Introduction

1Les sociétés actuelles connaissent de rapides transformations démographiques et socioéconomiques avec des exigences alimentaires de plus en plus pointilleuses. Elles exigent des aliments diversifiés qui créent de nombreux débouchés aux secteurs agroalimentaire et agro-industriel. Ainsi, la mondialisation des marchés prend forme et l’autarcie cède la place aux relations d’interdépendance. Les échanges commerciaux prennent une place prépondérante dans les relations aussi bien économiques que politiques. L’espace maritime joue aujourd’hui un rôle premier dans les échanges de biens, de produits, d’informations et de services entre différents acteurs (Ebzimbi, 2018, p.229). À cet effet, selon Tapé et Mouto (2019, p.96), le transport maritime constitue indéniablement un secteur d’activité essentiel pour un pays à économie extravertie comme la Côte d’Ivoire. Il s’exerce à travers deux ports notamment celui d’Abidjan et celui de San Pedro. Mais le port d’Abidjan situé à la croisée des chemins des grandes lignes en provenance d’Europe, d’Asie et d’Amérique est la principale porte d’entrée de l’économie nationale. Il voit transiter différentes sortes de produits avec des quantités variables, dont les produits agroalimentaires. Toutefois, les études consacrées au transport maritime ne se focalisent pas sur les filières portuaires des marchandises. Pourtant, à l’instar des navires, les marchandises constituent l’autre clientèle principale des ports. Alors, nombre de travaux s’y sont spécialisés ailleurs (Royaume du Maroc, 2016, pp.2-6 ; Lévêque, 2013, pp.1-92). S’ils existent en Côte d’Ivoire, ils sont plutôt consacrés à des filières de marchandises considérées individuellement (Ouattara, 2010, pp.1-424) ou à leurs modes de conditionnement (conteneur, conventionnel, vrac) (Aka, 2021, pp.1-349). Or, les filières de marchandises regroupées par grands types au port d’Abidjan peuvent susciter un intérêt scientifique surtout que l’économie de la Côte d’Ivoire est fondée sur l’agriculture. La méconnaissance de la chaîne de transport maritime de l’agroalimentaire constitue le problème central. L’objectif de cette étude est de montrer le fonctionnement de la chaîne de transport maritime de l’agroalimentaire qui transite par le port d’Abidjan.

1. Méthodologie de collecte des données

2Ce travail se fonde sur le schéma de Frémont et Soppé (2005, pp.187-200) mettant en évidence l’organisation du transport de marchandise par voie maritime depuis le point A aux points B, B’, C et D. Le circuit de A à B représente la zone de production et le transit terrestre de la marchandise. Du point B au B’, le circuit représente le passage portuaire. De B’ jusqu’au point C, le circuit représente le transport maritime et enfin de C au point D, se situe le trajet vers la zone de consommation (figure 1). Le transport international est donc segmenté en différents marchés bien structurés (transport maritime, pré acheminement et post acheminement terrestres, passage portuaire).

3Les données utilisées dans le cadre de cette étude ont été collectées dans différents centres d’information et de documentation, sur internet et sur le terrain. La recherche dans les centres de documentation et d’information s’articule principalement autour des politiques de développement agricole et leurs conséquences sur l’économie ivoirienne, des industries agroalimentaires, des fondements de l’essor du secteur agroalimentaire, de la mutation du système alimentaire mondial et des chaînes d’approvisionnement alimentaires. Les recherches sur internet ont permis d’obtenir des informations complémentaires sur le secteur agricole ivoirien et son évolution ainsi que sur le transport maritime des marchandises en général. De plus, une étude de terrain en zone portuaire précisément au quai fruitier et au guichet café-cacao a permis d’observer le processus de traitement et de contrôle du café et du cacao ainsi que le processus de contrôle de la banane avant l’embarquement sur le navire. Des entretiens ont été faits avec des personnes-ressources impliquées dans le secteur agroalimentaire et dans la chaîne de transport maritime (tableau 1). Au niveau du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, la Direction des cultures de rente a été interviewée. Concernant le port, l’entretien s’est fait avec le service phytosanitaire dans les sections suivantes : la section import, la section des marchandises diverses, la section de contrôle du guichet café-cacao, la section de contrôle du quai fruitier. Au niveau du commerce extérieur, un échange avec le Sous-Directeur de la planification, des statistiques et de la prospective a eu lieu sur les volumes de produits agroalimentaires exportés et importés.

Tableau 1 : Les entretiens réalisés

ENTITÉS	SERVICES OU DIRECTION	NOMBRES DE RESPONSABLES INTERROGÉS
Ministère de l’Agriculture et du Développement rural	Direction des cultures de rente	2
Port	Service de l’inspection phytosanitaire	6
Ministère du Commerce	Direction de la planification, des statistiques et de la prospective	1

Source : Enquête de terrain de Ouattara Seydou, 2021.

2. Résultats

2.1. De l’hinterland au terminal portuaire et vice versa : une dualité de réseaux et de moyens dans le pré-acheminement et le post-acheminement de l’agroalimentaire

4L’agroalimentaire qui circule dans l’arrière-pays du port d’Abidjan provient de tout le territoire national, des pays sans littoral de son hinterland et de nombreux autres pays à travers le monde. Les transports routier et ferroviaire sont les maillons exclusifs pour le transport de marchandises, notamment pour le pré-acheminement des produits agroalimentaires vers le port d’Abidjan et en sens inverse pour le post-acheminement des produits importés des ports vers les marchés de consommation. Le transport routier ivoirien assure plus de 90 % des déplacements des biens et des personnes, en interne et avec les pays voisins. Pour soutenir le développement et tirer profit de son poids dans la sous-région ouest-africaine, la Côte d’Ivoire s’est dotée de l’un des réseaux routiers les plus performants comparativement à ces pays (figure 2).

8Les rails à gorge et les rails simples sont les rails de la ligne ferroviaire de la Côte d’Ivoire permettant le transport des marchandises du port d’Abidjan à l’arrière-pays ivoirien. Les rails à gorge sont installés dans le bitume de la zone portuaire et possède quatre embranchements qui permettent la desserte des différentes zones du port. Ce sont l’embranchement port 1 (photo 2) qui permet le transport du blé, du riz, de la farine, du sucre, du sel, etc., l’embranchement port 2, l’embranchement port 3 qui permet le transport des conteneurs et l’embranchement industriel. Les rails simples sont situés à la sortie de la zone portuaire jusqu’à Ouagadougou au Burkina Faso.

2.2. Passage portuaire de l’agroalimentaire à l’export et à l’import : une spécialisation des sites d’accueil et des équipements logistiques

9Une diversité d’aménagements et de plateformes logistiques sont consacrés au secteur agroalimentaire au port d’Abidjan. Il est aussi soumis à plusieurs inspections et taxations. Pour atteindre les standards internationaux dans le domaine de la manutention et d’organisation portuaire, le port d’Abidjan s’est lancé dans un vaste projet de modernisation de ses infrastructures et de spécialisation de son espace portuaire en y construisant des quais et des terminaux adaptés à chaque type de marchandise et de transport maritime (figure 4).

10Les produits agroalimentaires sont traités sur les quais et les terminaux suivants : terminal fruitier, quai Nord, quai Ouest, terminal à conteneurs, quai Sud et port de pêche. Ces quais et terminaux sont consacrés à des produits spécifiques. En effet, construis depuis le premier plan directeur du port d’Abidjan, le terminal fruitier est doté de deux quais qui s’étendent sur 350 m avec un tirant d’eau de 8,7 m. Il dispose de 51 000 m² de terre-plein et de 14 400 m² d’hangar ainsi que de magasins frigorifiques d’une capacité de stockage de 2 000 palettes. Géré par la société Eolis, il traite en moyenne un trafic de 250 000 t/an. Il est le lieu d’embarquement des fruits (banane, mangue, ananas) et de débarquement des légumes (oignon, pomme de terre). Le Quai Nord est situé à proximité des Grands Moulins d’Abidjan (GMA) et des Moulins Modernes de Côte d’Ivoire (MMCI) et s’étend sur un linéaire de 775 m avec une admissibilité de tirant d’eau de 9,50 m. Ce quai comprend cinq postes à quai à savoir le quai 1, 2, 3,4, et 5. On y trouve le terminal céréalier sur les postes à quai 1, 2 et 3. Le terminal céréalier est le principal centre de réception des céréales. Il a une capacité de traitement de blé qui oscille entre 200 000 et 300 000 t/jour. Il dispose de bandes transporteuses et de 6 silos de stockage. Les autres postes à quai quant à eux accostent les navires vraquiers. Le quai nord est doté de sept magasins cales dont cinq magasins rattachés directement aux postes à quai situés dans la zone exclusive de sûreté et deux en arrière-plan appelés magasin bis. Dans ces magasins cales sont entreposés les sacs de riz, de sucre, de sel. Ces produits sont pour la plupart les produits destinés à l’hinterland. En plus des magasins cales, le quai nord possède des terre-pleins étendus sur 16 884 m² pour le stockage des produits. Long d’environ 1 525 m, le quai Ouest a à son actif 10 postes à quai qui partent du quai 6 au quai 15 et d’un tirant d’eau admissible de 9,45 m. Il dispose de magasins cales qui sont rattachés directement ou non loin des postes à quai et de terre-pleins pour le stockage des marchandises. Dans les magasins 6, 9, 10 et 11 sont entreposés les sacs de riz, de sucre et dans les magasins 7 et 8 est entreposé le cacao. Il faut aussi noter que le quai 11 est dédié au débarquement du vin tandis que les autres postes à quai sont utilisés par les céréaliers et les vraquiers pour leur déchargement. Le port de pêche est le principal point d’accueil et de traitement des produits halieutiques. Avec une superficie d’environ 280 000 m² dont 200 000 m² de terre-plein sous douane et 80 000 m² de terre-plein hors douane. Le port de pêche s’étend du quai 14 au quai 16 et traite annuellement plus de 600 000 t de produit de mer dont 250 000 t de thon sur un linéaire de quai de 1522 m. Le terminal de pêche est aussi doté de trois grandes unités de transformation des produits de mer ainsi que de trois grandes conserveries produisant environ 60 000 t de boîtes de conserve. Long de 960 m, le Quai Sud comprend cinq postes à quai partant des quais 16 à 20 avec un tirant d’eau maximum de 11 m. Il dispose de quatre magasins cale couvrant une superficie de 26 400 m² pour le stockage des marchandises à débarquer et à embarquer et des terre-pleins étendus sur 84 268 m². Parmi ces magasins, trois reçoivent les produits agroalimentaires tels que le riz, le sucre. Long de 1000 m, le terminal à conteneurs comporte cinq quais s’étendant du poste à quai 21 au poste à quai 25. Le tirant d’eau admissible à ce terminal est de 11,50 m. Le terminal à conteneurs est doté d’infrastructures de qualité et d’équipements modernes. Il dispose de 6 portiques de quai d’une capacité de levage de 40 et 60 tonnes et de 3 grues mobiles d’une capacité de 100 t pour la manutention sur parc des marchandises. Le terminal possède également 55 remorques de 40 t, 13 super strackers de 45 t, 6 strackers de 40 t, 11 chariots élévateurs et 16 RTG.

2.3. Trafic portuaire et relation avec la demande : logistique et organisation du commerce maritime de l’agroalimentaire au port d’Abidjan

11Le trafic maritime de marchandises au port d’Abidjan est structuré en grandes composantes comprenant le trafic produits pétroliers, le trafic marchandises générales et le trafic produits de pêche. Le trafic des produits pétroliers se compose des exportations et des importations de pétrole brut et de ses dérivés, à savoir les produits semi-finis et les produits raffinés. Quant au trafic marchandises générales, il englobe l’exportation et l’importation d’une gamme très variée de produits allant des produits agricoles et agroalimentaires aux divers autres produits tels que les matériels de construction, les produits chimiques, les emballages et bien d’autres produits. Le trafic, produits de pêche, se compose des importations et des exportations de produits issus de la pêche notamment le thon, le poisson congelé et autres. Les produits agroalimentaires importés et exportés par le port d’Abidjan (figure 5) se composent donc des produits de pêche et de quelques produits de marchandises générales.

12En 2018, les exportations des produits agroalimentaires ont représenté 33 %. En ce qui concerne les importations, les produits agroalimentaires représentent 1/4 du trafic de marchandise soit 26 % des importations globales de marchandises. Les activités portuaires et les transports maritimes se caractérisent par la participation d’une noria d’acteurs interdépendants. Ils se présentent comme une fourmilière remplie d’acteurs différents qui sont aussi importants les uns que les autres pour qu’une marchandise arrive ou parte dans des meilleures conditions. Ces acteurs sont spécialisés dans une tâche précise mais pas forcément autant pour les marchandises qui animent le trafic portuaire et maritime. La consultation du rapport d’activités du port d’Abidjan montre qu’en 2020, plusieurs types de navires ont fréquenté le port de commerce (figure 6) et le terminal à pêche (figure 7).

13A travers la figure 6, les porte-conteneurs (26,6 %) ont été les plus nombreux dans la fréquentation du port d’Abidjan. Ils sont suivis des minéraliers-vraquiers (19,6 %). Les plus faibles proportions sont détenues par les paquebots et les navires de guerre avec respectivement 0,1 % et 0,3 %. Au niveau du port de pêche, les thoniers ont assuré le plus important nombre d’escales (59,9 %).

14Relativement au mode de conditionnement, les produits agroalimentaires peuvent être conditionnés en vrac ou en conteneur. Mais certains acceptent aussi le conditionnement mixte. Parmi les produits agroalimentaires transportés exclusivement en vrac figurent le blé, le vin et l’huile de palme. Les matières premières dérivées du cacao appartiennent à la catégorie des produits les plus sensibles soumis à l’influence des facteurs externes les plus défavorables. À cet effet, ils ont pour seul mode de conditionnement le conteneur, propice pour la conservation de la qualité jusqu’à destination finale. Contrairement au blé, au vin, à l’huile de palme et aux produits issus de la transformation du cacao, le riz, les fèves de cacao et de café, l’anacarde, la noix de coco, les fruits et légumes, les produits carnés, les produits laitiers, les produits de pêche utilisent les deux modes de conditionnement. En effet, les produits périssables tels que les fruits et les légumes, les produits carnés, les produits laitiers, les poissons et les crustacés sont des produits très fragiles qui nécessitent un transport sous température dirigée. Ils sont donc conditionnés pour la plupart dans des boites métalliques réfrigérées (reefers) dit conteneurs ou transportés en vrac par les navires porte-conteneurs ou des navires reefers (polyterms) possédant des chargements de cale de type vertical ou latéral pour les produits conditionnés en palette. Ces navires ont des températures adaptées pour le transport des produits périssables. Les fruits, par exemple, dédiés à l’exportation tels que la mangue, la banane et l’ananas, lorsqu’ils doivent être conditionnés en conteneur sont empotés depuis les zones de traitement pour leur transport. En raison de leur fragilité, ils sont contrôlés directement sur les zones de production et de conditionnement par les inspecteurs phytosanitaires avant leur empotage. Une fois le conteneur scellé, protégés, ils ne subissent aucune manutention et sont acheminés dans l’enceinte du port pour embarquement. Cependant, s’ils utilisent le vrac comme mode de conditionnement, ces fruits sont transportés dans des camions frigorifiques depuis les zones de production jusqu’au port, puis stockés dans les chambres froides (photo 3) avant l’arrivée du navire et enfin palettisés dans les cales du navire (photo 4).

15Le transport maritime est dominé par les navires de charge transportant des marchandises, qui regroupent eux-mêmes de nombreux types de navires selon la nature de leur cargaison, sèche ou liquide, en vrac ou conteneurisée, à température ambiante ou inférieure, etc. À chaque grande famille de marchandises correspond un type de navire. En effet, la recherche d’économie d’échelle et la nature des marchandises, ont toujours guidées les innovations dans le secteur maritime. Au départ des transports maritimes, il existait un seul type de navire, le cargo qui transportait tous les types de marchandises (vracs secs, vracs liquides, marchandises diverses). La naissance des pétroliers en 1886 marque le début de la spécialisation des navires pour le transport des vracs liquides comme les méthaniers et les butaniers, mais également des vracs secs tels : le blé, les minerais, etc. (Frémont, 2019, pp.16-29). Mais la naissance du conteneur, en 1956, va accentuer les spécialisations dans le secteur maritime, qui vont s’étendre à tous les maillons de la chaîne logistique. En fonction des marchandises, nous avons cinq types de navires. Concernant les vracs, on distingue deux types de navires. Les navires citernes servent au transport des vracs liquides tandis que les vraquiers, comme leur nom l’indique, sont destinés aux vracs secs. Pour les marchandises diverses, trois types de navires sont disponibles. Les cargos pour le transport des marchandises conventionnelles, les porte-conteneurs pour les conteneurs et le roulier pour le transport de toutes les marchandises roulantes (véhicules, machines, etc.). La recherche d’efficacité dans la manutention portuaire a conduit à la spécialisation des quais en fonction des navires. Pour le pré et le post acheminement, les vracs liquides utilisent les pipelines tandis que les autres types de marchandises sont transportés par trains de marchandises, par barge fluvial et par camion.

16Les partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire sont diversifiés (figure 8) avec pour principaux partenaires les pays européens et asiatiques. En 2018, les exportations vers l’Europe et l’Asie étaient respectivement de 1 933 053 t soit 57 % et 909 962 t soit 27 % des exportations totales, quant aux importations de l’Europe et de l’Asie, ils représentaient respectivement 33 % et 48 % des importations totales soit un volume de 1 213 910 et 1 721 937 t. Les partenaires commerciaux européens et asiatiques sont de plus en plus diversifiés. En Europe, la France occupe une place notable dans les importations avec 42 % du volume total, les Pays-Bas, la Russie, l’Ukraine se placent derrière avec respectivement 15 %, 11 % et 8 % du volume importé mais concernant les exportations, les places s’inversent et les Pays-Bas occupent le siège notable de la France avec 29 % des exportations globales, suivi par celui-ci avec 13 %, la Belgique avec 9 % et l’Allemagne 7 %. En Asie, la Chine est le premier pays exportateur de produits agroalimentaires avec 29 %, il est suivi par la Thaïlande, l’Inde, le Vietnam, le Myanmar avec respectivement 18 %, 17 %, 14 % et 9 %. Cependant, en ce qui concerne les exportations de la Côte d’Ivoire le Vietnam change la donne et se positionne à la place de premier partenaire avec 48 % des exportations globales ; l’Inde, la Malaisie et l’Indonésie se placent derrière avec des taux respectifs de 24 %, 13 % et 10 %.

17Le poids des échanges de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Océanie avec la Côte d’Ivoire est très faible avec des importations et exportations comprises entre 1 % et 11 %. En effet, la Côte d’Ivoire n’a importé que 11 % de produits agroalimentaires de l’Afrique, 6 % et 2 % de ses produits en Amérique du sud et en Amérique du nord, puis a exporté que 5 % des produits en Afrique, 10 % et 1 % en Amérique du nord et en Amérique du sud.

Discussion

18Cette étude a montré la circulation de l’agroalimentaire à travers le port d’Abidjan. Elle est appréhendée par une alternance (import et export) du trinôme et/ou continuum spatial hinterland-port-foreland.

19La première partie de l’étude témoigne de la dualité des réseaux d’acheminement et des moyens (route et rail ; camion et wagon) mobilisés dans le pré-acheminement et le post-acheminement de l’agroalimentaire entre l’hinterland et la place portuaire d’Abidjan. Le système de réseau routier impliqué dans le trafic agroalimentaire est hiérarchisé en fonction des échelons urbains. Il en est de même pour les moyens de convoyage des produits agroalimentaires dont les gabarits et les types changent selon la distance à parcourir, la qualité des infrastructures et les endroits à desservir. L’étude a aussi fait mention des investissements massifs entrepris par l’Etat ivoirien durant ces dernières années en faveur des routes en raison de leur intérêt dans la dynamique des relations entre le port et les régions intérieures. Cette importance de la route est rappelée par Tapé (2015, p.3) qui reconnait que la route demeure en Côte d’Ivoire le mode de transport dominant, avec plus de 80 % du trafic interurbain et inter-Etats de marchandises et de voyageurs. Elle constitue en général le seul moyen d’accès aux zones rurales. Dans cette même perspective, Seneh (2012, p.3) estime que, dans les pays en voie de développement, la construction d’infrastructures de transport est souvent associée à celle des politiques de développement territorial. En ce sens, il étudie l’impact de la route Nouakchott-Nouadhibou sur le Parc National du Banc d’Arguin. Il avance qu’elle revêt une triple dimension géostratégique, politique et socioéconomique. Elle a des impacts à trois échelles : internationale, nationale et locale. Aussi, Fritsch (2001, p.341) admet-il que le Produit Intérieur Brut (PIB) marchand et la productivité des activités marchandes dépendent significativement du niveau d’équipement en routes et autoroutes ; les disparités des niveaux de développement économique s’expliquent bien par les dotations routières ; et toutes choses égales par ailleurs un accroissement de ces dotations se traduit par un surcroît d’activité. Ces effets du réseau national apparaissent plus prononcés dans les endroits aux densités de peuplement et d’activités réduites ou moyennes. Quant à Kpatoukpa, Gibigaye et al. (2019), ils se sont penchés sur les effets socio-économiques du transport routier dans le développement de la commune de Tchaourou. Ainsi avec la croissance démographique, les besoins en transport se font de plus en plus sentir dans les différents secteurs d’activité. Les modes de transport utilisés sont essentiellement la marche, les taxis-motos appelés ‘’Zémidjan’’, des bicyclettes, les tricycles et les véhicules à quatre roues. Les taxes sont perçues par les autorités locales sur des transporteurs et participent au bon fonctionnement de la commune. Cependant, seulement 6,40 % des routes dans la commune de Tchaourou sont dans un bon état de praticabilité, 53,25 % dans un état passable et 40,35 % en mauvais état, avec pour conséquence les difficultés d’écoulement des produits agricoles. Il est de même des relations commerciales entre le port d’Abidjan et son hinterland, en dépit de l’existence d’un cadre réglementaire et institutionnel. Ouattara, Kablan et al., 2017, pp.63-78 ; Kouassi, Bakary et al., 2017, pp.153-159 ; Toguei et Kablan, 2018, pp.315-328 ; Aké, 2019, pp.83-92 ont dénoncé un transport routier de marchandises archaïque, lent et dispendieux. Toutefois, selon Kouassi, Bakary et al. (2017, p.160), des solutions d’optimisation du trafic routier des marchandises des ports ivoiriens à destination du Burkina Faso et du Mali ont été mises en place. A l’instar de la route, le rail revêt aussi une importance capitale dans le transfert des marchandises. Philippe (2019, p.5) annonce que depuis la révolution industrielle, le chemin de fer a été un pilier central pour le développement socioéconomique des régions. Mais la démocratisation de l’accès aux automobiles et le développement du transport routier des marchandises ont entraîné une décroissance de l’utilisation du chemin de fer. Toutefois, le transport ferroviaire peut encore jouer un rôle important dans le développement des communautés et dans l’occupation du territoire, comme le démontrent l’expansion du transport sur rail en milieu urbain et la mobilisation des communautés rurales pour le maintien des services ferroviaires. Un constat semblable est fait en Afrique Subsaharienne par Olievschi (2013), en analysant le transport ferroviaire. Il conclut que le chemin de fer joue depuis toujours un rôle clé dans le développement économique de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, en conservant un rôle dominant dans le transport des marchandises et des voyageurs à faible coût. Mais les pays africains ont surtout investi dans leur infrastructure routière en négligeant le rail. La libéralisation du transport routier et la lente adaptation du chemin de fer aux nouvelles conditions du marché ont entrainé une chute du trafic ferroviaire. En 1990, la plupart des chemins de fer subsahariens étaient en quasi faillite, survivant grâce à des injections constantes de capitaux et de lourds investissements dans les infrastructures et le matériel roulant. Pour faire face à la crise, de nombreux pays ont choisi la concession comme solution et, entre le milieu des années 1990 et 2010, la plupart des réseaux ferroviaires avaient été mis en concession.

20Sur le plan stricto sensu ivoirien, les études se sont appesanties sur le dispositif logistique de transport ferroviaire de marchandises qui est suranné. Elles indexent l’unicité de la voie ferrée et sa vétusté, l’insuffisance des wagons et leur délabrement (Ouattara, Kablan et Toguéi, 2017, pp.75-76 ; Toguei et Kablan, 2018, pp.318-322 ; Aké, 2019, p.85).

21Le deuxième résultat de cette étude est centré sur le passage portuaire de l’agroalimentaire, à l’export comme à l’import. Dans ce cadre, l’accent est mis sur la spécialisation des sites d’accueil et des équipements logistiques. La littérature fait état du lien entre les marchandises, les navires et les infrastructures. En effet, au départ des transports maritimes, il existait un seul type de navire, le cargo qui transportait tous les types de marchandises (vracs secs, vracs liquides, marchandises diverses). La naissance des pétroliers en 1886 marque le début de la spécialisation des navires pour le transport des vracs liquides comme les méthaniers et les butaniers, mais également des vracs secs tels le blé, les minerais, etc. La naissance du conteneur, en 1956, va accentuer les spécialisations dans le secteur maritime, qui vont s’étendre à tous les maillons de la chaîne logistique. La recherche d’efficacité dans la manutention portuaire a conduit à la spécialisation des quais en fonction des navires. Il en est de même pour le pré et le post acheminement. La structuration de ces spécialités, souvent liées à des trafics de niche, tout comme la conteneurisation, participe à une terminalisation des activités portuaires qui prend progressivement la place d’un système où l’ensemble du fret (conventionnel, roulier, conteneur) était traité au même endroit (Damien, 2008 ; Maréi, 2016, pp.2-3). Sur la Côte Ouest Africaine (COA), ces quais spécialisés sont concédés à des opérateurs privés dans le cadre de partenariat public-privé (concession portuaire). Yao et Touré (2018, p.73) annoncent que la spécialisation et les mises en concession des quais ont été des stratégies de l’autorité portuaire d’Abidjan pour faire face à l’exiguïté de son domaine et aux demandes pressantes des opérateurs économiques sollicitant de l’espace. De nombreuses autres études recherches ont étudié le passage portuaire des marchandises au port d’Abidjan. Ouattara, Kablan et al. (2017, pp.66-69) estiment qu’il est exposé à des contraintes de plusieurs ordres. En effet, la logistique portuaire est défaillante, les procédures administratives et douanières sont complexes et de fréquents embouteillages rendent difficiles la circulation des camions dans la zone portuaire et péri-portuaire. Kabran (2020, p.1) a réfléchi sur les stratégies d’adaptation du port d’Abidjan face à la croissance du trafic et aux difficultés d’aménagement sur les sites prévus. Les autorités portuaires procèdent par des remblaiements sur la lagune et l’acquisition d’équipements plus performants à travers des concessions.

22Le troisième résultat fait le point de la logistique et des relations extérieures imposées par le commerce de l’agroalimentaire. Il montre le poids de l’agroalimentaire dans le trafic portuaire, la typologie des navires, le mode de conditionnement et les partenaires commerciaux. Djouogo (2019, pp.16-30) en analysant le trafic portuaire d’Abidjan, reconnaît que le trafic portuaire prend en compte le trafic des navires, le trafic des marchandises et celui des conteneurs. Le trafic des marchandises prend à son tour en compte le trafic national des marchandises, le trafic en transit des marchandises et celui en transbordement. Il annonce que l’ensemble des marchandises intervenant dans le trafic global du portuaire d’Abidjan peut être regroupé en 12 grands groupes que sont : les matériaux de construction ; les produits énergétiques ; les produits alimentaires ; les produits chimiques ; les articles manufacturés ; les produits de pêche ; les matériels et machines ; les produits métallurgiques ; les marchandises en transbordement ; les matières brutes animales végétales et minérales ; bois et, les autres marchandises non dénommées. Les marchandises sont divisées en 3 composantes : marchandises générales, produits pétroliers et produits de pêche. Il rejoint nos affirmations au niveau de la composition du trafic sans toutefois donner le poids des produits agroalimentaires.

Conclusion

23Cette étude a montré le mécanisme de fonctionnement de la chaîne de transport maritime de l’agroalimentaire qui transite par le port d’Abidjan. Le transport terrestre de l’agroalimentaire à l’export et à l’import est réalisé par la conjugaison de la route et de la voie ferrée. Toutefois, la proportion la plus importante est détenue par la route qui permet de faire circuler les personnes et les marchandises. Elle se présente sous forme hiérarchisée et chaque niveau est spécialisé dans le transport d’une catégorie d’engin donnée. Contrairement aux routes villageoises, des investissements importants ont permis de rendre les grands axes plus praticables dans les échanges de marchandises agricoles. Les espaces portuaires destinés à l’agro-alimentaire sont spécialisés pour rendre plus efficaces et optimales les opérations portuaires. Les circuits commerciaux de l’agroalimentaire se ramifient dans le monde entier accentuant de la sorte le processus de mondialisation des échanges.