2S’intéressant plus particulièrement à six pays de la région (Algérie, Égypte, Jordanie, Libye, Maroc et Tunisie), cette étude souligne les nombreux progrès accomplis ces dernières années dans le domaine de la protection juridique des femmes. Les six pays ont tous ratifié les grandes conventions internationales visant à promouvoir l’égalité et la non-discrimination entre femmes et hommes. De plus, au lendemain des soulèvements de 2011 et en réponse à l’appel à une plus grande égalité entre les sexes, plusieurs d’entre eux ont modifié leur texte constitutionnel. De nouvelles constitutions ont ainsi été élaborées (Maroc, Égypte, Tunisie) et des textes existants ont été amendés (Jordanie, Algérie), notamment pour renforcer le statut de la femme et proclamer son égalité avec l’homme. De même, les codes du travail interdisent toute forme de discrimination et certains précisent que les salariées doivent bénéficier des mêmes droits que leurs collègues masculins.

3La plus faible participation des femmes à l’activité économique de leur pays n’étant pas due à des normes discriminatoires dans l’accès à l’emploi, elle doit être expliquée par d’autres facteurs. Le rapport met en cause un environnement juridique complexe, couplé à des facteurs sociétaux et culturels qui peuvent impacter ou entraver, directement ou indirectement, la capacité des femmes à s’impliquer dans les activités économiques.

5De plus, les règles relatives à la retraite anticipée peuvent réduire le temps passé par les femmes à l’exercice d’une activité rémunérée, créant des disparités entre les sexes sur le lieu du travail et impactant de façon négative le parcours professionnel des femmes et leurs gains. Quant aux femmes entrepreneuses, elles ont des difficultés à accéder au financement de leurs projets, et l’expérience professionnelle ou les réseaux que possèdent les hommes leur font souvent défaut.

6Ce rapport fait également le lien entre la faiblesse de la participation économique des femmes dans la région mena et plusieurs dispositions des codes de la famille. Alors que les codes civils et codes du travail permettent le plus souvent aux femmes d’exercer librement une activité, les lois sur le statut personnel peuvent indirectement restreindre ce droit. Bien que les législateurs des six pays aient renforcé l’égalité entre femmes et hommes dans le domaine du droit de la famille, tous continuent d’accorder, avec des degrés variables, la prééminence au mari dans les relations conjugales. Des différences persistent dans le mariage, le divorce, le droit à la propriété, l’héritage et même par rapport à la liberté de quitter la maison pour aller travailler ou pour voyager. La conception traditionnelle de la répartition des devoirs entre les conjoints, selon laquelle l’époux doit prendre en charge toutes les dépenses familiales en échange de l’obéissance de sa femme, a été remise en question dans plusieurs codes de la famille en Tunisie (1993), au Maroc (2004) ou en Algérie (2005), qui reposent désormais sur la coresponsabilité des époux ou leurs obligations réciproques. Mais, dans la plupart des pays, cette séparation traditionnelle des responsabilités reste présente. Les lois relatives à l’héritage placent également les femmes dans une situation d’inégalité et de plus grande vulnérabilité financière, empêchant celles qui le souhaiteraient de se lancer dans un projet entrepreneurial et dans la vie économique. L’inégalité entre époux se manifeste aussi au niveau des droits patrimoniaux de l’épouse. Le régime matrimonial légal de la séparation des biens prive cette dernière de tout capital et des biens acquis durant le mariage en cas de divorce. De même, la durée limitée du versement de la pension alimentaire après le divorce et les règles discriminatoires en matière d’héritage peuvent engendrer une situation de précarité et de grande détresse en cas de divorce ou de veuvage des femmes.

8De même, en ce qui concerne l’entrepreneuriat, si les lois qui régissent le développement des entreprises sont applicables indifféremment à l’un et l’autre sexe, la législation relative au statut personnel établit des distinctions entre les hommes et les femmes qui peuvent faire obstacle à l’accès au financement pour les femmes. Les normes sociales qu’incarnent ces lois ont un impact sur l’indépendance économique générale des femmes, leur aptitude à s’affirmer et l’opinion qu’elles ont de leur propre capacité à entreprendre. Le manque de ressources financières a également des répercussions négatives sur leur capacité à se lancer dans une activité entrepreneuriale. En effet, elles peinent à emprunter de l’argent auprès des banques commerciales, notamment en raison de leur moindre accès à des garanties financières dû au régime matrimonial et au système successoral.

9Par ailleurs, le rapport souligne que l’insécurité dans les transports et l’insuffisance des infrastructures jouent également un rôle dans le choix de certaines femmes de ne pas rechercher un emploi ou d’interrompre leur activité économique. Le harcèlement sexuel et l’absence de moyens de transport appropriés et sécurisés ont donc également un effet négatif sur leur participation à la vie économique.

10Enfin, pour que les femmes puissent réellement faire valoir les droits que leur confère la loi, il faut aussi que le système judiciaire en garantisse l’application effective. Or, le rapport relève que dans les six pays examinés, femmes et hommes ont certes en principe un accès égal à la justice mais que, dans les faits, les femmes se heurtent à un grand nombre d’obstacles. Les tribunaux ne font pas toujours respecter les règles, le corps judiciaire n’a pas nécessairement connaissance des principes et normes en vigueur, les femmes ignorent souvent leurs droits, et même quand elles les connaissent, les normes sociales et les contraintes financières peuvent les empêcher de saisir les tribunaux. Le fait qu’il y ait peu de femmes juges dans certains pays comme en Égypte peut aussi avoir un effet dissuasif.

11Le rapport se termine par un certain nombre de recommandations à l’attention de ces six pays et des pays de la région, de façon plus générale, les encourageant à prendre des mesures pour faciliter la participation économique des femmes et ne pas laisser ainsi une ressource économique majeure inexploitée.