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Pouvoir et transgression à l’épreuve de la liberté. Entretien avec Patrice Yengo

Power, Transgression, and Freedom. A Conversation with Patrice Yengo
Armando Cutolo et Patrice Yengo
p. 257-286

Résumés

Cet entretien avec Patrice Yengo prolonge les réflexions sur le rapport entre pouvoir et transgression qui sont au cœur de son dernier livre, L’ordre de la transgression (Yengo 2022), en les élargissant à la figure de la liberté. La « transgression » est appréhendée par Yengo comme un acte performatif au statut ambivalent. Défiant l’ordre, elle déclenche la réponse de la force souveraine, mais est vue comme la manifestation la plus explicite de la souveraineté elle-même, car le souverain est celui qui, selon la définition bien connue de Carl Schmitt, décide de l’exception et peut légitimement transgresser la loi. Dans ce contexte, la liberté se montrerait dans un rapport inextricable au pouvoir (Cutolo 2023), car la liberté serait ici l’apanage exclusif du souverain qui peut enfreindre impunément sa propre loi — ou, dans une perspective opposée, le produit d’une usurpation de ce pouvoir par ceux qui enfreindraient la loi souveraine par le bas. Dans l’histoire de l’Afrique centrale, et plus généralement dans l’histoire de la domination coloniale, cette logique a connu des développements dramatiques, car la liberté de transgression dont la souveraineté coloniale a joui a fini par placer la violence du pouvoir au cœur non seulement de l’ordre social et politique colonial, mais aussi de l’ordre postcolonial. Dans cet entretien, Patrice Yengo nous rappelle toutefois que cette « singularité du continent africain dans l’ordre de la transgression » ne saurait être transformée en une propriété essentielle de son fonctionnement politique et social. Car la violence « exercée contre les indigènes » a été recyclée plus tard en Europe « pour servir de support aux mesures d’exception utilisées contre certaines couches de la population ». Yengo utilise ainsi le moment colonial en tant que maillon généalogique partagé pour regarder l’histoire africaine et européenne des technologies de discipline, de surveillance et d’assujettissement, montrant en contre-lumière les imaginaires de liberté qui s’y sont opposés.

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Cairn

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Armando Cutolo
Dans L’ordre de la transgression. La souveraineté à l’épreuve du temps global, votre ouvrage paru en 2022, vous avez mis en lumière les rapports constitutifs, dans l’histoire des sociétés africaines, entre la transgression de la loi et de la moralité, d’un côté, et le pouvoir du souverain, de l’autre. Dans un contexte pareil, comment penser les rapports entre liberté, transgression et pouvoir ?

Patrice Yengo
Pour prendre la mesure de votre question, il faut peut-être revenir sur les deux idées principales qui traversent L’ordre de la transgression, à savoir, pour la première, qu’il n’y a de souveraineté politique que là où le pouvoir se met en situation non seulement de suspendre la loi, selon la célèbre formule de Carl Schmitt, mais aussi de la transgresser. L’ordre de la transgression est la puissance politique dans l’exercice de sa souveraineté. Mais cela ne vaut pas seulement pour l’Afrique subsaharienne postcoloniale, qui n’en est que le miroir grossissant du fait d...

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Pour citer cet article

Référence papier

Armando Cutolo et Patrice Yengo, « Pouvoir et transgression à l’épreuve de la liberté. Entretien avec Patrice Yengo »Cahiers d’études africaines, 257 | 2025, 257-286.

Référence électronique

Armando Cutolo et Patrice Yengo, « Pouvoir et transgression à l’épreuve de la liberté. Entretien avec Patrice Yengo »Cahiers d’études africaines [En ligne], 257 | 2025, mis en ligne le 01 janvier 2028, consulté le 17 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/49755 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13h7s

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Auteurs

Armando Cutolo

Dipartimento di scienze sociali, politiche e cognitive, Université de Sienne, Italie

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Patrice Yengo

Institut des mondes africains, EHESS, Paris

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Droits d'auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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