Navigation – Plan du site

AccueilNuméros55DossierLa maritimisation des Petites Ant...

Dossier

La maritimisation des Petites Antilles, entre mondialisation et maritimité « ordinaire »

Maritimization in The Lesser Antilles: Between Global and Local Stakes
Eric Foulquier, Iwan Le Berre, Colette Ranély Vergé-Dépré, Lorenzo Joncheray et Clément Iphar

Résumés

Le concept de maritimisation traduit la dépendance de plus en plus importante des sociétés contemporaines aux espaces maritimes et à leurs ressources. Il peut s’analyser selon plusieurs marqueurs. Les premiers relèvent d’une géographie des besoins, que dessinent les flux d’import-export générés par la demande d’un territoire donné. Il en découle une structure des échanges, mais aussi des typologies portuaires capables de répondre à la spécificité des navires mobilisés pour ces dessertes. Ces fonctions construisent une économie servicielle, autour d’un tissu d’entreprises dédiées à la réception des navires et des marchandises, et qui contribuent à forger la singularité de chaque place portuaire. Elles façonnent également un paysage infrastructurel dont les logiques de croissance ne sont pas toujours en adéquation avec les trajectoires des territoires desservis. Les Petites Antilles, dont les économies et les besoins de transport restent modestes, constituent en ce sens un cas exemplaire. Elles témoignent de la conjugaison de deux processus de maritimisation, l’un impulsé par des forces exogènes, en rapport avec la mondialisation des acteurs maritimes, l’autre structuré par des trafics domestiques et les nécessités des quotidiens insulaires.

Haut de page

Texte intégral

Remerciements :

Ce travail a bénéficié de plusieurs soutiens. Des aides de l’Etat gérées par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme « Investissements d’avenir » : le Labex DRIIHM portant la référence ANR-11-LABX-0010 et le projet ISblue « Interdisciplinary graduate school for the blue planet », portant la référence ANR-17-EURE-0015. Il a été soutenu par la Fondation de France dans le cadre de son programme « Les futurs des mondes du littoral et de la mer », dans le cadre du projet TRAFIC (n°1940). Il a bénéficié du soutien du programme de recherche de l’Union européenne Horizon 2020, dans le cadre de la convention de financement Marie Skłodowska-Curie, sous la référence n° 899546.

Les auteurs tiennent également à remercier les relecteurs pour leurs remarques qui ont permis d’améliorer sensiblement cet article.

Introduction

1La maritimisation du monde est directement liée à la mondialisation, et à l’ouverture géographique qui en découle, entendue comme un processus aux conséquences non seulement spatiales mais également environnementales et culturelles (Grenier, 2019). Multiplié par dix en volumes et par vingt en valeur depuis les années 1950, selon les données de la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Rodrigue, 2020), le négoce maritime mondial révèle une humanité particulièrement marchande, pour laquelle ports et navires prennent une place tout à fait centrale. La maritimisation exprime de fait cette dépendance de la société-monde aux activités projetées sur les milieux maritimes. Elle mobilise une grande diversité de dispositifs techniques – au premier rang desquels est le navire – déployés au moyen de multiples phases successives d’équipement, d’aménagement et de gouvernance de l’espace géographique. Les ports en sont des expressions concrètes. Avec la mondialisation, le processus s’établit dans une double logique de réticularité et de massification, censée répondre à la croissance des besoins du monde en une diversité et une abondance de plus en plus grande de marchandises.

2Dans ce contexte, le cas des Petites Antilles, au sein d’un espace caribéen, carrefour maritime parmi les plus fréquentés au monde, permet d’interroger ces deux trajectoires, liées à l’offre de transport et à la demande sociétale. Gigantisme naval et croissance des infrastructures portuaires expriment-ils une montée en puissance des économies locales insulaires et de leurs besoins relatifs en termes de transport par voie de mer, ou ne sont-ils que la conséquence de la connexion de l’espace caribéen à des réseaux globalisés ? L’hypothèse principale repose sur la mise en évidence d’un processus « d’inflation infrastructurelle ». L’expression n’est guère usitée dans la littérature dédiée aux secteurs maritime et portuaire. Conformément à la définition qu’en donnent les sciences économiques, le recours au concept d’inflation s’inscrit dans l’idée d’un processus « auto-entretenu » et fondé sur des phénomènes macroéconomiques, aux ressorts internes mais aussi possiblement « importés » « mettant en jeu des interdépendances entre toutes les parties et tous les mécanismes de l’économie » (Olive, 1976). Sortir ce terme de sa sémantique économique habituelle est rare mais possible. Faisant le constat de la multiplication des stages dans l’enseignement supérieur, Dominique Glaymann (2015), en appelle également à l’inflation, la définissant comme « cet essor auto-entretenu et largement alimenté par la concurrence, le mimétisme et la routine » (p.9). Transposé au domaine qui nous intéresse, le concept « d’inflation infrastructurelle » défend donc l’idée d’un mécanisme de croissance de l’offre en matière d’infrastructure de transport, indépendant d’une évolution de la demande locale. Il s’agit moins de s’interroger sur les liens entre transport et développement, thématique largement commentée par ailleurs (Brocard et al., 2009), que sur la manière dont l’offre de transport dans ces îles met en scène deux formes de maritimisation : l’une exogène, imposée par la mondialisation ; l’autre « ordinaire », construite autour des besoins domestiques.

3Dans un espace antillais morcelé, entre de multiples conditions géographiques et configurations politiques, la comparaison des données est délicate. L’article s’appuie de fait sur la confrontation de trois types d’informations fort différentes, afin de caractériser offre et demande de transport. Certaines, issues d’un travail de compilation de données statistiques, tendent à décrire le contexte économique singulier de ces petites îles et leur dépendance au secteur maritime. Associées à des connaissances de terrain, elles visent à mieux comprendre la spécificité du transport maritime et des activités portuaires dans ces territoires. D’autres sont issues du système AIS (Automatic Identification System) qui, depuis 2004, contraint les navires à s’équiper d’une balise de positionnement à des fins de sécurisation du transport maritime mondial. Elles permettent ainsi d’identifier les navires et leur parcours. Ces données massives nous renseignent précisément sur l’infrastructure maritime déployée pour desservir ces espaces, à travers notamment la figure du navire à l’escale dont on peut qualifier le type, la taille, l’âge, le temps passé au port. Enfin, l’argumentaire s’appuie sur une analyse des évolutions du paysage portuaire, sur la base d’un travail de photo-interprétation à partir de l’imagerie satellitaire. Ce relevé autorise une analyse diachronique des mutations des infrastructures portuaires depuis les années 2000.

4La zone d’étude (fig. 1) couvre l’arc des Petites Antilles, des îles Vierges au nord, à Trinidad-et-Tobago ainsi qu’Aruba, Curaçao et Bonaire, au sud. L’intérêt de cette région réside à la fois dans son hétérogénéité (morcellement géographique et politique, disparités économiques et démographiques, diversité des politiques publiques et portuaires) et dans l’intensité du trafic maritime qui le parcourt, qu’il soit lié au transport domestique ou au transit des trafics mondialisés, et ce, malgré la petite taille de ces îles par rapport aux Grandes Antilles (Ranély Vergé-Dépré, 2014 ; Rodrigue et Asaf, 2016).

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

1. Le transport maritime, expression d’une géographie des besoins

5La maritimisation constitue un processus étroitement lié à la globalisation des échanges, dont la plus grande partie s’effectue par la mer. Cette « économie océanique » accompagne l’histoire du monde (Vigarié, 1998). Mais elle est rentrée, depuis les années 1950, dans une nouvelle phase, caractérisée par la croissance des masses mobilisées et des structures édifiées, afin de répondre à une demande de plus en plus forte de matières premières et de produits manufacturés Cette massification du monde maritime et portuaire constitue une caractéristique essentielle de la maritimisation. Elle répond à la croissance considérable du commerce mondial dans la seconde moitié du XXe siècle, et dont la trajectoire est devenue exponentielle avec l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001. Elle est l’expression d’une mondialisation des chaînes logistiques, construites pour satisfaire les besoins des sociétés humaines engagées dans un modèle consumériste.

1.1. La maritimisation, trajectoire sémantique d’un phénomène global

  • 1 Une position dite « bord-à-quai » évoque des activités de nature industrielle, présentes dans un si (...)

6Si la maritimisation doit désormais être entendue comme un phénomène global, qui caractérise une anthropisation de l’espace maritime, à travers de multiples processus d’occupation et d’accaparement de l’espace océanique, l’expression consacre d’abord une forme d’industrialisation. De nombreux auteurs admettent que la première phase de maritimisation correspond à la seconde moitié du XIXe siècle, qui voit s’édifier sur le littoral et le long des côtes une série d’équipements destinés à faciliter l’exploitation des ressources marines et leur acheminement vers les marchés de consommation (Péron, 1994 ; Bouinot, 2004). Pour autant, le recours au concept dans la littérature scientifique apparaît au début des années 1970, au moment où se met en place une industrie bord-à-quai1, qui s’adapte ainsi à la nouvelle géographie des matières premières, notamment minières, issue d’un monde post-colonial (Op de Beek, 1971). Sous l’impulsion de stratégies étatiques d’aménagement, les industries de transformation trouvent dans l’implantation portuaire un modèle de développement fondé sur la compétitivité des approvisionnements par voie de mer. Dans les espaces continentaux, ces localisations entraînent de fait une « maritimisation de l’intérieur » à travers le déploiement de grandes infrastructures de liaisons terrestres à ces façades nouvellement industrialisées (Gamblin, 1970). La recherche d’avantages comparatifs, liés à la fois à de faibles coûts de main-d’œuvre et aux conditions douanières et fiscales avantageuses, conduit à l’épanouissement du phénomène. C’est le cas de l’espace caribéen : pour certains territoires – Saint Kitts, Aruba ou encore à Porto Rico – « l’industrialisation de l’île n’est pas une maritimisation d’une fraction de l’industrie américaine, mais la recherche par cette dernière de structures sous-développées dans un même territoire douanier » (Chardon, 1975 : 141).

7Progressivement, le concept acquiert une dimension géopolitique. L’accélération de l’intégration européenne, au début des années 1970, consacre le rôle stratégique des horizons marins. En passant de six à neuf pays membres, son « centre de gravité géographique se déplace vers la mer du Nord et l’Atlantique : les préoccupations océaniques prennent un poids beaucoup plus grand » (Vigarié, 1974 : 37). Mais c’est l’adoption de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, adoptée en 1982 à Montego Bay (Jamaïque), qui conduit à l’élargissement sémantique du concept. Dans un contexte de guerre froide, la maritimisation du monde revêt une dimension géostratégique. Face à la montée en puissance de la marine soviétique tout au long des années 1970, les différents Etats, nouvellement investis d’une souveraineté maritime, sont contraints de réévaluer leurs stratégies globales et de se donner les moyens de l’exercice d’une « autorité » en mer (Coutau-Bégarié, 1983). Dès lors, le processus de maritimisation implique l’élaboration de politiques d’aménagement et de contrôles des espaces marins. Les bouleversements des équilibres au lendemain de la chute du mur de Berlin n’infléchissent pas ces logiques. Au contraire, l’avènement d’un ordre multipolaire des rapports de puissance, participe d’un intérêt croissant pour les questions de sûreté et de sécurité en mer (Bellais, 2004 ; Napoli, 2014 ; Fau, 2015).

8Ainsi, la maritimisation doit s’entendre comme un concept global, fait « d’interrelations, voire d’interdépendances, entre les vies nationales et les espaces océaniques » (Vigarié, 2005 : 1). La diffusion à l’échelle de la planète des pratiques de planification spatiale marine révèle cette globalisation des enjeux quant aux usages des ressources en mer, dans laquelle les Etats de la Caraïbe sont pleinement investis depuis au moins 25 ans (Desse et Legé, 2019). Il en ressort que la maritimisation procède également d’une patrimonialisation, au sens où la préservation de ces ressources relève de la gestion d’un bien commun, non seulement pour les Etats d’une même façade ou d’un même bassin, mais également à l’échelle de la planète, lorsque l’on considère le rôle des océans dans l’écosystème global. Ainsi, la maritimisation, au regard des enjeux environnementaux, économiques et politiques qu’elle implique, s’inscrit comme une question majeure de cette seconde phase de la globalisation, qualifiée de « planétarisation » par Jacques Grinevald (1997). Cette dernière tend à considérer les relations au monde au prisme de la totalité des effets biogéophysiques engagés par l’ensemble des flux produits par le métabolisme industriel des sociétés contemporaines.

1.2. La dépendance aux échanges commerciaux par voie maritime

  • 2 Petits États insulaires en développement (groupe onusien composé de nations caribéennes mais aussi (...)

9Le commerce constitue l’élément moteur de ce métabolisme. Le transport maritime représente, à l’échelle mondiale, plus de 80 % des échanges commerciaux en volume et 70 % en valeur (UNCTAD 2022). Leur approvisionnement ne pouvant venir que par la mer (Ranély Vergé-Dépré, 2017), les PEID2 font face à une plus forte dépendance maritime aux échanges commerciaux et, plus spécifiquement, aux importations. Le faible développement de l’approvisionnement aérien s’explique par son coût élevé (Schlumberger, 2009) et par la faible capacité de charge des avions cargo. Les économies insulaires de la Caraïbe se caractérisent, ainsi, par la perpétuation post-coloniale d’un phénomène de dépendance à la mer et à l’activité portuaire, mais aussi d’une dégradation continue du taux de couverture du commerce extérieur. Ce dernier est révélateur d’un déséquilibre croissant entre la valeur des exportations et celle des importations (fig. 2).

Figure 2 : Les Petites Antilles, en déséquilibre commercial croissant

Figure 2 : Les Petites Antilles, en déséquilibre commercial croissant
  • 3 Le taux de couverture exprime le rapport entre importations et exportations, c’est-à-dire la balanc (...)

Source : Banque Mondiale 20223

10Au cours de la période 1960-2021, les îles dont les exportations ont dépassé les importations sont rares : Trinidad-et-Tobago, Saint-Kitts-et-Nevis et Aruba. La première est exportatrice de gaz naturel liquéfié et de pétrole, la seconde a développé une industrie électronique directement connectée au marché étasunien. Enfin, la troisième a déployé d’importantes capacités de raffinage, jusqu’à la fin des années 1980, avant de se tourner progressivement vers le tourisme à l’instar de la plupart de ces économies insulaires (Ridderstaat & al., 2014). Il est donc logique de constater la baisse généralisée de la moyenne régionale des taux de couverture du commerce extérieur, de 55,8 % à 18,7 % entre 1960 et 2019. En Dominique, le taux décroît de 60 points entre 1960 et 2021 (66,7 à 6,4). Plusieurs îles présentent des situations extrêmes de dépendance aux importations au regard de leur taux de couverture en 2021 : Saba (2,6), Saint-Eustache (2,7), Bonaire (3,3) et Antigua-et-Barbuda (3,3).

  • 4 Exception faite des îles françaises, de Saba, Sint Eustache et des îles Vierges américaines non cou (...)
  • 5 53 % pour la Martinique, 46 % pour la Guadeloupe.

11Le déficit extrême des balances commerciales se conjugue avec la dépendance vis-à-vis des anciennes puissances coloniales européennes (France, Royaume-Uni et Pays-Bas), mais surtout des États-Unis dont le bassin Caraïbe est progressivement devenu « l’arrière-cour ». Ainsi, selon l’Observatoire de la complexité économique (OCE), 50,9 % des importations régionales en sont originaires (38,1 % pour les exportations)4 en 2020. Les Etats-Unis fournissent ainsi, en valeur, plus de 40 % des marchandises importées à Antigua-et-Barbuda, Aruba, la Dominique, Montserrat, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Sint Maarten et Trinidad-et-Tobago. Pour certaines îles, les anciennes puissances coloniales sont reléguées à un second rang : le Royaume-Uni n’absorbe que 0,4 % des exportations de Montserrat et ne lui procure que 10 % de ses importations ; les Pays-Bas ne sont présents, respectivement, qu’à hauteur de 26,8 % et 5,4 % des exportations de Bonaire et de Curaçao, et ne leur fournissent que 33,8 % et 28 % de leurs importations. Les îles françaises échappent à ce mouvement d’arrimage des économies caribéennes à la puissance étatsunienne : la métropole reste le partenaire privilégié, pour plus de 60 % pour les importations et pour près de la moitié5 des exportations en 2020 (INSEE, 2021a ; INSEE, 2021b).

12Le modèle d’économies agro-exportatrices n’est pas plus la règle depuis la crise de l’économie de plantation à partir des années 1960, et ces petites îles antillaises présentent en réalité des profils assez différents (Tab. 1). Avec l’implantation d’une filière électronique sur le site industrialo-portuaire de Paul Southwell Industrial Park (Jaro Electronics Ltd, Kajola Kristada Ltd, etc), Saint-Kitts-et-Nevis s’affirme comme une base off-shore nord-américaine. Les îles hollandaises proches du continent (Aruba, Curaçao, Bonaire) exportent, majoritairement, des matières premières minérales à l’instar de Trinidad-et-Tobago. Si la Martinique et la Guadeloupe sont concernées par la persistance des matières premières d’origine agricole dans les valeurs exportées, respectivement 22 % et 12,7 % en 2020 (INSEE, 2021a ; 2021b), la première présente des exportations largement dominées par les produits pétroliers raffinés, issus de la Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles (Cerema, 2018).

Tableau 1 : Le rôle des matières premières dans les exportations des Petites Antilles (2020). Source : Observatory of Economic Complexity (OEC)

Territoires

Total export (en M$)

Total import (en M€)

Matières premières

(% des exp.)

Mat. premières agricoles

(% des exp.)

Mat. premières minérales

(% des exp.)

Typologie des exports

Anguilla

32,8

139

0

0

0

médicaments, vaccin, sang

Antigua-et-Barbuda

134

662

17,6

2,5

15,1

bateaux, pétrole, or

Aruba

117

783

65,1

0,5

64,6

pétrole, tabac

Barbade

330

1690

11,9

1,7

10,2

alcool, médicaments, ciment

Bonaire

7,2

261

57,2

2,1

55,2

sel, orthopédie, boissons

Curaçao

143

856

57,1

14,7

42,9

pétrole, poisson, chimie

Dominique

34,4

196

21,9

4,3

17,7

instruments médicaux, électronique

Grenade

24,7

383

50,8

50,4

0,3

fruit, poisson, fève cacao

Îles Vierges britanniques

741

1010

1,8

0

1,8

bateaux, aviation, pétrole

Montserrat

5,37

12,9

17,6

4,2

13,3

vêtements, sable, électronique

Saint-Kitts-et-Nevis

53,5

246

2,5

2,2

0,2

électronique, instruments de mesure

Sainte-Lucie

37

1050

36,2

14

22,2

pétrole, bière, banane

Saint-Vincent-et-Grenadines.

87,9

183

73,8

12,1

61,7

pétrole, bateaux, collections

Trinidad-et-Tobago

6300

4820

50,2

0,7

49,5

pétrole, alcool, ammoniac

  • 6 Le CARICOM comprend 15 Etats membres (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, La Barbade, Belize, Dominique, G (...)

13La part du commerce intra-régional n’est pas négligeable. En 2020, il correspond en moyenne à 15 % des importations et 26 % des exportations des pays du CARICOM (Caribbean Community ou Marché commun des Caraïbes, créé en 1973)6. Pour les micro-économies des Petites Antilles, le poids des échanges entre voisins proches peut être plus important encore. À la Dominique et à Grenade, les importations effectuées depuis des Etats membres du CARICOM s’élèvent à plus de 26 %. Le commerce intra-régional représente la moitié des exportations totales des îles de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, 70 % de la Dominique.

  • 7 Unité de mesure de la taille des navires qui correspond à la capacité d’emport maximal de l’unité : (...)

14Cette structuration des économies insulaires pose ainsi une double problématique maritime. La première concerne la taille des navires aptes à desservir des espaces aux besoins déséquilibrés. Le seconde tient aux trajets de retour, souvent effectués à vide. Dans un contexte de gigantisme naval, l’adéquation entre les moyens de transport mobilisés et la demande effective pose question, a fortiori dans une conjoncture de maîtrise des émissions atmosphériques des navires et de recherche d’optimisation. Par exemple, face à un marché cimentier à la baisse depuis une vingtaine d’années dans les îles françaises faute de grands projets d’infrastructures, les deux usines du groupe Lafarge en Martinique et en Guadeloupe font désormais appel à des navires de tailles plus modestes. Les unités qui assument les livraisons sont aujourd’hui de l’ordre de la vingtaine de milliers de tonnes de port en lourd (Tpl)7, contre presque le double il y a plus de vingt ans. Cette économie de moyens, contrainte par le marché, présente néanmoins l’avantage de réduire le bilan carbone de l’activité. Sur ce point, ce qui est vrai pour les navires affrétés, caractérisés par la flexibilité d’un marché structuré par la demande, souvent d’échelle locale, ne l’est pas nécessairement pour les porte-conteneurs, dépendants d’une offre armatoriale calibrée sur une desserte régionale.

  • 8 Le clinker est un produit intermédiaire dans le processus de fabrication du ciment. Il se présente (...)

15La modestie des exportations pose ensuite la question des taux de remplissage des navires au retour. C’est le cas des navires cimentiers mobilisés par le groupe français Lafarge, dont le fournisseur de clinker8 est algérien, et qui peinent à trouver des frets de retour. Cette situation pourrait constituer un avantage, en contribuant à la baisse des taux de fret à l’export. Mais la modestie des capacités exportatrices de ces îles ne permet pas de se saisir pleinement de cette opportunité comme levier de développement (Sanchez et Wilmsmeier, 2009). C’est cette étroitesse du marché qui a contribué à mener la West Indies Shipping Corporation à la faillite en 1993. Créée en 1961, à l’initiative de plusieurs gouvernements de l’éphémère Fédération des Indes Occidentales (1958-1962), la WISCO avait pour objectif de soutenir par une offre subventionnée de transport maritime le développement des activités de commerce international des micro-Etats insulaires de la région (Pollard, 2003). En 1973, elle est devenue le transporteur officiel des pays du CARICOM. Mais l’atonie des activités productives locales associée à l’affirmation des idées libérales dans les affaires économiques du monde après la chute de l’URSS ont précipité le destin de la compagnie maritime.

  • 9 Dans les Petites Antilles, les exportations de bananes ont débuté dans l’entre-deux-guerres, dans l (...)
  • 10 VSA : dispositif contractuel de mutualisation de capacités de charges entre plusieurs armateurs. La (...)

16C’est aussi la problématique essentielle des navires porte-conteneurs, qui peinent à être remplis au retour, en dehors des flux réfrigérés (exportations de produits agricoles, des bananes pour l’essentiel9). Ces déficits structurels des économies locales sont donc largement perçus comme porteurs de risque pour les dessertes maritimes de ces îles. En effet, le marché du conteneur est d’abord un marché d’offre de transport, piloté par l’armateur ; la modestie des trafics locaux ou la réorganisation des flux d’échelle globale sous l’impulsion de nouvelles routes commerciales plus rémunératrices, porte la possibilité d’ancrer un lieu dans une périphérie de la mondialisation (Yvars, 2019). De fait, dans ces îles, le conteneur n’est pas présent partout, et le cargo conventionnel prend alors le relais (fig. 3.) La recherche de flux de transbordement, en rapport étroit avec les fonctions de carrefour (hubs) de l’espace caribéen, devient dès lors une stratégie du développement portuaire qui implique une forme d’inflation infrastructurelle, en décalage avec l’expression de besoins locaux de transport. Du côté des armateurs, le partage des capacités conteneurisées, le Vessel Share Agreement10, consacre une stratégie d’optimisation des flottes en réponse à l’atonie des certaines routes. En limitant de fait la concurrence sur la desserte, ces pratiques peuvent confiner certaines destinations dans des situations de dépendance monopolistiques à l’offre de transport conteneurisé.

17Pour autant, si le risque existe, la situation des petites îles de l’arc antillais est loin d’être celle d’une région en déficit d’offre de transport maritime. La circulation de navires y est intense et largement diversifiée. En 2019, d’après les calculs réalisés au cours de cette étude, l’espace caribéen, Golfe du Mexique non inclus, est fréquenté par une flotte de 3 700 navires, soit l’équivalent de 7 % de la flotte mondiale. Un tiers de ces unités a touché au moins une fois l’un des sites portuaires des Petites Antilles, pour un total cumulé de près de 33 200 escales. L’analyse de ces fréquentations et des services qui leur sont associés dessinent une identité maritime et portuaire singulière, propre à ces micro-économies insulaires, largement orientées vers le tourisme international, très modestement exportatrices et largement dépendantes des flux d’importations d’autres régions du monde (Frémont, 2022).

2. L’identité maritime et portuaire des Petites Antilles

18La spécificité des trafics des ports et des navires qui les fréquentent constitue le marqueur le plus lisible de cette identité. Elle ne saurait cependant la réduire. Cette identité résulte en effet d’une trajectoire socio-technique, construite au fil des choix stratégiques opérés par les communautés portuaires locales pour s’adapter aux évolutions de contexte. Deux autres éléments peuvent ainsi éclairer en partie la singularité de ces trajectoires insulaires : l’évolution de l’emploi portuaire et les régimes d’immatriculation des navires. Le premier, parce que la dépendance aux approvisionnements maritimes place le port au cœur de l’économie insulaire. Le second, parce que l’atonie des économies locales a conduit nombre d’entre elles à voir dans la défiscalisation une opportunité de ressources financières.

2.1. La fréquentation portuaire, marqueur d’une maritimisation duale

  • 11 En moyenne, un navire envoie un message AIS toutes les 6 secondes.

19Grâce à la collecte des positions successives avec une haute fréquence temporelle11, les données AIS permettent de construire des trajectoires de navires (Serry et Lévêque, 2015 ; Le Guyader et Le Tixerant, 2019). Une fois cartographiées, ces dernières mettent à jour les géographies de ces trafics, pour le moins leur répartition spatio-temporelle. Face au déficit de séries de données portuaires cohérentes et comparables pour l’ensemble des ports de la zone d’étude, le recours aux données AIS offre une solution pour décrire en partie les activités maritimes dans cet espace. En partie seulement, car l’AIS constitue d’abord un équipement de sécurisation de la vie en mer, conformément aux principes de la conventions SOLAS (Safety Of Life at Sea) des Nations Unies. Le dispositif n’a donc pas été initialement prévu pour constituer de la donnée scientifique. Il peut être coupé ou falsifié, volontairement ou non, et plusieurs des renseignements donnés sur le navire restent à la discrétion du capitaine. Il en va ainsi de l’identifiant IMO (ou numéro OMI, car attribué par l’Organisation maritime internationale), du navire, qui est une véritable carte d’identité du bâtiment, stable dans le temps mais dont le renseignement est facultatif. A l’inverse, le code MMSI (Maritime Mobile Service Identity) attribué à l’équipement d’appel numérique, (une balise de positionnement par exemple) doit obligatoirement être transmis aux autorités de surveillance mais il peut changer lorsque le navire connaît une modification de son Etat de pavillon. En théorie, l’AIS pourrait permettre le suivi de flottes sur plusieurs années, mais bien que ce dispositif existe depuis 2002, les constellations de récepteurs satellitaires ne permettent d’avoir des données de qualité qu’à partir de 2017 pour certaines zones. Ainsi, même si les données AIS sont apparentées à des données dites « massives », elles ne peuvent constituer l’alpha et l’omega des recherches menées sur les espaces portuaires et maritimes (Emmens & al., 2021).

20L’originalité de l’approche réside ici dans le recours à des données AIS pour qualifier, non pas des parcours, mais au contraire des positions statiques. Alors qu’il est désormais assez fréquent de recourir à ce système pour cartographier les flux de navires dans les différents espaces maritimes du monde, la mobilisation des données AIS pour caractériser des unités à l’arrêt est moins usuelle. La démarche vise à utiliser le navire pour mieux identifier les caractéristiques d’un port.

21Objectiver la nature de la maritimisation passe en effet par la caractérisation des fréquentations portuaires, à travers l’analyse des navires à l’escale. D’un point de vue méthodologique, chaque arrêt d’un navire effectué à proximité d’un des quais au sein des ports est considéré comme une escale. Plus précisément, l’arrêt d’un navire est son passage durable sous la vitesse de 0,5 nœud. Si le nombre de touchées globales par port est plus ou moins connu, en fonction de la fiabilité statistique des Autorités Portuaires concernées, l’AIS permet non seulement d’en avoir une idée précise, mais également de désagréger cette information selon plusieurs indicateurs. Cette désagrégation permet d’appréhender de manière plus fine les caractéristiques de la maritimité des lieux, en décrivant les fonctionnalités concernées à travers les types de navires observés. La méthode se base sur le couplage de trois séries d’informations : les infrastructures portuaires et leur localisation précise via une reconnaissance par imagerie ; les caractéristiques des navires via une base de données internationales (IHS Markit) ; le positionnement des navires à un moment donné via le traitement des données AIS de l’année 2019 prise ici comme année de référence.

22L’exploration par imagerie du littoral révèle ainsi 101 sites portuaires dans les Petites Antilles, (fig. 1), soit un tiers de la totalité observée dans l’ensemble caribéen

  • 12 Vraquiers (sec et liquide), cargos conventionnels, navires de croisière, de passagers inter-îles, p (...)

23Pour l’année 2019, la méthode déployée permet de recenser 1 242 navires marchands12 ayant opéré au moins une escale dans l’un de ces sites (fig. 3). L’analyse de cette flotte peut se réaliser selon au moins trois dimensions. Le nombre d’unités différentes révèle la diversité des fonctions observées en matière de desserte. Le nombre d’escales effectuées caractérise une intensité de fréquentation. Enfin, le volume cumulé par type de navire donne une idée de la puissance des capacités proposées.

Figure 3 : La flotte de navires présente dans les Petites Antilles en 2019, selon le nombre d’unité par type de navire

Figure 3 : La flotte de navires présente dans les Petites Antilles en 2019, selon le nombre d’unité par type de navire

Source : exactEarth, 2019

24A l’échelle des Petites Antilles, la flotte observée couvre l’ensemble de la gamme des services possibles : passagers, vracs secs, vracs liquides, marchandises conventionnelles et conteneurisées. Ces navires ne se répartissent cependant pas de manière uniforme : des singularités se dégagent. Le premier constat est que ces îles sont marquées par des profils de trafics relativement polarisés, autour d’une ou deux activités dominantes (fig. 4) : la croisière d’abord, les flux d’hydrocarbures ou les marchandises conventionnelles ensuite. En nombre d’unités, les seuls navires citernes (essentiellement dédiés au transport de combustible) représentent ici plus de la moitié de la flotte. Viennent ensuite les cargos conventionnels qui en constituent 16 %. Du point de vue de la diversité de la fréquentation portuaire, certaines îles présentent ainsi des profils presque mono-spécifiques, comme Anguilla, Saint-Eustache ou les îles Vierges britanniques (fig. 5).

Figure 4 : Typologie des petites îles antillaises reposant sur une classification ascendante hiérarchique des tjb par type de navires accueillis à l’escale

Figure 4 : Typologie des petites îles antillaises reposant sur une classification ascendante hiérarchique des tjb par type de navires accueillis à l’escale

Source : exactEarth 2019

  • 13 Le tonneau de jauge brut est une unité de mesure du volume des navires. Il comprend l’ensemble des (...)

Figure 5 : Répartition des types de navires à l’escale dans les Petites Antilles en 2019, selon les volumes de Tonneaux de Jauge Brute13 (en % du volume total accueilli)

Figure 5 : Répartition des types de navires à l’escale dans les Petites Antilles en 2019, selon les volumes de Tonneaux de Jauge Brute13 (en % du volume total accueilli)

Source : exactEarth, 2019

25Le nombre d’escales réalisées par type de navire révèle une autre singularité (fig. 6). Avec une trentaine d’unités seulement présentes dans ces îles, les navires de passagers assurant les liaisons inter-insulaires assurent pourtant la moitié des touchées portuaires recensées. Cette intensité rappelle le caractère archipélagique de l’espace concerné. Comme nous le verrons plus loin, ces liaisons, courtes et à haute fréquence, révèlent une maritimisation « ordinaire », c’est-à-dire de tous les jours, où touristes et habitants se mêlent pour atteindre d’autres îles proches. Ces flux donnent également lieu à des trafics invisibles de marchandises, un « approvisionnement à la valise » dont il est difficile de caractériser la nature et le volume.

Figure 6 : Nombre d’escales réalisées dans les sites portuaires des Petites Antilles en 2019

Figure 6 : Nombre d’escales réalisées dans les sites portuaires des Petites Antilles en 2019
  • 14 Expression qui caractérise des échanges de produits hétéroclites : petit électroménager, matériaux (...)

26Le détail de ces fréquentations portuaires permet une troisième observation. Les logistiques conteneurisées ne sont pas présentes partout. Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et Fort-de-France (Martinique) accueillent les plus gros porte-conteneurs dans cet espace, d’une capacité moyenne de 3 500 Equivalents Vingt Pieds et de 32 000 tjb. Les cargos conventionnels jouent donc un rôle important dans l’approvisionnement de certains territoires. Ils sont environ 200 à effectuer des rotations régulières dans ces eaux, pour un total de plus de 4 000 escales. La maritimisation qu’ils incarnent relève d’un processus d’adaptation. En effet, si la taille des navires conteneurisées est dictée par des logiques d’exploitation propres à des réseaux d’acheminement largement extra-régionaux, celle des cargos conventionnels en opération dans ces espaces dépend grandement du marché local. Cette flotte se caractérise ainsi par la modestie de ses capacités de chargement. L’unité la plus grande propose 30 000 tjb, et la taille médiane de l’ensemble des cargos concernés s’établit à 8 000 tjb. Mais c’est encore le nombre d’escales qui souligne davantage les caractéristiques de ces trafics conventionnels dans ces îles (fig. 7). A eux seuls, les 13 cargos dont la taille est inférieure à 2 000 tpl, assurent la moitié des touchées portuaires observées. Opérées par des compagnies locales, souvent familiales, ces unités relèvent souvent de modalités artisanales d’exploitation. Le capitaine est le pilier de l’activité. Il assume tout autant les fonctions techniques de conduite du navire que les missions commerciales inhérentes à la bonne marche d’une entreprise de négoce. Ces cargos incarnent une maritimité « domestique », centrée sur des trafics inter-îles « d’épicerie14 », dominés par les produits agricoles (Watson-James, 1982 ; Boerne, 1999).

Figure 7 : Nombre d’escales de cargos conventionnels en fonction de leur tonnage dans 101 ports des Petites Antilles

Figure 7 : Nombre d’escales de cargos conventionnels en fonction de leur tonnage dans 101 ports des Petites Antilles

Source : exactEarth, 2019

27Ainsi, ce n’est pas tant dans la spécificité de leurs trafics que ces micro-espaces insulaires se distinguent, mais plutôt dans la coexistence de deux formes de maritimisation : l’une ancrée dans la massification et le gigantisme, animée par des unités inscrites dans la mondialisation des échanges ; l’autre adaptée à l’étroitesse du marché inter-îles et à la modestie de la demande, incarnée par la figure du petit cargo « à tout faire » au service de trafics « domestiques.

2.2. Les services au navire, marqueurs de maritimisation

28Mais l’AIS ne dévoile pas tout des activités maritimes. Certes, le navire est l’élément de base pour objectiver la maritimisation d’un territoire donné. Il appelle cependant des fonctions terrestres, exprimées par des morphologies portuaires adaptées, mais dont l’animation relève avant tout de communautés d’acteurs, de capacités organisationnelles et de forces de travail sur les quais. Cette matrice « servicielle » conditionne largement la performance d’un métabolisme industriel (Du Tertre, 2007). On pourrait supposer qu’à trafic égal, les ports présenteraient quelques similitudes. Mais, malgré la standardisation des procédures logistiques inhérentes à la globalisation des flux, les ports présentent souvent des identités propres, façonnées par des effets de contexte et d’histoire socio-économique locale. L’évolution de l’emploi portuaire et le recours à des registres défiscalisés d’immatriculation des navires participent par exemple de ces singularités.

29Longtemps réputés pour leur main-d’œuvre pléthorique (Chardon, 1984), les ports de la Caraïbe ont réalisé, surtout grâce à la conteneurisation, des gains de productivité considérables. À la Martinique, le chargement en 1970 d’un bananier embarquant 1 800 tonnes de fruits conditionnées en plusieurs dizaines de milliers de caisses cartonnées, et manutentionnés au moyen de glissières ou de norias, pouvait durer deux ou trois jours. L’opération nécessitait l’emploi d’une vingtaine d’équipes de dockers, chacune composée de 30 hommes (Ranély Vergé-Dépré, 1997). Les îles françaises ont été les premières, en 1980, à conteneuriser intégralement leurs principaux trafics (avec la France), après la mise au point par la Compagnie Générale Maritime (CGM) de navires permettant de transporter à la fois des marchandises diverses et des bananes dans des conteneurs réfrigérés. Les conditions de travail et le statut des dockers ont été partout modifiés : moins nombreux, ils sont de plus en plus spécialisés et qualifiés du fait de la mécanisation et de la mise en place progressive de systèmes informatiques sophistiqués.

  • 15 En France, l’appellation « Grand Port Maritime » correspond au régime statutaire de port d’Etat. La (...)

30La baisse des effectifs de dockers a provoqué un profond malaise social dans chacune des îles, même si le poids de cette corporation reste souvent important : une grève sur le port provoque assez vite la paralysie quasi-totale de l’économie locale. L’importance des emplois portuaires n’est ainsi pas un gage de performance maritime, puisque les îles françaises en offrent peu, alors qu’elles enregistrent de forts niveaux de trafics : en 2020, on comptait 137 emplois au Grand Port Maritime (GPM) de la Guadeloupe15 (contre 1 300 en 1970) et 115 au GPM de la Martinique. A l’inverse, Saint-Kitts-et-Nevis et La Dominique, dont les trafics conteneurisés sont faibles, présentent un fort ratio d’emplois portuaires par habitants (Caribbean Development Bank, 2016).

31Par ailleurs, la plupart des îles antillaises proposent des registres de libre immatriculation pour les navires du monde entier. Cette activité est très présente dans le Bassin caraïbe surtout au Panama (leader mondial avec 16,1 % de la capacité mondiale au 1er janvier 2021) et aux Bahamas. A l’instar des paradis fiscaux, elle constitue une manne financière pour ces micro-États. Pour autant, il n’existe pas de corrélations directes entre le poids de la flotte immatriculée et les indicateurs de développement pour les petites économies insulaires des Caraïbes, en dehors de Panama et d’Antigua-et-Barbuda (Angelleli, 2012). Pour Panama, cette corrélation est directement liée au volume de la flotte enregistrée. Le cas d’Antigua est différent. La gestion de ces registres d’immatriculation requiert en effet un savoir-faire, une connaissance des milieux et des techniques maritimes. Dans bien des cas, ces ressources ne sont pas présentes dans ces espaces micro-insulaires et nombre d’entre eux sous-traitent ces activités à des sociétés privées, souvent étrangères, dans le cadre de régime fiscaux favorables. Ce n’est pas le cas à Antigua, où ces services dépendent directement du gouvernement, via l’administration en charge des affaires maritimes, l’ADOMS (Antigua & Barbuda Département of Marine Services and Merchant Shipping).

32Dans l’espace étudié, les flottes immatriculées sont en baisse, sauf à la Barbade (fig. 8). Antigua-et-Barbuda se maintient en tête du classement (6 218 675 tpl en 2022, soit 0,3 % du total mondial, contre 14 459 856 tpl en 2012), immatriculant surtout des navires de charge classiques et des porte-conteneurs. Elle devance la Barbade et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Ce secteur est devenu de plus en plus concurrentiel car, outre les avantages traditionnellement recherchés par les armateurs (taxes et coûts moins élevés, recrutement de main d’œuvre étrangère, etc.), d’autres critères orientent aussi leurs choix, notamment l’efficacité, la certification, les liens avec les services financiers et logistiques d’appui et la présence d’un cadre de cybersécurité (UNCTAD, 2021).

Figure 8 : Évolution de la flotte marchande par pavillon d’immatriculation

Figure 8 : Évolution de la flotte marchande par pavillon d’immatriculation

Source : UNCTAD

2.3. Les trafics de passagers inter-îles : expression d’une « maritimité ordinaire »

33Autrefois sillonnée par les populations amérindiennes qui peuplèrent l’arc antillais, la mer est devenue, à l’époque coloniale, un facteur de cloisonnement entre les îles, chacune vivant repliée sur elle-même et assurant tant bien que mal sa propre subsistance. L’héritage colonial, en fragmentant cet espace, a contribué à établir, entre les sous-ensembles géopolitiques, un « effet barrière » qui se manifeste encore aujourd’hui par la faiblesse des réseaux maritimes et aériens intra régionaux (Ranély Vergé-Dépré, 2021). De plus, le bateau est resté longtemps un mode de transport inconfortable et peu rapide. La mer est en effet souvent agitée lors de la traversée des canaux maritimes interinsulaires, ces étroits passages où se rencontrent les eaux de l’Atlantique et de la mer des Antilles. Aujourd’hui, l’avion reste encore le mode le plus utilisé sur les distances de plus d’une centaine de kilomètres.

34Les services maritimes de passagers sont donc surtout proposés dans les territoires-archipels, assurant ainsi la continuité territoriale, en complément ou non de services aériens, les deux modes étant parfois concurrents. Le port de Pointe-à-Pitre se distingue pour cette activité (2408 escales en 2019), car c’est entre les îles de la Guadeloupe (384 200 habitants) que les flux sont les plus nombreux. En 2019, ils se sont élevés à près d’un million de passagers entre Pointe-à-Pitre et ses îles proches (Guadeloupe Port Caraïbes, 2019). L’essentiel est réalisé vers Marie-Galante (158 km²), peuplée pourtant seulement de 10 500 habitants et située à une heure de traversée. À ces flux s’ajoutent ceux entre d’autres villes du « continent » : Trois-Rivières, vers Les Saintes, et Saint-François, vers la Désirade. Malgré la croissance des flux de visiteurs, la clientèle locale est ici majoritaire. Les navettes maritimes sont, en effet, indispensables dans la vie quotidienne des habitants des petites îles, sous-équipées en services sociaux et confrontées au déclin des activités économiques traditionnelles (agriculture, pêche). La mise en service, à partir des années 1980, de vedettes modernes, des catamarans de 200 à 400 places naviguant jusqu’à 40 nœuds, a même provoqué un report modal au profit du bateau, jusqu’à entraîner ici la fin des liaisons aériennes régulières. Depuis 2009, les habitants résidant dans les îles du Sud bénéficient de tarifs préférentiels, grâce à une subvention allouée par la Région Guadeloupe aux armateurs. En élargissant leurs services vers la Martinique et les îles anglophones proches (Dominique, Sainte-Lucie), ces compagnies participent au désenclavement, à la diffusion du tourisme et contribuent à resserrer les liens interinsulaires.

  • 16 Trinidad and Tobago Inter-island Transportation Company Limited.

35À un niveau équivalent en nombre d’escales de navires, on trouve Port of Spain (Trinidad), mais le niveau de trafic avec Tobago est moindre : environ 421 000 passagers en 2019, d’après la compagnie publique TTIT Co. Ltd16 qui relie les deux îles en trois heures de traversée, alors que l’archipel compte 1,4 million d’habitants. Le port de Marigot (Saint-Martin) enregistre aussi un nombre similaire d’escales qui s’explique par la fréquence et la petite taille des vedettes (47 ans d’âge moyen) à destination de Saint-Barthélemy ou d’Anguilla. Puis, s’échelonnant entre 2 042 et 1 575 escales, se situent les principaux ports des îles Vierges (Spanish Town/The Valley, Road Harbour, Red Hook) qui offrent aux touristes et aux insulaires des services fréquents, assurés par de petites vedettes d’un âge avancé (38 ans en moyenne). À Saint-Vincent-et-les-Grenadines, de nombreuses navettes quotidiennes sont proposées entre la capitale Kingstown (872 escales) et Bequia, l’île la plus proche, située à une heure de traversée. Mais les autres îles de l’archipel (Canouan, Mayreau, Union) sont desservies de façon plus sporadique (en moyenne, deux fois par semaine par voie maritime), car l’avion est ici mieux adapté à des distances plus élevées et à une demande essentiellement touristique.

36La ligne maritime rythme la vie quotidienne de nombreux Antillais, contribuant ainsi à forger une maritimité « domestique » ou « de l’ordinaire ». La dépendance à la mer est manifeste dans les plus petites îles, en situation de surinsularité ou de double insularité, car elles sont largement tributaires des échanges avec l’île principale, au-delà du lointain continent. De plus, le développement du tourisme de croisière (avant l’épidémie covid-19) influence les modes de vie dans l’archipel, les Antillais étant de plus en plus nombreux à embarquer dans les ports-bases de l’espace étudié (Philipsburg : 604 escales en 2019, Saint-Thomas, Bridgetown) pour découvrir les îles voisines.

3. Les mutations du paysage infrastructurel, inscrites dans des logiques de massification

37D’un point de vue fonctionnel, une infrastructure est constituée d’un ensemble d’installations et d’équipements qui permettent le déroulement d’une activité technique ou économique au sein d’un organisme, d’une entreprise ou d’une collectivité17. La particularité de l’espace portuaire est de se trouver au contact des domaines terrestres et marins, dans lesquels les conditions modales de circulation sont fondamentalement différentes (Vigarié, 1979). De fait, les ports sont dotés d’équipements spécifiques qui visent à répondre à cette fonction d’interface et à des besoins différents en termes de gestes logistiques : des infrastructures qui construisent un paysage horizontal fait de quais, de darses, de môles et de réseaux, destinés à l’accueil des moyens de transport, en premier lieu les navires ; des superstructures qui dessinent un paysage vertical, fait de portiques, de grues, de silos, de hangars et de bureaux, dédiés à la mobilisation des marchandises. Différents métiers animent cet espace polyfonctionnel et composent une communauté portuaire d’acteurs bien différents (Foulquier et Maugeri, 2014). Ils sont destinés à l’accueil des moyens de transport terrestres et des navires. Certains, sont au service du navire, comme la manœuvre portuaire, les activités de maintenance, ou encore l’accomplissement de tâches liées aux conditions d’exploitation. D’autres sont dédiés à la marchandise, comme la manutention, le stockage et la distribution des produits. Des industries de transformation sont parfois présentes sur les quais. L’accueil de passagers appelle encore des métiers différents, tout comme les fonctions d’administration et de gestion du domaine portuaire, sous la responsabilité de plusieurs entités publiques (Autorité Portuaire, Capitainerie, Préfecture Maritime…) (Chaline et Rodrigues Malta, 1994).

38Le paysage portuaire renseigne donc des fonctions, mais aussi des ambitions, à travers des dynamiques de projets. Or toutes les infrastructures ne sont pas nécessairement « structurantes » en termes d’activité (Offner, 1993), et du projet n’émerge pas nécessairement le résultat escompté en termes de positionnement sur un marché donné. Depuis les années 1970, la maritimisation croissante de l’économie mondiale s’exprime par l’augmentation des volumes transportés et de l’intensification des flux, sous les effets conjugués de l’extension des marchés et de la segmentation des chaînes de production et d’approvisionnement. Le gigantisme naval a accompagné cette trajectoire du commerce international. Il en résulte d’importantes répercussions sur les infrastructures portuaires : développement des équipements, expansion spatiale, spécialisation fonctionnelle (Vigarié, 1979 ; Marnot, 2015). Mais ces tendances dessinent aussi, dans certains lieux, une forme « d’inflation infrastructurelle », lorsque la croissance de la taille des outils n’est pas en adéquation avec la réalité de la demande locale. En effet, dans de nombreux cas, la croissance de la taille des navires s’impose aux ports. Dans les cas qui nous intéressent, on peut ainsi considérer que la massification du monde maritime globalisé s’impose à ces économies insulaires dont les besoins locaux n’ont pas considérablement évolué depuis la phase de modernisation des infrastructures portuaires des années 1960-1970.

3.1. Une géographie du paysage infrastructurel insulaire

39L’analyse des infrastructures portuaires des Petites Antilles a été envisagée dans un premier temps à partir des bases de données World Port Index et IHS Markit. Mais ces bases de données ne fournissent qu’une localisation ponctuelle (coordonnées x, y) des ports, aussi la description de leurs équipements est souvent incomplète. Une photo-interprétation sur fonds Google Earth, Bing satellite et Openstreetmap a donc été entreprise à l’aide de QGIS. Elle visait à cartographier les quais, les appontements et les emprises portuaires détectables sur les images, à l’échelle du 1/5 000. Lorsqu’elle était identifiable, la fonction de ces infrastructures a été décrite (terminaux de conteneurs, quais pétroliers, de croisière, etc.). Enfin, l’interprétation des images historiques de Google Earth a permis d’analyser l’évolution de ces infrastructures depuis les années 2000 (Tab. 2)

Tableau 2 : Caractéristiques et évolution des infrastructures portuaires dans les Petites Antilles depuis les années 2000

Tableau 2 : Caractéristiques et évolution des infrastructures portuaires dans les Petites Antilles depuis les années 2000

40D’importants contrastes en termes d’équipement se dégagent entre ces îles (fig. 9). Ils s’expliquent moins par des niveaux de développement ou de peuplement que par les fonctions assumées par les ports. Trinidad-et-Tobago possèdent les infrastructures de loin les plus massives. D’importantes fonctions pétrolières s’y déploient et jouent un rôle majeur dans les exportations du pays (Tab. 1). Les Îles Vierges américaines (avec le terminal pétrolier de Limetree Bay sur l’Île de Sainte Croix), Curaçao, la Guadeloupe et la Martinique composent un second groupe dont les capacités infrastructurelles sont moins importantes qu’à Trinidad, mais nettement plus conséquentes qu’ailleurs dans les Petites Antilles. Les activités qui s’y déroulent sont plus diverses, autour des trafics d’hydrocarbures, mais aussi des services conteneurisés et des débarquements liés à la croisière. Enfin, de nombreuses petites îles ne possèdent qu’un nombre limité d’appontements et de quais, ainsi que des surfaces portuaires très réduites (inférieures à 10 ha). Ce sont les cas de Montserrat, de Saba, ou d’Anguilla, ainsi que des îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les trafics portuaires y sont moins importants et plus spécialisés (fig 5 et 6).

Figure 9. Niveau d’équipement portuaire des îles des Petites Antilles en 2022, en termes de longueurs de quais et d’appontements (d’après une photo-interprétation d’images satellitaires Google Earth, Bing Satellite et Openstreetmap)

Figure 9. Niveau d’équipement portuaire des îles des Petites Antilles en 2022, en termes de longueurs de quais et d’appontements (d’après une photo-interprétation d’images satellitaires Google Earth, Bing Satellite et Openstreetmap)

41Rapportées aux dimensions des îles (superficie et population), l’analyse des infrastructures portuaires fait davantage ressortir les îles néerlandaises (Aruba, Curaçao, Bonaire) (fig. 10). Ces dernières sont cependant supplantées par Saint-Eustache avec son important terminal de stockage pétrolier. Les îles Vierges américaines sont également bien classées, de même que Sint Maarten grâce aux importants terminaux de conteneurs et de croisière de Philipsburg. Puis, on trouve Trinidad-et-Tobago, ensuite Sainte-Lucie avec ses terminaux de Castries (croisière et conteneurs notamment) et de Buckeye (pétrole). Dans les autres îles, les ratios bien moindres traduisent une adéquation plus étroite entre les caractéristiques du territoire et les infrastructures portuaires déployées pour répondre à ses besoins.

Figure 10 : Rapport entre la longueur des ouvrages portuaires (quais et appontements) et la population (en m * 1000)

Figure 10 : Rapport entre la longueur des ouvrages portuaires (quais et appontements) et la population (en m * 1000)

Sources : exactEarth ; World Population Prospect, ONU, 2022

3.2. Une tendance à « l’inflation infrastructurelle »

42Au regard de l’analyse des sites, l’essentiel des expansions portuaires se réalise avant les années 2000. C’est au tournant des années 1960 que les ports connaissent une vague de modernisation (Chardon, 1984 ; Le Berre et al., 2019). Depuis 2000, plus de la moitié des îles étudiées effectue des travaux d’extension portuaire, pour un total de 228 ha de terre-plein et plus de 5 km de quais supplémentaires. Les travaux les plus importants ont été réalisés à Sint Maarten, avec la construction de près de 1 800m de quais, pour l’essentiel à Philipsburg à destination des navires de croisière, mais également par l’extension de 12 ha du terminal à conteneurs. A Trinidad-et-Tobago, les extensions concernent près de 900 m de quais supplémentaires, 5 nouveaux appontements (1 200 m de linéaire) et surtout plus de 280 ha d’extension industrielle : des installations pétrolières à Brighton et Point Fortin ; un terminal à passagers à Port of Spain. Aruba se positionne ensuite par l’aménagement d’un terminal à conteneurs de 16 ha et d’un quai de 420 m à Barcadera. En Guadeloupe, les 24,5 ha de surfaces portuaires supplémentaires sont largement liés à l’extension du terminal à conteneurs de Jarry lancée au milieu des années 2010.

43Les autres aménagements sont plus modestes. Ils s’étendent à l’échelle des îles concernées sur des surfaces de l’ordre de la vingtaine d’ha au total, mais sont généralement fragmentés sur plusieurs sites. C’est le cas à Antigua où ont été aménagés un terminal de croisière à Saint John’s, ainsi que des installations proches de la centrale électrique et du chantier naval de Crabbs. Dans cette catégorie, on peut également mentionner l’extension progressive d’une zone industrielle à Mahaut en Dominique, à proximité d’un appontement existant.

44Enfin, nous avons identifié des aménagements de petite dimension, de l’ordre de 1 à 5 ha, reposant généralement sur la construction d’un appontement et l’extension progressive de l’espace portuaire. C’est le cas pour Road Bay à Anguilla, Tamarind Cove à Nevis, ou encore dans les îles Vierges américaines (Cruz Bay et Red Hook), en lien le plus souvent avec l’activité de transport domestique et de passagers. Ce type de configuration est parfois associé à l’aménagement de terre-pleins d’entretien des bateaux de plaisance, comme à Grenade (Tyrell’s Bay), ou dans les îles Vierges britanniques (Spanish Town). Dans cette catégorie (aménagements de dimension réduite, mais incluant aussi des ouvrages portuaires) il faut mentionner l’aménagement des terminaux inter-îles et de croisière de Fort-de-France.

45Les observations réalisées sur ces vingt dernières années témoignent de la dichotomie entre, d’une part, les installations portuaires de dimension modeste mais bien adaptées aux navires qui assurent le trafic domestique inter-îles (passagers et/ou de fret) et, d’autre part, des infrastructures de grande dimension qui reçoivent les trafics mondialisés : du pétrole, des conteneurs et des navires de croisière. Cette dichotomie interroge la nature de la maritimisation de ces espaces insulaires. Dans quelle logique cette croissance des infrastructures s’inscrit-elle ?

3.3. De la relation entre offre de transport et population

46Jacques Guillaume (1994) fut un des premiers géographes maritimistes à tenter la production d’indicateurs de maritimité et de maritimisation. Dans sa thèse consacrée à la Norvège, il déploie de nombreux indicateurs per capita, afin de donner la mesure du processus. La confrontation entre les dynamiques infrastructurelles et la population permet de soulever quelques paradoxes qui nourrissent l’hypothèse de l’existence d’une maritimisation à deux visages : celle d’un rapport ordinaire au navire, fondée sur des trafics domestiques ; celle de d’une dynamique exogène, portée par acteurs extérieurs.

47Il s’agit ici d’interroger l’articulation entre l’offre de transport observée et l’expression de besoins que l’on suppose proportionnelle à l’importance de la population. L’infrastructure considérée ici n’est plus portuaire mais navale. Car le navire, sa taille, sa modernité, ses particularités font pleinement partie de la chaîne d’approvisionnement, il en oriente l’efficacité et la performance.

48Les résultats présentés établissent l’absence de lien direct entre la capacité d’emport à l’escale dans ces îles, mesurée en Tjb cumulés (fig. 11), et les besoins supposés du territoire local, à travers l’importance des populations insulaires (fig. 12). Les îles les moins peuplées sont, en effet, celles qui disposent de la capacité de transport la plus importante. Cette portion de l’espace caribéen est donc bien arrimée aux réseaux de transport internationaux, dont elle ne constitue que le maillon d’une chaîne plus vaste. Il faut y voir le poids des fonctions de stockage et de transbordement, mais également les effets du gigantisme dans le secteur de la croisière, dont l’offre, fondée principalement sur des ressources de nature environnementale ou patrimoniale, la visite des sites balnéaires ou historiques, est largement déconnectée du contexte socio-économique du territoire d’escale.

Figure 11 : Rapport entre le trafic portuaire (en Tjb) et la population

Figure 11 : Rapport entre le trafic portuaire (en Tjb) et la population

Sources : exactEarth ; World Population Prospect, ONU, 2022

Figure 12 : Population des îles des Petites Antilles en 2019

Figure 12 : Population des îles des Petites Antilles en 2019

Source : World Population Prospect, ONU, 2022

49Ainsi, pour mieux appréhender cette relation entre offre de transport et besoins locaux, il faut s’affranchir du poids de la croisière dans la structure des trafics portuaires. Le conteneur, parce qu’il concerne les biens de consommation, les produits manufacturés, est sans aucun doute un descripteur plus approprié. La figure 13 montre ainsi qu’il n’y a pas de relation directe entre l’évolution du trafic conteneurisé et celle de la population.

Figure 13. Evolution de la population et du trafic conteneurisé (EVP) dans les Petites Antilles 2010-2019

Figure 13. Evolution de la population et du trafic conteneurisé (EVP) dans les Petites Antilles 2010-2019

Sources : Banque mondiale, Cepal, Insee, 2022

  • 18 Dans l’univers du marketing, un produit de premier prix est une référence au prix le plus bas dans (...)

50On pourrait y voir une nouvelle fois le poids des activités de transbordement et l’inscription de ces îles dans des réseaux logistiques globalisés qui les dépassent. Cependant, il ne faut pas éluder la question du pouvoir d’achat, et celle du rapport entre maritimisation et développement économique. Les cas guadeloupéen et martiniquais sont en ce sens exemplaires : alors que la population décroît, les volumes conteneurisés augmentent, une évolution inverse à celle de Trinidad-et-Tobago. Cela est lié au fort développement de la grande distribution dans ces îles, dont les logistiques font massivement appel aux conteneurs, dans lesquels ne se trouvent pas nécessairement des marchandises à haute valeur ajoutée mais, au contraire, des biens aptes à satisfaire une consommation de masse, structurée autour de produits de premier prix18, issus de circulations mondialisées, et accessibles au plus grand nombre (fig. 14).

Figure 14 : Panneau publicitaire à Pointe-à-Pitre, pour un produit d’appel de la grande distribution

Figure 14 : Panneau publicitaire à Pointe-à-Pitre, pour un produit d’appel de la grande distribution

Crédit : Pascal-Jean Lopez, 2022

Conclusion

51Les marqueurs de la maritimisation sont multiples, à la mesure des enjeux globaux qu’ils impliquent. L’approche ici proposée tente par des voies statistiques, cartographiques, paysagères, de donner corps à un phénomène central dans l’organisation de la société-monde contemporaine, celle d’un rapport de plus en plus étroit au fait maritime et à ses ressources, mais dont la mesure des implications nous échappe pour partie. Si proche, si loin. La maritimisation du monde incarne la réponse à des besoins quotidiens dont le caractère vital s’affirme à mesure que les territoires s’interconnectent. La complexité organisationnelle et le gigantisme infrastructurel qui en découlent nous sont pourtant moins familiers. En dehors d’un paysage portuaire de plus en plus éloigné du regard, le transport maritime se révèle une industrie largement projetée sur des horizons lointains. Cette massification pourtant nous oblige. Car elle traduit la trajectoire de consommation des sociétés du monde. Et c’est en ce sens que le cas des Petites Antilles donne à réfléchir. Ici, ni le poids démographique de ces sociétés insulaires aux pouvoirs d’achat modestes, ni l’intensité des activités économiques qui s’y déploient ne laisseraient à penser la nécessité d’une croissance des emprises infrastructurelles. Les logiques tendancielles sont pourtant là, et de nombreuses petites îles connaissent des évolutions qui sont propres à des territoires de plus en plus connectés dans la mondialisation. Ce phénomène, inégalement réparti dans l’arc antillais, est à l’origine de nouvelles dynamiques territoriales, dans un contexte très concurrentiel et où le risque de marginalisation est réel. Les trajectoires observées interrogent finalement l’articulation entre besoins et réponses techniques. Elles questionnent également la capacité des sociétés à engager des ruptures susceptibles de répondre à l’urgence des transitions à venir.

Haut de page

Bibliographie

Angelleli, P. (2012). La libre immatriculation des navires : un gain pour les petites économies insulaires ? Étude à partir du cas d’Etats de la Caraïbe, Thèse de Doctorat en sciences économiques, Université des Antilles Guyane : 405.

Bellais, R. (2004). « La place de la marine dans la maritimisation du monde », In De Penanros R., Sellin T. (Dir), Géopolitique et industries navales : l’épreuve de la globalisation, Paris, Centre Interdsicplinaire sur la Paix et d’Etudes Stratégiques : 33-44.

Boerne G., (1999). Filling the gap: small inter-island caribbean trading ship and their crews, Seaferers International Research Center, Cardiff University.

Bouinot J. (2004). « Des évolutions dans les comportements spatiaux des entreprises en 2003 ? », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Débats, Des évolutions dans les comportements spatiaux des entreprises, mis en ligne le 01 avril 2004, consulté le 06 février 2023. URL : https://journals.openedition.org/cybergeo/3346

Brocard, M. (dir.) (2009). Transports et territoires. Enjeux et débats, Paris, Ellipses.

Caribbean Development Bank (2016). Transforming the Caribbean Port Services Industry: towards the efficiency frontier, Barbades, Rapport du Economics Department of the CDB.

Cerema, (2018). Comptabilisation des flux matières à l’échelle de la Martinique, Rapport DEAL Martinique.

Chaline, C., Rodrigues-Malta, R. (1994). Ces ports qui créèrent des villes, Paris, L’Harmattan.

Chardon, J.P. (1975). « Le rôle de Puerto Rico dans les relations maritimes de la Caraïbe », Les Cahiers d’Outre-Mer, 28(110) : 137-161.

Chardon, J.-P. (1984). Géographie des transports maritimes et aériens du Bassin caribéen, Université de Bordeaux III, Thèse d’Etat en Géographie, 3 vol.

Coutau-Bégarie, H. (1983). La Puissance maritime soviétique, Paris, IFRI, Economica.

Desse, M., Legé, R. (2019). « L’Association des États de la Caraïbe et la planification spatiale marine », Études caribéennes [En ligne], 43-44. DOI : https://doi-org.scd-proxy.univ-brest.fr/10.4000/etudescaribeennes.16514

Du Tertre, C. (2007). « Modèle industriel et modèle serviciel de performance », 17th International RESER Conference, Tampere (Finland), september 2007.

Emmens T., Amrit C., Abdi A., Mayukh G. (2021). « The promises and perils of Automatic Identification System data », Expert Systems With Applications, 178 : 114975. URL : https://doi.org/10.1016/j.eswa.2021.114975

Fau, N. (2015). « La maritimisation de l’économie vietnamienne : un facteur exacerbant les conflits entre le Viêt Nam et la Chine en mer de Chine méridionale ? », Hérodote, 157(2) : 39-55, URL : https://www.cairn.info/revue-herodote-2015-2-page-39.htm

Foulquier E. et Maugeri S. (2014). « La notion de communauté portuaire. Les cas des pays d’Europe du sud », In Foulquier E. et Lamberts C. (dir.), Gouverner les ports de commerce à l’heure libérale, Paris, CNRS Editions : 75-123.

Frémont, A (2022). « Le conteneur : de la révolution à la dépendance ? ». Administration 275, no 3 (2022): 60‑64. https://doi.org/10.3917/admi.275.0060

Gamblin, A. (1970). Géographie du Benelux (5). Supplément à la géographie économique et humaine des Pays-Bas, Paris-Sorbonne, Centre de Documentation Universitaire.

Glaymann, D. (2015). Quels effets de l’inflation des stages dans l’enseignement supérieur ?. Formation emploi, 129. URL : https://doi.org/10.4000/formationemploi.4340

Grenier, C. (2019). De la géographie de la mondialisation à la mondialisation géographique. Annales de géographie, 726, 58-80. URL : https://doi.org/10.3917/ag.726.0058

Grinevald, J. (1997). « Globalisation et planétarisation écologique », In Rist G., La mondialisation des anti-sociétés, Nouveaux Cahiers de l’IUED, n° 6, pp. 114-126.

Guadeloupe Port Caraïbes (2019). Rapport d’activités 2019, URL : https://guadeloupe-portcaraibes.com/espace-presse/brochures/rapport-2019-pages/

Guillaume J. (1994). Les transports maritimes et la Norvège. Etude des faits et conséquences de la circulation par mer, Thèse d’Etat en Géographie, Paris-Sorbonne.

INSEE (2021)a. « Bilan économique 2020 - Martinique », INSEE Conjoncture Martinique, n° 14. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5394199?sommaire=5017345

INSEE (2021)b. « Commerce extérieur - Les échanges extérieurs guadeloupéens se contractent », INSEE Conjoncture Guadeloupe, n° 10. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5397881

Le Berre, I., Ranély Vergé-Dépré, C., Terral, R., Rabévolo, C., (2019). « L’emprise portuaire du Grand Port Maritime de Guadeloupe, d’hier à aujourd’hui : apports de la cartographie dynamique géohistorique », Norois, 250 : 49–64. URL : https://doi.org/10.4000/norois.7381

Le Guyader, D., Le Tixerant, M., (2019). « De multiples applications pour l’analyse des données AIS (Automatic Identification System) et la géo-visualisation interactive de données », Annales des Mines, 94 : 54–60. URL : http://www.annales.org/re/2019/re94/2019-04-13.pdf

Marnot, B., (2015). Les villes portuaires maritimes en France : XIXe-XXIe siècle, Paris, Colin.

Napoli, A. (2014). « Sécurité et sûreté de la maritimisation de l’énergie. Intermines-Revue des Ingénieurs des MINES, 472 : 23-25.

Offner, J. M. (1993). “Les ‘effets structurants’ du transport : mythe politique, mystification scientifique”, L’espace géographique, 3, Vol.22 : 233-242.

Olive, G. (1976). “L’inflation : de quoi parlons-nous ?”, Economie et Statistique, 77 : 5-9.

Op de Beeck, R. (1971). L’industrie au port d’Anvers : Aménagement-Environnement-impact sur l’économie de la Région. Hommes et Terres du Nord, 1(1), 5-37.

Pollard D., (2003). The CARICOM system: basic instruments, Kingston, Jamaïque, Ian Randle Publishers Ltd.

Péron, F. (1994). “Fonctions sociales et dimensions subjectives du littoral”, Études rurales, 133-134 : 31-43.

Ranély Vergé-Dépré, C. (1997). “Quinze années de conteneurisation des trafics maritimes aux Antilles françaises : éléments d’un bilan”, Cahiers d’outre-mer, 198 : 151-170. URL : https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1997_num_50_198_3647

Ranély Vergé-Dépré, C. (2014). « Le Bassin caraïbe, carrefour maritime entre Atlantique et Pacifique », In Wackermann, G. (dir.), Géographie des mers et des océans, Paris, Ellipses : 255-266.

Ranély Vergé-Dépré, C. (2017). Transports et territoires insulaires, approche géographique, Dossier d’Habilitation à Diriger des Recherches, Université Savoie Mont Blanc, 2 vol.

Ranély Vergé-Dépré, C. (2021). « Du transport aérien au transport maritime : quelles organisations et dynamiques des réseaux de transport dans l’espace caraïbe ? », In Alix, Y. (dir.), Dinámicas portuarias en el caribe y América latina. Ports in transition to face global challenges, Caen, Ed. EMS: 311-326.

Ridderstaat, J., Croes, R., Nijkamp, P. (2014). “Turism and long-run economic growth in Aruba”, International Journal of Turism Research, 16 : 472-487, https://doi.org/10.1002/jtr.1941

Rodrigue, J.P., et Asaf, A. (2016). “Transshipment hubs in the New Panamax Era: The role of the Caribbean”, Journal of Transport Geography, 51 : 270‑79. URL: https://doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2015.10.002.

Rodrigue, J.-P. (2020). The Geography of Transport Systems (5th ed.). Londres, Routledge. URL : https://doi.org/10.4324/9780429346323

Sanchez R.J., Wilmsmeier G., (2009). Maritime sector and ports in the Caribbean: the cas of CARICOM countries, Santiago du Chili, CEPAL Série Recursos Naturales e Infrastructure,140.

Serry A. et Lévêque L., (2015). “Le système d’identification automatique (AIS)”, Netcom, 29-1/2 : 177-202. URL : https://journals.openedition.org/netcom/1943.

Schlumberger, C. (2009). Air Freight: A Market Study with Implications for Landlocked Countries, World Bank IBRD-IDA, Transport Papers. URL: https://www.worldbank.org/en/topic/transport/publication/air-freight-study

UNCTAD (2021). Development and Globalization: Facts and Figures 2021. Small Island Developing States, New-York, UNCTAD, https://unctad.org/publication/development-and-globalization-facts-and-figures-2021

UNCTAD (2022). Review of Maritime Transport. Navigating Stormy Waters, New York, UNCTAD, https://unctad.org/rmt2022

Vandier, P. (2022). « Les missions de la Marine française », Études, 1 :19-29. URL: https://doi.org/10.3917/etu.4289.0019

Vigarié, A. (1974). “La façade atlantique de la France devant l’extension du Marché commun”, Annales de Géographie, 455 : 34-45.

Vigarié, A. (1979). Ports de commerce et vie littorale. Paris, Hachette, Coll. Université.

Vigarié, A. (1998). « Les ports maritimes et leur environnement humain et économique », In Gamblin, A. (coord.), Les littoraux, espaces de vie, Paris, SEDES : 65-94.

Vigarié, A. (2005). “Les États et la mer : une bien longue histoire”, Questions internationales, Mers et océans, 14 : 1-7.

Watson-James, A. (1982). « The Role of Small Vessel Shipping in the Development of Caribbean Agriculture », 16th West Indies Agricultural Economics Conférence, July 18-24, 1982, The Caribbean Agro-Economic Society (CAAES), St.Augustine, Trinidad : 208-215.

Yvars B. (2019). « L’insertion de la Caraïbe dans la mondialisation par une politique pragmatique de pôles de compétitivité  », Études caribéennes, 43-44, URL : https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/16729

Haut de page

Notes

1 Une position dite « bord-à-quai » évoque des activités de nature industrielle, présentes dans un site portuaire, bénéficiant d’un accès direct au plan d’eau et aux facilités d’interface terre-mer. Dans la plupart des cas, il s’agit d’usine de transformation, manipulant des pondéreux, des marchandises en vrac (pétrole, charbon, fer, céréales) que leur faible valeur à la tonne rend difficilement compatible avec le coût d’un transport terrestre. Ces activités appellent de fait une localisation proche des navires.

2 Petits États insulaires en développement (groupe onusien composé de nations caribéennes mais aussi d’autres îles situées dans l’océan Indien et le Pacifique).

3 Le taux de couverture exprime le rapport entre importations et exportations, c’est-à-dire la balance commerciale d’un territoire exprimée sur une base 100. Lorsque la valeur est supérieure à 100, les exportations l’emportent sur les importations. Pour simplifier la figure, les taux de couverture individuels des 8 îles ou Etats dont la Banque mondiale fournit des données comparables sont représentés de manière similaire (tirets gris). L’enveloppe rose englobe les valeurs minimales et maximales de ces territoires. Trinidad et Tobago est représentée de manière distincte, car son taux de couverture évolue de manière sensiblement différente. Les données de certaines îles ne sont pas disponibles (Anguilla, Montserrat, Saint-Barthélemy et les îles Vierges).

4 Exception faite des îles françaises, de Saba, Sint Eustache et des îles Vierges américaines non couvertes par les données de lOCE.

5 53 % pour la Martinique, 46 % pour la Guadeloupe.

6 Le CARICOM comprend 15 Etats membres (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, La Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, Montserrat, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname, Trinidad-et-Tobago) et cinq membres associés (Aguilla, Bermudes, Îles Vierges britanniques, Îles Caïmans, Îles Turques-et-Caïques)

7 Unité de mesure de la taille des navires qui correspond à la capacité d’emport maximal de l’unité : les produits transportés en cale mais aussi l’avitaillement nécessaire à l’équipage et le carburant embarqué en soute.

8 Le clinker est un produit intermédiaire dans le processus de fabrication du ciment. Il se présente sous la forme de nodules, issus de la cuisson à haute température (clinkerisation) d’une « farine » constituée essentiellement de calcaire, d’argile, d’aluminium et de fer. Ces nodules sont ensuite broyés pour donner le ciment. Les usines de Martinique et de Guadeloupe sont des installations de broyage, et se situent donc en aval de la chaîne de production cimentière.

9 Dans les Petites Antilles, les exportations de bananes ont débuté dans l’entre-deux-guerres, dans les îles françaises, en 1949 en Dominique

10 VSA : dispositif contractuel de mutualisation de capacités de charges entre plusieurs armateurs. La pratique est courante dans le secteur conteneurisé. Elle permet d’optimiser les flottes, en partageant l’exploitation des navires sur une ligne donnée si on estime que les taux de remplissage y sont insuffisants.

11 En moyenne, un navire envoie un message AIS toutes les 6 secondes.

12 Vraquiers (sec et liquide), cargos conventionnels, navires de croisière, de passagers inter-îles, porte-conteneurs. Ne sont pas compris dans ce total : les navires dits de services portuaires, les unités de plaisance, les navires de pêche.

13 Le tonneau de jauge brut est une unité de mesure du volume des navires. Il comprend l’ensemble des capacités intérieures et l’ensemble des superstructures présentes sur le pont.

14 Expression qui caractérise des échanges de produits hétéroclites : petit électroménager, matériaux de construction, effets personnels, etc.

15 En France, l’appellation « Grand Port Maritime » correspond au régime statutaire de port d’Etat. La dénomination commerciale du port est Guadeloupe Port Caraïbe.

16 Trinidad and Tobago Inter-island Transportation Company Limited.

17 CNTRL : https://www.cnrtl.fr/definition/infrastructure ; Académie française : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9I1238

18 Dans l’univers du marketing, un produit de premier prix est une référence au prix le plus bas dans sa catégorie, issu d’un sourcing au moins disant, d’une « marque distributeur », ou d’une production de générique.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1 : Localisation de la zone d’étude
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-1.png
Fichier image/png, 235k
Titre Figure 2 : Les Petites Antilles, en déséquilibre commercial croissant
Crédits Source : Banque Mondiale 20223
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-2.png
Fichier image/png, 200k
Titre Figure 3 : La flotte de navires présente dans les Petites Antilles en 2019, selon le nombre d’unité par type de navire
Crédits Source : exactEarth, 2019
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-3.png
Fichier image/png, 50k
Titre Figure 4 : Typologie des petites îles antillaises reposant sur une classification ascendante hiérarchique des tjb par type de navires accueillis à l’escale
Crédits Source : exactEarth 2019
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-4.png
Fichier image/png, 227k
Titre Figure 5 : Répartition des types de navires à l’escale dans les Petites Antilles en 2019, selon les volumes de Tonneaux de Jauge Brute13 (en % du volume total accueilli)
Crédits Source : exactEarth, 2019
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-5.png
Fichier image/png, 118k
Titre Figure 6 : Nombre d’escales réalisées dans les sites portuaires des Petites Antilles en 2019
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-6.png
Fichier image/png, 133k
Titre Figure 7 : Nombre d’escales de cargos conventionnels en fonction de leur tonnage dans 101 ports des Petites Antilles
Crédits Source : exactEarth, 2019
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-7.png
Fichier image/png, 49k
Titre Figure 8 : Évolution de la flotte marchande par pavillon d’immatriculation
Crédits Source : UNCTAD
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-8.png
Fichier image/png, 76k
Titre Tableau 2 : Caractéristiques et évolution des infrastructures portuaires dans les Petites Antilles depuis les années 2000
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-9.png
Fichier image/png, 116k
Titre Figure 9. Niveau d’équipement portuaire des îles des Petites Antilles en 2022, en termes de longueurs de quais et d’appontements (d’après une photo-interprétation d’images satellitaires Google Earth, Bing Satellite et Openstreetmap)
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-10.png
Fichier image/png, 133k
Titre Figure 10 : Rapport entre la longueur des ouvrages portuaires (quais et appontements) et la population (en m * 1000)
Crédits Sources : exactEarth ; World Population Prospect, ONU, 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-11.png
Fichier image/png, 144k
Titre Figure 11 : Rapport entre le trafic portuaire (en Tjb) et la population
Crédits Sources : exactEarth ; World Population Prospect, ONU, 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-12.png
Fichier image/png, 130k
Titre Figure 12 : Population des îles des Petites Antilles en 2019
Crédits Source : World Population Prospect, ONU, 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-13.png
Fichier image/png, 135k
Titre Figure 13. Evolution de la population et du trafic conteneurisé (EVP) dans les Petites Antilles 2010-2019
Crédits Sources : Banque mondiale, Cepal, Insee, 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-14.png
Fichier image/png, 98k
Titre Figure 14 : Panneau publicitaire à Pointe-à-Pitre, pour un produit d’appel de la grande distribution
Crédits Crédit : Pascal-Jean Lopez, 2022
URL http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/docannexe/image/27513/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Eric Foulquier, Iwan Le Berre, Colette Ranély Vergé-Dépré, Lorenzo Joncheray et Clément Iphar, « La maritimisation des Petites Antilles, entre mondialisation et maritimité « ordinaire » »Études caribéennes [En ligne], 55 | Août 2023, mis en ligne le , consulté le 07 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/27513 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.27513

Haut de page

Auteurs

Eric Foulquier

Université de Bretagne Occidentale, UMR LETG-Brest, Maître de conférences, eric.foulquier@univ-brest.fr

Iwan Le Berre

Université de Bretagne Occidentale, UMR LETG-Brest, Maître de conférences, HDR, iwan.leberre@univ-brest.fr

Colette Ranély Vergé-Dépré

Université des Antilles/INSPE Martinique, AIHP-GEODE (EA 929), Maître de conférences, HDR, colette.ranely@inspe-martinique.fr

Articles du même auteur

Lorenzo Joncheray

Cerema/Université des Antilles, EA 929 AIHP-GEODE, Doctorant, lorenzo.joncheray29@gmail.com

Clément Iphar

Université de Bretagne Occidentale, UMR LETG-Brest, Post-doctorant, clement.iphar@univ-brest.fr

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search