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Les nouveaux Sylla : violence de l’empereur et discours sur la mémoire des violences civiles sous Septime Sévère et Caracalla

Bertrand Cahut

Résumés

Cet article se concentre sur les références directes faites par Septime Sévère et Caracalla à Sylla et, plus largement, à une mémoire des violences civiles républicaines ou impériales. Elles sont un élément constitutif d’un dialogue entre l’empereur et le Sénat dans lequel l’institution impériale s’approprie les images de sévérité (ou de cruauté selon le point de vue) associées à la mémoire de la dictature de Sylla. Ces images acquièrent une valeur performative dans un contexte de réaffirmation de l’autorité impériale et enrichissent une mémoire « impériale » de Sylla, en partie héritée. Plusieurs monuments, dont l’Equus Severi, montre que cette mémoire ambiguë est assumée et revendiquée en tant que composante d’un continuum d’exemples qui contribue à construire l’image des empereurs de la dynastie.

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Texte intégral

  • 1 C. D., 76 (75), 8, 1 (Xiph.) ; Hdn., 3, 7, 8 ; SHA, Pesc. Nig., 6, 4.
  • 2 C. D., 78 (77), 13, 7 (Exc. Val. 376 [p. 749]). 
  • 3 SHA, Carac., 2, 2 ; 4, 10 ; 5, 4.
  • 4 G. Urso (2016).
  • 5 F. Hinard (1985b), p. 320 sur les usages de proscribere à l’époque impériale.
  • 6 F. Hinard (1985a), p. 281-286.
  • 7 Hdn., 3, 79-8, 1 ; J.-L. Voisin (1988), p. 262 ; M. Bats (2003), p. 293-294.
  • 8 C. D., 75 (74), 8, 4 ; Cf. 10, 4 ; Y. Rivière (2002), p. 480-482 ; M. Bats (2003), p. 288.

1L’objectif de cet article est de proposer une interprétation du recours à l’imaginaire des violences civiles tardo‑républicaines dans le cadre des principats de Septime Sévère et Caracalla, tous deux comparés à de nouveaux Sylla. Les attestations, provenant toutes de sources littéraires, mobilisent la légende noire de la cruauté du dictateur et établissent un parallèle avec celle qu’elles attribuent à Septime Sévère1 puis, plus tard, à son fils2. Pour l’auteur de l’Histoire Auguste à la fin du IVème s., l’imitatio Sullae est presque devenue un trait de famille3. Le transfert d’une image sénatoriale de Sylla sur des empereurs condamnés par l’historiographie plus tardive pour avoir porté atteinte à l’institution ne saurait surprendre4. Il établit un parallèle bien connu entre proscriptions républicaines et répression des soulèvements ou « complots » ; qu’il soit abusif5 n’en devient que plus révélateur de la force de l’image mentale associée à Sylla, presque toujours négative6. Le parallèle est donc associé chez nos auteurs à la peinture des meurtres, de l’envoi de la tête du vaincu à Rome7, aux procès, aux confiscations, aux relégations plus généralement8.

  • 9 Voir en général J. Sella (2020), p. 535-536 ; 538-539.
  • 10 E. Bertrand (2022) en général.

2Il s’agira donc moins d’analyser ces références dans le cadre des projets historiographiques de leurs auteurs, ce que d’autres ont fait, que d’envisager la question à rebours, à savoir comment l’image impériale se construit en réinvestissant un imaginaire a priori négatif quand est proposé, face à la politique de restauration de l’autorité impériale caractéristique des premiers Sévères9, le miroir des violences passées. Dès lors, nous essaierons de montrer que leur inscription dans le cadre de la politique mémorielle des deux premiers Sévères10 ne se limite pas à une simple mise en abyme des conditions de l’arrivée au pouvoir, mais construit aussi un discours sur le pouvoir.

I. L’appropriation et le détournement d’un imaginaire sénatorial de guerre civile

3Le récit de la séance dans laquelle Septime Sévère a prononcé la célèbre oratio qui suit son aduentus de juin 197, que l’on trouve dans l’œuvre de Cassius Dion, son contemporain, indique que l’empereur est lui-même à l’origine du rapprochement :

Πρός τε τὴν βουλὴν λόγον ἀναγινώσκων, καὶ τὴν μὲν Σύλλου καὶ Μαρίου καὶ Αὐγούστου αὐστηρίαν τε καὶ ὠμότητα ὡς ἀσφαλεστέραν ἐπαινῶν, τὴν δὲ Πομπηίου καὶ Καίσαρος ἐπιείκειαν ὡς ὀλεθρίαν αὐτοῖς ἐκείνοις γεγενημένην κακίζων, ἀπολογίαν τινὰ ὑπὲρ τοῦ Κομμόδου ἐπήγαγε, καθαπτόμενος τῆς βουλῆς ὡς <οὐ> δικαίως ἐκεῖνον ἀτιμαζούσης, εἴγε καὶ, αὐτῆς οἱ πλείους αἴσχιον βιοτεύουσιν.

  • 11 C. D., 76 (75), 9, 1 (Xiph.).

Lisant un discours devant le Sénat, et faisant l’éloge d’une part de la sévérité et de la cruauté de Sylla, de Marius et d’Auguste comme étant plus sûres et, de l’autre, blâmant la douceur de Pompée et César comme étant la cause de leur perte, il ajouta un panégyrique de Commode, reprochant au Sénat de l’avoir injustement noté d'infamie, attendu que la plupart de ses membres vivaient d’une manière plus infâme11.

  • 12 C. D., 76 (75), 7, 3 (traduction d’É. Gros et V. Boissée, Paris, 1867, légèrement modifiée). Sur le (...)
  • 13 Sur la présence à Rome de Cassius Dion lors de la séance de février 197 : M. Molin (2016), p. 439.
  • 14 G. Urso (2016).
  • 15 A. Daguet-Gagey (2000), p. 273-280.
  • 16 C. D., 75, 2, 1-2. B. Saylor Rodgers (2021), p. 259.
  • 17 J. Rantala (2016), p. 168-169.
  • 18 Sur ce topos : E. Bertrand (2022), p. 1, n. 5.
  • 19 E. Lyasse (2010), p. 722.
  • 20 C. D., 76 (75), 7, 3. Sur l’atmosphère de terreur à Rome : C. D., 76 (75), 7, 4 ; 8, 5 ; Hdn., 3, 8 (...)

4On sait qu’à ce moment du récit, Cassius Dion affirme déjà ne plus suivre l’Autobiographie de Septime Sévère12. Sa présence en qualité de témoin atteste l’exactitude de son information13. Gianpaolo Urso a montré l’importance du passage dans la réflexion de l’auteur sur le principat, et plus généralement, de sa condamnation des réponses apportées par Septime Sévère à la crise de la société romaine14. Le discours sert d’introduction à l’évocation des arrestations et condamnations des sénateurs accusés de complicité avec Clodius Albinus, constituant l’acmè d’une répression15 dont Cassius Dion fait remonter les prémices au procès de Julius Solon, immédiatement après l’aduentus de 193, ce qui montre selon lui la vacuité de la promesse de Septime Sévère de ne mettre à mort aucun sénateur16. Dans le discours, à travers les références à Marius et Sylla, l’empereur s’approprie l’imaginaire des proscriptions17. L’opposition rhétorique avec l’échec de la clémence de César, associée certes à celle de Pompée, est des plus classiques et sert de contrepoint18. La présence d’Auguste dans la liste, accolé à Sylla, est moins évidente : elle se justifie par l’opposition rhétorique entre Octavien, le triumvir, et Auguste, le bon empereur19. Tout en étant associé à Marius et Sylla dans le discours, Auguste – et non Octavien – propose une solution à l’opposition binaire entre crudelitas et clementia. Dans la succession des exempla résonne donc la menace, appuyée sur la répression20, mais également une promesse de stabilisation par l’établissement d’une nouvelle res publica restituta. La mention des figures exemplaires des guerres civiles tardo-républicaines acquiert alors une valeur performative : elle reconnaît, justifie, met en scène l’irruption de la violence dans la relation empereur‑sénat, d’un côté, et, de l’autre, contient la promesse de sa résolution.

  • 21 Cf. C. D., 36, 31 ; J. Rantala (2016), p. 171.
  • 22 A. A. Birley (1988), p. 198-200 ; J. M. Madsen (2016), p. 136‑168 ; B. Saylor Rodgers (2021), p. 25 (...)
  • 23 M. Molin (2006) ; E. Bertrand (2015), p. 166-167.
  • 24 SHA, Pesc. Nig., 6, 4.
  • 25 Hdn. 3, 7, 8.
  • 26 Hdn., 3, 8, 6-8. Sur le choix narratif d’Hérodien par rapport à la version de Cassius Dion : C. S.  (...)
  • 27 Contra B. Saylor Rodgers (2021), p. 258 qui interprète le passage comme opposé à Cassius Dion.

5Du point de vue d’un sénateur comme Cassius Dion, elle est un marqueur de tyrannie, renvoyant à un exemplum négatif dans lequel Cassius Dion21 voit un des marqueurs du siècle de fer correspondant à l’époque qui suit l’avènement de Commode22, un signe de la crise dont l’auteur est pleinement conscient23. Elle est encore utilisée comme telle par l’Histoire Auguste qui remplit la biographie de Pescennius Niger avec ce qu’il a lu de la répression de Septime Sévère, mais de manière déconnectée24. Hérodien, lui, reproduit quasiment la même séquence d’exempla que Cassius Dion, pour conclure son récit des luttes civiles25. En apparence élogieuse seulement, elle construit la transition entre la bataille de Lyon et l’aduentus de 197 qui permet à l’auteur de décrire l’attitude condamnable de l’empereur26. Hérodien, qui puise peut-être son information à la même source que Cassius Dion, l’oratio de Septime Sévère, adopte une position assez similaire à ce moment du récit27.

  • 28 La tradition retient nombre de propos attribués à Septime Sévère pour justifier sa politique pendan (...)

6En se réclamant ouvertement des exemples des proscriptions républicaines, donc de la mémoire qui y était attachée, le princeps victorieux affirmait donc bien la légitimité de son recours à la violence en s’appropriant des exempla connotés négativement par la tradition historiographique sénatoriale28. La violence symbolique du procédé provient de la menace qu’il laisse planer, même si ces exemples portaient aussi la promesse d’une résolution a posteriori de cette violence par le retour à l’ordre.

II. La figure de Sylla, la mémoire des guerres civiles tardo-républicaines et l’Equus Seueri

1. L’Equus et le rêve « républicain » de l’avènement de Septime Sévère

  • 29 RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 147, n°415.
  • 30 RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 113 n°169.

7Proche chronologiquement du discours de 197, l’Equus Seueri, monument emblématique de la période, partage avec lui certaines caractéristiques : un investissement de la mémoire des guerres civiles et une violence symbolique réaffirmant l’autorité impériale. Le motif de la statue équestre apparaît dès 194-195 sur des deniers frappés à Émèse (figure 129) puis sur des frappes d’aurei de l’atelier de Rome en 200-201 (figure 230).

Figure 1 – Premier état du projet d’Equus sur le revers d’un denier frappé à Émèse en 194-195 (RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 147, n°415). Source : The Digital Coin Cabinet of Johannes Gutenberg-Universität Mainz, Photographie de L. Haffner.

Figure 2 – Equus Seueri sur le revers d’un aureus frappé à Rome en 200-201 (RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 113 n°169). Source : Bnf.

  • 31 A. Daguet-Gagey (2000), p. 255-256.
  • 32 Hdn., 3, 5, 2.

8Des différences notables sont visibles : sur les premiers, la lance fichée dans le sol n’apparaît pas (sur certains exemplaires on pourrait distinguer un étendard ou un sceptre), la statuette de la Victoire dans la main de l’empereur n’est pas figurée, le paludamentum ne semble pas laisser apparaître la cuirasse. Peut-être les frappes d’Émèse correspondent-elles à l’ébauche d’un projet voté après la défaite de Pescennius Niger et la première campagne parthique, puisque la légende SPQR OPTIMO PRINCIPI semble indiquer un vote du Sénat, tandis que celles de Rome indiqueraient plutôt son achèvement. La rupture avec Clodius Albinus31 et l’atmosphère politique romaine en 19532 ont pu retarder un projet qui aura été relancé une fois la victoire de Septime Sévère acquise et réaffirmée, donc après 197, peut-être même après le 28 janvier 198, lorsque Septime Sévère adopta le titre de Parthicus Maximus en même temps qu’il élevait officiellement Caracalla à l’augustat, parachevant ainsi la séquence ouverte en 195.

9Hérodien a conservé le souvenir de l’interprétation officielle de la statue équestre du Forum qui serait la commémoration d’un présage à l’Empire :

Μέγαν δὲ καὶ γενναῖον ππον βασιλικοῖς φαλάροις κεκοσμηνένον ᾠήθη βλέπειν, φέροντα τὸν Περτίνακα ποχούμενον διὰ μέσης τῆς ἐν ῾Ρώμῃ ἱερᾶς ὁδοῦ. ἐπεὶ δὲ κατὰ τὴν τῆς ἀγορᾶς ἀρχὴν ἐγένετο, νθα ἐπὶ τῆς δημοκρατίας πρότερον ὁ δῆμος συνιὼν κκλησίαζεν, ᾠήθη τὸν ππον ἀποσεῖσασθαι μὲν τὸν Περτίνακα καὶ ῥῖψαι, αὐτῷ δὲ λλως ἑστῶτι ὑποδῦναι τε αὐτὸν καὶ ἀράμενον ἐπὶ τοὶς νώτοις φέρειν τε σφαλῶς καὶ στῆναι βεβαίως ἐπὶ τῆς ἀγορᾶς μέσης, ἐς ψος ραντα τὸν Σεβῆρον ὡς ὑπὸ πάντων ρᾶσθαί τε καὶ τιμᾶσθαι. μένει δὲ καὶ ἐς ἡμᾶς ἐν ἐκείνῳ τῷ χωρίῳ ἡ τοῦ ὀνείρατος εἰκὼν μεγίστη, χαλκοῦ πεποιημένη

  • 33 Hdn, 2, 9, 5-6 (traduction de D. Roques, coll. La roue à livres, Paris, 1990). Sur le choix de repo (...)

Il avait cru voir en songe un grand cheval de race, orné de phalères impériales, qui portait Pertinax et s’avançait à Rome, sur la Voie Sacrée. Quand il fut parvenu à l’entrée du Forum, à l’endroit où, auparavant, au temps de la République, le peuple se rassemblait pour délibérer, le cheval, lui avait-il paru, avait secoué Pertinax et l’avait jeté à bas, puis, s’étant dirigé vers Sévère, qui se trouvait plus loin, s’était glissé sous lui, l’avait chargé sur son dos, conduit sans danger en plein milieu du Forum, où il s’était solidement campé, et, y maintenant Sévère en position dominante, l’avait offert au regard et à l’estime de tous. Il reste encore à notre époque, à cet endroit-là, une très grande statue en bronze qui témoigne de ce songe33.

  • 34 M. Meulder (1999), p. 145-146. À moins qu’il ne faille, comme F. Chausson (2009), p. 89, supposer q (...)
  • 35 C. D., 75, 3, 3 : Καὶ αὖθις ἵππον ἐν τῇ ἀγορᾷ τῇ Ῥωμαίᾳ τὸν μὲν Περτίνακα {καὶ} ἀναβεβηκότα ἀπορρῖψ (...)
  • 36 C. D., 76, 3.
  • 37 Sur la présentation de la mort de Pertinax : Hdn., 2, 9, 8-11 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 163.

10Le texte d’Hérodien s’appuie très vraisemblablement sur l’Autobiographie de l’empereur, probablement composée en 197 ou 19834. Cassius Dion atteste de l’historicité du récit du songe, en attribue la paternité de l’invention à l’empereur, mais ne le met pas en relation avec l’Equus35. L’historien avait été l’auteur d’un traité sur les rêves et signes prémonitoires ayant annoncé l’avènement de l’empereur africain, dont on s’accorde à placer la rédaction avant 19636, ce qui semble indiquer que « l’interprétation » officielle par le rêve est postérieure. Sans doute, le monument a-t-il été réinterprété au moment de sa réalisation, même si l’honneur a pu être voté dès 193 ou 194. L’Equus participait d’un récit légitimant de l’avènement qui présentait la succession des événements jusqu’en 197-198 comme la résultante de la proclamation de mars 193 pour venger Pertinax37. Il synthétisait donc l’ensemble de la séquence des guerres civiles depuis l’aduentus de mars 193 jusqu’à celui de 197, toujours dans les mémoires,– ou bien anticipe celui qui est attendu à partir de 198 puisque le monument célèbre aussi la victoire parthique.

11Les données topographiques du rêve de Septime Sévère s’appuient sur l’imaginaire de l’aduentus impérial pour construire le trajet de Pertinax pénétrant sur le Forum par la Via Sacra et renversé à terre par son cheval au niveau de l’ancien comitium d’époque républicaine (figure 3).

Figure 3 – Plan du Forum romain (réalisation personnelle).

  • 38 Contra F. F. Coarelli (1995), p. 231.
  • 39 Son effacement définitif s’effectue avec les travaux entrepris par Septime Sévère pour la construct (...)
  • 40 P. Zanker (1972), p. 7 ; L. Richardson (1992), p. 335 : le démantèlement s’effectuerait entre 46 et (...)
  • 41 Suet., Aug., 100, 3 les décrit au début du IIème s. comme les uetera rostra. B. Cahut (2015), p. 11 (...)

12Le cheval bifurque ensuite et, au lieu de se rendre sur le Capitole, va chercher Septime Sévère, le désignant ainsi à l’Empire. Toujours selon le récit d’Hérodien, le cheval s’arrête ἐπὶ τῆς ἀγορᾶς μέσης (« au milieu du Forum ») dans la zone intermédiaire entre les deux tribunes rostrales38, zone qu’il associe au populus puisque le nouvel empereur peut s’y faire reconnaître. Si l’on se fie au texte d’Hérodien, l’espace de l’ancien comitium, quand bien même les traces en étaient disparues à son époque39, fixait encore une mémoire républicaine (δημοκρατίας πρότερον). Le déplacement des rostres40 avait néanmoins contribué à transférer sur cette zone une part de l’imaginaire mémoriel républicain associé à l’ancien comitium. Symboliquement le « milieu du Forum » est alors dédié au populus, auquel appartient encore Septime Sévère en tant que priuatus avant de se faire reconnaître par lui, réminiscence, permise par le rêve, de l’ancien rôle des comices dans l’avènement impérial41.

2. Un nouveau Trajan sur un espace associé au règlement des guerres civiles depuis Sylla

  • 42 RIC II, Trajan, n°291 ; A Daguet-Gagey (2004), p. 186.

13Le récit « républicain » du rêve apparaît contradictoire avec l’apparence même du monument (figure 1). Le parallèle stylistique, noté par A. Daguet-Gagey, entre les monnaies représentant l’Equus Traiani (figure 4)42 et l’Equus Seueri, permet de célébrer l’optimus princeps que serait devenu Septime Sévère, dont le portrait barbu est aisément identifiable sur les exemplaires de son règne.

Figure 4 – Equus Traiani sur le revers d’un denier frappé à Rome en 112-113 (RIC II, Trajan, p. 264, n°291). Source : Bnf.

  • 43 Sur l’exemple de Trajan : A. Daguet-Gagey (2000), p. 290.
  • 44 M. Galinier (2007), p. 190 ; B. Cahut (2023).

14La légende (SPQR OPTIMO PRINCIPI) le souligne d’ailleurs sans ambages. Dans le monnayage, le Parthicus Maximus du Forum romain présente une attitude calquée sur celle du vainqueur de la Dacie (et également premier Parthicus43). Cependant la glorification de ce dernier, sur un espace entièrement consacré à la célébration de sa geste, était circonscrite à un ensemble monumental de nature manubiale, offert au peuple44. Or il faut insister sur la nature militaire de la représentation de Septime Sévère : il apparaît cuirassé, tenant dans la main gauche une Victoire et dans la droite une lance dont la pointe est fichée dans le sol. Signe de pacification consécutive à la victoire militaire, elle marque l’appropriation du territoire par Rome. S’il s’agissait de la conquête de la Dacie sur le Forum de Trajan, de quel territoire le premier des Sévères pouvait-il affirmer la pacification sur le Forum romain ? La Mésopotamie, les campagnes parthiques ayant été célébrées par le vote d’honneurs en 194 comme en 198 ? Ou l’Vrbs, la connotation publique de l’espace central du Forum étant reconnue dans le rêve présage d’avènement de Septime Sévère ?

  • 45 S. S. Lusnia (2014), p. 7 3.
  • 46 L’emplacement a été identifié par les archéologues avec les traces d’une base monumentale sur une p (...)
  • 47 Stat., Silv., 1, 1, 16.
  • 48 R. H. Darwall-Smith (1996), p. 227-233 ; p. 488‑493 ; B. Cahut (2015), p. 469-484 ; D. Nocera (2021 (...)
  • 49 Stat., Silv., 1, 1, 27-28 avec une allusion à la clementia Caesaris.
  • 50 Stat., Silv., 1, 1, 37. M. Sehlmeyer (1999), p. 208 et n. 26. C’est aussi le geste de la célèbre st (...)
  • 51 RIC, II², 1, Domitian, p.324, n°797.
  • 52 Le souvenir des Flaviens, arrivés au pouvoir après une guerre civile, est entretenu par la restaura (...)

15Septime Sévère y était assurément autant le vainqueur des Parthes que le vainqueur des guerres civiles. Située au milieu de la place, la statue équestre s’inscrivait en effet aussi dans une histoire – donc une mémoire – des honneurs impériaux et tardo-républicains45. Sur le même espace avait été édifié le monumental Equus Domitiani46, détruit après 96 en tant que marqueur de sa tyrannie, et modèle négatif à travers lequel fut pensée la statue du Forum de Trajan. Celle de Domitien célébrait sa Victoire après le double triomphe de 89, qui masquait aussi la répression du soulèvement de Saturninus47. Un poème de Stace convoque le voisinage des différents monuments du Forum pour glorifier les grandes thématiques du principat – légitimité dynastique, bon gouvernement, victoire militaire – replacées dans la continuité des grands exempla du passé48. Dans les faits, Domitien, dont les relations avec le Sénat étaient fortement dégradées, réaffirmait au milieu du Forum son autorité par un monument de victoire rappelant aussi son aduentus et sa clementia49 signifiée par le geste de l’adlocutio pacificatrice50 sur les sesterces qui représentent l’Equus51. Septime Sévère, sur le même espace, prit, lui, le modèle de l’optimus princeps pour un nouvel investissement du centre de la place52.

  • 53 Vell. 2, 61, 2.

16Cependant, il existait une tradition antérieure d’érection de statues équestres sur le Forum. Selon le témoignage de Velleius Paterculus, quatre Romains avaient reçu cet honneur in rostris : Sylla (figure 5), Pompée, César et Octavien (figure 6)53.

Figure 5 – Equus Sullae sur le revers d’un aureus frappé par A. Manlius à Rome en 80 a.C. (RRC, 281). Source : Bnf.

Figure 6 – Equus Octauiani sur le revers d’un denier d’Octavien frappé à Rome en 43 a. C. (RRC, 490/1). Source : Bnf

  • 54 Suet., Iul., 75. Ce déplacement a sans doute été précédé d’une restauration eu égard aux destructio (...)
  • 55 RRC 381, 1a (Sylla) ; RRC 490/1 (Octavien).
  • 56 E. Rosso (2016), p. 269.
  • 57 App., BC, 1, 451 : Κορνηλίου Σύλλα ἡγεμόνος Εὐτυχοῦς. Sur la statue également : Cic., Phil., 9, 13 (...)

17Les statues de Sylla et de Pompée avaient été positionnées à proximité de l’ancienne tribune républicaine du comitium, et avaient été réinstallées vers le centre de la place par César qui entendait ainsi manifester sa clementia54. Dans la forme, quand nous la connaissons grâce à la numismatique, elles semblent davantage s’apparenter à l’Equus Domitiani qu’à l’Equus Seueri, avec un geste d’adlocutio, sans armes ni cuirasse55, mais sont, elles aussi, liées à la célébration de victoires après des guerres civiles (figures 5 et 656). Rien ne permet de dire que ces statues étaient encore visibles à l’époque de Septime Sévère. Le seul indice pourrait provenir de la description détaillée de la statue de Sylla chez Appien et de la lecture de l’inscription sur sa base57. Quoi qu’il en soit, le souvenir même de ces statues, encore attesté, pouvait néanmoins fournir un continuum mémoriel entre les vainqueurs des guerres civiles du passé et l’Equus Seueri.

  • 58 Pour l’Equus Domitiani : Stat. Silv., 1, 1, 66-70.
  • 59 Varro, Ling. lat., 5, 148 ; Liv., 6, 6, 16 ; Den. Hal., 16, 11, 1‑5 ; Val. Max., 5, 6, 2. D’autres (...)
  • 60 Palais des conservateurs, inv. n°826. C. F. Giuliani & P. Verduchi (1987), p. 115 : le relief n’est (...)
  • 61 Tac., Hist., 1, 41, 3 qui développe le thème de la dévotion ; B. Poulle (1998), p. 314-315.
  • 62 C. D., 64, 6, 3.
  • 63 C. D., 74 (73), 9-10. Les deux empereurs périssent victimes de la soldatesque, même si Pertinax, lu (...)
  • 64 Hdn., 2, 9, 8-11.
  • 65 C. D., 75 (74), 5, 6 ; S. Benoist (2005), p. 160.

18La proximité entre l’Equus et le Lacus Curtius58, renforçait en outre la symbolique. Le lieu était associé à la deuotio de Marcus Curtius en 362 a. C.59. Un bloc découvert en 1552‑1553 porte sur un côté un relief qui représente la deuotio d’un cavalier fixant la mémoire de l’origine du lieu60. Or Galba fut également assassiné à proximité en 6961, Cassius Dion précisant « au milieu du Forum des Romains » (ἐν μέσῃ τῇ Ῥωμαίων ἀγορᾷ62). Son assassinat par les prétoriens pouvait rappeler celui de Pertinax63, duquel Septime Sévère s’est, dès son soulèvement de mars 193, présenté comme le vengeur64, ce qu’il a cherché à rappeler encore, croyons-nous, au tournant de 197-198, en attachant le rêve prémonitoire de l’avènement à l’Equus. Le Forum avait servi de cadre aux funérailles de Pertinax organisées par Septime Sévère, débutant par le défilé des statues des Romains illustres, l’inscrivant, son vengeur avec lui, dans une histoire de Rome incluant son passé républicain65. Ainsi les strates mémorielles et historiques s’imbriquaient-elles sur cet espace fortement associé à la mémoire des guerres civiles anciennes, depuis Sylla jusqu’à Domitien, et à leur résolution par la victoire d’un restitutor, à proximité d’un lieu associé à l’idée du sacrifice pour le bien public. L’ensemble renforçait sans doute la violence symbolique du geste pacificateur de la statue de Septime Sévère.

  • 66 S. S. Lusnia (2014), p. 81-83 ; également A. Daguet-Gagey (2000), p. 185.
  • 67 S. S. Lusnia (2014), p. 88-89 ; B. Cahut (2015), p. 254-255. Il faut noter que Septime Sévère le fa (...)
  • 68 A. Daguet-Gagey (1997), p. 43-63 ; S. S. Lusnia (2014), p. 17‑22 ; C. Davoine (2023), p. 81.
  • 69 C. D., 77, 16 ; SHA, Sev., 23, 1.
  • 70 CIL VI, 36930 ; 938 ; sur les restaurations sur le Forum : S. S. Lusnia (2014), p. 84-89.
  • 71 Par ex. RIC, IV, 1, Septimius Severus, n°140A ; voir en particulier A. Daguet-Gagey (2004), p. 177‑ (...)
  • 72 S. S. Lusnia (2014), p. 84.
  • 73 CIL VI 1033 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 323 ; S. S. Lusnia (2014), p. 71-86 ; M. Haake (2016), p.  (...)

19L’environnement proche de la statue créait donc un lien mémoriel avec les guerres civiles du passé, mais le monument dialoguait aussi avec les autres constructions pour célébrer la victoire parthique et la res publica restituta en écho avec l’exemplum Augusti, comme l’a montré S. Lusnia66. L’Equus constituait la première étape d’un accaparement du Forum, qui rappelle les initiatives de Domitien67. Sans doute les destructions imputables à l’incendie sous Commode68 avaient-elles rendu possible le réaménagement de la place à côté d’un programme de restaurations dont les sources littéraires69, les inscriptions70 et le monnayage conservent le souvenir71. L’empereur, omniprésent, affichait ouvertement sa victoire dans une guerre civile, condition d’une nouvelle restauration72, à côté de sa victoire extérieure. L’ensemble sera complété par l’arc de triomphe, dédicacé en 203, dont les panneaux, revenant sur le récit de la deuxième campagne parthique, s’achevaient sur l’adlocutio après la prise de Nisibe, annonçant l’association de Caracalla. Comme le proclame l’inscription, l’arc était dédié ob rem publicam restitutam imperiumque populi Romani propagatum, c’est-à-dire autant pour l’action militaire que politique de l’empereur73.

20Quoi qu’il en soit, la violence symbolique de l’Equus prolongeait bien le message de l’oratio de 197 et annonçait le message de l’arc qui confirmait l’accaparement d’un espace mémoriel associé mentalement au populus. Le cadre topographique permettait de faire référence à un passé des honneurs accordés sur le même espace aux vainqueurs des guerres civiles depuis Sylla, dictateur legibus scribendis et rei publicae constituendae, à proximité de bâtiments marqués par le souvenir d’Auguste, restitutor rei publicae. Cependant, le choix du modèle de l’adlocutio aura peut-être été abandonné au profit d’une référence trajanienne de pacification, transposant une attitude typiquement militaire dans un contexte civil dans le but de réaffirmer fortement le principe d’une nouvelle restauration qui se caractérise par un renforcement de l’autorité impériale dans un cadre dynastique. Dans l’écriture de la mémoire collective de Rome par l’empereur, ce qui domine est avant tout la mise en lumière d’un continuum d’exempla appelés à se fondre dans l’image publique des empereurs de la dynastie.

III. Le prisme de la réhabilitation de la mémoire de Commode ?

1. Une mémoire « impériale » de Sylla au prisme de la réhabilitation de la mémoire de Commode

  • 74 Hdn., 1, 14, 9. Notons qu’il existait encore sur les rostres à l’époque de Pline l’Ancien une statu (...)
  • 75 Sur ces deux statues : M. Cadario (2017), p. 51-52. L’érection d’une statue de Libertas n’est pas s (...)
  • 76 Par ex. RIC, IV, Septimius Severus, 79 (denier, Rome, 196‑197) : O. Hekster (2002), p. 188.
  • 77 C. D., (73), 72, 15, 1 ; RIC III, Commodus, 247 (aureus, Rome, 192).
  • 78 M. Cadario (2017), p. 53 sur la base de Tac., Ann., 12, 24, 1.

21Il ne faut pas oublier que l’objet de l’oratio de Septime Sévère, dans laquelle Septime Sévère se référait à la cruauté de Sylla, c’est-à-dire à une dimension négative associée aux proscriptions et à la dictature, était aussi d’imposer la réhabilitation de la mémoire de Commode. Or le Forum romain, dans lequel s’inscrit l’Equus, était aussi un espace connoté par la relation entre le dernier des Antonins et le Sénat. Ce dernier y aurait fait placer une statue d’Hercule, jugée menaçante par Hérodien, face à la Curie, peut-être sur l’ancien comitium et remplacée, à sa mort, par une statue de la Libertas74.  On ne sait si cette substitution a été durable, puisque l’auteur ne précise pas l’avoir vue75. En 196-197, les frappes de Septime Sévère en l’honneur d’Hercule Defensor reprennent en revanche peut-être le motif de statues commodiennes76. Cassius Dion mentionne également un groupe statuaire colossal de Commode-Hercule accompagné d’un taureau et d’une génisse, célébrant sa qualité de nouveau fondateur77. Le placer sur le Forum est une hypothèse gratuite, qui ne reposerait que sur l’absence d’indices qui le placeraient dans les environs de l’Ara maxima78. L’Equus se trouvait prendre la suite d’un ou deux monuments contestés de ce nouveau frère que Septime Sévère avait fait diviniser.

  • 79 Type d’Hercule Farnèse avec un portrait de Commode soit peu avant 192 soit après 195 : S. S. Lusnia (...)
  • 80 Ath., deipn., 12, 537-538 précise l’intérêt de Commode pour Lysippe en tant que sculpteur d’Alexand (...)
  • 81 F. Hinard (1985a), p. 256-258.
  • 82 S. S. Lusnia (2014), p. 115-116 ; E. Bertrand (2022), §13.
  • 83 RIC, II, Trajan, p. 307, n°793 (cf. RRC 426/1) ; RIC, II, Trajan, p. 307, n°792 (cf. RRC 426/2).
  • 84 RIC, II, Trajan, p. 307, n°793.

22Cependant c’est bien hors de l’espace associé au populus que ce dernier a reconnu le lien entre le dernier des Antonins et Hercule. Cette discrète reconnaissance est peut-être passée par l’insertion du portrait de Commode dans le corps d’une statue d’Hercule découverte sur le Palatin non loin d’une base avec une inscription en grec ΛΥΣΙΠΠΟΥ ΕΡΓΟΝ79. Or la présence de cette statue pouvait faire écho aux descriptions de la salle à manger de la domus de Sylla, dans laquelle le dictateur avait placé une statue d’Hercule, œuvre de Lysippe, réalisée pour Alexandre et ensuite propriété d’Hannibal80. Le lien entre Hercule et Commode s’en trouverait recontextualisé dans une perspective plus large, dans laquelle Septime Sévère pouvait lui-même inscrire son action. Sylla, dévot d’Hercule, qui offrit la dîme de ses biens, restaura le temple d’Hercule Custos sur le Champ de Mars et construisit un temple (ou une statue) pour un Hercule appelé syllanien sur l’Esquillin, pouvait devenir un précédent commun aux deux empereurs81. Si l’Hercule célébré sous Septime Sévère est surtout l’Hercule de Leptis Magna auquel l’empereur offrira un temple sur le Quirinal avec Liber Pater82, le geste pouvait, lui, apparaître comme syllanien dans un contexte romain. En effet, une mémoire « impériale » de Sylla préexistait dans laquelle Septime Sévère pouvait réinscrire sans risque Commode, dévot d’Hercule, et forger par ailleurs la sienne dans une démarche mémorielle fondée sur un continuum exemplaire. Celle-ci était plutôt dépassionnée si l’on considère les deniers restitués de Trajan, optimus princeps, contenant deux deniers de Faustus Sylla célébrant la mémoire de son père qui mettent en exergue le cognomen de Felix83. L’un d’eux présente au droit un buste d’Hercule et fait référence à l’intérêt particulier de Sylla pour Hercule84.

2. La restauration du mausolée de Sylla sous Caracalla

23L’existence d’une mémoire « impériale » de Sylla permet aussi de donner du sens à la restauration sous Caracalla du mausolée de Sylla, deuxième attestation d’un lien direct avec la mémoire du dictateur :

ὅτι τὸ τοῦ Σύλλου μνημεῖον ἀναζητήσας ἐπεσκεύασε, (...) ὅτι τὴν ὠμότητα αὐτοῦ ἐζήλου.

  • 85 C. D., 78 (77), 13, 7 (Exc. Val. 376 [p. 749]) [traduction É. Gros et V. Boissée, Paris, 1867].

Il rechercha, afin de le restaurer, le monument de Sylla, (…) parce qu’il imitait sa cruauté85.

  • 86 J. Rantala (2016), p. 159-60.
  • 87 SHA, Carac., 2, 2.
  • 88 SHA, Carac., 4, 10 ; 5, 4.
  • 89 App., BC, 1, 500. F. Coarelli (1997), p. 599 ; S. Benoist (2005), p. 115; M. Blasi (2018), p. 60.
  • 90 Sur le rôle de modèle des funérailles de Sylla : S. Benoist (2005), p. 115-117 ; M. Blasi (2018), p (...)
  • 91 App., BC, 2, 86 ; C. D., 69, 11 ; J.-Y. Carrez-Maratray (1999), p. 405.
  • 92 C. D. 76 (75), 13, 1. A. Birley (1988), p. 206 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 304 ; E. Bertrand (2022 (...)
  • 93 Jean Tzetzes, Chiliades 1, 804-805 ; A. Birley (1988), p. 148 ; sur la tombe d’Hannibal : Plin., NH(...)

24Pour Cassius Dion, ce serait la cruauté du fils de Septime Sévère qui le conduirait à engager une démarche volontaire de restauration86. L’Histoire Auguste brode aussi sur l’imitation de Sylla lorsque l’auteur affirme que le jeune Caracalla se lançait dans des éloges du dictateur87. Sa politique antisénatoriale et favorable aux soldats convoque dans la même biographie la comparaison88. L’accusation d’imitation ne saurait cependant être prise à la lettre. Situé sur le Champ de Mars, dans le Palus Caprae, lieu associé aux funérailles impériales, le mausolée de Sylla était sans doute fortement ruiné89. La restauration du monument funéraire contribuait à rétablir la mémoire du défunt et à lui redonner une place dans un ensemble urbain marqué par les funérailles impériales et leur monumentalisation90. Or la recherche et la restauration des tombes des « grands hommes » du passé n’était pas sans précédent : on peut rappeler la restauration de la tombe de Pompée à Péluse entreprise par un Hadrien se recueillant devant elle au moment de son voyage en Égypte91, et sur laquelle Septime Sévère procéda à un sacrifice92. Un auteur tardif attribue aussi à ce dernier la restauration de la tombe d’Hannibal à Lybica93. Celle du mausolée de Sylla correspondait donc à une facette conventionnelle du métier d’empereur : assurer la restauration des monuments du passé et la mémoire qui leur est associée.

  • 94 C. D. 78 (77), 3, 1 (qui place l’argument dans le discours tenu aux prétoriens) ; Hdn., 4, 5, 4-6 ; (...)
  • 95 Hdn., 4, 5, 7 ; C. D., 78 (77), 3, 3 mentionne le seul rappel des exilés, relevant d’une mesure de (...)

25La logique mémorielle dont elle relève n’était cependant pas forcément apolitique. Si l’on considère l’accusation de cruauté de Cassius Dion, peut-être peut-on la replacer dans le contexte de l’épuration suivant l’assassinat de Geta, dont la justification a été la réaction à un complot94. La restauration du mausolée de Sylla prendrait le tour d’une réaffirmation de l’autorité impériale par une répression sans ouverture de guerre civile95. Peut-être est-on fondé à voir dans le geste de Caracalla un acte rappelant l’attitude de son père dans l’oratio de 197 ?

3. Un usage dépassionné de la mémoire de Sylla ?

26L’exemplum de Sylla pouvait être invoqué de deux manières différentes : soit par son appartenance à une mémoire collective axée sur l’idée de continuum historique intégré au principat, soit comme le témoignage d’une politique autoritaire dans le cadre de mauvaises relations avec le Sénat. Or à ce titre, dans l’Histoire Auguste, à certes considérer avec la méfiance qui s’impose, l’exemplum de Sylla n’est utilisé, en dehors de Septime Sévère et Caracalla, que pour Commode. L’auteur l’évoque à propos de l’adoption de l’agnomen Felix :

Inter haec Commodus senatu semet ridente, cim adulterum matris consulem designasset, appelatus est Pius ; cum occidisset Perennem appelatus est Felix, inter plurimaas caedes multorum ciuium quasi quidam nouus Sylla.

  • 96 SHA, Comm., 8, 1 [traduction A. Chastagnol (1994)].

Entre-temps, Commode, qui avait désigné comme consul l’amant de sa mère, reçut par dérision le surnom de Pieux et, après l’assassinat de Pérennis, celui d’Heureux ; en somme, par les nombreux meurtres perpétrés contre tant de citoyens, c’était un nouveau Sylla96.

  • 97 Par ex. C. D., 53, 16, 7-8 ; 18, 2-4 ; cf. 73 (72), 15, 1 pour le changement de titulature de Commo (...)
  • 98 A. Molinier-Arbo (2012) sur l’utilisation par l’Histoire Auguste de Marius Maximus.
  • 99 Sous Hadrien la Felicitas Augusti et la Felicitas Populi Romani peuvent adopter les mêmes caractéri (...)
  • 100 SHA, Comm., 8, 2.
  • 101 J.-P. Martin 1982, p. 350-351 ; O. Hekster (2002), p. 63 ; également B. Cahut (2017), p. 106-107 su (...)
  • 102 RIC, III, Commodus, p. 383, n° 156-157. Tac., Ann., 11, 25 sur le refus prudent de Claude.
  • 103 Cf. RIC III, Commodus, p. 397, n°194 ; p. 429, n°549.

27Le passage s’inscrit dans une tradition de l’exégèse des éléments de la titulature impériale97, que l’auteur a peut-être pu trouver formulée chez Marius Maximus98. Cependant, il y a une évidente solution de continuité entre Sylla et Commode. La Felicitas était devenue une qualité impériale et dynastique, notamment au IIe s.99, mais l’auteur attribue le changement de titulature à l’atmosphère de terreur100. L’adjectif substantivé Felix fait bien son apparition dans la titulature impériale en 184, entre, d’un côté, l’annonce de la victoire en Bretagne et de la fin du soulèvement de Priscus, qui vaut à Commode le titre de Britannicus, et, de l’autre, l’élimination de Perennis, accusé de complot101. De manière quasi contemporaine, Commode devient également pater Senatus. Le titre apparaît sur des monnaies de 186102, réaffirmant fortement l’autorité impériale considérée comme menacée103. L’agnomen Felix constituait donc une réponse à l’instabilité politique grandissante, non un rappel de Sylla.

  • 104 A. Daguet-Gagey (2005), p. 407 ; M. Christol (2007), p. 233‑234 ; B. Cahut (2015), p. 898-902.
  • 105 C’est ce que rappellent les revers d’aurei de 197 aux portraits affrontés de Septime Sévère et Cara (...)
  • 106 Reprise de l’usage commodien pour caractériser le deuxième aduentus romain de 196 : felicissimus ad (...)

28Septime Sévère ne reprend pas le titre commodien de pater senatus, trop connoté. Sans doute sous son règne, en 205 peut-être, le substitut partiel de mater senatus porté par Julia Domna décentre la relation empereur-Sénat sur celle qui est garante de la succession impériale en tant que mater Augusti et castrorum104. En revanche, il intègre l’agnomen Felix à la titulature de Caracalla qui prend le nom de Marc Aurèle, Septime Sévère réaffirmant la dimension héréditaire de la succession impériale qui avait été contestée en 195105. De ce point de vue, il en revenait à une conception très commodienne de l’affirmation de la Felicitas comme étant la légitimité à gouverner permettant l’ouverture d’un nouvel âge d’or106. Pouvait-il ignorer cependant que Felix avait été le cognomen adopté par Sylla ? Il l’a sans doute pleinement accepté dans toutes ses possibilités, et une source tardive comme l’Histoire Auguste l’aura enregistré définitivement en ne réservant la comparaison avec Sylla qu’à trois empereurs : Commode, Septime Sévère et Caracalla.

Conclusion

  • 107 G. Urso (2016), p. 18-31 et notamment la conclusion nuancée de la p. 31.

29Il nous semble ainsi que l’originalité de Septime Sévère et de Caracalla est d’avoir enrichi la mémoire « impériale » de Sylla d’éléments caractéristiques de sa légende noire, transmise par l’historiographie sénatoriale et qui pouvaient servir de contrepoint à l’évaluation de l’action impériale dans sa relation avec le Sénat. Leur originalité réside plus généralement dans le fait d’avoir accepté et assumé l’image négative des vainqueurs des guerres civiles et des violences du passé pour construire un discours sur la réaffirmation de l’autorité impériale dans le contexte de relations tendues avec les sénateurs. Ce faisant, l’investissement de cette facette de la mémoire équivalait à une réaffirmation autoritaire légitimant le recours à une forme de violence politique. S’en revendiquer permettait de rappeler une politique de répression, que les sources hostiles associent à de la crudelitas. L’utilisation de cette image dans l’oratio de 197 se prolonge en partie dans l’Equus Seueri, monument associant victoire parthique et victoire dans la guerre civile sur un espace associé au populus et à la res publica ainsi qu’à la mémoire des guerres civiles depuis Sylla et à la res publica restituta augustéenne. La mise en scène acquiert une valeur performative, constituant à la fois une menace par le rappel de l’origine violente du pouvoir et un discours sur la restauration de la stabilité qui découle de son usage. Ainsi la violence symbolique de l’Equus, inscrite dans une tradition des statues équestres des vainqueurs de guerres civiles, célèbre aussi, par le choix du parallèle avec l’Equus Traiani, l’avènement d’un nouvel optimus princeps qui agit en restitutor Vrbis et non en nouveau Commode, dont la réhabilitation de la mémoire a aussi permis à Septime Sévère d’investir une mémoire « impériale » de Sylla associée à Hercule voire à la Felicitas et déjà intégrée au principat. La restauration du mausolée de Sylla par Caracalla correspond sans doute à cette double logique. La figure de Sylla comme celle des autres imperatores du Ier s. a. C. reste cependant marginale dans la communication et l’imagerie du pouvoir. Elle est toujours utilisée dans le cadre d’un continuum exemplaire, où elle est assumée dans toutes ses dimensions, bonne ou mauvaise ; quitte à ce que les empereurs soient dépeints comme des « nouveaux Sylla ». Il n’est donc pas étonnant de voir que pour un Cassius Dion la figure de Sylla semble devenir un miroir permettant une réflexion politique sur les enjeux contemporains de l’usage de la violence politique107 et que, pour l’historiographie sénatoriale plus tardive représentée par l’Histoire Auguste, la réaffirmation autoritaire du pouvoir était celle d’émules de Sylla.

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Notes

1 C. D., 76 (75), 8, 1 (Xiph.) ; Hdn., 3, 7, 8 ; SHA, Pesc. Nig., 6, 4.

2 C. D., 78 (77), 13, 7 (Exc. Val. 376 [p. 749]). 

3 SHA, Carac., 2, 2 ; 4, 10 ; 5, 4.

4 G. Urso (2016).

5 F. Hinard (1985b), p. 320 sur les usages de proscribere à l’époque impériale.

6 F. Hinard (1985a), p. 281-286.

7 Hdn., 3, 79-8, 1 ; J.-L. Voisin (1988), p. 262 ; M. Bats (2003), p. 293-294.

8 C. D., 75 (74), 8, 4 ; Cf. 10, 4 ; Y. Rivière (2002), p. 480-482 ; M. Bats (2003), p. 288.

9 Voir en général J. Sella (2020), p. 535-536 ; 538-539.

10 E. Bertrand (2022) en général.

11 C. D., 76 (75), 9, 1 (Xiph.).

12 C. D., 76 (75), 7, 3 (traduction d’É. Gros et V. Boissée, Paris, 1867, légèrement modifiée). Sur le jugement négatif de Cassius Dion : J. M. Madsen (2016), p. 155-156 ; J. Rantala (2016), p. 162‑163. Sur l’Autobiographie de Septime Sévère : F. Chausson (2009), p. 104-108 qui en place justement la rédaction en 197 voire 198.

13 Sur la présence à Rome de Cassius Dion lors de la séance de février 197 : M. Molin (2016), p. 439.

14 G. Urso (2016).

15 A. Daguet-Gagey (2000), p. 273-280.

16 C. D., 75, 2, 1-2. B. Saylor Rodgers (2021), p. 259.

17 J. Rantala (2016), p. 168-169.

18 Sur ce topos : E. Bertrand (2022), p. 1, n. 5.

19 E. Lyasse (2010), p. 722.

20 C. D., 76 (75), 7, 3. Sur l’atmosphère de terreur à Rome : C. D., 76 (75), 7, 4 ; 8, 5 ; Hdn., 3, 8, 1 ; en Italie : C. D., 74 (73), 16, 2.

21 Cf. C. D., 36, 31 ; J. Rantala (2016), p. 171.

22 A. A. Birley (1988), p. 198-200 ; J. M. Madsen (2016), p. 136‑168 ; B. Saylor Rodgers (2021), p. 259.

23 M. Molin (2006) ; E. Bertrand (2015), p. 166-167.

24 SHA, Pesc. Nig., 6, 4.

25 Hdn. 3, 7, 8.

26 Hdn., 3, 8, 6-8. Sur le choix narratif d’Hérodien par rapport à la version de Cassius Dion : C. S. Chrysanthou (2022), p. 153-154.

27 Contra B. Saylor Rodgers (2021), p. 258 qui interprète le passage comme opposé à Cassius Dion.

28 La tradition retient nombre de propos attribués à Septime Sévère pour justifier sa politique pendant les guerres civiles : notamment le récit du procès de Cassius Clemens dans C. D., 75 (74), 9 ; en général Vict., Caes., 20, 11.

29 RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 147, n°415.

30 RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 113 n°169.

31 A. Daguet-Gagey (2000), p. 255-256.

32 Hdn., 3, 5, 2.

33 Hdn, 2, 9, 5-6 (traduction de D. Roques, coll. La roue à livres, Paris, 1990). Sur le choix de reporter l’omen dans le récit : C. S. Chrysanthou (2022), p. 88-89.

34 M. Meulder (1999), p. 145-146. À moins qu’il ne faille, comme F. Chausson (2009), p. 89, supposer qu’il ait puisé son information dans Marius Maximus. Hdn., 2, 9, 3-4 mentionne que l’Autobiographie contenait le récit de prodiges, il apparaît donc probable qu’il y ait puisé, même indirectement, en pensant transmettre ici une version officielle.

35 C. D., 75, 3, 3 : Καὶ αὖθις ἵππον ἐν τῇ ἀγορᾷ τῇ Ῥωμαίᾳ τὸν μὲν Περτίνακα {καὶ} ἀναβεβηκότα ἀπορρῖψαι, ἑαυτὸν δὲ ἑκόντα ἀναλαβεῖν ἐνόμισε (« (…) à un autre moment aussi, Septime Sévère s'imagina qu'un cheval avait renversé sur le Forum romain Pertinax qui le montait, et l'avait reçu, lui Septime Sévère, volontiers sur son dos. » [Traduction d’E. Gros et V. Boissée, Paris, 1867]. Dans l’Histoire Auguste, aucune mention n’est faite à ce rêve de Septime Sévère, mais il n’est peut-être pas si anodin que l’un des prodiges liviens annonçant, à sa naissance, le futur avènement de Pertinax concerne un poulain qui « grimpa sur le toit et, après s’y être maintenu un court moment, tomba sur le sol et mourut » (in tegulas ascendit atque ibi breuiter commoratus decidit exspirauit : SHA, Pert., 1, 2. A. Chastagnol (1994), p. 257, n. 2 analyse la construction du prodige comme une réminiscence livienne (21, 62), passage de l’Ab Vrbe condita où l’animal est un bœuf. Le transfert de l’histoire sur un poulain pourrait peut-être un clin d’œil au songe de Septime Sévère annonçant la chute de Pertinax chez Hérodien que l’auteur anonyme a pu parfois utiliser : A. Chastagnol (1994), p LXII.

36 C. D., 76, 3.

37 Sur la présentation de la mort de Pertinax : Hdn., 2, 9, 8-11 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 163.

38 Contra F. F. Coarelli (1995), p. 231.

39 Son effacement définitif s’effectue avec les travaux entrepris par Septime Sévère pour la construction de l’arc.

40 P. Zanker (1972), p. 7 ; L. Richardson (1992), p. 335 : le démantèlement s’effectuerait entre 46 et 42 a. C. ; en dernier lieu P. Verduchi (1999), p. 215.

41 Suet., Aug., 100, 3 les décrit au début du IIème s. comme les uetera rostra. B. Cahut (2015), p. 110-111.

42 RIC II, Trajan, n°291 ; A Daguet-Gagey (2004), p. 186.

43 Sur l’exemple de Trajan : A. Daguet-Gagey (2000), p. 290.

44 M. Galinier (2007), p. 190 ; B. Cahut (2023).

45 S. S. Lusnia (2014), p. 7 3.

46 L’emplacement a été identifié par les archéologues avec les traces d’une base monumentale sur une place rectangulaire de 7, 80 m. sur 12, 20 m. de côté, près du Lacus Curtius : P. Verduchi (1987), p. 118‑122 ; J. Bergemann (1990), p. 164-166, cat. L. 31 ; C. F. Giuliani (1995), p 228-229 ; S. S. Lusnia (2014), p. 70-71. Contra F. F. Coarelli (1995), p. 231.

47 Stat., Silv., 1, 1, 16.

48 R. H. Darwall-Smith (1996), p. 227-233 ; p. 488‑493 ; B. Cahut (2015), p. 469-484 ; D. Nocera (2021).

49 Stat., Silv., 1, 1, 27-28 avec une allusion à la clementia Caesaris.

50 Stat., Silv., 1, 1, 37. M. Sehlmeyer (1999), p. 208 et n. 26. C’est aussi le geste de la célèbre statue équestre votée en l’honneur de Marc Aurèle.

51 RIC, II², 1, Domitian, p.324, n°797.

52 Le souvenir des Flaviens, arrivés au pouvoir après une guerre civile, est entretenu par la restauration du Temple de Vespasien et Titus dans l’axe de la statue, au nord-est du Forum : CIL VI, 938 ; A. Daguet‑Gagey (2004), p. 187. Stace, Silv., 1, 1, 31 à propos de l’Equus Domitiani associe le temple à celui de la Concorde dans une perspective transposable au projet de Septime Sévère.

53 Vell. 2, 61, 2.

54 Suet., Iul., 75. Ce déplacement a sans doute été précédé d’une restauration eu égard aux destructions opérées par les partisans de César pendant la guerre civile (C. D., 42, 18, 2 ; Cf. 43, 49, 1-2 ; Plut., Caes., 57, 1). Voir E. Rosso (2016), p. 268.

55 RRC 381, 1a (Sylla) ; RRC 490/1 (Octavien).

56 E. Rosso (2016), p. 269.

57 App., BC, 1, 451 : Κορνηλίου Σύλλα ἡγεμόνος Εὐτυχοῦς. Sur la statue également : Cic., Phil., 9, 13 ; Vell., 2, 61, 2 ; RRC 381, 1a ; M. Sehlmeyer (1999), p. 207-209.

58 Pour l’Equus Domitiani : Stat. Silv., 1, 1, 66-70.

59 Varro, Ling. lat., 5, 148 ; Liv., 6, 6, 16 ; Den. Hal., 16, 11, 1‑5 ; Val. Max., 5, 6, 2. D’autres légendes sont associées au lieu : A. Johner (1993), p. 272-276. 

60 Palais des conservateurs, inv. n°826. C. F. Giuliani & P. Verduchi (1987), p. 115 : le relief n’est pas contemporain de l’inscription CIL, VI, 1648.

61 Tac., Hist., 1, 41, 3 qui développe le thème de la dévotion ; B. Poulle (1998), p. 314-315.

62 C. D., 64, 6, 3.

63 C. D., 74 (73), 9-10. Les deux empereurs périssent victimes de la soldatesque, même si Pertinax, lui, est assassiné sur le Palatin.

64 Hdn., 2, 9, 8-11.

65 C. D., 75 (74), 5, 6 ; S. Benoist (2005), p. 160.

66 S. S. Lusnia (2014), p. 81-83 ; également A. Daguet-Gagey (2000), p. 185.

67 S. S. Lusnia (2014), p. 88-89 ; B. Cahut (2015), p. 254-255. Il faut noter que Septime Sévère le fait lui en optimus princeps.

68 A. Daguet-Gagey (1997), p. 43-63 ; S. S. Lusnia (2014), p. 17‑22 ; C. Davoine (2023), p. 81.

69 C. D., 77, 16 ; SHA, Sev., 23, 1.

70 CIL VI, 36930 ; 938 ; sur les restaurations sur le Forum : S. S. Lusnia (2014), p. 84-89.

71 Par ex. RIC, IV, 1, Septimius Severus, n°140A ; voir en particulier A. Daguet-Gagey (2004), p. 177‑180 et 184-185 pour un lien possible avec les frappes montrant l’Equus Seueri.

72 S. S. Lusnia (2014), p. 84.

73 CIL VI 1033 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 323 ; S. S. Lusnia (2014), p. 71-86 ; M. Haake (2016), p. 258‑260.

74 Hdn., 1, 14, 9. Notons qu’il existait encore sur les rostres à l’époque de Pline l’Ancien une statue d’Hercule Tunicatus devenue emblématique des guerres civiles d’époque triumvirale et de la symbolique de leur apaisement : Plin., NH, 34, 93 (B. Cahut (2015), p. 115-116), ce qui donnait une profondeur historique à la présence d’Hercule sur le Forum romain.

75 Sur ces deux statues : M. Cadario (2017), p. 51-52. L’érection d’une statue de Libertas n’est pas sans précédent, sous Tibère sur le Forum après l’élimination de Séjan : C. D.., 58, 12, 4, sous Nerva sur le Capitole après l’élimination de Domitien : CIL, VI, 472. Le signum | libertatis restitutae | Serv(ii) Galbae imperatoris Aug(usti) mentionné dans CIL VI, 471 relève en revanche d’un contexte semi-privé (B. Cahut (2015), p. 83-84).

76 Par ex. RIC, IV, Septimius Severus, 79 (denier, Rome, 196‑197) : O. Hekster (2002), p. 188.

77 C. D., (73), 72, 15, 1 ; RIC III, Commodus, 247 (aureus, Rome, 192).

78 M. Cadario (2017), p. 53 sur la base de Tac., Ann., 12, 24, 1.

79 Type d’Hercule Farnèse avec un portrait de Commode soit peu avant 192 soit après 195 : S. S. Lusnia (2014), p. 233-234. Voir également le cas de l’Hercule Righetti (Musée Pio Clementino, inv. 252) à l’intérieur de la tête duquel une pièce à l’effigie de Commode a été trouvée qu’il est tentant d’attribuer à la restauration du Théâtre de Pompée : S. S. Lusnia (2014), p. 112-113.

80 Ath., deipn., 12, 537-538 précise l’intérêt de Commode pour Lysippe en tant que sculpteur d’Alexandre le Grand ; O. Hekster (2002), p. 122-123.

81 F. Hinard (1985a), p. 256-258.

82 S. S. Lusnia (2014), p. 115-116 ; E. Bertrand (2022), §13.

83 RIC, II, Trajan, p. 307, n°793 (cf. RRC 426/1) ; RIC, II, Trajan, p. 307, n°792 (cf. RRC 426/2).

84 RIC, II, Trajan, p. 307, n°793.

85 C. D., 78 (77), 13, 7 (Exc. Val. 376 [p. 749]) [traduction É. Gros et V. Boissée, Paris, 1867].

86 J. Rantala (2016), p. 159-60.

87 SHA, Carac., 2, 2.

88 SHA, Carac., 4, 10 ; 5, 4.

89 App., BC, 1, 500. F. Coarelli (1997), p. 599 ; S. Benoist (2005), p. 115; M. Blasi (2018), p. 60.

90 Sur le rôle de modèle des funérailles de Sylla : S. Benoist (2005), p. 115-117 ; M. Blasi (2018), p. 67-69.

91 App., BC, 2, 86 ; C. D., 69, 11 ; J.-Y. Carrez-Maratray (1999), p. 405.

92 C. D. 76 (75), 13, 1. A. Birley (1988), p. 206 ; A. Daguet-Gagey (2000), p. 304 ; E. Bertrand (2022), § 10-11. Notons également l’attention particulière à la mémoire d’Alexandre : C. D. 76 (75), 16, 2. Pour la « visite » de sa tombe Caracalla : Hdn., 4, 8, 9.

93 Jean Tzetzes, Chiliades 1, 804-805 ; A. Birley (1988), p. 148 ; sur la tombe d’Hannibal : Plin., NH, 5, 47. 

94 C. D. 78 (77), 3, 1 (qui place l’argument dans le discours tenu aux prétoriens) ; Hdn., 4, 5, 4-6 ; SHA, Carac., 2, 4…

95 Hdn., 4, 5, 7 ; C. D., 78 (77), 3, 3 mentionne le seul rappel des exilés, relevant d’une mesure de clementia, à la fin d’un discours au Sénat dont il présente la tonalité comme plus menaçante.

96 SHA, Comm., 8, 1 [traduction A. Chastagnol (1994)].

97 Par ex. C. D., 53, 16, 7-8 ; 18, 2-4 ; cf. 73 (72), 15, 1 pour le changement de titulature de Commode dont l’historien fait un marqueur de la tyrannie.

98 A. Molinier-Arbo (2012) sur l’utilisation par l’Histoire Auguste de Marius Maximus.

99 Sous Hadrien la Felicitas Augusti et la Felicitas Populi Romani peuvent adopter les mêmes caractéristiques iconographiques : par exemple RIC II, Hadrian, p. 368, n°237 (deniers, Rome, 134-138) ; Cf. p. 367, n°236 (deniers, Rome, 134-138) ; B. Cahut (2015), p. 959. Sur l’importance d’Hadrien dans l’évolution de la Felicitas : J.‑P. Martin (1982), p 263 ; 266-267. Son caractère dynastique apparaît au moment de la succession impériale dès 118 : J.‑P. Martin (1982), p. 278-280. La dimension héréditaire de la succession impériale sous Marc Aurèle associe très tôt la Felicitas à Commode : O. Hekster (2002), p. 90.

100 SHA, Comm., 8, 2.

101 J.-P. Martin 1982, p. 350-351 ; O. Hekster (2002), p. 63 ; également B. Cahut (2017), p. 106-107 sur la Felicitas au début du principat de Commode.

102 RIC, III, Commodus, p. 383, n° 156-157. Tac., Ann., 11, 25 sur le refus prudent de Claude.

103 Cf. RIC III, Commodus, p. 397, n°194 ; p. 429, n°549.

104 A. Daguet-Gagey (2005), p. 407 ; M. Christol (2007), p. 233‑234 ; B. Cahut (2015), p. 898-902.

105 C’est ce que rappellent les revers d’aurei de 197 aux portraits affrontés de Septime Sévère et Caracalla à la légende IMPERII FELICITAS : RIC IV, Septimius Severus, n°98 (aureus, Rome, 197).

106 Reprise de l’usage commodien pour caractériser le deuxième aduentus romain de 196 : felicissimus aduentus : RIC IV, Septimius Severus, n°718b (sesterce, Rome, 196) où l’empereur est figuré, telle une statue équestre traditionnelle, en position d’adlocutio. En général : O. Hekster (2002), p. 193.

107 G. Urso (2016), p. 18-31 et notamment la conclusion nuancée de la p. 31.

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Table des illustrations

Légende Figure 1 – Premier état du projet d’Equus sur le revers d’un denier frappé à Émèse en 194-195 (RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 147, n°415). Source : The Digital Coin Cabinet of Johannes Gutenberg-Universität Mainz, Photographie de L. Haffner.
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 212k
Légende Figure 2 – Equus Seueri sur le revers d’un aureus frappé à Rome en 200-201 (RIC, IV, 1, Septimius Severus, p. 113 n°169). Source : Bnf.
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 258k
Légende Figure 3 – Plan du Forum romain (réalisation personnelle).
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-3.jpg
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Légende Figure 4 – Equus Traiani sur le revers d’un denier frappé à Rome en 112-113 (RIC II, Trajan, p. 264, n°291). Source : Bnf.
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 266k
Légende Figure 5 – Equus Sullae sur le revers d’un aureus frappé par A. Manlius à Rome en 80 a.C. (RRC, 281). Source : Bnf.
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-5.jpg
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Légende Figure 6 – Equus Octauiani sur le revers d’un denier d’Octavien frappé à Rome en 43 a. C. (RRC, 490/1). Source : Bnf
URL http://journals.openedition.org/etudesanciennes/docannexe/image/6420/img-6.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Bertrand Cahut, « Les nouveaux Sylla : violence de l’empereur et discours sur la mémoire des violences civiles sous Septime Sévère et Caracalla »Cahiers des études anciennes [En ligne], LXII | 2025, mis en ligne le 11 avril 2025, consulté le 20 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudesanciennes/6420

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Auteur

Bertrand Cahut

Université Sorbonne Paris Nord, Laboratoire PLÉIADE

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