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Hors-dossier

Aménagement urbain et évanescence des espaces verts : bilan des parcs et jardins publics d’Abidjan

Urban Planning and Evanescence of Green Spaces: Assessment of Parks and Public Gardens of Abidjan
Assalé Félix Aka et Mamoutou Toure

Résumés

L’étude fait l’état de l’offre de service public des parcs et jardins du District d’Abidjan. Elle s’appuie sur des articles scientifiques, rapports d’experts et récits de quotidiens. La revue est complétée par l’inventaire du patrimoine physique et des enquêtes auprès des services municipaux des 10 communes du district d’Abidjan et des usagers. Les résultats montrent que les 124 parcs et jardins publics dont dispose le District d’Abidjan sont organisés en quatre grands types : les parcs forestiers, les jardins de quartier, les jardins intégrés à l’habitat et au réseau routier. Aussi, l’offre de service est en baisse du fait de l’inégale répartition, la dégradation et la disparition des parcs et jardins publics selon les communes. L’État s’efforce de gérer une partie du patrimoine vert urbain avec une tendance affirmée par la création d’autres jardins intégrés à la voirie plus facile à entretenir, mais aménagés sur des sites d’accès difficile pour les usagers. Il s’appuie aussi sur des partenaires privés pour la gestion des espaces où une autre partie du patrimoine est louée ou cédée. Ici encore, le service public devient payant et n’est accessible qu’à une partie de la population abidjanaise. Disparité, insuffisance, ségrégation et enclavement constituent ainsi autant d’obstacles qui accréditent la diminution de l’offre de service à Abidjan et peuvent être d’une crise des espaces verts.

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Texte intégral

Introduction

1Le paysage urbain du district d’Abidjan se vide insidieusement de ses parcs et jardins publics alors que ces espaces verts jouent un rôle éminemment important au plan social, économique et touristique (Touré et al, 2016 : 5775). Une certitude est que la très moderne commune de Cocody a perdu la quasi-totalité de ses parcs et jardins publics ainsi qu’en témoigne la disparition du square du Lycée classique et du jardin du Château d’eau de Saint-Jean remplacés respectivement par l’Hôtel de Ville de Cocody et une gare de taxis communaux. De toute évidence, le cas de Cocody n’est pas un fait isolé dans le District d’Abidjan. Dans la commune d’Adjamé, les parcs et jardins publics de quartier ou intégrés à l’habitat social ont subi des mutations structurelles et ne sont plus fonctionnels. L’espace vert se résume à une portion congrue autour de certaines voies de communication avec de situation de dégradation avancée (Touré et al., 2016 : 5769).

2La situation est identique à Treichville. Les jardins de la maison du PDCI (avenue 1) et de l’avenue 8 n’existent plus ; le jardin de l’oreille du pont Général De Gaulle est devenu un parc à bois et celui du pont Félix Houphouët-Boigny est transformé en aire de jeu ; une partie du jardin de Biafra 2 occupé depuis une décennie par des garagistes a été déclassée en mars 2017 pour accueillir une mosquée offerte par le roi du Maroc. Le jardin du Canal aux Bois en face de la société SOLIBRA a été rasé en 2016 et les travaux de reconstruction laissent deviner un nouvel espace de spectacle où l’aménagement de jardins publics n’est pas à priori le premier souci des concepteurs. Alors, la ville d’Abidjan est-elle en train de se vider insidieusement de ses parcs et jardins publics ?

3Pour les gestionnaires des espaces publics du District d’Abidjan, la problématique de la dégradation et de la disparition des espaces publics se situe au niveau de leur entretien et de l’incivilité des populations qui les considèrent comme des espaces libres pour un fouillis d’activités informelles (Coralli et Jean-Paul, 2011 : 76). Pourtant les études de cas existants ont souligné les prémices de la disparition de ces espaces verts et les dangers, à long terme, qui en découlent (Haeringer, 1980 : 303). Quelles sont les conceptions qui sous-tendent la création des parcs et jardins publics dans le district d’Abidjan ?

4Il est pour le moment difficile de répondre à cette question. Mais pour Haeringer (1980 : 303) en héritant du modèle colonial de création systématique des parcs et jardins, les pouvoirs publics ivoiriens ont fait le service minimum. Ils gèrent le parc existant dont une partie est rasée pendant les travaux de modernisation de la ville, et mettent l’accent sur les jardins intégrés à l’habitat ou les jardins de parade le long des grandes voies de communication. Selon D. Nassa (2009 : 7), le mouvement de gommage de la nature à Cocody au profit d’une urbanisation compacte, traduit une nouvelle conception de l’urbanisation à l’ivoirienne qui se dessine.

5Pourtant, malgré ces études de cas alarmants, les gestionnaires municipaux des parcs et jardins publics du District d’Abidjan sont rassurants. Car désormais les parcs et jardins publics du District d’Abidjan sont surveillés et entretenus malgré l’insuffisance des moyens matériels et financiers. Le District d’Abidjan a engagé une politique de verdissement de la ville pour lutter contre la pollution ambiante ressentie de plus en plus par les Abidjanais (Direction des Parcs et jardins, 2016 : 3). Quel est donc l’état des lieux réel des parcs et jardins publics aménagés dans le District d’Abidjan ? Quels sont les types de parcs et jardins aménagés au cours de l’urbanisation de la ville d’Abidjan ? Comment ont été distribués ces équipements dans la ville ? Toutes les communes ont-elles bénéficié de ces équipements ? Dans un contexte abidjanais dominé aujourd’hui par l’informélisation du domaine public, comment se présentent les équipements et comment fonctionnent-ils ?

1. Matériels et méthodes

1.1. Présentation de l’espace d’étude

6Situé à 5° Nord et à 4° Ouest, dans le centre du bassin sédimentaire ivoirien, le long de l’océan Atlantique, et composée de dix communes respectives Abobo, Adjamé, Attécoubé, Cocody, Koumassi, Marcory, Plateau Port-Bouët ; Treichville et Yopougon, la ville d’Abidjan elle est le cadre spatial sur lequel porte l’étude (cf. figure 1).

Figure 1 : Communes de la ville d’Abidjan

Figure 1 : Communes de la ville d’Abidjan

Source : BNETD 1998

1.2. Technique de collecte de données

7L’analyse de la question de l’état de l’offre de service public des parcs et jardins du District d’Abidjan s’appuie sur des articles scientifiques, rapports d’experts et récits de quotidiens. La revue de la littérature est complétée par l’inventaire du patrimoine physique, des enquêtes d’études menées auprès des services municipaux des dix communes du District d’Abidjan et des usagers des parcs et jardins publics. Comme résultat, la revue de la littérature sur la question des parcs et jardins publics montre l’existence d’une typologie des espaces verts qui comporte plusieurs items. Ces items sont les suivants : parcs, jardins et squares ; espaces verts d’accompagnement des voies ; des bâtiments publics ; des habitations ; des établissements industriels et commerciaux ; des établissements sociaux ou éducatifs ; des stades et des centres de sports, des cimetières ; des campings ; des jardins familiaux ; des établissements horticoles à vocation publique ; des espaces naturels aménagés ; des arbres d’alignement à l’unité sur la voirie publique. Cependant, il est constaté la disparition progressive des parcs et jardins dans l’espace urbain du district d’Abidjan au profit de bâtis et de la minéralisation. Le reste est dans un état de dégradation avancée dans un contexte dominé par l’informélisation des activités commerciales urbaines.

8L’étude concerne le District d’Abidjan et porte principalement sur les parcs et jardins publics gérés officiellement par les services étatiques et les partenaires privés qui les accompagnent dans l’aménagement urbain. Ainsi, à l’échelle du District d’Abidjan, une étude des parcs et jardins a été effectuée. Comme démarche méthodologique utilisée, une phase observatoire a permis d’identifier et de classifier les espaces dégradés et disparus. Au total depuis Abidjan naissant sur cent quatre-vingts parcs et jardins créés dans le district d’Abidjan, cent vingt jardins existent dont quatre-vingts jardins en dégradation avancée et soixante-deux jardins disparus.

9Une enquête menée auprès de 1350 usagers recensés systématiquement sur les espaces des parcs et jardins publics a permis de mettre en évidence les facteurs de dégradation et de disparition des parcs et jardins dans le district d’Abidjan. Ainsi, cinquante usagers ont été interrogés à Abobo ; cent vingt-sept usagers interrogés à Adjamé ; quarante usagers interrogés à Attécoubé ; soixante-quatorze usagers interrogés à Cocody ; cinquante-sept usagers interrogés à Koumassi ; soixante usagers interrogés à Marcory ; cent soixante-dix usagers interrogés à Plateau ; soixante-dix-neuf usagers interrogés à Port-Bouët ; cent vingt-cinq usagers interrogés à Treichville et soixante-huit usagers interrogés à Yopougon. L’entretien semi-directif avec des usagers, des chefs des services domaniaux a permis d’analyser les facteurs de dégradation et de disparition des parcs et jardins dans les espaces urbains du district d’Abidjan. Cette étude a été faite sur 6 mois entre août 2021 et janvier 2022. Le croisement des données fournies par les différentes municipalités du district d’Abidjan sur la répartition spécifique des espaces publics et leurs conditions d’accès a permis de comprendre la problématique de la mutation spatiale.

2. Résultats

2.1. Conceptions et évolution des parcs et jardins publics à Abidjan

2.1.1 La conception haussmannienne des parcs et jardins publics à Abidjan

10La ville coloniale n’est pas une reproduction « des schémas concentriques des cités d’Europe, des cités à noyau médiéval dense auxquelles certains aménagistes, notamment Hausmann, Ebenezer Howard et Le Corbusier, ont apporté des réaménagements ponctuels pour apporter des “espaces d’air et de lumière”. Mais, héritière des esthétiques urbaines postmédiévales, la ville coloniale d’Abidjan a profité des paramètres qui lui ont permis de tenir compte de cet héritage ». Alors, la création des parcs et jardins publics à l’ancien noyau central de la ville d’Abidjan avait pour but l’embellissement et l’esthétique de la ville avec une volonté de composition élaborée » (Antoine et al., 1987 : 219). Aussi, les parcs et jardins occupaient de très grandes surfaces et ils cumulaient à la fois les fonctions écologiques, de récréation et d’embellissement. La gestion de ces équipements publics était assurée directement par les autorités coloniales. La vue panoramique du Plateau illustre l’organisation des parcs et jardins urbains à la fin des années cinquante (Photographie 1).

Photographie 1 : Physionomie du verger dans l’habitat du Plateau

Photographie 1 : Physionomie du verger dans l’habitat du Plateau

Source : Kiki, 1957

11La physionomie du verger dans l’habitat urbain présente deux niveaux d’organisation. Le premier niveau d’organisation est la présence de parcs et jardins publics. La vue aérienne ne permet pas de distinguer nettement les parcs et jardins publics aménagés. À cette période, plusieurs grands parcs ont été aménagés. L’absence de données exhaustives ne permet pas d’apprécier leur quantité. Cependant, certains parcs comme le « Parc central du Plateau » à côté de l’hôtel de ville, le square du Palais de la justice (photographie 2) aménagé à proximité du stade Félix Houphouët Boigny sont cités à titre d’exemple. Avec une superficie d’environ 10 000 m², le square du Palais de la justice était le plus grand et l’un des plus beaux parcs de la période coloniale (Nassa, 2009 : 8).

Photographie 2 : La carte postale du jardin de la Pergola

Photographie 2 : La carte postale du jardin de la Pergola

Source : Kiki, 1960

12Les parcs et jardins publics créés étaient constitués d’essences caractéristiques des grandes villes coloniales françaises, à savoir : l’arbre à pain (Arlocarpus incisus, Moracées, larges feuilles digitées, très décoratives, et gros fruits globuleux), l’arbre du voyageur (Ravenala madagascariensis, Scitaminées, éventail d’immenses feuilles palmées), le Ylang-ylang (Cananga odorata, Anonacées, l’arbre à parfum des Comores), diverses espèces de Ficus (Ficus elaslica, Urticacées, Podocarpus macrophyllus) ; quelques gros bouquets de Bambous de Chine (Bambusa sp., Bambusacées) et enfin des filaos.

13Le second niveau d’organisation de l’espace urbain est la présence de « l’arbre urbain » associé aux principales voies de circulation. Les arbres d’alignement du Boulevard Antonnetti (photographie 3) qui longe l’Hôtel de Ville illustrent l’effort de planter des arbres au Plateau.

Photographie 3 : Des arbres d’alignement du boulevard Antonneti

Photographie 3 : Des arbres d’alignement du boulevard Antonneti

Source : Kiki, 1957

14À l’échelle du Plateau, les arbres d’alignement aux « somptueuses frondaisons » étaient encore « mieux appréciés ». Certes, deux paysages se distinguent en fonction de la densité d’arbres dans l’habitat urbain selon une ligne longitudinale sud-nord. Dans le bloc ouest, les « rues croulent sous les frondaisons d’une végétation généreuse » alors que le secteur Est présente un semis arboré plus ou moins dense à la frondaison discontinue (Charmes, 1990 : 134).

15La différence de la cime de ces arbres s’explique par leur durée de vie, leur ancienneté et du processus de modernisation des deux blocs urbains ouest et Nord de la commune du Plateau où certains arbres ont été arrachés pour faire place aux résidences, aux galeries marchandes, aux sièges des banques, aux immeubles de bureaux et d’organismes officiels. Ces travaux de modernisation ont occasionné l’abattage des espèces de la flore préurbaine faisant ainsi « perdre à la capitale ivoirienne une bonne partie de sa marque tropicale » (Haeringer, 1980 : 303). En dépit de la différence de semis du verger dans l’espace du Plateau colonial, les arbres d’alignement marquent la géographie du centre-ville.

16Selon Haeringer (1980 : 304), le quartier du Plateau comptait environ 3 000 arbres chenus plantés et gérés par l’administration coloniale. Les essences dominantes étaient les cassias (pithécolobium), le manguier, l’Hévéa brasiliensis, les Euphorbiacées, le palmier à huile, les pommiers d’eau et de Pommes-roses (Eugenia malaccensus et Jambos, Myrtacées), de Jacarandes (Jacaranda acutifolia, Bignoniacées), de flamboyants, d’arecas, de badamiers et d’œils-de-paon. Ces parcs et jardins étaient insérés dans l’espace urbain et les arbres d’alignement plantés le long des principales voies de communication (figure 2).

Figure 2 : Réseau de parcs et jardins publics du Plateau colonial, Abidjan, 1995

Figure 2 : Réseau de parcs et jardins publics du Plateau colonial, Abidjan, 1995

Source : Steck, 2005

17Le Plateau présente la physionomie d’un centre-ville arboré constitué d’un réseau de parcs et jardins interreliés par des « promenades » constitués de nouveaux boulevards et avenues plantés d’arbres d’alignement. Quelle est la situation des parcs et jardins publics dans les quartiers africains qui constituent avec le Plateau l’agglomération abidjanaise ?

2.1.2. L’équipement de l’habitat urbain africain en parcs et jardins

18Dans la ville naissante en 1933, il n’existait pas de parcs et jardins au sens européen du terme au sein des quartiers africains. L’habitat se caractérise par un verger lâche, à la frondaison discontinue par opposition au parc de la ville blanche, qui évoque davantage un semis arboré plus ou moins dense. Pour autant, les quartiers africains ne sont pas des « déserts végétaux ». P. Haeringer (1980 : 289) résume cette opposition entre le quartier européen et africain par la formule suivante « L’arbre est mort, vive l’arbre ! ».

19À cette époque, l’habitat urbain dominant dans les « quartiers légaux » africains de Treichville et d’Adjamé est la « cour » collective cimentée. Même s’il n’existe pas encore de parcs et jardins publics au sens européen du terme, l’arbre occupe une place importante dans le paysage ces quartiers indigènes (photographie 4).

Photographie 4 : L’arbre dans le village d’Adjamé, cartes postales

Photographie 4 : L’arbre dans le village d’Adjamé, cartes postales

Source : www.delcampe.net

20En plus du rôle de protection environnementale, l’arbre joue à la fois sa fonction naturelle « d’ombrage » et les divers arbres fruitiers (papayers, goyaviers, manguiers…) ont une utilité domestique à travers l’appoint alimentaire qu’ils sont susceptibles d’apporter (Haeringer, 1980 : 290). Aussi, ces gros arbres témoignaient-ils de l’âge ou de l’ancienneté du patriarche maître des lieux, point de ralliement des jeunes immigrés, oncle, ainé et protecteur. À l’indépendance, l’État ivoirien va reproduire la politique coloniale de création de parcs, de jardins publics et des arbres d’alignement au nom de la communauté à travers la ville (Touré et al., 2016 : 5771).

2.1.3. Une reconduction affirmée de la politique de verdissement colonial à l’indépendance

21L’action de reproduction du schéma colonial des espaces verts est intégrée dans l’habitat dit « social » ou « économique » créé pour accueillir les fonctionnaires ivoiriens de différents standings (Touré et al. 2016 : 5771). Jusqu’à la fin des années quatre-vingt, la mise en application massive de cette politique a permis de construire dans toutes les communes d’Abidjan, des quartiers résidentiels constitués de maisons basses en bande et de grands ilots de plusieurs étages. Ces ensembles immobiliers sociaux sont construits avec un effort d’aménagement de jardins, des allées piétonnes, des espaces de jeu et des aires de stationnement (Haeringer, 1980 : 301).

22Ainsi, entre 1950 et 1989, dans un quartier africain comme Adjamé, les promoteurs publics tels que la SICOGI et la SOGEFIHA réalisent 5 613 logements soit 9,14 % des 61 378 logements réalisés dans le District d’Abidjan (Parenteau et Charbonneau, 1992 : 421). L’ensemble dit des 220 logements (mais qui en comptera bien davantage par la suite) ainsi que les nouveaux programmes de lotissements (Quartier Ebrié, Habitat, Williamsville, Paillet, etc.) sont des illustrations d’un urbanisme intégré modelé, autonome autour du concept de « l’unité de voisinage » (photographies 5 et 6).

Photographie 5 : L’organisation de l’arbre dans le quartier des 220 logements en 1975.

Photographie 5 : L’organisation de l’arbre dans le quartier des 220 logements en 1975.

Source : https://www.facebook.com/​abidjan.net/​photos

Photographie 6 : L’alignement d’arbres dans une allée piétonne du quartier des 220 logements

Photographie 6 : L’alignement d’arbres dans une allée piétonne du quartier des 220 logements

Source : AKA A. Félix, 2020

23Haeringer (1980 : 302) fait la description des nouveaux lotissements des 220 logements dans sa contribution « la tentative de l’urbanisme intégral à Abidjan » : « Une architecture très moderne, parfois recherchée, diversifiant les volumes et les types de logements, depuis l’appartement à courette (donc en rez-de-chaussée) jusqu’à l’appartement en étage, en passant par les duplex en bande, est associée à une recherche paysagiste dont les ingrédients, outre des allées piétonnes, des arbres, des pelouses et des aires de jeu, incluent une panoplie assez large d’équipements sociaux (école, maternité, etc.) ou d’animation (marché, galerie marchande) ainsi que des services administratifs (commissariat de police, bureau de poste, etc.) ».

24Les politiques publiques de verdissement dans la ville d’Abidjan ont concerné également les grandes voies de circulation. À l’échelle de la commune d’Adjamé, certains axes routiers ont ainsi fait l’objet d’aménagement en parcs et jardins. Les quatorze sites d’espaces verts nés de l’ouverture des grands axes structurants de circulation automobile sont de trois types (tableau 1).

25À l’indépendance, l’État ivoirien va reproduire la politique coloniale, c’est-à-dire celle de créer des parcs et jardins publics et des arbres d’alignement au nom de la communauté. Dans le domaine des parcs et jardins, quelques parcs sont créés à travers la ville. Un petit square est créé au centre de Treichville et un jardin en face du Lycée classique d’Abidjan sur le boulevard Latrille et un golf à la Riviera.

26Dans le domaine de l’arbre de rue urbain planté, malgré les nombreuses rues et avenues nouvelles ouvertes chaque année, seules les principales avenues des vieux quartiers de Treichville et d’Adjamé et de Cocody ont été plantées d’arbres. Mais globalement, l’action de reproduction du schéma colonial est « plutôt molle » et pour l’essentiel, « il ne s’agit jamais que de décors ». Le « maigre bilan » est même « franchement négatif dans la mesure où les arrachages l’emportent en nombre sur les plantations ».

27Les pouvoirs publics se contentent de gérer le parc existant, qui a plus tendance à se rétrécir qu’à s’accroître ; non que l’on cherche délibérément à supprimer l’arbre d’alignement, mais on n’hésite guère à l’éliminer dès que sa présence gêne. Le boulevard Giscard d’Estaing comportait anciennement un terre-plein axial qui comportait une double rangée de vieux arbres d’un quart de siècle. Mais les travaux d’élargissement, au milieu des années soixante-dix, des quelque dix kilomètres de cette voie ont supprimé le terre-plein axial avec les arbres. Les travaux de dédoublement de la voie d’accès à l’aéroport, avec constitution d’un terre-plein axial, ont été l’occasion de la suppression des rangées d’eucalyptus qui bordaient cette artère de trois kilomètres. Les arbres ont été remplacés par des lampadaires, une sorte de haie d’honneur symbolisant, aux yeux du visiteur étranger descendu d’avion, une Côte d’Ivoire bien équipée.

28Au total, à l’échelle de l’agglomération, la politique des parcs n’est plus systématique ; « ce ne sont que poussières d’espaces verts, poussières systématiquement distribuées » (Haeringer, 1980 : 302). Mais si l’aménagement ponctuel des quartiers n’est plus de mise et systématique, la création des jardins publics est indirectement favorisée par les politiques publiques immobilières et de réalisation des certains équipements d’intérêt public.

29À l’indépendance, avec l’application des plans d’aménagements SETAP de 1960 et le Plan d’aménagement de 1969, les quartiers de la périphérie bénéficient de parcs et jardins à travers la création de l’habitat dit « social » ou « économique » dans le cadre des lotissements sociaux devant accueillir les fonctionnaires ivoiriens de différents standings.

30Le paysage urbain est déjà marqué par la « villa-jardin » et son complément « l’immeuble-jardin » qui sont sortis de la ville blanche pour se multiplier dans les quartiers de Cocody et des Deux-Plateaux. Elles ne sont plus minoritaires si on considère leur emprise, c’est-à-dire la part d’espace urbain. Elles représentent 50 % de la superficie réservée à l’habitat pour environ 10 % de la population. De sorte que le paysage végétal, qu’ils introduisent, imprime à la ville une bonne part de son image globale (Haeringer, 1980 : 300). Mais, c’est l’habitat de cour commune qui reste dominant. On retrouve ce type d’habitat dans les quartiers structurés comme à Treichville et Marcory. Même si l’habitat de cour commune est le modèle dominant, la politique de logement du gouvernement introduit, à partir des années 1960, des complexes immobiliers pour faire face à la forte demande de logements. Ainsi, de grands ilots de plusieurs hectares sont ainsi construits à Cocody, Adjamé et à Treichville, côtoient indifféremment des quartiers parfois très populaires. L’une des caractéristiques essentielles de ces ensembles immobiliers et sociaux est qu’ils sont construits avec un effort d’aménagement de jardins, des allées piétonnes, des espaces de jeu et des aires de stationnement. Jusqu’en 1970, la mise en application massive de cette politique a permis de créer dans toutes les communes d’Abidjan des jardins intégrés à l’habitat (figure 3).

Figure 3 : L’habitat social avec jardins dans le District d’Abidjan, Schéma Directeur d’Urbanisme du Grand Abidjan, 2016

Figure 3 : L’habitat social avec jardins dans le District d’Abidjan, Schéma Directeur d’Urbanisme du Grand Abidjan, 2016

Source : Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, Côte d’Ivoire

2.2. La création de jardins le long des linéaires routiers

31À l’échelle de la ville, certains axes routiers ont fait l’objet d’aménagement en jardins. Les jardins nés de l’ouverture des grands axes structurants de circulation automobile sont : la Rocade de l’Indénié, les boulevards lagunaires ouest, Latrille, France, François Mitterrand. Les créations d’espaces verts ont porté aussi sur certains abords de la voie de circulation rapide Treichville-Cocody, sur les accès de l’aéroport et du carrefour de l’Indénié. Il s’agit de terre-pleins aménagés par les communes, le District, le MCLAU, les ministères de l’Environnement, de la construction et des infrastructures économiques dont le but est d’embellir un site bien précis. D’après les résultats des enquêtes de 2022, les terre-pleins représentent près de 70 % des jardins publics du District. Ils sont généralement dépourvus d’équipements et sont pour la plupart constitués de pelouses et d’arbres ornementaux.

32Les jardins de terre-plein sont de deux types. Le premier type constitue les jardins centraux qui mesurent entre 3 m et 4 m de largeur. Il sépare la chaussée des voies expresses en vue de faciliter la circulation. Ces espaces engazonnés se trouvent sur presque toutes les voies à grande circulation que sont les Boulevards (photographie 7).

Photographie 7 : Le jardin de terre-plein central du Boulevard de l’Université FHB d’Abidjan

Photographie 7 : Le jardin de terre-plein central du Boulevard de l’Université FHB d’Abidjan

Source : Aka A. Félix, 2022

33Le second type renvoie aux jardins de trottoir qui bordent la rue de 4 m sur les accotements de chaque côté, entre la chaussée et la limite de l’emprise de la voie. Sur ces bandes de 4 m qu’ils couvrent, l’aménageur a réalisé des pelouses (photographie 7). À ces grands axes s’ajoutent des lieux de grandes circulations tels que les ronds-points et les oreilles de ponts. Les jardins de type rond-point ne comportent pas pour la plupart de mobiliers. Cependant, l’aménagement de ces lieux évolue souvent du fait de la présence de clôture ou de monuments qui apparaissent avec le temps (photographies 8 et 9).

Photographie 8 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté en 1980

Photographie 8 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté en 1980

Source : https://www.facebook.com/​BuzzDici225

Photographie 9 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté

Photographie 9 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté

Source : Aka A. Félix, 2010

34Quant aux oreilles de ponts, ils sont peuplés par les jardins dits boisés. Ces jardins qui sont des jardins d’embellissement ne possèdent aucun mobilier. Mais sont de plus en plus fréquentés par les populations (photographie 10).

Photographie 10 : Le jardin boisé du deuxième pont à Yopougon

Photographie 10 : Le jardin boisé du deuxième pont à Yopougon

Source : AKA A. Félix, 2022

35Les différentes manières d’aménagement ; la destination, et le mode de fonctionnement des parcs et jardins permettent de le catégoriser et planifier.

2.3. La typologie et la distribution spatiale des parcs et jardins publics d’Abidjan

2.3.1. La typologie des parcs et jardins dans le District d’Abidjan

36Le District d’Abidjan disposait en 2015, de nombreux parcs et jardins publics. Il comptait 124 parcs et jardins publics reconnus et gérés par les autorités publiques. Cinq grands types d’espaces verts peuvent être identifiés (tableau 1).

Tableau 1 : Les types de parcs et jardins publics du District d’Abidjan en 2021

Types de parcs et jardins publics

Nombre

Fréquence

Parcs forestiers

03

2,4 %

Jardins classiques et intégrés au bâti

64

51,6 %

Jardins intégrés à la voirie

57

46 %

Total

124

100 %

Source : Enquête de terrain 2021

37Parmi les cinq types de jardins publics que compte le District, les jardins classiques et intégrés au bâti représentent 51,6 % de l’effectif total des parcs et jardins recensés. Aussi, les jardins intégrés à la voirie représentent 46 % de l’effectif total des jardins recensés. Les parcs forestiers seulement 2,4 % des effectifs. Cependant, les parcs forestiers bien que très peu nombreux, trois occupent de grandes superficies qui varient de 374 hectares à 15 000 hectares. Tandis que les jardins majoritairement nombreux certes occupent en moyenne moins de 2500 m2. Comment sont distribués les parcs et jardins abidjanais ?

2.3.2. Inégale répartition des parcs et jardins publics dans le District d’Abidjan

38Les parcs et jardins publics identifiés dans le District d’Abidjan sont inégalement répartis entre le nord et le sud du District (figure 5). La majorité des espaces sont localisés dans la partie nord avec une concentration dans les quartiers aisés. C’est le cas de la commune de Cocody située à l’est du District. Les quartiers populaires sont en revanche démunis ou disposent d’une surface beaucoup plus faible d’espaces verts. Seulement 22 % des parcs et jardins se trouvent dans la partie sud du District contre 78 % dans la partie nord. On observe une autre disparité dans la répartition des parcs et jardins publics dans la partie nord. En effet on remarque une concentration des parcs et jardins publics dans les communes de Cocody et du Plateau. De plus, sur les cinq parcs forestiers que compte le District, le Sud n’en compte aucun. Au niveau communal, l’inégalité dans la répartition des parcs et jardins publics est flagrante (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des parcs et jardins publics par commune d’Abidjan

Communes

Nombre de jardins publics

Taux de couverture (en %)

Abobo

3

2,4

Adjamé

10

8,1

Attécoubé

2

2,4

Cocody

56

44,3

Koumassi

3

2,4

Marcory

5

4

Plateau

15

12,1

Port-Bouët

7

5,6

Treichville

17

13,7

Yopougon

6

4,8

Total

124

100

Source : Enquête de terrain, 2021

39Le tableau ci-dessus présente la répartition par commune des parcs et jardins publics du District. Ainsi, les 124 parcs et jardins publics recensés se localisent dans presque toutes les communes du District avec une forte concentration dans la commune de Cocody qui possède 56 parcs et jardins publics, soit 44,3 %. Les communes de Treichville (17) jardins publics, Plateau (15) et d’Adjamé (10) suivent avec respectivement soit 13,7 %, 12,1 % et 8,1 %. Par ailleurs, l’on remarque une présence très faible de jardins publics dans les communes d’Abobo, Attécoubé et Koumassi (3), soit respectivement 0,8 %, 1,6 % et 2,4 %. Les autres communes de Marcory, Yopougon et Port-Bouët se retrouvent avec respectivement 5, 6 et 7 jardins publics, soit 4 %, 4,8 % et 5,6 %.

2.4. Mutation des parcs et jardins dans le district d’Abidjan

40Les parcs et jardins aménagés au fil de l’urbanisation de Le District d’Abidjan présentent plusieurs visages (cf. tableau 3).

Tableau 3 : Parcs et jardins publics dégradés et disparus du District d’Abidjan

Communes d’Abidjan

jardins publics créés

jardins publics existants

jardins publics dégradés

jardins publics disparus

Abobo

7

3

3

4

Adjamé

18

10

7

8

Attécoubé

6

3

2

3

Cocody

61

51

35

10

Koumassi

8

3

2

5

Marcory

9

5

2

4

Plateau

20

15

11

5

Port-Bouët

12

7

4

5

Treichville

24

17

11

7

Yopougon

17

6

3

11

Total

182

120

80

62

Source : Enquête de terrain 2021

41La première catégorie de jardins publics présente encore une infrastructure fonctionnelle et permet d’assurer le service dédié d’embellissement et de recréation. Il s’agit principalement des jardins et des oreilles d’échangeur aménagés le long du boulevard qui enjambe la voie express et assure la liaison entre les quartiers. La deuxième catégorie de jardins au nombre de quatre-vingts connait une dégradation de sorte que le gazon n’existe plus et les arbres d’ornement sont en constante régression de sorte que le site est soumis à une forte érosion. Dès lors, le rôle primaire d’embellissement et de repos ne sont plus les fonctions prioritaires. Ainsi, de nouvelles fonctions naissent en fonction de l’usage. La troisième catégorie de jardins au nombre de soixante-deux est frappée de disparition. Généralement, l’espace-support est occupé par de nouveaux bâtis. Selon les résultats des enquêtes de l’étude, trois motifs nourrissent la mutation des parcs et jardin aménagé : l’aménagement de voiries, l’exercice des activités informelles et l’édification d’infrastructures publiques (tableau 4).

Tableau 4 : Facteurs de dégradation ou de disparition des parcs et jardins publics

Communes d’Abidjan

Aménagement de voiries

Activités informelles

Édification d’infrastructures

Total

Abobo

6

40

4

50

Adjamé

20

100

7

127

Attécoubé

5

30

5

40

Cocody

60

490

24

574

Koumassi

5

50

2

57

Marcory

10

43

7

60

Plateau

5

160

5

170

Port-Bouët

9

60

10

79

Treichville

20

100

5

125

Yopougon

20

45

3

68

Total

160

1118

72

1282

Source : Enquête de terrain 2021

42Les activités informelles sont les principaux facteurs destructeurs des espaces verts, surtout qu’elles participent à plus de 80 % à l’évanescence des parcs et jardins. Aussi, le processus de délitement généralisé des espaces verts est encore plus significatif dans la commune de Cocody.

3. Discussion

43Le fil conducteur de l’étude était une interrogation sur la situation des parcs et jardins publics aménagés dans la commune d’Adjamé. L’objectif est de faire un état des lieux des conceptions qui sous-tendent l’aménagement de ces équipements, leurs fonctionnalités et modes de gestion. Au bout du compte, nos résultats permettent de répondre à ces préoccupations de départ.

3.1. Une intégration du verdissement dans la dynamique spatiale abidjanaise

44La grille d’analyses des espaces verts dans les dix communes d’Abidjan montre treize types élémentaires constitutifs de parcs et jardins, à savoir : les jardins ludiques, les espaces verts intégrés à la voie, aux bâtiments publics, aux habitations ou aux établissements industriels et commerciaux, les espaces verts des établissements sociaux ou éducatifs, des stades et centres sportifs, les cimetières, les campings, les forêts, les jardins familiaux, les établissements horticoles à vocation publique, les espaces naturels aménagés et enfin les arbres d’alignement à l’unité sur la voirie publique (CERTU, 2011 : 6). En attendant une étude exhaustive qui prenne en compte tous ces paramètres, le choix méthodologique permet déjà d’appréhender un premier niveau de compréhension de la conception et la situation des parcs et jardins publics dans le district d’Abidjan.

45L’urbanisation de la ville d’Abidjan accompagnée de plan vert est issue de l’héritage colonial (K. ATTA, 2004 : 15). La volonté politique de verdissement a été perpétuée par l’État ivoirien qui dès 1960 a reconduit et généralisé les approches coloniales d’implantations de la nature verte en ville. Les communes bénéficient alors des politiques publiques d’urbanisme qui conceptualisent un habitat économique pour loger le plus grand nombre d’Abidjanais. Les grilles d’équipement des nouveaux logements intègrent certes les parcs et jardins publics comme des équipements de quartier ou de voirie d’accès libre au même titre que les autres équipements à usage public (Touré et al., 2016 : 5773), mais qu’en est le bilan actuel ?

3.2. Un bilan mitigé de la politique de verdissement à Abidjan

46Aujourd’hui, comme bilan de la politique de création des espaces verts, il est établi que les jardins intégrés à la voirie et à l’habitat sont prépondérants dans le district d’Abidjan. Aussi, même si les communes comme Cocody, Treichville et plateau portent le flambeau avec à leur actif respectivement cinquante, dix-sept et quinze parcs et jardins, le succès normalisé et généralisé de la ville verte est en panne surtout que l’aménagement de parcs et jardins publics de quartiers des autres communes n’est plus systématique. La traine de certaines communes dans cette politique de création des parcs et jardins publics est largement tributaire à leur dépendance aux ressources de l’État central qui ne sont pas toujours disponibles. Aussi, aucune importance n’est accordée aux parcs et jardins dans les programmes de lotissent urbain au point que les attributions foncières ont une destination accentuée vers l’habitat. Il en résulte ainsi une régression des équipements de verdissement dans les nouveaux quartiers naissants. Cette conception du verdissement dans ces nouveaux quartiers périphériques est pour le moins paradoxale d’autant plus que les gestionnaires spatiaux du district d’Abidjan ont pour ambition de faire d’Abidjan « une ville verte et durable » à l’image des villes de l’occident. Par ailleurs, de signes alarmants d’une dégradation et disparition généralisée des parcs et jardins publics se présentent dans le district d’Abidjan

47Il ressort globalement dans la presse écrite que les parcs et jardins publics de la ville d’Abidjan qui faisaient figure de « petits paradis » où « on a le temps de respirer l’air pur et où “mouches, souris, ordures et mauvaises odeurs sont absentes” sont aujourd’hui gagnés par les effets pervers de l’urbanisation sauvage de la ville d’Abidjan. “Certains sont souvent victimes d’agression” transformés en décharges, et même “transformés en hôtel de passe” la nuit (King, 2010 : 45).

48Dans la commune de Treichville, certains jardins ont disparu ou sont dans un état de détérioration avancé. Dans deux articles publiés dans le Magazine “Treichville Notre Cité”, observe que “parler d’espaces verts ou de parcs et jardins à Treichville peut passer aujourd’hui pour un lointain souvenir des temps glorieux”. Le jardin public et sa piscine situés près de la maison de Congrès du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) construit au milieu des années soixante n’existe plus et son site est aujourd’hui occupé par le marché “Treich-Center”. Le jardin public sis à la fin du pont Houphouët-Boigny construit dans les années 1980, qui offrait une belle verdure, est occupé en juillet 2014 par des “vendeurs de bois”, des “vendeurs ambulants” et des “restaurants occasionnels”. “Le sol est totalement dégarni. Les lieux sont si dégradés qu’il n’y a même plus un arbuste. Ceux qui servaient d’abris à la population pendant la pause et qui offraient au jardin tout son charme ont été abattus sans autre forme de procès. La poussière soulevée par les chaussures et le ramassage ou le dépôt des bois rendent l’air insupportable”. “Tout laisse croire qu’il s’agit d’un endroit abandonné aux indigents tant les immondices et déchets de toute nature parsèment les environs”. “Cet espace qui fait partie du domaine public n’est plus qu’un vieux souvenir”.

49Toujours dans la commune de Treichville, le jardin public de l’avenue 8 a disparu. Sur le site vacant, les travaux de construction d’un centre commercial par des opérateurs économiques ont été arrêtés le 13 janvier 2001 par les services du ministère ivoirien de la construction et de l’urbanisme. Les espaces verts et espaces de jeux du quartier Biafra ont été l’objet d’une “destruction systématique” (Bon Air, 2007 : 15). Selon l’organisation non gouvernementale, la destruction des espaces verts touche aussi le quartier “Toits-rouges” à Yopougon ; du jardin public du terminus du bus n° 14 à Williamsville et celui de la Sogefiha à Abobo. Il s’agit donc d’un problème global dont les facteurs sont d’ordre économique ; car “la liste des jardins publics détruits et des espaces de jeux transformés en marché de rue bâtiments, avec la complicité des autorités communales est longue”.

50Au regard de ces prémices alarmantes, il est nécessaire de faire un état des lieux exhaustif et actualisé des parcs et jardins à Abidjan et dans les autres villes ivoiriennes pour voir si les cas de dégradation ou de disparition avérés ne présagent pas d’un phénomène d’enrayement des espaces verts dans le processus de planification urbaine à l’échelle nationale.

Conclusion

51Dans la logique de la politique coloniale de création des parcs et jardins publics, le District d’Abidjan a bénéficié de la politique d’aménagement des parcs et jardins publics intégrés à l’habitat dit économique et à la voirie. Conçu pour répondre aux exigences écologiques, esthétiques et de loisirs, le réseau de parcs et jardins est principalement intégré à la voirie et difficilement accessible par les usagers tandis que le parc intégré à l’habitat est un paysage évanescent qui donne naissance à de nouvelles formes de territoires.

52L’État assure la gestion du patrimoine floristique à travers le district d’Abidjan. Mais faute de moyens conséquents pour assurer l’entretien des parcs et jardins publics conformément à ses nouvelles compétences, l’autorité municipale assiste impuissante aux mutations fonctionnelles et structurelles des parcs et jardins publics. Ces évolutions observables déjà dans d’autres communes posent en filigrane la question d’une crise de la nature dans l’agglomération abidjanaise et de la vision de l’État ivoirien en la matière.

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Bibliographie

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Communes de la ville d’Abidjan
Crédits Source : BNETD 1998
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Titre Photographie 1 : Physionomie du verger dans l’habitat du Plateau
Crédits Source : Kiki, 1957
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Titre Photographie 2 : La carte postale du jardin de la Pergola
Crédits Source : Kiki, 1960
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Titre Photographie 3 : Des arbres d’alignement du boulevard Antonneti
Crédits Source : Kiki, 1957
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Titre Figure 2 : Réseau de parcs et jardins publics du Plateau colonial, Abidjan, 1995
Crédits Source : Steck, 2005
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Titre Photographie 4 : L’arbre dans le village d’Adjamé, cartes postales
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Titre Photographie 5 : L’organisation de l’arbre dans le quartier des 220 logements en 1975.
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Titre Photographie 6 : L’alignement d’arbres dans une allée piétonne du quartier des 220 logements
Crédits Source : AKA A. Félix, 2020
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Titre Figure 3 : L’habitat social avec jardins dans le District d’Abidjan, Schéma Directeur d’Urbanisme du Grand Abidjan, 2016
Crédits Source : Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, Côte d’Ivoire
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Titre Photographie 7 : Le jardin de terre-plein central du Boulevard de l’Université FHB d’Abidjan
Crédits Source : Aka A. Félix, 2022
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Titre Photographie 8 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté en 1980
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Titre Photographie 9 : Jardin du Rond-point d’Adjamé Liberté
Crédits Source : Aka A. Félix, 2010
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Titre Photographie 10 : Le jardin boisé du deuxième pont à Yopougon
Crédits Source : AKA A. Félix, 2022
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Pour citer cet article

Référence électronique

Assalé Félix Aka et Mamoutou Toure, « Aménagement urbain et évanescence des espaces verts : bilan des parcs et jardins publics d’Abidjan »Études caribéennes [En ligne], 55 | 2023, mis en ligne le , consulté le 02 octobre 2023. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/27668 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.27668

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Auteurs

Assalé Félix Aka

Enseignant-chercheur, Équipe de Recherche Espace-Système et Prospective (ERESP), Institut de Géographie Tropicale (IGT) ; Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan (Côte d’Ivoire), akafelix81@yahoo.fr

Mamoutou Toure

Enseignant-chercheur, Équipe de Recherche Espace-Système et Prospective (ERESP) ; Institut de Géographie Tropicale (IGT) ; Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan (Côte d’Ivoire

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