité aucune étude à ce jour. Il est vrai que l’absence de tout document rend la tâche impossible. Une courte notice parue en 1896247 signale deux actes notariés conclus entre comédiens en 1760 et 1774 : rien qui puisse étayer notre sujet.

  • 248 Tours, Archives municipales, registre de la paroisse Saint-Venant.

238En revanche, les registres paroissiaux ont révélé la composition de deux troupes passées par Tours en 1726 et 1734 : la première est celle du célèbre François Moylin dit Francisque, composée notamment de son frère Guillaume et de l’épouse de ce dernier, Jeanne Gaillardet. Le danseur Jean-Baptiste Malter, marié à Catherine Labbé, fait baptiser leur fille Jeanne-Élisabeth à Saint-Venant le 13 décembre 1726. Huit comédiens apposent leur signature au bas de l’acte : le père de l’enfant, Francisque, Guillaume Moylin, Jeanne Gaillardet, Louis Tourteville, Drouin, Desessarts et Rosidor248.

  • 249 Il s’est adjoint le nom de sa mère pour se distinguer de son frère aîné François.
  • 250 Tours, Archives municipales, registre de la paroisse Saint-Venant.

239En 1734, c’est la troupe des frères Hus qui s’arrête à Tours : le 31 août, Barthélemy Hus-Desforges249 fait baptiser sa fille Marie-Anne-Josèphe. Les sept signataires sont tous comédiens : le parrain est Claude Richandeau, dit Ducormier, la marraine Marianne Richandeau, épouse Tourteville ; les autres témoins sont Pierre Dubruit de Charville, acteur et auteur de quelques petites comédies, Louis Tourteville, Barais et François Hus250. L’enfant décède à l’âge de dix mois et est inhumée à Tours le 4 juillet 1735, ce qui laisse supposer que les frères Hus sont restés à Tours pendant un an ou, plus vraisemblablement, qu’ils y ont reparu un an plus tard.

Composition de la troupe

240Revenons à la troupe dirigée par le comédien Antoine Jassinte (ou Jacinthe, mais il signe Jassinte) : elle se compose de MM. Aubert, Aubry, Bonnal, Champvallon, Charpentier, Chevrigny, de Lorme et Regnault, et de Mlles Bonnal, Charpentier, de Lorme et Jassinte.

  • 251 Bordeaux, Archives municipales, registres de la paroisse Saint-Pierre.
  • 252 Abbeville, Archives municpales, registres de la paroisse Saint-Georges.

241Antoine Jassinte est né vers 1683. Il épouse Catherine Chillon à Bordeaux le 14 janvier 1727251 et décède à Abbeville le 5 juillet 1744252.

  • 253 C. et F. Parfaict, Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la Foire, Paris, Briasson, 1 (...)

242C’est pendant la foire Saint-Laurent de 1714, nous disent les frères Parfaict, « que les Sieur & Dame de Saint Edme firent l’acquisition d’un nouvel Acteur, appellé Jacinte, qui avoit déjà couru la Province. Lorsque ces Entrepreneurs abandonnerent leur Jeu, Jacinte s’engagea avec Francisque, & ensuite chez Honoré : il joua quelque tems sous de Vienne, & de-là dans une Troupe de Province. Il a épousé la Demoiselle Renaud fille de l’Acteur de ce nom [...] ; elle avoit dansé dans les Ballets de l’Opera Comique, sous l’Entrepreneur Pontau. Morte depuis quelques années »253.

  • 254 Le Mans, Archives départementales B 1475.

243On rencontre ensuite Jassinte au Mans en décembre 1717, muni de la permission du gouverneur du Maine datée de Paris, le 21 juillet 1717. Le 25 décembre, le lieutenant général des polices de la ville du Mans, le conseiller de La Rivière, lui délivre l’autorisation de jouer dans cette ville pendant deux mois ; le spectacle commence le lendemain sur une scène installée sous les halles de la ville. Mais au cours de la seconde représentation, de graves incidents se produisent autour du théâtre254 :

Suplient humblement le sieur Jacinte et consorts et vous remontrent qu’en consequence de la permission a eux par vous accordée sur les conclusions de Mr le procureur du Roy par vostre ordonnance du 26 du present mois de decembre de representer en cette ville les Comedies françoises et Italiennes, ils ont pour cet effect fait dresser un Theatre sous les halles de cette ville n’ayant peu [pu] trouver aucuns Lieux commodes en cette ville, en sorte qu’ils auroient commencez à representer lesds Comedies lesdt Jour 26 du present mois de decembre et le Jour d’hyer 27 pendant leur representation quantitez de personnes de cette ville tant hommes que garçons s’assemblerent autour de leur Theatre qui est scitué au milieu desds halles, lesquels avec violence arracherent plusieurs carreaux dont ils ont emportez partie d’iceux, et quelques uns des supliant ayants voulus s’opposer à leurs violences, ils se misrent en devoir de les maltraitter, et mesme un d’eux recenti un coup de batton par le visage, pourquoy il est impossible au supliant de continuer leur representation tant par raport auxds violences que par raport à ce que plusieurs autres montant de tous costés sur lesds halles et autour dudt Theatre, les autres jettent des pierres qui tombent sur ledt Theatre, dans le parquet et en d’autres endroits, ensorte que ceux qui y sont en danger d’estre blessez, d’autres jettent des pierres sur le toit desds halles et rompent les hardoises, de sorte que tant les supliants que le public ont bien interests d’empescher la continuation de telles violences pourquoy ils ont recours à vostre authorité.

244Le 28 décembre, La Rivière prend des dispositions visant au bon déroulement des spectacles : tout perturbateur sera condamné à une amende de 50 livres.

  • 255 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 121.
  • 256 L. Vallas, op. cit., p. 159.

245On ignore si la troupe reste jusqu’au terme de sa permission. Jassinte est ensuite signalé à Bayonne en juillet 1719255. Il fait encore partie de la troupe de comédiens italiens établis à Lyon en 1722. Par négligence, ceux-ci provoquent l’incendie de la salle de spectacle le 8 juin de cette année. Cet épisode de la vie théâtrale lyonnaise est relaté dans le journal manuscrit de Léonard Michon que cite Vallas256 :

Sur les trois heures du matin, la salle de l’Opéra au Gouvernement fut entièrement brûlée par le feu qui y prit après la représentation de la Comédie donnée par les Comédiens Italiens étrangers qui laissèrent du feu par mégarde dans quelques loges ou coulisses, et par la faute du concierge du Gouvernement de n’avoir pas fait la revue comme cela doit se faire dans la dite salle après la représentation. L’incendie fut prompt et violent, et cependant il n’y eut que la salle de spectacle qui fut consumée et quelques maisons voisines un peu endommagées. Voilà la quatrième fois depuis qu’il y a des spectacles à Lyon que les salles ont été détruites par des accidents imprévus : deux fois brûlées et deux fois éboulées.

  • 257 Lyon, Archives municipales, registre 415 (baptêmes de la paroisse Sainte-Croix).

246Toujours à Lyon, Antoine Jassinte est parrain d’une fille du maître à danser Jean-François Malter, née le 24 avril 1722257.

247On ne sait ce qu’il advient du comédien durant les années qui suivent. En avril 1730, la petite troupe qu’il dirige s’installe à Orléans pour deux mois. Le régisseur Drouville, qui tient les comptes au jour le jour, note que les dépenses d’établissement de la troupe se montent à 1 598 livres 19 sols, une somme assez importante pour un investissement dont on ignore encore la rentabilité.

248Outre le noyau formé de Jassinte et Aubert, la troupe rassemble des comédiens provenant d’autres troupes : Champvallon, Regnault et sa femme viennent de Dijon, Chevrigny et sa femme de Lille. Le régisseur rembourse aux comédiens les frais de carrosse et le « port des hardes ». Il rembourse également les frais de costumes, dont un « habit à la Romaine » acquis par Chevrigny, paie un acompte de 65 livres pour les « décorations » et débourse 25 livres pour la « musique et pieces italiennes ».

249La troupe s’est constituée en société d’actionnaires, chaque comédien ayant une demi-part à une part complète. Les recettes, une fois les frais déduits, sont réparties régulièrement entre les actionnaires, au prorata des parts.

  • 258 G. Lhotte, Le Théâtre à Lille avant la Révolution, Lille, L. Danel, 1881, p. 42.
  • 259 Genève, Archives de l’État, Registre du Conseil 229.
  • 260 AVB, registre 478, 31 août 1733 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).
  • 261 R. Lebègue, « La moralité des comédiens de Nantes au xviiie siècle », Bulletin de la Société des hi (...)
  • 262 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 6.

250Lyonnais d’origine, François Aubert a été créancier de l’Opéra de Lyon en 1716 et encore en 1718. En 1723, il fait partie de la troupe de Lille et joue notamment dans la tragédie Ajax de Mennesson258. En 1730, il loue la salle de spectacle de Genève pour un écu par mois259. Le 31 août 1733, il épouse à Bruxelles une juive hollandaise nouvellement convertie à la religion catholique260. Le couple est à Nantes en 1739261, au Mans en 1742 et à Angoulême en 1748262.

  • 263 H. Lyonnet, op. cit., t. I, p. 310.
  • 264 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 35 ; Dijon, Bibliothèque municipale, Ms 74 (...)

251Nicolas Champvallon (il signe Champvalon) est fils des comédiens Jean de Lhoste dit Champvallon et Judith Chabot de Larinville. Il débute à la Comédie-Française le 13 mai 1718 et n’est reçu sociétaire qu’en 1722. Il ne donne probablement pas entière satisfaction dans son jeu, car on exige de lui un nouveau début, fixé au 16 avril 1722. Il est congédié ou décide de se retirer le 2 juin et parcourt vraisemblablement la province263. Il est signalé à Grenoble en juillet et en octobre 1733, ainsi qu’à Dijon en 1745 où, le 4 avril, M. et Mme Champvallon représentent L’Oracle, comédie de Poullain de Saint-Foix, et des danses264.

  • 265 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, op. cit., t. II, p. 304.

252Quant à Jacques Regnault (il signe tantôt Renaud, tantôt Regnault), il est probablement l’un des frères « voltigeurs » et danseurs de corde qui exercent leur art à la Foire Saint-Germain de 1702265.

La saison théâtrale 1730-1731

  • 266 Dans un théâtre à l’italienne, ce terme désigne la scène. Par extension, il désignera ensuite le bâ (...)
  • 267 Espace situé à l’avant du parterre, sur lequel on installe trois ou quatre rangées de bancs.
  • 268 Gradins disposés dans le fond de la salle, face au « théâtre ».
  • 269 Partie de la salle située devant la scène, souvent en terre battue, où le public se tient debout.

253Le 29 avril 1730, la troupe formée par Jassinte débute ses représentations à Orléans par Iphigénie de Racine et le Mariage forcé de Molière. Par voie d’affiches placardées à travers la ville, les comédiens ont annoncé leur arrivée et les pièces qu’ils vont jouer. Le premier soir attire la foule : 185 spectateurs se pressent à l’entrée de la salle. 57 personnes paient une livre et demie pour être installées sur le « théâtre »266 ; 50 personnes paient une livre pour être au parquet267 ; une seule achète un billet à 15 sols pour l’amphithéâtre268 et 77 personnes paient 12 sols pour le parterre269. La recette du jour s’élève à 186 livres 3 sols. À titre indicatif, le salaire annuel moyen d’un comédien ordinaire se situe aux alentours de 2 à 3 000 livres.

254La monnaie de l’époque se compte de la manière suivante : la livre de France (ou livre tournois) est divisée en 20 sols (ou sous), divisés chacun en 12 deniers. La combinaison entre division vigésimale et duodécimale, apparue en Europe dès le ixe siècle, a perduré en Grande-Bretagne jusqu’en 1971.

255Voici quel est le prix des places pratiqué dans les trois villes parcourues par la troupe de Jassinte :

−  à Orléans :

Théâtre

1-10-00 (1 livre 1/2)

Parquet

1-00-00 (1 livre)

Amphithéâtre

0-15-00 (15 sols)

Parterre

0-12-00 (12 sols)

−  au Mans :

Théâtre

1-04-00 (1 livre 4 sols)

Parterre

0-12-00 (12 sols)

−  à Tours :

Théâtre

1-16-00 (1 livre 16 sols)

Parterre

0-12-00 (12 sols)

256De la recette brute, le régisseur doit déduire une série de frais fixes quotidiens, comme les chandelles et le suif, les moucheurs de chandelles, les affiches et les afficheurs, le portier, les archers et gardes, les musiciens (dont on ignore le nombre), les acteurs à pension et le caissier. Ces divers postes représentent une moyenne de 40 livres par représentation.

257L’entreprise s’avère-t-elle rentable ? À Orléans, la troupe essuie un déficit de près de 800 livres : en 22 représentations, elle a perçu 1 938 livres et en a dépensé 2 734. Le nombre de spectateurs a été de 1 829, soit une moyenne de 83 spectateurs par représentation. Cette faible moyenne, et le peu de recettes qui l’accompagnent, a probablement décidé la troupe à choisir une autre destination. Les pièces les plus fréquentées ont été Timon le misanthrope de Delisle de La Drevetière (205 spectateurs), Iphigénie de Racine et Le Mariage forcé de Molière (185 spectateurs), Les Ménechmes de Regnard (118 spectateurs) et Le Grondeur de Brueys et Palaprat et Les Vendanges de Suresnes de Dancourt (116 spectateurs).

258Les Manceaux paraissent apprécier davantage le répertoire proposé par les comédiens : du 29 juillet au 3 décembre 1730, ils donnent 63 représentations qui drainent 7 502 spectateurs, soit une moyenne de 119 par représentation. Celles-ci rapportent au total 8 329 livres, contre une dépense de 4 525 livres, soit un bénéfice de 3 804 livres. Les pièces les plus fréquentées sont Le Cid de Corneille et L’Esprit de contradiction de Dufresny (307 spectateurs), Médée de Corneille et Les Vacances de Dancourt (270 spectateurs), Le Bourgeois gentilhomme de Molière (243 spectateurs), Le Tartuffe de Molière et L’Épreuve réciproque de Legrand (238 spectateurs), Le Festin de Pierre de Molière et La Marmotte (229 spectateurs), Les Trois Cousines de Dancourt (212 spectateurs), Iphigénie de Racine et Le Port de mer de Boindin et La Motte (211 spectateurs), Polyeucte de Corneille et Le Français à Londres de Boissy (210 spectateurs), Athalie de Racine et Colin Maillard de Dancourt (204 spectateurs).

259Tours semble avoir déçu la troupe, car elle n’y séjourne que du 12 décembre 1730 au 28 janvier 1731 et n’y donne que 22 représentations, comme à Orléans. 1 541 personnes ont assisté aux spectacles, soit une moyenne de 70 par représentation. La recette globale s’élève à 1 777 livres, contre une dépense de 1 409 livres, soit un maigre bénéfice de 368 livres. Les pièces qui ont eu le plus de succès sont Hérode et Marianne de Voltaire et Le Port de mer de Boindin et La Motte (132 spectateurs), Timon le misanthrope de Delisle de La Drevetière (132 spectateurs), Iphigénie de Racine et Le Charivari de Dancourt (108 spectateurs).

Le répertoire

260En neuf mois, la troupe aura donné 107 représentations auxquelles auront assisté 10 872 spectateurs. Elle possède un répertoire de 67 pièces, dont 18 tragédies et 49 comédies. La plupart des pièces datent d’avant 1700 mais sept pièces sont plus récentes et datent d’après 1720. La plus neuve est Les Philosophes amoureux de Destouches, dont la première représentation est donnée à la Comédie-Française le 26 novembre 1729.

261Parmi ce répertoire, quatre comédies sont représentées six fois, cinq le sont cinq fois, onze connaissent quatre représentations. Quarante-sept pièces n’ont qu’une à trois représentations. Sur 107 représentations, seize seulement ne comportent qu’une pièce au programme, toutes les autres en comptent deux.

262Voilà donc les conditions de travail d’une troupe itinérante et ses espérances financières, voilà quel est son répertoire. On imagine aisément la mémoire que nécessite l’apprentissage et l’entretien d’une soixantaine de pièces, tous genres confondus, allant de Racine à Destouches en passant par Corneille, Molière, Dancourt et Regnard. À raison de deux pièces, donc de deux rôles au moins par soirée, un comédien du xviiie siècle dispose de beaucoup moins de temps de répétition et de travail pour parfaire son jeu qu’un acteur d’aujourd’hui.

263On mesure dès lors le fossé qui sépare les grands acteurs de renom, tels les Lekain et les Talma, de la multitude de comédiens confrontés chaque soir aux trous de mémoire, aux lazzis du public, à la distraction du souffleur, aux aléas des décors branlants et des machineries défectueuses. Si ce n’est ni pour la gloire ni pour l’argent, quelles sont les raisons qui poussent ces hommes et ces femmes à faire carrière avec autant d’acharnement dans une profession aussi mal considérée, n’est-ce l’« illusion comique » ?

Privilèges, octrois et autorisations accordés aux troupes

  • 270 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle, op. cit., p. 113 et ss.

264On a longtemps cru que les directeurs de troupes ambulantes bénéficiaient d’un privilège octroyé par le roi de France, par l’intermédiaire d’un gouverneur de province. Fuchs a démontré que cette pratique ne concernait pleinement que l’opéra – c’est-à-dire les troupes qui inscrivaient à leur répertoire des pièces chantées – et qu’elle était apparue tardivement pour la comédie et la tragédie. Et encore le terme même prête-t-il à confusion, désignant tantôt un privilège royal, tantôt un privilège provincial, tantôt une autorisation municipale270.

Le privilège royal de l’Opéra

  • 271 J.-B. Durey de Noinville, op. cit., t. I, p. 77-81.

265Le principe du privilège remonte à 1669, lorsque Louis XIV accorde à Pierre Perrin ses lettres patentes. Celles-ci concernent l’établissement d’académies d’opéra « à Paris, & dans les autres Villes du Royaume, comme il se pratique en Italie, en Angleterre & en Allemagne ». Les lettres patentes défendent en outre à quiconque d’autre « de faire chanter de pareils Opera, ou Représentations en Musique & en vers François dans tout l’étendue de notre Royaume, pendant douze années, sans le consentement & permission [du détenteur] »271.

266Dès lors, un chef de troupe désireux de représenter des pièces chantées et mises en musique est tenu de solliciter une dérogation à ce privilège, qui ne sera octroyée par l’autorité qu’avec l’accord du directeur de l’Opéra. Si le demandeur s’est placé sous la protection d’un gouverneur de province, d’un intendant ou d’un gentilhomme de la cour, le souverain acceptera d’autant plus aisément de signer la dérogation.

  • 272 L. Vallas, op. cit., p. 15-16.

267Le premier directeur de province qui ait sollicité et obtenu la transmission du privilège est un certain Pierre Gautier, originaire de La Ciotat, fondateur de l’Opéra de Marseille en 1685. À la mort de Lully (1687), détenteur du privilège après Perrin, Jean-Pierre Leguay obtient une dérogation analogue pour l’Opéra de Lyon. Les héritiers de Lully lui accordent le droit d’établir une Académie de musique dans cette ville, afin d’y représenter non seulement des œuvres du maître, mais aussi d’autres opéras, « tant en vers français qu’en langues étrangères ». La permission est accordée pour trois années, contre le paiement de 2 000 livres par an272.

268À Bordeaux, un nommé Létourneau se propose de donner des représentations d’opéra. Sa requête est examinée par les Jurats le 26 novembre 1705 :

  • 273 Bordeaux, Archives municipales BB 89 ; A. Detcheverry, Histoire des Théâtres de Bordeaux, Bordeaux, (...)

S’est presanté sr Honoré Letourneau musicien lequel a dit que depuis certain temps l’opera ayant cessé d’estre represanté dans la presante Ville, desirant le remetre sur pied, il en auroit obtenue permission de sr Pierre Guyenet con[sei]ller du roy proprietaire en partie du privilege de l’opera273.

  • 274 Marseille, Archives municipales FF 307.

269À Marseille encore, Jean Laffont, « bourgeois et marchand de Bourdeaux », a obtenu au nom de Bertrand Montel, bourgeois de Toulouse, le privilège de représenter l’opéra. C’est Jean-Nicolas de Francine, directeur de l’Académie royale de musique de Paris, qui le lui a accordé le 25 septembre 1723. Afin que ce privilège prenne ses effets, Laffont introduit une requête le 29 août 1725, qu’il réitère le 20 novembre de la même année, en joignant chaque fois la copie du privilège274.

270Peu à peu, on voit se multiplier la concession du privilège royal aux troupes désireuses de représenter l’opéra dans les villes de province. Bientôt, le terme dérive et tend à désigner toute autorisation accordée par une quelconque autorité, que ce soit le Roi, le gouverneur de province, le magistrat municipal ou le propriétaire de la salle de spectacle.

L’octroi dans les Pays-Bas

  • 275 AEB, Chambre des Comptes 460. Le texte complet de l’octroi est reproduit par F. Faber, op. cit., t. (...)

271À Bruxelles, le privilège prendra la forme d’un octroi délivré par le souverain ou par son gouverneur. Après cinq années de locations hasardeuses et d’exploitation coûteuse, Gio Paolo Bombarda, fondateur du Théâtre de la Monnaie en 1700, obtient de Philippe V d’Espagne un octroi exclusif l’autorisant à « faire representer les operas, commedies, donner bals et autres spectacles publicqs, pour le terme de trente ans ». Délivré le 20 janvier 1705, cet octroi interdit à toute autre personne de donner quelque spectacle que ce soit sans le consentement de Bombarda. Il pourra cependant « surroger une ou plusieurs personnes à sa place » et sera tenu de payer au receveur général des domaines et finances une taxe annuelle de dix livres275.

  • 276 AEB, Conseil royal de Philippe V 483 (3 avril 1705 et 18 mars 1706) ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. (...)
  • 277 AEB, Conseil d’État 2032 ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 11. Notariat général de Brabant 1619 (nota (...)

272Moins de trois mois plus tard, la troupe de Jean Barrier, dit Fonpré, obtient du gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière l’autorisation de donner des représentations au Théâtre de la Monnaie et « dans toutes les villes du Pays de l’obéissance du Roy ». L’autorisation est renouvelée l’année suivante276. Mais après la victoire des troupes alliées à Ramillies, le duc de Marlborough délivre la permission d’exploiter le Théâtre délaissé par Bombarda à Joseph de Pestel, pour une durée de six ans à dater du 3 juillet 1706. Quelques jours plus tard, le nouvel entrepreneur du Grand Théâtre s’installe dans une maison de la rue d’Arenberg, avec sa compagne la comédienne Jeanne-Angélique de Châteaulion277.

  • 278 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 19-21.
  • 279 AEB, Conseil privé autrichien 1052B ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 28-29.

273Pareilles autorisations entérinent généralement les accords passés entre le propriétaire du Théâtre, détenteur de l’octroi exclusif, et le locataire ou entrepreneur. Il faudra attendre la mort de Bombarda, les tractations de ses héritiers et le rachat du bâtiment par le banquier bruxellois Jean-Baptiste Meeus en 1718 pour qu’un nouvel octroi soit délivré par le roi Charles VI en 1725278. Le 11 décembre 1739, l’archiduchesse Marie-Élisabeth accorde un octroi particulier à Pierre-Jacques Ribou de Ricard, lui imposant notamment de soumettre à l’agrément du gouverneur de la ville de Bruxelles « les sujets qu’il se propose d’avoir pour ladite comedie ». S’il venait à jouer dans d’autres villes des Pays-Bas autrichiens, il devrait préalablement en obtenir l’autorisation auprès du magistrat de chaque ville279.

  • 280 AEB, Conseil privé autrichien 1052B ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 42-45.

274D’autres octrois sont délivrés par la suite aux entrepreneurs successifs : ainsi, le 21 juin 1749, il est accordé au duc d’Arenberg, au duc d’Ursel et au marquis de Deynze, pour « tenir la redoutte, faire representer les operas, comedies, et donner des bals », avec interdiction à toute autre personne de donner des représentations sans en avoir auparavant obtenu l’autorisation des bénéficiaires de l’octroi. Le 24 octobre 1757, un même octroi est accordé aux sieurs D’Hannetaire et Gourville. Une clause précise que les sujets qui composent la troupe « seront traitables pardevant le Grand Marechalat de la cour pour toutes les difficultés et causes contentieuses qui se présenteront ». Ainsi, le comédien échappe dorénavant à la juridiction civile et se trouve placé sous celle de la cour. Les octrois accordés le 20 août 1759 à Gourville et le 30 novembre 1761 à Guillaume Charliers comportent des clauses identiques280.

Les baux locatifs

275Bombarda et Meeus exploitent quelque temps eux-mêmes le Théâtre, mais d’ordinaire, ils préfèrent en confier la gestion à un entrepreneur, pour une durée variant de trois mois à un an. Dans la plupart des cas, les baux sont conclus pour trois ans, mais les directeurs, victimes de déboires financiers, renoncent souvent au bail avant son terme. Ainsi le 2 octobre 1721, Louise Dimanche signe un bail d’un an avec Meeus, commençant au jour de la première représentation et au plus tard le 4 novembre. Le loyer est fixé à quatre pistoles par représentation.

  • 281 AEB, Notariat général de Brabant 1 (notaire Adan).

276La locataire du Théâtre de la Monnaie pourra y donner « des operas, et Comedie, tant francoises qu’italiennes » au moins trois jours par semaine et elle disposera du magasin de décors et de costumes. À charge pour elle de remplacer et de réparer ce qu’elle aurait détérioré. Le propriétaire se réserve une loge à laquelle sa famille et ses amis accèdent librement, le bénéfice des bals qu’il organise pendant l’année ainsi que la gestion de la « bouticq des eaux et liqueurs »281.

  • 282 Fontaine-l’Évêque, Archives communales, registre 26.
  • 283 Voir à son sujet la notice que lui consacre Maurice Barthélemy, « Aperçus et réflexions sur l’œuvre (...)

277Mais la cour n’apprécie pas le programme que propose Mlle Dimanche et, sur son instance, la directrice met fin à son contrat et cède la main au compositeur Thomas-Louis Bourgeois, maître de musique du duc de Bourbon. Un nouveau bail est signé le 22 octobre 1721 entre Meeus et Bourgeois, pour un terme de six mois cette fois, à dater du 4 novembre. Né à Fontaine-l’Évêque le 24 octobre 1676282, Bourgeois a été haute-contre à l’Opéra de Paris où il a fait représenter son opéra Les Amours déguisés le 22 août 1713283. À Bruxelles, il donnera Roland, opéra de Lully, le 19 novembre, et Callirhoé, opéra de Destouches, le 4 décembre. Il meurt à Paris en janvier 1750.

  • 284 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 234-235. Faber indique laconiquement comme source : « Archives de l’É (...)

278On ignore qui occupe le Grand Théâtre en 1723 mais on apprend, par une requête que formule en 1725 Marianne Dujardin, « qu’en l’an 1724 la remontrante donnoit l’Opera en ceste ville de Bruxelles »284. Bien que les archives notariales ne contiennent aucun bail locatif pour le Théâtre de la Monnaie durant cette période, on peut supposer que Mlle Dujardin passe plusieurs saisons à Bruxelles, de manière intermittente ou continue. Elle interprète en effet le rôle d’Hermilis dans le Pirithoüs de Mouret et La Serre, représenté plusieurs fois en 1725 et 1726.

  • 285 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473.
  • 286 AEB, Conseil privé autrichien 1052A.

279Le 18 avril 1726, la même demoiselle Dujardin signe avec Meeus un bail de location prenant cours le jour même pour se terminer un an plus tard. Le propriétaire porte le loyer à 750 pistoles, payables en dix mensualités à partir du mois de juin. Afin de se prémunir contre tout retard de paiement, Meeus prélèvera le produit des « tables de jeu de l’opera et du bal », à concurrence des mensualités dues285. Notons au passage que les jeux de hasard – principalement le « pharaon » – connaîtront une telle extension par la suite, qu’ils constitueront rapidement une source de revenus appréciable pour les exploitants du Théâtre, jusqu’à leur réglementation en 1764286.

  • 287 AEB, Notariat général de Brabant 795 (notaire Verhulst).
  • 288 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.
  • 289 AEB, Notariat général de Brabant 796 (notaire Verhulst).

280Les trois saisons suivantes sont confiées à des entrepreneurs italiens, que la nouvelle gouvernante, l’archiduchesse Marie-Élisabeth, a fait venir de Prague : le 9 janvier 1727, Antonio Maria Peruzzi signe un bail d’un an prenant cours le lendemain de Pâques287. Criblé de dettes avant le terme échu, il cède la main à Joachim Landi. Ce dernier accepte de remplacer Peruzzi et, le 18 janvier 1728, il se fait délivrer un passeport pour se rendre à Milan, afin d’y réunir une nouvelle troupe288. Le 9 mars, son associé François-Xavier Corradini signe un bail d’un an en son nom289.

  • 290 L’unique exemplaire connu de ce livret bilingue est conservé à la Biblioteca braidense de Milan.
  • 291 F. Faber, op. cit., t. I, p. 107.
  • 292 AEB, Bibliothèque royale de Belgique, Conservatoires royaux de musique de Bruxelles et de Liège.

281La saison est des plus brillantes et s’ouvre le 27 avril 1727 avec l’Orlando furioso de Braccioli, suivi de plusieurs œuvres et, le 14 avril suivant, par une cantate héroïque donnée au palais d’Egmont par Gio Sebastiano Brillandi290. À la satisfaction de la cour, Landi renouvelle son bail le 8 avril 1729 pour une seconde année291. La plupart des œuvres données à Bruxelles durant cette « période italienne » ont été imprimées exprès : vingt-six livrets sont parvenus jusqu’à nous, conservés dans différents fonds d’archives et bibliothèques publiques292.

  • 293 AEB, Notariat général de Brabant 7453 (notaire Le Boucq) ; H. Lyonnet, op. cit., t. I, p. 636 ; AVB (...)

282À peine la saison 1729-1730 est-elle clôturée que le Grand Théâtre renoue avec les œuvres en français. Le 10 mars 1730, Meeus signe un nouveau bail avec Jean-Richard Le Roux, dit Durant, fils d’un graveur parisien, qui a joué quelque temps à la Comédie-Française. Durant remet à l’honneur le répertoire tragique français et dirige le Théâtre de la Monnaie pendant une saison. Le 25 mai 1730, il fait baptiser son fils Louis-Henri293.

  • 294 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 24-26.
  • 295 AEB, Manuscrits divers 1589 (lettre du 14 août 1731).

283Les déboires financiers du propriétaire incitent Durant à quitter Bruxelles à la fin de sa première saison et ce n’est que quelques mois plus tard qu’un nouveau locataire se présente : le 30 août 1731, Joseph Bruseau de La Roche, « marchand tapissier » originaire de Paris, signe un bail de trois ans à dater du 15 septembre, pour un loyer annuel de 4 000 florins294. Dans sa correspondance avec le prince d’Anhalt, le notaire bruxellois Paul Félix écrit : « un entrepreneur françois, homme de bon gout, est icy actuellement occupé à former une trouppe des plus habiles comédiens pour donner des spectacles à la Cour, qui seront des plus magnifiques »295.

  • 296 Arlequin Themistocle, parodie en un acte par les Sieurs Bruseau & Flahault. Representée pour la pre (...)
  • 297 AVB, registre 165 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

284Bruseau met à son programme des tragédies du grand répertoire, telles que les pièces de Racine Mithridate, Iphigénie, Andromaque et Phèdre, ou celles de Corneille Médée et Polyeucte. Mais son « bon goût » lui inspire également des œuvres satiriques et des pantalonnades qu’il compose lui-même et fait représenter à Bruxelles : Arlequin Thémistocle en 1729, Le Jugement comique ou la Revue des spectacles de Bruxelles en 1731 et Arlequin larron, prévôt et juge en 1744296. Bruseau exploite le Théâtre durant deux saisons ; il reste ensuite attaché, comme simple comédien, aux différentes troupes qui se succèdent et il meurt à Bruxelles le 17 juillet 1750297.

  • 298 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473. Claude Andry de Mézières, de Lannoy, de Bray et Marie-Mad (...)
  • 299 AEB, Notariat général de Brabant 1029 (notaire Boote). Acteur forain à Paris de 1715 à 1722, Franci (...)
  • 300 AEB, Notariat général de Brabant 3396 et 3397 (notaire Rasch). Entrepreneur à Amiens et à La Haye e (...)
  • 301 AEB, Notariat général de Brabant 3398 (notaire Rasch). Pierre-Antoine Gourgaud, dit Dugazon, était (...)
  • 302 P. Claeys, op. cit., p. 92.
  • 303 AEB, Notariat général de Brabant 3429 (notaire Toebent).
  • 304 AVB, registre 164 (décès de la paroisse Sainte-Gudule) ; AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.

285D’année en année, voire de six mois en six mois, le Grand Théâtre changera encore d’exploitant une dizaine de fois jusqu’en 1745. Claude Mézières et ses associés (avril 1733)298, l’arlequin François Moylin, dit Francisque (août 1733)299, Nicolas Huau (novembre 1734)300, le comédien Pierre-Antoine Gourgaud, dit Dugazon (juin 1736)301, Louis Desjardins, dit Beaupré (début 1738)302, puis François-Hyacinthe Ribon (juin 1738)303, qui est déjà venu à Mons en 1707 avec la troupe Desurlis et a exercé les fonctions de maître de danse à la cour de Lorraine. À sa mort, survenue à Bruxelles le 22 septembre 1741, sa veuve se rendra à Mannheim, munie d’un passeport délivré le 16 février suivant304.

  • 305 H. Liebrecht, op. cit., p. 169-170. Franc-maçon, comédien et chef de troupe, Joseph Uriot passa dou (...)
  • 306 Le 7 juin 1743, Charles Plante est parrain du futur acteur Charles-Jean Michu. AVB, registre 440 (b (...)
  • 307 AEB, Notariat général de Brabant 3434 (notaire Toebent).
  • 308 AVB, registre 145 (mariages de la paroisse Sainte-Gudule). Grimaldi avait fait partie de la Troupe (...)

286Un certain Uriot305 fait un bref passage au début de l’année 1743 puis, dès le mois de juin, le Théâtre est exploité par Charles Plante et Jeanne Belhomme306. Le 13 avril 1744, Jean-Baptiste Grimaldi, dit Nicolini, loue le Théâtre de la Monnaie « pour y representer et faire representer à sa volonté toutes sortes des spectacles permis et à permêtre par les Altesses Serenissimes à durer pendant l’été de cette présente année »307, mais on ignore si le bail prend ses effets. Pourtant il est encore à Bruxelles le 10 février 1745, où il épouse Madeleine Lizampifari (ou Lisapiferi), une comédienne d’origine italienne comme lui308.

  • 309 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473.

287Enfin, le 14 octobre 1745, Jean-Nicolas Servandoni, dit D’Hannetaire, prend possession du Grand Théâtre309, mais les événements politiques ne lui laisseront pas le temps de déployer son savoir-faire : les troupes du maréchal de Saxe entrent bientôt dans Bruxelles et la gestion du Théâtre passera aux mains de Charles-Simon Favart pour une durée de trois ans.

*

288Ainsi, en un quart de siècle, le Théâtre de la Monnaie aura changé presque vingt fois de mains : instabilité des troupes, inconstance des répertoires, précarité des finances des directeurs surtout, tous ces éléments confirment pour Bruxelles ce que Fuchs constate en France.

289De quelque privilège que soit muni le nouvel arrivant, de quelque renommée dont il soit précédé, le propriétaire du Théâtre de la Monnaie cherche avant tout à ne pas perdre d’argent, faute de pouvoir en gagner. Rédigés de façon de plus en plus contraignante, les baux prévoient des clauses et des astreintes que les locataires ne peuvent plus assumer, incertains qu’ils sont d’y trouver leur compte.

  • 310 AEB, Conseil privé autrichien 1052B, octroi du 24 octobre 1757 ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 43.

290Le système d’autorisations pratiqué dans nos régions est généralement plus souple qu’en France. Alors que Fuchs distingue le privilège royal, le privilège provincial et l’autorisation municipale, à Bruxelles, un système de délégation permet à un directeur de troupe de ne traiter qu’avec le propriétaire, généralement seul détenteur de l’octroi. À charge pour ce dernier d’engager les exploitants qui réuniront « les meilleurs sujets qu’il se pourra, pour rendre leur trouppe bonne et complette, tant en acteurs et actrices, qu’en musiciens, danseurs et danseuses ; lesquels sujets devront être gagés et mis à pension »310.

291Si l’octroi pris par décret royal ou gouvernemental organise le cadre politique auquel est tenu de se conformer le chef de troupe, c’est bien par bail entre le propriétaire et le locataire que se fixent les menus détails de l’intendance quotidienne : loyer, mode de paiement, collecte de la recette ; droits et privilèges du propriétaire, revenu des abonnements, des loges, des bals et des jeux ; fréquence des représentations ; inventaire du magasin de décors et costumes ; entretien du bâtiment et des accessoires.

  • 311 AEB, Greffes scabinaux 9473 et 2305 (actes 43 et 83).

292Le Théâtre de la Monnaie n’a connu que trois propriétaires au cours du xviiie siècle : le 5 novembre 1717, Jean-Baptiste Meeus rachète le bâtiment aux héritiers de Gio Paolo Bombarda et, le 10 août 1769, Guillaume Charliers entre en pleine propriété des biens qu’il a acquis en hypothèque, six ans auparavant, des trois filles Meeus, héritières de leur père311. Après la mort de Charliers en 1774, ses curateurs continueront à louer le Théâtre aux différents exploitants, jusqu’à son acquisition par la Ville et à la construction de la nouvelle salle de spectacle en 1819.

Scènes provisoires et théâtres portatifs

293Malgré la sédentarisation des troupes qui s’opère durant la seconde moitié du xviiie siècle et dont nous parlerons plus loin, la route continue d’attirer quelques directeurs ou anciens directeurs de Bruxelles. Ainsi D’Hannetaire, peu après son retour de Bordeaux, conclut-il un bail avec les filles Meeus, héritières du propriétaire du Grand Théâtre. Il en devient seul entrepreneur dès 1755 et a vraisemblablement obtenu également la direction des théâtres de Gand et d’Anvers, comme c’est souvent le cas.

  • 312 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1783 ; Anvers, Stadsarchief K 2115 (Kerken en Kloos (...)

294En novembre et décembre 1755, la troupe de Bruxelles joue donc à Gand, puis à Anvers dès le mois de janvier 1756, où elle donne 57 représentations qui rapporteront 1 017 florins 9 sols au titre de droit des pauvres. D’Hannetaire revient dans cette ville deux ans plus tard, pour six représentations312.

  • 313 AEB, Conseil privé autrichien 1052B. Voir le texte complet dans F. Faber, op. cit., t. IV, p. 44-45

295L’octroi accordé le 30 novembre 1761 à Guillaume Charliers et à ses associés, Gamond et Van Maldere, comporte d’ailleurs une clause autorisant l’entrepreneur à « faire transporter sa trouppe dans telles villes des Provinces des Païs Bas de la domination de l’Imperatrice qu’il jugera à propos, lorsqu’elle ne sera pas emploïée à Bruxelles, moiennant qu’il se concerte au prealable la-dessus avec les magistrats ou les officiers roiaux des villes respectives »313.

  • 314 AEB, Tribunaux auliques 2497 et Conseil privé autrichien 1052A ; J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p.  (...)

296Certains comédiens ne l’entendent cependant pas de cette oreille et refusent de suivre la troupe dans d’autres villes. Ainsi Louise-Noëlle Sauerwein, dite Beaupré en fait-elle les frais en 1763 : obligée, par son contrat d’engagement, de « suivre la Troupe en tout ou en partie partout où elle sera mandée », la figurante prétexte des « raisons legitimes » qui l’empêchent de quitter Bruxelles. N’étant plus payée depuis le mois d’octobre et s’étant vu refuser l’entrée du Théâtre, elle intente un procès au directeur le 17 novembre, procès qu’elle finira par gagner en mars 1764314.

Vitzthumb et sa troupe flamande

297Le musicien Ignace Vitzthumb a été, dès 1758, chef d’orchestre et administrateur d’une société bourgeoise dénommée « Compagnie de Saint-Charles ». C’est là qu’il a appris à diriger une troupe. Aussi souhaite-t-il, quelques années plus tard, former sa propre troupe afin de donner des opéras-comiques et des comédies dans diverses villes des Pays-Bas et de l’étranger. Réunissant plusieurs musiciens de la cour et des églises de Bruxelles, il passe un contrat d’association par-devant notaire en 1767 :

  • 315 AEB, Notariat général de Brabant 8425 (notaire De Jonge). Voir l’annexe VI.

Ce Jour d’huy le 10 de septembre 1767 Comparurent pardevant moy Daniel François De Jonge comme Notaire publié &a et en presence des temoins ci après nommés les Sieurs Ignace Vitzthum, Paul Mechtler, Jacques Le Comte, Mathieu Wirth tant pour lui que pour son fils Jean Baptiste et sa fille Caroline, Jacobus Josephus De Batty, B… J… Gehot, Jean Vander Eycken, Engelbert Van Eeckhout, Charles Jacques L’Artillion, Legere Potvin, Jean François Joseph Jadot et P… F… Bultos pour Alexandre Florentin et Pierre ses deux fils, les quels Comparans ont declarés comme ils declarent par cette qu’etant intentionés d’eriger une troupe pour un Opera Bouffon ou Commedie a representer dans les Villes, tant des Païs-bas que des Païs Etrangers, qu’à cette fin ils sont entrés en Compagnie en contractant entre eux une societé qui commence date de cette et ne finira qu’après le terme de Dix ans consecutifs, lequel terme ne Commencera que du Jour de l’ouverture Publique du spectacle de cette nouvelle troupe315.

  • 316 Alexandre-Florentin Bultos était né à Bruxelles (paroisse Saint-Nicolas) le 18 juin 1749 et y décéd (...)

298On reconnaîtra, parmi les membres de cette association, deux des fils de l’aubergiste et marchand de vin Pierre-François Bultos dont l’un, Alexandre-Florentin, deviendra comédien réputé et directeur du Théâtre de la Monnaie avec son frère Herman. Quant à Pierre-Joseph, il n’effectuera qu’un bref passage au Grand Théâtre, comme contrôleur316.

299Les associés nomment comme directeur Ignace Vitzthumb ; ils le chargent de distribuer les rôles, « tant au Théatre que dans l’orchestre », et de contracter des engagements dans tous les lieux « où il trouvera bon de representer ». Ils s’engagent également à constituer une caisse commune, tenue par le violoniste Paul Mechtler, dans laquelle ils verseront « tous les profits et les deniers qu’ils gaigneront par leurs Talents, même hors les spectacles, soit dans les Concerts publicqs ou particuliers ». Fonctionnant comme une réelle société coopérative, les participants partageront les pertes et profits au prorata de leur parts respectives.

  • 317 AEB, Conseil privé autrichien 1052A.
  • 318 AEB, Notariat général de Brabant 8427 (notaire De Jonge).

300La troupe ne semble pourtant pas avoir entamé immédiatement ses activités, car Vitzthumb ne sollicite que le 25 décembre 1768 l’autorisation, en bonne et due forme, de pouvoir représenter des comédies en flamand, « sur le pied des Compagnies bourgeoises ». Sa requête sera entendue par le Conseil privé317. Le 25 février 1769, le notaire De Jonge procède à l’inventaire de « tous les Effets consistans en habits de Theatre decorations et autres qui ont servi à la Compagnie », entreposés aux domiciles de Vitzthumb, Debatty, Lartillion et Van Turnhout318.

  • 319 H. Liebrecht, op. cit., p. 243 et ss ; J. Fransen, op. cit., p. 352-353.

301On ignore s’il faut voir dans cet inventaire le signe d’une cessation d’activité, voire d’une dissolution de la compagnie ; toujours est-il que Vitzthumb est appelé cette année à la direction de l’orchestre du Grand Théâtre, qui périclite sous la baguette de Louis Granier. L’épisode houleux des intrigues opposant les partisans des deux hommes a été longuement relaté par Liebrecht319. La situation se stabilise en 1771, au profit de Vitzthumb, qui entre dans la société des comédiens et en devient le maître de musique attitré. À Pâques 1772, il s’associe avec Louis Compain pour reprendre la direction du Théâtre de la Monnaie.

302Cette direction, sans doute la plus brillante de l’histoire du Théâtre de la Monnaie – que Liebrecht appelle « le règne d’Ignace Vitzthumb » –, durera jusqu’en mai 1777, lorsque Vitzthumb, resté seul directeur et ne pouvant plus supporter les charges financières qui pèsent sur sa gestion, fermera le Théâtre.

La tournée de 1776

  • 320 H. Liebrecht, op. cit., p. 273-274.

303Entre-temps, il prépare activement une tournée en Hollande, pour la foire de Rotterdam de 1775, espérant ainsi renflouer les caisses du Grand Théâtre. Dès le mois de février 1773, il fait construire par le charpentier hacquenois De Kok un théâtre démontable pour 3 450 florins, comportant un rang de loges, une galerie, un amphithéâtre et un parterre. Mais le théâtre n’étant pas prêt à la date prévue, Vitzthumb reporte son projet d’un an, puis il change d’avis et demande au charpentier de vendre la baraque, prétextant des défauts de construction pour ne pas en payer le prix. Piqué au vif, De Kok lui rappelle sèchement qu’il attend le paiement de son travail320.

304Vitzthumb se résout donc à entreprendre sa tournée. La troupe joue à la foire de La Haye en mai 1776, et elle obtient l’autorisation de jouer en août à celle de Rotterdam. Le 10 juin, il écrit de Bruxelles à l’un des associés en tournée, probablement Chrétien-François Jacobs, souffleur, copiste et traducteur du « spectacle flamand » :

  • 321 AEB, Manuscrits divers 3848.

Mr Doudelet est arrivé en bonne santé, il m’a confirmé qu’on ne faisoit pas d’argent ; on n’en fait pas davantage ici proportion gardée : en consequence il faut prendre son parti, et ce parti consiste de venir a Bruxelles le plutot possible pour donner quelques grands opéras pour reveiller le public, qui semble etre endormi. Partés donc, mes enfans au reçu de ma lettre pour etre assés tot ici et pour retourner jouer à la foire de Harlem, si toutefois les choses sont arrangées dans cette ville et qu’il y a esperance d’y faire de l’argent321.

  • 322 AEB, Manuscrits divers 3977.
  • 323 AEB, Manuscrits divers 3848.

305Dans sa réponse datée du 21 juin, Jacobs écrit que « [t]oute la troupe est arrivée ce matin à huit heures à Harlem en pleine santé et la meilleure union possible ». Les représentations commenceront le samedi 29. Jacobs a également traité avec les édiles d’Amsterdam : « je n’ai malgré tous les soins et amis pu parvenir à mon but, ni dedans ni hors de la ville, mais pour la foire les Bourguemaîtres m’ont fait esperer »322. Au lendemain de la première représentation, qui a rencontré quelque succès, Jacobs écrit encore que « toutes les Troupes qui jusqu’à présent avoient joué le samedi d’avant la foire, n’ont jamais fait plus de 80 florins ce jour là ; et nous en avons fait 370 »323.

306Mais les comédiens français de Bruxelles font courir le bruit que l’expédition hollandaise est un gouffre financier, ce qui « fait beaucoup de déplaisir aux flamands ». Le 4 juillet 1776, le receveur du Théâtre Maisier écrit au secrétaire du spectacle Cirez, qui accompagne la troupe flamande arrivée à Harlem :

  • 324 AEB, Manuscrits divers 3848.

Quant aux bruits que vous dites qui ont couru ici que vous étiés venu pour chercher de l’argent, je ne sais qui les a fait courir ; mais je sais très bien que je ne puis, en tout cas, empêcher le bavardage des Gens, et que d’ailleurs il ne me convient pas d’aller rendre compte à tout le monde de ce que vous avés payé en Hollande tant aux Pensionnaires que pour la Cabane, parce que le plus prudent est de se taire. Il seroit à souhaiter que ceux qui ont bavardé se melassent de leurs affaires, sans se mettre en peine de la gestion des autres. D’ailleurs ces propos ne doivent affecter ceux de la Troupe flamande parce que j’aurai soin de désabuser les Comédiens français de l’opinion que vous dites qu’ils ont que vous étes venu emprunter de l’argent de la caisse de Bruxelles pour payer les prétendues Dettes de la Troupe Nationale324.

307Mais la cabale persiste et, face à cette situation délicate, Vitzthumb décide de rapatrier la troupe et le petit théâtre itinérant, qui n’aura servi que quelques fois. Il introduit une requête au Magistrat de Bruxelles, demandant l’autorisation d’installer son théâtre de planches sur la place Saint-Michel (l’actuelle place des Martyrs). La permission lui est accordée le 23 décembre 1776, jusqu’au mardi gras suivant :

  • 325 AVB, Fonds ancien 1748 (Resolutieboeck 1774-1776). Traduction de l’auteur : « Vu la requête nous pr (...)

Gesien de requeste aen myne heeren gepresenteert wegens Ignatius Fitzhumb, permitteren aen den selven, op Ste Michiels plaetse te doen stellen eenen Theater in plancken tot Groot Vasten avont naestcomende inclues mits by hem voorsien van de permissie noodigh tot het geven van de verthooninghe die by van intentie is aldaer te geven325.

308Toutefois, Vitzthumb doit se résoudre à vendre le théâtre, qui ne lui rapporte pas autant qu’il l’espérait. La vente publique est annoncée par voie de presse au début du mois de mars 1777 :

  • 326 Gazette des Pays-Bas du 3 mars 1777 (no XIX supplément).

On vendra publiquement au plus offrant Jeudi 20 du present mois de Mars 1777, un Théâtre portatif construit en bois de Sapin, dont les montans & autres piéces de resistance sont faits de Sapin rouge. Ce Théâtre a 114 pieds (mesure de Bruxelles) de longueur sur 36, de largeur, & 25 de hauteur jusques au commencement du toit. Il y a deux Rangs de Loges, & au fond un Amphitéâtre sous lequel se trouve une place séparée, de niveau avec le Parterre, pour les Spectateurs qui sont de bout. Les Loges, le Parquet, ainsi que tout le Parterre sont garnis des bancs, l’Orquestre est assez grand pour y placer 20 Musiciens. Sur le derriere du Théâtre sont quatre Loges pour y habiller les Acteurs & Actrices. De Plus, ce Théâtre est pourvu de sept Décorations complettes consistantes 1o. En une Décoration à double fond pour servir de Salon riche & de Palais. 2o. Une Chambre bourgeoise. 3o. Un Port de Mer avec une Machine de nouvelle invention pour mouvoir les vagues. 4o. Un Village. 5o. Un Bois. 6o. Une Prison. 7o. Une Chambre de Paysans. Outre ces Décorations Complettes, un Pont praticable, une Montagne praticable, une Masure qui tombe par piéces, lorsqu’il le faut ; plusieurs autres piéces détachées pour varier le Local de la Décoration. De plus, tous les ustenciles en fer blanc pour éclairer ce Théâtre. Trois grandes Voiles pour couvrir le toit. Ce Théâtre est actuellement monté sur la Place Saint Michel à Bruxelles. On pourra le voir tous les jours depuis neuf heures du matin jusqu’à midi326.

309On voit que cet édifice est de dimensions appréciables, puisqu’il mesure environ 37 mètres d’ouverture, 12 mètres de profondeur et 8 mètres de hauteur. Les sept décors constituent les fonds de scène usuels et permettent de représenter à peu près n’importe quelle pièce du répertoire d’une troupe ambulante.

310En 1770 déjà, Charles de Lorraine, grand amateur de théâtre et inventeur imaginatif, a conçu un théâtre portatif (fig. 7) dont il a dressé les plans et établi le coût des matières premières. Les croquis en sont conservés à Vienne, à la Haus-, Hof- und Staatsarchiv (Lothringisches Hausarchiv). Ils ont été publiés en 1987 par Jean-Pierre Müller dans le catalogue de l’exposition « Europalia Autriche ». Peut-être les idées du prince ont-elles concouru à la réalisation du théâtre de Vitzthumb, car le gouverneur aimait à débattre de ses trouvailles avec les artistes.

Fig. 7. Théâtre portatif. Croquis autographes de Charles de Lorraine.

Fig. 7. Théâtre portatif. Croquis autographes de Charles de Lorraine.

Vienne, Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Lothringisches Hausarchiv, carton 177/653.

  • 327 H. Liebrecht, op. cit., p. 274.

311On ne sait ce qu’il advient par la suite de ce théâtre, mais il n’a pas été détruit, contrairement à ce qu’affirme Liebrecht à la lecture d’une pièce d’archive327. Un an et demi plus tard, Jacques-Joseph Debatty, machiniste au Grand Théâtre et l’un des principaux associés de l’entreprise flamande, rachète l’édicule aux curateurs de la faillite Vitzthumb.

  • 328 AEB, Notariat général de Brabant 92402 (notaire Nuewens).

Cejourd’huy le 30e Octobre 1778 pardevant moy Pierre Nuewens Notaire Royal admis au Conseil Souverain de Sa Majesté l’Imperatrice Douairiere et Reine apostolique ordonné en Brabant, de residence de cette ville de Bruxelles et en presence des Temoins ci-apres à denommer Comparurent en personne les Srs Jean Baptiste van Turenhout Marchand en cette Ville de Bruxelles, Jean Louis Pin Directeur et Entreprenneur du Spectacle de cette Ville, Guillaume Becker Agent en Cour et Livin Francois Delsaux respectivement Commissaires denommés à la Creance du Sr Ignace Vitzthumb ci-devant Directeur et Entreprenneur des Spectacles de cette dite Ville, et Maitre George Nuewens Procureur postulant au Conseil Souverain de Brabant et au Tribunal aulique de Sa Majesté aux Pays-bas en qualité de Curateur établi à la dite Créance, tous à ce que s’ensuit duëment autorisés des Créanciers de la meme Créance à ce duëment convoqués par leur resolution du 16 du Courant ci vuë en Copie authentique et jointe à la minute de cette, Lesquels Comparans en qualités et vertu que dessus ont Declaré d’avoir vendu, cedé et transporté, comme par cette ils vendent, cedent et transportent, à et au profit du Sr Jacques Joseph De Batty ici present et acceptant, scavoir la Cabanne de Planches avec le petit Theatre y servant et les Decorations en dependantes, qui se trouvent actuellement tant chez le premier Comparant, chez l’acceptant qu’au Theatre, sans que les Transportans pourront etre tenus de devoir faire suivre autre chose, et pour en jouir des aujourd’hui lui en faisant le maitre absolu, tellement que le tout sera des aujourd’hui aux risque et Peril de l’acceptant. Se faisant cette vente, Cession et transport pour et parmy la Somme de quatre mille florins argent Courant de Brabant, que l’Acceptant prouve par cette de payer et satisfaire en main et sous la quittance du dernier Transport endeans les quatre premiers [sic] Années et ainsi en quatre differens payemens d’année en année, dont en Consequence le premier payement devra se faire le 30e octobre de l’année prochaine 1779, et ainsi consecutivement jusqu’au payement parfait deladite Somme et sans en devoir payer aucun Interet, et de plus aux Conditions suivantes, [clause rayée dans le contrat : que les Transportans s’obligent par cette de laisser suivre à l’acceptant les habillemens qui ont eté faits pour la Trouppe flamande ci devant sous la Direction du Sr Vitzthumb qui se trouveront au Magasin du Theatre de cette ville, des que le Bail dudit Magasin donné aux Directeurs actuels du Spectacle de cette Ville sera expiré ou viendra à cesser et ce dans tel Etat que lesdits habits se trouveront pour lors]328.

312Afin que Debatty puisse prendre possession de son nouveau bien et satisfaire au paiement des 4 000 florins, sa mère et sa sœur se portent cautions solidaires et mettent en hypothèque une maison de la « Blaw Straete », dans le quartier de la rue des Minimes. On ne sait si le théâtre servira encore, mais il est à supposer qu’en l’acquérant, Debatty aura voulu le sauver de la dispersion par la curatelle, voire de la destruction pure et simple.

313Une fois de plus, les projets de Vitzthumb finissent par une banqueroute et, tournant le dos au Grand Théâtre de Bruxelles, il sollicite la direction du Théâtre de Gand. Le 14 octobre 1778, il écrit à Philippe-Ferdinand, vicomte de Vilain XIIII, grand bailli de la ville de Gand :

  • 329 Clairville était né à Lorgues, en Provence, le 24 juillet 1748. De son vrai nom Honoré, comte de Po (...)
  • 330 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14 (lettre du 14 octobre 1778).

Aïant appris que le privilège théatrale de Mr Clairville329 finissoit à paques prochaines, j’ai fait solliciter le dit privilège par deux de mes associés qui ont fait le voïage de Gand à cet effet : on a eu la bonté de nous le promettre verbalement330.

  • 331 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14 (lettre du 25 octobre 1778).

314Deux semaines plus tard, Vitzthumb s’adresse à nouveau au vicomte pour plaider auprès de lui un abaissement des frais exorbitants qui pèsent sur les directeurs du Théâtre de Gand. Clairville « a offert cent couronnes au dessus des charges ordinaires » pour continuer à occuper le Théâtre une deuxième saison, alors que Vitzthumb s’attendait à ce qu’il « se bornoit à sa direction de Mastricht ». Ceci paraît d’autant plus déloyal à Vitzthumb que « si on lui accorde le privilege à cette condition, tous les directeurs possibles seront dans le cas de ne jamais oser penser à l’aquerir après lui, parce que pour aquitter les fraix immenses de la location du théatre, ils seront contraints de n’avoir que des sujets de rebut, auxquels ils pourront à peine donner de quoi vivre »331.

  • 332 Henri Mees était né à Bruxelles le 18 novembre 1755 et il y avait épousé, le 5 mai 1777, la fille a (...)
  • 333 Pierre-Joseph Swinnens, dit Lambert (son père se prénommait Lambert), était né à Bruxelles en 1740. (...)
  • 334 P. Claeys, op. cit., p. 157 et ss.
  • 335 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780.
  • 336 Le Comte était né à Dangu (département de l’Eure) le 11 octobre 1742. Sur les détails de sa carrièr (...)

315Finalement, on parvient, semble-t-il, à un accord et Vitzthumb et ses associés (son gendre Henri Mees332, Jacques-Joseph Debatty et Pierre-Joseph Swinnens, dit Lambert333) prendront la direction du Théâtre de Gand d’octobre 1779 aux Rameaux 1781. La troupe qu’ils constituent est imposante et d’excellente qualité334 : elle compte dix-neuf acteurs et quinze actrices, tant pour le spectacle français que pour l’« opéra flamand », auxquels s’ajoute un ballet de quatorze danseurs et danseuses et un orchestre de vingt-sept musiciens335. Elle a pour peintre et décorateur Jacques Le Comte, qui a peint la plupart des décors pour le Théâtre de la Monnaie durant la période Vitzthumb336.

La tournée de 1779

  • 337 AEB, Notariat général de Brabant 8124 (notaire Van Cortenberghe), acte du 20 février 1779 rédigé en (...)
  • 338 AEB, Notariat général de Brabant 7119 (notaire Flameng).

316Entre-temps, Vitzthumb réveille un vieux projet : celui de parcourir la Hollande avec sa troupe, en emportant le théâtre portatif qu’a racheté Debatty. Le 20 février 1779, les trois associés principaux, Vitzthumb, Lambert et Debatty, louent aux bateliers Elias Vanden Broeck et Joannes Baptista Thys, « vrÿ Schippers dezer Stadt », deux bateaux pour une durée de six mois au moins, au prix de 4 florins 15 sols par jour et par bateau. Les bateliers livreront leurs embarcations en bon état, avec tous les accessoires, pour voyager en Hollande, en Zélande et partout où les directeurs le souhaiteront, pour autant que la largeur des voies navigables le permette. Le paiement comprendra les frais d’entretien des bateaux et du personnel de bord, mais les frais supplémentaires, comme le péage des ponts, des écluses et des halages, seront à charge des directeurs. Les mousses seront au moins deux par bateau, ils s’occuperont du ménage et de la cuisine ; ils aideront aussi à transporter les instruments de musique vers le théâtre et à les ramener aux bateaux après les représentations337. Le 5 mars, Lambert et sa femme empruntent encore 2 183 florins au garde noble Hoffelt, pour couvrir leurs frais de voyage et celui du théâtre portatif338.

  • 339 AEB, Tribunaux auliques 2835.

317Le projet se réalise enfin et les contrats d’engagements sont signés. Mais certains se désistent au dernier moment, comme le corniste Jean-Baptiste Wirth qui s’est fait engager dans l’intervalle au Théâtre de la Monnaie. L’engagement qu’il a signé avec Vitzthumb et la « Société nationale » porte sur une durée de quatre ans, commençant le lundi de Pâques 1779 et finissant la veille du dimanche des Rameaux 1783. Wirth s’engage à jouer du cor dans l’orchestre, « tant dans les Opéras Comédies que dans les Concerts et Serenades » ; il gagne 300 florins par an et doit fournir lui-même son instrument ainsi que sa « litterie et service de table ». L’affaire, portée par Vitzthumb devant le Tribunal aulique, reste pendante jusqu’en juillet 1779339.

318Vers la fin du mois de mars, la troupe est prête et obtient les passeports nécessaires pour voyager en Hollande. Dix-sept musiciens et acteurs se font délivrer le document les 22, 26 et 27 mars 1779, pour se rendre « en Flandre et en Hollande » :

  • 340 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 2264.

Martin Schelthiens musicien allant en Flandre et en Hollande agé 20 ans taille 6- p[ieds] 2 p[ouces] chev. et yeux bruns
Christien François Jacobs taille 6 p. 5 pouces allant comme devant agé 37 ans chev. et yeux brunatres
Firmain Gillet comedien de la troupe de Vitztumb allant
ut ante taille 6 pieds 5 pou. age 18 ans chev. et yeux bruns
Louis Frans Vicq allant en Flandre et Hollande age 30 ans tail. 6 p. 7 p. portant chev. et yeux noirs
Jacques Waefelarts musicien allant
ut ante agé 22 ans taille 5 p. 6 p. port. chev. et yeux bruns
François Seghers musicien allant
ut ante agé 23 ans taille 5 p. 7 pouces, chev. blons yeux bleus
Jean Bap. Gaspar musicien allant
ut ante agé 23 ans taille 6 p. 2 pouces port. chev. bruns yeux petit brun
Charles Delaporte allant
ut ante natif de Courtrai agé 22 ans taille six p. 5 pouces port. chev. chatains yeux roux a habité paroisse Ste Catherine l’esp[ace de] 10 mois
Leopold François Roventini perruquier allant
ut ante agé 31 ans taille 6 p. 1 pouces port. chev. noirs yeux bruns
Marie Anne Aucoigne chanteuse allant
ut ante agée 19 ans 5 p. 5 pou. portant chev. bruns yeux blonds
Pierre Swinnens virtuoso en musique all.
ut ante agé 32 ans chev. chatains yeux bleux
Ignace Vitztumb musicien de S.A.R. agé 48 ans chev. gris et yeux blonds allant
ut ante
Frans Gehot musicien bassoniste allant
ut ante agé 28 taille de 5 p. 10 p. chev. bruns yeux petit brun
Petrus Claessens musicien allant
ut ante agé 28 ans taille 6 p. 2 p. chev. blonds yeux petit brun
Joseph Seyffrith musicien allant
ut ante age 25 ans taille 6 p. 4 p. chev. et yeux bruns
Charles Keyser musicien allant
ut ante age 27 ans taille 6 p. 1 pouce chev. et yeux blonds
Jeanne Vanden Berghen
comedienne allant ut ante port. cheveux bruns yeux bleuâtres340.

  • 341 Rotterdamsche courant du 22 mai 1779, no 61 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van de (...)

319Aucun document ne vient malheureusement confirmer que cette troupe a effectivement donné des représentations en Hollande. Fransen n’en dit mot et Liebrecht n’a eu connaissance ni du contrat de location des bateaux ni des passeports délivrés aux membres de la troupe. La gazette vient heureusement combler cette lacune tout au long des mois de mai et de juin 1779. Le 22 mai, on lit que « les musiciens de Bruxelles » donneront le 25 mai Orphée et Eurydice et Les Deux Chasseurs et la Laitière, les deux pièces jouées en français341.

  • 342 Rotterdamsche courant du 29 mai 1779, no 64 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van de (...)
  • 343 Rotterdamsche courant du 8 juin 1779, no 68 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van de (...)

320Le 29 mai, la gazette annonce pour le même jour La Rosière de Salency en néerlandais et Le Nouveau Marié en français, et pour le lendemain Le Déserteur en néerlandais, un ballet, et Annette et Lubin en français342. Enfin, le 8 juin 1779, la gazette annonce pour le lendemain une représentation des Deux Avares en français, suivie du ballet-pantomime des Marchandes de modes et des Pêcheurs en néerlandais343.

  • 344 P. Claeys, op. cit., p. 160.

321Vitzthumb n’arrivera à la tête du Théâtre de Gand qu’en octobre 1779. À l’été 1781, la troupe de Gand se disperse et plusieurs acteurs se rendent à Amsterdam344.

  • 345 J. Fransen, op. cit., p. 367.

322Quant au théâtre portatif, peut-être est-ce le « joli théâtre provisoire » que des notables amstellodamois font ériger, précisément en 1781, sur la Leidsche plein et sur lequel une troupe donnera des représentations d’opéra et de comédie en français345. C’est, en tout cas, la dernière étape probable de cette petite construction ingénieuse qui offre aux troupes itinérantes l’autonomie de jouer partout, sur les places des villes et des villages.

323Moyennant l’autorisation des édiles locaux, la troupe plante le décor au beau milieu de la vie quotidienne, et non plus dans une grande bâtisse trop souvent réservée aux classes aisées. Fransen raconte d’ailleurs que les représentations dont il est question plus haut étaient initialement prévues pour un cercle fermé de notables ; le succès est tel que les instigateurs se résolvent à dresser le théâtre portatif sur une place publique et à prolonger les représentations durant l’été et la foire, à l’intention d’un public de plus en plus vaste. La population peut ainsi aborder la culture de plain-pied, dans un cadre connu et accessible, comme ce fut le cas naguère lorsque le projectionniste des débuts du cinématographe allait de village en village.

Les comédiens nomades

324D’où viennent ces comédiens qui, par une sorte de génération spontanée, se multiplient au fil du siècle et, du millier qu’ils étaient au xviie siècle, grossissent les rangs des troupes de campagne pour atteindre 3 000 unités à la veille de la Révolution française ?

  • 346 J. Duvignaud, L’Acteur, op. cit., p. 65.

325La bourgeoisie qui se développe à l’ombre des monarchies européennes n’est pas étrangère au changement de statut des comédiens dans la société du xviiie siècle. Des enfants de marchands, de pâtissiers, de perruquiers, d’ouvriers se lancent dans une profession « que la morale dédaigne, que la religion excommunie et que la loi condamne »346. Grâce à l’engouement des classes favorisées, grâce à leur disponibilité en temps et en argent, grâce à leur goût croissant pour le divertissement, les comédiens vont devenir le miroir d’une société en mutation vers le nouveau capitalisme et cristalliser les aspirations des classes bourgeoises.

  • 347 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 209 et ss.

326Duvignaud se demande à juste titre jusqu’à quel point les gens de théâtre n’ont pas favorisé les transferts entre les classes sociales, voire joué un rôle d’intégration des valeurs entre les différentes classes. Car le comédien, quelle que soit son extraction, côtoie de près l’aristocrate, quand il n’est pas sous sa protection directe. Ainsi, dès le xviie siècle, la plupart des troupes ambulantes se dénomment d’après leur protecteur : troupe de la Reine, troupe du Dauphin, troupe du prince de Condé, troupe du prince d’Orange, troupe du duc de Hanovre, etc. Mongrédien en a dénombré une quarantaine de ce type, sans compter les troupes « libres », sans protecteur fixe et dénommées d’après leur chef347.

  • 348 J. Duvignaud, L’Acteur, op. cit., p. 109.

327Cette proximité des seigneurs confère au comédien, et à la profession en général, une aura qui lui permet de dépasser la réputation de libertinage que la morale, et l’Église en particulier, lui a forgée. Le prestige dont jouit le protecteur rejaillit immanquablement sur le protégé. À l’inverse, le grand qui protège une troupe peut offrir à son entourage et au public des divertissements qui confortent l’image liée à son rang. Échange de bons procédés donc, où prestige social et prestige esthétique vont de pair ; compromis aussi, puisque le confort matériel d’une troupe passe par un lien de vassalité à l’égard du protecteur348.

328Mais le comédien nomade est avant tout un propagateur de culture, un « passeur » : dans les provinces les plus reculées, il apporte l’illusion, le dépaysement ; aux notables et aux gouverneurs, il révèle un autre mode de vie, moins monotone et plus brillant que celui qu’ils vivent dans leurs demeures austères. La société provinciale découvre grâce à lui un monde qu’elle ne soupçonnait pas, une liberté dont le corps du comédien et de la comédienne est le signe visible, presque tangible. Ce nomadisme, véhiculant de ville en ville des idées souvent neuves, joue un rôle déterminant dans la diffusion de la culture et de la mode, il colporte des modèles culturels diversifiés et aide à leur rayonnement.

329Mais à cette image positive du comédien en correspond une autre, bien plus sombre. Accablé de toutes les tares morales – comme si la société devait toujours brûler ce qu’elle a admiré –, l’acteur tente en vain d’échapper à une réputation qui le poursuit sans relâche. Traqué par l’Église qui l’excommunie, accusé des pires débauches par la bourgeoisie, le comédien en est réduit à former un groupe atypique, en marge des classes sociales habituelles. Le théâtre est un lieu mal famé, un « tripot » en proie à de fréquentes rixes entre spectateurs ; le comédien est souvent mêlé, que ce soit comme protagoniste ou comme alibi, à des affaires judiciaires troubles ; pire encore, il fraye notoirement avec la pègre. Tout ce que la littérature et les rumeurs ont produit sur le sujet se retourne inévitablement contre des gens dont le seul métier est de « jouer ».

  • 349 Ibid., p. 130.

330Plus encore que les considérations morales, on est en droit de penser que l’attitude de l’Église à l’égard des comédiens est le fait de cette dualité troublante : un être qui passe sa vie à jouer ne peut que mentir, il cultive l’hypocrisie et la perversité349. Aussi l’acteur, adulé par les uns, conspué par les autres, se retrouve-t-il en marge de toutes les classes, à la lisière de toutes les convenances. Il est un mal nécessaire dans la société qui l’a engendré.

Statut du comédien

  • 350 Pour se rendre compte de l’importance numérique de ces écrits, voir notamment le volume V (nos 1 à (...)

331La morale religieuse a produit, au cours des siècles, une quantité innombrable de textes relatifs à la bienséance des spectacles et à l’état de comédien en général. Depuis la Renaissance, la polémique n’a cessé d’opposer les détracteurs virulents aux partisans inconditionnels. Si l’Église catholique a déversé son pesant d’excommunications, l’Église réformée ne s’est pas privée non plus de s’attaquer à la profession. Dès le xvie siècle, les pères des deux confessions surenchérissent sur le sujet et jettent l’anathème sur l’acteur, l’accablant de tous les maux350.

Opinions sur le comédien

  • 351 On consultera avantageusement, au sujet du débat théologique sur l’art « orchestique », l’ouvrage p (...)

332Comment restituer, d’après cette littérature, l’opinion que la société se fait du comédien ? Comment se faire une idée, la plus équitable possible, de l’image que véhicule le théâtre et de la manière dont l’artisan du spectacle se perçoit lui-même ? Tout d’abord, force est de constater que les auteurs les plus virulents sont bien souvent les mieux informés de la vie du théâtre, à croire qu’ils ont fréquenté assidûment ce lieu de perdition, afin de mieux pouvoir le discréditer. Il en va de même de la danse qui, à leurs yeux, est un plaisir aussi pernicieux que la comédie351.

  • 352 C’est ainsi qu’on se réfère généralement à l’ouvrage dont le titre complet est J. J. Rousseau citoy (...)

333Les hommes de théâtre ne sont pas en reste dans cette polémique, témoin le sévère jugement que porte Jean-Jacques Rousseau sur la condition du comédien. Dans sa Lettre à D’Alembert352, il écrit :

  • 353 J.-J. Rousseau, J. J. Rousseau citoyen de Genève, à Mr D’Alembert, Amterdam, Marc Michel Rey, 1758, (...)

Je vois en général que l’état de Comédien est un état de licence & de mauvaises mœurs ; que les hommes y sont livrés au désordre ; que les femmes y mènent une vie scandaleuse ; que les uns & les autres, avares & prodigues tout à la fois, toujours accablés de dettes & toujours versant l’argent à pleines mains, sont aussi peu retenus sur leurs dissipations, que peu scrupuleux sur les moyens d’y pourvoir. Je vois encore que, par tout pays, leur profession est déshonorante, que ceux qui l’exercent, excommuniés ou non sont par-tout méprisés, & qu’à Paris même, où ils ont plus de considération & une meilleure conduite que par-tout ailleurs, un Bourgeois craindroit de fréquenter ces mêmes Comédiens qu’on voit tous les jours à la table des Grands353.

  • 354 Dom Ramire, Triumpho sagrado de la concientia, Salamanque, 1751.

334Relayant les considérations d’un auteur espagnol354, l’homme de robe Desprez de Boissy écrit :

  • 355 C. Desprez de Boissy, Lettres sur les spectacles, Paris, Butard, 1771, p. 475.

Quel désordre ne porte pas dans une ville l’arrivée & le séjour d’une troupe de Comédiens ! [...] On ne revient point du Spectacle comme on y étoit allé ; l’innocence n’en sort point sans tache, ni le vice sans crime355.

335Mais ces jugements si abrupts et si généralisateurs ne devraient-ils pas être tempérés par une analyse plus raisonnable et plus subtile ? C’est ce que tente un auteur anonyme lorsqu’il parle des comédiens de Bruxelles :

  • 356 Nouvelles lettres sur l’état présent des Pays-Bas autrichiens, Londres, 1782, p. 51-52.

Quant aux mœurs des Comédiens, elles sont ici comme tout ailleurs, & seroient aussi comme par tout ailleurs moins repréhensibles, si le préjugé ne rendoit pas leur profession avilissante. C’est le vice seul qui doit avilir ; si le Comédien est vicieux, si la Comédienne est débordée, on doit les mépriser ; mais quand l’un & l’autre tiennent une conduite aussi irréprochable que Brissart & Mlle Dumesnil, quelle raison a-t-on de rougir de les voir & même de vivre en société avec eux ? [...] Les Bourgeois de Bruxelles ne vivent pas avec les Comédiens ; mais ils ont le bon esprit de ne pas les mépriser quand ils sont honnêtes & qu’ils ont des mœurs356.

336Sans vouloir peindre le portrait psychologique du comédien, il faut bien admettre que la profession a quelque chose d’équivoque : un être se dédouble pour se donner à voir à des spectateurs qui se projettent dans une histoire qu’ils ne vivront sans doute jamais, à travers des personnages qu’ils ne seront probablement jamais.

337C’est ce que rappelle l’auteur d’un manuscrit anonyme :

  • 357 Essai sur les spectacles, manuscrit anonyme de 275 pages, s.d. (xviiie siècle), p. 113. Bruxelles, (...)

Qu’est-ce que la profession d’un Comédien ?... C’est un métier par lequel un homme se donne en représentation pour de l’argent, se soûmet à l’ignominie et aux affronts qu’on achette le droit de lui faire et met publiquement sa personne en vente. J’adjure tout homme sincère de dire s’il ne sent pas au fond de son âme qu’il y a dans ce trafic de soi même quelque chose de servile et de bas357.

338Diderot met dans la bouche de « l’homme du paradoxe » des mots assez durs sur la personnalité de l’acteur et sur sa dualité :

  • 358 D. Diderot, Paradoxe sur le comédien, Paris, Mille et une Nuits, 1999, p. 58.

Dans le monde, lorsqu’ils ne sont pas bouffons, je les trouve polis, caustiques et froids, fastueux, dissipés, dissipateurs, intéressés, plus frappés de nos ridicules que touchés de nos maux ; d’un esprit assez rassis au spectacle d’un événement fâcheux, ou au récit d’une aventure pathétique ; isolés, vagabonds, à l’ordre des grands ; peu de mœurs, point d’amis, presque aucune de ces liaisons saintes et douces qui nous associent aux peines et aux plaisirs d’un autre qui partage les nôtres. J’ai souvent vu rire un comédien hors de la scène, je n’ai pas la mémoire d’en avoir jamais vu pleurer un. Cette sensibilité qu’ils s’arrogent et qu’on leur alloue, qu’en font-ils donc ? La laissent-ils sur les planches, quand ils en descendent, pour la reprendre quand ils y remontent358 ?

339Le comédien n’est pas un homme comme les autres et, s’il règne dans le cadre rassurant de son théâtre, sous les feux de la rampe, dès qu’il en sort il redevient le paria d’une société qui vient pourtant de l’applaudir. Un acteur n’épouse pas une bourgeoise, encore moins une noble ; une actrice fera une maîtresse convenable, certainement pas une épouse honorable. L’abbé de Pure pousse la logique encore plus loin lorsqu’il écrit :

  • 359 M. de Pure, Idée des spectacles anciens et nouveaux, Paris, Michel Brunet, 1668, p. 170.

Il seroit aussi à souhaiter que toutes les Comediennes fussent & jeunes & belles, & s’il se pouvoit, toûjours filles, ou du moins jamais grosses. Car outre ce que la fecondité de leur ventre couste à la beauté de leur visage ou de leur taille, c’est un mal qui dure plus depuis qu’il a commencé qu’il ne tarde à revenir depuis qu’il a finy359.

340Le débat sur la moralité du comédien se poursuit au xviiie siècle et les théologiens de tous bords s’affrontent sur le sujet, les uns prétendant que la comédie est un plaisir innocent ou, au pire, un moindre mal, les autres démontrant, à grand renfort de textes liturgiques, qu’elle est hérésie.

L’excommunication

  • 360 L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, no 264, 10 mai 1879.

341Dans une notice parue en 1879, Gustave Desnoiresterres360 commente la coutume que l’Église catholique a adoptée de longue date dans certaines régions de France, et plus particulièrement à Paris. Alors que toute l’Europe tolère les comédiens et leur mode de vie, l’archevêque de Paris les considère comme des êtres dépravés et indignes des sept sacrements. Aussi, appliquant à la lettre des canons prononcés dès le ive siècle, il oblige les comédiens à renoncer aux planches avant de se marier.

  • 361 G. Maugras, Les Comédiens hors la loi, Paris, Calmann Lévy, 1887, p. 33.

342En réalité, le concile d’Elvire en Espagne, tenu en l’an 305, a abordé pour la première fois, en son canon 62, la question des « histrions, pantomimes et cochers du cirque ». Ceux qui désiraient embrasser la foi chrétienne devaient auparavant renoncer à leur profession361. Mais le concile d’Elvire était un concile provincial, dont les décisions n’avaient qu’une portée géographique limitée. D’autres conciles provinciaux, nationaux ou généraux ont pris des mesures diverses à l’encontre des comédiens, mais aucun concile général – ou œcuménique – n’a jamais jeté véritablement l’anathème sur les comédiens.

343Concrètement, l’acteur est exclu de la communion et placé au même rang que la prostituée. Un prêtre ne peut lui donner l’absolution, à moins qu’il ne renonce définitivement à sa profession ; on ne refuse pas le baptême à un enfant de comédiens, mais on le refuse à un comédien adulte ; on n’admet de comédien ni comme parrain ni comme marraine ; on refuse aux comédiens les sacrements du mariage ainsi que la sépulture religieuse.

344Mais ces dispositions ne connaissent nulle part ailleurs qu’en France l’application stricte qu’on leur destine alors. Ni en Italie, ni en Espagne, ni en Angleterre, ni en Allemagne, on ne confond les comédiens de l’époque avec les histrions d’autrefois.

  • 362 F.-X. Emmanuelli, État et pouvoirs dans la France des xvie-xviiie siècles, Paris, Nathan, 1992, p.  (...)

345L’Église gallicane, bien qu’attachée aux dogmes de la foi catholique et à l’autorité du Vatican, a néanmoins cultivé quelques particularismes qui pourraient expliquer la survivance, en France seulement, de dispositions canoniques oubliées par d’autres nations. Le concordat de Bologne, signé en 1516 entre le pape Léon X et François Ier, instituait ce dernier maître de facto de l’Église française. Le Roi rejetait la supériorité du concile universel et choisissait lui-même « ses » évêques362. Ainsi, non seulement Rome n’a jamais condamné les comédiens, mais le pape lui-même ne pouvait pas les relever de l’excommunication que le clergé français leur infligeait.

346Au cours des siècles qui nous sont relativement bien connus sur le plan théâtral, les canons de l’Église ont été appliqués de manière plus ou moins patente, plus ou moins avouée, plus ou moins stricte. Lorsqu’en 1629, Louis XIII attribue définitivement l’Hôtel de Bourgogne aux comédiens du Roi, lorsque Mazarin fait venir La Finta pazza, premier opéra italien représenté en France en 1645, le clergé salue ces initiatives et prend largement part aux réjouissances qui s’ensuivent. Les comédiens semblent être « en odeur de sainteté ».

  • 363 É. Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne, op. cit., p. XIII-XVI.
  • 364 G. Maugras, op. cit., p. 158-159.

347Les acteurs de La Finta pazza se fixent à Paris et la troupe devient de plus en plus nombreuse et de qualité toujours croissante. Elle quitte alors la salle du Petit-Bourbon et s’installe au Palais-Royal, où elle joue en alternance avec la troupe de Molière363. Les comédiens italiens ont droit aux sacrements, au mariage et à la sépulture en bonnes et dues formes religieuses. Ils sont en outre connus pour faire montre d’une certaine dévotion. Quand la troupe italienne s’ouvrira à des acteurs d’origine française, ceux-ci seront traités sur le même pied. La discrimination qu’exerce le clergé français n’est donc pas fonction de la nationalité, mais bien du théâtre auquel le comédien appartient364.

L’Église et l’acteur

  • 365 V. Hallays-Dabot, Histoire de la censure théâtrale en France, Paris, E. Dentu, 1862, p. 29 et ss.

348L’Église, tout à ses querelles religieuses entre jansénistes et jésuites, compte maintenir le contrôle sur la moralité publique, sur la censure théâtrale et, plus particulièrement, sur les auteurs et acteurs de la Comédie-Française. En 1664, le Roi lui-même, bien qu’ayant donné son aval à l’auteur après lecture de la pièce, interdit à Molière de représenter les trois premiers actes de son Tartuffe encore inachevé, par crainte des réactions d’un public que les propos pourraient échauffer. Trois ans plus tard, le Roi lui ayant donné son autorisation verbale, Molière fait jouer à Paris L’Imposteur, version remaniée du Tartuffe. Paris s’en indigne pourtant et le Parlement fait défendre la pièce au lendemain de la première. Il n’en faudra pas davantage à l’archevêque de Paris pour l’interdire en chaire à ses fidèles365. C’est l’épisode de la « Cabale des dévots ».

  • 366 G. Maugras, op. cit., raconte cet épisode p. 121-124.

349Dès lors, on assiste à une sorte d’acharnement de l’Église envers le comédien français, c’est-à-dire celui qui joue au Théâtre-Français ou à l’Opéra, épargnant, voire protégeant, les pensionnaires du Théâtre-Italien. Molière en fera les frais et le curé de Saint-Eustache lui refusera les derniers sacrements. À la demande de Louis XIV, cependant, l’archevêque de Paris autorisera qu’on lui donne une sépulture ecclésiastique dans le cimetière de la paroisse, pour autant qu’il n’y ait aucune cérémonie et que le corps du défunt soit transporté le soir366.

  • 367 Ibid., p. 196 et ss.

350Les exemples se multiplient ensuite : Brécourt, en 1684, doit renoncer à son état de comédien sur son lit de mort ; deux ans plus tard, Rosimond, n’ayant pas eu le temps de renoncer à sa profession, est enseveli sans clergé dans un endroit du cimetière où l’on enterre les enfants morts sans baptême ; au siècle suivant, Adrienne Lecouvreur refuse de renoncer au théâtre et est ensevelie au milieu de la nuit sur les berges de la Seine367.

  • 368 Charles-François Bidaut, dit Stigny, eut également un fils comédien qui joua à La Haye en 1752 et à (...)
  • 369 Louis Després, dit Verneuil, fut comédien à Bruxelles en 1710, 1733 et 1737. Il joua également à Me (...)
  • 370 Bonaventure-Antoine de Wez, dit Dufresnel, était né à Alençon le 14 juillet 1742. Après plusieurs a (...)
  • 371 G.-A.-J. Hécart, Recherches historiques, bibliographiques, critiques et littéraires, sur le théâtre (...)

351Les paroisses de Valenciennes dépendent de l’évêché d’Arras, l’un des plus sévères à l’égard des comédiens hormis celui de Paris. Hécart raconte que plusieurs curés ont refusé d’enterrer des comédiens durant le xviiie siècle. Ainsi, en 1717, le comédien Stigny368 est enterré « hors de sépulture Ecclésiastique, en vertu de l’ordonnance de MM. du Magistrat, rendue sur la requête du Mayeur de cette ville, le Curé de St-Géry la lui ayant refusée à cause de son état ». En 1753, une comédienne subit un sort identique. Un autre cas est cité en 1757 et, en 1769, le comédien « Desprets de Verteuil »369 est interdit de sépulture religieuse par le même curé de Saint-Géry. Le curé de Saint-Jacques de Valenciennes « se conduisit de même en 1787 envers un autre Comédien nommé Devez Dufresnel370, qui fut enterré sur l’Esplanade »371.

  • 372 Lille, Archives municipales, registres paroissiaux (décès de la paroisse Saint-Étienne).

352Certains actes de décès contiennent des indications précises sur les comédiens et sur la pratique ecclésiastique à leur égard. Ainsi, à Lille, Jacques Guichon, dit De Lisle, décède brutalement le 8 septembre 1738 (l’acte signale qu’il « fut tué », sans autre précision). Une semaine plus tard, son corps est enterré « dans le Lieu ou sont mis les enfans mort né a douze heures de nuit par les Comediens »372. On lui réserve une sépulture sommaire sans autre cérémonie que la présence de ses camarades.

  • 373 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 61.

353Plus significatif encore est l’acte de décès d’Henri Clavel, établi à Metz le 18 mars 1756. Clavel, né vers 1670, a été comédien dans la troupe que dirigeait son père, Scipion Clavel ; il a notamment joué à Lille, La Haye, Berlin, Bruxelles, Rouen, Strasbourg et Cologne. Il a débuté à la Comédie-Française de Paris le 15 mars 1708 et a été reçu le 14 juillet 1710373. Il meurt à Metz le 17 mars 1756, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. Le prêtre de la paroisse Saint-Marcel a consigné sur l’acte :

  • 374 Metz, Archives municipales, GG 110 (paroisse Saint-Marcel).

La veille de sa mort il a declaré par un acte authentique passé pardevant Me Roussel nottaire de cette Ville qu’il reconnoissoit que la profession de Commedien qu’il a exercée depuis longtemps étoit indigne d’un chretien, prohibée par les Canons de l’eglise Catholique apostolique et Romaine et que voulant mourir dans le sein de cette Eglise il renonçoit volontairement et sans aucun retour à la de profession, promettant à Dieu s’il luy rendoit la santé de ne monter jamais sur le Theatre374.

354Sur l’ensemble des registres paroissiaux que nous avons consultés, la mention de comédien apparaît deux fois à Lyon, une fois à Lille, Besançon, Le Mans et Rouen. Dans la plupart des autres villes, les comédiens se disent marchands, bourgeois, musiciens. Généralement, ils ne s’attribuent aucun qualificatif particulier. Seuls semblent échapper à cette censure les musiciens et les danseurs, du moins lorsqu’ils peuvent se prévaloir d’être au service d’un seigneur, d’une église (musiciens de paroisse) ou d’une ville (maîtres de danse ayant pignon sur rue).

  • 375 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois, op. cit., p. 75.

355Pour les comédiens chrétiens, le déchirement intérieur est permanent : faut-il obéir aux lois aveugles d’une Église qui fait si peu de cas de leur condition, ou l’amour du métier les exhorte-t-il à braver la tradition religieuse ? Chappuzeau a beau louer leur « assiduité aux exercices pieux », la pratique professionnelle les installe dans une situation de parias que seule leur conscience peut dépasser. Pourquoi donc, alors que leur métier « les oblige de représenter incessamment des intrigues d’amour, de rire et de folastrer sur le théâtre »375, les comédiens tiennent-ils tant à rester d’honnêtes gens, au sens où l’entendent le Grand Siècle et celui des Lumières ? N’est-ce pas, justement, parce qu’une fois descendus de la scène, ils veulent prouver qu’ils sont des hommes comme les autres, en dépit de l’obstination du clergé ? N’est-ce pas, précisément aussi, parce qu’ils doivent prouver qu’ils sont différents de « tout le monde » et qu’ils sont seuls maîtres de leur destin ? La fréquentation de la noblesse ne leur assurerait-elle pas, en définitive, une sorte d’impunité sociale qu’il faudrait racheter aux yeux de la religion ?

  • 376 S. de Reyff, L’Église et le théâtre, Paris, Éditions du Cerf, 1998, p. 108.

356La fin du xviie siècle enregistre un net recul de la « tolérance » envers le théâtre : Molière et Corneille sont morts, Louis XIV est malade et, sous l’influence de Mme de Maintenon, il n’assiste plus aux représentations : depuis qu’il n’y va plus, c’est devenu un péché376

La renonciation du comédien

357Dans nos contrées, la renonciation n’est pas de mise, mais de nombreux comédiens d’origine française établis dans les Pays-Bas conservent une peur de cette pratique ecclésiastique. C’est pourquoi il est rare de rencontrer, dans les actes de mariage et de baptême, des comédiens qui se réclament de cette profession : ils préfèrent se qualifier de « musiciens » ou, plus généralement, de « bourgeois ». Sur les quelque six cents actes que nous avons dépouillés dans les registres paroissiaux de Bruxelles, seuls six d’entre eux mentionnent l’état de comédien.

  • 377 Probablement le haute-contre qui fit les délices du Concert spirituel et de l’Opéra de Paris dès 17 (...)
  • 378 AVB, registre 478 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).
  • 379 AVB, registre 450 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).
  • 380 AVB, registre 451 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).
  • 381 AVB, registre 457 (décès de la paroisse Notre-Dame du Finistère).
  • 382 AVB, registre 457 (décès de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

358Sur leur acte de mariage, le 26 décembre 1737, Jean-Baptiste Godard377 et Marie-Antoinette Pélard, dite Maisoncelle, sont dits « vagi, comœdi » (célibataires et comédiens)378 ; la même mention figure sur l’acte de mariage de Joachim Visentini, dit Thomassin, et Jeanne De Trieu le 14 avril 1759379 ; le 18 février 1771, Philippe-Gabriel Diacre, dit Rozeli, « comœdus », épouse Jeanne-Louise Louis, « comœdi filia »380 ; le 11 juin 1760, Catherine Girardin meurt « comœda ignota » (comédienne inconnue)381 ; deux mois et demi plus tard décède Claude-Anselme Brun, dit D’Orbeval, « comœdus »382. Quatre autres actes portent une indication du lieu de naissance d’un enfant de comédiens, né « in domo Comœdorum » (dans la maison des comédiens, attenante au Grand Théâtre), « in domo spectaculi comœdiæ op de Munt » [sic] ou encore « in domo parentum platea Comœdorum » (au domicile parental, place de la Comédie).

  • 383 Gand, Stadsarchief, registre 131 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas). Mme de La Sablonne fut di (...)
  • 384 Gand, Stadsarchief, registre 132 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

359Pour le reste des Pays-Bas autrichiens, nous n’avons trouvé que deux autres actes, rédigés tous deux à Gand, comportant des mentions de comédiens : le 29 décembre 1781, Joseph-Antoine-Balthazar-Maurice de Filtz de La Sablonne épouse Marie-Agathe Moiret, « vagi et comœdorum »383 ; le 12 février 1782, Pierre-Joseph Chevalier épouse Anne-Jeanne de Montlebert, « vagi et comœdorum »384.

360Le seul cas de renonciation conservé dans nos archives est celui que le directeur D’Hannetaire fait consigner en 1768 par-devant notaire. Dès lors, il se retire de la scène et vit de ses rentes, qu’il a confortables, tandis que ses deux filles, Angélique et Eugénie, continueront à jouer à la Monnaie durant quelques années. Voici son acte de renonciation :

  • 385 Cet article prévoit : « Quoiqu’il soit dit dans l’Octroi article V, que chacun pourra se retirer de (...)
  • 386 AEB, Notariat général de Brabant 5117 (notaire Warré).

Ce jourdui le vingt quatre Mars mil sept cent soixante et huit est comparu pardevant moi soussigné Jean Louis Warré notaire admis au conseil souverain de sa Majesté Imperiale et Royale Apostolique ordonné en Brabant residant à Bruxelles et en presence des temoins cy après denommés, Sieur Jean Nicolas D’Hannetaire connu en qualité d’acteur et de directeur associé des Spectacles de cette ville, le quel en vertu d’un ancien usage de la commedie, au quel il n’a point eté specialement derogé par l’article vingt huit des Statuts de la troupe de Son Altesse Royale385, a declaré comme il declare par cette de la maniere la plus solennelle, avoir dès ce jour bien et duement renoncé au theatre et à tous exercices y adjacens, avec promesse authentique de ne plus reparoitre de sa vie sur la scene publique, soit pour son interet personnel, soit pour quelqu’autre consideration que ce puisse etre (à moins que ce ne fut pour le seul et unique profit des pauvres si jamais il en etoit requis), se soumettant en cas de defaut à tous depens, dommages et interets envers qui il appartiendroit conformement aux clauses et conditions usitées en pareil cas suivant le susdit usage de la commedie, obligeant à cette fin sa personne et biens et constituant tous porteurs des presentes ou double authentique à fin de comparoitre où besoin sera pour en cas de defaut y faire condamner volontairement le comparant avec depens et pour en faire l’insinuation aux directeurs en exercice. Fait et passé en la Ville de Bruxelles le jour mois et an que dessus en presence de Sr et Maitre Philippe François Joseph Warré avocat &a et de Sr Guillaume De Broë temoins à ce requis. [Signé] J.N. d’hannetaire, Philip F.J. Warré, G.J. DeBroë, Quod attestor J.L. Warré nots386.

361En embrassant la profession d’acteur, le comédien s’excommunie donc d’office, mais dans la pratique, cette règle est souvent contournée, que ce soit par mensonge du comédien lui-même ou par dissimulation du prêtre. Celui-ci indique « bourgeois » ou « officier de Sa Majesté », feignant d’ignorer la condition de celui qui vient faire baptiser son nouveau-né. Pareillement, l’hypocrisie entoure l’acte de renonciation, souvent purement formel, et chacun sait que le comédien « apostat » remontera sur les planches le soir même.

  • 387 Montpellier, Archives départementales, 2 E 56/557 (minutes du notaire Augustin Clément).

362C’est le cas de Jean-Baptiste Anselme, dit Baptiste, et de Françoise Gravillon, future « Madame Baptiste » : le 20 mars 1728, par-devant le notaire Augustin Clément à Montpellier, les futurs époux signent un contrat de mariage en présence des parents de la future, Pierre Gravillon et Jeanne Rat. Ceux-ci font inscrire une clause particulière, que nous n’avons rencontrée nulle part ailleurs : les futurs époux doivent promettre de « s’etablir dans une ville, et de quitter et abbandonner l’opera et la commedie, sansquoy lesds Gravillon et Rat mariés n’auroient pas consentis au present mariage »387. On ignore où et quand le mariage religieux a été prononcé, mais les époux ont fui loin de leurs familles : Baptiste et Mme Baptiste s’établiront à La Haye pendant deux ans, puis à Valenciennes de 1734 à 1743, avant de diriger pendant plus de dix ans la troupe française de La Haye.

  • 388 Abbeville, Archives municipales, registres de la paroisse Saint-Georges, à la date du 5 juillet 174 (...)

363Citons encore le cas du comédien Antoine Jassinte, que nous avons évoqué plus haut. Le curé de la paroisse Saint-Georges d’Abbeville a écrit sur son acte de décès qu’il avait, quelques jours avant sa mort, « publiquement renoncé a la profession de Comedien et solemnellement promis de ne jamais remonter sur le Theatre si Dieu luy rendoit la santé »388.

Le droit des pauvres

  • 389 [J.-H. Maubert de Gouvest et F.-A. de Chevrier], Mémoires du temps, Bruxelles, 1760-1762, t. II, no (...)

364Au sujet du théâtre, l’Église n’en est pas à une incohérence près. Alors que les excommunications et les ouvrages polémiques alimentent son discours officiel, elle instaure parallèlement une activité théâtrale au sein même de l’institution, qui connaîtra un développement, certes circonscrit, mais néanmoins important dès le xviie siècle. Les jésuites font en effet du théâtre une activité pédagogique essentielle, suscitant autant de vocations dramatiques qu’ecclésiastiques. Peu avant la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, les écoliers du Collège de Bruxelles donnent encore des représentations publiques de drames latins. « Persuadés que les jeunes gens destinés par état à paraître en public, doivent être formés par des exercices qui, leur faisant perdre insensiblement la timidité attachée à leur âge, leur donne la facilité de s’exprimer »389, les pères jésuites trouvent dans les Écritures saintes les sujets de tragédies en vers latins que débitent les têtes blondes. Comédie en français et même « grand Ballet divisé en quatre Entrées » complètent le programme, suivi avec attention par les familles. Certaines de ces pièces ont été imprimées : pour Bruxelles, on dénombre une petite dizaine de livrets de tragédies relatifs à des représentations données par les jésuites aux xviie et xviiie siècles.

  • 390 G. Cros-Mayrevieille, Le Droit des pauvres sur les spectacles en Europe, Paris, Berger-Levrault, 18 (...)

365Si l’Église fustige le théâtre – profane, s’entend –, elle ne dédaigne pas d’en recevoir les libéralités. Le « droit des pauvres » a été institué en France en 1677, semble-t-il, à titre de redevance que les Comédiens Français devaient verser à l’hôpital général pour occuper l’Hôtel de Bourgogne, après que la Confrérie de la Passion en a été expulsée et ses biens confisqués. Cet impôt, instauré par le Roi, répond « à une généreuse pensée du législateur », écrit Cros-Mayrevieille, et poursuit un but « éminemment moral : faire participer le plaisir de celui qui a du superflu à soulager l’enfant, le vieillard, le malade indigent »390.

  • 391 G. Maugras, op. cit., p. 172.

366Le mécanisme en est simple : la taxe perçue correspond au sixième de la recette brute d’une représentation. Les Comédiens Français s’insurgent rapidement contre un procédé qui ne tient aucun compte des frais réels de l’entreprise théâtrale et ils obtiennent finalement de verser un forfait annuel de 40 000 livres. Au milieu du xviiie siècle, on uniformise l’impôt à un quart de la recette brute pour tous les spectacles, y compris les forains391.

  • 392 P. Claeys, op. cit., t. I, p. 160-161.

367Dans nos régions, la pratique française est d’application, mais on ignore à peu près tout de son fonctionnement. À Gand, Claeys relève la première mention d’une perception au profit du « bureau de bienfaisance » dès 1653, puis régulièrement après 1660, mais il ne s’agit que d’un usage et non d’un impôt légal. La quote-part est invariablement fixée au tiers de la recette des représentations392.

  • 393 E. Geudens, Le Spectacle, institution de bienfaisance à Anvers, Anvers, Veuve De Backer, 1897-1901, (...)
  • 394 Anvers, Stadsarchief, Kerken en Kloosters 2115.

368À Anvers, la « Chambre des pauvres » a contribué à la reconstruction du théâtre au xvie siècle et, au siècle suivant, les aumôniers gèrent encore la salle, percevant de ce fait un quart de la recette393. Pour le xviiie siècle, les archives d’Anvers ont conservé les registres de recettes et dépenses des « Almoezeniers » (aumôniers) du théâtre établi au « Tapissierspand » (maison des tapissiers). En 1745, les quatorze représentations données du 14 novembre 1744 au 2 février 1745 par la troupe de Jean-Baptiste Grimaldi, dit Nicolini, rapportent aux aumôniers la somme de 378 florins et, lorsque D’Hannetaire vient y donner cinquante-sept représentations en 1756, il leur verse 1 017 florins 9 sols, à raison de 17 florins 17 sols par représentation. Les comptes courent de 1744 à 1771 et la taxe est ramenée à 15 florins 15 sols en 1759394.

  • 395 A. Pougin, op. cit., p. 313.

369Même si l’usage paraît généralisé à travers les Pays-Bas autrichiens, aucun document ne vient confirmer pour Bruxelles la pratique que nous connaissons à Gand et à Anvers. Des recherches approfondies dans les registres de comptes des hôpitaux de la ville, si rares soient-ils, permettraient sans doute de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. En tout état de cause, les œuvres ecclésiastiques ont su tirer profit d’un art qu’elles réprouvaient, en prélevant ce que Pougin appelle une taxe « inique dans son principe, monstrueuse par son importance, vexatoire par son mode de perception »395.

La Porte de Laeken, prison des comédiens

  • 396 Voir N. Bauchau, « La Porte de Laeken : une prison pour les comédiens dans la seconde moitié du xvi (...)

370Il faut bien reconnaître que les menées de l’Église contre les comédiens sanctionnent, parfois à juste titre, des comportements réels. Les faits d’indiscipline, d’insolence, voire d’arrogance de certains ont été consignés tout au long du siècle et, si Paris embastille ses comédiens au For l’Évêque, Bruxelles dispose d’une « prison comique », située d’abord à la Porte d’Anderlecht, puis à la Porte de Laeken. Flanquée d’une tour, cette dernière fait partie de la deuxième enceinte de la ville construite au xive siècle. Elle enjambe la Senne à l’intersection des actuels boulevards d’Anvers et Émile Jacqmain. Le corps principal du bâtiment sert de prison aux militaires et l’étage est réservé aux comédiens dès 1762, lorsque ceux-ci sont définitivement placés sous la juridiction du Tribunal aulique396.

  • 397 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1898.

371Le premier exemple connu d’emprisonnement de comédien date de 1761 : à la suite d’une conduite « temeraire et scandaleuse » à l’abbaye de Forest, « ainsi que d’autres faits, qui caracterisent une personne dereglée à plusieurs egards », la figurante Du Verneuil est arrêtée et colloquée à la Porte d’Anderlecht le 10 mars 1761. Quatre jours plus tard, elle est élargie à condition de quitter la ville au plus tôt, « avec deffense de ne jamais plus s’y retrouver »397.

372Le 21 septembre 1777, à peine le rideau se baisse-t-il sur le premier acte du Barbier de Séville qu’une violente querelle éclate entre les comédiens Chevalier et Louis-Jean Pin au sujet de la direction du théâtre, récemment reprise conjointement par Pin, Bultos et Sophie Lothaire. Chevalier s’est porté candidat, mais Pin n’entend pas s’associer à lui et préfère lui donner 7 000 livres pour qu’il y renonce. Après quelques bordées d’injures, les deux comédiens en viennent rapidement aux mains. Chevalier déclare avoir reçu un coup de poing au côté puis, après y avoir répondu par un soufflet, il s’est fait infliger « un coup de pied dans les parties ». Une trentaine de spectateurs se précipitent sur la scène et y trouvent Chevalier étendu sur le sol. La version de Pin est toute différente et tout porte à croire que Chevalier feint l’évanouissement.

  • 398 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1479.

373Coutumier du fait, ce dernier a déjà dû quitter Paris par ordre de police, il a été emprisonné à Lyon et a « partout donné des scènes aussi extravagantes, qu’elles sont indécentes ». Chevalier est incarcéré à la Porte de Laeken et devra quitter les Pays-Bas autrichiens le 27 septembre au plus tard. Quant à Pin, il est également mis aux arrêts « par provision, jusqu’à un autre ordre ». Cependant, « s’il se donnoit dans l’intervalle des pieces où il conviendroit qu’il jouat, il pourra y jouer et reprendre ses arrets la piece finie »398. Il n’est pas rare en effet que le directeur du théâtre fasse sortir de prison un comédien jugé indispensable, qu’on reconduit ensuite dans sa cellule une fois le spectacle terminé.

  • 399 AEB, Tribunaux auliques 13bis.
  • 400 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1479 et 21332 ; Tribunaux auliques 13bis.
  • 401 AEB, Conseil du Gouvernement général 846 ; Secrétairerie d’État et de Guerre 1479 et 21332.

374D’autres cas semblables d’indiscipline sont conservés dans les archives : en 1779, le danseur et maître de ballet Louis Baland est conduit à la Porte de Laeken pour avoir frappé la figurante Thérèse Leemans à coups de pied399. En 1781, c’est au tour des comédiens Vanhove et Vallière de goûter à la geôle pour avoir troublé l’ordre au théâtre400. Le comédien Châteauneuf en 1785 et, trois ans plus tard, les demoiselles Eugénie Buguet, dite Soulier, et Françoise-Adélaïde Nones, dite Fleury, sont conduits en prison pour avoir refusé de jouer les rôles que le directeur leur assignait401.

  • 402 J. Duvignaud, Sociologie du théâtre, op. cit., p. 31.

375Si le comédien jouit d’un statut social privilégié lorsqu’il se produit sur la scène, il n’en va plus de même hors du théâtre. Crainte de l’excommunication, isolement et déréliction, réputation de canaille et de débauché, le comédien souffre bien souvent de l’amalgame avec le bateleur et le saltimbanque, que le public confond dans un même préjugé. Ce mécanisme social qui conduit à l’isolement d’un groupe donné d’individus permet de maintenir hors normes ces mêmes individus, en leur faisant endosser la représentation que l’on projette sur eux de la transgression d’un interdit. L’acteur, par son mode de vie et les rôles qu’il interprète sur scène, représente un danger pour l’ordre social et la survie du groupe. Il faut donc l’expulser du cercle et laver le groupe de toute complicité éventuelle. L’excommunication procède de cette logique, en érigeant « un mur symbolique autour de celui qui a violé la loi dont la nature est imprescriptible »402.

  • 403 L. de Heusch, À la découverte des Tsiganes, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Éditions de l (...)

376On peut rapprocher le sort du comédien de celui du Juif errant, du paria indien et du Tsigane : le nomadisme inquiète, il « est ressenti par le sédentaire comme une perversion dangereuse de la nature humaine », écrit Luc de Heusch403. On lui attribue tous les méfaits dont est victime la société et, si on le méprise, on le craint plus encore. L’acteur incarne précisément la transgression des lois, les conduites jugées immorales ou, à tout le moins, considérées comme une menace pour l’ordre social.

Rôles et emplois

377La détermination précise des emplois de jadis est aujourd’hui malaisée à établir. En effet, cette notion n’a cessé de varier au cours des xviie et xviiie siècles, non seulement à l’intérieur d’un même genre théâtral (comédie, tragédie, opéra, opéra-comique), mais aussi, et davantage encore, entre Paris et les villes de province. Pour résoudre les conflits de plus en plus nombreux qui surgissaient entre comédiens titulaires d’un même emploi, la Comédie-Française a mis au point, à partir de 1785, une sorte de classement des rôles par emplois. Dès lors, cette typologie permettait de départager les conflits entre comédiens de province, arbitrés eux aussi par la Comédie-Française.

378Les troupes italiennes qui exerçaient leur activité en France au xviie siècle sont restées fortement marquées par les types de la commedia dell’arte : Pantalon, Arlequin, Polichinelle, Trivelin, Scaramouche, Lelio, Brighella, tous ces personnages sont demeurés immuables – en ce compris le costume et le masque –, jusqu’à l’adoption de la langue française par Luigi Riccoboni et les modifications de jeu qui en ont découlé. Les canevas du répertoire, puis les pièces écrites, étaient composés en fonction de ces types et chaque acteur connaissait l’ensemble des rôles liés à son emploi.

379Les comédiens français, s’ils ne se fondaient pas sur une tradition aussi fortement ancrée, ont cependant pratiqué une distribution des rôles assez simple jusqu’à la Régence, compte tenu de l’effectif réduit des troupes circulantes. Les actes d’association de comédiens contenaient souvent la répartition des emplois entre les associés, que cette répartition ait été débattue entre les signataires ou qu’elle fût imposée par le directeur de la troupe.

380On entend par « rôle » toutes les répliques qui relèvent d’un même personnage de la pièce. Un « emploi » désigne l’ensemble des rôles similaires à travers la littérature dramatique. Ainsi, le rôle d’Orgon du Tartuffe et celui d’Harpagon de l’Avare doivent être tenus par un comédien qualifié dans les emplois dits « comiques ». Le rôle de Dorine du Tartuffe et celui de Suzanne du Mariage de Figaro relèvent de l’emploi dit des « servantes » ou « soubrettes ». Cette typologie admet cependant de nombreuses variantes et subtilités, dues tantôt à la coutume, tantôt à des différences d’appréciation de la part des directeurs de théâtre.

Les typologies

381Les dénominations s’apparentent au moins à trois vocabulaires distincts : d’une part des rôles de nature sociale, définissant parfois une certaine hiérarchie entre interprètes (premiers rôles, seconds rôles, rois et reines, jeunes premiers, soubrettes) ; d’autre part des types de rôles définis d’après des personnages de pièces particulières (Crispin, Agnès) ; ensuite des rôles nommés d’après leur créateur, pratique surtout courante dans l’opéra-comique (Laruette, Trial, Dugazon). À ces catégories s’ajoutent encore des rôles définis d’après les accessoires (rôles à manteaux, rôles à livrée, rôles à baguette).

  • 404 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 4-6 ; P. Claeys, op. cit., t. II, p. 49-53.

382Examinons tout d’abord quels sont les emplois les plus courants à l’aube du xviiie siècle. Le contrat d’association passé à Gand, le 28 mars 1696, entre les comédiens de la troupe de Beauchamps404 énumère les emplois de chacun des signataires, à savoir :

  • Jean Biet, dit Beauchamps, les rois dans la tragédie et les paysans dans les pièces comiques ;

  • Claude Biet, dit Hauteville, les premiers rôles de tragédie et de comédie ;

  • Toinette Poitiers, femme de Claude Biet, dit Hauteville, les seconds rôles dans la tragédie (parfois les prxemiers) et les amoureuses dans la comédie ;

  • Marguerite Pillart, femme de Simon Bernier, dit Villabel, les premiers rôles, le chant ;

  • Pierre Barbot, dit d’Aubigné, tous les emplois comiques, « ce qu’il conviendra » dans la tragédie ;

  • Jean Bouillart, dit La Garde, les troisièmes rôles tragiques et les vieillards dans la comédie ;

  • Marie Le Charton, femme de Jean Bouillart, dit La Garde, les reines et les forts rôles dans la tragédie, les forts rôles dans la comédie ;

  • Anne La Voye, femme de Benoît Charpentier, les emplois comiques dans la comédie et les rôles « qu’il conviendra » dans la tragédie ;
    Joseph Cabut, dit Claré, « l’employ qui lui sera donné par la compaignie » ;

  • Michel de Renanceau, l’emploi « qu’il lui sera marqué par la compaignie » ;

  • Alexandre, fille de Mme Villabel, les petits rôles de tragédie et de comédie, la danse dans la comédie ;

  • Babette, fille de Mme Villabel, les derniers petits rôles de comédie, la danse ;

  • Marie-Françoise, fille de La Garde, les suivantes dans la tragédie et les petites amoureuses dans la comédie, la danse ;

  • Ulrique, fille de La Garde, les suivantes dans la tragédie, la danse ;

  • Anne-Christine, fille de La Garde, les rôles « qu’il conviendra », la danse ;

  • Claudine Mallet, femme de Jean Biet, dit Beauchamps, les rôles « qui lui seront marquez par la compagnie », receveuse et portière ;

  • Simon Bernier, dit Villabel, violoniste dans les entractes de comédie ;

  • Benoît Charpentier, violoniste dans les entractes de comédie, compositeur des entrées de ballet, danseur et chanteur au besoin.

  • 405 F. Rousseau, « Documents pour l’histoire du théâtre français en Belgique », op. cit., p. 152-155.

383Dans l’acte d’association passé à Mons, le 7 février 1707, entre les comédiens conduits par Desurlis405, les emplois se répartissent comme suit :

  • Michel de Villedieu, les premiers et seconds rôles tragiques en partage, les amoureux dans la comédie en partage ;

  • François-Hyacinthe Ribon, les premiers, seconds et troisièmes rôles tragiques en partage, les amoureux dans la comédie en partage, le chant, maître de ballet ;

  • Jacques Prévost, les premiers comiques en chef, et rôles d’ivrognes ;

  • Prévost fils, les premiers, seconds et troisièmes rôles tragiques en partage, les seconds rôles comiques, la danse ;

  • Jean-Baptiste Dery, les troisièmes et quatrièmes rôles en partage, le chant dans les pièces « où il en sera requist » ;

  • Lefebvre, les troisèmes et quatrièmes rôles en partage, les rôles de vieillards ;

  • Jean Desurlis, les rois et autres rôles attachés à ce caractère ;

  • Marie-Françoise de Houy, femme de Villedieu, les amoureuses en partage dans la tragédie et la comédie ;

  • Louisette Prévost, les amoureuses en partage dans la tragédie et la comédie, les rôles travestis, la danse ;

  • Babette, fille de Romainville, les suivantes dans la tragédie, la danse ;

  • Charlotte, fille de Romainville, les suivantes dans la tragédie, la danse ;

  • Élisabeth Desurlis, femme de Charles de La Haze, dit Romainville, les reines-mères en chef, les tantes et les servantes dans la comédie ;

  • Madeleine Hasard, femme de Jean Desurlis, les tantes et les servantes dans la comédie.

  • 406 AEB, Notariat général de Brabant 185 (notaire Lion). Voir l’annexe V.

384Enfin, le 7 janvier 1710 est conclu à Bruxelles un contrat d’association entre Dubourg et consorts406. Les emplois se répartissent comme suit :

  • Benoît Dubourg, les rois en chef et tous les rôles qui s’y rattachent ;

  • Louis Després de Verneuil, les premiers et seconds rôles tragiques et comiques en partage ;

  • Guillaume Capelle, dit Lasalle, les rôles comiques en chef, les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes rôles en partage ;

  • Louis Derval, dit Rosange, les seconds rôles comiques, les rôles de paysans, de gascons et de vieillards, les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes rôles tragiques en partage ;

  • Jacques Biet, dit Du Feys, les rôles de vieillards et d’ivrognes, les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes rôles tragiques en partage ;

  • Jeanne-Françoise de Lan, veuve de Jean Pallet, dit Bellefleur, les reines-mères et les rôles qui s’y rattachent ;

  • Marie-Catherine Anniessis, femme Du Feys, les premiers et seconds rôles tragiques en partage, les amoureuses en partage ;

  • Marie Girard, femme de Guillaume Capelle, dit Lasalle, les amoureuses, quelques seconds rôles, les troisièmes et quatrièmes rôles ;

  • Louise Chabot, veuve de Michel Tourneville, les rôles comiques en chef, les troisièmes rôles tragiques ;

  • Élisabeth Desurlis, femme de Charles de La Haze, dit Romainville, les premiers et seconds rôles tragiques en partage, les amoureuses dans la comédie ;

  • Barthélemy Derval, les premiers et seconds rôles tragiques et comiques en partage ;

  • Marie-Antoinette, fille de Tourneville (rôles d’enfants) ;

  • Suzon, fille de Lasalle (rôles d’enfants) ;

  • Charles Biet, dit Beauchamps, les rôles « qui luy seront marquez ».

385De l’examen de ces trois documents, il ressort que la typologie n’est pas des plus constantes, ni même la séparation entre les rôles comiques et les rôles tragiques. Retenons toutefois que le directeur se réserve les emplois de rois et les rôles qui s’y rattachent, dans la tragédie et l’opéra (par exemple le personnage de Thésée dans Phèdre). Tous les acteurs ayant un peu de voix sont réquisitionnés pour chanter dans les opéras et ceux qui savent danser le sont pour les intermèdes et les ballets. Dans des troupes de taille réduite (une petite dizaine de comédiens), chacun doit remplir plusieurs emplois.

386Ceci pose inévitablement des problèmes de distribution des rôles au sein d’une même pièce car, selon la complexité de l’œuvre, un même acteur devra nécessairement jouer plusieurs personnages correspondant aux emplois qui lui auront été assignés. Pour éviter les incompatibilités qui pourraient surgir, le directeur est souvent amené à rayer de son répertoire les pièces les plus complexes, laissant aux troupes fixes et aux théâtres des grandes villes le privilège de monter les grandes œuvres dramatiques et lyriques.

  • 407 Almanach historique et chronologique de la Comédie Françoise établie à Bruxelles, Bruxelles, 1754.
  • 408 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. II, p. 248-255.

387Pour une période de plus de quarante ans, nous manquons de documents concernant la distribution des rôles dans les troupes bruxelloises. Il faut attendre 1754 pour en connaître la répartition exacte et constater, grâce à un almanach407, l’apparition de fonctions mieux définies et d’emplois distincts d’un acteur à l’autre. Quelques années plus tard, la nouvelle vogue de l’opéra-comique donne naissance à des emplois spécifiquement lyriques, du moins pour ce qui est des rôles masculins. Ainsi, en 1762, Louis Compain chante les basses-tailles (timbre de voix intermédiaire entre le baryton et la basse d’aujourd’hui) et Jean-Baptiste Godard les hautes-contre (voix plus étendue dans les aigus que notre ténor). Quant aux rôles lyriques féminins, les actrices sont supposées être à la fois comédiennes et chanteuses, quel que soit leur emploi408.

  • 409 AEB, Tribunaux auliques 1589.
  • 410 AEB, Tribunaux auliques 2497. Voir aussi J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 235.

388Les contrats d’engagement d’acteurs sont rédigés de manière de plus en plus précise, à mesure qu’évolue le répertoire et que s’étoffe la troupe. Si le contrat d’Arnault, signé en 1704, ne comporte d’autre obligation que celle de « chanter à l’Opera de Bruxelles tous les rolles qui luy seront distribuées par Monsieur Fiocco »409, celui du danseur Nicolas Varinot, signé en 1757, l’oblige à « figurer […] dans tous les Ballets, danser pas seul, pas de deux, pas de 3 & de 4, à la réquisition et volonté du maître de ballet, s’habiller dans les pièces à spectacle, chanter dans les opera, opera comique, dans les chœurs, pieces d’agrément &a »410.

  • 411 AEB, Conseil privé autrichien 1054.
  • 412 AEB, Manuscrits divers 3847. Pierre-Claude Senisseler, dit Soligny, était né à Paris le 11 mars 174 (...)

389De la saison 1772-1773 à la saison 1776-1777, nous disposons de l’ensemble des contrats d’engagement, à quelques exceptions près, conclus entre les directeurs du Théâtre de la Monnaie et les acteurs. Ainsi, en 1772-1773, le contrat de Mme Pitrot-Verteuil stipule qu’elle est engagée pour « jouer les jeunes premiers rôles comiques » ; Dazincourt jouera « les seconds comiques » ; François Louis « les seconds rois et les troisièmes amoureux dans la tragédie » ; Mme Gontier « les premières soubrettes dans la comédie et les duègnes dans l’opéra » ; le contrat de Bigottini, pour la saison 1775-1776, précise qu’il est engagé pour « jouer les rôles d’Arlequin et prêter toutes ses machines et décorations »411. Quant à Soligny, il est engagé comme amoureux dans l’opéra, comme le confirme une lettre de Vitzthumb datée du 4 mars 1774 : « Monsieur, Vous trouverez ci-joint le Role de Clarens dans Sara ou la Fermiere Ecossaise que je vous prie d’apprendre tout de suite, souhaitant pour votre agrément et le Bien être de la Direction que vous débutiez par ce Role : car il est essentiel pour vous et pour nous que vous ayez un nouveau rôle dans lequel on ne puisse point vous juger par comparaison. »412

390Le répertoire devenant extrêmement varié et abondant, l’effectif de la troupe augmente considérablement. Devant l’exigence croissante du public, le souci des directeurs est non seulement d’offrir les talents les plus appropriés aux rôles à interpréter, mais encore et surtout de pouvoir faire face aux absences pour maladie, aux conflits entre condisciples, aux désistements, aux résiliations de contrats. Plusieurs comédiens occupent ainsi une double fonction : ils sont titulaires d’un emploi « en chef » (emploi principal) ou « en partage » (emploi réparti entre deux ou plusieurs comédiens) et occupent d’autres emplois « en double » (en remplacement).

391Tentons maintenant de tirer une typologie la plus claire possible – quoique fragile, tant les subtilités et les variantes sont nombreuses – dans les genres tragique, comique et lyrique.

Emplois masculins

Emplois féminins

Tragédie

premiers rôles

premiers rôles

seconds rôles

seconds rôles (ou princesses)

rois

reines

troisièmes rôles

troisièmes rôles

confidents

confidentes et suivantes

Comédie

amoureux

ingénues

jeunes premiers

amoureuses

marquis

jeunes premières

rôles à manteaux ou grimes

grandes coquettes

comiques et premiers rôles marqués

mères nobles

pères nobles

duègnes

financiers

rôles de caractères

raisonneurs

servantes ou soubrettes

rôles à livrée

valets

premiers comiques (grande livrée)

Crispin

seconds comiques (petite livrée)

paysans

niais

Arlequin

Opéra et opéra-comique

392Outre les premiers, seconds et troisièmes rôles masculins et féminins, on distingue schématiquement, dans les voix d’hommes, la basse-taille (baryton-basse), la taille (registre médium) et la haute-contre (ténor léger).

393Ajoutons à cette énumération les emplois calqués sur ceux qu’ont interprété de célèbres comédiens parisiens, comme Lekain dans la tragédie, Bellecour dans la comédie et la tragédie, Dangeville dans les rôles de niais, Laruette, Trial et Mme Dugazon dans l’opéra-comique, ou Mlle Clairon dans la tragédie.

L’interprétation

394Afin d’expliciter quelque peu la manière dont certains de ces rôles doivent être interprétés, laissons la parole à un grand amateur de théâtre, lui-même auteur de pièces et proche de la famille D’Hannetaire. Le prince de Ligne, dans ses Lettres à Eugénie, fournit des éclaircissements précieux sur le jeu des acteurs. Il a vu maintes fois Eugénie D’Hannetaire tenir les rôles de soubrettes et son admiration pour elle est sans bornes :

  • 413 C.-J. de Ligne, op. cit., p. 20-22.

C’était un prodige de jeu de physionomie, de gaieté, d’enjouement, de singerie. Elle ajoutait aux plus beaux yeux du monde la taille la plus agréable, disait plaisamment des drôleries au Tartuffe et au Philosophe marié, en entendait toutes les finesses, en mettait autant dans les pièces de Regnard, savait analyser les soubrettes de l’ancien et du nouveau théâtre […] et possédait les nuances d’intérêt sans tragique, de tendre sans fadeur, de gentillesse sans trop de gaieté […].
Elle distinguait le nouveau genre de femmes de chambre, telles qu’en ont les femmes de bonne compagnie, celles de la finance et de la robe, et jusqu’aux nouvelles servantes, même des théâtres allemand et anglais […].
Les travestissements, par exemple, leur appartiennent. Parce que, leur rôle exigeant
plus de feu et de hardiesse que les autres, elles doivent avoir un air délibéré qui peut à merveille les servir pour cela413.

*

395Des rôles de valets, Ligne écrit :

  • 414 Le Glorieux, comédie de Destouches (1732). Pasquin est le valet du Glorieux et Lafleur son laquais.
  • 415 C.-J. de Ligne, op. cit., p. 24.

Le valet du Glorieux414, par exemple, doit être joué différemment de ce petit bout de rôle, mais enfin qui en est un, de Lafleur. C’est un nigaud, qui […] doit apporter sur le théâtre un air toujours naïf ou toujours boudeur415.

396Plus loin, il ajoute :

  • 416 Ibid., p. 32.

La différence qu’il y a entre le valet et le Crispin, c’est que celui-ci doit être beaucoup plus leste […] et qu’il doit avoir l’air un peu bretteur, tandis que l’autre est poltron de bonne foi. Le Crispin demande aussi plus de jeu et de mines416.

397Des paysans, il dit :

  • 417 Ibid., p. 37.

Ils ne doivent pas être joués trop platement. On ne doit jamais peindre la nature qu’en beau. Mais ils doivent, par leur maintien, leurs révérences, leur ton de voix assuré et un peu plus gros que celui des autres, annoncer un grand air de bonne foi. Ils doivent s’embarrasser dans un compliment, corriger par leur air l’auteur quand il leur donne trop d’esprit, et faire ou dire une balourdise bien gaiement. Ils tournent leur chapeau sur le poing, ont les mains derrière le dos quand ils arrivent sur la scène ordinairement, gesticulant ensuite plus que les autres et criant toujours plus haut417.

398Quant aux niais :

  • 418 Ibid., p. 38.

[Ils] ne se jouent presque que de physionomie. Ils ont le corps, les mains, les jambes et tout bien ensemble, la voix un peu grêle, et tout ce qui caractérise la nigauderie, comme l’air bien étonné, par exemple418.

  • 419 Ibid., p. 41 et 44.

399Les rôles à manteaux, « personnages aussi gravement plaisants que les financiers », se caractérisent « par leur mauvaise humeur, leurs préjugés et leur bonne bourgeoisie ». Enfin, Ligne tient les rôles de caractère pour « une espèce d’invalides que l’on donne aux actrices à qui l’âge interdit le ton de la séduction et de l’attendrissement »419.

400Ligne écrit ces pages en 1774 et les remanie vingt-deux ans plus tard. La période révolutionnaire a déjà modifié sensiblement cette typologie. Avec l’apparition de nouveaux genres dramatiques au xixe siècle – comme le drame romantique, le mélodrame ou le vaudeville –, la nomenclature traditionnelle va subir de profonds changements, tandis que les rôles lyriques se fixeront progressivement autour des tessitures de voix, empruntant les dénominations courantes aux appellations italiennes.

*

401Nous avons passé en revue l’ensemble des informations dont nous disposons pour illustrer la vie du comédien itinérant : la constitution de la troupe, le recrutement des acteurs et leurs rôles sur la scène, le fonctionnement de l’entreprise théâtrale et les autorisations de jouer, la circulation des troupes et des individus. Il faut cependant déplorer, une fois encore, le manque crucial de documents fiables sur la vie des comédiens au quotidien. Pour le xviiie siècle, on a certes connaissance de plusieurs biographies, mémoires, souvenirs et romans divers. Mais quel crédit peut-on accorder à ces textes qui, écrits bien souvent tardivement, mélangent les dates et les faits, vantent les exploits du personnage principal, passent imperceptiblement de la réalité à la fiction ? Quels enseignements tirer de ces lignes souvent écrites par des auteurs présomptueux, par des biographes complaisants, voire par des hagiographes sélectifs ?

402L’authenticité plus que suspecte de ces ouvrages, qu’on cite pourtant fréquemment, incite à la prudence : les Mémoires de Fleury et de Dazincourt sont truffés d’erreurs et de méprises. Les faits y sont toujours dépeints à l’avantage du protagoniste et arrangés au goût du jour, l’ordre chronologique n’est jamais certain car ces mémoires ont été rédigés longtemps après les faits. D’autres ouvrages sembleraient plus véridiques, si ce n’était le ton graveleux, voire ordurier, qui donne à son tour une image douteuse de la réalité.

403Si quelques biographies de comédiens connus sont parvenues jusqu’à nous, il n’en va pas de même des comédiens de second ordre. Or, ce sont précisément ces personnages plus obscurs qui éclaireraient le mieux la vie quotidienne d’artistes marginaux, dont les seules ambitions sont de plaire au public et de boucler les fins de mois. L’ensemble des documents d’archives n’offrent malheureusement qu’une image extrêmement floue et incomplète du métier et des personnages qui le pratiquent. Face à cette indigence, toute nouvelle trouvaille doit être versée au dossier, car elle constitue une chance inespérée de parfaire nos connaissances sur un univers fugace par essence.

404La seconde moitié du siècle se caractérise par une lente sédentarisation des troupes : les directeurs demeurent plus longtemps dans une même ville, pour autant que l’accueil du public leur soit favorable et que l’entreprise financière soit équilibrée. En revanche, les comédiens continuent de sillonner l’Europe au gré des contrats. Les « vedettes » entreprennent de longues tournées, donnant çà et là quelques représentations, de leur propre initiative ou à la demande des directeurs. Leur passage est toujours l’occasion d’un triomphe public et d’une recette exceptionnelle. Les comédiens moins connus exercent leurs talents en province, parfois pendant de nombreuses années, dans l’espoir d’être un jour à la hauteur d’un engagement à Paris. Les motivations profondes du nomadisme ont changé : d’économiques qu’elles étaient, elles deviennent essentiellement professionnelles, même lorsque l’argent accompagne l’ambition.

405Au chapitre suivant, nous analyserons les principales causes qui, selon nous, ont présidé à la sédentarisation des troupes. Ces causes sont généralement extérieures à la troupe et sont le fait tantôt du public, tantôt du répertoire ou de la politique culturelle des villes.

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Notes

1 J. Duvignaud, L’Acteur, Paris, Écritures, 1993, p. 109.

2 M. de Rougemont, La Vie théâtrale en France au xviiie siècle, Genève, Slatkine, 1988, p. 194.

3 A. Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre, Paris, Firmin-Didot, 1885, p. 664-665 ; M. Venard, La Foire entre en scène, Paris, Librairie théâtrale, 1985, p. 57.

4 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, Paris, Berger-Levrault, 1877, décrit une multitude de spectacles de ce genre montrés sur les foires du xviiie siècle.

5 Ibid., t. I, p. XXII.

6 La somme de nos connaissances sur le sujet a été réunie par G. Mongrédien et J. Robert dans un dictionnaire biographique intitulé Les Comédiens français du xviie siècle, op. cit.

7 P. Scarron, Le Romant comique, Paris, Toussainct Quinet, 1651. Nombreuses rééditions, y compris du vivant de l’auteur.

8 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois. Divisé en trois livres, Lyon, Michel Mayer, 1674. Rééditions Bruxelles 1867 et Paris 1875.

9 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, Paris, CNRS, 1986, p. 8.

10 Ibid., p. 51.

11 Le secrétaire de la ville Jean-Baptiste Grimberghs, le banquier Jean-Baptiste Meeus ou le négociant Joseph Bruseau de La Roche, par exemple.

12 M. de Rougemont, op. cit., p. 176-177.

13 L’Hôtel de Bourgogne en premier, le Théâtre du Marais ensuite (1634), puis celui du Palais-Royal (1658).

14 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 10.

15 AEB, Tribunaux auliques 1589.

16 J. de La Gorce, L’Opéra à Paris au temps de Louis XIV, Paris, Desjonquères, 1992, p. 119-121.

17 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, Cologne, Héritiers de Pierre le Sincère, 1706, p. 25-26.

18 AEB, Notariat général de Brabant 184 (notaire Lion). Cet acte concerne la troupe de l’électeur de Bavière, composée de Châteauvert et ses deux fils, Chalons, Lavoy et sa femme, Desurlis, Villedieu, sa femme et sa belle-sœur.

19 AEB, Notariat général de Brabant 185 (notaire Lion). Cet acte concerne Du Bourg, La Salle et sa femme, Verneuil (ou Vernevil), Du Fey et sa femme, Rosange, sa future épouse et son frère, la veuve Tourneville, Mlles Bellefleur et Romainville. Voir le texte complet à l’annexe V.

20 AEB, Notariat général de Brabant 3400 (notaire Rasch). Jean-Jacques-François Drouin était né à Paris le 1er octobre 1716. Arrivé à Bruxelles en 1738, il y épousa en premières noces Charlotte Bergé. Il débuta à la Comédie-Française le 20 mai 1744 et épousa en secondes noces, à Paris en 1750, la comédienne Jeanne-Élisabeth Gaultier. Il mourut à Paris le 11 avril 1790.

21 É. Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne, Paris, Berger-Levrault, 1880, t. I, p. XXIII.

22 A. d’Origny, Annales du Théâtre Italien, Paris, Veuve Duschesne, 1788, t. I, p. 27.

23 Cette indication est donnée par M. Venard, op. cit., p. 17. L. Vallas, Un siècle de musique et de théâtre à Lyon, Lyon, Masson, 1932, ne confirme pas cette information.

24 AVB, fonds ancien 2233, 3458-3460, portefeuilles 1-37. Concernant Gasparini, nous avons retrouvé un document intéressant à relever : il s’agit d’un passeport qui lui a été délivré par le Magistrat de Bruxelles le 22 novembre 1720 : « François Gasparini d’assez grande taille agé de 65 ans aiant les yeux bruns et perucque blonde ». AVB, fonds ancien 3153, passeport no 2347.

25 M. de Rougemont, op. cit., p. 263-264.

26 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, op. cit., t. II, p. 250-285.

27 « Va dinao » (il va dîner). Ibid., t. I, p. XIX, note 1.

28 Ibid., t. II, p. 363.

29 M. de Rougemont, op. cit., p. 266 ; J. de La Gorce, op. cit., p. 140-142.

30 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle, Paris, E. Droz, 1933, p. 24-26.

31 AVB, fonds ancien 1760 (Resolutieboecken) ; Gand, Stadsarchief, Oud Archief 200/7 (Schouwburg).

32 M. S. Djelassi, op. cit., p. 160-163.

33 J. Nattiez et R. Thomas-Coële, « Les questions de Max Fuchs », in Y. Giraud (dir.), La Vie théâtrale dans les provinces du Midi, Tubingue, Gunter Narr Verlag, 1980, p. 226 ; M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 47 ; H. Lagrave, C. Masouer et M. Regaldo (éds), La Vie théâtrale à Bordeaux des origines à nos jours, Paris, CNRS, 1985, p. 312.

34 J. Bonnassies, La Comédie-Française et les comédiens de province, Paris, Léon Willem, 1875, p. 7-9.

35 F. Rousseau, « Documents pour l’histoire du théâtre français en Belgique », Revue belge d’histoire, 1914, t. I, p. 155.

36 F. Faber, op. cit., p. 4-8.

37 C. S. Favart, Mémoires et correspondance littéraires, dramatiques et anecdotiques, Paris, Léopold Collin, 1808, 3 tomes.

38 Ibid., t. I, p. 45 (lettre du 28 décembre 1762).

39 Ibid., p. 133 (lettre du 29 juillet 1763).

40 Louis-Gabriel Cabre, dit Bercaville, était né à Paris vers 1710. Le 20 juillet 1738, il avait épousé à Strasbourg Julienne-Nicole Sabatier, née à Saint-Servan près de Saint-Malo le 25 février 1713. Strasbourg, Archives municipales, registre M 29 (mariages de la paroisse Saint-Laurent) ; Saint-Servan, Archives municipales, registre de l’année 1713. Bercaville fit partie de la loge maçonnique bruxelloise L’Heureuse Rencontre.

41 Almanach historique et chronologique de la Comédie Française établie à Bruxelles, 1754, fo 43 vo.

42 J. Fransen, op. cit., p. 299.

43 Manuscrit trouvé à la Bastille, s.l., 1789, p. 4.

44 Claire-Josèphe Léris de La Tude, dite Mlle Clairon, sociétaire de la Comédie-Française.

45 [F.-A. de Chevrier], L’Observateur des spectacles, La Haye, H. Constapel, 1762-1763, t. I, p. 333-334.

46 Ibid., t. II, p. 254.

47 AEB, Conseil privé autrichien 1054 ; Manuscrits divers 1808, 3846, 3847, 3848, 3977. Cette correspondance est d’une extrême importance pour l’histoire du Théâtre de la Monnaie et pour l’histoire du théâtre en général.

48 François-Hyacinthe-Guillain Cressent de Bernault dirigea plusieurs troupes, notamment à Rouen, Angers, Nantes, Bordeaux et Saint-Quentin. Il mourut à Montmartre le 8 mars 1789.

49 AEB, Manuscrits divers 1808. Bien en cour, la Montansier était à cette époque directrice des spectacles de Bretagne ainsi que des spectacles « à la suite de la Cour ».

50 AVB, registres 172 (décès de la paroisse Sainte-Gudule) et 471 (baptêmes de la paroisse Saint-Nicolas).

51 AEB, Manuscrits divers 1808. Dans une lettre du 2 mars, Compain écrit « ce coquin de Patras ».

52 Dictionnaire de Trévoux, Paris, Compagnie des Libraires associés, 1752, t. I, col. 1924 : « On appelle brouettes, ces petites chaises à deux roues qui sont traînées par des hommes, & aussi les carrosses mal propres & mal attelés. »

53 AEB, Manuscrits divers 3847.

54 AEB, Notariat général de Brabant 184 (notaire Lion) ; G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 235.

55 Copenhague, Archives nationales (baptêmes de l’Église catholique romaine) ; Lille, Archives municipales (baptêmes de la paroisse Saint-Étienne) ; Gand, Stadsarchief, registre 143 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas) ; AVB, registre 465 (baptêmes de la paroisse Saint-Nicolas).

56 Au sujet de Mme Montansier, voir l’ouvrage un peu romancé de Louis-Henri Lecomte (Paris, Félix Juven, 1904) et la biographie de Patricia Bouchenot-Déchin (Paris, Perrin, 1993).

57 Joseph Bruseau de La Roche, né à Paris et époux de Marie-Caroline de Lorme, était acteur, dramaturge et « marchand tapissier ». Il mourut à Bruxelles le 17 juillet 1750 en son domicile de la rue de l’Évêque. AVB, registre 165 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

58 J. Bruseau de La Roche, Le Jugement comique ou La revue des spectacles de Bruxelles. Bruxelles, N. Stryckwant, (1731), p. 19.

59 Lundi 18 janvier 1762. L’article de Chevrier est daté du 1er février.

60 En 1757 déjà, Joannes Franciscus Cammaert traduisit en flamand cette comédie de Favart et la fit imprimer ; elle a pour titre Ninette in het hof, ofte de verliefe eygensinnigheyt, blyspel in dry deelen, gemengt met sangen. Brussel, Joannes Josephus Boucherie, 1757. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, cote Faber 2047 A IV Mus.

61 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 164-165. Guillaume-Joseph Charliers de Buisseret, seigneur de Borghravenbroeck, était surintendant du canal de Willebroeck et trésorier de la Ville. Un octroi de 1761 lui confia la direction du Théâtre de la Monnaie en 1763, charge qu’il partagea jusqu’en 1767 avec Pierre Gamond, intendant des biens de Charles de Lorraine, et avec le musicien et compositeur Pierre Van Maldere, premier valet de chambre du prince.

62 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois, op. cit., p. 82-83.

63 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 176 et 207.

64 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 54.

65 M. de Rougemont, op. cit., p. 183.

66 [J.-B. Durey de Noinville], op. cit., t. II, p. 99-102.

67 J. de La Gorce, « Une académie de musique en province au temps du Roi-Soleil : l’Opéra de Rouen », La Musique et le rite sacré et profane, Strasbourg, Associations des publications près les Universités de Strasbourg, 1986, t. II, p. 475 et ss.

68 João Gomez da Silva, comte de Tarouca, avait pris part aux négociations de la Paix d’Utrecht (1713).

69 Nicolas Desfontaines aurait été commis du marquis de Louvois.

70 [P. Bonnedame dit Desforges], Mémoires anecdotes pour servir à l’histoire de M. Duliz, Londres, Samuel Harding, 1739, p. 22-23.

71 Bordeaux, Archives municipales, BB 105.

72 Bayonne, Archives départementales et municipales, FF 189 et FF 542.

73 Lille, Archives municipales, registre des mariages de la paroisse Saint-Étienne.

74 M. Grut, Royal Swedish Ballet. History from 1592 to 1962, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 2007, p. 47.

75 J. G. Walther, Musicalisches Lexikon, Leipzig, 1732, citant le Hof- und Staats-Calender de 1729.

76 AVB, registre 478 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

77 La Haye, Archives municipales, registre 356 (Carmes déchaussés).

78 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique ; ou portraits caracterisez des principaux sujets, qui l’ont composé depuis le premier de Janvier 1705 jusqu’au seize Mars 1706. A Cologne, Chez les Heritiers de Pierre le Sincere. 1706. [Gand, Meyer], 1706, in-12o de 46 pages. On en trouvera le texte intégral dans M. Couvreur, Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 311-319.

79 Quesnot était protestant. Il avait été intendant du Théâtre de La Haye en 1702 sous la direction du couple Deseschaliers. Il fut évincé de son poste pour mésentente. Il fit probablement partie de la troupe de Bruxelles en 1705-1706, puis dirigea le Théâtre de Gand la saison suivante. Il était né à Sommières vers 1664 et fut inhumé à Amsterdam le 8 novembre 1708. Voir J. Fransen, op. cit., p. 195.

80 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, op. cit., p. 17 et 29. « La Lubrique » désigne Mlle Voilier, « Le Scélérat » M. Laplante et « L’Impertinente » Mlle Montfort.

81 Nouvelles fêtes vénitiennes et divertissemens comiques, représentés par l’Academie de Musique. A Brusselle, MDCCXV. Livret in-8o de 53 pages. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, cote II 8002 A Mus. Voir aussi E. Vander Straeten, La Musique aux Pays-Bas, op. cit., p. 191-193.

82 Omphale, tragedie. Representée par l’Academie de Musique le 4 Novembre, Fête de Sa Majesté Imperiale & Catholique. A Brusselle, MDCCXV. Livret in-8o de 46 pages. Bruxelles, Conservatoire royal de musique, cote UU 18.923. Voir aussi E. Vander Straeten, La Musique aux Pays-Bas, op. cit., p. 193-194.

83 Pirithoüs, tragedie, representée par l’Academie royale de Musique. A Brusselle. Avec Privilege de Sa Majesté Imp. & Cath. MDCCXXV. Livret in-8o de 39 pages. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, cote II 22.738 XXIX,376 A Mus.

84 J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 83-88.

85 Pirithoüs, tragedie, representée par l’Academie royale de Musique. A Brusselle, M.DCC.XXVI. Avec privilege. Livret in-8o de 39 pages. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, cote Faber 1529.

86 C. S. Favart, op. cit., t. I, p. XXIII.

87 M. Haine, « Charles-Simon Favart à la tête du Théâtre des armées du maréchal de Saxe à Bruxelles (janvier 1746-décembre 1748) », in P. Vendrix (éd.), Grétry et l’Europe de l’opéra-comique, Liège, Mardaga, 1992, p. 286 et ss.

88 Bernard, Tableau du spectacle français, Maastricht, J. T. Van Gulpen, 1781, p. 117-118 ; F. Faber, op. cit., t. I, p. 185-186.

89 Hippolyte-Joachim Faussabry de Langellerie était claveciniste et il accompagnait souvent Mme Favart dont il tomba amoureux. Jaloux de cette complicité, le maréchal de Saxe le fit incarcérer à la prison du For l’Évêque le 11 janvier 1750. Il en sortit le lendemain et vint probablement s’installer à Bruxelles la même année. Dès 1760, on le retrouve comme maître de musique au Théâtre de Lyon. Voir Manuscrit trouvé à la Bastille, op. cit., p. 11-12 ; F. Funck-Brentano, La Bastille des comédiens. Le For l’Évêque, Paris, Albert Fontemoing, 1903, p. 172-177 ; L. Vallas, op. cit., p. 305 et 391.

90 Almanach historique et chronologique de la Comedie Françoise, etablie à Bruxelles, sous la Protection de S. A. R. le Prince Charles de Lorraine. M.D.CC.LIV. In-12o de 78 f. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, II 42.961 A LP.

91 Almanach historique et chronologique de la Comedie Françoise, etablie à Bruxelles, sous la Protection de S. A. R. le Prince Charles de Lorraine. Pour l’année 1755. MDCCLV. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, cote G.D. 2696 8o (unique exemplaire connu).

92 Sur Madeleine-Céleste Fieuzal, dite Durancy, voir la notice en ligne dans le dictionnaire SIEFAR.

93 Marie-Anne Cortini, dite Pantalonciny, était née en 1736. Elle avait épousé à Bruxelles, le 10 mai 1755, le comédien, chanteur et peintre Jean-François Lejeune. Elle quitta Bruxelles deux ans plus tard et mourut à Chantilly le 7 février 1802. Son mari débuta à la Comédie-Italienne en 1760 et mourut à Paris le 17 novembre 1769.

94 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 49.

95 [J.-J. Quesnot de La Chenée], Parnasse Belgique, op. cit., p. 13, 17 et 18.

96 Gazette de Bruxelles, no XXXIV, supplément du 8 août 1749.

97 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. I, p. 275 ; t. II, p. 44 et 104. Françoise Charrin, dite Lucile, était née à Lyon le 9 mars 1724, fille d’un « porteur de chaise ». Le 26 octobre 1740, elle avait épousé à Lyon le musicien et luthier Jean-Baptiste Soli, dit Mondor. Elle ne passa qu’une seule saison à Bruxelles et s’en retourna à Lyon où elle mourut le 9 juin 1763 après avoir renoncé au théâtre.

98 M. de Rougemont, op. cit., p. 43 et ss ; P. Vendrix (éd.), L’Opéra-comique en France au xviiie siècle, Liège, Mardaga, 1992 ; P. Vendrix (éd.), Grétry et l’Europe de l’opéra-comique, Liège, Mardaga, 1992.

99 M. Fuchs, « Charles Bernardy et sa troupe d’enfants », Bulletin de la Société des historiens du théâtre, janvier-mars 1935, p. 19-27.

100 Voir l’annexe II, la généalogie de la famille Bernardy telle que nous avons pu la reconstituer.

101 Anvers, Stadsarchief, registre 21 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).

102 AVB, registre 449 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

103 Anvers, Stadsarchief, registre 200 (mariages de la paroisse Notre-Dame Sud).

104 AVB, registre 360 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame de la Chapelle). En 1727, Françoise Chaumont jouait à La Haye. Voir J. Fransen, op. cit., p. 267.

105 Anvers, Stadsarchief, registre 23 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).

106 Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse Saint-Étienne.

107 Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse Saint-Étienne.

108 Né vers 1705, Raymond-Balthazar Dourdé avait épousé Catherine Lany, sœur du maître de ballet de l’Opéra de Paris Jean-Barthélemy. On le rencontre à Lille en 1740, à Gand en 1746, à Rouen l’année suivante, à nouveau à Lille en 1749, puis il se fixa à Dijon où il épousa en secondes noces, le 18 novembre 1766, Marguerite Lemercier. Il mourut à Dijon le 3 janvier 1775.

109 Il faut sans doute lire Michu (ou Michut), comédien qui joua à Bruxelles, à Hambourg et dans de nombreuses villes de France. Il eut au moins deux fils comédiens.

110 Jean-Michel Babron était né à La Rochelle le 26 mai 1713, fils d’Augustin et de Louise Couvrechef, tous deux acteurs et danseurs forains. Il avait épousé Anne-Marie Restier, également fille d’acteurs forains. Il mourut en 1770.

111 L. Lefebvre, op. cit., p. 241 ; Lille, Archives municipales, registre des baptêmes de la paroisse Saint-Étienne. Charles Farin était né à Franqueville-Saint-Pierre le 26 novembre 1685. Il épousa Barbe Hautemer à Rouen le 12 janvier 1717 et prit dès lors de nom de scène de « Farin de Hautemer ».

112 Paul-Ignace Desjardins avait épousé à Bruxelles, le 22 janvier 1755, sa collègue Éléonore Clousier. Le couple termina sa carrière à Lausanne dans les années 1780.

113 Fils du libraire parisien Pierre Ribou, Nicolas Ribou, né à Paris vers 1720, avait épousé à Bordeaux, le 15 août 1740, Marie-Jeanne Corby. Selon certaines sources, il mourut à Vienne le 10 mai 1759, selon d’autres à Bruxelles le 10 mai 1773. Cette dernière date n’a pas été confirmée par nos recherches.

114 Nicolas Bourdais était né à Paris le 18 avril 1707. Le 23 septembre 1736, il épousait à La Haye sa collègue Jeanne Rigot. Il mourut à Abbeville le 17 octobre 1784. Sa fille Marie-Jeanne épousa Joseph-François Anselme, dit Baptiste, à Calais le 31 août 1759.

115 Marcel Corbin était né à Angers le 1er janvier 1722. Le 4 juillet 1751, il épousa à La Haye Rose Frasi, qui mit au monde la future Mme Clairville le 12 juillet 1755 à Angers.

116 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780-1803.

117 J. Fransen, op. cit., p. 304.

118 B. A. Brown, Gluck and the French Theatre in Vienna, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 66-69.

119 Aus des Zeit Maria Theresias. Tagebuch des Fürsten Johann Joseph Khevenhüller-Metsch, kaiserlichen Obersthofmeisters 1742-1776. Cité par B. A. Brown, ibid., p. 68.

120 B. A. Brown, ibid., p. 450 et 464-472.

121 Journal étranger, mai 1760, p. 107-108.

122 P. Gumpenhuber, Répertoire de tous les spectacles qui ont été donné [sic] au Théatre de la Ville, carnets manuscrits cités par B. A. Brown et par M. H. Winter, The Pre-Romantic Ballet, Londres, Pitman, 1974, p. 105, avec illustration.

123 B. A. Brown, op. cit., p. 466-468.

124 Ce ballet fut représenté à Bruxelles le 29 mai 1763 et repris à Liège en novembre 1768 – où il fit l’objet d’une publication imprimée de 8 pages –, à Gand les 9 et 19 mars 1769 et à Spa le 16 juin 1769. Voir H. Liebrecht, op. cit., p. 209 ; P. Claeys, Histoire du théâtre à Gand, Gand, Vuylsteke, 1892, t. II, p. 142-143 ; A. Body, Le Théâtre et la musique à Spa, Bruxelles, Rozez, 1885, p. 10. Le livret du ballet est conservé à Liège, Bibliothèque des Chiroux, Fonds Capitaine no 5873. Rhœcus fut même représenté à Stockholm le 24 février 1768, « pour le bénéfice du Sr. Frossard & de son Epouse », Stockholm, Bibliothèque royale de Suède, cote SB17 : 820610g06.

125 Gazette des Pays-Bas, 27 juin 1763.

126 Catalogue de vente de la maison Sotheby’s, 12 novembre 1979.

127 Marie-Denise Bernardy avait 16 ans à ce moment.

128 Bernardy avait connu Jean-Joseph Chamant à Vienne où ce dernier travailla de 1752 à 1761 au moins. Au sujet de ce décorateur de théâtre, voir notamment P. De Zuttere, « Notes sur quelques décorateurs », in M. Couvreur (éd.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 249-255. C’est également à Vienne que Bernardy fit la connaissance de l’architecte et décorateur Jean-Nicolas Servandoni. Le 20 janvier 1766, lors de son service funèbre à Paris, Bernardy fut l’un des témoins cités. Voir A. Lance, Dictionnaire des architectes français, Paris, Vve A. Morel et Cie, 1872, t. II, p. 275.

129 Gazette des Pays-Bas, 27 juin 1763.

130 P. Highfill et al., Biographical Dictionary of Actors, Carbondale, Southern Illinois University Press, 1973-1993, t. II, p. 49.

131 Amiens, Archives municipales FF 1308 et 1309.

132 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780-1803.

133 Louis-François-Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788). Paris, Bibliothèque nationale de France, Registres de l’Opéra-Comique, Réceptions et retraits d’acteurs, 1759-1794.

134 Paris, Bibliothèque nationale de France, Registres de l’Opéra-Comique, Recettes journalières 1765-1766. D’Origny ne la mentionne pas.

135 Anvers, Archives communales, registre 200 (mariages de la paroisse Notre-Dame Sud).

136 Anvers, Archives communales, registre 24 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame Sud).

137 E.-D. De Manne, Galerie historique des comédiens de la troupe de Talma, Lyon, N. Scheuring, 1866, p. 87.

138 Bordeaux, Archives municipales, GG 1003d.

139 L. Péricaud, Théâtre de « Monsieur », Paris, E. Jorel, 1908, p. 19. La basse-taille est dénommée aujourd’hui « basse chantante », proche du baryton-basse.

140 H. Lagrave, C. Masouer et M. Regaldo (éds), op. cit., t. I, p. 358.

141 J. Fransen, op. cit., p. 379.

142 Anvers, Stadsarchief, Schepenregister 1289. Voir l’annexe III.

143 J. Martiny, Histoire du Théâtre de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1887, p. 28 ; H. Hamal, Annales de la musique et du théâtre à Liège, Liège, Mardaga, 1989, p. 78-79 et 100.

144 P. Claeys, op. cit., p. 140.

145 Ibid., p. 142-143.

146 A. Body, op. cit., p. 17.

147 Spa, Archives communales, registre paroissial 6.

148 Bernard, op. cit., p. 183.

149 Ibid., p. 186.

150 AEB, Manuscrits divers 3846. Les rôles de financiers et à manteaux étaient tenus par des comédiens d’un certain âge, comme le rôle de Bartholo dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais ; ceux de paysans incarnaient des hommes simples, tantôt crédules, tantôt rusés, comme le rôle de Sganarelle dans Le Médecin malgré lui de Molière.

151 AEB, Manuscrits divers 3848.

152 A. Body, op. cit., p. 13.

153 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 205.

154 « Brabandsche Kinderen ».

155 Le sieur Frédéric, de son vrai nom Frédéric Schreuder (et non Sluyter comme l’indique à tort Fransen), avait commencé sa carrière comme « machiniste » au Théâtre de La Haye vers 1750. Il avait épousé Antoinette Malter, fille du maître de danse Jean-François Malter, née à Lyon le 1er mars 1727. Le couple eut plusieurs enfants, dont trois filles au moins (Louise, Caroline et Charlotte) jouèrent au Théâtre-Italien de Paris.

156 Prévôt ou bourgmestre.

157 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21331.

158 Gazette van Antwerpen, no 31, 18 avril 1775. Traduction de l’auteur : « Hier s’est ouvert sur notre Théâtre le nouveau spectacle des Enfants brabançons et des élèves du Sieur Bernardi, natif de cette ville, avec la farce muette La Naissance d’Arlequin. Ces enfants, âgés de 4 à 12 ans, représenteront pour suivre diverses autres pantomimes, également mêlées d’ariettes et rehaussées de nombreux accessoires, de changements, et de décorations nouvelles, peintes avec qualité. La grande et belle musique, et l’exécution de cette première pièce avec un monologue très convenable ont mérité l’applaudissement général, de sorte que ce spectacle ne l’a en rien cédé à celui du célèbre Sieur italien Nicolini. »

159 Gazette van Antwerpen, no 39, 16 mai 1775. Traduction de l’auteur : « Avec l’applaudissement des étrangers de distinction, les Enfants brabançons et les élèves du Sieur Bernardi ont continué à donner sur notre grand Théâtre leurs farces muettes, mêlées d’ariettes, tirées des meilleurs opéras français. Celui du Déserteur [d’après Sedaine et Monsigny, 1769] et de La Fée bienfaisante [d’après Panard, 1736], rehaussé de décorations d’invention nouvelle, d’œuvres d’art, de réformes et de changements, mérita aussi l’applaudissement général, de même que les nouveaux spectacles suivants viendront surpasser l’attente du public. Cette pièce fut représentée avant-hier soir pour la troisième fois, et sera suivie le 21 de ce mois par la nouvelle pièce Le Bûcheron [d’après Guichard et Castet, musique de Philidor, 1763], avec les plus beaux ballets, et une excellente musique. »

160 R. Coppieters, Journal d’événements divers et remarquables (1767-1797), Bruges, L. De Plancke, 1907, t. I, p. 9.

161 Amiens, Archives municipales FF 1311.

162 A. Durieux, Le Théâtre à Cambrai avant et depuis 1789, Cambrai, J. Renaut, 1883, p. 76. Les archives de Cambrai ayant presque entièrement brûlé pendant la Première Guerre mondiale, c’est la seule source à laquelle on puisse se fier pour l’histoire théâtrale de cette ville. Casimir était né Jean-Baptiste Esse à Grandpré (diocèse de Reims) et mourut à Gand le 22 décembre 1785. Gand, Archives communales, registre 135 (paroisse Saint-Nicolas). Henri O’Doughorty, dit Delatour, fit imprimer à La Haye en 1782 une comédie, Le Bonheur de la vertu, puis il alla jouer à Stockholm de 1782 à 1790. En 1792, il devint le représentant de l’Opéra royal de Suède à Paris, mais fut arrêté et renvoyé en 1805, soupçonné d’espionnage.

163 AEB, Manuscrits divers 3848.

164 AEB, Manuscrits divers 3848.

165 Dijon, Bibliothèque municipale, Ms 742bis.

166 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

167 Bernard, op. cit., p. 245 ; H. Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, Paris, Librairie de l’Art du théâtre, 1904, t. II, p. 61.

168 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

169 Le Mans, Archives départementales, dossier « Archives communales » 611.

170 Angers, Archives municipales, FF 41.

171 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 18.

172 R. Coppieters, op. cit., p. 16.

173 G. Lecocq, Histoire du Théâtre de Saint-Quentin, Paris, Raphael Simon, 1878, p. 136.

174 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21332.

175 L’escalin vaut 6 sols 3/4, il faut donc environ trois escalins pour un florin.

176 Le Vauxhall d’hiver était situé à la Foire Saint-Germain. « Ouvert en 1773 ou 1774, cet établissement donnait des bals d’enfants, de jolis ballets-pantomimes, avec musique militaire, et faisait tirer chaque jour une loterie de bijoux pour laquelle chaque spectateur recevait un billet gratis en entrant. Le Vauxhall d’hiver, qui paraît n’avoir obtenu qu’un médiocre succès, fut démoli en 1785 » (A. Pougin, op. cit., p. 439).

177 AEB, Conseil privé autrichien 1053A.

178 L’octroi exclusif accordé aux directeurs du Théâtre de la Monnaie le 29 mars 1782 prévoit en effet que seuls ces directeurs ont le droit de donner des spectacles publics à Bruxelles ou d’en accorder l’autorisation à d’autres troupes. AEB, Conseil privé autrichien 1053A. Document publié par F. Faber, op. cit., t. IV, p. 69-72.

179 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21332.

180 Gazette de Liège, du 16 au 26 février 1781.

181 Bernard, op. cit., p. 243.

182 Né à Spa le 13 août 1769, décédé à une date inconnue.

183 Née à Anvers le 28 décembre 1766, décédée à Orly le 23 février 1818.

184 Née à Liège le 6 juin 1768, décédée à Henri-Chapelle le 13 avril 1830 ; elle fut la maîtresse du prince de Ligne.

185 Née à Spa le 25 août 1769, décédée à Strasbourg le 28 mars 1813.

186 Né à Vienne le 20 juin 1759, décédé à Strasbourg le 23 juin 1815.

187 Bernard, op. cit., p. 243-245.

188 P. Claeys, op. cit., p. 172 ; R. Coppieters, op. cit., p. 30.

189 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14.

190 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1786.

191 Pierre-Marie Rousseau, dit Darmancourt, était né à Stockholm le 10 juin 1767 (Stockholm, Archives municipales, Chapelle de France, Cla : A1). Il quitta la troupe à la fin de la saison 1785-1786 et épousa à Montpellier, le 5 février 1787, Victoire Pommier.

192 Joachim Genevay, dit Gazel, était né à Lyon le 2 mai 1755. Il termina sa carrière à Amsterdam dans les années 1810.

193 François-Joseph Bernardy était né à Vienne le 18 décembre 1756 et mourut à Brest le 10 mai 1822.

194 Anne Guilbert était née à Paris le 23 décembre 1764 et décédée à une date inconnue.

195 Marie-Denise Bernardy était née à Anvers le 16 juillet 1746 et décédée à une date inconnue.

196 F. Faber, op. cit., t. I, p. 153 ; J. Martiny, op. cit., p. 59 ; Gazette de Liège, 5 mai 1786.

197 Pierre-Henri de Moulinneuf, dit Montroze, était né à Marseille le 28 février 1761. Le 5 novembre 1781, il épousa à Bruxelles Angélique-Madeleine Coudurier, dite Mlle Cénas, née à Stockholm le 14 mai 1757. Il mourut à Amsterdam le 28 mars 1837.

198 Marie-Agathe Moiret, née à Versailles le 30 mars 1757, épousa à Gand, le 29 décembre 1781, le comédien Joseph-Antoine-Balthazar-Maurice de Filtz de La Sablonne.

199 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1787.

200 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1792.

201 F. Faber, op. cit., t. II, p. 215.

202 Ibid., p. 176 ; J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 172. Pierre-Claude Péguchet, dit Linsel, était né à Reims le 19 juin 1775 et mourut à Laeken le 25 septembre 1826.

203 Bernard, op. cit., p. 187-189.

204 J. C. Le Vacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, Paris, Janinet, 1786-1789, t. II, no XXVI.

205 E.-D. De Manne, op. cit., p. 87-94 ; H. Lyonnet, op. cit., p. 60-61.

206 Paris, Archives nationales, Minutier central, MC/ET/VIII/1355.

207 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 40.

208 Non placées sous la protection d’un seigneur.

209 C. S. Favart, op. cit., t. III, p. 82-83.

210 L. F. Dorvigny, Le Nouveau Roman comique, Paris, Vatar-Jouannet, an IX (1801), t. I, p. 13-14.

211 C.-J. de Ligne, Lettres à Eugénie sur les spectacles, Bruxelles, Paris, Champion, 1922, p. 114.

212 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1028.

213 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1029.

214 De La Haze – et non de La Haye comme l’indiquent tous les historiens du théâtre – était né à Paris vers 1640 et épousa en secondes noces Élisabeth Desurlis, à La Haye, le 14 février 1683. Il joua longtemps en Hollande. La Haye, Gemeentearchief, registre 344 (baptêmes et mariages de la « Franse gezant » [ambassade de France]) ; J. Fransen, op. cit., p. 152 et ss.

215 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 74, 174, 182 et 183 ; AVB, registre 159 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

216 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1031.

217 Friedrich August comte de Harrach (1696-1749), gouverneur intérimaire des Pays-Bas autrichiens.

218 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.

219 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 2264. Pierre-Louis Gautrin, dit de La Sozelière, était né à Pontoise le 15 novembre 1739. Il débuta à la Comédie-Française le 30 août 1772, puis passa à Toulouse en 1775 et joua à Bordeaux de 1776 à 1783 avec sa femme, puis à Bruxelles de 1786 à 1790. L’année suivante, il joua à Paris, au Théâtre du Marais, où il termina sa carrière. Il mourut à Paris en décembre 1812. Fin 1772, il épousa Catherine-Charlotte Boyron, dite Baron, née vers 1745 et morte après 1812.

220 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 90 et ss.

221 Ibid., p. 90-91.

222 Ibid., p. 94-95.

223 AEB, Notariat général de Brabant 1639 (notaire Janssens). Voir F. Faber, op. cit., t. IV, p. 228.

224 AEB, Notariat général de Brabant 267 (notaire De Bruyn). Voir H. Liebrecht, op. cit., p. 86.

225 Calendrier de la cour […] pour l’année mil-sept-cent soixante-dix-sept, p. 173.

226 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle. Personnel et répertoire, op. cit., p. 97-101.

227 Bordeaux, Archives municipales, GG 573 (paroisse Saint-Pierre) ; Marseille, Archives municipales, GG 316 (paroisse Saint-Ferréol). Simon Moylin était né vers 1697 et mourut à Toulouse le 5 novembre 1767.

228 Auch, Archives départementales, 3 E 2285, p. 159-161 (notaire Davet). A. Branet, « M. d’Etigny et le théâtre d’Auch », Revue de Gascogne, 1897, t. XXXVIII, p. 453-455.

229 Adélaïde Pion de Lille, née à Paris vers 1750, avait épousé à Cadix François-Marie Joubin de Calmonthaut, dit Calmont, le 15 septembre 1772. Cadix, Archivio Catedralicio Historico, libro 35 (mariages de la paroisse Santa Cruz). Elle mourut à Paris le 16 décembre 1819.

230 AEB, Manuscrits divers 3848.

231 C. Goldoni, Memorie, Venise, Zanetti, 1936, t. I, ch. XLV.

232 « Haar Exercitien bestaan in alle soorten van Comedien, als ook Opera, Vliegwerken, Afdaalingen, met Metamorphosen en schoone Italiaanse Vuurwerken. » Rotterdamsche courant no 95, 8 août 1754.

233 AVB, registre 441 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame du Finistère). Le 28 février 1756, Bigottini est parrain de Marie-Madeleine Vain ; T.-S. Gueulette, Notes et souvenirs sur le Théâtre-Italien au xviiie siècle, Paris, E. Droz, 1938, p. 168.

234 AEB, Manuscrits divers 3846.

235 AEB, Manuscrits divers 3846.

236 AEB, Manuscrits divers 3977. 27 pieds et demi du roi font environ 9 mètres.

237 AEB, Manuscrits divers 3977.

238 AEB, Conseil privé autrichien 1054.

239 AEB, Manuscrits divers 3847.

240 Félix-Bouvier, Une danseuse de l’Opéra : la Bigottini, Paris, Charavay, 1909, p. 7 ; Toulouse, Archives municipales GG 361.

241 Paris, Archives nationales, Minutier central, MC/ET/LXII/638.

242 AVB, Fonds ancien 2770.

243 AVB, registre 478, 31 août 1733 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

244 AVB, registre 468, 17 octobre 1733 (baptêmes de la paroisse Saint-Nicolas).

245 AVB, registre 165 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

246 R. Deschamps La Rivière, « Le théâtre au Mans au xviiie siècle », Revue du Maine, 1900, t. XLVII et XLVIII.

247 A. Vincent, « Notes sur le théâtre à Tours », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1896, t. X, p. 288-289.

248 Tours, Archives municipales, registre de la paroisse Saint-Venant.

249 Il s’est adjoint le nom de sa mère pour se distinguer de son frère aîné François.

250 Tours, Archives municipales, registre de la paroisse Saint-Venant.

251 Bordeaux, Archives municipales, registres de la paroisse Saint-Pierre.

252 Abbeville, Archives municpales, registres de la paroisse Saint-Georges.

253 C. et F. Parfaict, Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la Foire, Paris, Briasson, 1743, t. I, p. 164-165. Les mêmes auteurs ont repris la notice dans leur Dictionnaire des théâtres de Paris, paru en 1756 et à nouveau en 1767, au t. III.

254 Le Mans, Archives départementales B 1475.

255 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 121.

256 L. Vallas, op. cit., p. 159.

257 Lyon, Archives municipales, registre 415 (baptêmes de la paroisse Sainte-Croix).

258 G. Lhotte, Le Théâtre à Lille avant la Révolution, Lille, L. Danel, 1881, p. 42.

259 Genève, Archives de l’État, Registre du Conseil 229.

260 AVB, registre 478, 31 août 1733 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

261 R. Lebègue, « La moralité des comédiens de Nantes au xviiie siècle », Bulletin de la Société des historiens du théâtre, juillet 1933, no 4, p. 51-54.

262 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 6.

263 H. Lyonnet, op. cit., t. I, p. 310.

264 M. Fuchs, Lexique des troupes de comédiens, op. cit., p. 35 ; Dijon, Bibliothèque municipale, Ms 742bis.

265 É. Campardon, Les Spectacles de la Foire, op. cit., t. II, p. 304.

266 Dans un théâtre à l’italienne, ce terme désigne la scène. Par extension, il désignera ensuite le bâtiment dans lequel se déroule l’acte théâtral.

267 Espace situé à l’avant du parterre, sur lequel on installe trois ou quatre rangées de bancs.

268 Gradins disposés dans le fond de la salle, face au « théâtre ».

269 Partie de la salle située devant la scène, souvent en terre battue, où le public se tient debout.

270 M. Fuchs, La Vie théâtrale en province au xviiie siècle, op. cit., p. 113 et ss.

271 J.-B. Durey de Noinville, op. cit., t. I, p. 77-81.

272 L. Vallas, op. cit., p. 15-16.

273 Bordeaux, Archives municipales BB 89 ; A. Detcheverry, Histoire des Théâtres de Bordeaux, Bordeaux, J. Delmas, 1860, p. 219, prétend que Létourneau ne resta que de février à avril 1705.

274 Marseille, Archives municipales FF 307.

275 AEB, Chambre des Comptes 460. Le texte complet de l’octroi est reproduit par F. Faber, op. cit., t. IV, p. 10-11.

276 AEB, Conseil royal de Philippe V 483 (3 avril 1705 et 18 mars 1706) ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 11.

277 AEB, Conseil d’État 2032 ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 11. Notariat général de Brabant 1619 (notaire Delvaille). Joseph de Pestel, ou Pesteils, était né en 1676. Le 16 juillet 1704, il épousait à Paris Jeanne-Angélique Girard, dite Châteaulion, qui mourut à Paris au début de l’année 1717. Pestel mourut « de mort subite » le 20 février 1751 à Altillac, en Corrèze, dans son château de la Majaurie.

278 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 19-21.

279 AEB, Conseil privé autrichien 1052B ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 28-29.

280 AEB, Conseil privé autrichien 1052B ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 42-45.

281 AEB, Notariat général de Brabant 1 (notaire Adan).

282 Fontaine-l’Évêque, Archives communales, registre 26.

283 Voir à son sujet la notice que lui consacre Maurice Barthélemy, « Aperçus et réflexions sur l’œuvre et la carrière de Thomas-Louis Bourgeois (1676-1750) », Fédération archéologique et historique de Belgique, annales du Congrès de Liège, 1968, p. 33-40.

284 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 234-235. Faber indique laconiquement comme source : « Archives de l’État en Belgique, Conseil privé, année 1725 ».

285 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473.

286 AEB, Conseil privé autrichien 1052A.

287 AEB, Notariat général de Brabant 795 (notaire Verhulst).

288 AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.

289 AEB, Notariat général de Brabant 796 (notaire Verhulst).

290 L’unique exemplaire connu de ce livret bilingue est conservé à la Biblioteca braidense de Milan.

291 F. Faber, op. cit., t. I, p. 107.

292 AEB, Bibliothèque royale de Belgique, Conservatoires royaux de musique de Bruxelles et de Liège.

293 AEB, Notariat général de Brabant 7453 (notaire Le Boucq) ; H. Lyonnet, op. cit., t. I, p. 636 ; AVB, registre 439 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame du Finistère). Jean-Richard Le Roux, dit Durant, était né à Paris vers 1683 et mourut à Metz le 23 avril 1733.

294 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 24-26.

295 AEB, Manuscrits divers 1589 (lettre du 14 août 1731).

296 Arlequin Themistocle, parodie en un acte par les Sieurs Bruseau & Flahault. Representée pour la premiere fois sur le grand theatre, par la troupe des comediens françois le 4. jour de decembre 1729. Bruxelles, s.n., (1729). Livret in-16o de 37 pages. Bruxelles, Conservatoire royal de musique, cote UU 18.925. Le Jugement comique ou la revue des spectacles de Bruxelles. Comedie en un acte ornée de Musique & Danses par le Sr. Bruseau de la Roche. Représentée sur le Grand Theatre de Bruxelles le 5 Février 1731. Bruxelles, N. Stryckwant, (1731). Livret in-8o de 28 pages. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, cote 8o GD 20.985. Arlequin larron, prévôt et juge, comédie italienne en trois actes et en prose, sujet italien dirigé par le Sr. B. D. L. R. Bruxelles, J.-J. Boucherie, 1744. Livret in-8o de 34 pages. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, cote 8-BL-13731 (4).

297 AVB, registre 165 (décès de la paroisse Sainte-Gudule).

298 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473. Claude Andry de Mézières, de Lannoy, de Bray et Marie-Madeleine Le Moyne, épouse de Jacques Renaud.

299 AEB, Notariat général de Brabant 1029 (notaire Boote). Acteur forain à Paris de 1715 à 1722, Francisque est le frère des comédiens Guillaume et Simon Moylin. Il avait épousé à Bordeaux, le 25 mars 1710, Marie-Catherine Le Suisse avec laquelle il ne semble pas avoir eu d’enfant. Par l’alliance de sa sœur aînée, Marie-Alberte Moylin, avec le danseur Étienne Sallé (à Gand, le 11 avril 1699), Francisque était devenu l’oncle de la célèbre danseuse Marie Sallé, dont nous avons retrouvé l’acte de baptême, que l’on cherchait vainement depuis trois siècles : elle fut baptisée à La Rochelle le 17 avril 1709 et eut pour parrain son oncle Guillaume Moylin (La Rochelle, Archives municipales, registres de la paroisse Saint-Jean). Elle mourut à Paris le 27 juillet 1756. Sa sœur aînée Marie-Françoise naquit en 1704 et mourut à La Rochelle le 23 août 1711 ; sa sœur cadette Marguerite ne vécut que huit jours (La Rochelle, 16 août 1711-22 août 1711). Une autre sœur naquit à Nantes le 17 juillet 1710. Francisque était né en 1687 et mourut à Nantes le 12 janvier 1770.

300 AEB, Notariat général de Brabant 3396 et 3397 (notaire Rasch). Entrepreneur à Amiens et à La Haye en 1731, Huau revint à Bruxelles en 1751.

301 AEB, Notariat général de Brabant 3398 (notaire Rasch). Pierre-Antoine Gourgaud, dit Dugazon, était né à Paris le 29 avril 1706. Le 18 novembre 1734, il épousa à Lille Marie-Catherine Dumay, dont il eut au moins neuf enfants, nés à Lille, Bruxelles et Marseille. Il fut également « directeur des Hôpitaux de l’Armée d’Italie ». Il mourut à Paris le 28 février 1774. Son fils Jean-Henri (Marseille, 1746 - Sandillon, Orléans, 1809) fit une carrière remarquée sous le nom de Dugazon.

302 P. Claeys, op. cit., p. 92.

303 AEB, Notariat général de Brabant 3429 (notaire Toebent).

304 AVB, registre 164 (décès de la paroisse Sainte-Gudule) ; AEB, Conseil d’État et de l’Audience 1034.

305 H. Liebrecht, op. cit., p. 169-170. Franc-maçon, comédien et chef de troupe, Joseph Uriot passa douze ans à la cour de Bayreuth (1747-1759) puis il joua à Stuttgart. Voir J.-J. Olivier, Les Comédiens français dans les cours d’Allemagne, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1901-1905, t. III, p. 31-46 et 53 ; R. Nägele (éd.), Musik und Musiker am Stuttgerter Hoftheater (1750-1918). Quellen und Studien, Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, 2000, p. 75.

306 Le 7 juin 1743, Charles Plante est parrain du futur acteur Charles-Jean Michu. AVB, registre 440 (baptêmes de la paroisse Notre-Dame du Finistère) ; AEB, Notariat général de Brabant 5288 (notaire Ghys, actes des 26 et 27 septembre, 26 octobre 1743).

307 AEB, Notariat général de Brabant 3434 (notaire Toebent).

308 AVB, registre 145 (mariages de la paroisse Sainte-Gudule). Grimaldi avait fait partie de la Troupe des Grands Danseurs du Roi, puis de la troupe de Favart à l’Opéra-Comique. Voir J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 133.

309 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 9473.

310 AEB, Conseil privé autrichien 1052B, octroi du 24 octobre 1757 ; F. Faber, op. cit., t. IV, p. 43.

311 AEB, Greffes scabinaux 9473 et 2305 (actes 43 et 83).

312 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1783 ; Anvers, Stadsarchief K 2115 (Kerken en Kloosters).

313 AEB, Conseil privé autrichien 1052B. Voir le texte complet dans F. Faber, op. cit., t. IV, p. 44-45.

314 AEB, Tribunaux auliques 2497 et Conseil privé autrichien 1052A ; J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 66.

315 AEB, Notariat général de Brabant 8425 (notaire De Jonge). Voir l’annexe VI.

316 Alexandre-Florentin Bultos était né à Bruxelles (paroisse Saint-Nicolas) le 18 juin 1749 et y décéda le 20 septembre 1787. Pierre-Joseph était né à Bruxelles (paroisse Saint-Nicolas) le 8 mars 1754 et décéda à Saint-Gilles-lez-Bruxelles le 23 juillet 1830. Voir la généalogie de cette famille établie par P. De Zuttere in M. Couvreur (dir.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 326-327.

317 AEB, Conseil privé autrichien 1052A.

318 AEB, Notariat général de Brabant 8427 (notaire De Jonge).

319 H. Liebrecht, op. cit., p. 243 et ss ; J. Fransen, op. cit., p. 352-353.

320 H. Liebrecht, op. cit., p. 273-274.

321 AEB, Manuscrits divers 3848.

322 AEB, Manuscrits divers 3977.

323 AEB, Manuscrits divers 3848.

324 AEB, Manuscrits divers 3848.

325 AVB, Fonds ancien 1748 (Resolutieboeck 1774-1776). Traduction de l’auteur : « Vu la requête nous présentée par Ignace Vitzthumb, permettons au même de faire ériger sur la place Saint-Michel un théâtre en planches jusqu’au mardi gras prochain inclus, à condition qu’il se munisse de la permission nécessaire à la représentation qu’il a l’intention d’y donner. »

326 Gazette des Pays-Bas du 3 mars 1777 (no XIX supplément).

327 H. Liebrecht, op. cit., p. 274.

328 AEB, Notariat général de Brabant 92402 (notaire Nuewens).

329 Clairville était né à Lorgues, en Provence, le 24 juillet 1748. De son vrai nom Honoré, comte de Pontèves-Tournon, il fut longtemps directeur du Théâtre de Maastricht, où il épousa, le 13 novembre 1779, une fille de comédiens, Rose-Françoise Corbin, qui joua à Bruxelles de 1783 à 1785 sous le nom de Mme Clairville (Angers, 12 juillet 1755-Liège, 19 novembre 1828). Il dirigea le Théâtre de Gand d’octobre 1777 aux Rameaux 1779. On perd complètement sa trace en 1787. Voir R. A. M. Loontjens, Inventaire des archives de Honoré de Pontèves surnommé Clairville, directeur de théâtre à Maestricht 1774-1780, Maastricht, Archives de l’État dans le Limbourg, 1974.

330 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14 (lettre du 14 octobre 1778).

331 Gand, Rijksuniversiteit, « Vliegende bladen » II S 14 (lettre du 25 octobre 1778).

332 Henri Mees était né à Bruxelles le 18 novembre 1755 et il y avait épousé, le 5 mai 1777, la fille aînée de Vitzthumb, Marie-François-Ghislaine. Il chantait les basses-tailles et mourut à Varsovie le 31 janvier 1819.

333 Pierre-Joseph Swinnens, dit Lambert (son père se prénommait Lambert), était né à Bruxelles en 1740. Le 2 mars 1767, il épousa à Rouen la fille d’un marchand amiénois, Marie-Louise-Catherine Gamard. Il chantait les Laruettes (emploi d’opéra-comique) et s’établit à Stockholm dès 1781, où il mourut le 28 mai 1807.

334 P. Claeys, op. cit., p. 157 et ss.

335 Nouvel almanach ambigu-chantant, Gand, Gimblet, 1780.

336 Le Comte était né à Dangu (département de l’Eure) le 11 octobre 1742. Sur les détails de sa carrière à Bruxelles, voir l’article de P. De Zuttere in M. Couvreur (dir.), Le Théâtre de la Monnaie au xviiie siècle, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 259-261.

337 AEB, Notariat général de Brabant 8124 (notaire Van Cortenberghe), acte du 20 février 1779 rédigé en flamand.

338 AEB, Notariat général de Brabant 7119 (notaire Flameng).

339 AEB, Tribunaux auliques 2835.

340 AEB, Greffes scabinaux de Bruxelles 2264.

341 Rotterdamsche courant du 22 mai 1779, no 61 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van den Heer Vitzthumb, zullen de eer hebben om op den Schouwburg buiten Rotterdam, op Diensdag den 25 Mey 1779, (in het Fransch) te vertoonen: Orphee en Euridice, Groot Opera in drie Bedryven, geheel in Zang, vercierd met alle zyne Uitwerkzels, verscheiden Veranderingen van Nieuwe Decoratien en Danssen, gevolgd van de Twee Jagers en het Melkmeisje, Opera in een Bedryf, in het Fransch. Men zal beginnen om half zes uren. » Traduction de l’auteur : « Les musiciens de Bruxelles, sous la direction de Monsieur Vitzthumb, auront l’honneur de représenter, sur le Théâtre hors de Rotterdam, le mardi 25 mai 1779 (en français), Orphée et Eurydice, grand opéra en trois actes, entièrement chanté, orné de tous ses effets, plusieurs changements de nouveaux décors et de danses, suivi des Deux Chasseurs et la Laitière, opéra en un acte, en français. On commencera à cinq heures et demie. »

342 Rotterdamsche courant du 29 mai 1779, no 64 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van den Heer Vitzthumb, zullen de eer hebben om op den Schouwburg buiten Rotterdam, op Saturdag den 29 Mey 1779 (in het Nederduitsch) te vertoonen: de Rooseliere van Salency, Opera in vier Bedryven, vercierd met verscheiden nieuwe Decoratien, Danssen en alle zyne Uitwerkzels; gevolgd van de eerste Vertoninge van Le Nouveau Marié ou Ziste Zeste, Opera in een Bedryf (in het Fransch); men zal beginnen om half zes uren. Nog zullen bovengemelde Acteurs op Maandag den 31 Mey 1779 (in het Nederduitsch) vertoonen: Den Overlooper of Le Deserteur, Opera in drie Bedryven, vercierd met al zyn uitwerksels en geëindigd door een Ballet, gevolgd van Annette en Lubin, Opera in een Bedryf (in het Fransch). » Traduction de l’auteur : « Les musiciens de Bruxelles, sous la direction de Monsieur Vitzthumb, auront l’honneur de représenter, sur le Théâtre hors de Rotterdam, le samedi 29 mai 1779 (en néerlandais), La Rosière de Salency, opéra en quatre actes, orné de plusieurs nouveaux décors, danses et tous ses effets ; suivi de la première représentation du Nouveau marié ou Ziste zeste, opéra en un acte (en français) : on commencera à cinq heures et demie. Les acteurs précités représenteront encore, le lundi 31 mai 1779 (en néerlandais) : Le Transfuge ou Le Déserteur, opéra en trois actes, orné de tous ses effets et terminé par un ballet, suivi par Annette et Lubin, opéra en un acte (en français). »

343 Rotterdamsche courant du 8 juin 1779, no 68 : « De Brusselsche Muzykanten, onder het Bestier van den Heer Vitzthumb, zullen de eer hebben om op den Schouwburg buiten Rotterdam, op Woensdag den 9 Juny 1779 (in het Fransch) te vertoonen: De Twee Gierig-aarts, Opera in twee Bedryven; gevolgd van De Visschers, Opera in een Bedryf (in het Nederduitsch); tussen de twee Stukken zal uitgevoerd worden hat Ballet Pantomime genaamd Les Marchandes de modes, vercierd met verschiedn Veranderingen. Men zal beginnen om half zes uren. » Traduction de l’auteur : « Les musiciens de Bruxelles, sous la direction de Monsieur Vitzthumb, auront l’honneur de représenter sur le Théâtre hors de Rotterdam, le mercredi 9 juin 1779 (en français), Les Deux Avares, opéra en deux actes ; suivi des Pêcheurs, opéra en un acte (en néerlandais) ; entre les deux pièces sera exécuté le ballet pantomime intitulé Les Marchandes de modes, orné de plusieurs changements. On commencera à cinq heures et demie. »

344 P. Claeys, op. cit., p. 160.

345 J. Fransen, op. cit., p. 367.

346 J. Duvignaud, L’Acteur, op. cit., p. 65.

347 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 209 et ss.

348 J. Duvignaud, L’Acteur, op. cit., p. 109.

349 Ibid., p. 130.

350 Pour se rendre compte de l’importance numérique de ces écrits, voir notamment le volume V (nos 1 à 57) du catalogue de la Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, rédigé par P. Lacroix.

351 On consultera avantageusement, au sujet du débat théologique sur l’art « orchestique », l’ouvrage particulièrement bien documenté d’Anne Wéry, La Danse écartelée, Paris, Champion, 1992.

352 C’est ainsi qu’on se réfère généralement à l’ouvrage dont le titre complet est J. J. Rousseau citoyen de Genève, à Mr D’Alembert, sur son article Genève dans le viie volume de l’Encyclopédie, et particulièrement sur le projet d’établir un théâtre de comédie en cette ville.

353 J.-J. Rousseau, J. J. Rousseau citoyen de Genève, à Mr D’Alembert, Amterdam, Marc Michel Rey, 1758, p. 135-136.

354 Dom Ramire, Triumpho sagrado de la concientia, Salamanque, 1751.

355 C. Desprez de Boissy, Lettres sur les spectacles, Paris, Butard, 1771, p. 475.

356 Nouvelles lettres sur l’état présent des Pays-Bas autrichiens, Londres, 1782, p. 51-52.

357 Essai sur les spectacles, manuscrit anonyme de 275 pages, s.d. (xviiie siècle), p. 113. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Ms III 997.

358 D. Diderot, Paradoxe sur le comédien, Paris, Mille et une Nuits, 1999, p. 58.

359 M. de Pure, Idée des spectacles anciens et nouveaux, Paris, Michel Brunet, 1668, p. 170.

360 L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, no 264, 10 mai 1879.

361 G. Maugras, Les Comédiens hors la loi, Paris, Calmann Lévy, 1887, p. 33.

362 F.-X. Emmanuelli, État et pouvoirs dans la France des xvie-xviiie siècles, Paris, Nathan, 1992, p. 89 et ss.

363 É. Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne, op. cit., p. XIII-XVI.

364 G. Maugras, op. cit., p. 158-159.

365 V. Hallays-Dabot, Histoire de la censure théâtrale en France, Paris, E. Dentu, 1862, p. 29 et ss.

366 G. Maugras, op. cit., raconte cet épisode p. 121-124.

367 Ibid., p. 196 et ss.

368 Charles-François Bidaut, dit Stigny, eut également un fils comédien qui joua à La Haye en 1752 et à Gand en 1753 et 1754.

369 Louis Després, dit Verneuil, fut comédien à Bruxelles en 1710, 1733 et 1737. Il joua également à Metz en 1716, à Reims et à Amiens en 1744. Sa fille épousa le comédien et directeur de troupe Pierre Dreuillon. Elle fut la maîtresse de Charles-Théodore de Bavière qui la fit comtesse de Parkstein. Elle mourut à Munich en 1765.

370 Bonaventure-Antoine de Wez, dit Dufresnel, était né à Alençon le 14 juillet 1742. Après plusieurs années passées à Bordeaux dans les rôles de rois et de pères nobles, il débuta à la Comédie-Française en 1777. Il dirigea le Théâtre de Liège en 1781-1782, où il publia un Essai sur la perfection du jeu théâtral, puis joua à Lille, avant de gagner Bruxelles pour la saison 1784-1785. Voir son Mémoire généalogique aux AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 21332. Il mourut à Valenciennes le 31 juillet 1787.

371 G.-A.-J. Hécart, Recherches historiques, bibliographiques, critiques et littéraires, sur le théâtre de Valenciennes, Valenciennes, Hécart, 1816, p. 159-160. Il reprend mot pour mot les passages écrits par l’abbé Parisis dans son ouvrage Questions importantes sur la comédie de nos jours, Valenciennes, Henry, 1789.

372 Lille, Archives municipales, registres paroissiaux (décès de la paroisse Saint-Étienne).

373 G. Mongrédien et J. Robert, op. cit., p. 61.

374 Metz, Archives municipales, GG 110 (paroisse Saint-Marcel).

375 S. Chappuzeau, Le Théâtre françois, op. cit., p. 75.

376 S. de Reyff, L’Église et le théâtre, Paris, Éditions du Cerf, 1998, p. 108.

377 Probablement le haute-contre qui fit les délices du Concert spirituel et de l’Opéra de Paris dès 1751.

378 AVB, registre 478 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

379 AVB, registre 450 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

380 AVB, registre 451 (mariages de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

381 AVB, registre 457 (décès de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

382 AVB, registre 457 (décès de la paroisse Notre-Dame du Finistère).

383 Gand, Stadsarchief, registre 131 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas). Mme de La Sablonne fut directrice des spectacles de Liège et Maastricht dès l’année suivante.

384 Gand, Stadsarchief, registre 132 (mariages de la paroisse Saint-Nicolas).

385 Cet article prévoit : « Quoiqu’il soit dit dans l’Octroi article V, que chacun pourra se retirer de la société, en avertissant seulement six mois d’avance, néanmoins pour obvier aux inconvénients qui en pourroient résulter, et nommément à la difficulté de pouvoir remplacer les sujets dans un espace aussi court, chaque associé sera obligé de donner avis de sa retraite pour l’année suivante, trois mois après l’ouverture des spectacles, à peine de trois mille livres s’il diffère plus tard ; sans déroger toutefois au droit de renonciation au théâtre, suivant l’usage de la Comédie. » AEB, Conseil privé autrichien 1052. Document cité par F. Faber, op. cit., t. IV, p. 51.

386 AEB, Notariat général de Brabant 5117 (notaire Warré).

387 Montpellier, Archives départementales, 2 E 56/557 (minutes du notaire Augustin Clément).

388 Abbeville, Archives municipales, registres de la paroisse Saint-Georges, à la date du 5 juillet 1744.

389 [J.-H. Maubert de Gouvest et F.-A. de Chevrier], Mémoires du temps, Bruxelles, 1760-1762, t. II, no XIX, 5 septembre 1761.

390 G. Cros-Mayrevieille, Le Droit des pauvres sur les spectacles en Europe, Paris, Berger-Levrault, 1889, p. XI.

391 G. Maugras, op. cit., p. 172.

392 P. Claeys, op. cit., t. I, p. 160-161.

393 E. Geudens, Le Spectacle, institution de bienfaisance à Anvers, Anvers, Veuve De Backer, 1897-1901, fascicule I, p. 7-10.

394 Anvers, Stadsarchief, Kerken en Kloosters 2115.

395 A. Pougin, op. cit., p. 313.

396 Voir N. Bauchau, « La Porte de Laeken : une prison pour les comédiens dans la seconde moitié du xviiie siècle », Études sur le xviiie siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1992, t. XIX, p. 27-38.

397 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1898.

398 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1479.

399 AEB, Tribunaux auliques 13bis.

400 AEB, Secrétairerie d’État et de Guerre 1479 et 21332 ; Tribunaux auliques 13bis.

401 AEB, Conseil du Gouvernement général 846 ; Secrétairerie d’État et de Guerre 1479 et 21332.

402 J. Duvignaud, Sociologie du théâtre, op. cit., p. 31.

403 L. de Heusch, À la découverte des Tsiganes, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Éditions de l’Institut de sociologie, 1965, p. 35.

404 F. Faber, op. cit., t. IV, p. 4-6 ; P. Claeys, op. cit., t. II, p. 49-53.

405 F. Rousseau, « Documents pour l’histoire du théâtre français en Belgique », op. cit., p. 152-155.

406 AEB, Notariat général de Brabant 185 (notaire Lion). Voir l’annexe V.

407 Almanach historique et chronologique de la Comédie Françoise établie à Bruxelles, Bruxelles, 1754.

408 [F.-A. de Chevrier], op. cit., t. II, p. 248-255.

409 AEB, Tribunaux auliques 1589.

410 AEB, Tribunaux auliques 2497. Voir aussi J.-P. Van Aelbrouck, op. cit., p. 235.

411 AEB, Conseil privé autrichien 1054.

412 AEB, Manuscrits divers 3847. Pierre-Claude Senisseler, dit Soligny, était né à Paris le 11 mars 1748. Il débuta à Stockholm en 1767 et y épousa, le 18 janvier 1770, Jeanne-Élisabeth-Renée Malter, dite Mlle Le Clerc. Le 17 février 1773, il débuta à la Comédie-Italienne, sans succès, puis joua à Lyon, avant de jouer à Bruxelles de 1774 à 1776. Il joua ensuite à La Haye, Metz, Marseille et Toulouse, avant de revenir à Bruxelles en 1783. À Amsterdam, il publia, en 1788, Les Passe-tems de société, puis joua encore à Metz avant de mettre fin à sa carrière. Son fils Pierre-Louis-Gaspard, né à Stockholm le 8 juillet 1770 et mort le 8 février 1855, lieutenant d’artillerie, fut décoré de la Légion d’honneur le 1er octobre 1807.

413 C.-J. de Ligne, op. cit., p. 20-22.

414 Le Glorieux, comédie de Destouches (1732). Pasquin est le valet du Glorieux et Lafleur son laquais.

415 C.-J. de Ligne, op. cit., p. 24.

416 Ibid., p. 32.

417 Ibid., p. 37.

418 Ibid., p. 38.

419 Ibid., p. 41 et 44.

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Table des illustrations

Titre Fig. 4. Supplément du Théâtre italien, Bruxelles, 1697.
Crédits Collection particulière.
URL http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/316/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 265k
Titre Fig. 5. Costume de Mlle Fleury (1787).
Légende Levacher de Charnois, Costumes et annales des grands théâtres de Paris, vol. II, n° XXIII.
Crédits Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Estampes, V.H. 9643 A.
URL http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/316/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 205k
Titre Fig. 6. Mlle Bigottini, lithographie de Demanne, d’après Vigneron.
Crédits Collection particulière.
URL http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/316/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre Fig. 7. Théâtre portatif. Croquis autographes de Charles de Lorraine.
Crédits Vienne, Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Lothringisches Hausarchiv, carton 177/653.
URL http://journals.openedition.org/etudes18/docannexe/image/316/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 232k
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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Philippe Van Aelbrouck, « Chapitre II. Troupes et comédiens itinérants »Études sur le XVIIIe siècle, 48 | 2020, 57-158.

Référence électronique

Jean-Philippe Van Aelbrouck, « Chapitre II. Troupes et comédiens itinérants »Études sur le XVIIIe siècle [En ligne], 48 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 19 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudes18/316 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13m1t

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Auteur

Jean-Philippe Van Aelbrouck

Docteur en sciences sociales de l’Université libre de Bruxelles, il a passé toute sa carrière au ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où il a créé le Service de la danse et a été directeur général du département de la Création artistique. Il a publié en 1994 le Dictionnaire des danseurs à Bruxelles de 1600 à 1830 et est l’auteur de nombreux articles sur la danse et le théâtre, principalement au XVIIIe siècle.

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