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Notes de lecture

Danièle Méaux, Photographie contemporaine & anthropocène

Landebaëron, Filigranes Éditions, 2022, 288 pages
Jean-Pierre Mourey
Référence(s) :

Danièle Méaux, Photographie contemporaine & anthropocène, Landebaëron, Filigranes Éditions, 2022, 288 pages

Texte intégral

1La photographie, liée depuis ses origines à la réalité qui l’entoure, tend aujourd’hui à se confronter à l’évolution de la société et à ses crises actuelles. Elle se mesure en particulier à l’« anthropocène », soit à l’activité que les hommes exercent sur l’écosystème et à l’amplitude des transformations planétaires de ces dernières décennies. Danièle Méaux repère et étudie de façon détaillée ces pratiques photographiques.

2Les photographes contemporains qui sont ici pris en compte n’ont pas pour première visée d’établir l’« articité » de leurs œuvres. Dans le même temps, ils ne manifestent pas une foi naïve en l’objectivité de l’image. Posant un regard critique sur les systèmes de représentation, une attention réflexive à leur propre travail, ils utilisent divers moyens pour développer une vision descriptive, analytique, cognitive du monde actuel. Au fil de l’ouvrage, certaines procédures vont être intensément explorées : relation à l’écrit, mise en réseau d’éléments de nature sémiotique différente, recherche sur les modalités de monstration et de présentation spatiale des œuvres.

3Le livre de Danièle Méaux ne se veut pas un recensement exhaustif des travaux qui questionnent la notion d’anthropocène. Il vise plutôt à mettre en évidence la valeur paradigmatique des œuvres choisies. Dans cette confrontation au monde, la photographie, qui a toujours été en prise sur le réel, peut adopter des procédures et des protocoles variés. Choisissant de ne pas être seulement « impressionnés » par les catastrophes, les transformations, les pollutions, les photographes qui sont étudiés ont élaboré des dispositifs complexes qui sont générateurs d’interrogation et de réflexion pour le spectateur. Des cadrages, des profondeurs de champ, des points de vue (photographies de petits chemins de Thierry Girard, de Beatrix von Conta ou de Brigitte Bauer), des dimensions (petits formats de Bernard Plossu) sont explorés. Mais les photographies sont également combinées avec des textes, des cartes ou des schémas. La nécessité de se construire un parcours parmi ces éléments suscite l’activité, l’intelligence du récepteur. Le dispositif d’interaction entre ces différents éléments fait que le spectateur ou le lecteur doivent mobiliser leur activité critique selon des voies diverses.

4Le propre des œuvres analysées et de leur réception est de tenir ensemble le voir et le penser, le sensible et l’intellect. Le jeu sur les formes et les formats, les agencements spatiaux entraînent le spectateur de l’exposition, le lecteur du livre, le sujet déambulant dans l’installation (les trois statuts se mêlent et se cumulent parfois) à conjuguer approche sensible et analyse. Et, si l’on considère ces travaux à l’aune de l’histoire de l’art et de l’art contemporain, leur intérêt est d’explorer différents paramètres de la production et de la réception : changement d’échelle, collecte et réappropriation critique des images déjà existantes, mise en réseau des documents (selon le modèle de l’Atlas d’Aby Warburg), pratique de l’installation ou encore performance in situ. Toute cette élaboration ne vise pas un repli sur soi, mais au contraire une saisie plus aigüe du réel et des tensions de la société.

5En effet, ces « machines de réflexion » sont, pour nombre d’entre elles, critiques de l’état social et écologique, des systèmes de production. Dans ces œuvres, se succèdent les flancs de montagne blessés ou recouturés (Bertrand Stofleth, Julien Guinand, Olivier de Sépibus), un cours d’eau asséché par l’industrie (ruisseau des Aygalades et terrains situés à la périphérie de Marseille photographiés par Geoffroy Mathieu), des espaces urbains enlaidis, des mixtes paysagers d’usines polluantes et de collines avenantes (Jürgen Nefzger), les signes d’une hyper-exploitation liés à la douceur des lignes naturelles (Richard Misrach). À travers une étude riche et fine, Danièle Méaux analyse les œuvres de ces nombreux photographes et met en évidence leurs enjeux.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Pierre Mourey, « Danièle Méaux, Photographie contemporaine & anthropocène »Focales [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 23 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/focales/2586 ; DOI : https://doi.org/10.4000/focales.2586

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Auteur

Jean-Pierre Mourey

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