1En 2000, le gouvernement du Sénégal a pu adopter d’importantes stratégies et initiatives afin de booster le secteur du tourisme et promouvoir l’offre et la demande. Avant cette alternance, la grande partie de l’économie sénégalaise était principalement basée sur la pêche, l’agriculture, l’élevage… Et c’est vers les années 1973 que le secteur touristique a bien marqué ses empreintes tout en attirant l’attention des autorités sénégalaises (Ciss, 1983 : 201). Et pourtant, bien avant cette date -1973-, le tourisme était juste considéré comme une activité praticable que les week-ends, c’est-à-dire en fin de semaine juste après avoir travaillé, aller se reposer et se rafraîchir la mémoire dans un lieu différent de sa résidence habituelle. Pour mieux gérer le tourisme sénégalais, la Société d’Aménagement de la Petite Côte a vu le jour en 1975 dans le cadre de développer et promouvoir le tourisme ensuite vendre la destination Sénégal. De nos jours, le secteur touristique occupe la deuxième place de l’économie du Sénégal derrière la pêche en termes de retombées économiques directes et indirectes avec 2,5 % du PIB (Ministère de l’Économie et des Finances, 2003 : 26).
2Le Sénégal dispose de beaucoup d’atouts liés au développement et à l’évolution du tourisme tels que : les ressources touristiques liées aux conditions climatiques qui sont convenables avec des « températures peu élevées, une pluviométrie abondante, prospère et culminante avec un ensoleillement constant, une multitude de parcs nationaux, une culture riche et variée » (Diombera, 2020 : 2). Dans la zone de Fimela-Ndangane, le tourisme est une activité phare dans le développement local. C’est dans cette perspective que notre approche méthodologie passe d’abord par une exploration bibliographique, des entretiens, des focus groups, des visites de terrain, mais aussi des enquêtes qualitatives. Mais le manque d’informations constitue un frein de développement du tourisme dans cette partie du Sine Saloum classée patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2011. Cette rétention d’informations est même un blocage, un obstacle pour soutenir le secteur car « les statistiques constituent le maillon faible du secteur et rares sont les établissements qui communiquent les données statistiques. Au regard du nombre croissant de réceptifs d’année en année, on peut dire que le tourisme se développe dans la zone. Cependant, il faut avoir le nombre d’arrivées et de nuitées pour le justifier » (Sarr, 2023 : 9).
3Dans le cadre de cet article, nous avons jugé nécessaire de procéder d’abord par une méthode qualitative dont le sens est d’observer la population par des entretiens directs comme semi-directs avec des acteurs du tourisme dans la zone. L’objectif principal consiste de faire une collecte d’informations fiables, crédibles et sûres qui sont liées à la vie quotidienne des habitants de la localité de Fimela et de Ndangane. Pour obtenir toutes ces données, on a pu se rapprocher des structures étatiques compétentes telles que la Société d’Aménagement de la Petite Côte, le Service régional du tourisme, le bureau d’accueil touristique et d’informations de Ndangane, les autorités municipales, les acteurs du tourisme… En dehors de cette méthode, une recherche documentaire a pu été exploiter par les ressources bibliographiques de certaines thèses de doctorat comme celle de Dia (2006), Diongue (2007), Diombera (2011), Bourse (2011), Boudedja (2019), Gaye (2020), Mbaye (2020). Pour une illustration de notre méthode qualitative, nous citons en référence Tendeng et Diombera (2022 : 4) : « le choix de la méthodologie qualitative repose sur le fait que les méthodes qualitatives prétendent des approches très variées, unies par une caractéristique commune : le faible recours à la quantification du phénomène touristique ». Et toujours dans cette même lancée, ils soutiennent que « trois critères définissent une bonne recherche qualitative : la sensibilité au contexte, la rigueur, la transparence et la cohérence des méthodes, son impact et son importance par rapport à la théorie existante ». L’ensemble de ces techniques et méthodes utilisées nous ont permis de faire un traitement de données obtenues sur le terrain par rapport « au tourisme au Sénégal en général et à Ndangane en particulier avec ses potentialités économiques qui restent à exploiter » (Sarr, 2023). Pour atteindre notre objectif, nous avons fait une étude de plus de 15 jours répartie en deux parties : une première période allant du 13 au 20 janvier 2024 et une seconde période du 2 au 9 février 2024. Cette visite de terrain nous a permis d’être en contact direct avec les populations et les acteurs du tourisme (chefs d’hôtels, de campements, de lodges, de mouvements de femmes et de jeunes, de guides touristiques, etc.) de faire des échanges avec eux et d’obtenir des données crédibles et véridiques. C’est pour appuyer l’idée de Nederlants (2021 : 10) que « la méthode qualitative se prête particulièrement bien pour comprendre la manière dont les acteurs pensent, parlent, agissent dans un contexte donné […] ».
4Par rapport à cette partie, il sera question d’étudier la présentation et le diagnostic des potentialités de de la commune de Fimela dans sa globalité, c’est-à-dire sa situation géographique et démographique avant de parler de la situation socio-économique.
Figure 1 : Présentation de la Commune de Fimela (Sénégal)
Source : PDIF, PDC Fimela 2018 – 2022
Photographie 1 : L’Hôtel de ville de la Commune de Fimela (Sénégal)
Source : Auteurs, février 2024.
5La réforme de 1972 a consacré au Sénégal, l’acte 1 de la décentralisation qui a créé les communautés rurales comme collectivités locales. Cette réforme a indiqué le début de l’élaboration des documents de planification qui se faisait sous la conduite de l’autorité centrale. Et ce n’est qu’en 1996 [acte 2 de la décentralisation], suite au transfert de neuf domaines de compétence que sont : environnement et gestion des ressources naturelles ; santé ; population et action sociale ; jeunesse ; sports et loisirs ; culture ; éducation ; planification, aménagement du territoire -urbanisme et habitat- que les collectivités locales ont eu la prérogative d’élaborer leurs propres plans de développement. En outre, le territoire national est réorganisé par la Loi 2013-10 du 28 décembre 2013 qui a pu instaurer l’acte 3 de la décentralisation qui consacre la commune et le département en collectivités locales. Cette réforme qui vise à organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable, a supprimé les régions et toutes les communautés rurales sont devenues des communes. (Sarr, 2023 : 9). C’est ainsi que la communauté rurale de Fimela est instituée en commune avec seize villages officiels que sont : Fimela, Samba Dia, Kobongoy 1, Mar Soulou, Simal, Yayème, Ndangane Campement, Ndangane Sambou, Mar Fafaco, Djilor, Mar Lothie, Samba Diallo, Koongoy 2, Baboucar Toumbou, Mbissel et Ndiédieng.
6L’activité touristique est très développée au Sénégal. Elle occupe la deuxième place de l’économie nationale en dehors du secteur de la pêche avec plus de 400 milliards de recettes par an selon les sources de la Direction de la réglementation touristique. Grâce aux potentialités énormes et qui sont favorables au domaine du tourisme (températures peu élevées, pluviométrie abondante, ensoleillement constant, multitude de parcs nationaux, etc.). La position du village de Ndangane est importante dans le dispositif touristique du Sénégal et le tourisme constitue un réel atout pour le développement du tourisme dans cette zone dont les potentialités ne sont pas exploitées. Le secteur du tourisme est un véritable pourvoyeur de devises à Ndangane car il permet à beaucoup de jeunes de trouver un emploi qu’il soit direct ou indirect. Le président du regroupement des jeunes antiquaires a souligné que « l’activité touristique est un tournant phare pour le développement de notre localité car cela nous permet de subvenir à nos dépenses quotidiennes. Actuellement beaucoup de jeunes (femmes et hommes) parviennent à satisfaire une partie de leur besoin grâce aux retombées du tourisme ».
- 1 Village natal de l’ancien Président du Sénégal Léopold Sédar Senghor.
7Le tourisme culturel est très riche car il permet aux étrangers de vivre la culture in situ dans les villages, comme celui de Djilor1 où cette activité mobilise nombre de jeunes de la zone qui en dirent leurs revenus. Cette photographie ci-dessous en est une parfaite illustration avec des veillées nocturnes au niveau de la place publique : une pratique de lutte traditionnelle où chacun fait la démonstration de sa force avec des primes allant de 200 000 à 500 000 Francs CFA ou des bœufs ou des chevaux.
Photographie 2. « Mbapatt », la lutte traditionnelle
Source : Auteurs, avril 2024.
- 2 Bolong ou chenal d’eau salée en langues mandingues.
8La commune de Fimela dispose d’un potentiel touristique important. Ces atouts sont d’abord d’ordre naturel avec la présence du bras de mer, les bolongs2, de la mangrove, de la rôneraie de Samba Dia et d’un microclimat favorable auxquels s’ajoutent de nombreux réceptifs dont 5 hôtels (zone Fimela), 42 campements (23 dans la zone de Fimela et 19 dans celle de Mar). En outre, de nombreux sites à vocation touristique sont identifiés dans la commune. Il s’agit entre autres, de Bind Diogoye (maison du père de l’ancien président de la République Léopold Sédar Senghor), du bois sacré de Djidiack, de la mosquée d’El Hadji Omar, de Baack né, de l’île aux oiseaux, le tombeau de Meissa Waly Dione, Baack Mbel, etc. Le déplacement des touristes se fait par divers moyens tels que les charrettes, les pirogues, les voitures, les chevaux…
Tableau 1. Les infrastructures touristiques de la commune de Fimela
ZONES
|
Hôtels
|
Campements
|
Bureau d’accueil
|
Zone Fimela
|
05
|
23
|
01
|
Zone Samba Dia
|
00
|
00
|
00
|
Zone Mar
|
00
|
19
|
00
|
TOTAL
|
05
|
42
|
01
|
Source : Diagnostic participatif, PDC Fimela, 2018
9Pour une meilleure gestion du secteur, une organisation des acteurs touristiques est mise en place, un syndicat des acteurs, de même qu’un bureau d’accueil et d’informations touristiques (Ndangane Campement). Des boutiques antiquaires sont également installées pour la vente d’objets d’art qui constitue un véritable facteur attractif. En dépit de ces potentialités, le tourisme communal demeure atone, velléitaire et souffre principalement d’une faible valorisation de ces potentialités. Les principales contraintes du moment sont les suivantes : le manque de valorisation des sites touristiques (absence de village artisanal, fermeture de certains campements touristiques), les faibles encadrement et régulation (absence de guides professionnels, antiquaires non encadrés, non-respect de la responsabilité sociétale de l’entreprise, non-paiement de taxes par les propriétaires de réceptifs), dans un contexte de spéculation foncière (fermeture des espaces) et d’acculturation locale (dépravation des mœurs, risque de maladies, déperdition scolaire).
- 3 Les Sérères sont un peuple d’Afrique de l’Ouest, troisième ethnie du Sénégal.
- 4 Circoncision qui consiste à initier les jeunes garçons dans la case des hommes.
- 5 Organisations des soirées de danses.
- 6 Lutte traditionnelle.
- 7 Île se trouvant derrière Ndangane Campement.
10Dans cette zone de Fimela (Ndangane), l’activité touristique constitue une vraie source de revenus à travers les emplois directs et indirects qu’il engendre auprès de la population. À partir de la transversalité du secteur, on peut dire que le tourisme dans sa globalité participe au bon développement de la localité. En ce sens, on peut dire qu’il s’agit ici d’une activité économique qui est devenue très importante auprès de l’agriculture et de la pêche à Ndangane. Toute la population s’adonne à l’activité principale qui permet à la jeunesse de gagner sa vie. Par exemple avec la lutte, « certains touristes sont attirés par la corpulence et le physique des jeunes lutteurs de sorte qu’ils les emploient parfois comme garde du corps ou gardiens pour gérer leurs résidences » ; évoque un jeune homme de la localité. La riche culture en milieu sérère3 comme le Ndoutt4, d’autres cérémonies traditionnelles : le Ngüel5, le Mbapatt6 sont autant de facteurs qui peuvent bien développer le tourisme local et sont favorables à son épanouissement. La mangrove au niveau de Mar Fafaco7, les bolongs, la réserve de Samba Dia avec ses beaux rôniers sont autant de ressources intéressantes pour soutenir le développement du secteur du tourisme.
11L’apport économique du secteur du tourisme dans cette localité constitue une réelle opportunité par rapport aux autres secteurs de développement. Le tourisme y est devenu une activité majeure en termes de retombées économiques, de création d’emplois et d’entreprises.
Tableau 2 : Les structures d’hébergement touristiques à Ndangane
Types d’hébergement
|
Nombre
|
Chambres
|
Lits
|
Hôtels
|
2
|
81
|
146
|
Campements
|
8
|
58
|
115
|
Auberges
|
8
|
36
|
72
|
Gîtes
|
1
|
04
|
6
|
Total
|
19
|
179
|
339
|
Source : Compilation de l’auteur à partir des données de terrain, février 2024
Figure 2. Les structures d’hébergement touristiques à Ndangane (Sénégal)
Source : les auteurs, enquêtes février 2024
12Les constructions se développent rapidement sur la bande littorale de la zone de Fimela et de Ndangane. Les choix d’installation sont portés par le désir de « retrouver un cadre de vie paisible, agréable sans bruit ni tapage sonore et une diversité de paysages très propices au développement du tourisme avec de grandes constructions » (Sarr, 2024 : 44), « par moment, des murs et des frontières sont construits afin de garder l’autre à distance » (Bourrat, 2000 : 19).
- 8 Merci beaucoup en langue sérère.
13L’exemple du campement Diokajaal8 est une parfaite illustration. Créé par l’expertise locale et mise en place par des résidents, il emploie sept jeunes qui y gagnent pleinement leur vie : un gérant, deux restauratrices, une femme de ménage, deux gardiens et un guide ; tous natifs. C’est dans ce sens qu’un jeune antiquaire [Aliou Diome] souligne que « le tourisme a une importance capitale chez nous, car il nous permet de gagner quotidiennement notre vie et de subvenir à nos besoins et ceux de nos familles ; surtout avec la mise en place de certains complexes construits qui emploient beaucoup de jeunes de la localité ».
Photographie 3. Campement Diokajaal de Ndangane (Sénégal)
Source : auteur, avril 2024.
14Le brassage des cultures est également bénéfique, notamment sur le plan des mariages entre touristes et natifs qui affectent positivement certaines familles de la zone avec de beaux investissements immobiliers.
Photographie 4. Des jeunes garçons prêts pour l’initiation de la case des hommes
Source : Auteurs, avril 2024.
15L’approche par le terrain (enquêtes, entretiens diversifiés) permet de souligner l’importance du tourisme pour le développement local de la zone de Fimela-Ndangane. L’ensemble des activités des jeunes dans le cadre du tourisme leur sont profitables, à l’image de leur organisation en regroupements pour guider les touristes. Le tourisme contribue à la bonne marche du développement local en soutenant la valorisation du patrimoine régional comme local par le biais des professionnels de l’hôtellerie. En ce début de xxie siècle, le tourisme constitue une réelle opportunité pour l’économie du Sénégal où il occupe la deuxième place derrière le secteur de la pêche. Avec la relance de l’économie nationale et surtout le PSE9, le tourisme peut être considéré comme une référence, mais aussi un véritable vecteur de développement local, social et territorial. À travers les six pôles touristiques (le pôle de Dakar et la presqu’île du Cap-Vert, le pôle Thiès et la région centre, le pôle Saint-Louis et la région nord, le pôle Casamance, le pôle Sine du Saloum et le pôle Sénégal oriental) riches et variés, tout un chacun a son propre patrimoine matériel et immatériel.
- 10 Les Niominka ou Nyominka, sous-groupe des Sérères, vivent dans les îles du Saloum.
16De nos jours, le village de Ndangane reste une zone touristique incontournable au niveau du Delta du Saloum classé patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2011. Dans la zone de Fimela-Ndangane, le secteur touristique est très développé grâce à plusieurs facteurs tels que sa position géographique par rapport à l’aéroport international Blaise Diagne et sa distance par rapport à la capitale Dakar. En dehors de l’activité touristique, la population s’adonne à l’agriculture avec la culture du maïs, du mil, et de l’arachide, mais aussi de la pêche qui se trouve être la première activité économique de la zone, car ils sont tous des Niominkas10 (Sarr, 2023 : 14). Le tourisme est une activité essentielle pour soutenir le développement local de la zone. Les arrivées des touristes ont des répercussions économiques et sociales qui permettent notamment de soutenir des stratégies professionnelles dans la population locale, principalement chez les jeunes.