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Comptes-rendus de lecture

L’exception féminine guadeloupéenne. Essai sur le féminisme guadeloupéen, par Patricia Braflan-Trobo

Coraline Kandassamy
Référence(s) :

Braflan-Trobo, Patricia. (2023). L’exception féminine guadeloupéenne. Essai sur le féminisme guadeloupéen. L’Harmattan.

Texte intégral

L'exception féminine guadeloupéenneAfficher l’image
Crédits : L'Harmattan

1Publié en 2023, L’Exception féminine guadeloupéenne de Patricia Braflan-Trobo explore les définitions du féminisme noir guadeloupéen et rend hommage aux femmes qui ont lutté pour les droits des femmes. À travers quatorze chapitres, l’auteure examine l’évolution de la condition féminine en Guadeloupe, de la colonisation à aujourd’hui, en mettant l’accent sur l’histoire, l’identité et la culture dans les conflits sociaux. L’inclination de l’auteure pour les relations sociales l’a poussée à écrire son premier ouvrage, Conflits sociaux en Guadeloupe, Histoire, identité et culture dans les grèves en Guadeloupe (2007), suivi de son second ouvrage, Société post-esclavagiste et management endogène. Le cas de la Guadeloupe (2009). Avec L’Exception féminine guadeloupéenne, elle aborde les questions de genres spécifiques à la Guadeloupe. Le féminisme a retrouvé une grande visibilité grâce au mouvement « Me Too » de 2017, qui a sensibilisé aux abus sexuels et au harcèlement, offrant un espace aux victimes pour partager leurs expériences. En Guadeloupe, ces sujets sont encore peu abordés, et l’ouvrage de l’auteure représente une contribution précieuse à un débat social en émergence.

2L’auteure explore les valeurs du féminisme en Guadeloupe en tenant compte des particularités géographiques, historiques, culturelles et politiques. Elle se concentre sur l’impact de l’esclavage et de la colonisation sur la condition des femmes guadeloupéennes. Dès le premier chapitre, Patricia Braflan-Trobo analyse comment la hiérarchie sociale esclavagiste a façonné la famille guadeloupéenne. Elle explique que « le rôle des femmes dans la société esclavagiste était complexe. Ces femmes étaient soumises à des inégalités multiformes. Les femmes mises en esclavage ont été soumises à une triple oppression en raison de leur genre, de leur race et de leur statut d’esclave. Néanmoins, ces femmes ont occupé, du fait de l’organisation du système, une place importante dans la société esclavagiste » (p. 35). Les femmes, bien qu’opprimées, avaient une certaine autonomie, tandis que les hommes, étant soumis exclusivement au maître, étaient « émasculés. » Cette situation a conduit au développement de la famille noire matriarcale où la femme, considérée comme le « potomitan, » occupait une place centrale.

3Dans le deuxième chapitre, l’auteure examine d’autres événements historiques majeurs qui ont façonné les conditions des femmes et leur accès aux responsabilités politiques. Elle explique : « Les périodes révolutionnaires sont des moments de rupture dans l’ordre hiérarchique et social, qui peuvent entraîner dislocation et désorganisation. Il est important de comprendre les effets des révolutions sur les relations entre les sexes » (p. 25). Elle ajoute : « La Révolution française, par exemple, a eu un impact significatif sur le féminisme en France. Elle a permis aux femmes d’obtenir des droits politiques, notamment à travers la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et a créé des conditions favorables à leur émancipation » (p. 27). Ces transformations ont favorisé l’émergence de mouvements féministes pour l’égalité et de nouvelles perspectives sur le genre. Les chapitres 3 et 4 montrent comment les femmes en Guadeloupe ont organisé leur lutte pour le progrès social. L’auteure note : « En Guadeloupe et en Martinique, l’intégration des femmes dans la sphère politique à travers le réseau mutualiste a renforcé leur prise de conscience quant à la nécessité de revendiquer leurs droits et a révélé leur désir de ne pas être en marge des grands changements qui s’opéraient dans leur condition » (p. 48). Cette mobilisation a élargi la présence des femmes dans les mouvements sociaux et politiques du xxe siècle, améliorant leurs conditions de travail et menant à l’élection de femmes comme Gerty Archimède, élue députée en 1946.

4Les chapitres 5 à 9 se concentrent sur les femmes ayant marqué l’histoire de la Guadeloupe. Le chapitre 5 met en lumière la sous-représentation des femmes, en détaillant des figures emblématiques de la résistance contre la colonisation et l’esclavage, telles qu’Anacaona à Ayiti, Claire en Guyane, Lumina Sophie Ruptus en Martinique, Nanny en Jamaïque, ou encore Flore Bois-Gaillard à Sainte-Lucie. L’auteure y présente également des femmes politiques importantes des Caraïbes. Le chapitre 7 traite du rôle des femmes dans les mouvements des années 1960, notamment pour la redistribution des terres issues de l’esclavage. L’auteure examine le travail de Ninette Matouraparsad, Josy Saint-Martin, et Marie-Christine Myre-Quidal, montrant comment leur union a favorisé l’avancée des droits des femmes, tant sur le plan économique que politique. Les chapitres 8 et 9 traitent respectivement des prisonnières politiques comme Marie-Line Peter, Renée Élise, et Virginie Jehu, et des figures féminines culturelles telles que Florette Morand et Man Soso.

5Le chapitre 10 explore les définitions modernes et contemporaines du féminisme, offrant un aperçu des contextes globaux et régionaux relatifs à la condition féminine. Il présente une définition globale du féminisme : « Le féminisme est un courant de pensée diversifié et mondial. Il prend des formes d’organisation diverses en fonction des contextes sociaux, culturels et politiques desquels il émerge. Ces différents mouvements ont en commun l’objectif de promouvoir l’égalité des sexes, de lutter contre les discriminations et les inégalités que les femmes subissent à travers le monde » (p. 109). L’auteure aborde divers types de féminismes, notamment l’afroféminisme et le féminisme noir, et examine des questions d’intersectionnalité à travers les travaux d’Elsa Dorlin, Patricia Hill Collins et de Kimberlé Crenshaw. L’auteure analyse également les mouvements féministes dans des contextes spécifiques comme le Soudan, le Mexique et la Palestine. Les chapitres 11 et 12 abordent les enjeux actuels du féminisme guadeloupéen, en insistant sur la nécessité de forger ses propres valeurs. L’ouvrage conclut par un aperçu des nouvelles luttes féministes, un guide pour les hommes sur le soutien aux femmes et un glossaire des termes féministes récents.

6Bien que cet ouvrage soit novateur et essentiel pour les recherches sur le féminisme guadeloupéen, il présente des défis d’organisation qui rendent l’idée directrice quelque peu floue. La définition du féminisme guadeloupéen, introduite seulement au chapitre 11, aurait bénéficié d’une présentation plus précoce. L’objectif du livre – qu’il s’agisse de rendre hommage, d’informer, d’analyser ou de théoriser – demeure ambigu. Néanmoins, l’ouvrage ouvre la voie à des recherches futures en soulignant l’importance d’une exploration plus approfondie des dimensions identitaires, culturelles, politiques et géographiques du féminisme guadeloupéen.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Coraline Kandassamy, « L’exception féminine guadeloupéenne. Essai sur le féminisme guadeloupéen, par Patricia Braflan-Trobo »Études caribéennes [En ligne], 59 | Décembre 2024, mis en ligne le 17 décembre 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/31840 ; DOI : https://doi.org/10.4000/132zy

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Auteur

Coraline Kandassamy

Ph.D. student at Florida Atlantic University
ckandassamy2019@fau.edu

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CC-BY-NC-4.0

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