1Dans un plaidoyer en faveur d’une approche plurielle et inclusive du patrimoine culturel en Afrique, Pierre de Maret (2001) invite les chercheurs et décideurs à réinventer le regard porté sur les cultures africaines, encore trop souvent dominé par une vision eurocentrée héritée de la colonisation. Selon lui, cette approche réductrice et condescendante limite la conception du patrimoine culturel africain à ses aspects matériels. Or, fondamentalement, les cultures africaines sont dominées par l’oralité, d’où la nécessité de prendre en compte les dimensions immatérielles du patrimoine (de Maret, 1997a ; 2001 b, p. 21). La région de l’Est-Cameroun, située en plein cœur de la zone équatoriale, fait partie d’un ensemble naturel plus vaste appelé le plateau sud-camerounais. Elle est délimitée au nord par le plateau de l’Adamaoua, à l’est par la République centrafricaine, à l’ouest par les Hauts-Plateaux de l’Ouest et la plaine côtière, et au sud par la Guinée équatoriale, le Gabon et le Congo. Sur le plan spatioculturel, cette région réunit une mosaïque de peuples détenant des savoirs et savoir-faire ancestraux, qui constituent aujourd’hui la richesse du patrimoine immatériel de la sous-région.
2En 2003 la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (l’UNESCO), réunie à Paris du 29 septembre au 19 octobre en sa 32e session la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a validé l’idée que le patrimoine n’est pas uniquement matériel, car il existe aussi le patrimoine immatériel. L’organisation a donné la définition suivante : « on entend par patrimoine culturel immatériel, les pratiques, les représentations, expressions, connaissance et savoir-faire, ainsi que les instruments, objets, artefacts et espace culturel qui leur sont associés… ce patrimoine culturel immatériel transmis de génération en génération est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine » (UNESCO, 2003).
3Seulement, les frontières héritées de la colonisation semblent avoir séparé ces frères d’autrefois liés par un passé commun. Pourtant, cette zone frontalière avec la République de Centrafrique et le Congo constitue un atout en cas d’appréciation des parentés, des continuités et des ruptures culturelles entre différents peuples d’Afrique centrale. Cet état des lieux à l’Est-Cameroun fonde cette étude intitulée : « Patrimoine immatériel de l’Est-Cameroun : survivances et enjeux d’un legs centenaire aux fondements des rapports interculturels entre peuples de l’Afrique centrale ».
4L’objectif de cet essai est d’analyser les déterminants endogènes qui concourent au rapprochement interculturel des peuples tous azimuts et à la conceptualisation du tourisme de mémoire à travers la promotion des activités culturelles tout en se limitant aux pratiques non discriminatoires. Elle vise à l’aide des données de la tradition d’appréhender progressivement un pan de la vie quotidienne de ses producteurs et des fragments de l’histoire des peuples installés jadis dans cette région grâce au patrimoine immatériel qu’ils ont laissé. La problématique de la culture immatérielle dans la région de l’Est-Cameroun s’invite davantage aujourd’hui dans les fora de discussion et s’impose comme un sujet d’actualité entre les recherches d’hier et celles d’aujourd’hui. En fait, à la suite des influences culturelles étrangères particulièrement dans la deuxième moitié du xixe siècle, les habitudes coutumières ont changé. La population actuelle semble ignorer la dimension identitaire que véhicule et incarne cette ressource naturelle. On remarque de plus en plus une volonté de se rapprocher de la culture occidentale ce qui conduit à l’abandon progressif des traditions locales. Or, un peuple qui oublie ses coutumes perd sa valeur, ce n’est pas seulement un souvenir qui disparaît, mais son histoire qui s’efface. Au regard des legs historiques et de la diversité culturelle des traditions séculaires, la question est de savoir qu’elle est la contribution du patrimoine immatériel dans la reconnaissance du sentiment identitaire et l’interculturalité ? Telle est la question centrale à laquelle nous tentons d’apporter des réponses à travers cette communication.
5Les enquêtes menées à l’Est-Cameroun tiennent compte de l’observation encore pointue de la valeur du patrimoine dans cette partie du pays. Notre prospection dans la période allant du 03 au 29 octobre 2021 s’est faite selon une approche pluridisciplinaire et a mobilisé à la fois les données secondaires et primaires. Les données secondaires sont issues de la littérature concernant la région tandis que les données primaires ont été collectées à partir des observations directes ainsi que des entretiens menés auprès des personnes-ressources (autorités traditionnelles, migrants, acteurs et personnels du tourisme et du ministère des Arts et la Culture). Au total, 120 entretiens semi-directifs et libres ont été réalisés sur le terrain puis, ont conduit à la collecte des données, à leur analyse pour produire des résultats. Au final, il apparaît que la combinaison d’un contexte d’actions favorables et le respect des réglementations existantes sur les lois et conventions du patrimoine est l’une des conditions d’optimalité d’une lutte résiliente contre une telle menace. Elle ne peut se faire que sous une révolution mentale et comportementale, une dotation financière suffisante, une ressource humaine de qualité et suffisante, mais aussi à travers une intégration sous régionale réelle et aboutie.
6L’entreprise d’un travail scientifique est difficilement faisable sans la formulation de quelques hypothèses de recherche pour mieux cadrer les réflexions qui seront développées au cours du travail. Ce travail est bâti autour d’une hypothèse principale et de quelques hypothèses opérationnelles. Nous partons d’une hypothèse générale qui stipule que, le patrimoine immatériel constitue non seulement un atout touristique, mais aussi un important pan de l’identité des populations locales. Cette étude sur les peuples de l’Est-Cameroun, réalisée en trois parties, émane d’une volonté de capitaliser l’offre touristique dans cette région. Nous présentons d’abord le contexte physique et social des peuples de l’Est-Cameroun dans leur biodiversité. Ensuite, nous avons fait le point sur la méthode et l’inventaire du patrimoine immatériel de la région. Nous avons montré en dernière partie les enjeux des legs centenaires aux fondements des rapports interculturels entre peuples de la sous-région de l’Afrique centrale.
- 1 C’est un plateau dont l’altitude décroît du Nord-Ouest vers le Sud-Est passant de 700 m à 300-400m (...)
7L’Est-Cameroun sur lequel repose la présente étude, s’étend du 2e au 6e degré de latitude Nord et du 13e au 16e degré de longitude Est. Cet espace est une vaste pénéplaine creusée dans le plateau Sud-Cameroun qui s’étend sur 109 000 km², composé des départements du Lom et Djerem, de la Kadéi, du Haut-Nyong et de la Boumba-Ngoko1. Il est limité au nord par la région de l’Adamaoua, à l’ouest par les départements du Mbam, du Nyong et Sanaga et du Dja et Lobo, enfin au sud et à l’est par le Congo et la République Centrafricaine (Ango Mengue, 1983). Cette région est peuplée par une mosaïque des groupes ethniques notamment les pygmées Baka, le groupe Maka-djem : Maka, Biké, Badjoue, Djem, Dzimou, Boman, Konabembé, Mbombo, Bidjouki, Mpymo ou Mbimou, Essel, Bangantou et Medjiné ; le groupe Kaka : Kaka, Bakoun et Pol ; le Groupe Beti-Bulu-Fang : Bamvélé, Babilés et Omvang ; le groupe : Mbum ; le groupe Oubangui : Gbaya, Yanguré et Bangando (Ango, 2013, p. 73).
8Frontalière de la République centrafricaine, du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Congo-Brazzaville, l’Est-Cameroun est riche d’une diversité biophysique, humaine et représente 23,1 % du territoire national, avec seulement 4,1 % de la population totale du Cameroun. Sa faible densité démographique, de l’ordre de 7,1 hab./km² en fait de la partie orientale du Cameroun la moins peuplée du pays et se situe à peu près à 41 habitants/km² (Nsoga, 2020). Sa population démographique dépend aujourd’hui essentiellement d’une importante migration en provenance d’autres régions, et de pays voisins (Tchad, RCA, Congo-Brazzaville, Nigéria) en raison des flux massifs de réfugiés enregistrés dont les effectifs ont quadruplé de façon globale entre 2005 et 2010, et de 2013 à 2017 plus spécifiquement (Sali, 2022, p. 48).
Carte 1. Localisation géographique de la région de l’Est-Cameroun
Source : Sali, 2022.
- 2 Le milieu physique du Cameroun a été étudié par un nombre considérable d’auteurs et les données ici (...)
- 3 Sur ces questions lire A. T. Etamane Mahop, « Abong-Mbang des origines à 1960 », Mémoire de Maîtris (...)
9La forêt couvre les deux tiers de la superficie de l’Est-Cameroun. Elle est loin d’être uniforme. Les études de phytogéographie réalisées par Letouzier mettent en évidence une succession de paysages. On retrouve successivement les forêts semi-décidues à Sterculiaceae et à Ulmaceae,2des forêts mixtes à la fois sempervirentes et semi-décidues, avec une prédominance des éléments de la forêt semi-décidue, et des forêts mixtes elles aussi sempervirentes et semi-décidues, avec cette fois-ci, une prédominance des éléments de la forêt du Dja (Barral & Franqueville, 1970, p. 6). La région connaît un type de climat équatorial, mais, au nord du 5e parallèle, ce climat se dégrade, la petite saison sèche tendant à s’estomper alors que la grande saison sèche dure de quatre à cinq mois. C’est le type guinéo-soudanien et l’on observe par conséquent une diminution des pluies du nord au sud et la température moyenne est peu élevée en raison de l’altitude. Ce climat a une influence non négligeable sur l’écoulement des eaux3. Cette région est irriguée par un important réseau hydrographique dont la densité correspond à l’abondance des précipitations et à l’extension des terrains argileux sur la majeure partie de la région. C’est dans le plateau du Haut-Nyong que la plupart des rivières prennent leur source ; elles se fraient difficilement et avec hésitation un lit soit vers l’Atlantique, soit indirectement vers le Congo.
10Une société s’intègre toujours dans un cadre géographique plus ou moins modifié par l’action humaine. Ce cadre naturel se compose d’ensembles de paysages végétaux, d’association de faunes, des réseaux hydrographiques, de reliefs et d’association de sols. Ce milieu naturel et son cadre morphostructural connaissent une extension qui va bien au-delà des frontières nationales. À cet effet, la région de l’Est-Cameroun est très diversifiée et paraît réunir en son sein l’essentiel de l’écosystème. C’est le cas du plateau sud-camerounais (autour de 775 m.) et sa forêt ombrophile où l’on trouve différents types de contacts forêts-savanes dans la partie nord de la République Démocratique du Congo (RDC), le Sud de la République Centrafricaine (RCA), au Gabon et en Guinée équatoriale (Mbeng Dang & Ligue Engamba, 2020, p. 42). Cet ensemble n’est pas stable dans son existence et se modifie dans le temps, c’est aussi cet écosystème qui fournit aux sociétés humaines les ressources nécessaires à leur vie (Holl, 1992, p. 53). Le lien avec le passé se présente partout et plus que jamais à l’Est-Cameroun, comme source d’inspiration et de légitimation historique. En effet, le concept d’écosystème renvoie à la dynamique environnementale et à l’articulation de différentes composantes du milieu telles que le climat, le relief, la végétation, les sols et la faune. Il permet aussi de cerner les différentes formes de contraintes auxquelles les sociétés doivent faire face et les formes d’adaptation qui en découlent. Ces différentes formes laissent des traces plus ou moins perceptibles dans les paysages. Ainsi, l’implantation humaine sur un site dans un écosystème particulier est susceptible de donner de précieux renseignements sur les formes de vie des sociétés passées (Holl, 1992, p. 54).
11Les sociétés sont des ensembles d’individus organisés en groupes élémentaires de formes variables. Cette organisation est structurée selon des schémas de parentés, d’alliances ou de hiérarchies intra et intergroupes. Situé en pleine zone de contact entre les écosystèmes forestiers où de grandes surfaces monotones alternent avec des reliefs vigoureux, l’Est-Cameroun tient une position idéale qui semble justifier l’afflux de plusieurs grands courants migratoires venus d’autres coins du continent (Tchawa, 2012, pp. 319-338). Cette région a été le point de rencontre des mouvements humains qui, en vagues successives, en ont modifié le caractère ethnographique à travers l’installation de nombreuses familles, quelles que soient leurs formes et leur importance numérique. Ces entités sociales et élémentaires ont été à la base de reproduction de tout un système social. Ces entités familiales se sont insérées dans des communautés formant ainsi des unités spatiales que sont les villages ou hameaux. À l’échelle d’une région de l’Est-Cameroun, il peut y avoir cohabitation entre une ou plusieurs sociétés et celle-ci pouvait être conflictuelle ou pacifique ; dans les deux cas, des relations ont existé entre les sociétés du passé. La dynamique sociale de ces peuples « trait d’union » aujourd’hui pourrait conduire à de multiples formes de réajustements susceptibles d’être une voie de dialogue où convergent des peuples aux civilisations aussi proches (Mbeng Dang & Ligue Engamba, 2020, p. 43). Ces rééquilibrages peuvent concerner l’adoption de nouvelles techniques, la redéfinition du système d’alliance et des réseaux d’échanges. Tous ces phénomènes se déroulent dans un certain cadre spatio-temporel ; ils peuvent donc laisser des traces repérables dans l’environnement (Holl, 1992, p. 56).
12Afin de mener à bien, voire de faire valoir cette étude, nous avons adopté une méthodologie spécifique qui nous permettra de vérifier les hypothèses émises.
13D’inspiration constructive et fonctionnaliste, la présente recherche s’est appuyée sur l’ancrage méthodologique axé sur une analyse documentaire provenant d’études socioanthropologiques et l’adoption de l’approche empirique pour la descente sur le terrain. Les enquêtes menées dans cette contrée couvrent sur le plan géographique la région de l’Est-Cameroun. Ce choix tient compte de l’observation encore pointue du caractère sacré et ancestral qu’occupent les traditions en dépit de l’ouverture à la mondialisation. En même temps avec sa position carrefour, elle partage ses frontières avec plusieurs pays de l’Afrique centrale et semble justifier l’afflux de plusieurs grands courants migratoires venus d’autres régions. Nos prospections dans la période allant du 03 au 29 octobre 2021 indiquent que les rares témoins encore vivants savent décoder les messages porteurs d’une didactique culturelle dans le patrimoine matériel. L’étude s’est faite selon une approche pluridisciplinaire et a mobilisé à la fois les données secondaires et primaires. Les données secondaires sont issues de la littérature sur les traditions locales tandis que les données primaires ont été collectées à partir des observations directes ainsi que des entretiens menés auprès des personnes-ressources (autorités traditionnelles, patriarches/matriarches), au total, 120 entretiens ont été réalisés.
14Ces derniers demeurent de véritables garants de la tradition, de l’éducation et de la stabilité sociale de par leur verbe et leur expérience de la vie, Mbala Owona (1990). Les enquêtes de terrain effectuées en semi-directifs et libres ont conduits à la collecte des données, à leur analyse pour produire des résultats. Les questions portaient sur les instruments, objets, artefacts, pratiques sociales et rituelles, évènements festifs et espaces culturels associés que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel qui fédère les peuples, valorise les identités et stimule le développement de la localité. Le patrimoine immatériel de la région à travers des modes artistiques traditionnels d’une qualité et d’une beauté véhicule ainsi un talent de la richesse culturelle de l’Est-Cameroun. Les résultats obtenus ont permis d’apprendre que le patrimoine immatériel constitue une survivance et un enjeu d’un legs centenaire pour les fondements des rapports interculturels entre peuples de l’Afrique.
- 4 UNESCO [comité du patrimoine mondial], Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel, adopté (...)
- 5 On a aussi : les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les connaissances et prat (...)
- 6 UNESCO [comité du patrimoine mondial], Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel, adopté (...)
L’UNESCO, dans le texte de la Convention pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel (Para. I, Article 2), définit le patrimoine culturel immatériel comme étant l’ensemble des « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel »4. Parmi les domaines couverts par le patrimoine culturel immatériel figurent entre autres les pratiques sociales, rituels et évènements festifs qui englobent les festivals culturels. Il s’agit entre autres des traditions et expressions orales, des arts du spectacle, des connaissances et pratiques concernant la nature et de l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel5. L’UNESCO a validé l’idée que le patrimoine n’est pas uniquement matériel6.
15Le patrimoine « immatériel » peut donc inclure les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les évènements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers et les savoirs liés à l’artisanat traditionnel (chants, costumes, danses, traditions gastronomiques, connaissances médicinales, jeux, mythes, contes et légendes, rituels festifs, petits métiers, témoignages, captation de techniques et de savoir-faire, documents écrits et d’archives). Le patrimoine culturel immatériel des villages de l’Est-Cameroun vont de l’histoire même de ceux-ci, de leur organisation, de leurs langues, des différents rites traditionnels jusqu’aux danses qui font montre de sa diversité culturelle.
16Les rites traditionnels constituent l’un des aspects qui révèlent les grands traits de la civilisation d’un peuple et de sa culture (Tchoubé, 2009). En ce qui concerne ces rites à l’Est-Cameroun, nous avons la célébration des funérailles, le veuvage, l’intronisation du chef, la naissance, la désignation et l’intronisation du chef, la sortie des jumeaux et assimilés, l’admission à s’asseoir sur un siège traditionnel qui participent à la longue liste des manifestations rituelles chez les peuples de l’Est-Cameroun. Ces différentes manifestations constituent des curiosités culturelles qui font la fierté des villages.
Planche photographique 1. La place des chefs au sein des évènements de la localité
Source : Ligué Engamba, Somalomo le 1er décembre 2023.
17L’illustration ci-dessus illustre la célébration de la fête de la science de la fête à Somalomo où les chefs de 1er et de 2e degré arborant des tenues traditionnelles de la localité ont brillé par leur remarquable participation à la réussite de cet évènement.
18Les fêtes et festivals culturels qui réunissent les personnes venues de divers horizons sont des moments d’exposition et d’exhibition qui font montre de la richesse culturelle des peuples de l’Est-Cameroun. Ils permettent par le truchement des danses traditionnelles et autres de valoriser et perpétuer la culture ancestrale de ces hommes. Les danses ont une place centrale dans la vie pour la célébration des moments de réjouissance ainsi que ceux de peines telles que les funérailles et les danses des morts. Elles sont à la fois religieuses, mystiques et magiques, structurent la société et sont en dernier ressort signes de notabilité, de pouvoir ou d’appartenance à une caste comme le Koweng ou danse initiatique et l’Iyele ou danse des guerriers intrépides ainsi que le Labi et l’Ayanga). Certaines sont spécifiques aux femmes et d’autres aux hommes comme le labi et le Ntoumo. D’autres sont rituelles et accompagnent les changements générationnels notamment le Deke et le dio.
Tableau 1. Le répertoire synoptique des danses traditionnelles de l’Est-Cameroun
Départements
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Dénomination des danses
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Type de danse
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Communauté génératrice
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Boumba et Ngoko
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Deke
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Danse initiatique des femmes
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Salapoumbé
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dio
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Danse initiatique
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Mikel
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nameko
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Danse initiatique
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Dongo
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Haut-Nyong
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Akoultang
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Danse rituelle en hommage au défunt
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Maka
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Adouyaye
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Danse amoureuse (mixte)
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Maka
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Ayanga
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Danse populaire (mixte)
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Maka
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Edjingui
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Danse de guérison
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Pygmées
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Iboua
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Dance d’évocation (femme)
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Maka
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Iyelè
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Dance de guérison (homme)
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Maka
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Kouweng
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Danse initiatique d’intronisation
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Maka
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Tchoumel
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Danse funéraire
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Maka
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Kadei
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Ntoumo
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Danse rituelle
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Bakoum
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Lom et Djerem
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Lamy
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Danse guerrière
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Gbaya
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Labi
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Danse initiatique
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Gbaya
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Source : Mveng., 1971.
19Ce tableau 1 n’est pas une représentation exhaustive des danses de la région. Il s’agit d’un tableau synoptique des danses phares de la région de l’Est-Cameroun. Ce qui est représentatif de la diversité et de la richesse de ces danses. Ces dernières sont valorisées par des groupes de danse parfois circonstanciels qui existent dans la région et particulièrement dans les villages, sans aucune organisation précise.
20C’est l’exemple de la danse Gbaya qui est le Labi, elle s’exécute lors des grandes cérémonies, c’est aussi et surtout la danse des initiés. Pendant son exécution on fait appel aux génies qui font entrer certaines personnes en transe.
21D’ailleurs, les photos de la planche 1 illustrent quelques danses traditionnelles des peuples de l’Est-Cameroun.
Planche photographique 2. Quelques danses traditionnelles de l’Est-Cameroun
Source : Ligué Engamba, Somalomo le 1er décembre 2023.
22La photo (1) illustre la danse Baka l’Abale qui prône l’amour et la joie. Quant à la photo (2), elle présente la danse Adouyayé exécutée lors de la cérémonie de la fête de la science à Somalomo le 1er décembre 2023. La photo (3) montre un groupe de femmes exécutant l’iboua qui une danse d’évocation lors des cérémonies et la photo (4) illustre quant à elle l’exécution des pas de danse initiatique Kouweng lors de la cérémonie d’intronisation d’un chef. Ces photos montrent la richesse et l’ingéniosité des costumes que portent les danseurs lors des cérémonies à caractères culturelles. On y perçoit facilement les éléments d’artisanat (peau d’animaux sauvages, plumes d’oiseau, coquilles d’escargot, cauris, etc.) qui constituent les costumes des danseurs et ces différents éléments font partie du riche patrimoine culturel des peuples de la forêt.
23Les danses maka font recours à des instruments et des objets décoratifs qui les distinguent des autres danses traditionnelles du Cameroun. Ces éléments sont les attributs de ces danses. Parmi les instruments liés aux danses maka, nous avons : Kouloung ou grand tam-tam ; Dagle petit tam-tam ; Gouoem ou tambour à membrane ; castagnettes (Mbida, 2013, p. 11). L’usage de ces d’instruments varie d’une danse à une autre, ce qui permet de les différencier.
Planche photographique 3. Quelques instruments de musique utilisés lors de l’exécution des danses traditionnelles
Source : Ligué Engamba, Somalomo le 1er décembre 2023.
24La photo (1) illustre le tambour Nkwoem ; la photo (2) le tam-tam téléphonique ou Kouelon et la photo (3) symbolise le Tambour qui se situent aux deux extrémités du village facilitant la mobilisation des populations à chaque fois en fonction du message qui leur a été transmis. Il est utilisé pour les grandes annonces ou pendant les grandes cérémonies. La photo (4) est l’ensemble des tambours qu’on joue pour annoncer une nouvelle, c’est une sorte de grand tambour qu’on retrouve à la chefferie. Ces différents instruments de musique font partie des curiosités culturelles de la localité et déterminent non seulement le savoir-faire des artisans locaux, mais aussi l’art musical.
25Le patrimoine culturel immatériel des peuples de l’Est-Cameroun est donc très diversifié et riche en couleurs. Il se transmet de génération en génération et constitue un grand attrait touristique et sur les 120 personnes enquêtées, 82 pensent que leur patrimoine culturel repose sur l’histoire des migrations anciennes et la création de leurs villages raison pour laquelle elles y attachent une très grande importance, car c’est là l’essence même de leur identité culturelle comme nous l’a confirmé le chef supérieur SM EFFOUDOU III Bertrand lors de notre descente sur le terrain à Atok.
Photographie 1. SM EFFOUDOU III Bertrand à Atok
Source : Ligué Engamba, Atok le 20 décembre 2023.
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- 7 Entretien avec Bertrand Effoudou, Chef supérieur des Maka, Atok le 20 décembre 2023.
Pour lui, les recommandations ici doivent davantage être portées pour les chefs traditionnels, héritiers et gardiens des valeurs culturelles ancestrales. Estimant que ce travail de terrain « est un pas pour la reconnaissance et l’inventaire du patrimoine immatériel dans la consolidation des relations humaines. Il est prêt à collaborer étroitement avec les hommes de science pour faire avancer ce projet »7. Pour l’ensemble des couches sociales, il est regrettable, et on pourrait même parler de malédiction à savoir que la mémoire de leur patrimoine culturel n’est pas connue des nouvelles générations jusqu’à ce jour. Pour cela les populations doivent soutenir et encourager toute initiative liée à la valorisation du patrimoine en prenant part aux échanges de toute nature dans le processus d’inventaire de leurs biens culturels et immatériels et à l’entretien des sites et des vestiges encore existants dans les communautés.
26Nous ajoutons que les populations enquêtées pensent en majorité que la culture des peuples de l’Est-Cameroun est proche des autres cultures de la sous-région de l’Afrique centrale par son histoire passionnante et aussi son originalité qui font la fierté des villages, car sur le total des personnes enquêtées, 102 pensent que ce sont les variables d’ordres social, écologique, linguistique et culturel qui font l’originalité du rapprochement interculturel entre les peuples. Les fils de l’Est-Cameroun, ayant compris que le développement de leur localité ne dépend pas uniquement de l’État, mènent des actions pour valoriser leur culture. En plus, cette région est l’une des plus riches sur le plan de l’offre touristique dans le domaine du patrimoine culturel et naturel. Elle se partage la réserve du Dja avec la région du Sud. On y trouve aussi :
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des parcs et réserves (Lobeke, Boumba Beck et Nki, Mbam et Djerem) ;
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des villages pygmées ;
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des monts, lacs et mares qui pour la plupart ne sont pas encore mis en valeur ;
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de nombreux paysages culturels,
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de nombreux édifices architecturaux, témoins de son passé colonial ;
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des festivals organisés pour célébrer son patrimoine culturel immatériel et matériel
27Ainsi, à travers des évènements culturels, on assiste au reflet des valeurs, des croyances et des aspirations des différents peuples qui conduisent à un « certain » développement touristique de cette localité (Bela, 2020, p. 17).
28C’est dire que les fondements sociohistoriques du patrimoine immatériel de l’Est-Cameroun revisitent l’histoire des sociétés parentés aux pays frontaliers de l’Afrique centrale. La plupart d’entre eux résultent de la transformation des rites et festivités agraires d’autrefois. En ce qui concerne les villages, les rituels étaient des fondements à la fabrique des identités culturelles plurielles qui rythmaient la vie au sein de la communauté. Les festivals culturels des peuples de la zone de recherche sont des vecteurs d’opportunités de conceptualiser de façon originale et attractive leur patrimoine culturel. Cette mise en scène du patrimoine dans un espace social vivant permet de mettre en valeur les aspects matériel et immatériel de leur culture productrice.
29Les festivals culturels apparaissent donc comme des lieux d’expression des richesses culturelles et d’épanouissement des communautés. Il s’agit aussi d’aborder la dimension religieuse mise en avant lors des festivals ; car derrière le faste des festivités, ces festivals culturels participent aussi à la revitalisation des religions traditionnelles ancestrales (Djoukui, 2015, p. 58). Les festivals traditionnels ne mettent pas seulement en contact les cultures, mais aussi les hommes et les femmes de cultures différentes. C’est au moment des rencontres des activités culturelles entre les autochtones et leurs hôtes que se produit cette interface mystérieuse.
30À l’Est-Cameroun, la fabrication de tissu en fibre d’écorce fait appel à l’un des savoir-faire les plus anciens de l’humanité ; c’est une technique préhistorique antérieure à l’invention du tissage. Les tissus en fibre d’écorce sont principalement portés lors des cérémonies de couronnement et de guérison, des funérailles et d’autres rassemblements culturels, mais ils servent également à la confection de rideaux, de moustiquaires et de literie, ainsi qu’au stockage. Avec l’introduction des tissus en coton par les caravaniers arabes au xixe siècle, la production a ralenti et les fonctions culturelles et spirituelles du tissu d’écorce ont décline jusqu’à son renouveau au cours des dernières décennies (UNESCO, 2007, p. 8).
31La réalisation des enquêtes de terrain sur quelques anciens sites d’occupations nous a permis d’évaluer le potentiel du patrimoine immatériel qui renferme les éléments de l’histoire des villages et des lignages. Leurs analyses et interprétations ont permis de mettre en évidence les savoirs et savoir-faire des populations ayant habité les sites étudiés et de comprendre que le patrimoine immatériel, mieux que les lois et décrets, a été à la base de la préservation des îlots de paix que constituaient les villages. Donc, un repère de sécurisation social, c’est-à-dire l’harmonie avec les dieux, les génies des ancêtres, au règlement des litiges fonciers, à la consolidation de l’autorité politique liée souvent à l’« autochtonie », harmonie avec les ancêtres disparues, mais veillantes sur les vivants.
32Chez la plupart des ethnies de l’Est-Cameroun, le patrimoine immatériel est constitué des traditions et s’accompagne de nombreux rites, riches en couleurs, qui constituent l’occasion de célébrer la mémoire des ancêtres. Ces évènements sont autant de motifs de déplacement des peuples qui se partagent les frontières communément appelés « peuples trait d’union » entre territoires dans le but de perpétuer la tradition. Ces évènements culturels sont des occasions de mise en valeur de la culture par les populations. En effet, c’est pendant leurs déroulements qu’on peut voir les prestations de certains danseurs dans leurs tenues et leurs bijoux riches en couleurs. C’est également l’occasion pour certains de se faire fortune en louant des parures de danse à ceux qui n’en possèdent pas. L’exemple du festival culturel du peuple Gbaya couplé au 8e congrès de ce mouvement créé en 1993 à Yaoundé est une opportunité pour ce peuple qu’on retrouve également en Centrafrique, en RDC entre autres de montrer sa richesse dans le domaine de la gastronomie, de la chasse, de la pharmacopée, de l’art et de la musique.
33La planche ci-dessous illustre l’exposition des différents éléments patrimoniaux ornés qui sont généralement utilisés pendant les cérémonies traditionnelles chez le peuple Gbaya de l’Est-Cameroun.
Planche photographique 4. Quelques danseurs richement ornés lors du festival Gbanga Moïnam à Bertoua 2022
Source : OLBIF, « Festival culturel du peuple Gbaya : Le MINAC lance la 5e édition à Bertoua », 24-04-2022, www.237actu.com, consulté le 10.12.2023.
34Nous voyons clairement qu’à travers les festivals, les peuples de l’Est-Cameroun conservent et valorisent à leur manière leur patrimoine immatériel hérité des ancêtres. Ils perpétuent en quelque sorte la tradition malgré la modernisation croissante. Les festivals culturels étudiés ici sont pareils à des vecteurs d’opportunités afin de conceptualiser leur façon originale et attractive de valoriser leur patrimoine culturel. Pendant le déroulement des manifestations, la mise en scène du patrimoine dans l’espace social vivant permet de mettre en valeur les aspects matériel et immatériel de leur culture productrice. Ils apparaissent alors comme des lieux d’expression des richesses culturelles et d’épanouissement des communautés. Il faut noter ici que la dimension religieuse est mise en avant lors des festivals ; car derrière le faste des festivités, les festivals culturels participent aussi à la revitalisation des religions traditionnelles africaines.
35Les fêtes et festivals culturels qui réunissent les personnes venues de divers horizons sont des moments d’exposition et d’exhibition qui font montre de la richesse culturelle des peuples de l’Est-Cameroun. Ils permettent par le truchement des danses traditionnelles et autres de valoriser et perpétuer la culture ancestrale de ce peuple. Aujourd’hui à l’Est-Cameroun l’on dénombre plusieurs associations culturelles qui valorisent leur culture à travers l’expérience des festivals tels que : le festival Gbanga Moïnam Bertoua 2022, le festival « Mbakoa’g » à Abong-Mbang, le festival des peuples Maka Ko’o Zimé (Kol Eloo’h) à Mindourou, du mini festival AJEB Atok du canton Maka Bebend à Atok, du festival du groupement Maka’a-route « Nkwo Ndzouong Nkwog » et du congrès de l’Association pour le Développement du Peuple Ayong-Yérap (ADPAY), sont des modèles de rencontres culturelles communautaires plus répandus à l’Est-Cameroun qui illustrent que les danses traditionnelles peuvent permettre une connaissance plus authentique des identités locales et des formes de relations plus équitables entre « visiteurs » et « visités ».
36Ce sont des festivités pendant lesquelles nous avons des exhibitions des différentes danses des villages. C’est l’occasion pour la population de montrer son savoir-faire que ce soit en dansant, que ce soit en vendant les objets d’art. Ils donnent l’occasion de présenter les différentes danses des chefferies ainsi que les différentes castes sociales au public, tout ceci dans le but de valoriser la culture et de faire revivre la tradition. De plus, c’est pendant ces moments que tous les rites et toutes les cérémonies des villages sont présentés ce qui entraîne une ruée de personnes sur la grande place. Les festivals culturels dans une approche développementaliste et utilitariste surtout dans un monde marqué par des conflits et des guerres, les festivals culturels apparaissent alors comme des vecteurs de rapprochement des religions, des cultures et des peuples. C’est ainsi qu’en Afrique, bon nombre de festivals sont devenus au fil du temps, des rendez-vous d’envergure nationale et internationale (Fouellefak & Nzesse, 2017). C’est pourquoi les festivals culturels sont mis en avant dans la plupart des pays africains comme ciment de l’unité nationale, vecteur de paix, creuset du dialogue interreligieux et espace d’échanges fructueux entre les populations endogènes et exogènes. Ainsi, cette étude s’inscrit en droite ligne de la contribution de l’ouvrage collectif autour du thème : « Festivals culturels africains : espaces de promotion des patrimoines et des identités des peuples » paru en 2017 sous la direction de Célestine C. Fouellefak Kana et Ladislas Nzesse (Fouellefak & Nzesse, 2017, p. 16). Où, ces auteurs placent le patrimoine culturel au cœur de la recherche et reconstitue l’histoire de l’Afrique à travers l’étude de son patrimoine où ils placent le patrimoine culturel au cœur de la recherche. Et d’autre part à reconstituer l’histoire de l’Afrique à travers l’étude de son patrimoine.
37En somme, cette étude visait à analyser la place du patrimoine immatériel des populations de l’Est-Cameroun dans la consolidation des liens culturels avec les peuples partageant ses frontières. À la suite de nos investigations de terrain, il est apparu clairement que l’inventaire du patrimoine culturel de la région est indispensable à la préservation de l’identité et constitue un levier de rapprochement culturel entre les peuples de la sous-région d’Afrique centrale.
38Ce résultat repose sur le constat que le patrimoine culturel recèle encore aujourd’hui un potentiel immense, mis en valeur à travers des évènements socioculturels qui rythment la vie des communautés. Il serait judicieux pour les populations étudiées de placer ce patrimoine immatériel au cœur des recherches afin de reconstituer l’histoire des peuples, de dépasser les frontières héritées de la colonisation et de favoriser des relations interculturelles durables.
39Par ailleurs, le tourisme de mémoire, ou tourisme culturel, ainsi que la patrimonialisation des traditions ancestrales apparaissent comme des moyens privilégiés pour les peuples de la sous-région de resserrer leurs liens avec leur passé commun.
40Conscients des limites de nos enquêtes, qui n’ont pas pu couvrir l’ensemble de la région, nous restons ouverts aux critiques constructives concernant nos résultats, dans le but d’améliorer les recherches futures. Néanmoins, il apparaît essentiel que les populations adoptent une approche du tourisme culturel fondée sur des principes de durabilité.