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Notes de lecture

Paul Vancassel, Une histoire des regards photographiques

Paris, L’Harmattan, « Ouverture philosophique. Série esthétique », 2021, 280 pages
Oscar Barnay
Référence(s) :

Paul Vancassel, Une histoire des regards photographiques, Paris, L’Harmattan, « Ouverture philosophique. Série esthétique », 2021, 280 pages

Texte intégral

1Paul Vancassel a publié en 2021 à l’Harmattan Une histoire des regards photographiques, en complément d’un premier ouvrage ‒ Penser les regards photographiques ‒ dont il constitue le prolongement. Les deux livres sont issus d’une thèse de doctorat soutenue par l’auteur en 2008 à l’Université de Rennes, sous la direction de Christian Le Moenne. Inscrite dans le champ des sciences de l’information et de la communication, cette thèse poursuivait l’objectif de resituer la photographie en tant que média de masse, dispositif technique et social particulier. De sa filiation universitaire, Une histoire des regards photographiques conserve d’ailleurs une structure à la hiérarchie clairement organisée, une bibliographie abondante et des ouvertures nombreuses matérialisées par des notes conséquentes.

2Une histoire des regards photographique entend repenser la photographie au travers d’une notion trop peu étudiée aux yeux de l’auteur, et trop souvent ramenée à la question du point de vue. L’approche des regards photographiques présente l’avantage de permettre d’aborder la photographie en tant que pratique située, en tant qu’expérience établie dans un cadre socio-culturel et historique déterminé. Elle permet donc de replacer la fabrique de l’image au cœur des processus et des dispositifs qui l’encadrent.

3Le premier ouvrage, Penser les regards photographiques (dont Une histoire des regards photographiques constitue le prolongement), aborde principalement les regards en tant que dispositifs techniques palpables, se concentrant sur une période qui va de l’apparition du médium jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale. Le second opus prend la suite à la fois d’un point de vue chronologique, puisqu’il se penche sur un empan temporel allant de la Première Guerre Mondiale à aujourd’hui, et d’un point de vue théorique, puisqu’il poursuit la réflexion jusqu’à proposer une typologie synthétique des principaux regards photographiques.

4Dans la première partie de cet ouvrage, Paul Vancassel développe une « histoire des dispositifs anthropotechniques » en abordant la photographie comme un média et en privilégiant sa valeur documentaire. Il montre comment la prise de vue, loin d’être un acte isolé, est le produit d’une culture de l’image située et, dans le même temps, d’une chaîne d’acteurs et de pratiques qui mènent à sa diffusion ‒ cela étant particulièrement vrai pour la photographie de presse.

5Les chapitres suivants abordent l’évolution du médium, depuis la crise de la photographie d’information, dans les années 1970. L’auteur se penche en particulier sur le cas de l’image numérique apparue dans les années 1990 et des « caméra-phone » qui en constituent une forme particulière et récente. Les réflexions de l’auteur, tirées d’une thèse soutenue en 2008, gagneraient à être complétées par la prise en compte de la révolution déclenchée par le progrès des performances techniques des smartphones et des réseaux sociaux. Ces changements ont en effet amené des évolutions considérables, en constante actualisation, des regards photographiques dont Paul Vancassel tente ici d’établir une histoire.

6La seconde partie de l’ouvrage quitte la progression chronologique (qui caractérise la première) pour proposer une approche plus anthropologique. L’auteur porte son attention sur les conditions de possibilités générales des regards photographiques (qui sont tout à la fois ceux du photographe et de l’appareil). Il propose une approche pragmatique, en interrogeant la notion d’enquête dont John Dewey donne la définition et en affirmant au passage le caractère dynamique, parce que circonstancié, des regards photographiques. Il propose également l’éclairage de la phénoménologie. L’apport dense des réflexions de Maurice Merleau-Ponty conduit à des pistes de réflexion pertinentes, même si la pensée du philosophe ne convient que partiellement à une théorie des regards photographiques.

7Ce sont ensuite les réflexions de Gilbert Simondon qui permettent à l’auteur de penser les regards photographiques comme trans-individuels. Leur développement est envisagé comme un ensemble dynamique puisqu’ils émergent les uns à partir des autres (en fonction d’interactions entre des individus et des groupes) selon le processus d’individuation qui est au cœur des réflexions de Gilbert Simondon. L’arrière-plan culturel des regards se fait condition des modes d’individuation. Sont finalement abordées la condition de l’observateur (la réflexion s’appuie ici sur les écrits de Walter Benjamin et de Jonathan Crary) et le fonctionnement procédural. La pertinence de l’approche pragmatique se trouve affirmée. C’est à partir de là que peuvent être questionnés les rapports à la connaissance, au savoir-comment, au savoir-faire et aux normes.

8Au travers de cet ouvrage, les regards photographiques se présentent davantage comme une façon de repenser le médium que comme un objet fini et délimité. La réflexion de Paul Vancassel, mobilisant les écrits de nombreux penseurs, permet d’aborder les regards photographiques comme des dispositifs qui dépendent de la logique informationnelle, de la situation, de données anthropotechniques, de la construction sociale ou encore des potentiels de chaque individu. Ces éléments étant toujours indissociables, les regards photographiques sont, selon les mots de l’auteur, en nombre « quasi-infini », dépendant de chaque individu (de sa culture) et de chaque cas de figure. La visée de l’auteur est donc plutôt de proposer des clés de compréhension, des outils de pensée qu’un classement.

9Paul Vancassel pose cependant l’hypothèse qu’il est possible d’esquisser une typologie des principaux regards photographiques, déterminés par des moments marquants de l’histoire du médium. Synthétisée en un schéma triangulaire, cette proposition de typologie positionne différents types de regards photographiques les uns par rapport aux autres en fonction de trois pôles : celui de la photographie artistique, celui de la photographie d’information et celui de la photographie scientifique. Les exemples de regards sélectionnés par l’auteur sont évalués selon ces curseurs, en fonction du lien qu’ils entretiennent avec ces directions possibles de l’intentionnalité photographique. Se trouve dès lors principalement retenue l’intention photographique qui anime « l’activité productrice des images ».

10Une histoire des regards photographiques se présente donc à la fois comme une somme historique et comme un kit d’outils de réflexion sur la photographie permettant de dépasser ou de questionner un certain nombre d’idées reçues. L’ouvrage interroge un grand nombre d’approches, qu’elles soient philosophiques, historiques ou liées au champ des sciences de l’information et de la communication, se plaçant à la croisée de savoirs distincts. Une histoire des regards photographiques présente ainsi l’intérêt d’extraire du champ disciplinaire des sciences de l’information et de la communication un certain nombre de connaissances et d’outils, susceptibles d’être appliqués à la photographie.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Oscar Barnay, « Paul Vancassel, Une histoire des regards photographiques »Focales [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 30 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/focales/2455 ; DOI : https://doi.org/10.4000/focales.2455

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Auteur

Oscar Barnay

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

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