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Seul contre tous : autour du conflit entre Ajax et Ulysse pour les armes d’Achille

Cécile Jubier-Galinier

Résumés

Montrer les procédures civiques mises en place par la démocratie athénienne, pour éviter ou résoudre les conflits, n’a pas intéressé les peintres de céramique à Athènes. Des images de citoyens violents existent, mais sans qu’il soit possible de préciser les raisons de l’irruption de cette violence. Aussi, je propose de revenir en images sur le conflit entre Ajax et Ulysse pour les armes d’Achille. Le corpus étudié est composé de quelques coupes attiques à figures rouges du début du Ve siècle avant J.-C. représentant sur une face Ajax et Ulysse séparés physiquement par leurs compagnons, épisode non attesté dans les textes, et sur l’autre le vote pour départager les deux héros. Les mises en série font surgir les schémas utilisés par les peintres pour représenter la maîtrise de la violence physique, puis permettent de comprendre dans ce contexte particulier la scène de vote, ses implications pour Ajax et, finalement, sa signification pour les Athéniens.

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Texte intégral

  • 1 Je remercie les participants du colloque de Perpignan pour leurs remarques et leurs questions lors (...)

1Le thème « irruption et résolution de la violence dans la cité antique » est un sujet délicat pour ceux qui étudient les images antiques. Certes, il existe dans le monde grec des représentations où les citoyens font preuve de violence contre de plus faibles (femmes, enfants ou esclaves) ou bien entre eux. Sur la face A d’une célèbre coupe de Saint-Pétersbourg1, les protagonistes sont ainsi représentés en pleine action dans une bagarre où tous les coups semblent permis. Deux hommes s’acharnent sur un troisième au sol, à coups de chaussure et de bâton, sans que l’image ne prenne en charge une quelconque narration qui permettrait de préciser les causes de cette violence, si ce n’est l’excès de vin explicité sur le médaillon de la coupe où un homme vomit. On reconnaît bien là l’humour des peintres attiques qui n’hésitent pas à alerter le buveur sur les abus de boisson. De façon générale, l’excès est cause de violence pour soi-même et les autres, nous voilà avertis, mais l’image ne montre rien du début de la rixe, ou de sa résolution, et pour trouver un tel programme il nous faut regarder du côté des mythes.

  • 2 Pour la liste de ces œuvres, consulter T. Gantz (2004), p. 1106-1110.
  • 3 L’hoplôn krisis était le sujet d’une pièce perdue d’Eschyle.
  • 4 XI, v. 548, voir le passage cité ci-dessous, le terme employé est ἀέθλος traduit d’ordinaire par lu (...)
  • 5 Voir notre seconde partie.
  • 6 Par Zeus chez Homère Odyssée, XI, v. 559, par Athéna chez Leschès (ci-dessous n. 33) et Sophocle.
  • 7 Une scholie à Pindare, Isthmique 4.58b précise : « car l’auteur de l’Éthiopide dit qu’Ajax s’est su (...)
  • 8 À titre d’exemple, voir : la statuette de bronze de la fin du VIIIe siècle, Londres, British Museum (...)
  • 9 Le traitement de la scène dans le médaillon de la coupe de Malibu 86.AE.286 reste exceptionnel (réf (...)
  • 10 Amphore à panse attribuée à Exékias, datée vers 540, Boulogne-sur-Mer, château musée de Boulogne-su (...)
  • 11 Sur ce corpus constitué uniquement de coupes dont certaines très fragmentaires, voir D. Williams (1 (...)
  • 12 En complément des quatre vases traités ici, une coupe très fragmentaire attribuée au Peintre de Tri (...)

2Le cas de la dispute entre Ajax et Ulysse pour les armes d’Achille semble à ce titre exemplaire. Différentes sources écrites2, dont beaucoup ont disparu ou ne coïncident pas toujours entre elles, permettent de reconstituer les principales étapes de cette triste histoire. Ajax fils de Télamon, roi de Salamine, revendique les armes divines après la mort d’Achille. Pour régler le conflit des armes3 entre Ulysse et Ajax, une joute est organisée — sans plus de précision dans l’Odyssée4, tandis qu’il s’agit clairement d’une joute verbale chez Pindare5, suivie du vote des Achéens. À la suite du jugement remporté par Ulysse, Ajax, frappé de folie6, massacre les troupeaux en croyant tuer ses compagnons qui l’ont privé de son honneur. Revenu à lui, il réalise ses actes et se suicide en s’empalant sur l’épée que lui avait donnée Hector. Cette fin violente, seule issue possible pour le héros, est traitée dès la haute période archaïque dans l’Éthiopide7 et sur différents types de supports : une statuette, un relief, des vases8. Mais à la différence des autres centres de production du monde grec, les peintres de vases athéniens n’ont pratiquement pas représenté Ajax embroché sur son épée9, préférant d’autres moments, comme celui de la préparation du suicide, où le héros est seul face à son destin10. Et surtout, à partir du début du Ve siècle, une petite série de coupes11 a pour programme narratif l’hoplôn krisis, la dispute pour la panoplie d’Achille, avec la création d’une scène de vote (fig. 7-12), associée au moins cinq fois à une confrontation physique stoppée par plusieurs compagnons sur l’autre face (fig. 5-6, 10)12.

  • 13 N. Spivey (1994), p. 49-51.
  • 14 R. Neer (2002), p. 144-146.
  • 15 Sur les limites d’une telle approche, consulter F. Lissarrague & A. Schnapp (2007), p. 27-28.

3Les scènes de vote ont fait l’objet de très nombreux commentaires tant les représentations de la vie civique sont rares dans le monde grec. N. Spivey voit dans ces images l’affirmation de la supériorité du vote, procédure de la jeune cité démocratique, sur le recours aux armes propre aux héros pour régler un conflit13. A contrario, R. Neer considère que les imagiers souhaitaient, dans ce moment d’incertitude politique à Athènes, ménager le camp des démocrates en montrant la procédure de vote mais sans s’éloigner des valeurs aristocratiques, avec un vote visible sur la table et non secret14. À présent, le propos sera moins de chercher dans ces images un commentaire des procédures démocratiques15 que de prendre en compte successivement les deux faces, afin d’identifier dans un premier temps, grâce à la mise en série, la stratégie des peintres pour représenter la maîtrise ou le déclenchement de la violence physique, puis de comprendre le recours au vote dans ce contexte particulier et ses implications pour Ajax.

1. Le combat empêché

  • 16 BAPD 310211.

4Dès le milieu du VIe siècle, des vases montrent deux guerriers face à face, bouclier et lance en main, séparés par un homme en chiton et himation orienté vers la droite, les deux bras levés de part et d’autre de sa tête tournée vers la gauche. Les personnages encadrant le trio, hommes âgés et hoplites anonymes, ne permettent pas d’identifier les protagonistes, mais l’intervention d’un homme tentant de séparer les deux guerriers signale qu’il ne peut s’agir d’un combat « normal » entre deux camps distincts (fig. 1)16.

Figure 1 : Coupe à figures noires attribuée à Lydos, Tarente, Museo archaelogico nazionale 201137 (d’après CVA Tarente 3, pl. 22,2)

  • 17 Amphore à col à figures noires datée vers 530-520, Boston Fine Arts Museum 23.210 ; BAPD 301878.
  • 18 P. Demont (2002), p. 157 : selon Hésiode (fragment 250 M-W, 188 Most) et Pindare (Isthmiques VI, v. (...)

5Bien souvent, la scène se concentre sur les trois personnages principaux tandis que les personnages secondaires se raréfient. D’un vase à l’autre, des variantes apparaissent : le personnage central peut être plus ou moins habillé mais son attitude en pivot les deux bras dressés se retrouve très régulièrement. Sur une amphore de Boston attribuée au Peintre de Cambridge 5117, le personnage de gauche tient un bouclier échancré vu de l’intérieur, tandis que le bouclier hoplitique du guerrier de droite est orné d’un aigle en rehaut blanc. Pour cet exemplaire, il serait tentant de faire le lien avec Ajax en raison d’une des étymologies de son nom18, mais ce type d’épisème est trop fréquent dans les scènes de combat génériques pour être considéré comme un signe discriminant dans ce contexte d’affrontement entre deux guerriers.

  • 19 BAPD 301644.

6Dans les dernières décennies du VIe siècle, des personnages adjacents non armés se saisissent des deux opposants. Ainsi, sur une amphore du Louvre, pas moins de six hommes s’activent pour retenir les hoplites (fig. 2)19.

Figure 2 : détail de la face A de l’amphore à col attribuée à la Classe de Cambridge 49, dernier quart du VIe siècle. Paris, Louvre Cp 163 (© Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Maurice et Pierre Chuzeville Open Access https://collections.louvre.fr/​ark:/53355/​cl010269919

7Au centre, la figure d’autorité s’interposant a disparu au profit d’un grand bouclier orné d’un gorgonéion, porté par le guerrier de droite et placé entre les deux opposants, qui semblent justement s’affronter du regard, tandis que leurs compagnons s’efforcent de les retenir et de les séparer. Ce jeu de regards, redoublé par la face pétrifiante de Gorgo, vise à terrifier l’ennemi avant même que le premier coup soit porté.

  • 20 BAPD 302033.
  • 21 Lécythe à figures noires, Amsterdam, Allard Pierson Museum 3521 ; BAPD 42143 ; CVA Amsterdam 3, p. (...)

8Sur une hydrie de Londres attribuée au Groupe de Léagros20 (fig. 3), on identifie le schéma privilégié par les peintres à partir de la fin du VIe siècle avec le personnage au centre séparant les deux hommes armés de leur épée, stoppés chacun par deux autres compagnons. De part et d’autre, un homme s’agrippe à la taille du belligérant, tandis qu’un autre attrape son poignet ou le bras qui tient l’épée. Sur d’autres exemplaires21, ce sont deux jeunes hommes imberbes qui cherchent à s’affronter, mais le schéma général reste le même.

Figure 3 : détail de la panse de l’hydrie attribuée au Groupe de Léagros, vers 510. Londres, British Museum 1843,11-3.2 © The Trustees of the British Museum

  • 22 Voir l’amphore à figures noires signée du potier Nikosthénès, datée vers 520, Vienne, Kunsthistoris (...)
  • 23 Parmi les très nombreuses occurrences, voir l’amphore à col à figures noires attribuée au Groupe de (...)
  • 24 Par exemple : l’amphore à col à figures noires attribuée au Peintre AD, Munich, Antikensammlungen 1 (...)

9Ces façons de retenir quelqu’un soit par la taille, soit au niveau du torse, ou en lui immobilisant les bras n’est pas sans rappeler les prises des athlètes pratiquant la lutte sportive22. Du côté des luttes héroïques : Héraclès enserre Triton en nouant ses mains23, de même que Pélée maintient de toutes ses forces Thétis dans l’étau de ses bras, attendant la fin du cycle de ses transformations24. Le but de ce type de prise est très clair : il consiste à maîtriser sans blesser. Dans les scènes de querelle les plus complexes, les hommes cherchent à stopper les deux adversaires et à les désarmer. Mais qui sont les opposants ?

  • 25 Le peintre n’a pas été identifié mais le potier serait Kachrylion d’après H. Bloesch (1940), p. 45, (...)

10Sur une coupe à figures rouges25 (fig. 4a), l’image est organisée de façon symétrique et équilibrée : autour du personnage central, représenté les deux bras tendus, la gestuelle des protagonistes se répond en miroir, de sorte qu’il n’est pas possible de distinguer un agresseur et un agressé. Les épées tenues par les deux rivaux et le casque posé sur la tête du médiateur indiquent clairement qu’il ne s’agit pas d’une lutte sportive et que les hommes sont des guerriers.

  • 26 C’est ce qui est proposé habituellement, sans véritable justification. Voir LIMC I « Aias I », n°78 (...)

11Sur l’autre face (fig. 4b) Achille, dans sa fureur guerrière, poursuit Troïlos surpris à la fontaine avec sa sœur Polyxène. Dans ce contexte de la guerre de Troie, il est tentant d’identifier26, de l’autre côté, Ajax et Ulysse prêts à en découdre et séparés par Agamemnon : l’hubris, ou du moins l’irruption d’une violence inappropriée, serait le thème commun aux deux faces.

Figure 4a‑b : face A et B de la coupe attribuée au potier Kachrylion, fin VIe siècle. Londres, British Museum 1843, 103.78 © The Trustees of the British Museum

  • 27 BAPD 205070. Le médaillon central représente Ulysse remettant les armes d’Achille à Néoptolème.
  • 28 D. Williams (1980), p. 138-139.

12Beaucoup plus clairement, sur une coupe de Vienne signée par le peintre Douris, l’armement d’Achille, sujet de la discorde, est disposé au centre de la mêlée (fig. 5)27. Les spécialistes identifient : Ajax à gauche dans le personnage qui a déjà dégainé et qui serait donc l’agresseur, Agamemnon au centre tenant une lance en guise de sceptre, en chef de l’armée, et Ulysse en train de sortir l’épée de son fourreau, réagissant à l’attaque28.

Figure 5 : face A de la coupe signée par le potier Python et le peintre Douris, vers 500-490. Vienne, Kunsthistorisches Museum 3695 © KHM-Museumsverband

  • 29 BAPD 203901.
  • 30 De même, sur une autre coupe du Peintre de Brygos datée vers 490, Malibu, J. Paul Getty Museum 86.A (...)

13Sur une coupe de Londres29 où les armes d’Achille sont cette fois sous les anses (fig. 6), les gestuelles et les attitudes se répondent en miroir inversé : l’un tient son fourreau, l’autre son épée vers l’avant et il est plus difficile d’identifier celui qui attaque et celui qui se défend. De façon générale, les forces en présence restent parfaitement équilibrées30.

Figure 6 : face A de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490-480. Londres, British Museum 1943,1103.92 © The Trustees of the British Museum

14Aucun texte ne mentionne cet affrontement physique entre les deux héros, toutefois ce combat qui s’annonce à force égale fait écho à un passage de l’Iliade dans le chant XXIII. Pendant les jeux en l’honneur de Patrocle, Ajax et Ulysse s’affrontent à la lutte en faisant preuve de la même force et de la même combativité, tant et si bien que le combat s’éternise :

Obstinément ils s’acharnent à vaincre pour obtenir le trépied ouvragé. Mais Ulysse n’est pas capable de faire trébucher Ajax et de l’amener à terre ; et Ajax ne l’est pas davantage : la rude vigueur d’Ulysse tient bon. Ils finissent par lasser tous les Achéens… Une troisième fois, ils s’élancent pour lutter. Mais Achille alors se lève et les retient : « n’insistez pas, ne vous épuisez pas à peiner ainsi : la victoire est à tous les deux. Emportez des prix égaux, et allez, laissez concourir d’autres Achéens. » Il dit et eux, avec entrain, d’entendre et d’obéir. (Iliade XXIII, v. 718-739.)

15Chez Homère, la joute sportive permet à Achille, ordonnateur des jeux et arbitre du combat, de désigner Ajax et Ulysse vainqueurs à égalité, ce qu’ils acceptent ; à l’inverse, un, et un seul, pourra être désigné digne de recevoir les armes du Péléide.

16À la lumière des sources disponibles et grâce à la mise en série des images, l’altercation physique entre les deux héros stoppés in extremis par leurs compagnons semble bien être une invention des peintres. Ces derniers ont puisé dans leur répertoire traditionnel afin d’associer cette confrontation dynamique, où s’exprime ouvertement le tempérament belliqueux des deux adversaires, à la scène du vote en apparence plus calme et apaisée.

2. La solution du vote

17À la différence de la tentative de combat en duel, le jugement rendu par un vote est parfaitement attesté dans les sources littéraires dès l’Odyssée lorsque Ulysse est au royaume d’Hadès et que les héros viennent à sa rencontre :

seule l’âme d’Ajax, fils de Télamon

se tenait loin, en colère (kecholôménè) à cause de la victoire
que j’avais remportée sur lui quand il y a eu jugement (dikazómenos) près des bateaux
à cause des armes d’Achille. Sa digne mère les avait déposées (etheke) [comme prix]

  • 31 Traduction revue par Ghislaine Jay-Robert que je remercie pour son aide et nos discussions.

Si seulement je n’avais pas triomphé dans cette lutte ! (Odyssée XI, v. 543-548)31.

  • 32 Scholie à Pindare, Isthmiques, 4, v. 58 « Le jugement sur les armes se tient. Ulysse les reçoit par (...)
  • 33 Néméennes VIII, V. 26 et ci-dessous.

18D’après une scholie à Pindare, Leschès, dans la Petite Iliade y faisait également référence32, de même que Pindare dans la huitième Néméenne33, nous y reviendrons, puis Sophocle :

Teucros — Tu t’étais révélé un voleur de suffrages.

Ménélas — Son échec fut le fait des juges, non de moi.

Teucros — N’aurais-tu donc pas en cachette adroitement machiné le scrutin ? (Ajax, v. 1135-1137).

  • 34 Beaucoup sont très fragmentaires et on ne connaît pas toujours la scène associée, cf. n. 11 pour le (...)
  • 35 Athènes, Acropole II. 315 ; BAPD 204692. Le sujet de l’autre face est inconnu.

19Du côté des images, il existe une dizaine de représentations assurées, datées entre 500 et 470, toujours sur des coupes et attribuées aux peintres et ateliers les plus innovants34. Sur une coupe trouvée dans le sanctuaire de l’Acropole (fig. 7), le peintre Makron a inscrit le nom des protagonistes ; on peut encore lire ceux d’Agamemnon, Diomède, Tydée et Antimachos35. Les psephoi déposés sur la table au niveau du vêtement d’Athéna et le jeton que tend Agamemnon vers un certain Pyleid[es] (pour Nestor ?) permettent de comprendre la scène malgré son état lacunaire.

Figure 7 : Coupe fragmentaire attribuée à Makron, vers 490-480, Athènes, Acropole II. 315. D’après Graef, Langlotz (1925-1933) ii, n°315, pl. 19

  • 36 Fragment de coupe attribuée à Douris, datée vers 490, Vatican, Museo Gregoriano Etrusco 3501 ; BAPD (...)

20Le règlement du conflit se fait en présence de la déesse et les participants apparaissent le plus souvent comme des citoyens, avec himation et bâton, et beaucoup plus rarement en armure36. Agamemnon peut se distinguer par la lance qu’il tient en guise de sceptre (fig. 8), signe particulier dans ce contexte qui permet de l’identifier, tout comme dans la scène de la querelle sur l’autre face (fig. 5).

Figure 8 : face B de la coupe signée par le potier Python et le peintre Douris, vers 500-490. Vienne, Kunsthistorisches Museum 3695 © KHM-Museumsverband

Figure 9a-b : face B et médaillon de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490-480. Londres, British Museum 1943,1103.92 © The Trustees of the British Museum

  • 37 Malibu, J. Paul Getty Museum 86.AE.286 ; BAPD 275946.
  • 38 R. Neer (2002), p. 138-145.

21Outre ces armes, la présence de jeunes hommes imberbes sur les coupes du Peintre de Brygos (fig. 9 et 10)37 s’écarte de la réalité du Ve siècle où les juges devaient avoir plus de 30 ans. Enfin, le vote avec les tas de psephoi disposés sur la table, à la vue de tous, diffère de la procédure judiciaire qui se déroulait à bulletin secret, à l’aide de deux jarres recouvertes d’un cache et dans lesquelles étaient déposés les jetons38. Dans ce contexte épique, qui n’est pas un commentaire en image des pratiques contemporaines, le vote est réalisé par l’ensemble des compagnons jeunes et plus âgés : selon le principe d’isonomie, tous sont égaux devant la loi à laquelle tous doivent se soumettre, même les meilleurs.

Figure 10 : vue extérieure de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490. Malibu, J. Paul Getty Museum 86.AE.286. Open Access/Public Domain [CC0]

  • 39 BAPD 204538.

22Pour indiquer l’issue du vote, les peintres utilisent divers moyens. La mise en évidence de la défaite d’Ajax est parfois révélée dans l’importance inégale des tas de cailloux sur les coupes de Vienne, de Londres (fig. 8 et 9) comme sur l’exemplaire de Leyde plus récent (fig. 11a-c) qui développe le vote sur une face et le médaillon, tandis qu’Ulysse et Ajax sont rejetés de l’autre côté39.

Figure 11a-c : faces A,B et médaillon de la coupe attribuée au Peintre du Louvre G 265, vers 480-470. Leyde, Rijksmuseum van Oudheden PC 75. Creative Commons CC0

  • 40 Pour D. Williams (1980) p. 141, le vote est terminé et Athéna se tient du côté du vainqueur.

23Si Athéna est systématiquement présente, garante du bon déroulement du vote, son attitude diffère selon les peintres. La déesse tient sa lance de la main gauche, la main droite à sa hanche sur la coupe de l’Acropole (fig. 7), elle semble désigner le vainqueur sur la coupe de Vienne (fig. 8), ou au contraire se tourne vers la droite main levée, dans un geste difficile à interpréter à l’attention d’Ajax ou des votants (fig. 9). Enfin, elle est postée en retrait sur la gauche à côté d’un homme qui tient la panoplie sur la coupe de Malibu où le vote semble encore indécis d’après la répartition des jetons sur la table40 (fig. 10). Quoi qu’il en soit, ne nous y trompons pas : les jeux sont déjà faits et c’est l’attitude d’Ajax qui permet de le comprendre.

  • 41 Le tondo représenterait une scène d’éducation, ou du moins deux personnages avec des tablettes sans (...)
  • 42 Voir par exemple la scène de visite à la tombe sur un lécythe à fond blanc attribué au Peintre de T (...)
  • 43 D. Williams (1980), p. 139.
  • 44 Coupe à figures rouges attribuée au Peintre de Briséis, vers 480, British Museum 1843,1103.92 ; BAP (...)
  • 45 En dernier lieu : A. Coulié, S. Dubel, CJubier‑Galinier & F. Lissarrague (2023), p. 148.
  • 46 D’après L. Giuliani (2013), p. 195-203, les peintres ont choisi de montrer la colère d’Achille cont (...)

24Toujours excentré sur la droite, le fils de Télamon apparaît vaincu sans avoir pu lutter, main sur le front, tête baissée et souvent enveloppée dans son manteau. Cette attitude bien particulière permet de le reconnaître sur un très beau fragment d’une coupe conservée au Cabinet des médailles où le vote devait être encore associé à l’altercation d’après les autres tessons conservés41 (fig. 12). La posture est inhabituelle pour un homme mais se retrouve dans certaines images de rituel funéraire42. Ainsi, Ajax pleure sur lui-même, en proie au désespoir43, mais ce n’est pas la seule émotion qui le traverse. Son attitude peut être comparée à celle d’Achille retiré sous sa tente, la main sur le front, emmitouflé dans son manteau, sur une coupe de Londres représentant le moment où la belle captive Briséis est emmenée par deux messagers44. On reconnaît d’ordinaire l’expression de la détresse du fils de Thétis, mais il est également en colère — mènis est le premier mot de l’Iliade — contre Agamemnon qui le prive de son butin, son géras. Et c’est d’ailleurs cette même posture que l’on retrouve dans la scène dite de l’ambassade45 : Achille, tout à son ressentiment46 et à sa frustration, refuse d’écouter les arguments de ses compagnons et de reprendre les armes, ce qui provoque la mort des Achéens massacrés par les Troyens.

Figure 12 : Coupe fragmentaire attribuée à Douris, vers 500-490, Paris, Cabinet des Médailles de Ridder 600+ b1. © photo S. Oboukhoff BnF-CNRS-MSH Mondes

  • 47 Voir également G. Neumann (1965), p. 145 qui utilise le terme « Groll » pour interpréter la posture (...)

25Tout comme Achille, Ajax n’accepte pas le jugement de ses pairs et apparaît replié sur lui-même, éploré, se soustrayant au regard de ses compagnons. Cette posture mise au point par les peintres attiques signifie, dans ce contexte, la rancœur d’Ajax47. Ce sentiment, où se mêlent tristesse, colère et honte, fait écho à la description qu’Homère fait du héros dans l’au-delà, se tenant à l’écart, muet et refusant d’échanger avec Ulysse car éternellement en colère :

seule l’âme d’Ajax fils de Télamon se tenait loin en colère (kecholôménè)…

Écoute, Ajax, ô fils de Télamon, même dans la mort, ne mettras-tu pas de côté la colère (chólou) que tu nourris contre moi à cause de ces maudites armes ?

  • 48 Traduction V. Bérard modifiée à partir de la version anglaise de D. Stuttard (2019a), p. 3-4.

… Mais approche maintenant, seigneur, écoute mes mots, mon discours. Apaise ta fureur (ménos) et ton esprit fier. Ainsi, je dis ; mais il ne répondit pas. Au contraire il s’en retourna dans l’Érèbe, près des autres défunts qui dorment dans la mort. (Odyssée, XI, v. 543-565)48.

  • 49 L. Swift (2019), en particulier p. 33. L’auteur souligne toutefois que le comportement d’Ajax outre (...)
  • 50 Iliade, XVIII, v. 192-195.

26Les commentateurs modernes de l’Ajax de Sophocle ont souligné bien des points communs entre Achille et Ajax, notamment leur vaillance au combat, de même que la colère et l’orgueil49. Dans l’Iliade, Achille reconnaît lui-même les qualités guerrières de celui qui apparaît comme le seul à qui il pourrait éventuellement emprunter le bouclier, arme « illustre », si Ajax n’était déjà sur le champ de bataille pour protéger le corps de Patrocle50. Quasi alter ego au combat, dignes des armes extraordinaires qu’ils ont reçues, les deux hommes sont aussi violents, potentiellement dangereux pour les autres et eux-mêmes. Achille envisage de tuer Agamemnon quand ce dernier le prive de la belle Briséis, sa part de butin :

… le chagrin prend le fils de Pélée, et, dans sa poitrine virile, son cœur balance entre deux desseins.

Tirera-t-il l’épée pendue le long de sa cuisse ?

du même coup il fait lever les autres et lui il tue l’Atride.

Ou calmera-t-il son dépit et domptera-t-il sa colère ? (Iliade I, v. 188-192).

  • 51 XVIII, v. 34.

27Et il connaît également des envies suicidaires après la mort de Patrocle et Antiloque craint qu’il ne se tranche la gorge51.

  • 52 Sur ces diverses identifications voir M. L. Catoni (2015), p. 25 et le commentaire sur le site du B (...)
  • 53 Semblable à une épouse, la femme est tenue par le poignet par l’homme qui la mène. Toutefois la lan (...)

28Si l’on accepte ce parallèle entre Achille et Ajax, tour à tour privés de leur géras et prêts à envisager le pire, la jeune femme dans le tondo de la coupe de Londres (fig. 9b), identifiée selon les spécialistes comme Briséis, Chryséis ou Tecmesse52, apparaît en définitive comme l’archétype idéal de la part d’honneur dont prend possession53 le guerrier, tout comme le sont les armes d’Achille visibles sous les anses de ce même vase.

  • 54 II, v. 768 et ce que reconnaît Ulysse devant l’ombre d’Ajax Odyssée, XI, v. 550-551.
  • 55 À la différence de la procédure par tirage au sort qui selon I. Malkin (2022) « implique un statut (...)
  • 56 Contra, S. Darthou (2020), p. 77 pour qui Athéna est « à la fois témoin et garante des justes décis (...)

29Après la mort d’Achille, Ajax revendique d’être reconnu comme le meilleur d’entre tous, tel qu’il est proclamé dans l’Iliade en l’absence du Péléide54, ce que lui refusent les hommes et les dieux, ou du moins Athéna dans les images. Le jugement par le vote ne se veut pas impartial55, ni même juste56 ; le choix du plus grand nombre s’exprime et doit être respecté au nom de l’intérêt supérieur de la totalité du groupe dont la cohésion est menacée. L’aspect ordonné, paisible, de la scène contraste avec les images de querelle toutes en tension et opposition, mais le vote ne scelle pas moins le sort d’Ajax humilié aux yeux de tous. Ce jugement est d’une très grande violence psychologique : Ajax n’est pas juste mauvais perdant, il est privé de son identité héroïque, de son kléos. Cette brutalité extrême est soulignée par Pindare qui dénonce le vote secret et les mensonges d’Ulysse :

qu’un funeste conflit s’élève, si votre cœur est vaillant, mais votre langue malhabile, l’oubli sera votre lot ; tandis que le plus noble prix sera offert à l’astuce perfide. Les Danaens, dans un vote secret, favorisèrent Ulysse et Ajax, privé de l’armure d’or, dut lutter avec la mort […]

Ainsi dans ces temps lointains, eux aussi ont connu l’odieuse flagornerie, compagne des discours insidieux, ouvrière de ruses, peste malfaisante ! Elle fait violence (biâtai) à l’éclat du mérite, et elle cherche à étendre la renommée pourrie d’homme sans valeur. (Néméennes VIII, v. 24-34).

  • 57 Sur l’isolement d’Ajax mis en scène par Sophocle, consulter R. Seaford (2019), p. 90-91 qui n’oubli (...)

30Difficile pour des peintres de représenter une violence qui ne soit pas physique, de même que la douleur psychologique, mais pas irréalisable et l’attitude abattue d’Ajax devant le vote, se dérobant au regard des autres, ne laisse guère de doute. Sur les coupes peintes par Douris (fig. 8 et 12), le héros blessé dans sa fierté se détourne même, exprimant ainsi son refus du résultat et le fait qu’il se désolidarise du groupe57.

  • 58 Sur ce thème très étudié depuis quelques années, voir V. Dasen (2015) ; V. Dasen (2024), p. 21‑108 (...)
  • 59 Cette influence visuelle a déjà été soulignée par D. Stuttard (2019b), p. 19 à propos de la célèbre (...)
  • 60 BAPD 9029664. Ici Athéna a le bras levé mais elle peut aussi l’étendre vers le vainqueur à gauche : (...)

31Mais n’interprétons pas trop vite ces scènes comme une critique de la procédure démocratique du jugement par le vote. Les visées des peintres de vases ne sont pas celles de Pindare. En revanche, si l’on reste dans le domaine des créations figurées, le schéma central rappelle très fortement les images d’Achille et Ajax, face à face, jouant au jeu de dés et de pions58. Les scènes de vote ont trouvé ici leur modèle graphique59. Sur certains exemplaires un peu plus anciens ou contemporains des coupes, on voit : des jetons, une table, deux adversaires de chaque côté, sans oublier la présence d’Athéna désormais régulière, dont la gestuelle pourrait être une sorte de commentaire de la partie en cours, sur le point de s’achever, ou sur son résultat (fig. 13)60. Cette interprétation semble tout à fait convenir à l’attitude de la déesse dans certaines scènes de vote.

Figure 13 : détail de la face A de l’amphore à figures noires attribuée au Groupe de Médée, vers 510, Malibu, J. Paul Getty Museum 71.AE.441. Open Access/Public Domain [CC0]

  • 61 M. Vespa (2020), p. 86-89 ; G. Zografou (2005), p. 95 commente une scholie de l’Oreste d’Euripide ; (...)

32D’après différents fragments littéraires, le jeu de plateau a été inventé par Palamède, cet autre héros de la guerre de Troie, pour tromper la faim, l’attente et par là même prévenir la révolte parmi les Grecs61. Ainsi le parallèle entre le vote et le jeu constaté sur un plan visuel se poursuit jusque dans leur raison d’être : les deux procédés visent à désamorcer sans violence une situation critique qui peut, à tout moment, basculer dans le chaos.

Conclusion : sous l’égide d’Athéna, résolution politique et réintégration d’Ajax auprès de tous.

  • 62 D. Williams (1980), p. 144 suggère, sans insister, que la coupe de l’Acropole ait été une commande (...)

33Tandis que les images où la violence physique bat son plein sont habituelles dans le monde grec, le programme iconographique de ces quelques coupes à figures rouges se concentre sur un épisode particulier du cycle troyen, source perpétuelle d’inspiration tant chez les poètes que chez les peintres de vases. L’identification du combat empêché entre Ulysse et Ajax n’est certaine qu’en présence des scènes de vote apparues au début du Ve siècle. La mise en série permet de démontrer qu’il s’agit d’une invention des peintres athéniens puisant dans leur répertoire traditionnel. De même, le modèle des images du vote réside plus dans les scènes du jeu de dés que dans le déroulé de la procédure judiciaire de l’Athènes démocratique. Mais l’association des deux temps du conflit larvé entre les deux héros n’est pas qu’un simple procédé narratif. Elle vise à représenter l’irruption d’une violence extériorisée d’un côté, et celle d’une violence psychique, source d’une colère silencieuse, étouffée et qui ne demande qu’à exploser, de l’autre. Par ailleurs, chaque face met en exergue le comportement collectif des Achéens face au risque de stasis qui les menace. Ils agissent physiquement et politiquement de façon concertée, organisée, en un mot : civilisée, sous l’autorité de leur roi sur une face, et sous la protection d’Athéna de l’autre. Plus que dans les modalités pratiques du vote, c’est par la présence de la déesse que les citoyens d’Athènes pouvaient le mieux se projeter, comme le prouve la coupe de Makron, sélectionnée comme offrande pour Athéna dans son sanctuaire poliade62. Comme les Achéens, les Athéniens s’en remettent à la déesse garante de la communauté face à des individualités séditieuses ; l’expression « sous son égide » est d’ailleurs remarquablement traitée dans le médaillon de la coupe de Leyde où la référence épique s’atténue par ailleurs. C’est dans cette concorde fondamentale entre Athéna et sa cité qu’Ajax réintègre, une fois mort, la place qui lui est due comme héros éponyme d’une des dix tribus. Bien des siècles après la réalisation de ces coupes, Plutarque explique avec force les faveurs accordées à la tribu Aiantis en ces termes : 

  • 63 Pour le commentaire de ce passage concernant Ajax héros éponyme d’une des tribus athéniennes, voir (...)

[…] car le fils de Télamon n’est pas de caractère à supporter avec résignation une défaite, mais il est homme à n’épargner personne dans sa colère et sa jalousie ; donc afin qu’il ne soit pas furieux et implacable, on décida de lui éviter la défaite la plus humiliante en n’abaissant jamais sa tribu jusqu’au dernier rang » (Plutarque, Propos de table, I, 10 : 629a)63.

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Notes

1 Je remercie les participants du colloque de Perpignan pour leurs remarques et leurs questions lors de la présentation orale de ce dossier, ainsi qu’Anne Coulié, Louise Détrez et Sandrine Dubel pour leurs relectures attentives et amicales dont a bénéficié ce texte.

Coupe à figures rouges attribuée à Onésimos, datée vers 480, Saint‑Petersbourg, Hermitage B 651 ; BAPD 203327. Ce numéro renvoie au site Internet de la Beazley Archive Pottery Database qui permet de trouver les références principales des vases attiques et parfois une image de l’objet ou le lien vers le site du musée. Toutes les datations dans cet article sont avant J.-C.

2 Pour la liste de ces œuvres, consulter T. Gantz (2004), p. 1106-1110.

3 L’hoplôn krisis était le sujet d’une pièce perdue d’Eschyle.

4 XI, v. 548, voir le passage cité ci-dessous, le terme employé est ἀέθλος traduit d’ordinaire par lutte, combat, mais aussi concours, jeux. Sauf mention contraire, l’édition et la traduction choisies pour les textes cités sont celles des Belles Lettres.

5 Voir notre seconde partie.

6 Par Zeus chez Homère Odyssée, XI, v. 559, par Athéna chez Leschès (ci-dessous n. 33) et Sophocle.

7 Une scholie à Pindare, Isthmique 4.58b précise : « car l’auteur de l’Éthiopide dit qu’Ajax s’est suicidé à l’aube », H. Monsacré (dir.) (2019), p. 1043. Attribué à Arctinos de Milet, l’Éthiopide est un des poèmes qui composait le Cycle. Il débute là où se termine l’Iliade, avec la mort d’Hector, et poursuit jusqu’au suicide d’Ajax. À sa suite, la Petite Iliade de Leschès de Mytilène traitait également du jugement pour les armes d’Achille et du suicide d’Ajax, avant d’aborder divers épisodes de la prise de Troie. Les traductions des fragments, commentaires et résumés antiques dont la Chrestomathie de Proclos sont rassemblés désormais dans H. Monsacré (dir.) (2019).

8 À titre d’exemple, voir : la statuette de bronze de la fin du VIIIe siècle, Londres, British Museum 1865,1118.230, où le personnage assis tenant une épée vers son ventre est identifié comme étant Ajax ; la plaque de bronze en relief protocorinthienne datée vers 630-620, Oxford Ashmolean Museum G 437 ; ou encore le cratère corinthien du début du VIe siècle, Paris, Louvre E 635. Pour d’autres représentations grecques ou étrusques, cf. M. L. Catoni (2015).

9 Le traitement de la scène dans le médaillon de la coupe de Malibu 86.AE.286 reste exceptionnel (référence ci-dessous avec la fig. 10).

10 Amphore à panse attribuée à Exékias, datée vers 540, Boulogne-sur-Mer, château musée de Boulogne-sur-Mer 558 ; BAPD 310400. Lécythe à figures rouges, attribué au Peintre d’Alkimachos, daté vers 460, Bâle Antikenmuseum und Sammlung Ludwig BS 1442 ; BAPD 407.

11 Sur ce corpus constitué uniquement de coupes dont certaines très fragmentaires, voir D. Williams (1980) ; N. Spivey (1994) et M. L. Catoni (2015). Le sujet du tondo de ces coupes peut être en relation directe ou plus lointaine.

12 En complément des quatre vases traités ici, une coupe très fragmentaire attribuée au Peintre de Triptolème, où les deux scènes sont associées de façon certaine, constituerait un cinquième cas Malibu, J.P. Getty Museum 90.AE.35 ; BAPD 43899 ; N. Spivey (1994) fig. 2, 1-3.

13 N. Spivey (1994), p. 49-51.

14 R. Neer (2002), p. 144-146.

15 Sur les limites d’une telle approche, consulter F. Lissarrague & A. Schnapp (2007), p. 27-28.

16 BAPD 310211.

17 Amphore à col à figures noires datée vers 530-520, Boston Fine Arts Museum 23.210 ; BAPD 301878.

18 P. Demont (2002), p. 157 : selon Hésiode (fragment 250 M-W, 188 Most) et Pindare (Isthmiques VI, v. 52-54), Aïas viendrait de l’aigle aietós.

19 BAPD 301644.

20 BAPD 302033.

21 Lécythe à figures noires, Amsterdam, Allard Pierson Museum 3521 ; BAPD 42143 ; CVA Amsterdam 3, p. 13, pl. 150.2, 152, 153.1 pour le commentaire de W. van de Put et la bibliographie antérieure à propos de la jeunesse des opposants qui empêche de reconnaître Ajax et Ulysse.

22 Voir l’amphore à figures noires signée du potier Nikosthénès, datée vers 520, Vienne, Kunsthistorisches Museum 3604 (BAPD 302790), ou l’oenochoé à figures noires attribuée au Peintre de Géla, datée vers 500‑490, Paris, Louvre F 162 ; BAPD 46891 (avec une mauvaise attribution).

23 Parmi les très nombreuses occurrences, voir l’amphore à col à figures noires attribuée au Groupe de Médée, vers 520, New York, Metropolitan Museum 56.171.21 ; BAPD 301683.

24 Par exemple : l’amphore à col à figures noires attribuée au Peintre AD, Munich, Antikensammlungen 1542 (BAPD 6211) ou la coupe à figures rouges attribuée à Douris, vers 480, Paris, Cabinet des médailles, de Ridder 539 ; BAPD 205180.

25 Le peintre n’a pas été identifié mais le potier serait Kachrylion d’après H. Bloesch (1940), p. 45, n°12 ; BAPD 200935.

26 C’est ce qui est proposé habituellement, sans véritable justification. Voir LIMC I « Aias I », n°78, pl. 242.

27 BAPD 205070. Le médaillon central représente Ulysse remettant les armes d’Achille à Néoptolème.

28 D. Williams (1980), p. 138-139.

29 BAPD 203901.

30 De même, sur une autre coupe du Peintre de Brygos datée vers 490, Malibu, J. Paul Getty Museum 86.AE.286, ci-dessous (fig. 10).

31 Traduction revue par Ghislaine Jay-Robert que je remercie pour son aide et nos discussions.

32 Scholie à Pindare, Isthmiques, 4, v. 58 « Le jugement sur les armes se tient. Ulysse les reçoit par la volonté d’Athéna : Ajax, pris de folie, ravage le butin des Achéens et se suicide. »

33 Néméennes VIII, V. 26 et ci-dessous.

34 Beaucoup sont très fragmentaires et on ne connaît pas toujours la scène associée, cf. n. 11 pour les références bibliographiques de ce corpus.

35 Athènes, Acropole II. 315 ; BAPD 204692. Le sujet de l’autre face est inconnu.

36 Fragment de coupe attribuée à Douris, datée vers 490, Vatican, Museo Gregoriano Etrusco 3501 ; BAPD 205118 ; M. L. Catoni (2015), p. 338 fig. 15a.

37 Malibu, J. Paul Getty Museum 86.AE.286 ; BAPD 275946.

38 R. Neer (2002), p. 138-145.

39 BAPD 204538.

40 Pour D. Williams (1980) p. 141, le vote est terminé et Athéna se tient du côté du vainqueur.

41 Le tondo représenterait une scène d’éducation, ou du moins deux personnages avec des tablettes sans lien direct avec le sujet des deux faces ; BAPD 205058 ; D. Williams (1980), p. 139 et n. 18 considère que cette coupe est antérieure à celle de Vienne du même peintre.

42 Voir par exemple la scène de visite à la tombe sur un lécythe à fond blanc attribué au Peintre de Thanatos, vers 430, Londres, British Museum 1876, 0328.4 ; BAPD 216348.

43 D. Williams (1980), p. 139.

44 Coupe à figures rouges attribuée au Peintre de Briséis, vers 480, British Museum 1843,1103.92 ; BAPD 204400.

45 En dernier lieu : A. Coulié, S. Dubel, CJubier‑Galinier & F. Lissarrague (2023), p. 148.

46 D’après L. Giuliani (2013), p. 195-203, les peintres ont choisi de montrer la colère d’Achille contre Agamemnon plutôt que l’accueil chaleureux de ses compagnons, de même qu’Eschyle dans les Myrmidons, semble-t-il, d’après les quelques fragments connus. Pour E. Langridge-Noti (2009), la posture d’Achille est une formule graphique mise au point par les peintres pour exprimer son état émotionnel, mélange de pudeur et de colère.

47 Voir également G. Neumann (1965), p. 145 qui utilise le terme « Groll » pour interpréter la posture d’Ajax.

48 Traduction V. Bérard modifiée à partir de la version anglaise de D. Stuttard (2019a), p. 3-4.

49 L. Swift (2019), en particulier p. 33. L’auteur souligne toutefois que le comportement d’Ajax outrepasse celui d’Achille chez Sophocle.

50 Iliade, XVIII, v. 192-195.

51 XVIII, v. 34.

52 Sur ces diverses identifications voir M. L. Catoni (2015), p. 25 et le commentaire sur le site du British Museum à propos de la coupe https://www.britishmuseum.org/collection/object/G_1843-1103-11

53 Semblable à une épouse, la femme est tenue par le poignet par l’homme qui la mène. Toutefois la lance au-dessus de sa tête fait d’elle non une mariée, mais bien une prise de guerre.

54 II, v. 768 et ce que reconnaît Ulysse devant l’ombre d’Ajax Odyssée, XI, v. 550-551.

55 À la différence de la procédure par tirage au sort qui selon I. Malkin (2022) « implique un statut égal pour tous les participants, qui sont interchangeables et sont égaux devant le sort ».

56 Contra, S. Darthou (2020), p. 77 pour qui Athéna est « à la fois témoin et garante des justes décisions » dans la scène de vote.

57 Sur l’isolement d’Ajax mis en scène par Sophocle, consulter R. Seaford (2019), p. 90-91 qui n’oublie pas les antécédents proposés par les peintres de vases.

58 Sur ce thème très étudié depuis quelques années, voir V. Dasen (2015) ; V. Dasen (2024), p. 21‑108 et F. Lissarrague (2022) qui recensait plus de 200 occurrences.

59 Cette influence visuelle a déjà été soulignée par D. Stuttard (2019b), p. 19 à propos de la célèbre amphore à figures noires du potier-peintre Exékias qui a traité ce sujet en premier, Vatican, Musée grégorien étrusque 16757 ; BAPD 310395. Mais les peintres ont ensuite développé des variantes en ajoutant Athéna et ce sont ces images plus proches chronologiquement qui offrent les meilleurs parallèles. En dernier lieu V. Dasen (2024), p. 55-56 compare également l’organisation du vote sur la coupe de Vienne aux scènes de jeu, où Athéna aurait le rôle d’arbitre « garantissant l’issue équitable d’un jeu entre égaux ». Toutefois nous avons vu que la présence d’Athéna est plus ambivalente dans le contexte du vote plus partial, par nature, que le jeu de dés où le sort entre en jeu.

60 BAPD 9029664. Ici Athéna a le bras levé mais elle peut aussi l’étendre vers le vainqueur à gauche : voir le lécythe du Boston Museum of Fine Arts 95.15, vers 500 où des inscriptions précisent les scores ; BAPD 303417. V. Dasen (2015), p. 85 fait remarquer à juste titre que jamais les deux joueurs ne regardent la déesse, elle n’est là que pour le spectateur. Sur l’interprétation de la main levée, cf. F. Lissarrague (2022), p. 120‑121 ; V. Dasen (2024), p. 55.

61 M. Vespa (2020), p. 86-89 ; G. Zografou (2005), p. 95 commente une scholie de l’Oreste d’Euripide ; V. Dasen (2024), p. 43-45, 106‑107.

62 D. Williams (1980), p. 144 suggère, sans insister, que la coupe de l’Acropole ait été une commande spéciale d’un citoyen de la tribu Aiantis. Sans dédicace, une telle proposition demeure invérifiable et n’est de toute façon pas nécessaire pour comprendre le choix de cette coupe comme cadeau pour la divinité.

63 Pour le commentaire de ce passage concernant Ajax héros éponyme d’une des tribus athéniennes, voir F. Polignac (2007), p. 114.

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Table des illustrations

Légende Figure 1 : Coupe à figures noires attribuée à Lydos, Tarente, Museo archaelogico nazionale 201137 (d’après CVA Tarente 3, pl. 22,2)
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-1.png
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Légende Figure 2 : détail de la face A de l’amphore à col attribuée à la Classe de Cambridge 49, dernier quart du VIe siècle. Paris, Louvre Cp 163 (© Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Maurice et Pierre Chuzeville Open Access https://collections.louvre.fr/​ark:/53355/​cl010269919
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Légende Figure 3 : détail de la panse de l’hydrie attribuée au Groupe de Léagros, vers 510. Londres, British Museum 1843,11-3.2 © The Trustees of the British Museum
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-3.jpg
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URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-4.jpg
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Légende Figure 4a‑b : face A et B de la coupe attribuée au potier Kachrylion, fin VIe siècle. Londres, British Museum 1843, 103.78 © The Trustees of the British Museum
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-5.jpg
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Légende Figure 5 : face A de la coupe signée par le potier Python et le peintre Douris, vers 500-490. Vienne, Kunsthistorisches Museum 3695 © KHM-Museumsverband
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Légende Figure 6 : face A de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490-480. Londres, British Museum 1943,1103.92 © The Trustees of the British Museum
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Légende Figure 7 : Coupe fragmentaire attribuée à Makron, vers 490-480, Athènes, Acropole II. 315. D’après Graef, Langlotz (1925-1933) ii, n°315, pl. 19
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Légende Figure 8 : face B de la coupe signée par le potier Python et le peintre Douris, vers 500-490. Vienne, Kunsthistorisches Museum 3695 © KHM-Museumsverband
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URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-10.jpg
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Légende Figure 9a-b : face B et médaillon de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490-480. Londres, British Museum 1943,1103.92 © The Trustees of the British Museum
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-11.jpg
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Légende Figure 10 : vue extérieure de la coupe attribuée au Peintre de Brygos, vers 490. Malibu, J. Paul Getty Museum 86.AE.286. Open Access/Public Domain [CC0]
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Légende Figure 11a-c : faces A,B et médaillon de la coupe attribuée au Peintre du Louvre G 265, vers 480-470. Leyde, Rijksmuseum van Oudheden PC 75. Creative Commons CC0
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-15.jpg
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Légende Figure 12 : Coupe fragmentaire attribuée à Douris, vers 500-490, Paris, Cabinet des Médailles de Ridder 600+ b1. © photo S. Oboukhoff BnF-CNRS-MSH Mondes
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Légende Figure 13 : détail de la face A de l’amphore à figures noires attribuée au Groupe de Médée, vers 510, Malibu, J. Paul Getty Museum 71.AE.441. Open Access/Public Domain [CC0]
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/5946/img-17.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Cécile Jubier-Galinier, « Seul contre tous : autour du conflit entre Ajax et Ulysse pour les armes d’Achille »Cahiers des études anciennes [En ligne], LXII | 2025, mis en ligne le 11 avril 2025, consulté le 18 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudesanciennes/5946

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Auteur

Cécile Jubier-Galinier

Université de Perpignan – Laboratoire CRESEM UR 7397

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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