Résumés
Cet article a pour ambition de mettre en évidence les représentations de l’État mahdiste (1883-1898) vis-à-vis des identités ethno-tribales bija au Soudan-Est, de montrer les modalités des tentatives de reconfiguration de ces identités, et enfin, d’en exposer les limites qui furent à l’origine de l’adoption d’une politique tribale pragmatique par les autorités mahdistes dans cette région. Il s’appuie sur la correspondance échangée entre le khalīfa ʿAbd Allāh (1846-1899) et ses représentants en province de 1885 à 1898, ainsi que sur le corpus de documents produits par le Trésor provincial (bayt al-māl) de Tūkar entre 1888 et 1891. Ces sources permettent une analyse détaillée des conceptions identitaires de l’administration mahdiste à l’égard des tribus bija ainsi que de leur évolution. Cette analyse vise à déconstruire et historiciser les trois oppositions canoniques des identités soudanaises (nomades et sédentaires, Arabes et non-Arabes, musulmans et non-musulmans), afin de mettre au jour les facteurs politiques et socioéconomiques qui façonnèrent ces représentations identitaires.
This article aims to highlight the representations of the Mahdist State (1883-1898) vis-à-vis the ethno-tribal identities of the Bija in Eastern Sudan, to define the terms of the attempts to reconfigure these identities, and finally, to expose their limits which were at the origin of the adoption of a pragmatic tribal policy by the Mahdist authorities in this region. It is based on the correspondence exchanged between the khalīfa ʿAbd Allāh (1846-1899) and his representatives in Eastern Sudan from 1885 to 1898, as well as on the corpus of documents produced by the provincial treasury (bayt al-māl) of Tūkar between 1888 and 1891. These sources allow for a detailed analysis of the identity conceptions of the Mahdist administration with regard to the Bija tribes as well as their evolution. It aims to deconstruct and historicize the three canonical oppositions of Sudanese identities (nomadic and sedentary, Arabs and non-Arabs, Muslims and non-Muslims) in order to highlight the political and socio-economic factors that shaped these identity representations.
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Plan
L’altérité bija au regard de l’autorité mahdiste au Soudan-Est
Une altérité bija invisible ?
Une conception étique de l’identité bija
L’intégration des tribus bija dans l’ordre mahdiste
Une mobilisation infra-tribale
Du déplacement forcé (taḥjīr) à la sédentarisation des tribus bija
Une nouvelle société détribalisée
Les effets limités et secondaires de la politique identitaire mahdiste au Soudan-Est
Résistances et résiliences identitaires : le pragmatisme de l’État mahdiste
L’ethnicisation des tribus bija
Aperçu du texte
Le mouvement de mobilisation islamique millénariste initié par Muḥammad Aḥmad al-Mahdī(1844-1885) au Soudan en 1881 (Holt 1958) fut à l’origine d’une extension sans précédent dans cette région d’un pouvoir étatique centralisé, des confins du Dār Fūr aux rives de la mer Rouge. En conséquence, une certaine tradition historiographique a vu dans la Mahdiyya (1883-1898) un creuset national qui aurait contribué à l’émergence d’une identité soudanaise sans que l’influence du pouvoir mahdiste sur les identités ethno-tribales n’ait jamais été examinée avec précision.
Pour les populations bija, majoritaires au Soudan-Est, l’imposition d’un pouvoir centralisé et bureaucratique par le régime mahdiste constitua une rupture radicale. En effet, ni le sultanat Funj (1504-1821), ni le régime colonial égyptien (1821-1885) n’étaient parvenus à établir plus qu’un contrôle nominal sur cette région. Divisés en quatre groupes tribaux principaux, les Amārʾar, les Bishārīn, les Hadanduwa et les Banī ʿĀmir, a...
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Pour citer cet article
Référence papier
Anaël Poussier, « Les représentations identitaires de l’État mahdiste », Cahiers d’études africaines, 240 | 2020, 851-871.
Référence électronique
Anaël Poussier, « Les représentations identitaires de l’État mahdiste », Cahiers d’études africaines [En ligne], 240 | 2020, mis en ligne le 04 janvier 2023, consulté le 21 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/32302 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.32302
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