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Hors-dossier

Écosystème des croisières internationales dans le fleuve Saint-Laurent

Ecosystem of international cruises in the St. Lawrence River
Charles Zinser et Laurent Bourdeau

Résumés

Après l’arrêt de l’industrie des croisières provoqué par la pandémie, on assiste à une reprise significative des croisières internationales sur le fleuve Saint-Laurent. Le retour des croisières internationales s’inscrit dans un écosystème d’affaires où chacune des escales du fleuve Saint-Laurent possède un niveau de développement qui lui est propre, dans un cadre législatif et réglementaire complexe (législation internationale canadienne, québécoise, municipales) et dans un environnement composé de plusieurs acteurs. Ainsi, l’objectif de cet article vise à comprendre l’écosystème d’affaires des croisières internationales pour le marché du Saint-Laurent et d’identifier les organisations ayant les capacités décisionnelles en matière de croisières internationales.

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Texte intégral

1. Introduction

1Couvrant près de 2000 km, le fleuve Saint-Laurent, au cœur du Québec, situé en Amérique du Nord, s’est développé comme une des destinations du marché des croisières internationales. Bien qu’il ne représente que 1,1 % du marché mondial des croisières internationales en termes de volume de passagers (CLIA, 2021), le fleuve Saint-Laurent possède une place stratégique dans le repositionnement des navires des lignes de croisières. C'est pendant la saison des ouragans qui sévit dans les Caraïbes, que le fleuve Saint-Laurent accueille des navires de croisières internationales qui feront escale dans différents ports québécois (Marcotte et Bourdeau, 2020).

2L’avènement des croisières sur le fleuve Saint-Laurent s'inscrit dans la croissance du marché des croisières internationales de l’Est du Canada et de la Nouvelle-Angleterre. Pour la période de 2016 à 2019, ce marché enregistre en effet une des plus fortes hausses prépandémiques de l’industrie des croisières avec une augmentation du nombre de passagers de 81 % (CLIA, 2019). L’essor des croisières internationales dans ce secteur géographique de l’Amérique du Nord s’accompagne par la création d’un écosystème impliquant une mixité d’organisations, que ce soit en matière de commercialisation du fleuve Saint-Laurent ou des ports d’escales, de l’opérationnalisation des navires de croisière à quai ou de la gestion des visiteurs lors du débarquement.

3Si le tourisme et l'industrie de la croisière ont été étudiés de façon détaillée dans la littérature scientifique (ex. Clancy, 2017 ; Dehoorne et Petit-Charles, 2011 ; Dehoorne et al., 2011 ; Pallis, 2022), peu d’études permettent de comprendre l’écosystème d’affaires des croisières sur le fleuve Saint-Laurent. L’étude du système opérationnel de l’industrie des croisières apparaît nécessaire pour les acteurs du Québec qui se voient confrontés à des défis économiques et politiques. Pensons au surtourisme attribué aux croisières dans les ports d’escale ainsi que la profitabilité de cette industrie pour les acteurs impliqués dans son développement.

4Une meilleure compréhension du système opérationnel de l’industrie des croisières apparaît nécessaire afin de mieux comprendre le rôle des acteurs de l’écosystème d’affaires pour affronter ces défis. On peut se demander dans quelle mesure une escale du Saint-Laurent ou d’autres acteurs issus de l’écosystème d’affaires à destination peuvent influencer l'itinéraire des flottes de navires des croisières. Cette recherche vise donc à présenter l’écosystème d’affaires des croisières internationales du fleuve Saint-Laurent et à identifier le rôle joué par les différentes organisations qui composent ce système opérationnel.

1.1. Industrie et prix des croisières internationales

5À l’échelle mondiale, l’industrie des croisières évolue au sein d’un marché oligopolistique où deux acteurs possèdent plus de 74 % de la flotte mondiale. Le premier acteur, Carnival Corporation & PLC, détient environ 50 % des parts de marché mondial de la croisière (Pallis, 2015 ; Syriopoulos et al., 2022 ; Valero, 2018). Bien qu’il offre des prestations « haut de gamme », cet acteur possède cette part de marché principalement à l’aide d’une offre de prestation « économique ». En utilisant le même modèle d’affaires, son concurrent, Royal Caribbean Group, parvient à s’approprier 24 % des parts de marché (Pallis, 2015 ; Syriopoulos et al., 2022 ; Valero, 2018). Deux autres acteurs importants sur le marché international des croisières, Norwegian Cruise Line et MSC Cruises, possèdent respectivement 9 % et 7 % des parts de marché.

6Pour s’approprier ces parts de marché, ces compagnies commercialisent plusieurs marques de manière à répondre aux besoins des différents segments de consommateurs de croisières (Pallis, 2015). Par exemple, le Carnival Corporation & PLC, opérait en 2014 neuf marques (ex. Princess Cruise, Holland America Lines, Costa Cruise Line), lui permettant de répondre aux besoins de plusieurs segments du marché de la croisière (Pallis, 2015).

7Si l’on peut dresser un portrait relativement précis des marques qui composent chaque compagnie de croisières (voir à ce sujet Pallis, 2015), il est plus difficile d’identifier avec précision le prix d’une croisière. Sur le plan méthodologique, les données disponibles du prix des croisières ne permettent pas de considérer avec exactitude les éléments qui composent le prix payé par chaque croisiériste. Pour une majorité de croisières, on peut affirmer qu’il existe un écart entre le prix vendu et le prix payé. Certains prix affichés par les compagnies de croisières incluent les frais d'embarquement et les pourboires, mais n’incluent pas les dépenses des croisiéristes à bord des bateaux (voir à ce sujet Vogel, 2011). Par exemple, dans certaines croisières, en plus du tarif de la croisière, les passagers doivent payer pour se procurer de l’eau potable ou pour assister à un film. Le prix de vente de ces croisières ne comprend donc pas les produits ou services consommés à bord du bateau et qui ne sont pas inclus lors de la réservation de la croisière. Pour le consommateur, ce qui est inclus ou non dans le prix de vente n’est pas toujours disponible au moment de la réservation afin de comprendre le prix réel de sa croisière. Le prix total d’une croisière peut donc varier selon les habitudes de consommation de chaque croisiériste, mais aussi selon la date de départ, la date d’achat ou de réservation (Pallis, 2015 ; Espinet-Rius & Gassiot-Melian, 2021).

1.2. Catégories de croisières

8Bien qu’il soit difficile d’identifier avec précision le prix d’une croisière, un prix moyen d’une journée de croisière peut être attribué selon la catégorie de prestation offerte (voir à ce sujet Kamery, 2004 ; Pallis, 2015 ; Espinet-Rius & Gassiot-Melian, 2021). Les différentes gammes de prestations offertes par les lignes de croisière peuvent être divisées en cinq grandes catégories :

  • Économique : Croisière d’entrée de gamme, offerte à bord de navires plus anciens, parfois réaménagé avec des équipements de loisirs (Wood, 2003). Ce type de croisière est commercialisé sous la forme d’un forfait comprenant l'hébergement, les repas et les divertissements. Les passagers peuvent acheter des prestations terrestres lors des escales.

  • Contemporaine : Ces croisières sont offertes sur des navires plus récents ou rénovés. Elles offrent un ensemble de prestations sur le bateau et sont vendues sous la forme d’un forfait. Les passagers peuvent acheter des prestations terrestres (Pallis, 2022). Le prix journalier de ces croisières est d’environ 250 $ US.

  • Haut de gamme : vendues sous la forme d’un forfait, ces croisières offrent un ensemble de prestations sur le bateau et proposent aux passagers de nombreux équipements de luxe faisant en sorte que le bateau devient un centre de villégiature (Pallis, 2022). Le prix journalier de ces croisières oscille entre 250 et 300 $ US par jour. Ces croisières axées sur la détente sont offertes sur des navires de taille moyenne avec de grandes cabines (Georgsdottir et Oskarsson, 2017) ;

  • Luxe : Comme la catégorie précédente, des équipements de luxe sur le bateau sont offerts et la qualité de prestation offerte peut être qualifiée de haut de gamme. Ces croisières se distinguent par un service personnalisé offert sur des navires luxueux de petites ou moyennes tailles (Pallis, 2022). Le prix journalier de ces croisières associées à des lieux exotiques est d’environ 500 $ US par jour. Ces croisières sont aussi axées sur la détente et offertes sur des navires de taille moyenne avec de grandes cabines (Georgsdottir et Oskarsson, 2017) ;

  • Spécialisé ou d’exploration : Les croisières spécialisées cherchent à répondre aux besoins de croisiéristes qui sont à la recherche d’aventure ou de croisières thématiques. On peut penser à des croisières offrant des expéditions ou permettant l’accès à des destinations plus reculées telles que l’Antarctique (Pallis, 2022). Ces croisières utilisent des bateaux de petite taille avec peu d’infrastructure de divertissement ou de sport à bord (Georgsdottir et Oskarsson, 2017). Les prix de ces croisières varient selon la nature des forfaits, mais sont plus élevés que les autres croisières.

9On peut affirmer que les catégories de produits des croisiéristes ont évolué avec le temps (voir à ce sujet Dehoorne et al., 2009 ; Dehoorne & Petit-Charles, 2011). Alors que les croisières étaient des produits de luxe, les gammes de prestations offertes par les lignes de croisière ont segmenté le marché et attiré un grand nombre des passagers aux profils socio-économiques différents (Syriopoulos et al., 2022). Les bateaux permettant d’accueillir un grand nombre de passagers et offrant des services de croisières à prix raisonnable, ont permis aux lignes de croisières de réduire le coût total des prestations de catégorie « économique », « contemporaine » et « haut de gamme ».

1.3. Destinations les plus fréquentées et itinéraires

10Le tourisme de croisière apparaît comme le principal produit touristique dans certaines destinations telles que les Caraïbes, l’Alaska et certaines régions de la Méditerranée (Clancy, 2017). Cette prépondérance du tourisme s’inscrit dans l’augmentation constante du nombre de passagers qui n’a cessé de croître à l’échelle mondiale au cours des deux dernières décennies (Syriopoulos et al., 2022).

  • 1 Le marché des destinations d’exploration réfère aux régions polaires, aux îles Galapagos, à l'Antar (...)

11Entre 2016 et 2019, on assiste à une augmentation marquante du volume de passagers dans les marchés de l’Asie/Chine (2e position) et de l’Europe du Nord (4e position) (tableau 1) (CLIA, 2021). Pendant la même période, le volume de passagers des destinations offrant des croisières de la catégorie « exploration 1 » a augmenté de façon significative (+128 %). Soulignons que les marchés de l’Est du Canada et de la Nouvelle-Angleterre (+81 %) et le marché de l’Alaska et de l’ouest du Canada (+56), figurent en tête de classement des secteurs géographiques ayant bénéficié d’une forte croissance en matière de volume de passagers (CLIA, 2019 ; CLIA, 2021). On peut expliquer en partie l’émergence de ces marchés par une saturation des Caraïbes et de la Méditerranée (Alves & Santos, 2022). Cette saturation stimulant l’intérêt pour de nouveaux itinéraires pourrait avoir favorisé l’avènement des croisières sur le fleuve Saint-Laurent.

Tableau 1. Destinations les plus populaires en 2019

Destination

Volume de passagers en 2019

Part de marché en 2019 (%)

Variation volume de passagers (2016 à 2019)

Caraïbes/Bahamas/Bermudes

11 982 600

42,3 %

18 %

Asie et Chine

3 977 400

14,0 %

17 %

Méditerranée centrale et occidentale

3 211 000

11,3 %

10 %

Europe du Nord

1 707 800

6,0 %

20 %

Méditerranée orientale

1 226 000

4,3 %

20 %

Alaska / Ouest du Canada

1 215 400

4,3 %

56 %

Australie/Nouvelle-Zélande/Pacifique

1 177 700

4,2 %

0 %

Canal de Panama/Amérique du Sud

807 100

2,8 %

23 %

Pays baltes

593 600

2,1 %

24 %

Afrique/Moyen-Orient

515 400

1,8 %

32 %

Îles Canaries

496 500

1,8 %

34 %

Croisière transatlantique et mondiale

393 800

1,4 %

51 %

Est du Canada/Nouvelle-Angleterre

301 700

1,1 %

81 %

Hawaii

243 100

0,9 %

28 %

Destinations d'exploration

186 900

0,7 %

128 %

Référence : CLIA (2021) & CLIA (2019).

12Après avoir choisi une destination, les lignes de croisières élaborent des itinéraires de manière à répondre à la demande des consommateurs. Par exemple, les lignes de croisière opérant en mer Baltique diversifient leur offre de manière à séduire et retenir les croisiéristes via des itinéraires plus courts (moins chers), en proposant différentes thématiques (ex. croisière festival) ou en combinant plusieurs secteurs géographiques (mer Baltique et Fjords norvégiens) (Serry, 2016). La diversification des ports d’escales permet également de proposer une variété d’expériences pour les croisiéristes (Pallis, 2015).

  • 2 Un port se dit « d’embarquement et débarquement (ou port d’attache) » lorsque la croisière y débute (...)

13Dans l’élaboration des itinéraires des navires par les lignes de croisières, il n’est pas rare que certains ports décident de se faire compétition au sein d’un même marché géographique. Des ports tentent alors d’influencer la venue des itinéraires dans leur destination. La rivalité entre les escales demeure encore plus présente dans un contexte où la destination tente de se positionner comme un port d’embarquement et débarquement 2(Dehoorne et al., 2009 ; Pallis 2015). C’est ce que l’on peut observer dans le marché caribéen où l’attrait des destinations se concentre principalement sur le segment plage, mer et soleil (Legossah, 2007). Ainsi, l’homogénéité des croisières dans un même marché géographique facilite la mise en compétition des destinations où l’escale A demeure interchangeable avec l’escale B ou C.

14Lors de la sélection des ports d’embarquement et de débarquement, les lignes de croisières tiennent compte de plusieurs paramètres tels que la rentabilité du choix de l’escale, la qualité des infrastructures du port (Alves & Santos, 2022), les caractéristiques de la destination et de ses fournisseurs (Pallis, 2015) et l’offre de « … dessertes aériennes régulières, à des coûts attractifs, avec les métropoles nord-américaines et/ou européennes émettrices de croisiéristes, de structures hôtelières conséquentes pour assurer les nuits de transit, le tout dans un environnement sécurisé. » (Dehoorne et al., 2009 : 9). Les infrastructures portuaires associées à l’environnement ne semblent pas être un critère qui détermine le choix d’une escale. Notons qu’en 2017, sur la côte Est du Canada et des États-Unis, seulement deux ports canadiens et cinq ports états-uniens offraient le service d’alimentation électrique à quai (Innovation maritime, 2022).

1.4. Impacts de la pandémie sur les revenus

  • 3 Valeur lors de la clôture des marchés.

15La pandémie de COVID-19 a eu des impacts négatifs sur les revenus des compagnies de croisières et son écosystème touristique (Alves & Santos, 2022). On observe que la valeur3 des actions à la bourse de New York des trois principales lignes de croisières internationales (Carnival Corporation & plc [CCL], Royal Caribbean Group [RCL] et Norwegian Cruise Line [NCLH]), s’est effondrée de plus de 80 % entre la mi-janvier et le début du mois avril 2020 par rapport à leur niveau fin 2018 et 2019 (figure 1). Par exemple, l’action de la compagnie Norwegian Cruise Ligne a chuté de près de 87 % entre son point le plus haut à la mi-janvier 2020 (59,65 $) et son point le plus bas en mars 2020 (7,77 $). La perte de la valeur boursière de ces compagnies s’explique par l’annulation des itinéraires de croisières par les opérateurs et les hôteliers, ainsi que par une hausse de coûts d’exploitation supplémentaires (ex. remboursement des voyages, amarrage des navires, maintenance hors navigation, etc.) (Syriopolous et al., 2020).

16En 2020, à la suite de l’effondrement de leur valeur sur les marchés boursiers, Carnival Corporation & plc et Royal Caribbean Group ont alors cessé de verser des dividendes à leurs actionnaires (Ponte, 2021 ; Carnival Corporation & plc, 2022 ; Royal Caribbean Group, 2022). Puis, dans la période post-pandémie, les compagnies de croisières ont concentré leurs efforts sur la relance de l’industrie en utilisant deux stratégies commerciales :

  • La vente de forfait de croisières qui inclut l’hébergement, la restauration et certains services à bord (environ ¾ des revenus) ;

  • L’offre de services complémentaires aux croisiéristes comme les services de restauration spécialisée, de vente de boisson, de boutiques de ventes au détail, de soins de bien-être, des excursions terrestres ou de service photo (environ ¼ des revenus) (Antonellini, 2021).

Figure 1 : Évolution des actions des trois principales compagnies de croisières entre 2018 et 2022

Figure 1 : Évolution des actions des trois principales compagnies de croisières entre 2018 et 2022

17Dans un environnement commercial où les compagnies de croisière cherchent à optimiser leurs bénéfices, le choix des marchés géographiques et des escales reste un élément crucial dans l’élaboration des stratégies de déploiement des navires. À cet effet, si la littérature scientifique couvre particulièrement bien le tourisme de croisière internationale pour les territoires des Caraïbes et de la Méditerranée, les recherches spécifiques sur le fleuve Saint-Laurent demeurent peu abondantes.

2. Destinations portuaires du fleuve Saint-Laurent

  • 4 Bien qu’elle ne soit pas représentée par l’ACSL, l’escale de Tadoussac, municipalité située au croi (...)

18Le marché des croisières sur le fleuve Saint-Laurent se compose de neuf destinations portuaires reconnues par l’Association des croisières du Saint-Laurent (ACSL), soit, Montréal, Trois-Rivières, Québec, Baie-Comeau, Saguenay, Sept-Îles, Havre-Saint-Pierre, Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine (figure 2)4. Au niveau des escales, les villes de Montréal et de Québec occupent une position de ports d’embarquement et débarquement leur permettant de bénéficier davantage de retombées économiques (Zinser, 2022). Cette position s'explique parce qu'en plus des infrastructures portuaires, ces deux villes offrent un environnement sécuritaire et des infrastructures aéroportuaires à proximité du grand marché émetteur états-unien de croisiéristes.

Figure 2 : Ports d’escale et axes des croisières internationales du Saint-Laurent

Figure 2 : Ports d’escale et axes des croisières internationales du Saint-Laurent

19Si l’automne marque la venue des navires de croisières internationales dans le Saint-Laurent, le déploiement des navires sur le secteur de l’Amérique du Nord-Est découle d’une stratégie commerciale visant à abriter les flottes de navires pendant la période des ouragans qui sévit dans les Caraïbes (Marcotte et Bourdeau, 2020). Entre 2010 et 2017, la fréquentation annuelle des navires de croisières internationales pour le Saint-Laurent se concentre principalement entre les mois de septembre et octobre (66,7 %), permettant aux compagnies d’utiliser la saison des couleurs d’automne pour susciter l’intérêt des croisiéristes (Kingsbury, 2019).

2.1 Loi du cabotage et croisières internationales

20Dans l’établissement de leurs itinéraires sur le marché nord-américain, les lignes de croisières internationales ont l’obligation de se conformer à la Loi sur le cabotage imposée par le Canada. Par définition, le cabotage fait référence aux activités maritimes commerciales proches des côtes d’un État. La loi sur le cabotage oblige les navires battant sous pavillon étranger à obtenir une licence pour opérer dans les eaux canadiennes. Cette licence est valide lorsque les activités commerciales se font entre ports canadiens sans que le bateau fasse escale dans un autre État. Toutefois, un navire battant sous pavillon étranger qui transporte des passagers à partir d’un port canadien vers un autre port canadien, en effectuant au moins une escale dans un port à l’extérieur du Canada, n’a pas besoin de détenir de licence de cabotage pour ses opérations (Justice Canada, 2022).

21Cette loi permet alors aux bateaux qui ont font escales à Québec d’être immatriculés à l’étranger (ex. Bahamas, Pays-Bas) et de proposer des itinéraires de croisières sur deux axes clés, soit l’axe fluvial (Saint-Laurent) ou l’axe maritime de la côte Est du Canada et des États-Unis. Ces itinéraires développés sur ces deux axes permettent aux navires de répondre à la législation canadienne en facilitant la liaison entre les ports américains, canadiens ou français (Saint-Pierre et Miquelon) (figure 1).

  • 5 Ce résultat est obtenu à partir de l’analyse de 88 itinéraires du fleuve Saint-Laurent dont les don (...)

22Tout en se conformant à cette loi, les lignes de croisières internationales créent des itinéraires à partir de quatre pôles portuaires nord-américains. En effet, plus de 75 % des itinéraires proposés dans le fleuve Saint-Laurent débutaient ou finissaient par les ports d’embarquement et débarquement de New York, de Boston, de Montréal ou de Québec (tableau 2)5. Ces ports d’escale possèdent différentes caractéristiques recherchées par les lignes de croisières (ex. tarif pour l'amarrage des bateaux, dessertes aériennes, connectivité avec les marchés émetteurs de croisiéristes, capacité hôtelière) (Dehoorne et al., 2009 ; Pallis, 2015).

Tableau 2 : Port d'embarquement et débarquement des itinéraires de croisières internationales passant par Québec en 2022

Destination

Embarquement

Débarquement

Montréal

24

24

Québec

14

15

Boston

15

12

New York

11

18

Autre

24

19

Source : MarineTraffic (2022) et Alliance Canada Nouvelle-Angleterre (2022)

23L’étude des itinéraires dans le Saint-Laurent permet également de constater une différence quant au nombre de passagers entre les ports de Québec et Montréal. Les navires qui débutent ou terminent leur itinéraire à Montréal ont une capacité moyenne de 650 passagers, contre environ 1 600 passagers pour ceux qui débutent ou terminent leur itinéraire à Québec. Cette différence s’explique par la présence d’obstacles physiques sur le fleuve Saint-Laurent. Certains de ces obstacles empêchent les navires de taille plus importante de remonter ce corridor fluvial à destination de Montréal, tels que des lignes à haute tension et des ponts routiers. Différentes mesures ont été prises afin de faciliter le passage des navires de grandes tailles. On peut mentionner la demande de l’administration portuaire de Montréal à la société d’État québécoise Hydro-Québec, producteur et distributeur d’électricité, afin que cette dernière facilite le passage de plus gros navires sur le fleuve Saint-Laurent. Suite à la demande des autorités portuaires, la société d’État procéda au rehaussement de trois pylônes et câbles à haute tension qui traversent du fleuve Saint-Laurent de manière à augmenter le tirant d’air de 4 à 5 mètres. Cette modification a alors permis le passage de navires ayant un tirant d’aire inférieur à 52 mètres (Bergeron, 2013 ; Tourisme Montréal, 2015). Mentionnons que le pont Jacques-Cartier reliant la Rive-Sud de la métropole au secteur est de l’île de Montréal, permet seulement le passage de navires ayant un tirant d’aire inférieur à 51 mètres (Tourisme Montréal, 2015).

2.2. Parts de marché des compagnies sur le Saint-Laurent

24L’analyse des itinéraires dans le fleuve Saint-Laurent permet de constater une domination des parts de marché sur le Saint-Laurent par Carnival Corporation & plc (33 %), Norwegian Cruise Line (17 %) et Royal Caribbean Group (9 %). Bien qu’indicatives, ces statistiques démontrent une présence moins importante de ces trois compagnies sur le fleuve Saint-Laurent (59 %) qu’à l’échelle mondiale (80 %).

25Les prestations offertes par les lignes de croisières sur le marché du Saint-Laurent permettent de répondre aux besoins de plusieurs segments de clientèle. Par exemple, Carnival Corporation & plc propose une prestation de catégorie « haut de gamme » via ses marques Hollande America Lines, Princess Cruise, P&O Cruise, mais également une prestation de catégorie de « luxe » via sa marque Seabourn Cruise Line. Pour les itinéraires des croisières internationales de la saison 2022 dont le port de Québec sera l’escale ou le port d’embarquement ou débarquement, on observe que le marché se compose de croisières de « luxe » (34 %), « spécialisé/aventure » (14 %) ainsi que de croisières de type « haut de gamme » (30 %). Les croisières de type de « contemporaine » occupent une faible part de marché (7 %) et aucune croisière de type économique n’opère dans le Saint-Laurent (tableau 3).

Tableau 3 : Type de segment de croisières internationales passant par Québec en 2022

  • 6 Les compagnies dont les catégories de prestation ne sont pas identifiées par Pallis (2015) sont Pho (...)

Segment de marché (selon Pallis, 2015)

Nombre d’itinéraires

Pourcentage

Luxe

30

34 %

Spécialisé ou d’exploration

12

14 %

Haut de gamme

26

30 %

Contemporaine

6

7 %

Économique

0

0 %

Non identifié 6

12

14 %

Source : MarineTraffic (2022) et Alliance Canada Nouvelle-Angleterre (2022)

Photographie 1. Bateau de croisière au port de Québec

Photographie 1. Bateau de croisière au port de Québec

Source : L. Bourdeau (2022)

3. Écosystème d’affaires du Saint-Laurent

26Le déploiement des navires dans le Saint-Laurent n’implique pas seulement les lignes de croisières internationales, mais aussi une diversité d’organisations issues de plusieurs secteurs d’activités, formant ainsi l’écosystème d’affaires de cette industrie. Le concept d’écosystème d’affaires se définit comme « une structure dynamique qui se compose d'une population interconnectée d'organisations. Ces organisations peuvent être de petites entreprises, de grandes entreprises, des universités, des centres de recherche, des organisations du secteur public et d'autres parties qui influencent le système » [Traduction libre] (Peltoniemi et Vuori, 2008 : 13). De ce fait, l’industrie des croisières internationales du Saint-Laurent se compose d’organisations issues de secteurs d’activités différents évoluant dans un cadre politique, législatif et réglementaire. D’un côté, une panoplie d’acteurs contribue au développement économique du Saint-Laurent par leurs intérêts commerciaux. De l’autre, des organisations adoptent une position plus orientée vers la conservation environnementale ou la préservation de la qualité de vie des communautés portuaires.

3.1 Gouvernance : cadre politique, législatif et réglementaire

27La gestion du fleuve Saint-Laurent fait l’objet d’une gouvernance partagée entre les gouvernements canadien, québécois et les municipalités. Le gouvernement canadien possède un pouvoir législatif sur la portion hydrographique du fleuve Saint-Laurent, tandis que le gouvernement du Québec possède un pouvoir législatif sur le territoire physique, soit la portion littorale et le lit du fleuve dont il est le propriétaire (Michaud, 1987 ; Gouvernement du Québec, 2023). Ainsi, un navire de croisière en opération sur le fleuve Saint-Laurent demeure soumis aux politiques et à la législation fédérale. Les deux situations suivantes illustrent l’influence que peut exercer le gouvernement canadien sur l’industrie des croisières :

  1. Lors de la pandémie de COVID-19, le gouvernement canadien annonça l’interdiction des activités des croisières internationales en eaux canadiennes pour 2020 et 2021 en raison des risques associés au contexte sanitaire (Transports Canada, 2020a ; Transports Canada, 2021).

  2. Dans une optique de conservation de la baleine noire, le gouvernement canadien instaura une limite de vitesse de navigation dans certaines zones du fleuve Saint-Laurent. Cette décision provoqua l’annulation de certaines escales par les lignes de croisières suite à la réduction de la vitesse de navigation imposée (Renaud et Sarrasin, 2019 ; Zinser, 2022). Les destinations touristiques impactées par ces annulations subirent d’importantes pertes économiques.

28Le gouvernement canadien est également propriétaire de cinq ports d’escale du fleuve Saint-Laurent, soit des ports de Montréal, Trois-Rivières, Québec, Saguenay et Sept-Îles. Il délègue la gestion de ces ports à des administrations portuaires qui possèdent le plein contrôle sur leurs stratégies commerciales en matière de croisière (Transports Canada, 2020b). Cette autonomie en matière de commercialisation confère aux administrations portuaires un certain pouvoir de contrôle sur l’industrie des croisières à l’échelle de la destination touristique. Ces administrations peuvent notamment décider de la taille des navires qui sont autorisés à faire escale dans leur port (Masson, 2022).

29De son côté, le gouvernement du Québec identifie l’industrie des croisières internationales comme un secteur clé pour le développement touristique du fleuve (Tourisme Québec, 2014), mais ne propose aucune stratégie en matière de croisières internationales (MTQ, 2021). L’argent investi en matière touristique par l’État québécois passe principalement dans le développement et la promotion des destinations touristiques.

30Les municipalités ont quant à elles un pouvoir de réglementation sur les territoires qui servent d’escale du Saint-Laurent. À travers les règlements de zonage, les municipalités possèdent un pouvoir d’autorisation sur les usages, activités, constructions et ouvrages au sein de leur territoire (MAMH, 2022). Par exemple, elles peuvent influencer la capacité d’hébergement touristique de leur destination (Ville de Québec, 2022). Les municipalités peuvent également influencer le développement de leur escale en finançant le développement des infrastructures portuaires. À titre d’exemple, la construction du 2e terminal de croisières de Québec visant à accueillir des navires à grande capacité fut réalisée grâce à une aide financière de la Ville de Québec (5 M$) et du gouvernement provincial (15 M$) (Port de Québec, 2018).

31Ainsi, le gouvernement fédéral possède un pouvoir de contrôle direct du fait de son statut de législateur du fleuve et un pouvoir indirect via les stratégies commerciales de ses administrations portuaires. Le gouvernement provincial possède quant à lui un pouvoir d’influence de nature économique à travers ses investissements touristiques. De son côté, les municipalités interviennent dans la gestion de leur industrie touristique par leurs réglementations ou par l’aide financière accordée aux infrastructures d’accueil pour les navires de croisière (figure 3).

Figure 3 : Cadre législatif et réglementaire du Saint-Laurent

Figure 3 : Cadre législatif et réglementaire du Saint-Laurent

32Chacune de ces entités gouvernementales cherche aussi à promouvoir leur destination touristique. Les gouvernements fédéral et provincial du Québec accordent notamment une aide financière à l’Association des croisières du Saint-Laurent dans leur mission de promotion et de commercialisation des ports d’escales (ACSL, 2021).

3.2. Acteurs commerciaux

33Dans un contexte de compétition entre les différentes destinations d’escale pour obtenir des parts de marché, les lignes de croisières possèdent un pouvoir déterminant. Ce sont ces dernières qui choisissent les escales qui seront intégrées dans l’itinéraire de leurs navires. Cette situation oblige les destinations à mettre en place des stratégies commerciales dans le but d’y promouvoir leur escale. À l’échelle du Québec, l’ACSL fait alors la promotion des neuf escales du fleuve Saint-Laurent auprès des lignes de croisières internationales (ACSL, 2021).

  • 7 Les cinq organisations membres de la CCNEA sont : NYCruise, Flynn Cruiseport Boston, Cruise Maine U (...)

34Afin d’augmenter l’attractivité du fleuve Saint-Laurent sur le plan international, l’ACSL participe à la Cruise Canada New England Alliance (CCNEA) qui regroupe cinq organisations, 7toutes spécialisées dans la promotion territoriale de l’industrie des croisières. La mission de la CCNEA consiste à promouvoir la région du Canada et de la Nouvelle-Angleterre comme destination de premier choix auprès des lignes de croisières (Alliance Cruise Canada New England, 2021). Ce regroupement vise à conserver ou accroître l’attractivité touristique dans un contexte où la mondialisation accentue la compétition entre les destinations issues de secteurs géographiques différents (Fabry, 2009). Si le regroupement des partenaires au sein de l’ASCL et la CCNEA s’appuie sur un désir commun d’attirer des lignes de croisières internationales dans le fleuve Saint-Laurent, les ports d’escales du Québec vont également promouvoir leur destination en réalisant d’autres démarches commerciales directement auprès des lignes de croisières (Zinser, 2022).

35Les démarches commerciales des administrations portuaires démontrent l’existence d’une compétition à l’intérieur du marché du Saint-Laurent, tel que retrouvé au sein d’autres marchés (Dehoorne et al., 2009 ; Pallis 2015). Par exemple, on observe une rivalité entre l’escale de Tadoussac et les autres destinations portuaires de la Côte-Nord (Baie-Comeau, Havre-Saint-Pierre et Sept-Îles). Tadoussac n’étant pas membre de l’ACSL, la destination représente une menace en raison de son démarchage commercial qui pourrait lui permettre de s’accaparer d'une part de marché face aux autres escales du fleuve Saint-Laurent (Simard, 2016 ; Théberge, 2016).

36Le fleuve Saint-Laurent est également promu par les associations touristiques du Québec, régionales et sectorielles qui « se sont unies […] afin de proposer des choix et des priorités qui mèneront le Québec vers une optimisation des retombées de l’activité touristique dans les régions situées tout au long du Saint-Laurent » (Tourisme Québec, 2014 : 9).

37De leur côté, après avoir déterminé les itinéraires dans le fleuve Saint-Laurent, les lignes de croisières mandatent des grossistes (tour-opérateurs) pour la vente et l’opération des escales. Ces grossistes ont alors pour mission de créer et commercialiser une offre à destination pour les croisiéristes en s’appuyant sur les attraits touristiques de l’escale. Les grossistes vont alors proposer des forfaits ou des prestations aux croisiéristes dans les différentes escales du fleuve Saint-Laurent. Ce système commercial implique un partage du montant payé par les croisiéristes entre la ligne de croisière, le grossiste et l’attrait touristique. D’un côté, les lignes de croisières vont capter un certain montant de l’excursion afin d’augmenter leurs revenus tirés des services complémentaires (Antonellini, 2021). De l’autre, le grossiste négocie auprès des gestionnaires d’attraits touristiques afin qu’il puisse dégager une marge commerciale entre le prix de vente à la ligne de croisière et le prix d’achat effectué auprès des attraits. Dans sa démarche commerciale auprès des gestionnaires d’attraits touristiques, le grossiste utilise l’argument du volume potentiel des ventes que conférer par le nombre de passagers sur le bateau de croisières. Ce système commercial implique par conséquent une captation des retombées économiques potentielles par les lignes de croisière et le grossiste (Zinser, 2022). Dans certains cas, la pression du grossiste sur les attraits touristiques à destination oblige les gestionnaires d’attraits à vendre à perte l’accessibilité de leur site et à optimiser les coûts relatifs associés à la visite des croisiéristes (ex. en diminuant le nombre d’employés et en augmentant le nombre de bénévoles) (Zinser, 2022).

3.3. Acteurs de conservation

38Dans l’écosystème d’affaires du fleuve Saint-Laurent, les organisations spécialisées en conservation environnementale (ex. société d’État, organisation à but non lucratif) ou en préservation de la qualité de vie des communautés (ex. regroupement citoyen), exercent également une influence sur l’industrie des croisières. Dans un contexte où les acteurs commerciaux des escales tentent d’attirer les lignes de croisières à développer des itinéraires sur le Saint-Laurent, l’augmentation du nombre de navires et de croisiéristes à destination soulève plusieurs défis environnementaux (ex. pollution atmosphérique, risque de collision, bruits sous-marins, matières résiduelles, eaux grises et noires) et sociaux (ex. surtourisme, acceptabilité sociale) (Zinser, 2022).

  • 8 L'Alliance verte est une certification environnementale destinée à l'industrie maritime nord-améric (...)

39Dans ce contexte, les organisations en conservation environnementale invitent l’industrie des croisières à développer de meilleures pratiques environnementales, telles que l’implantation d’un programme de certification environnementale (ex. Alliance verte8) ou encore l’instauration de mesures visant à sensibiliser la société sur l’importance de la préservation/conservation des écosystèmes (Zinser, 2022). Face aux enjeux sociaux qui se manifestent dans chacune des destinations, des organisations sensibles à la qualité de vie des communautés d’accueil invitent les acteurs politiques à contrôler le développement de l’industrie des croisières pour l’escale. La concertation et la collaboration avec les organisations commerciales apparaissent comme des éléments clés dans la mise en place de pratiques durables (Zinser, 2022).

40En résumé, la diversité des organisations impliquées dans l’écosystème d’affaires, démontre que l’industrie des croisières internationales évolue dans un système complexe, où s’entremêle des intérêts politiques économiques, environnementales et sociales.

Conclusion

41Après les pertes financières occasionnées par la pandémie, les grandes compagnies de croisières se remettent en marche en offrant différentes gammes de prestations auprès d’un marché de masse. Ces prestations offertes à travers le monde permettent à des croisiéristes de réaliser une croisière le long du fleuve Saint-Laurent, de la côte Est du Canada et des États-Unis.

42Les croisiéristes qui voguent sur le fleuve Saint-Laurent se voient offrir des prestations de « luxe », « spécialisé ou d’exploration », « haut de gamme » ou « contemporaine ». Si les destinations que l’on retrouve le long du fleuve Saint-Laurent cherchent à différencier l’expérience touristique de chaque escale, les lignes de croisière composent leur itinéraire en visant principalement le retour aux profits des compagnies.

43L’analyse des acteurs qui composent l’écosystème d’affaires des croisières du fleuve Saint-Laurent présente un système articulé pour attirer les grandes lignes de croisières internationales. L’Association des croisières du Saint-Laurent, chargée d’attirer les croisières sur le marché du Saint-Laurent, ainsi que les administrations portuaires du Saint-Laurent, chargées du démarchage commercial de leur escale, ont un objectif commun : accroître le nombre de visiteurs à destination. L’écosystème d’affaires cherche également à promouvoir la destination touristique auprès des lignes de croisières et des touristes. Les associations touristiques régionales du Québec, financées en partie par le gouvernement du Québec, et les administrations portuaires cherchent à promouvoir leur escale auprès des croisiéristes.

44Dans l’écosystème d’affaires, le grossiste agit en tant qu’intermédiaire entre les attraits touristiques des destinations et les lignes de croisières afin de proposer de prestations touristiques terrestres dans chacune des escales. Les grossistes et grandes compagnies de croisières chercheront à conserver un pouvoir en matière de commercialisation à l’échelle de la destination touristique. Ces acteurs négocieront un prix en fonction du volume de visiteurs qu’offrent les bateaux de croisières.

45L’écosystème d’affaires des croisières du fleuve Saint-Laurent est aussi encadré par des acteurs gouvernementaux qui possèdent un pouvoir de législation et de réglementation. Le gouvernement du Canada possède ce pouvoir sur le fleuve Saint-Laurent et les municipalités sur le territoire. Ce pouvoir d’encadrement permet d’établir des règles communes pour le fonctionnement des croisières internationales, mais aux grandes compagnies de croisières de conserver leur pouvoir en matière commerciale. De leur côté, les escales, les associations, les grossistes et les gouvernements investissent avant tout dans l’attractivité de la destination touristique.

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Notes

1 Le marché des destinations d’exploration réfère aux régions polaires, aux îles Galapagos, à l'Antarctique ou encore à certaines régions difficilement desservies par les itinéraires de croisières plus « classiques » (Elliott, 2023).

2 Un port se dit « d’embarquement et débarquement (ou port d’attache) » lorsque la croisière y débute ou y termine son itinéraire. Un port se dit « d’escale » quand la croisière y effectue un arrêt intermédiaire. Un port se dit : « hybride » lorsqu’il combine les deux catégories précédentes (Papachristou et al., 2022).

3 Valeur lors de la clôture des marchés.

4 Bien qu’elle ne soit pas représentée par l’ACSL, l’escale de Tadoussac, municipalité située au croisement du fjord du Saguenay et du fleuve Saint-Laurent, accueille également plusieurs navires de croisières. La candidature de Tadoussac pour rejoindre l’ACSL en 2008 fut refusée pour éviter une dilution des retombées économiques avec l’ajout d’une nouvelle escale (Théberge, 2016). Ce refus semble démontrer que certaines destinations désirent concentrer les bénéfices dans leur marché respectif sans partager les retombées économiques.

5 Ce résultat est obtenu à partir de l’analyse de 88 itinéraires du fleuve Saint-Laurent dont les données sont disponibles sur MarineTraffic (2022) et l’Alliance Canada Nouvelle-Angleterre (2022).

6 Les compagnies dont les catégories de prestation ne sont pas identifiées par Pallis (2015) sont Phoenix Reisen, Plantours Kreuzfahrten, Radisson Seven Seas Cruises et Fred Olsen Cruise Lines.

7 Les cinq organisations membres de la CCNEA sont : NYCruise, Flynn Cruiseport Boston, Cruise Maine USA, Cruise Atlantic Canada et l’Association des croisières du Saint-Laurent (Cruise Canada New England Alliance, 2021).

8 L'Alliance verte est une certification environnementale destinée à l'industrie maritime nord-américaine.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Évolution des actions des trois principales compagnies de croisières entre 2018 et 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/26934/img-1.png
Fichier image/png, 36k
Titre Figure 2 : Ports d’escale et axes des croisières internationales du Saint-Laurent
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/26934/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 297k
Titre Photographie 1. Bateau de croisière au port de Québec
Crédits Source : L. Bourdeau (2022)
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/26934/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 626k
Titre Figure 3 : Cadre législatif et réglementaire du Saint-Laurent
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/26934/img-4.png
Fichier image/png, 53k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Charles Zinser et Laurent Bourdeau, « Écosystème des croisières internationales dans le fleuve Saint-Laurent »Études caribéennes [En ligne], 55 | 2023, mis en ligne le 01 juillet 2023, consulté le 02 octobre 2023. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/26934 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.26934

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Auteurs

Charles Zinser

Charles Zinser, M.Sc., est doctorant en sciences géographiques, Département de géographie, Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, Université Laval, Pavillon Abitibi-Price, 2405 Rue de la Terrasse, Québec, Québec, G1V 0A6 (courrier électronique : charles.zinser.1@ulaval.ca).

Laurent Bourdeau

Laurent Bourdeau, Ph.D., est professeur titulaire au Département de géographie, Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, Université Laval, Pavillon Abitibi-Price, 2405 Rue de la Terrasse, Québec, Québec, G1V 0A6 (Tél. [418] 656-2131, #408811, courrier électronique : laurent.bourdeau@ggr.ulaval.ca).

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