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Résumé

Depuis le milieu du xixe siècle, la présence des images s’est considérablement accrue : le développement des techniques de reproduction et des médias visuels – presse illustrée, affichage, cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux ‒ a engendré une multiplication des représentations. L’écrit a progressivement perdu le monopole de la communication et les espaces publics et privés ont été colonisés par des images du pouvoir, qu’il soit commercial ou politique. Aujourd’hui plus que jamais, notre quotidien est saturé d’informations. Parmi celles-ci, l’image jouit d’une puissance et d’une agentivité considérables : elle joue de mises en scènes multiples pour influer sur les évolutions de la société contemporaine ; elle travaille à persuader et à infléchir nos comportements et nos attitudes en captant l’attention, guidant le regard et orientant les conduites.

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Texte intégral

1Depuis le milieu du xixsiècle, la présence des images s’est considérablement accrue : le développement des techniques de reproduction et des médias visuels – presse illustrée, affichage, cinéma, télévision, Internet, réseaux sociaux ‒ a engendré une multiplication des représentations. L’écrit a progressivement perdu le monopole de la communication et les espaces publics et privés ont été colonisés par des images du pouvoir, qu’il soit commercial ou politique. Aujourd’hui plus que jamais, notre quotidien est saturé d’informations. Parmi celles-ci, l’image jouit d’une puissance et d’une agentivité considérables : elle joue de mises en scènes multiples pour influer sur les évolutions de la société contemporaine ; elle travaille à persuader et à infléchir nos comportements et nos attitudes en captant l’attention, guidant le regard et orientant les conduites.

2Apparaît aujourd’hui l’importance à donner à l’éducation aux médias : la compréhension du fonctionnement et de l’efficacité de la culture visuelle passe par la capacité à décrypter les images et à connaître leurs évolutions passées. Dès lors, il est pertinent de se saisir de l’histoire comme outil de connaissance de la genèse du paysage médiatique dans lequel nous baignons aujourd’hui pour comprendre et échapper au conditionnement des médias de masse. Comment la publicité, activité encore balbutiante au début du xxe siècle, a-t-elle notamment acquis ‒ en quelques années seulement ‒ le pouvoir qu’on lui connaît aujourd’hui ? En France, c’est durant l’entre-deux-guerres que la publicité connaît un véritable « âge d’or » : elle accompagne alors l’accélération de la production favorisée par le développement du capitalisme et l’élargissement des marchés économiques ; de l’industrie encore florissante à la grande distribution qui se met en place, les entreprises commencent à miser sur la communication pour promouvoir leur fabrication et leurs services.

3La publicité exploite le visuel pour informer, séduire, convaincre et guider les comportements de consommation. En son sein, la photographie peut avoir une fonction informative en renseignant sur le produit, suggérer son exploitation ou encore susciter l’intérêt du regardeur en magnifiant l’objet à vendre. En jouant sur l’affectivité, la capacité de réflexion et d’émotion, elle donne à penser et à agir. Elle se situe ainsi au croisement de la technique, du commerce, de la psychologie et de la création plastique. L’étude des images publicitaires de l’entre-deux-guerres permet d’appréhender le contexte économique et industriel de l’époque, les modalités de communication sur la production, les différentes méthodes de séduction mises en place, mais aussi l’émergence d’une culture visuelle.

4Si mercantile soit-elle, cette publicité moderne est intimement liée à une recherche esthétique. Écrivains, affichistes et photographes mêlent leurs compétences pour agencer textes et images en des créations innovantes qui proposent un langage immédiat et intelligible. Dans un ouvrage intitulé L’Écrivain et la publicité. Histoire d’une tentation publié en 2022, Myriam Boucharenc revient sur cette période de l’entre-deux-guerres, qualifiée d’« âge d’or des belles-lettres publicitaires », durant laquelle de grands écrivains ont prêté leur plume à la publicité. De leur côté, les affichistes, dessinateurs et typographes intègrent les codes artistiques modernes dans leurs compositions qui s’inspirent des réalisations cubistes, futuristes, puristes, constructivistes et de l’école du Bauhaus. Bien que le dessin soit encore largement majoritaire dans la publicité de cette époque, des initiatives photographiques novatrices, influencées par les courants de la Nouvelle Vision et du Surréalisme, voient le jour. L’innovation graphique et photographique française de l’entre‑deux‑guerres a ainsi fait de la publicité un terrain d’expression privilégié.

5Nombre de photographes comme Laure Albin Guillot, André Kertész, François Kollar, Germaine Krull, Man Ray ou André Vigneau travaillent pour la publicité, en parallèle d’expérimentations plus personnelles, sans hiérarchiser les pratiques. Les exigences de la commande commerciale ne sont pas pour eux un frein, mais s’avèrent au contraire propices à l’innovation ; bien souvent, elles constituent l’occasion d’expérimenter et de mettre en pratique des recherches plastiques : ces photographes magnifient les sujets par des angles de prise de vue et des cadrages innovants, l’utilisation du gros plan et de techniques d’éclairage inventives ; ils usent également du collage, du photomontage et de la solarisation. Dominique Baqué note :

Cette photographie appliquée qu’est la photographie publicitaire ne diffère en rien de la photographie moderniste qui s’expose dans les galeries ou se publie dans les revues d’art. Il s’agit bien des mêmes procédés formels, des mêmes contenus de représentation, souvent aussi, des mêmes photographes.

6Si certains de ces acteurs sont aujourd’hui reconnus dans le champ de l’art, une grande partie de la production photographique publicitaire de l’entre-deux-guerres fut diffusée de manière anonyme. Pourtant, ces photographes inconnus ont largement contribué à l’écriture visuelle de l’époque, comme à la reconnaissance du médium. Le développement de la publicité apporta en effet une visibilité inédite à la photographie : intégrée au sein des campagnes de communication, elle s’étend à un large public en investissant l’espace de la rue à travers l’affichage et en s’introduisant dans les foyers par le biais des imprimés. Si son intégration est au départ timide – la photographie s’ajoutant modestement au dessin et à la typographie pour agrémenter la publicité –, elle s’impose progressivement comme élément principal.

7Ce dossier de Focales se penche sur l’activité photographique publicitaire de l’entre-deux-guerres, en donnant un aperçu du travail de certains de ses acteurs, de ses modalités de production et de diffusion, et de ses enjeux passés et actuels. Les articles qui le composent abordent le travail de photographes indépendants et de studios, les procédés de médiatisation des images au travers des affiches, des revues et de la presse illustrée, les aspects techniques relatifs au développement de la photographie publicitaire en couleur, mais aussi les enjeux de cette activité d’imagerie commerciale en ce qui concerne la reconnaissance du médium photographique et du statut d’auteur, la place de ces images dans les collections muséales et leur intérêt pour la recherche aujourd’hui.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne-Céline Callens, « Éditorial »Focales [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 28 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/focales/1825 ; DOI : https://doi.org/10.4000/focales.1825

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Auteur

Anne-Céline Callens

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