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Analyses et comptes rendus

Chaillot Christine. — L’enseignement traditionnel de l’Église éthiopienne orthodoxe täwadeho. Foi et spiritualité

Anaïs Wion
p. 390-392
Référence(s) :

Chaillot Christine. — L’enseignement traditionnel de l’Église éthiopienne orthodoxe täwadeho. Foi et spiritualité. Paris, L’Harmattan, 2022, 268 p., bibl., ill.

Texte intégral

  • 1 C. Chaillot, The Ethiopian Orthodox Tewahedo Church Tradition : A Brief Introduction to its Life a (...)
  • 2 A. Damon, La liturgie en mouvements : ’aqwaqwam, réalisation chantée, gestuelle et instrumentale d (...)

1Cet ouvrage de synthèse fait suite au premier opus de Christine Chaillot sur l’Église éthiopienne (2002)1 en approfondissant la question de la transmission des connaissances. Il s’agit d’un ouvrage à destination d’un public large dont une traduction en anglais est prévue. Cette enquête est basée sur une abondante bibliographie ainsi que sur de nombreux séjours en Éthiopie ayant permis de réaliser des entretiens auprès de professeurs, dignitaires et étudiants de l’Église éthiopienne. Même s’il prend en compte le temps long, cet ouvrage offre avant tout un tableau de l’enseignement dans les écoles religieuses chrétiennes orthodoxes éthiopiennes dans les dernières décennies. Cette synthèse n’est pas un ouvrage académique, l’autrice se situant à la croisée d’une démarche militante pour favoriser la connaissance des christianismes orientaux, d’une approche journalistique — au meilleur sens du terme — et d’une forme d’érudition passionnée. L’ouvrage est organisé en neuf chapitres dont cinq présentent les grandes scansions de l’enseignement « traditionnel » : apprentissage de la lecture ; chant et musique liturgique (zemā et aqwaqwām) ; grammaire et poésie ge’ez (qəne) ; apprentissage des livres bibliques liturgiques et patristiques (maṣḥaf bet) et de leur exégèse (andəmtā) ; enfin travail des parcheminiers, scribes et peintres. Pour chacune de ces disciplines, l’autrice fournit un grand nombre d’informations et on peut saluer le travail de synthèse opéré pour rendre compréhensible, entre autres, l’extraordinaire complexité de la musique liturgique, à partir notamment d’une lecture de sources secondaires difficiles d’accès — matériellement et intellectuellement — que sont les travaux de l’abbé Velat et, plus récemment, la thèse inédite d’Anne Damon2. Ces chapitres savent allier des références savantes qui permettent entre autres de dresser un panorama des cursus et de leur contenu intellectuel et livresque et des entretiens qui donnent des détails vivants et nouveaux sur l’organisation concrète de la vie au sein des écoles (horaires, organisation des cours…) ou encore des éléments de la vie socioéconomique tels que l’origine des élèves, leur alimentation, les salaires des professeurs, etc. Cet effort de synthèse ne néglige pas les particularismes régionaux et tente ainsi, à chaque fois que cela est possible, de préciser les lieux dans lesquels sont dispensés les cours et les diplômes permettant aux meilleurs étudiants de devenir à leur tour enseignants.

  • 3 C. Bosc-Tiessé, « Qu’est-ce qu’un scriptorium en Éthiopie ? L’organisation du travail des copistes (...)

2En tant qu’historienne, j’ai néanmoins parfois tiqué sur certains raccourcis ainsi que sur l’attachement à des aspects de la doxa de l’historiographie éthiopienne qu’on aimerait voir dépassés. C’est particulièrement le cas de l’événement central et traumatique que représentent les guerres de la première moitié du XVIsiècle avec le sultanat du Bar Sa‘d ad-dīn, dont le potentiel destructif, autant sur le patrimoine matériel que sur la transmission d’une culture chrétienne, est dans cet ouvrage largement surestimé. Par ailleurs, les mahdistes soudanais de la décennie 1880 ou encore le régime marxiste du Derg sont d’autres vecteurs de destruction évoqués sans que ne soit jamais remise en cause cette vision externaliste et négative des mutations de la société chrétienne. Mais en progressant dans ma lecture, je me suis rendu compte de deux choses. D’une part, cet ouvrage retranscrit assez fidèlement les voix des personnes rencontrées en Éthiopie et à ce titre, on peut aussi y entendre beaucoup plus que ces antiennes lassantes mais qui font partie de la façon dont la société chrétienne traditionnaliste pense et explicite sa propre histoire, encore aujourd’hui. D’autre part, l’ouvrage procède par collage de références — toujours explicites —, sans tenter de résoudre leurs possibles contradictions. Par exemple, dans le chapitre sur la fabrication des manuscrits et des peintures, l’autrice cite d’abord Claire Bosc-Tiessé3 et partage les précautions de celle-ci quant à l’existence de scriptoria dans l’Éthiopie médiévale et moderne, disant que ceux-ci n’étaient attestés que dans quelques grands monastères et à la cour royale à certaines périodes (p. 139). Quelques pages plus loin (p. 141), Christine Chaillot balaie ces précautions en indiquant que l’Éthiopie comprenait de nombreux scriptoria monastiques et royaux. Cette façon de procéder laisse le soin aux lecteurs et lectrices de trouver les informations nécessaires à leur propre compréhension des phénomènes évoqués et respecte d’une certaine façon les méthodes compilatoires si chères aux intellectuels éthiopiens des temps passés.

3Il s’agit donc d’un ouvrage fort utile par sa grande qualité de synthèse d’informations très érudites, parfois même très techniques, qui sont ici rassemblées et mises à disposition de façon claire, tout en se faisant fidèlement l’écho des voix de l’Église orthodoxe éthiopienne.

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Notes

1 C. Chaillot, The Ethiopian Orthodox Tewahedo Church Tradition : A Brief Introduction to its Life and Spirituality, Paris, Inter-Orthodox Dialogue, 2002.

2 A. Damon, La liturgie en mouvements : ’aqwaqwam, réalisation chantée, gestuelle et instrumentale du texte liturgique dans l’Église chrétienne orthodoxe unifiée d’Éthiopie, Thèse de doctorat, Saint-Étienne, Université Jean-Monnet, 2007.

3 C. Bosc-Tiessé, « Qu’est-ce qu’un scriptorium en Éthiopie ? L’organisation du travail des copistes dans le royaume chrétien d’Éthiopie », Scripta. An International Journal of Codicology and Palaeography, 7, 2014, pp. 9-27, <https://www.jstor.org/stable/26484685?refreqid=excelsior%3A79793cfa4f5c3d0fba929068b9b17a86>.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anaïs Wion, « Chaillot Christine. — L’enseignement traditionnel de l’Église éthiopienne orthodoxe täwadeho. Foi et spiritualité »Cahiers d’études africaines, 250 | 2023, 390-392.

Référence électronique

Anaïs Wion, « Chaillot Christine. — L’enseignement traditionnel de l’Église éthiopienne orthodoxe täwadeho. Foi et spiritualité »Cahiers d’études africaines [En ligne], 250 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 28 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/42045 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.42045

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Auteur

Anaïs Wion

Institut des mondes africains (IMAF), CNRS, Aubervilliers, France

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