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Mal traitée, la biodiversité agricole ?

Six principes invariables pour un « commun global des semences »
Is agricultural biodiversity poorly treated?: Six invariable principles for a “global commons of seeds”
Christine Frison
p. 56-75

Résumés

Le Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, adopté en 2001, vise la sécurité alimentaire et une agriculture durable. Cet article évalue la gestion commune des semences au regard de la littérature sur les communs. Deux constats sont posés : le traité maintient un déséquilibre de droits (exclusif/individuel pour les multinationales versus inclusif/collectif pour les agriculteurs) et repose sur une dualité de discours entre d’un côté le souhait d’un commun global des semences ouvert à tous les acteurs et, de l’autre, la pratique d’un système adapté aux chercheurs et aux sélectionneurs. De là, six principes invariables sont identifiés comme indispensables pour créer un commun politique global des semences et atteindre les objectifs de ce texte.

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Texte intégral

Variétés de maïs non génétiquement modifiées, octobre 2011, à Alfarcito (province de Jujuy, Argentine)

Variétés de maïs non génétiquement modifiées, octobre 2011, à Alfarcito (province de Jujuy, Argentine)

Photo : M. Vieira. Source : https://creativecommons.org/​licenses/​by/​2.0/​legalcode

  • 1 Voir le Deuxième rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agric (...)
  • 2 Idem.
  • 3 Les semences dites « Terminator », par exemple, ont été génétiquement modifiées afin d’être stéril (...)
  • 4 Voir The State of Food Insecurity in the World 2014 - Strengthening the enabling environment for f (...)

1La gestion commune des semences renvoie à nos modes de production agricole qui visent la sécurité alimentaire et une agriculture durable. Elle concerne aussi la protection de l’environnement et la conservation de la biodiversité agricole, nécessaires à la production alimentaire. L’agriculture intensive anéantit cette biodiversité en ne favorisant la culture que de quelques variétés réduites1. Cette tendance à l’homogénéisation [Goffaux et al. 2011 ; pour un rapport plus nuancé voir Girard et Noiville 2014] concerne tous les fruits et légumes et participe à l’uniformisation des modes agricoles [Frison Émile 2016]. La perte de milliers de variétés traditionnelles, constituant pourtant un réservoir de gènes utiles pour améliorer les variétés cultivées, a connu une accélération inédite au cours des cinquante dernières années, chutant en moyenne de plus de 80 %2. De plus, l’agriculture intensive détériore les modes de vie et de production de millions de petits agriculteurs qui obtiennent encore aujourd’hui plus de 90 % de leurs semences par des réseaux informels (dont plus de 50 % sur des marchés locaux) [McGuire et Sperling 2016 : 179-195]. En effet, l’agriculture industrielle impose les canaux officiels d’un marché oligopolistique [Howard 2009] avec semences standards, améliorées et souvent protégées par des droits de propriété intellectuelle (PI), lesquels s’exercent sur les variétés améliorées mais aussi sur les biotechnologies3. La perte d’autonomie des petits agriculteurs qui en résulte induit que ce sont eux qui, paradoxalement, souffrent le plus de la faim4.

  • 5 Le commun peut être défini comme un système de gestion collective d’une ressource, d’un bien ou d’ (...)
  • 6 Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ado (...)
  • 7 Il est entendu qu’il n’y a pas une théorie des communs mais bien une multitude de facettes au conc (...)
  • 8 Nous utilisons le terme générique « semence » pour parler des ressources phyto-génétiques pour l’a (...)

2Or, comment garantir un usage élargi des semences à l’ensemble des acteurs agricoles, y compris les petits agriculteurs ? L’hypothèse sous-jacente à cet article applique le concept de commun5 à la gestion internationale des semences, afin d’évaluer si le Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA ou Traité)6 permet d’atteindre la sécurité alimentaire mondiale s’il est gouverné comme un commun7. Pour cela, nous étudions le système multilatéral de gestion des semences établi par le traité en 2004 au sein de la FAO (Food and Agriculture Organization). Ce texte encadre la conservation, l’accès et l’utilisation durable des semences agricoles8 au niveau mondial afin d’atteindre la sécurité alimentaire et de promouvoir une agriculture durable. Nous analysons le système multilatéral d’accès et de partage des avantages du traité (le « commun global des semences » [Frison 2016]) et évaluons si et à quelles conditions une certaine conception de la théorie des communs peut permettre à l’ensemble des signataires du traité d’atteindre les objectifs fixés en amendant le commun global des semences.

  • 9 Par principes invariables nous entendons des principes applicables à tout commun de semences, indi (...)

3La recherche mène à deux constats. D’un côté, ce texte ne permet pas de palier le déséquilibre qui existe entre l’appropriation des semences par les grandes multinationales agrochimiques par le biais de la propriété intellectuelle et le droit d'accès à ces semences pour les petits agriculteurs et les sélectionneurs. De l’autre, il repose sur une dualité de discours entre le souhait de voir apparaître un commun global des semences effectif pour tous les acteurs, y compris les petits agriculteurs, et la pratique plus nuancée d’un commun principalement ouvert à la communauté des chercheurs et des sélectionneurs généralement bien ancrés dans l’agriculture industrielle. Puis, nous développons six principes invariables9 pour améliorer la mise en œuvre du commun global des semences et nourrir le processus de révision du traité par ses acteurs pour tenter de répondre à ces deux constats.

Méthodologie : une approche transdisciplinaire en trois étapes

  • 10 La Convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya ont pour objectifs la conserva (...)

4L’analyse de la doctrine ainsi que des publications juridiques et non juridiques sur la gestion des semences de l’après-guerre à nos jours, nous permet de comprendre l’évolution politique et juridique de la réglementation. Cela couvre les principaux textes internationaux régissant la conservation de la biodiversité (Convention sur la diversité biologique et son protocole de Nagoya de 201010) et les droits de propriété intellectuelle sur les plantes (Convention internationale pour la protection des obtentions végétales – UPOV – en 1961, modifiée en 1978 et en 1991, régissant les droits d’obtention végétale, ou, concernant les brevets, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce – ADPIC).

  • 11 Voir le Premier rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agricu (...)
  • 12 Voir R. Perronne et al., « L’évolution de la filière blé tendre en France entre 1980 et 2006 : que (...)
  • 13 La transdisciplinarité mêle les disciplines scientifiques (interdisciplinarité) et intègre les act (...)

5Cette analyse démontre que l’hyper-appropriation [Safrin 2004] des semences explique en partie la difficulté croissante que rencontre un certain nombre d’acteurs pour en obtenir. Cette appropriation, liée à l’agriculture intensive de monoculture, a favorisé la diminution du nombre de variétés cultivées11 et la restriction de la base génétique des variétés utilisées12. Or, un accès réduit à la diversité accroît les risques pour la production agricole face aux changements climatiques et augmente la difficulté d’atteindre la sécurité alimentaire. Pour répondre à ces problèmes, la communauté internationale a adopté le traité. Néanmoins, son analyse juridique rigoureuse ne suffit pas à appréhender la complexité de son système multilatéral. Cela nécessite une approche transdisciplinaire13 mêlant droit et science politique et faisant intervenir les acteurs du traité.

6L’analyse transdisciplinaire a permis d’identifier les dysfonctionnements du traité suivant deux méthodologies : une interprétation juridique du traité (Convention de Vienne sur le droit des traités de 1980) identifiant les contraintes juridiques rencontrées par les parties signataires et une analyse par les acteurs du traité [Frison et al. 2011] vérifiant les résultats de l’analyse juridique en la reliant à la réalité politique des acteurs du traité. Ensuite, une lecture des problèmes identifiés est proposée au travers de la théorie des communs dans ses développements juridiques et politiques. Cette analyse technique croisée a permis de mettre au jour les problèmes de fonctionnement du traité empêchant les parties d’atteindre les objectifs de sécurité alimentaire et d’agriculture durable.

  • 14 Rappelons que la domestication et la diversification de notre biodiversité agricole résulte d’un é (...)
  • 15 L’accès est possible par les centres de recherche du Consultative Group on International Agricultu (...)

7Deux raisons principales expliquent pourquoi ce texte ne fonctionne pas de manière efficace. D’abord, il repose sur une contradiction fondamentale : il propose une voie alternative multilatérale (collective) aux systèmes existants de gestion des semences (publique et privée) tout en restant basé sur la logique du contrôle individuel de l’accès aux semences par les droits de propriété intellectuelle, les biotechnologies, le droit de souveraineté des États sur leurs ressources génétiques ainsi que les législations relatives à la commercialisation et la certification des semences. Or ce contrôle des semences et cette utilisation des droits de propriété intellectuelle (qui favorise un droit exclusif sur l’utilisation des semences) pour financer le système multilatéral sont intrinsèquement contraires aux objectifs d’agriculture durable et de sécurité alimentaire du traité. Pour évoluer et se développer, la plus grande diversité possible de variétés de semences doit circuler entre un nombre d’acteurs le plus large possible14, sans pour autant signifier un libre accès sans règles spécifiques. Ensuite, la reconnaissance du droit des agriculteurs est très limitée au niveau international et l’accès facilité aux semences par le système multilatéral pour les petits agriculteurs n’est pas directement reconnu par le traité15. Or ils sont les premiers utilisateurs et conservateurs de la biodiversité agricole et donc les premiers concernés.

8Cinq constats importants ressortent de notre double analyse. L’hyper-appropriation des semences freine leur utilisation large et diversifiée et les outils mis en place par le traité renforcent un déséquilibre de droits pénalisant les agriculteurs. Ensuite, l’absence de participation des agriculteurs dans le processus de gestion internationale des semences et la non-reconnaissance formelle de leurs droits au niveau international ne permettent pas d’atteindre la sécurité alimentaire ni de promouvoir l’innovation locale agricole. Par ailleurs, il existe un problème juridique de fond entre le champ d’application du traité (applicable à toutes les semences) et le champ d’application du système multilatéral (64 espèces cultivées) qui complique beaucoup sa mise en œuvre. Enfin, la promesse d’un partage des avantages monétaires et non monétaires n’est pas honorée, puisqu’ils restent très limités après 10 ans de mise en œuvre.

  • 16 Voir, Rapport de la cinquième session de l’organe directeur, 2013, Organe directeur du TIRPAA IT/G (...)
  • 17 Le processus de révision souffre, selon nous, d’un manque d’ouverture aux solutions alternatives a (...)

9Lors de sa réunion de 201316, l’organe directeur du traité a d’ailleurs reconnu certaines de ces difficultés et a décidé d’entamer une phase de révision (toujours en cours) du système multilatéral et de son Fonds de partage des avantages pour améliorer leur mise en œuvre17.

  • 18 Comme rappelé en note 1 et 3 il n’existe pas « une » théorie des communs univoque mais bien différ (...)
  • 19 E. Ostrom [1990 : 30] définit les ressources en pool commun comme « un système de ressources suffi (...)
  • 20 L’objet de cette recherche n’est pas de fournir des solutions ou des outils « clés en main » aux a (...)

10Nous utilisons « la théorie des communs »18 comme grille de lecture des problèmes identifiés dans la deuxième étape [Poteete et al. 2010 : 255 sq]. Partant des écrits d’E. Ostrom [1990] sur les « ressources en pool commun »19, il est apparu que le système du traité fonctionne comme des ressources en pool commun [Halewood et al. 2013; Halewood 2013] uniquement pour certains acteurs spécifiques (les chercheurs, les formateurs et les améliorateurs) mais pas pour l’ensemble des acteurs de manière globale, excluant principalement les petits agriculteurs [Frison 2016]. Élargissant cette étude à la reconnaissance et la prise en compte des différents usages de la semence, des rôles et des enjeux variés qui y sont liés, de la multiplicité des acteurs et de leurs intérêts, il nous est apparu primordial de concevoir la gestion des semences comme une construction politique plutôt que (limitativement) comme des ressources en pool commun. Nous sommes convaincue qu’un commun global de semences effectif et durable ne pourra voir le jour que lorsqu’il aura été pensé, conçu et mis en place politiquement et collectivement par l’ensemble des acteurs du système, à l’instar de ce que P. Dardot et C. Laval proposent pour le commun [2014]. Repenser politiquement le système multilatéral obligera les acteurs à élargir leur perception de la ressource à son système de gestion globale et à ses objectifs ultimes (sécurité alimentaire et agriculture durable) de manière collective et inclusive, et ainsi reconnaître le rôle central des petits agriculteurs. Nous avons dès lors tenté d’identifier des principes invariables pour la gestion d’un commun global de semences effectif et durable, dont les acteurs du traité pourraient se saisir afin de co-construire des outils juridiques et de gouvernance leur permettant d’atteindre les objectifs du traité20.

11Dès 1983, la conférence de la FAO adopta l’Engagement international sur les ressources génétiques des plantes afin d’assurer l’exploration, la préservation et l’évaluation des ressources génétiques des plantes ayant un intérêt économique et/ou social, particulièrement dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation. Les ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA ou “semences” au sens générique) sont reconnues comme étant sans cesse mouvantes, évolutives et se développant sur l’ensemble des territoires des pays sans égard pour les frontières étatiques [Pistorius 1997 : 93-96]. À travers cet engagement, les États ont politiquement reconnu que leurs relations devaient refléter l’interdépendance inhérente des plantes [Lacy 1995 : 335-337]. Mais cet engagement, mettant en avant le concept de « patrimoine commun de l’Humanité » (art. 1) constitué par les ressources phyto-génétiques, n’est toutefois pas obligatoire, et son application est restée lettre morte. Pourtant, la nécessité de gérer collectivement la conservation et l’échange des semences s’impose de plus en plus fortement au sein de la FAO, suite notamment à l’adoption de la Convention sur la diversité biologique (CBD) en 1992, qui rend bilatéraux les rapports entre États sur ces questions. Par ailleurs, d’autres instruments internationaux, tels que la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales ou l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) réglementent et contrôlent l’accès aux ressources génétiques et donc aux semences. Ces différents instruments développent une « approche ressourciste » de la semence, et la conçoivent uniquement comme une ressource appropriable (décisions de l’Office européen de brevet du 25/03/2015 « Tomates II » et Broccoli II »). Ainsi, la semence est considérée comme un bien marchand, soumis au droit de la propriété privée, et dépouillé de ses attributs d’utilisation collective et diversifiée et de son caractère hautement interdépendant. L’interdépendance des semences est triple et ces trois niveaux doivent être respectés par les règles internationales d’échanges des semences (voir infra et Frison 2016).

  • 21 Voir le Premier rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques…,1996, le Deuxième rapport sur (...)

12Les règles mises en place par ces instruments ont de facto comme de jure limité l’accès aux ressources et donc à leur utilisation. Or, seule une utilisation la plus large possible des variétés existantes permet de conserver de manière durable la diversité des semences et ainsi de faire face aux changements climatiques et au défi de bien nourrir une population mondiale croissante. Il est donc primordial de dépasser cette approche « ressourciste » de la semence et de soutenir (au niveau politique) les échanges des variétés diversifiées afin d’éviter un risque d’érosion drastique de la biodiversité, comme les scientifiques ont pu l’observer ces 40 dernières années, et de compromettre notre capacité à produire une nourriture suffisante et saine pour tous21. Face à ce constat, la communauté internationale a décidé de modifier l’Engagement pour en faire un traité juridiquement contraignant, afin de garantir une gestion collective des semences. C’est ainsi que naîtra en 2001 le traité international, après 7 ans de négociation, créant un système collectif de gestion des semences : le système multilatéral d’accès et de partage des avantages (système multilatéral) que certains perçoivent comme un « retour déguisé au libre accès », sous-entendu sans règles relatives au partage des avantages [Thomas 2017 : 1164]. Sans entrer dans les détails de ce traité, trois points centraux sont présentés : les droits des agriculteurs, l’accès facilité aux semences et le partage équitable des avantages liés à l’utilisation des semences.

13L’article 9 du traité reconnaît, en principe, le « droit des agriculteurs », même si cette reconnaissance reste limitée et superficielle dans son application. En effet, est reconnue :

l’énorme contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde, […] ont apportée et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phyto-génétiques qui constituent la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier.

14L’article 9.2 reconnaît une obligation de protection et de promotion des connaissances traditionnelles liées à l’utilisation des semences (art. 9.2a) ainsi qu’un droit (théorique) des agriculteurs à la participation équitable au partage des avantages (art. 9.2b) et à la prise de décisions, au niveau national (art. 9.2c). Par ailleurs, cette disposition n’affecte (en principe) pas le droit de ressemer le produit de leur propre récolte, puisque l’article 9.3 spécifie que :

rien dans cet article ne devra être interprété comme limitant les droits que peuvent avoir les agriculteurs de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication, sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon qu'il convient.

  • 22 Toutefois, des négociations sont en cours au sein des Nations unies pour adopter une « Déclaration (...)
  • 23 Voir la base de données Farmers' Rights Legislation & Policy Database (<http://www.farmersrights.org/database/index.html>).

15Néanmoins, les « Parties contractantes conviennent que la responsabilité de la réalisation des Droits des agriculteurs […] est du ressort des gouvernements […] » (art. 9.2). La reconnaissance et la mise en œuvre de ces droits restent donc exclusivement à la discrétion de chaque État et demeure politiquement peu soutenue. Il n’y a pas de reconnaissance internationale réelle sur ce point22. En juin 2017, seuls treize États sur les 145 membres du traité ont adopté une politique et /ou une législation les reconnaissant plus ou moins largement.23

16Pour faciliter l’accès à leurs semences (art. 12), les États ont créé une sorte de panier commun virtuel (le système multilatéral), reprenant 64 des espèces cultivées majeures (Traité annexe I). Les chercheurs, améliorateurs et formateurs travaillant sur les semences bénéficient d’un accès facilité à ce panier commun via l’utilisation d’un contrat standard (l’accord type de transfert de matériel). Le système multilatéral du traité constitue une mise en commun grâce à une base de données des espèces conservées par les États membres et des banques de gènes internationales (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale), qui facilite la recherche, l’innovation et l’échange d'information sans restriction. Malheureusement l’accès direct à ces semences par les agriculteurs n’est pas prévu par le traité, et certains acteurs importants ne participent pas au système pour ne pas devoir contribuer au partage des avantages.

  • 24 Voir le site de la FAO (<http://www.fao.org/plant-treaty/areas-of-work/benefit-sharing-fund/overview/fr/>).

17Le Fonds de partage des avantages (FPA) a été créé en 2008 et est censé être financé par des paiements obligatoires et volontaires définis dans le contrat standard (art. 13). En effet, si les bénéficiaires accédant aux semences par le contrat standard obtiennent un droit de propriété intellectuelle sur les nouvelles variétés qui en résultent et qu’ils refusent d’intégrer ce nouveau matériel dans le système multilatéral, alors ils acceptent de reverser un pourcentage de tout avantage commercial dérivé au Fonds de partage en soutien à la conservation et à l’essor de l’agriculture dans les pays en développement. Par un processus d’octroi de subventions, ce fonds finance des activités qui doivent répondre à plusieurs critères. Elles doivent accélérer la gestion et la conservation des semences à la ferme, en collaboration avec les communautés agricoles locales, notamment dans les pays en développement. Autre impératif : augmenter la sécurité alimentaire, en particulier pour les communautés locales qui ont le plus à souffrir des effets inévitables du changement climatique. Ces activités doivent, en outre, représenter des partenariats novateurs entre les centres de recherche, les agriculteurs, la société civile, et les dirigeants du secteur public ou privé. Enfin, il est impératif qu’elles puissent être étendues dans les zones agro-écologiques, assurant le maximum de retombées positives et la meilleure utilisation des données scientifiques actuelles24. Toutefois, au bout de dix ans, le constat est sans appel : le financement du Fonds de partage des avantages est largement insuffisant [Halewood et al. 2013] et les effets non monétaires peu visibles.

Résultats : six principes invariables de gestion commune des semences

18De l’étude des problèmes juridiques et politiques du traité au travers de la littérature des communs, émergent six principes invariables, nécessaires à la création politique et à la maintenance durable d’un système de gestion commune des semences par l’ensemble des acteurs : un commun global des semences effectif. Ces principes permettent d’élargir la reconnaissance et la prise en compte des différents usages de la semence par une multiplicité d’acteurs ayant des intérêts directs différents, mais ayant (en principe) tous l’objectif politique de gérer les semences de manière à atteindre la sécurité alimentaire et à promouvoir une agriculture durable au niveau mondial. Nous soutenons qu’ils doivent être respectés et exprimés dans les outils et mécanismes de mise en œuvre du traité (le système multilatéral, le Fonds de partage des avantages…). Ces six principes sont la durabilité, l’interdépendance, le dilemme « anti-commun » (la sous-utilisation de la semence mène à sa disparition), l’indissociabilité des composantes physiques et informationnelles de la semence, la diversité, l’hétérogénéité et la complexité et la communauté.

19La durabilité s’applique à la ressource mais aussi à l’institution censée la gérer dans le temps [Ostrom 1990 ; Agrawal 2002 : 44]. Elle ne représente pas un équilibre statique mais résulte d’un système dynamique [Agrawal op. cit. : 59], la durée et le renouvellement étant deux aspects primordiaux dans la relation humain-ressource [Bollier 2007 ; Bollier et Helfrich 2014]. Enfin, elle implique une responsabilité inter- et intragénérationnelle. S’il semble évident, ce principe ne transparaît pas nécessairement dans les outils du traité [Frison 2016 : 305-306 ; 2018 : 275-276]. La durabilité du système n’est possible qu’en reconnaissant le caractère interdépendant des semences sur trois niveaux. L’interdépendance variétale exprime le fait qu’une variété a besoin d’autres variétés pour continuer à se développer et à s’adapter. L’interdépendance de la relation plante-humain rend compte du fait qu’une variété domestiquée est le résultat d’une relation avec l’être humain dans le temps ; intervention humaine impérative dans le processus d’amélioration, de diversification, d’utilisation ou de conservation. Enfin, l’interdépendance globale signifie que les pays du monde entier dépendent massivement de plantes provenant d’autres régions du monde pour subvenir à leurs besoins alimentaires [Kloppenburg 2004 ; Khoury et al. 2015]. Cette interdépendance globale impose une logique politique commune dirigée vers la sécurité alimentaire globale. Pour l’atteindre, nous soutenons qu’il est crucial d’approfondir le caractère mutuel de la gestion [Mattei 2011 : 101-102 ; Capra et Mattei op. cit. : 159] des semences. L’interdépendance devient donc un outil politique voire philosophique permettant aux acteurs d’atteindre leurs objectifs de sécurité alimentaire [Frison 2016 :306-309 ; Frison 2018 : 276-277].

20Le caractère anti-commun est un des six autres principes invariables de la gestion commune des semences. G. Hardin [1968] décriait l’épuisement de certaines ressources par leur surexploitation. Inversement, l’érosion de la biodiversité agricole résulte en partie de la sous-utilisation des variétés et d’une homogénéisation croissante de celles qui sont cultivées, conduisant à une réduction du nombre de semences cultivées et à une restriction de leur base génétique [Schmietow 2012 ; Halewood op. cit. ], conséquence d’une sous-exploitation due notamment à la multiplication des droits exclusifs sur les semences (propriété intellectuelle, souveraineté, contrats, verrous technologiques...). Ce principe justifie la nécessité de soutenir et de renforcer l’utilisation des variétés locales et traditionnelles par leurs utilisateurs directs. En effet, le rôle des réseaux semenciers traditionnels et des semences locales est primordial dans l’évolution des ressources. Or la conservation ex situ, telle que développée ces 60 dernières années, ne suffit pas à maintenir et développer ces réseaux, contrairement à la conservation in situ, qui permet de constituer les ressources dont nous aurons besoin demain. En facilitant l’accès aux semences listées dans son annexe 1, le système multilatéral du traité endosserait un rôle de promoteur des réseaux de semences locaux et de leurs variétés locales et traditionnelles. Cela dynamiserait l’agro-biodiversité et cela permettrait de la conserver durablement dans le temps et dans l’espace [Frison 2016 : 309-310 ; 2018 : 277-278]. Cela devrait néanmoins se faire dans le respect des « biens communs locaux » tels que définis pas Girard [2018] comme étant des maillons essentiels du commun global des semences.

21Autre principe invariable : l’indissociabilité des composantes physiques et informationnelles de la semence. La semence est une ressource physique dont l’utilisation et la conservation passent nécessairement par la transmission des informations et des connaissances associées [Dedeurwaerdere 2012 ; 2013 : 368]. Parce que sa « valeur » est extraite lors de ces échanges, une approche inclusive de sa gestion [Dussolier 2015] se révèle nécessaire. Autrement dit, la semence physique et les informations afférentes doivent être transmises largement et simultanément entre agriculteurs et sélectionneurs pour que sa « valeur » puisse s’exprimer. C. Hess et E. Ostrom [2003] expliquent comment la technologie et les outils juridiques (comme la propriété intellectuelle) ont permis d’extraire (par l’exclusion) de la valeur (individualisée) des ressources précédemment gérées collectivement. Avec le « deuxième mouvement d’enclosure », J. Boyle [2003] confirme que les nouvelles technologies comme les outils de propriété intellectuelle ont conduit à une limitation de l’accès à ces ressources (physiques et informationnelles) plutôt qu’à leur partage pourtant nécessaire [Marden 1999 : 279], accélérant par-là la dissociation des composantes physiques et informationnelles. Or, nous l’avons vu, les dimensions ressources-informations (et même la dimension culturelle associée) qui ont progressivement été fractionnées participent au maintien et au développement de la diversité génétique. Il s’agit, en fait, des deux faces d’une même pièce. Cette double composante doit donc être prise en compte et facilitée par les outils de mise en œuvre du Traité [Frison 2016 : 310-312 ; 2018 : 278-279].

22L’avant-dernier des six principes invariables que nous avons relevé concerne : la diversité, l’hétérogénéité et la complexité. Les « nested enterprises » (entreprises imbriquées) d’E. Ostrom [2009] caractérisent des ressources en pool commun organisées sur plusieurs niveaux de gouvernance. Ce principe souligne la difficulté accrue de gouverner un commun global, qui par nature contient des règles complexes, des institutions variées sur plusieurs niveaux et des communautés hétérogènes. Or, l’hétérogénéité, la diversité et la complexité au sein des ressources en pool commun sont des aspects importants à prendre en compte pour pérenniser un « commun global » [Berkes et al. 2008 ; Ostrom et al. 2005 ; Cox et al. 2010]. E. Brousseau et ses coauteurs [2012 : 350] préconisent d’établir des règles de gouvernance modulables selon les besoins et adaptables au changement de contexte extérieur aux ressources en pool commun, ce que T. Dedeurwaerdere nomme « la modularité de l’architecture organisationnelle » [2012 : 31-46]. C. Roa-Rodríguez et T. Van Dooren [2008 : 193-194] ont montré que la globalisation et l’homogénéisation des régimes régissant la biodiversité limitent l’émergence d’institutions diverses, de régimes hétérogènes et de systèmes complexes. F. Girard [op. cit.] a souligné le rôle crucial des communs locaux dans le commun global des semences. Il renforce ainsi l’argument selon lequel le commun global doit permettre à cette hétérogénéité/ diversité /complexité d’exister en son sein [Louafi et Manzella 2018]. Il pourrait ainsi s’adapter aux changements extérieurs et fonctionner de manière efficace et durable dans le temps et dans l’espace [Frison 2016 : 315-317 ; 2018 : 281-282].

  • 25 Selon D. Bollier [2014 : 15], un commun devient un commun dès lors que des « commoners » décident (...)

23La communauté, dernier des six principes, est l’un des éléments constitutifs d’un commun25. C’est une étape cruciale puisque sa constitution assoit la légitimité des droits de ses membres à gérer collectivement les ressources en question. En effet, ils sont les seuls à pouvoir participer à la gestion des ressources communes (et à en bénéficier) [Schlager et Ostrom 1992 : 249-262]. Il est très difficile de définir qui fait partie de la communauté du commun global des semences. Cette question se rattache au principe invariable précédent concernant l’hétérogénéité, la diversité et la complexité car cette communauté est constituée d’une multitude d’acteurs hétérogènes ayant des intérêts divers (voire divergents), à des niveaux différents de gouvernance.

24Or, définir des règles de gouvernance collective respectant l’esprit des communs et ainsi tendre à pérenniser un système efficace, équitable et durable, engendre des conséquences en matière de prise de décision collective, d’équilibre des pouvoirs, d’interdépendance mais aussi d’autonomie de ces acteurs et de leurs sous-réseaux. D’autres questions méritent d’être posées, telles que la taille, les limites et l’adaptation des communautés [Agrawal op. cit. : 60], le rôle joué par la confiance entre ces acteurs hétérogènes [Six et al. 2015], le dialogue et les relations qu’ils entretiennent [Lubell 2015], la reconnaissance des acteurs de facto de la semence (petits agriculteurs) face aux membres de jure du système multilatéral (chercheurs, sélectionneurs et formateurs – art. 12.3a du traité). Ainsi, T. Dedeurwaerdere [2014 : 24] insiste sur le fait que les acteurs doivent agir suivant un « processus plus interactif et participatif entre les scientifiques, les politiques et les acteurs » pour atteindre les objectifs à long terme du traité [Frison 2016 : 312-314 ; 2018 : 279-281].

Conclusion

  • 26 Suivant F. Capra et U. Mattei [op. cit.], une approche « holistique » ne signifie en rien uniformi (...)

25Dans nombre de dispositions du traité, ces six principes invariables ne sont pas suffisamment pris en compte [Frison 2016]. Nous soutenons qu’il faut une réelle volonté politique émanant de tous les acteurs de ce texte, comme P. Dardot et C. Laval [2014] le prônent, pour créer un commun global des semences effectif et durable. Modifier les outils existants en se focalisant sur ces principes permettrait d’atteindre cet objectif. Il nous semble impératif d’instaurer un autre équilibre dans le rapport que l’humain a aux semences, afin que ces dernières ne soient plus uniquement perçues comme un objet marchand, que tous les acteurs soient reconnus et écoutés en limitant ainsi les jeux de pouvoirs du marché globalisé. Suivant le sens donné par F. Capra et U. Mattei [op. cit.], nous recommandons une approche « holistique »26, où la diversité agricole serait gérée comme une relation, un écosystème complexe, multi-niveaux et multifacettes, avec des acteurs hétérogènes, des règles diverses, reliés par des réseaux et sous-réseaux, mais ayant tous pour objectifs la sécurité alimentaire et une agriculture durable. Créer un commun global des semences politique permettrait de rééquilibrer les pouvoirs ; les droits et obligations de chacun seraient reconnus et respectés. Différentes mesures pourraient permettre de le créer et d’atténuer ainsi les deux travers mis en avant [Frison 2016] ; à titre d’exemple, nous en mentionnerons trois. La première consiste à inscrire la sécurité alimentaire et l’agriculture durable comme objectifs concrets et directs du traité, avec des obligations substantielles pour les États. La deuxième mesure serait de reconnaître au niveau international les droits des agriculteurs (et notamment celui de ressemer le produit de leur récolte) de la même manière que le sont ceux de la propriété intellectuelle. Les principaux acteurs du traité que sont les petits agriculteurs verraient leur capacité d’action renforcée. Enfin, troisième mesure : développer une gouvernance participative au sein du traité en prenant exemple sur le Comité de la FAO pour la sécurité alimentaire mondiale [De Schutter 2014 ; McKeon 2015].

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Notes

1 Voir le Deuxième rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde, 2010, FAO.

2 Idem.

3 Les semences dites « Terminator », par exemple, ont été génétiquement modifiées afin d’être stériles.

4 Voir The State of Food Insecurity in the World 2014 - Strengthening the enabling environment for food security and nutrition, 2014, FAO.

5 Le commun peut être défini comme un système de gestion collective d’une ressource, d’un bien ou d’un service par une communauté d’acteurs. Il est souvent présenté comme une alternative à la gestion privée d’un bien par son propriétaire (qui le gère dans son intérêt exclusif) ou à la gestion publique d’une ressource par un État ou une entité publique (censé gérer le bien dans l’intérêt collectif). Le commun s’oppose à la gestion privée de par son caractère inclusif et autogouvernant et nécessite trois éléments essentiels pour exister : une ressource/un service, une communauté et des règles collectives de gestion [Bollier 2014].

6 Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, adopté par la résolution 3/2001 de la conférence FAO du 3 novembre 2001, entré en vigueur le 29 juin 2004.

7 Il est entendu qu’il n’y a pas une théorie des communs mais bien une multitude de facettes au concept du ou des commun(s). Nous utilisons principalement la conception politique du commun développée par P. Dardot et C. Laval [2014], ainsi que son approche holistique développée par F. Capra et M. Mattei [2015].

8 Nous utilisons le terme générique « semence » pour parler des ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA), qu’elles soient « traditionnelles » ou « modernes », toutes espèces confondues.

9 Par principes invariables nous entendons des principes applicables à tout commun de semences, indistinctement du type de ressource, de gestion ou de communauté, qu’il soit local ou global. Il s’agit de principes qui sous-tendent invariablement l’existence d’une gestion collective effective et durable des semences.

10 La Convention sur la diversité biologique et le protocole de Nagoya ont pour objectifs la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable de ses éléments ainsi que l’accès et le partage équitable des avantages qui découlent de l’utilisation de toutes les ressources génétiques (plantes pharmaceutiques, cosmétiques, agro-chimiques non alimentaires…). Le traité fonctionne comme un régime d’exception à cette convention et règlemente les mêmes objectifs mais pour les semences agricoles et alimentaires uniquement.

11 Voir le Premier rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agriculture dans le monde, 1996, le Deuxième rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde, 2010, FAO ; From uniformity to diversity : a paradigm shift from industrial agriculture to diversified agroecological systems, 2016, Ipes-Food, (<http://www.ipes-food.org/images/Reports/UniformityToDiversity_FullReport.pdf>).

12 Voir R. Perronne et al., « L’évolution de la filière blé tendre en France entre 1980 et 2006 : quelle influence sur la diversité cultivée », 2016, Notes et études socio-économiques, no 41, ministère de l’Agriculture et de la Pêche, Service de la statistique et de la prospective, p. 83-113.

13 La transdisciplinarité mêle les disciplines scientifiques (interdisciplinarité) et intègre les acteurs concernés dans la conduite même de la recherche [Klein et al. 2012 : 4 ; Hirsch et al. 2006 : 119-128].

14 Rappelons que la domestication et la diversification de notre biodiversité agricole résulte d’un échange et d’une circulation des variétés de semences, et de leur utilisation massive et diversifiée. Ce qui n’exclut pas la mise en place de règles d’échange et d’utilisation au sein des communautés agricoles et entre ces communautés au sein de leurs réseaux d’échange [Coomes et al. 2015 : 41-50].

15 L’accès est possible par les centres de recherche du Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR) notamment, qui ont mis en place une politique allant dans ce sens. Or, dans le cadre du traité, les utilisateurs « reconnus » à l’article 12.3a) sont les chercheurs, les améliorateurs et les formateurs.

16 Voir, Rapport de la cinquième session de l’organe directeur, 2013, Organe directeur du TIRPAA IT/GB-5/13/Report, FAO.

17 Le processus de révision souffre, selon nous, d’un manque d’ouverture aux solutions alternatives au système actuel, dont la prise en compte nécessiterait une remise en question fondamentale de certains principes du traité, notamment ceux concernant le contrôle et l’appropriation des semences.

18 Comme rappelé en note 1 et 3 il n’existe pas « une » théorie des communs univoque mais bien différents courants. Nous nous appuyons principalement sur le commun politique développé par P. Dardot et C. Laval [2010] et sur le commun juridique développé par U. Mattei et ses collègues italiens S. Rodotà [2013] et A. Lurcarelli [2011].

19 E. Ostrom [1990 : 30] définit les ressources en pool commun comme « un système de ressources suffisamment important pour qu’il soit coûteux (mais pas impossible) d’exclure ses bénéficiaires potentiels de l’accès aux bénéfices liés à son utilisation. Pour comprendre les processus d’organisation et de gouvernance des RPC, il est essentiel de distinguer entre le système de ressources et l’échange d’unité de ressources produites par le système, tout en reconnaissant la dépendance de l’un à l’autre ».

20 L’objet de cette recherche n’est pas de fournir des solutions ou des outils « clés en main » aux acteurs ; ce travail n’a pas un caractère prescriptif. L’objectif est de nourrir le processus actuel de révision du traité sur le plan théorique et conceptuel, afin que les acteurs puissent développer eux-mêmes des outils et des solutions concrets adéquats.

21 Voir le Premier rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques…,1996, le Deuxième rapport sur l’état des ressources phyto-génétiques…, 2010, FAO.

22 Toutefois, des négociations sont en cours au sein des Nations unies pour adopter une « Déclaration sur les droits des paysans et paysannes et autres personnes travaillant en zones rurales » qui tente de définir ce droit des agriculteurs (<http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/RuralAreas/Pages/4thSession.aspx>).

23 Voir la base de données Farmers' Rights Legislation & Policy Database (<http://www.farmersrights.org/database/index.html>).

24 Voir le site de la FAO (<http://www.fao.org/plant-treaty/areas-of-work/benefit-sharing-fund/overview/fr/>).

25 Selon D. Bollier [2014 : 15], un commun devient un commun dès lors que des « commoners » décident collectivement de « commoning » une ressource, c’est-à-dire de la gérer de manière juste et équitable et de l’utiliser dans le respect de l’intérêt collectif. D. Bollier et S. Helfrich [2015 : 1-15] associent le « commoning » à un « living process », une « experiential practice », qui peut difficilement être définie par une théorie.

26 Suivant F. Capra et U. Mattei [op. cit.], une approche « holistique » ne signifie en rien uniformisation ou homogénéisation, mais bien globale, universelle dépassant la perception anthropo-centrée de la relation à la ressource et donc de la relation de l’humain avec les semences.

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Table des illustrations

Titre Variétés de maïs non génétiquement modifiées, octobre 2011, à Alfarcito (province de Jujuy, Argentine)
Crédits Photo : M. Vieira. Source : https://creativecommons.org/​licenses/​by/​2.0/​legalcode
URL http://journals.openedition.org/etudesrurales/docannexe/image/14809/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 530k
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Pour citer cet article

Référence papier

Christine Frison, « Mal traitée, la biodiversité agricole ? »Études rurales, 202 | 2018, 56-75.

Référence électronique

Christine Frison, « Mal traitée, la biodiversité agricole ? »Études rurales [En ligne], 202 | 2018, mis en ligne le 01 juillet 2020, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/14809 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesrurales.14809

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Auteur

Christine Frison

juriste, chargée de recherche, FWO, Faculté de droit, Université d'Anvers, Anvers

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Droits d’auteur

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