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Agriculture, alimentation, crises

La recherche agronomique en contexte de crise : cas du PITAG en Haïti

Agronomic Research in A Crisis Context: The Case of PITAG in Haiti
La investigación agrícola en un contexto de crisis: el caso del PITAG en Haití
Pierre Garry Augustin

Résumés

Dans cet article, nous avons analysé le cas d’un ensemble d’activités de recherche agronomique conduites dans le cadre d’un programme de recherche-formation-vulgarisation implémenté en Haïti, en pleine situation de crise multidimensionnelle. L’article donne un premier bilan des conséquences de cette dernière sur les capacités et résultats de recherche. S’appuyant sur les activités du Programme d’Innovation Technologique en Agriculture et Agroforesterie du ministère de l’Agriculture co-financé par la BID/GAFSP/FIDA, il montre que la pandémie de Covid-19, la situation sociopolitique, la crise sécuritaire de 2020 à 2024 ont eu des répercussions importantes sur la recherche, mais que les acteurs du système d’innovation haïtien ont démontré une résilience étonnante et ont apporté des réponses appropriées aux problèmes identifiés. Les résultats ont été assez conséquents : entre autres 8 diagnostics agro-socio-économiques réalisés, 39 paquets techniques adaptés mis au point et prêts à être diffusés auprès des agriculteurs, un renforcement conséquent des capacités des structures de recherche, publications scientifiques sous formes d’articles et de posters, 11 mémoires de Master et 5 thèses de doctorat, un laboratoire de culture in vitro installé ainsi que 9 stations agro climatiques, des répertoires des produits et des paquets techniques élaborés ainsi qu’un document de capitalisation de l’expérience (appelé programme de Recherche-Formation-Vulgarisation) destiné aux universités…). Mais on ne peut ignorer les limites (un recul insuffisant, un manque d’exhaustivité…) qui invitent à entreprendre d’autres études en vue de mettre en évidence les possibilités qui se sont présentées pendant et après les crises en vue de réorienter le système d’innovation national, tirer les leçons des différentes expériences de façon à rendre le système plus résilient et plus durable encore, élaborer/adopter des politiques visant à renforcer sa capacité de réaction en cas de nouvelles crises (ou de leur approfondissement) et évaluer la pertinence de les adapter à d’autres contextes.

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Texte intégral

Introduction

1En 2020, le monde est entré dans l’une des pires crises sanitaires de son histoire, crise étant définie par Granger (2024) comme un événement majeur pouvant menacer la survie même de la société. La pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) a marqué l’économie mondiale par son ampleur, sa propagation rapide et les graves déséquilibres provoqués au niveau de la planète entière : ralentissement de l’activité économique, perturbations des marchés et des chaînes d’approvisionnement (Ciguino et Paul, 2022), paralysie de certains secteurs, augmentation du chômage et de la précarité, pertes de revenus, etc. (Banque mondiale, 2020 ; Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2021).

2Haïti n’a pas échappé pas à ce contexte et a subi aussi les effets de cette pandémie. Les premiers cas de Covid-19 y ont été signalés le 19 mars 2020 et dans la foulée l’état d’urgence sanitaire fut déclaré, comprenant des dispositions énergiques pour contrer la propagation du virus. Au 30 décembre 2020, 10 313 cas confirmés, dont 236 décès, ont été rapportés (MSPP, 2020). Les cas pourraient cependant avoir été sous-déclarés en raison d’un manque de tests, mais la réalité est que les centres de traitement de la Covid-19 ont été fermés en raison d’un manque de patients (Charles, 2019).

3La crise de Covid-19, il convient de le souligner, est venue s’ajouter à une crise de peyi-lock (c’est-à-dire un blocage complet du pays suite aux mouvements sociopolitiques observés avant, pendant et après la pandémie, manifesté par la fermeture des routes, des marchés, des écoles et d’autres activités économiques). Initiés à partir des 7-8 juillet 2018, ces blocages se sont répétés durant toute l’année 2019 (Ciguino et Paul, 2022).

4Mais le pays n’était pas au bout de ses malheurs puisqu’après la baisse des cas de Covid-19 observée à partir de la 23e semaine épidémiologique (Info-CHIR, 2020), une nouvelle forme de crise de sécurité et l’instabilité politique se sont exacerbées avec le magnicide du président le 7 juillet 2021. Tout cela dans un contexte d’extrême vulnérabilité aux catastrophes naturelles (séisme, sécheresses, inondations et autres conditions météorologiques, maladies et ravageurs des cultures et des animaux), de raretés répétées de carburant, de faiblesse des institutions publiques, et de corruption accrue.

5Toutes ces crises ne peuvent qu’entraver le développement d’Haïti qui figurait déjà parmi les pays les plus pauvres du monde avec plus de 58 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté (2,41 $ US par jour), un revenu réel par habitant en 2019 de 756 $ US et un indice de développement humain le classant 169e sur 189 pays (MPCE, 2021). Malgré les efforts des autorités monétaires et budgétaires, le déficit budgétaire s’était creusé à 3,5 % du PIB en 2019, les arriérés intérieurs avaient augmenté et la dette publique avait fait un bond de 8 % du PIB (Dupont, 2021). Le bilan sur le plan économique et humain était donc lourd, puisque selon un rapport de la FAO (2020), 4,1 millions de personnes vivaient encore en Haïti en situation d’insécurité alimentaire aiguë sévère, dont 1,2 million (12 % de la population) en phase d’urgence et 2,8 millions (28 % de la population) en phase de crise pendant la période de mars à juin 2020. La pauvreté n’avait pas non plus reculé et les inégalités persistaient (Dupont, 2021). Cette pauvreté est surtout rurale avec 88 % des individus vivant en dessous du seuil de pauvreté. L’agriculture (majoritairement pluviale) constitue la principale activité et les services de base sont quasi inexistants (MARNDR, 2010). Les atouts du secteur ne sont pourtant pas négligeables : une diversité des milieux écologiques existants qui autorise une large gamme de systèmes de culture, l’existence d’un marché local à satisfaire, 1535 kilomètres de côte pour la pêche et la pisciculture, et la possibilité de développer la pêche en haute mer (MARNDR, 2011). Dans le même temps, la situation de l’environnement du pays se distingue par une faible couverture forestière et une dégradation accélérée du milieu. La situation foncière est caractérisée par la faible taille des exploitations agricoles (1,5 ha en moyenne) et l’insécurité foncière est présente partout à travers le territoire. L’élevage constitue une part importante des activités de production des agriculteurs haïtiens et la pêche, une activité très importante pour de nombreux ménages. Les filières agroalimentaires sont dans l’ensemble peu développées (MARNDR, 2010). En 2021, on estimait que le secteur agricole local contribuait seulement à 45 % des besoins alimentaires d’Haïti et l’agriculture ne représentait que 21 % du PIB selon Perspective Monde (2024), 28 % en 2022 et 18,15 % en 2023 (The World Bank, 2024). Une conséquence sans doute de la part faible du budget national alloué au secteur (environ 3,5 % pour les exercices 2020-2021, 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024) (Le Moniteur, 2021 -2024).

6La réunion de ces facteurs est de nature à mettre en péril la capacité de l’agriculture haïtienne à tirer la croissance économique et à réduire la pauvreté, ainsi que l’insécurité alimentaire dans le pays. Or, les besoins alimentaires de la population ne peuvent souffrir d’aucun retard même en temps de crise où la production agricole est plus sollicitée, car l’alimentation est un besoin vital : elle soutient notre système immunitaire et nous fournit l’énergie nécessaire pour accomplir nos activités quotidiennes.

7La recherche agronomique est essentielle dans la construction d’une résilience alimentaire (résilience étant entendue comme la capacité à s’adapter à l’adversité ou encore la capacité à tirer des leçons des événements afin de toujours mieux anticiper l’urgence ; Eloit, 2021) par sa contribution à l’accroissement de la production agricole grâce à des méthodes durables (sélection et mise à disposition de variétés de cultures adaptées à la sécheresse ou résistantes aux maladies et ravageurs agricoles, de systèmes d’irrigation à faible coût, diversification des cultures, raccourcissement des chaînes d’approvisionnement -circuit court -, transformation des stocks…). Cependant, le sous-secteur de la recherche est lui-même confronté à un certain nombre de défis (ressources humaines et financières, infrastructures, gouvernance) qui préexistaient certes aux crises (sanitaire, sociopolitique, sécuritaire…) des années 2019 – 2024, mais qui ont été exacerbés par elles.

8C’est dans ce cadre que le ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) a mis en place, avec l’appui financier de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), du Programme Mondial d’Agriculture et de Sécurité Alimentaire (GAFSP) et du Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA), le Programme d’Innovation Technologique en Agriculture et Agroforesterie (PITAG).

9La mise en œuvre du PITAG s’étend de 2018 à 2024 et vise principalement à augmenter les revenus agricoles et la sécurité alimentaire des petits exploitants agricoles dans des zones sélectionnées d’Haïti. Plus particulièrement, le programme veut accroître la productivité agricole, améliorer l’utilisation des ressources naturelles via l’adoption de technologies durables.

10Pour atteindre l’ensemble de ces objectifs, le programme est structuré en deux composantes majeures. La composante I, qui concerne la Recherche appliquée et la formation, a comme mission de générer et disséminer des technologies agricoles innovatrices, rentables et durables. À cette fin, elle soutient des projets de recherche agricole appliquée développés et exécutés par des institutions nationales ou internationales. Six sous-programmes ont ainsi été identifiés en tenant compte d’indicateurs économiques, sociaux et environnementaux. Quatre autres projets de moindre envergure (appelés projets spéciaux) sont axés sur la demande et sont destinés à répondre rapidement aux problèmes urgents se posant à l’agriculture haïtienne. La composante Recherche et formation finance également le renforcement de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, entre autres par l’octroi de bourses et le soutien à des collaborations internationales, et le renforcement institutionnel de la Direction de l’Innovation (DI) du MARNDR.

11La composante II appuie l’adoption de technologies agricoles rentables, climatiquement intelligentes, et durables, qui amélioreront la rentabilité agricole, généreront des externalités environnementales positives, et faciliteront la mitigation du changement climatique et l’adaptation à ce changement. Cette composante est exécutée via le programme d’incitations agricoles mené par le MARNDR, qui concerne des technologies prérécolte, récolte et post-récolte, et des pratiques durables de revitalisation et de conservation des sols.

12Le budget total du programme s’élève à 76,8 millions $ US dont 12,3 millions $ US alloués à la composante recherche. Le PITAG est implémenté dans cinq départements du pays : Nord, Nord-est, Artibonite, Sud et Grand' Anse et dispose d’une équipe technique appuyée par un Conseiller technique.

13Vu le caractère chronique, répétitif et multidimensionnel des crises en Haïti sur la période récente, plusieurs questions se posent :

  1. Comment les crises (sanitaire, sociopolitique, sécuritaire…) ont-elles impacté les activités de recherche agronomique en Haïti ?

  2. Comment la recherche agronomique a-t-elle contribué (malgré tout) à la résilience dans le secteur de l’agriculture ?

Et de manière spécifique :

b.1) Comment les acteurs du système d’innovations agricoles national ont-ils réagi à ces crises ? Le système d’innovation impliquant plusieurs acteurs depuis des coopérants jusqu’aux agriculteurs et vulgarisateurs en passant par les structures de recherche et d’innovations nationales.

b.2) Quelles ont été les interventions institutionnelles et communautaires de nature à limiter ces impacts ?

14Trois hypothèses ont été formulées pour essayer de répondre à ces questions de recherche :

  • Hypothèse 1 : Malgré les crises à répétition, les parties prenantes ont développé des capacités d’anticipation et d’adaptation qui ont conduit à une résilience en matière de recherche agronomique.

  • Hypothèse 2 : Les stratégies adoptées par les parties prenantes ont limité les impacts sur les activités de recherche. La définition du concept de partie prenante la plus connue et la plus utilisée (celle de Freeman, 1984) suggère qu’« une partie prenante dans l’organisation est [par définition] tout groupe d’individus ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels » (Aloui et al., 2015).

  • Hypothèse 3 : Malgré les contraintes, la recherche ne s’est pas départie de ses exigences de qualité et de redevabilité tout en s’adaptant.

15Ces questions et hypothèses de recherche ont guidé la construction des outils de recherche et ont servi à nouveau lors de la phase d’interprétation des données collectées.

16L’objectif de cette étude est d’apporter des premiers éléments de réflexion sur les implications de la crise multidimensionnelle (crise sanitaire, sociopolitique, sanitaire, dérèglement climatique) pour la recherche agronomique en Haïti. Certes, d’autres études ont déjà essayé d’étudier ses conséquences sur la recherche scientifique (en focalisation sur le travail des femmes) (Balthazard-Accou et al., 2023), toutefois celle-ci s’ouvre un peu plus largement sur le secteur agricole. Mais, il ne s’agit nullement de dresser un bilan consolidé de cette crise car celle-ci n’est pas encore terminée et ses répercussions devraient se faire ressentir encore longtemps. De même, le but n’est pas d’instruire tous les impacts de la crise (ils sont si nombreux), mais de mettre l’accent en priorité sur ses conséquences sur l’organisation et les conditions de travail des chercheurs, la manière dont ils ont réagi (adaptation des modalités d’intervention, des méthodes de travail, établissement de partenariat, renforcement de collaboration), leurs limites, les leçons apprises, et les perspectives.

17Après un résumé et une introduction récapitulant le contexte qui prévalait avant la confirmation le 19 mars 2020 des deux premiers cas de Covid-19, le reste de l’article comprend donc six parties. La première est consacrée à la méthodologie (justification du choix de l’échantillon étudié, collecte de données, période couverte, limites de l’étude). La deuxième rend compte des impacts de la crise multidimensionnelle et explique les stratégies de réponse mises en œuvre par les parties prenantes pour y faire face. La troisième partie développe les résultats obtenus dans un tel contexte. La quatrième examine les publications scientifiques issues des sous-programmes et projets spéciaux. La cinquième partie conclut et formule des recommandations. La dernière section présente la bibliographie.

1. Méthodologie de l’étude

18Mais avant d’entrer dans le cœur du propos et d’explorer de manière détaillée ces différents aspects, commençons par présenter la méthodologie utilisée.

1.1 Justification du choix de PITAG

19Pour les besoins de l’étude, nous avons choisi le Programme d’Innovation en Agriculture et Agroforesterie (PITAG) pour lequel nous disposions d’une bonne base de connaissances.

20L’autre élément déterminant ayant favorisé le choix de PITAG réside dans le fait qu’au-delà de la possibilité d’observer des tendances, ce programme regroupe un échantillon représentatif des meilleures entités investies dans la recherche agronomique, l’enseignement supérieur et la vulgarisation agricole en Haïti : Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV), Université Quisqueya (UniQ), American University of the Caribbean (AUC), Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH), Université Nouvelle Grande’Anse (UNOGA), Fondation CHIBAS – Haïti, Organisation pour la Réhabilitation de l’Environnement (ORE), AYITIKA, etc.

1.2. Échantillonnage et collecte de données

21Cette étude porte sur la composante recherche et formation du PITAG et plus particulièrement sur son programme de bourse d’études Master et les dix sous-programmes et projets spéciaux qu’elle finance, à savoir :

  • Sous-programme agroforesterie à base de caféiers,

  • Sous-programme agroforesterie à base de cacaoyers,

  • Sous-programme systèmes céréales et légumineuses,

  • Sous-programme maraîchage de plaine et de montagne,

  • Sous-programme racines et tubercules,

  • Sous-programme systèmes rizicoles,

  • Projet spécial développement de la petite mécanisation agricole,

  • Projet spécial amélioration de la fertilité des sols en conditions de faibles intrants et de polyculture,

  • Projet spécial identification et gestion intégrée des maladies et ravageurs agricoles,

  • Projet spécial stockage et conservation des denrées.

22Pour vérifier nos hypothèses de recherche, nous nous sommes servis d’abord des données se trouvant dans les rapports et livrables soumis par les consortiums contractualisés par le ministère, ensuite des rapports et études élaborés par l’équipe technique (bureau central et terrain) de la composante, des rapports de consultants, d’institutions internationales, enfin de documents (Actes, articles scientifiques, posters) élaborés à l’occasion d’événements scientifiques tels que les Journées scientifiques réalisées chaque année par le Programme.

23Nous avons eu également des entretiens informels avec une dizaine de personnes : deux chercheurs, trois consultants et cinq responsables du Programme. Ces entretiens ont concerné entre autres les indicateurs d’efficacité, les conséquences de la crise sur la mise en œuvre du Programme en général et de la composante recherche en particulier.

1.3. La période concernée

24Le travail couvre les années 2019 à 2024, période où ont coïncidé les crises (sanitaire, sociopolitique, sécuritaire) et la mise en œuvre du programme PITAG. Cela est nécessaire pour notre démonstration.

1.4. Limitations de la recherche

25Cette étude connaît les limitations habituelles des études de cas. Elle est très partielle, car elle ne concerne que le programme PITAG et ses dix sous-programmes et projets spéciaux. Il eût été intéressant d’interviewer les responsables d’autres programmes de recherche dans le secteur agricole afin de confirmer ou nuancer les résultats dégagés de l’étude.

26À cela s’ajoute le fait que les données sont arrivées au fur et à mesure et n’ont pu être exploitées que partiellement. D’autres analyses seront conduites ultérieurement pour d’autres publications.

2. Les impacts de la crise multidimensionnelle et stratégies de réponse des parties prenantes

27La crise protéiforme qui a secoué le pays durant la période sous étude a eu des répercussions importantes sur la composante recherche du programme PITAG à différents niveaux, notamment la mise en œuvre des activités, la mobilité du personnel, le suivi des activités, le délai ou les dates de remise des livrables, autres.

28« Le livrable est la finalité du projet, c’est-à-dire le service, le produit ou le nouveau processus pour lequel a été mené le projet. Les clients finaux sont généralement destinataires du livrable, mais ce dernier intervient également à différents moments du projet. En un mot, le livrable finalise une étape » (Martins, 2024). Le livrable est donc le résultat attendu d’une tâche ou d’un projet, qui prend généralement la forme d’un produit physique, d’un logiciel, d’un service ou encore d’un document. Il s’agit d’un résultat spécifique, tangible et mesurable. Un projet peut donner lieu à plusieurs livrables, parfois espacés dans le temps.

2.1. Les impacts

2.1.1. Impacts sur la mise en œuvre

29La crise sanitaire, les crises sociopolitiques récurrentes, les événements climatiques extrêmes ont directement impacté la mise en œuvre de la composante et la réalisation de ses objectifs. Ainsi, les difficultés de déplacement interurbain et sur le terrain des équipes des consortiums du fait du blocage des routes, l’interdiction de séjour en Haïti des experts étrangers (français, étatsuniens…), les mesures barrières qui obligeaient à multiplier les rencontres avec les producteurs (pour diminuer les risques de contamination) ont occasionné des retards dans la réalisation des activités (établissement et restitution du diagnostic, démarrage des essais, livraison des intrants, atelier de validation des paquets techniques) qui ont fortement affecté la durée des projets (Tableau 1). Tout cela a conduit à la signature de plusieurs avenants (avec incidence financière dans la majorité des cas) aux contrats des opérateurs, des réallocations budgétaires ou l’annulation de stages en Haïti de boursiers haïtiens du programme qui étudiaient à l’étranger. Cela a également contribué à la réduction du nombre de sous-programmes et de projets spéciaux financés par le PITAG (le sous-programme maraîchage de plaine et de montagne, et le projet spécial stockage et conservation des denrées ont ainsi été supprimés) et à l’annulation d’un projet de contrat d’un coordonnateur de sous-programme de nationalité étatsunienne (le sous-programme racines et tubercules est ainsi resté par la suite longtemps sans responsable avec des conséquences désastreuses sur les activités).

Tableau 1 : Effet de la crise pluridimensionnelle sur la durée des contrats

Sous-programmes/projets spéciaux

Date initiale de fin de contrat

Date réelle de fin de contrat

Écart (nombre de mois)

Nombre d’avenants signés

Agroforesterie à base de caféiers

Décembre 2024

Novembre 2024

-1

Avenant no1 signé le 21 février 2022 et concernant le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant la rémunération du contrat. Ce changement a de l’incidence financière pour le MARNDR.

Avenant no2 signé le 3 juin 2024 et concernant la réduction de la durée d’exécution du contrat et la prise en compte de la réallocation budgétaire

Agroforesterie à base de cacaoyers

Octobre 2024

Novembre 2024

-1

Avenant no1 signé le 5 août 2022 et concernant le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant la rémunération du contrat. Ce changement a de l’incidence financière pour le MARNDR.

Maraîchage de plaine et de montagne

Juillet 2022

Janvier 2021

-18 mois

Le contrat a été résilié le 12 janvier 2021.

Cette résiliation du contrat faisait suite au retrait d’un des membres du consortium qui entraînait ipso facto sa caducité. Le marché a été relancé puis annulé le 16 février 2022. Une annulation qui s’explique par la révision budgétaire, des délais d’exécution trop restreints et des difficultés de recrutement de prestataires après plusieurs appels d’offres infructueux. Les dépenses supplémentaires et les retards accumulés du fait des crises et des tracasseries administratives ont laissé peu de temps pour terminer le processus de recrutement et exécuter le sous-programme.

Céréales et légumineuses

Mai 2023

Octobre 2024

17

Avenant no1 signé le 11 octobre 2022 et concernant le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant la rémunération du contrat

Nouveau contrat signé le 20 mai 2024. Une extension de cinq mois supplémentaires est accordée afin de finaliser toutes les activités du projet et valider les paquets techniques.

Racines et tubercules

Décembre 2023

Octobre 2024

12

Avenant no1 signé le 30 novembre 2020 et concernant le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant le solde du contrat relatif à la rémunération. Ce changement a de l’incidence financière pour le client.

Nouveau contrat signé en mai 2024 et prolongeant la durée du contrat de cinq mois afin de rattraper les retards dans la mise en œuvre et le suivi du sous-programme causés par la crise sociopolitique.

Systèmes rizicoles

Mai 2022

Octobre 2024

17

Avenant no1 signé le 25 avril 2019 et concernant le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant relatif à la rémunération, d’une part ; et à la prorogation du délai d’exécution contractuelle, d’autre part. Le changement a de l’incidence financière pour le MARNDR.

Avenant no2 signé en mai 2022 et prolongeant la durée du contrat.

Petite mécanisation agricole

Avril 2023

Septembre 2024

17

Avenant no1 signé en janvier 2022. Il concerne le changement du libellé et le mode de paiement du montant représentant le solde du contrat relatif à la rémunération. Ce changement a de l’incidence financière pour le MARNDR.

Nouveau contrat signé le 3 juin 2024 à cause des conséquences de la crise sociopolitique extrême que vit le pays depuis plusieurs années et qui ont conduit à des retards dans la mise en œuvre et le suivi du projet.

Fertilité des sols

Octobre 2023

Août 2024

10

Nouveau contrat signé le 14 mai 2024 à cause des conséquences de la crise sociopolitique extrême que vit le pays depuis plusieurs années et qui ont conduit à des retards dans la mise en œuvre et le suivi du projet.

Maladies et ravageurs agricoles

Septembre 2023

Août 2024

11

Nouveau contrat signé le 3 juin 2024 à cause des conséquences de la crise sociopolitique extrême que vit le pays depuis plusieurs années et qui ont conduit à des retards dans la mise en œuvre et le suivi du projet.

Stockage et conservation des denrées

Le contrat n’a jamais été signé.

Le processus de recrutement d’un opérateur était sur le point de s’achever quand le marché a été annulé (16 février 2022) pour les mêmes raisons invoquées pour le sous-programme maraîchage, c’est-à-dire : révision budgétaire, délais d’exécution trop restreints et difficultés de recrutement de prestataires après plusieurs appels d’offres infructueux

Source : Auteur

30La rareté de carburant, quant à elle, a entraîné une hausse vertigineuse des prix dans les départements d’intervention. Il n’est pas superflu de rappeler que les différents projets étaient exécutés sur plusieurs départements et que les tests devaient impliquer de nombreux déplacements à l’intérieur du pays.

31À Port-au-Prince, le prix du diesel est passé de 170 gourdes en 2020 à 620 gourdes en 2024 (Administration PITAG). Les prix des billets d’avion ont grimpé eux aussi à la suite de l’impossibilité d’emprunter la voie terrestre pour aller d’une grande ville à l’autre, une seule compagnie privée ayant le monopole du transport aérien interurbain.

32Enfin, certains engagements qui figuraient dans l’offre technique des consortia n’ont pas pu être tenus à l’instar de l’organisation de réunions du comité de pilotage des sous-programmes café et cacao. En raison des retards accumulés dans la mise en œuvre, les réunions dudit comité, initialement prévues pour rassembler au ministère annuellement les directions départementales, l’équipe technique du PITAG, les coopératives caféières et d’autres acteurs de la filière, n’ont pas pu avoir lieu. Ces rencontres auraient permis de renforcer la concertation entre les différents intervenants et de mieux structurer les actions pour soutenir le développement des filières café et cacao dans les zones concernées (AVSF et al., 2024a, 2024b).

2.1.2. Impact sur les équipes d’exécution des consortia

33Avec l’aggravation de l’insécurité (enlèvement contre rançon, blocage de routes, etc.) liée à la dégradation du contexte sociopolitique, la capacité des consortia à garder leur personnel technique et administratif s’est amoindrie. Certains consortiums ont vu partir plusieurs de leurs cadres les plus compétents et expérimentés (ingénieurs agronomes, responsables financiers…). Le temps de recruter leurs remplaçants et de les former (car ces derniers sont jeunes dans la majorité des cas), les activités tournaient au ralenti. Enfin, la crise a eu un impact sur le renforcement de capacités en recherche, comme prévu par le programme (notamment à travers les échanges entre entités membres des consortia, sachant que les étrangers n’ont pas pu entrer en Haïti, et que les réunions mêmes entre entités locales ont parfois été tenues à distance).

2.1.3. Impact sur le suivi

34L’équipe du ministère n’a pas été en reste, elle a subi elle aussi les contrecoups de la crise, particulièrement des restrictions à la circulation. Ainsi, les visites de suivi de la mise en œuvre sur le terrain ont dû être espacées quand elles n’ont pas été carrément arrêtées. La qualité du suivi en a pâti bien évidemment.

Tableau 2 : Impact de la crise sur le suivi

Année

Nombre de missions de terrain

de l’équipe de coordination de la composante recherche

Contexte

%

2019

2

Année de démarrage effectif

9,1

2020

4

Covid + crise politique + crise sécuritaire

18,2

2021

4

Covid + crise politique + crise sécuritaire

18,2

2022

3

Aggravation de la crise politique (assassinat Président)

13,6

2023

6

Nouvelle équipe gouvernementale + persistance du climat d’insécurité

27,3

2024

3

Année de clôture du programme

13,6

Total

22

100

Moyenne

4

17

Seulement 4 missions de suivi ont été réalisées en moyenne par an. Le maximum ayant été atteint en 2023 (Tableau 2).

Source : Auteur

35Par ailleurs, il était prévu que le Conseiller technique de la composante recherche de PITAG effectue plusieurs séjours par an en Haïti. Ceux-ci devaient inclure des déplacements en province dans les zones d’intervention (communes retenues des départements d’intervention), quand ceux-ci s’avéreraient nécessaires pour les besoins du programme (MARNDR, 2018). Il n’aura finalement effectué qu’une seule mission en Haïti (2 au 18 septembre 2019) à la veille du déclenchement des grands mouvements de contestation du gouvernement d’alors qui a culminé en juillet 2021 en l’assassinat du Président. Dans l’intervalle, la Covid-19 était apparue avec les interdictions des pays étrangers à leurs ressortissants concernant les voyages à l’extérieur. Il ne restait alors au Conseiller technique qu’à maintenir des contacts réguliers à distance avec l’équipe en Haïti.

2.1.4. Impact sur les délais de remise des livrables

36Les nombreuses crises ont eu pour conséquence l’allongement du délai contractuel de remise des livrables. Dans certains cas, des livrables ont été soumis plus de deux ans et demi après la date prévue initialement dans le contrat (Tableau 3).

Tableau 3 : Impact de la crise sur la remise des livrables (cas des paquets techniques développés)

Sous-programmes/projets spéciaux

Date de livraison initiale

Date de livraison effective (version préliminaire)

Écart (en mois)

Agroforesterie à base de caféiers

Février 2023

Juin 2024

16

Agroforesterie à base de cacaoyers

Avril 2023

Juillet 2024

15

Maraîchage de plaine et de montagne

Février 2023

N/A car le contrat a été annulé

N/A

Céréales et légumineuses

Juin 2022

Mars 2024

22

Racines et tubercules

Janvier 2022

Juin 2024

29

Systèmes rizicoles

Juin 2021

Décembre 2023

31

Petite mécanisation agricole

Novembre 2022

Juin 2024

19

Fertilité des sols

Avril 2023

Juin 2024

14

Maladies et ravageurs agricoles

Avril 2023

Juillet 2024

14

Stockage et conservation des denrées

N/A car le contrat n’a jamais été signé

N/A

N/A

Moyenne

20

Source : Auteur

37Le rapportage aussi a beaucoup souffert de la situation de crise qui a prévalu durant l’exécution de PITAG. Pour le prouver, nous avons pris l’exemple du rapport final illustré dans le tableau 4. Celui-ci montre que le rapport final a été remis en moyenne 12 mois après la date de livraison initiale.

Tableau 4 : Efficacité par rapport au rapportage (cas du rapport final)

Sous-programmes/projets spéciaux

Date de livraison initiale

Date de livraison effective

Écart (en mois)

Agroforesterie à base de caféiers

Septembre 2024

Octobre 2024

1

Agroforesterie à base de cacaoyers

Juillet 2024

Novembre 2024

4

Maraîchage de plaine et de montagne

N/A

Ce sous-programme maraîchage avait été arrêté à la suite d’une mésentente entre les membres du consortium chargé de sa mise en œuvre, puis le marché a été tout simplement annulé.

N/A

N/A

Céréales et légumineuses

Octobre 2022

Août 2024

22

Racines et tubercules

Juin 2023

Octobre 2024

17

Systèmes rizicoles

Novembre 2021

Juillet 2024

18

Petite mécanisation agricole

Avril 2023

Août 2024

17

Fertilité des sols

Décembre 2023

Juillet 2024

7

Maladies et ravageurs agricoles

Septembre 2023

Juillet 2024

10

Stockage et conservation des denrées

N/A

Ce projet spécial a eu un sort presque similaire au sous-programme maraîchage.

N/A

N/A

Moyenne

12

Source : Auteur

38La situation n’est pas différente pour les rapports d’avancement des sous-programmes et projets spéciaux en termes d’écarts par rapport au délai de livraison effective. On doit reconnaître que certains consortiums ont eu particulièrement plus de retards que les autres. En outre, tous les retards ne sont pas attribuables aux crises. Certains consortiums, de par leur organisation interne inadéquate (insuffisance de personnel, manque de délégation de responsabilités…) et leurs multiples engagements hors PITAG, ont leur grande part de responsabilité aussi. Néanmoins, la situation de crise a servi dans ces cas précis comme élément de justification.

2.1.5. Opportunités offertes par la crise

39La crise n’a pas eu que des impacts négatifs. Elle a offert aussi des opportunités qui ont été saisies par les acteurs, lesquels ont ainsi conforté leur résilience. Au titre des effets positifs constatés, il était possible d’observer :

  • La capacité des consortia, de l’équipe technique du PITAG et des partenaires financiers (BID, GAFSP, FIDA) du ministère à s’adapter rapidement à des situations nouvelles. Le travail à distance a été privilégié, les autorisations de signer des avenants ont augmenté durant la période sous étude ;

  • Le renforcement des cadres locaux (départementaux) avec le développement des binômes/trinômes (chercheurs locaux/chercheurs étrangers), la mise en place de coordination régionale par les consortiums. Cette dernière stratégie a pu renforcer des capacités locales dans les provinces d’Haïti.

40D’autres stratégies de réponse et d’adaptation sont présentées dans la section suivante.

2.2. Les stratégies de réponse

41La pandémie sanitaire couplée aux catastrophes naturelles et à la détérioration du contexte sociopolitique a poussé les parties prenantes du PITAG à imaginer des réponses pour essayer de limiter les dégâts. Ces stratégies ont pris la forme de plans de contingence, de développement de communication entre les partenaires.

2.2.1. Les plans de contingence

42L’accentuation de la crise politique et la persistance du climat d’insécurité (warning/alerte sur Haïti, l’enlèvement contre rançon, les blocages prolongés des axes routiers, insurrections généralisées, etc.) risquaient d’avoir des effets sur le développement des sous-programmes et projets spéciaux. Aussi très tôt, la coordination du Programme a-t-elle pris les devants et demandé aux consortiums contractualisés d’élaborer chacun un plan de contingence. Celui-ci devait permettre d’anticiper les principaux risques et incertitudes et de prévoir des mesures de mitigation, afin de garantir une poursuite des principales activités. Ce plan était donc un instrument de planification, adapté au contexte de la crise pluridimensionnelle (sanitaire, sociopolitique, sécuritaire, liée au changement climatique, etc.) qui frappait le pays.

43Entre autres mesures prévues : la contractualisation avec des fournisseurs de service pour une intervention aux premières pluies, l’achat groupé et constitution de stock pour réduire les coûts des produits pétroliers, la délocalisation des chercheurs à proximité des principales stations expérimentales, la priorisation du télétravail autant que possible, la formation et implication des producteurs dans la prise de mesure sur le terrain, la modification du calendrier des livrables et des dates des sous-programmes et des projets spéciaux, la renégociation avec le ministère de certains aspects des sous-programmes/projets spéciaux et des livrables, etc.

44Il est très important de souligner que tous ces plans ont été négociés avec la Coordination du Programme et ont obtenu son aval et celui des partenaires financiers pour leur mise en œuvre. Il convient de noter aussi que cette stratégie a donné de bons résultats, notamment aucun membre des consortia n’a été victime gravement physiquement (aucun cas d’enlèvement n’a été signalé).

2.2.2. Renforcement de la communication entre le PITAG et les consortiums

45Les difficultés de déplacement de l’équipe du bureau sur le terrain ont forcé celle-ci à s’appuyer davantage sur ses représentants (techniciens de terrain) au niveau des départements pour le suivi régulier de l’état d’avancement des activités si essentiel au succès de la composante recherche du PITAG. Dans la même optique, une communication constante a été maintenue entre le MARNDR et les consortiums. Ainsi, les échanges téléphoniques se sont accrus, des rapports mensuels (non prévus initialement) ont été élaborés, permettant une évaluation continue des progrès réalisés.

46En complément, des réunions trimestrielles, appuyées par des présentations détaillant l’état d’avancement des travaux, ont offert une plateforme pour discuter des résultats et des défis rencontrés.

47L’organisation par la coordination de PITAG de séances de travail et de restitution des résultats obtenus par différents consortia a été aussi très utile, elle a donné l’occasion de s’informer des travaux de recherche en cours dans le domaine agricole dans le pays et de savoir à quel opérateur de recherche s’adresser sur un sujet particulier.

48De même, en dépit des limites liées à la disponibilité en énergie, le travail à distance a été privilégié par le consortium AAI-FAMV en réponse à la situation de violence dans la plaine du Cul-de-sac qui empêchait l’accès des professeurs et chefs de mission aux locaux de la FAMV. Ces locaux et ceux du MARNDR ont finalement été vandalisés et détruits le 29 février 2024 (AVSF et al., 2024a, 2024b ; AAI et al., 2024a, 2024b).

49Les parties prenantes se sont appuyées aussi sur d’autres leviers. Ainsi, la participation du personnel technique des consortiums aux trois éditions des journées scientifiques de PITAG a également joué un rôle clé, facilitant le partage des connaissances et l’interaction avec d’autres experts du domaine, ce qui a enrichi l’expérience des équipes impliquées.

50Les rapports semestriels et les livrables, bien qu’étant des documents contractuels, ont également servi de vecteurs de communication. Ils ont permis non seulement d’informer le MARNDR sur l’état d’avancement, mais aussi d’exposer les contraintes limitant la mise en œuvre des activités. À la fin de chaque année, un atelier de présentation du Plan d’opération annuel (POA), organisé avec le MARNDR, les parties prenantes et tous les opérateurs du PITAG, a permis de dresser le bilan annuel. Cet atelier a été l’occasion de faire le point sur les améliorations à apporter pour optimiser l’exécution des actions.

51En dehors de ces rencontres périodiques, d’autres réunions ont été organisées avec le MARNDR afin de clarifier ou résoudre divers problèmes pouvant entraver la mise en œuvre des sous-programmes et projets spéciaux. C’est l’occasion de vanter ici les mérites de la stratégie des rencontres en matière de déconcentration du système de suivi.

52Ces rencontres ont permis une plus forte interaction avec les partenaires dans un contexte difficile. De cette manière, le suivi ne relevait plus de la responsabilité unique du ministère, laissant un rôle de simple fournisseur ou consommateur d’information aux consortia. Cette approche participative a permis de concrétiser l’idée que d’autres acteurs peuvent contribuer activement au dispositif de suivi. La communication établie à l’occasion de ces rencontres a dépassé donc le simple rapport entre bailleurs, elle a contribué à favoriser un certain type de relations entre les acteurs. Enfin, les échanges d’informations permis au cours de ces rencontres ont été intéressants pour renseigner sur les processus en cours au sein du programme (Bucci et Castro, 2010).

2.2.3. Dispositions internes au MARNDR

53Devant le risque de perte de coordination au sein de son équipe et le risque de perte de coordination des sous-programmes et projets spéciaux dans les sites d’intervention, la Coordination de PITAG a introduit les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans son système de suivi pour les échanges à distance et le partage de documents : Zoom, Google meet, Skype, WhatsApp, e-mails, etc.

54D’autres mesures ont aussi été adoptées en réponse aux évolutions du contexte, à savoir : le respect des règles de conduite lors des rencontres et pour les sorties à l’extérieur (port du masque, maintien des distances entre les personnes), l’utilisation du transport aérien pour se rendre dans les zones d’intervention, l’exigence de rapports d’activités réguliers des opérateurs de sous-programmes et projets spéciaux, l’utilisation des ressources disponibles sur le terrain, etc.

3. Éléments d’efficacité du programme

55En dépit des difficultés précédemment évoquées, les consortia qui ont pu réaliser le mandat confié à eux par le ministère ont atteint des résultats importants.

56Huit diagnostics agro-socio-économiques assortis d’un zonage agro-écologique et d’une typologie des exploitations agricoles ont ainsi été réalisés. Menés à partir d’entretiens et d’enquêtes auprès de 2452 producteurs, ces diagnostics ont permis d’identifier les défis et les contraintes rencontrés par les agriculteurs des zones d’intervention du programme. Ces défis ont servi de base à l’élaboration de paquets techniques visant à améliorer la productivité des parcelles et à optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Un paquet technique étant entendu au sens de « combinaison innovante de produits qui est mise au point dans des conditions agronomiques et socio-économiques bien définies et prête à être diffusée » et un produit, dans son sens le plus général, désignant « le résultat matériel et tangible d’une activité, qui peut être transmis, après validation, à un autre acteur et utilisé par celui-ci dans ses activités » (Augustin et Monneveux, 2022).

57Suite au diagnostic agro-socio-économique, des travaux de benchmarking, d’élaboration de 69 technologies et leurs essais en milieu contrôlé, le développement de 38 paquets techniques et leurs essais en milieu réel ont permis d’en valider 31. Le travail de validation s’est poursuivi à travers des ateliers. Les paquets techniques couvrent des aspects tels que les maladies, la densité de plantation, la fertilisation, etc. Les solutions proposées comprennent l’utilisation de variétés résistantes, pour pallier les principales contraintes agro-économiques et environnementales entravant le développement des systèmes de production des cultures concernées (café, cacao, racines, tubercules, céréales, légumineuses).

58Plus de vingt-quatre fiches techniques des paquets techniques validés ont été élaborées pour faciliter leur adoption par les agriculteurs. Ces fiches techniques détaillées pour chaque paquet technique comprennent les itinéraires techniques de chaque culture ainsi que des informations sur les caractéristiques agronomiques, les pratiques de culture optimales, notamment. Neuf stations agro-climatiques ont été installées dans les départements ciblés par le programme dans le but de générer des données climatiques utiles dans le contexte du changement climatique. Enfin, un laboratoire de culture de tissus in vitro a été mis en place chez l’un des membres du consortium chargé de la mise en œuvre du sous-programme Racines et tubercules. Il permet entre autres la production de plants exempts de maladies, réduisant ainsi les risques de propagation de pathogènes dans les exploitations agricoles.

59Sur le plan de la formation, le programme a permis l’encadrement de plusieurs dizaines de stagiaires et étudiants de diverses facultés d’agronomie haïtiennes, la supervision ou le financement de 35 mémoires de fin d’études, 11 masters et 5 thèses doctorales, et l’organisation de formations techniques pour des centaines de participants, incluant des agriculteurs, les membres des consortia, des techniciens agricoles, des ingénieurs-agronomes, des cadres participant aux essais (ou non) et à l’élaboration de supports de ces formations. Ces activités ont contribué au renforcement des compétences des acteurs des filières ciblées par le programme, à la diffusion des innovations et à l’émergence de nouvelles compétences locales.

60Parallèlement, la vulgarisation a été soutenue par des publications scientifiques (plus de vingt articles scientifiques publiés ou soumis à une revue nationale ou internationale), des posters présentés à des événements scientifiques (colloques, journées scientifiques) tant locaux qu’internationaux et des ateliers de validation, mettant en avant l’impact des innovations auprès d’un public élargi. Les trois éditions de journées scientifiques réalisées durant la période étudiée et réunissant plus de 242 participants venant des différents départements géographiques du pays participent aussi de cette vulgarisation. Au total, 162 communications y ont été faites, dont 72 communications orales et 90 communications affichées ou posters (Tableau 5). Ces posters ont été exposés par des étudiants en licence, master, doctorants et postdoctorants. À l’issue de ces journées ont été rédigés trois Actes qui ont fait l’objet de publication sur le site Hal du CNRS.

Tableau 5 : Contribution de chercheurs internationaux aux publications scientifiques du programme

Année

Communications orales incluant un ou plusieurs partenaires internationaux (%)

Communications affichées incluant un ou plusieurs partenaires internationaux (%)

Communications totales

% communications incluant un ou plusieurs partenaires internationaux

2022

28,57

6,66

29

17,24

2023

8,69

48,48

56

32,14

2024

20,00

4,76

77

11,69

Total

18,05

21,11

162

19,75

Source : Auteur

61Le tableau ci-dessus montre aussi que près de 20 % des publications de PITAG (soit un total de 32 publications) ont inclus un ou plusieurs partenaires internationaux, illustrant le caractère collaboratif de la recherche haïtienne sur le thème de l’agriculture résiliente.

62La répartition du nombre de posters est donnée de manière détaillée par le tableau 6 qui confirme l’importance de la contribution des journées scientifiques dans le partage des connaissances scientifiques. Le nombre de posters est ainsi monté progressivement en puissance pour connaître un pic (40) à l’occasion de la 3e édition. Les sous-programmes ont apporté la contribution la plus forte, sauf lors de la 3e édition où ils ont été surclassés par la catégorie ″Autres″ (20). Dans cette catégorie, l’apport des boursiers à la 2e édition est considérable en termes de posters exposés (10/33). Par ailleurs, le consortium chargé de la mise en œuvre des sous-programmes café et cacao a exposé deux posters à l’occasion de sa participation aux XXXVIII journées ATM à Bordeaux en 2023 et à la 56e conférence annuelle de la Caribbean Food Crops Society (CFCS) à la Grenade en juillet 2023.

Tableau 6 : Communications scientifiques et participation à des événements

Sous-programmes/

Projets spéciaux

Nb de posters présentés aux Journées Scientifiques du Programme

Total

1re édition

2e édition

3e édition

Sous-programmes

Café

1

2

0

3

Cacao

1

4

0

5

Céréales et légumineuses

5

6

4

15

Racines et tubercules

1

5

4

10

Riz

5

4

4

13

Sous- total

13

21

12

46

%

86,6

63,6

30,0

51,11

Projets spéciaux

Mécanisation

0

0

1

1

Fertilité des sols

0

1

6

7

Maladies et ravageurs agricoles

1

0

1

2

Sous-total

1

1

8

10

%

6,7

3,1

20,0

11,1

Autres

Boursiers PITAG

0

10

0

10

UniQ

0

1

5

6

UCNH

0

0

4

4

AUC

0

0

1

1

UNDH

0

0

9

9

FAMV

0

0

1

1

AVSF

1

0

0

1

Sous-total

1

11

20

32

%

6,7

33,3

50,0

37,77

Total

15

33

40

88

%

17,05

37,50

45,45

100

Source : Auteur

63Au titre des résultats figurent aussi les bases de données produites dans le cadre des travaux de diagnostic approfondi. Ces bases de données contiennent des observations (agriculteurs identifiés) renseignées à partir d’un questionnaire extensif d’une vingtaine de pages, portant sur le profil du chef et sa famille, le système de production (cultures et élevage) sur son exploitation agricole, le travail agricole et l’accès à la mécanisation, etc. Dans le cas d’un projet spécial, un article scientifique a même été rédigé à partir de la base de données produite par ledit projet. Celle-ci contient des informations pouvant permettre d’autres publications (Paul et Régis, 2024a ; Pressoir et al., 2024a).

64Ces bases de données peuvent être conservées pour des actualisations futures en vue de constitution d’analyse inter-temporelle permettant d’étudier l’évolution de la situation des ménages agricoles des zones étudiées.

65D’autres données ont été collectées, soit dans le cadre des entretiens de pré-diagnostic par les étudiants stagiaires de la FAMV ayant été reçus au Programme en 2022. Ces données ont porté sur les contraintes liées aux systèmes de cultures. Il existe également des données sur les participants aux différentes activités formelles du projet, à travers les listes de présences.

66Du point de vue qualitatif, des résultats notables ont été aussi obtenus. Au départ, il n’était pas tenu pour acquis que des résultats qualitatifs significatifs allaient pouvoir être obtenus dans les conditions difficiles de mise en œuvre des sous-programmes et projets spéciaux. Pourtant, les résultats ont dépassé les attentes du ministère.

67En effet, les opérateurs de recherche ont pu mobiliser avec succès des acteurs du système (agriculteurs, organisations de producteurs, ONG, universités…) dans le développement de solutions agricoles adaptées aux besoins des communautés rurales, et se sont approprié la démarche de recherche-formation-vulgarisation agricole voulue par le ministère.

68Grâce au programme PITAG, des opérateurs ont pu établir des relations fructueuses avec des centres internationaux tels que le CIP (Centre International de la Pomme de terre), trouver des financements pour la formation de leur personnel, développer une capacité veille sanitaire sur les maladies et ravageurs des cultures vivrières (Pressoir et al., 2024a).

69Les opérateurs de recherche se sont également renforcés en personnel (des boursiers ont été embauchés par les universités, ce qui n’est pas sans impact sur les enseignements), des chercheurs ont pris un peu plus d’expérience en travaillant en binôme avec des collègues étrangers.

70En outre, les opérateurs de recherche ont pu renforcer les capacités de leurs membres et ont produit des documents qui vont être utiles aux opérateurs des programmes d’incitations agricoles et aux étudiants des universités haïtiennes. Parmi ces documents, il faut compter :

  • Le répertoire des produits et des paquets techniques élaboré par chaque consortium (huit répertoires au total). C’est un document qui permet de bien les caractériser et de pouvoir suivre dans le temps leur élaboration.

  • Le document de Recherche-Formation-Vulgarisation agricole rédigé également par chaque consortium. Ce document représente une capitalisation de l’expérience menée avec le ministère dans le cadre de PITAG qui peut être utilisée par les chercheurs et enseignants-chercheurs dans les universités, les étudiants en agronomie et technique agricole, mais également par les acteurs publics et privés intéressés à intervenir dans le secteur de l’agriculture. À date, quatre de ces documents ont été produits de 2019 à 2024. Quatre autres devraient suivre.

71Un autre résultat important du programme qui a été déjà signalé : les journées scientifiques de PITAG. Elles sont maintenant reconnues comme un rendez-vous annuel de référence par la communauté scientifique nationale sur les questions d’intensification agricole, lutte contre la pénurie alimentaire, amélioration de productivité agricole, résilience des systèmes de production au changement climatique. Les thématiques choisies chaque année sont en droite ligne avec des problématiques d’actualité (sécurité et souveraineté alimentaire, résilience aux effets du changement climatique).

72Enfin, grâce aux publications scientifiques dans des revues internationales à comité de lecture, le pays a pu renforcer sa position sur la carte de la recherche agronomique mondiale.

4. Publications scientifiques issues des sous-programmes et projets spéciaux

73Au vu des livrables attendus et des résultats escomptés, l’analyse révèle que les consortiums exécutant les sous-programmes et projets spéciaux ont été assez efficaces (efficacité étant définie comme le rapport résultats/objectifs). Il est vrai que les sous-programmes et projets spéciaux ont dû prendre beaucoup plus de temps, compte tenu des difficultés liées au contexte sociopolitique et sécuritaire très dégradé d’une part, et des contraintes culturales de certaines zones (par exemple une seule saison culturale par an à Saint-Michel de l’Attalaye car l’agriculture y est quasi pluviale).

74La quasi-totalité des sous-programmes et projets spéciaux a développé plus de technologies et de paquets techniques que prévu comme on peut le voir dans le tableau 7. Seul le sous-programme Racines et tubercules a été bien en deçà des prévisions.

Tableau 7 : Technologies adaptées élaborées dans le cadre du PITAG

Sous-programmes/

Projets spéciaux

Nombre de technologies

%

Types de technologie

Cible

Atteinte

Café

5

7

140

Modèles de système agroforestier, caractérisation variétale, évaluation de la qualité des sols, diversification génétique, contrôle des scolytes

Cacao

5

6

120

Modèles de système agroforestier, caractérisation variétale, évaluation de la qualité des sols, évaluation du Cadmium, outil de récolte des cabosses, procédé de transformation

Céréales et légumineuses

5

24

480

Variété, techniques culturales, gestion de la fertilité, équipement agricole (semoir, fertiliseur), carte numérique des sols, conservation de semences

Racines et tubercules

5

3

60

Semences de qualité, variétés résistantes à des maladies et ravageurs, pratiques culturales améliorées, gestion durable des sols et de l’eau

Riz

5

6

120

Variétés de culture, techniques culturales, mécanisation

Sous-total 1

25

46

184

Mécanisation agricole

5

11

220

Outillage et équipement agricoles

Fertilité des sols

5

6

120

Techniques culturales, structures anti-érosives

Maladies et ravageurs

5

6

120

Traitement phytosanitaire, Assainissement de parcelles, technique culturale

Sous-total 2

15

23

153

Total

40

69

173

Source : Auteur

75Beaucoup d’informations ont été compilées et partagées avec le ministère. Des contenus et thèmes ont été proposés dans le cadre d’un chapitre d’ouvrage ainsi que dans les documents de programme recherche-formation-vulgarisation agricole afin d’alimenter les enseignements sur plusieurs filières (café, cacao, céréales, légumineuses, racines, tubercules, mécanisation agricole…) dans le pays.

76Le niveau d’efficacité des sous-programmes et projets spéciaux peut être jugé comme étant très élevé, voire excellent dans l’ensemble, même si ce niveau varie en fonction des consortiums. Ainsi, les opérateurs des sous-programmes avec à leur tête celui exécutant le sous-programme Céréales et légumineuses se sont révélés plus efficaces. Du côté des projets spéciaux, le consortium en charge de la petite mécanisation agricole a obtenu le meilleur score.

77Par ailleurs, pour certains sous-programmes et projets spéciaux, certains livrables ont été soumis très en retard (cas du sous-programme céréales et légumineuses) ou ne l’ont pas été du tout (cas du sous-programme racines et tubercules). Ces retards, il est important de le souligner, ne sont pas toujours totalement imputables à l’efficacité propre des équipes ou des consortiums, mais de préférence à la crise sociopolitique ayant persisté durant la période d’exécution des sous-programmes et projets spéciaux. Il arrive toutefois que des problèmes d’organisation interne propres à un consortium soient à l’origine des retards constatés.

78Le programme a produit des résultats qui satisfont certains objectifs au-delà de 100 % dans la mesure où certains indicateurs ont été dépassés. Par exemple, dans le nombre de produits ou de technologies ou de paquets techniques développés qui constituent les résultats principaux pour le programme, la majorité des consortiums sont allés bien au-delà des exigences initiales et contractuelles des projets à l’exception des sous-programmes café et cacao (Tableau 8).

Tableau 8 : Efficacité des sous-programmes et projets spéciaux par rapport au nombre de livrables et produits remis

Sous-programmes/

Projets spéciaux

Nb de livrables

Nb de technologies

élaborées

Nb de produits développés

Nb paquets techniques développés

Nb paquets techniques validés

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Sous-programmes

Café

11

10

5

7

5

7

3

3

3

3

Cacao

11

10

5

6

5

6

3

3

3

3

Céréales et légumineuses

9

8

5

6

5

6

3

10

3

4

Racines et tubercules

7

6

5

5

5

4

3

5

3

5

Riz

7

7

5

6

5

-

3

6

3

6

Sous-total

45

41

25

30

25

23

15

27

15

21

%

91

120

92

180

140

Projets spéciaux

Mécanisation agricole

10

10

5

11

5

10

3

5

3

5

Fertilité des sols

10

10

5

6

5

6

3

4

3

4

Maladies et ravageurs

10

10

5

7

5

6

3

4

3

4

Sous-total

30

30

15

24

15

22

9

13

9

13

%

100

Total

75

71

40

54

40

45

24

40

24

34

%

97

135

113

167

142

Source : Auteur

79Les sous-programmes et projets spéciaux ont pu accueillir et impliquer 5 étudiants au doctorat, et accueilli de nombreux autres étudiants dans plusieurs domaines (Tableau 9). Ce sont des résultats qui ont été atteints au-delà des attendus du Programme, dans un contexte de pays en dysfonctionnement et pour un temps coupé du reste du monde. Ainsi, les objectifs ont été atteints à 100 % pour les mémoires de licence, 262,5 % pour les articles scientifiques, 62,5 % pour les thèses de doctorat (un résultat plus qu’honorable). En plus, 9 étudiants en master boursiers du programme ont publié 9 mémoires et 4 articles scientifiques.

Tableau 9 : Efficacité des sous-programmes et projets spéciaux par rapport aux publications scientifiques

Sous-programmes/

Projets spéciaux

Nb de mémoires de licence

Nb de mémoires de master

Nb de thèses de doctorat

Nb d’articles scientifiques

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Cible

Atteinte

Sous-programmes

Café

7

3

1

0

1

1

1

1

Cacao

7

2

1

0

1

1

1

5

Céréales et légumineuses

7

20

1

2

1

3

1

3

Racines et tubercules

7

6

1

0

1

0

1

2

Riz

7

5

1

0

1

0

1

2

Sous-total 1

35

36

5

2

5

5

5

13

%

102,86

40

100

260

Projets spéciaux

Mécanisation agricole

5

0

1

0

1

0

1

1

Fertilité des sols

5

1

1

0

1

0

1

3

Maladies et ravageurs

5

3

1

0

1

0

1

4

Sous-total 2

15

4

3

0

3

0

3

8

%

27

0

0

267

Total

40

40

8

2

8

5

8

21

%

100

25

62,5

262,5

Source : Auteur

80Finalement, en termes de recherche scientifique, des équipes ont été renforcées dans la production de technologies adressant les problèmes et les contraintes liés à la production agricole, à la mécanisation agricole, etc. Des expertises locales ont été constituées et il s’agit là d’un résultat important qui peut avoir des effets multiplicateurs à l’avenir (Paul et Régis 2024 a ; Pressoir et al., 2024 a).

81Malgré les importantes réalisations des consortia, il convient de reconnaître cependant qu’il n’a pas été possible de valider certains paquets techniques par des essais en milieu paysan, ni même à travers des parcelles de démonstration, en raison de contraintes de temps (c’est le cas des sous-programmes café et cacao). Ce point pourrait être perçu comme une lacune par rapport au mandat initial confié aux consortiums qui en avaient la responsabilité. En effet, ces validations auraient permis de renforcer la fiabilité des technologies proposées et d’illustrer davantage leur applicabilité sur le terrain (AVSF et al., 2024 a, 2024 b).

Conclusion

82Cette étude de cas a été réalisée à la fin du Programme d’Innovation Technologique en Agriculture et Agroforesterie (PITAG). Elle portait sur l’impact des crises (sanitaire, sociopolitique, sécuritaire, etc.) sur les activités de recherche agronomique conduites en Haïti dans le cadre de la composante recherche et formation dudit programme. Les différentes réalisations des parties prenantes de l’exécution ont été analysées au regard des attentes et des contraintes. Il en ressort une résilience des acteurs de la recherche agronomique qui confirme des résultats trouvés chez d’autres catégories scientifiques en Haïti (Balthazar-Accou et al., 2023).

83Les crises ont eu un très gros impact sur les activités de recherche appliquée et de formation. Elles ont notamment accentué les difficultés déjà existantes, influencé la mise en œuvre et la durée du programme et obligé l’équipe du ministère et celles des consortiums à adapter leur modalité d’intervention et leur méthode de travail afin de fournir des réponses rapides.

84Les mesures adoptées par les parties prenantes pour y faire face ont porté leurs fruits puisque grâce à elles, les activités ont pu se poursuivre tant bien que mal et les projets être menés à terme quoiqu’avec beaucoup de retard. Le niveau d’efficacité des sous-programmes et projets spéciaux est jugé élevé dans l’ensemble, même si ce niveau varie en fonction des consortiums.

85Bien que partielle, cette étude montre donc une certaine capacité d’adaptation des chercheurs haïtiens qui ont fait preuve d’une résilience étonnante.

86Toutefois, l’exercice conduit dans cette étude comporte des limites qu’il convient de ne pas négliger. Notamment, il met en évidence la nécessité d’autres études sur l’impact des crises sur la recherche agronomique. De même, des innovations ont été validées, tout l’enjeu à présent consiste à les vulgariser au niveau des producteurs haïtiens. Un plaidoyer est à faire pour trouver les investissements nécessaires.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Garry Augustin, « La recherche agronomique en contexte de crise : cas du PITAG en Haïti »Études caribéennes [En ligne], 59 | Décembre 2024, mis en ligne le 17 décembre 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/32578 ; DOI : https://doi.org/10.4000/132ze

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Auteur

Pierre Garry Augustin

Spécialiste national en appui à la recherche, Programme d’Innovation Technologique en Agriculture et Agroforesterie (PITAG), Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR), Haïti. garryaugustin@yahoo.fr

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