Navigation – Plan du site

AccueilNuméros151Entre morale, enseignement techni...

Entre morale, enseignement technique et tâches ménagères : les écoles ménagères agricoles publiques du Doubs (1910- 1960)

Public agricultural home economics schools in the Doubs region swayed between morality, technical teaching and household chores from 1910 to 1960
Zwischen Moral, Fachausbildung und Hausarbeit : die öffentlichen landwirtschaftlichen Hauswirtschaftsschulen im Doubs (1910 - 1960)
Entre moral, enseñanza técnica y tareas domésticas : las escuelas domésticas agrícolas públicas de Doubs (1910- 1960)
Fabien Knittel et Adeline Divoux-Bonvalot
p. 23-43

Résumés

Les écoles ménagères agricoles proposent des enseignements techniques destinés aux jeunes filles vivant à la campagne. Il s’agit de les convaincre de travailler au sein de la ferme familiale dans leur village, dans un contexte où, sur la période1910-1960, l’exode rural est élevé. Nous mobilisons l’étude de cas du département du Doubs, où tous les types d’écoles ménagères coexistent durant la période étudiée. Nous montrons l’importance des enseignements ménagers agricoles pour les jeunes rurales. S’ils ne sont guère un facteur d’émancipation féminine radical, ils n’en occupent pas moins une place, aussi modeste soit-elle, dans les évolutions du rôle des femmes en milieu rural, durant la première moitié du XXe, qui leur permet de s’affranchir, en partie, de certains carcans de la domination masculine.

Haut de page

Texte intégral

Introduction

1Durant la première moitié du XXe siècle, les écoles ménagères agricoles sont destinées à dispenser aux jeunes filles une instruction agricole et ménagère (hygiénisme, rudiments de gestion domestique et agricole, comptabilité, sciences et techniques), avec l’ambition principale de former des ménagères aguerries, leur permettant de collaborer à la bonne conduite d’une exploitation agricole (ADD, M 4066 ; Lebeaume, 2014, p. 36). Les enseignements ménagers et agricoles proposés le sont principalement dans le cadre d’une scolarité post-obligatoire, en particulier au sein des écoles ménagères agricoles publiques (certaines èlèves bénéficient aussi d’un enseignement ménager durant leur scolarité obligatoire).

2L’objectif de ces écoles, qu’elles soient itinérantes ou non (Lembré, 2010), est à la fois de proposer des enseignements techniques à destination des jeunes filles vivant à la campagne, et de convaincre ces dernières du bien-fondé de travailler au sein de la ferme familiale et de rester dans leur village, dans un contexte d’accélération de l’exode rural (Boulet, 2014, pp. 105-106). C’est dans cette configuration que les propositions d’enseignements techniques pour les jeunes filles, au sein des écoles ménagères agricoles, peuvent être comprises et analysées. Comme le rappelle Jacqueline Sainclivier (2005, p. 117 et p. 119), les travaux historiographiques sont encore rares lorsqu’il s’agit d’aborder la place des paysannes, ou plus généralement des femmes, au sein des milieux ruraux ; il y a là encore une lacune historiographique. Les « barrières masculines » concernant les métiers de la terre ainsi que l’« ordre patriarcal » sont omniprésents dans le quotidien des ruraux et des rurales (Lagrave, 1987, p. 12 et p. 18 ; El Amrani-Boisseau, 2012). Dans les écoles confessionnelles, les stéréotypes de genre sont maintenus, garantissant la reproduction des sociétés rurales traditionnelles (c’est-à-dire les modes de vie en milieu rural fondés sur les pratiques, façons de faire, les manières de penser transmises de génération en génération sur de longues périodes, souvent depuis l’Ancien Régime (Knittel & Divoux-Bonvalot, 2019)). Le passage par l’école ménagère agricole publique est peu susceptible d’entraîner une remise en cause de l’ordre social et des normes de genre. Or, on peut néanmoins s’interroger sur le devenir des élèves après leur passage dans ces écoles et sur les conséquences de ce passage sur leur devenir ; et poser la question d’éventuelles évolutions du rôle des femmes en milieu rural, aussi modestes soient-elles. En d’autres termes, comment les jeunes rurales du Doubs ont investi ces formations et qu’en ont-elles fait réellement ? Nous cherchons ici à préciser la place de la formation technique de type scolaire, dans le cadre des écoles ménagères agricoles publiques, afin de mieux comprendre son impact sur le rôle des femmes dans les exploitations agricoles. L’école primaire, qui accueille massivement les jeunes filles depuis l’obligation scolaire de 1882, propage une sorte d’idéal féminin, une « nature féminine » qu’elle se doit de développer et de maintenir, matrice de nombreux stéréotypes de genre (Clark, 1984, pp. 60-80). Ce constat effectué par Linda Clark à propos du discours scolaire sur les jeunes filles, véhiculé par l’école primaire depuis la fin du XIXe siècle, est, et c’est notre hypothèse, valable pour l’enseignement technique et ménager. Nous chercherons à préciser et à confirmer ou non cette hypothèse à partir d’une étude de cas départementale.

3Le choix du département du Doubs pour mener une étude de cas consacrée aux écoles ménagères agricoles publiques est lié à l’existence de systèmes agraires variés, polyculture-élevage dominante en plaine et agriculture de montagne importante, fondée sur l’élevage bovin laitier et la production fromagère dans le massif du Jura. Le département du Doubs est aussi marqué par une forte industrialisation depuis la fin du XIXe siècle. S’y exercent donc de fortes tensions liées à l’exode rural, ainsi que des transformations profondes au sein des sociétés rurales traditionnelles (Fohlen, 1977, p. 423).

4Depuis le milieu du XIXe siècle, la Franche-Comté est concernée par un exode rural important. Dans le département du Doubs, les ruraux choisissent le plus souvent de quitter la campagne pour s’installer à Besançon. Le Doubs compte 190 000 habitants en 1901 et seulement 163 000 en 1954 (Fohlen, op. cit., p. 412-413 et p. 417). Dans ce département, durant la période 1910-1960, tous les types d’écoles ménagères coexistent : des écoles ambulantes, des cours post-scolaires et des établissements privés confessionnels (Knittel & Divoux-Bonvalot, 2019), fixes ou ambulants, ainsi que des Maisons familiales et rurales (MFR) (Bonvalot, 2015, pp. 105-106 ; Sanselme, 2000a ; Sanselme, 2000b). L’école publique y est bien connue grâce aux travaux de Jacques Gavoille (1981 ; 2010). L’école privée, en revanche, n’a pas encore fait l’objet de travaux d’envergure (Knittel & Divoux-Bonvalot, 2019). Dans les campagnes, pour les filles, sont principalement créées des écoles agricoles ménagères ambulantes : à l’échelle de la France, on en compte 37 en 1920-1921 et 61 en 1932 (Lembré, 2016, p. 65 ; Charmasson & al., 1999, p. 82). Au début des années 1920, il n’existe que deux écoles ménagères agricoles fixes en France : en Bretagne, à Kerliver et à Coëtlogon (à partir de 1923) (Cocaud, 1999). En revanche, en 1928, il y a 45 écoles ambulantes, dont deux seulement pour le département du Doubs. Toutefois, cette offre scolaire de formation technique ménagère et agricole est complétée par des cours post-scolaires qui se développent dans le Doubs après la Première Guerre mondiale. En outre, le département est pourvu de nombreuses structures d’enseignement agricole pour les garçons, que ce soit l’École nationale d’industrie laitière de Mamirolle, les fermes-écoles ou encore les fruitières-écoles du Haut-Doubs (Knittel, à paraître fin 2020).

5À l’échelle de la France, au début des années 1920, on compte 479 cours d’agriculture organisés et soixante cours ménagers agricoles auxquels assistent 7 000 élèves durant l’année scolaire 1920-1921 et 9 400 en 1921-1922 (Lelorrain, 2000, pp. 110-111). Globalement, le Doubs est parfaitement inséré dans la dynamique de développement de l’enseignement technique agricole, tant pour les garçons que pour les filles. Il faut relever aussi que d’autres structures d’enseignement technique sont proposées aux jeunes filles. Par exemple, elles sont admises à l’école d’horlogerie de Besançon à partir de 1917 (Durpoix, 2017 ; Richard, 2015). Il faut aussi compter avec l’école primaire supérieure de jeunes filles, ouverte à Besançon à partir de 1877 (Kessler, 2014). Cependant, cette offre est avant tout urbaine ; en milieu rural, l’enseignement ménager agricole domine. En Haute-Saône, toutefois, l’apprentissage de la couture, de la broderie et de la dentelle correspond à une alternative sérieuse aux études ménagères agricoles (Jacquemin, 2017 ; Prêtre, 2017).

6Cette analyse, à hauteur de son ambition d’étude de cas, échelle qui ne permet pas toujours de généraliser (Chapoulie, 2018), vise à approfondir la connaissance que l’on a de la place des jeunes filles et des femmes en milieu rural. Cette connaissance est encore très incomplète si l’on suit Martine Cocaud & Jacqueline Sainclivier (2007), qui en fournissent les premiers jalons dans leur article.

7Sur le plan méthodologique, cette étude de cas est fondée sur le croisement de sources archivistiques classiques et d’entretiens avec d’anciennes élèves. Les premières correspondent principalement à des documents consultés aux archives départementales du Doubs ou aux archives municipales de Besançon (ADD M 2129 ; M 4066 ; M 4138) : il s’agit de documents officiels, des plans de cours, des emplois du temps, ou encore des programmes d’enseignement. Ce sont des informations statiques relevant d’une prescription, voire d’une norme. D’où le croisement avec des entretiens permettant une approche plus dynamique afin de percevoir les aspects concrets et quotidiens du travail scolaire au sein des écoles ménagères agricoles publiques. Le travail d’enquête a abouti à collecter 37 entretiens qui ont été réalisés durant l’année 2014-2015, dont 18 ont été accompagnés d’un témoignage écrit. Durant la même période, quinze témoignages écrits supplémentaires ont été collectés sur ces écoles confessionnelles (Knittel, Bonvalot, 2019 ; Bonvalot, op. cit. ; Descamps, 2001). Cependant, 25 témoignages concernent les écoles ménagères agricoles confessionnelles. Ils sont donc exclus du corpus utilisé pour cet article consacré aux écoles publiques.

8Le croisement des entretiens et des témoignages écrits avec les archives institutionnelles compose un corpus dont l’hétérogénéité permet une approche globale des écoles ménagères sur la période étudiée.

9Toutefois, bien que varié, ce corpus comporte aussi ses zones d’ombre. Ce sont principalement d’anciennes élèves qui ont été interrogées, les anciennes enseignantes ayant souvent disparu depuis plusieurs années. Seule une ancienne enseignante de l’enseignement ménager agricole public du Doubs a pu être rencontrée. Il s’agit de Jeanne R. (née en 1922), institutrice de cours post-scolaire de 1942 à 1967 (deux autres enseignantes de l’enseignement ménager agricole confessionnel, au sein duquel elles ont enseigné à partir de la fin des années 1960, ont pu répondre à notre enquête).

10L’analyse est donc davantage menée du point de vue des élèves. Pour celui des enseignantes, nous nous sommes contentés d’utiliser les sources d’archives à notre disposition, croisées, lorsque cela était possible, avec certains des souvenirs des anciennes élèves.

11Bien évidemment, ce corpus est bien trop limité pour quelque exploitation statistique que ce soit. Toutes nos analyses et interprétations relèvent donc d’une démarche qualitative (Chapoulie, op. cit., p. 67). Jean-Michel Chapoulie, dans son article de 2018, s’inspire de « la méthode documentaire d’interprétation » élaborée par Harold Garfinkel (2009, pp. 149-186) à partir de « la connaissance de sens commun des structures sociales ». Les résultats empiriques obtenus fournissent cependant une image suffisamment nette pour permettre une compréhension des logiques sociales des choix et trajectoires scolaires à l’échelle micro de notre étude de cas.

12Dans cette perspective, nous analysons, successivement, les premières années de fonctionnement des écoles ménagères agricoles ambulantes et des cours post-scolaires du département du Doubs (des années 1910 aux années 1930), puis les transformations des années 1930-1945. Enfin, les changements de l’après-guerre, de la Libération aux années 1960, sont étudiés (c’est dans cette partie que les entretiens et les témoignages écrits d’anciennes élèves seront utilisés).

1 Les débuts de l’enseignement ménager agricole dans le Doubs (c. 1910-c. 1930)

13Au début du XXe siècle, M. Rousset, titulaire de la chaire d’agriculture du Doubs, futur directeur des Services agricoles départementaux, déplore l’absence de centre de formation ménager agricole destiné à accueillir des jeunes filles du monde rural (Alzingre, 2001, p. 39).

14Le 15 octobre 1912, la première école ménagère agricole ambulante du département est créée par arrêté préfectoral (ADD, M 2119 ; Alzingre, op. cit., p.41). Elle ouvre le 1er novembre 1913 et sa première session a lieu à Pontarlier, jusqu’en février 1914, accueillant 24 élèves (Garapon, 1937, p. 365). À la veille de la Première Guerre mondiale, la France compte une trentaine d’écoles ménagères agricoles ambulantes.

15L’enseignement ménager a été développé à destination des jeunes filles du peuple à partir du dernier tiers du XIXe siècle et s’est propagé dans toute la France, avec plus ou moins de succès, jusqu’au milieu du XXe siècle.

16Dans le Doubs, une deuxième école agricole ménagère ambulante fonctionne à partir du 9 mars 1931 (Garapon, Ibid., p. 366). Les élèves sont accueillies sans examen à partir de 15 ans, mais doivent justifier d’une bonne instruction primaire. Avant la Première Guerre mondiale, leur inscription est subordonnée à la délivrance d’un certificat de bonne conduite (ADD, M 4066, Arrêté ministériel du 22 avril 1921, Art. 5). À la fin de la session, les élèves peuvent obtenir un certificat d’instruction ménagère agricole en cas de réussite à l’examen final. L’école ménagère agricole ambulante ne doit en aucun cas être un obstacle au travail quotidien des jeunes filles, effectué au sein de l’exploitation et du domicile familiaux (El Amrani-Boisseau, 2007). C’est à cette seule condition que l’on peut espérer que les jeunes filles soient assidues en cours. Les horaires des enseignements sont donc adaptés à cette contrainte, mais aussi assujettis aux horaires du train, du matin et du soir, pour faciliter le départ et le retour des élèves à leur domicile (ADD, M 2119).

17À partir de la loi du 2 août 1918, l’enseignement agricole ménager post-scolaire est dispensé gratuitement aux jeunes filles de plus de 12 ans dans des écoles publiques rurales ou dans d’autres locaux mis à la disposition de l’Etat par la commune (Charmasson & al., 1999, p. 71). C’est un nouveau type d’enseignement destiné aux jeunes gens et aux jeunes filles issus des mondes ruraux âgés de 13 à 18 ans. Le contexte de la première moitié du XXe siècle est favorable au développement de la scolarité post-obligatoire (Briand & Chapoulie, 2011 ; Chapoulie, op. cit.). Pour l’enseignement technique non agricole, c’est avec la loi Astier du 25 juillet 1919 que les autorités cherchent à harmoniser les pratiques d’apprentissages professionnels et à assurer un minimum de formation aux apprentis (cette loi est renforcée en 1925 avec les directives concernant la taxe d’apprentissage) (Lembré, 2016, pp. 57-60).

18Dans l’enseignement ménager agricole post-scolaire, les institutrices sont titulaires du Brevet Agricole Ménager, délivré par le ministère de l’Agriculture. En 1920, Henri Queuille, sous-secrétaire d’État à l’Agriculture, explique qu’« en l’absence du chef de famille durant la guerre, la paysanne de France a révélé des trésors de courage, d’endurance, d’intelligence lucide. Elle a vaillamment contribué à la continuité du domaine familial tout en gérant l’entretien de sa maisonnée. Si elle en a été capable, nul ne doute qu’elle est apte à profiter des connaissances générales liées à l’agriculture pour qu’elle puisse suppléer, dans la direction de l’entreprise et dans les circonstances de la vie quotidienne et pas seulement à l’occasion d’évènements extraordinaires, le chef de famille défaillant. Toutefois, il ne faut pas donner aux jeunes filles le même enseignement que les garçons car ce serait méconnaître le rôle essentiel de la fermière. Elle doit être non pas la suppléante, mais la collaboratrice et assumer des tâches nettement différenciées et spécialisées » (ADD, M 4066, 1920).

19L’enseignement ménager post-scolaire est donc avant tout fortement genré, bien que les propos d’Henri Queuille laissent espérer quelques possibilités émancipatrices, mais très limitées. Ce discours assigne leur place aux femmes au sein de l’exploitation agricole : elles sont les auxiliaires du chef d’exploitation, souvent leur mari, situation la plus fréquente et qui perdure jusqu’à la fin du XXe siècle (Lagrave, 1987 ; Pelletier, 2010 ; 2013). Toutefois, l’enseignement ménager agricole a aussi vocation à quelque peu rationaliser le travail des femmes à la maison et à la ferme en proposant un enseignement « méthodique et complet » (Brucy, 1998).

20Le but des cours post-scolaires agricoles et ménagers est de donner aux jeunes filles de la campagne l’envie d’y rester et d’y prospérer (ADD, M 4066, 1920). Dans une perspective agrarienne (Barral, 1968), il est attendu des futures « agricultrices » qu’elles empêchent ou limitent l’exode rural. On leur inculque aussi des règles morales en insistant sur leur influence au sein du foyer familial, en leur suggérant, par exemple, de freiner les visites de leur futur mari au cabaret ou au café. Bref, elles sont formées pour veiller au confort et au bien-être de leur futur foyer : « Le logis ne doit pas être seulement habitable (…) mais encore être artistement paré pour qu’on y respire la joie de vivre. Il y suffit d’un peu de goût, quelques fleurs aux fenêtres, (…), les cuivres et les étains soigneusement astiqués (…) Le charme de son intérieur fera plus pour détourner le maître de maison du cabaret que toutes les prédications les plus persuasives » (ADD, M 4066, 1920). Il s’agit de considérations qui s’inscrivent dans un contexte plus général de moralisation des catégories populaires, initiée depuis le début du XIXe siècle, notamment avec les tenants de l’hygiénisme et de la lutte contre le paupérisme (Fritsch & al., 1977 ; Battagiola, 2000 ; Jorland, 2010). En Haute-Savoie et Savoie, parmi les objectifs assignés aux écoles ménagères agricoles, la lutte contre l’exode rural est aussi centrale (Boulet, op. cit., pp. 105-106). D’ailleurs, cette lutte est au cœur des politiques de type agrarien durant la deuxième moitié du XIXe siècle et les premières années du XXe siècle (Marache, 2016).

21Le but des cours post-scolaires est donc clair : apprendre aux jeunes filles à préserver leur foyer de la misère et des maladies et à y faire régner le bien-être et la santé. La dimension morale de ces enseignements, outre leurs aspects pratiques, est donc centrale. Parmi les objectifs poursuivis par cet enseignement ménager agricole, les aspects natalistes sont très importants, dans la lignée des lois natalistes du début des années 1920 réprimant l’avortement et la publicité pour la contraception (Rollet, 1990). En milieu rural, les jeunes filles reçoivent des enseignements sur les maladies infantiles et sont initiées aux premiers soins d’urgence. Les institutrices leur apprennent aussi à composer une petite pharmacie élémentaire à usage familial. Ces enseignements participent de la lutte contre la mortalité infantile tout en affichant une visée nataliste assumée ; ils sont donc conservateurs sur le plan social.

22La durée d’une session de formation est en principe de trois mois, mais elle peut, selon les circonstances, être réduite ou augmentée selon l’avis du comité de surveillance et de perfectionnement. Si le nombre de candidates est important, l’école peut tenir deux sessions consécutives dans la même localité (ADD, M 4066, Arrêté ministériel du 22 avril 1921, Art. 7).

23La première session de l’école ménagère s’installe à Ornans, en février 1913, et accueille 29 élèves, dont 19 obtiennent leur diplôme en fin de session (Bonvalot, 2015, pp. 23-28). À Frasne, village de montagne du Hauts-Doubs au Sud-Est de Besançon, la presse locale, Le Journal de Pontarlier, annonce l’installation de l’école pour le 12 novembre 1917. Le 24 février 1918, le même journal fournit le compte-rendu de la session. Finalement, les cours ont commencé le 19 novembre et se sont terminés le 15 février par un examen auquel toutes les élèves ont participé. Le jury, composé du Sous-Préfet, du maire de Frasne, du directeur départemental des Services agricoles et du directeur de l’École normale d’instituteurs de Besançon, a attribué le diplôme à 17 élèves sur les 20 ayant suivi la session. Si les femmes sont admises au conseil de surveillance et de perfectionnement, en revanche, elles sont absentes du jury qui évalue les jeunes filles. Ces dernières voient leurs savoirs et savoir-faire « certifiés » par quatre hommes. Les lauréates ont reçu un livre de cuisine, remis par le maire de Frasne, afin de compléter les enseignements dispensés durant cette session. M. Jamart, directeur de l’École normale d’instituteurs de Besançon a, quant à lui, offert un livre d’ouvrages de dames à la plus méritante.

24La session de l’hiver 1917 est particulièrement réussie, puisque Anne-Marie Lelorrain (1992, p. 35) précise que Mme Gatard, inspectrice des écoles ménagères ambulantes, y « découvre son idéal ». Une nouvelle session est organisée sur place et un cours d’une heure trente est programmé pour les femmes et jeunes filles qui ne peuvent suivre régulièrement la session complète. Le maire de Frasne, sensible à la lutte contre l’exode rural (supposé et craint plus que réellement massif), et afin de valoriser cet enseignement et les résultats obtenus par les jeunes filles, a accepté de prendre en charge les frais occasionnés par l’organisation de cette seconde session. L’objectif de ces enseignements étant de permettre « à toute jeune fille intelligente de venir apprendre les quelques notions qui feront d’elle une bonne ménagère » (Journal de Pontarlier, 28 octobre 1917). Ces sessions trimestrielles ont permis à plus de 800 jeunes filles de profiter de ces enseignements (les archives consultées ne fournissent malheureusement pas de renseignements suffisamment précis pour mener une analyse sociologique plus fine de cette population). La dernière session a lieu au cours de l’hiver 1937-1938.

25Les jeunes filles sont évaluées en contrôle continu durant la session et par un examen général terminal pour lequel, à partir de la fin de l’année 1918, les membres du comité de surveillance et de perfectionnement composent le jury ; ce qui signifie l’entrée des femmes dans le jury qui décerne les diplômes. Sans doute un effet de la Grande Guerre. Un classement est établi et les meilleures élèves reçoivent le diplôme des écoles agricoles ménagères ambulantes (ADD, M 4066, Arrêté ministériel du 22 avril 1921, Art. 8). Des médailles d’argent, de bronze ou des livres sont décernés aux plus méritantes (ADD, M 2119).

2 Les transformations des écoles ménagères agricoles dans le Doubs, durant les années 1930-1940

26À la fin des années 1920, cet enseignement post-scolaire a peu de succès. Le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts décide de mener une enquête pour déterminer les causes de ce faible engouement des familles (ADD, M 4138, circulaire du 30 avril 1928). À sa création en 1918, l’enseignement post-scolaire dure quatre ans. Les cours s’échelonnent habituellement du début du mois de novembre à la fin du mois de mars ou mi-avril. Mais beaucoup de jeunes filles, pour des raisons diverses, ne suivent pas les cours durant tout le cursus. Ce phénomène est assez fréquent dans l’enseignement féminin à cette époque ; l’enseignement ménager agricole ne déroge pas à la règle. Tenant compte de cette situation fréquente, une circulaire du 1er septembre 1930 réduit la durée du cursus à deux années. À partir de 1938, la durée de l’instruction est ramenée à trois ans et passe de 50 heures à 120 heures, puis à 100 heures en 1941. Les enseignements proposés aux jeunes filles dans le cadre de ces cours post-scolaires ménagers agricoles sont sensiblement les mêmes que ceux proposés par les écoles ambulantes. Seul le temps consacré à chaque enseignement diffère, plus long dans les cours post-scolaires

  • 1 Cela ne correspond pas à l’année scolaire telle que nous l’entendons aujourd’hui (de septembre à ju (...)

27Avant 1931, l’école ambulante est dirigée par une institutrice et une maîtresse adjointe, toutes deux spécialisées dans l’enseignement ménager. Elles dirigent les travaux pratiques et dispensent les différents enseignements, dont les cours de gestion, tant la gestion domestique que celle qui concerne l’exploitation agricole (ADD, M 2119). Ce sont des enseignements incontournables dans ce type d’école, destinés aux filles et femmes des mondes ruraux (Joly, 2011). Le directeur des Services agricoles, professeur départemental d’agriculture, y enseigne l’agriculture et le jardinage. Il est également chargé d’inspecter l’école et d’organiser ses sessions. À la fin de chaque « année scolaire »1, il doit transmettre un rapport sur le fonctionnement de l’école et ses résultats. Ce rapport est soumis, dans un premier temps, au Conseil général, avant d’être transmis au ministère de l’Agriculture (ADD, M 4066, Arrêté ministériel du 22 avril 1921, Art. 10). Il se charge également de l’achat du matériel divers utile au fonctionnement de l’école, matériel qui doit être suffisant pour permettre aux élèves l’exécution de tous les travaux incombant à la « maîtresse de maison » d’une exploitation agricole familiale. Dans le Doubs, il est composé d’un fourneau, d’ustensiles de cuisine, d’une machine à coudre, d’une écrémeuse, d’une baratte, d’un malaxeur et de divers instruments de laiterie. Une petite bibliothèque est également mise à la disposition des élèves (ADD, M 2119). Parfois, un médecin donne des conférences sur l’hygiène et la puériculture, tandis qu’un vétérinaire dispense des cours sur l’économie du bétail (ADD, M 2119 ; ADD, M 4066, Arrêté ministériel du 22 avril 1921, Art. 9). Un conseil de surveillance et de perfectionnement donne son avis sur le programme des études et le fonctionnement de l’établissement. Outre les représentants des instances nationales et locales, il est composé de cinq « agricultrices » du département (ADD, 4066). Les femmes, même en nombre limité, ont leur avis à donner sur ces enseignements ménagers et agricoles proposés aux jeunes rurales. Cette présence féminine au sein du conseil de surveillance et de perfectionnement peut être interprétée comme un signe positif d’émancipation. Or, les enseignements proposés et validés par ce conseil où siègent ces cinq agricultrices correspondent aux tâches traditionnelles et stéréotypées attribuées aux femmes au sein des exploitations agricoles familiales, à savoir, la gestion du lait et la fabrication du beurre, la tenue de la basse-cour, les tâches ménagères et, parfois, la comptabilité du ménage et/ou de l’exploitation agricole (Segalen, 1984). La présence de ces femmes au sein du conseil de surveillance et de perfectionnement n’empêche donc pas le maintien du rapport de domination.

28Toutefois, le fait que des filles soient autorisées à poursuivre des études après la scolarité obligatoire est déjà le signe d’une lente évolution des rapports sociaux de sexe. Ici, pas de changement radical, brusque, pas de révolution, mais de lentes transformations où, petit à petit, la place des femmes en milieu rural et les rapports de domination évoluent dans un sens relativement favorable aux femmes et aux jeunes filles, grâce, en partie, à la poursuite d’études post-obligatoires. Ces enseignements participent donc de la reproduction des stéréotypes de genre en milieu rural et agricole.

29Les jeunes filles sont initiées principalement à l’économie domestique. Le programme prévoit des cours de cuisine avec l’apprentissage des techniques de conservation alimentaire. Elles apprennent aussi la couture et la coupe (ADD, M 2119) ; travaux d’aiguilles traditionnellement dévolus aux jeunes filles, enseignement genré incontournable en milieu rural. La nouveauté ici réside dans le fait qu’il est proposé un véritable apprentissage de la couture qui n’est plus considérée comme une technique liée aux qualités supposées naturelles des jeunes filles (El Amrani-Boisseau, op. cit. ; Knittel & Raggi, 2013). Il faut ajouter des notions d’hygiène et de puériculture : il est question, dans ces cours, des premiers soins à donner en cas d’accident ou de maladies, de l’hygiène indispensable à la petite enfance et des maladies infantiles (Rollet, 1990). Ces enseignements portent sur l’ensemble des connaissances théoriques et pratiques nécessaires à toute maîtresse de maison rurale pour diriger son ménage et tendent à donner aux élèves des habitudes d’ordre et de propreté.

30Si les jeunes filles sont formées aux tâches ménagères, elles reçoivent aussi une formation agricole avec des enseignements de comptabilité et de laiterie (principalement la beurrerie et plus rarement la fromagerie) (Knittel, 2014 ; Joly, op. cit.). Ces enseignements sont le signe d’une volonté de rationalisation, voire de modernisation, de l’agriculture à travers l’éducation/instruction des jeunes paysannes, futures actrices du monde agricole aux côtés des hommes. Les élèves profitent également de visites dans des exploitations agricoles. Jardinage, arboriculture fruitière et basse-cour complètent cet ensemble qui correspond à ce que l’on attend traditionnellement des jeunes filles et des femmes au sein d’une exploitation agricole durant les années 1910-1960 (Sainclivier, 2005). Or, on sait que ces programmes scolaires sont à nuancer et que les femmes interviennent encore souvent pour certains travaux de plein champ (ce qui leur a permis de pallier facilement la mobilisation des hommes, lors des récoltes de l’été 1914) (El Amrani-Boisseau, op. cit.).

31Sans changement par rapport à la situation au début du XXe siècle, les élèves sont initiées à l’économie domestique, à la cuisine, à la coupe et à la couture/tricotage, l’hygiène et la puériculture, ainsi qu’à la comptabilité, à l’agriculture, l’horticulture, la zootechnie (dont la basse-cour), aux techniques de laiterie, enfin, aux sciences physiques et naturelles avec des notions de chimie et de botanique.

32Certaines disciplines sont enseignées sous la forme de leçons de choses (Kahn, 2002). L’économie domestique recouvre aussi bien l’entretien de la maison que celui du linge et du corps, mais aussi l’utilisation de la ventilation, du chauffage ou des conditions d’un bon éclairage. Pour la couture, il s’agit d’apprendre à coudre un vêtement, mais aussi à acheter judicieusement et avec discernement les fournitures nécessaires à sa confection. Le cours de cuisine, quant à lui, comprend la confection de menus et également un enseignement sur toutes les préparations, en amont et en aval du menu, comme les achats et la conservation des aliments. Les cours d’hygiène concernent le corps et la maison avec pour but la connaissance, par les jeunes filles, des « bons et mauvais microbes » (ADD, M 4066, 1920). L’enseignement de la comptabilité a lui aussi de multiples facettes : les institutrices enseignent la tenue d’un livre de compte, les caractéristiques de l’expédition des produits de la ferme, mais également le fonctionnement des systèmes de prévoyance et d’épargne (Joly, op. cit.).

33Le cours d’agriculture permet aux élèves de connaître les fondements techniques de l’exploitation de la terre, mais aussi les différentes institutions d’enseignement, de solidarité, de mutualité et de coopération agricoles. Des visites dans les exploitations sont également programmées pour que les jeunes filles puissent y observer des applications concrètes de ce qui a été enseigné de manière théorique (Benoît & Knittel, 2001 ; 2017). Au retour des visites, les jeunes filles en rédigent des comptes rendus. Ce qui a été vu sert aussi de support pour des travaux pratiques.

34Autant d’enseignements que l’on retrouve peu ou prou dans les écoles ménagères agricoles ambulantes du département de la Savoie, d’après le témoignage de Paulette Falcoz-Badet, enseignante retraitée (Boulet, op cit., pp. 174-179).

35Au cours du 1er trimestre 1938, dans le Doubs, 46 élèves profitent de ces enseignements. À cette date, par exemple, 26 élèves étudient aux Fourgs et 20 à Ornans. Le décret-loi du 17 juin 1938 rend l’enseignement ménager agricole obligatoire. Il doit être dispensé au sein des écoles primaires ou par l’intermédiaire de cours par correspondance : « L’enseignement post scolaire agricole et l’enseignement ménager agricole seront désormais obligatoires pour tous les jeunes gens âgés de 14 à 17 ans et pour toutes les jeunes filles âgées de plus de 15 ans se destinant à l’agriculture et qui ne poursuivaient pas d’autres études » (Décret-loi du 17 juin 1938). À la fin du cursus, les meilleures élèves obtiennent le Certificat d’études agricoles ménagères. Les effectifs fluctuent énormément d’une année à l’autre, sans raison particulière autre que la démographie locale.

36Les affres de la guerre et de l’Occupation empêchent la mise en application de ce décret-loi. Le 17 octobre 1939, le ministre de l’Agriculture annonce à tous les directeurs des Services agricoles que les écoles d’hiver fixes et les écoles ambulantes doivent rester fermées pendant les hostilités (ADD, M 4066, Écoles ambulantes du Doubs, 1921-1940). Aux Fourgs, en 1939, six jeunes filles suivent le cours post-scolaire ménager, tandis que l’année suivante, l’effectif des institutrices d’enseignement post-scolaire ménager agricole dans le département du Doubs est très faible (ADD, M 4066, lettres du Préfet du Doubs au ministre de l’Agriculture, 10 juin 1939 et 1er juin 1940). Ces institutrices possèdent le Brevet agricole ménager, ou le Certificat de fin d’études d’une section d’enseignement agricole ménager créée cette année-là (Alzingre, 2001, p. 304).

37La loi du 5 juillet 1941 réorganise les structures de l’enseignement agricole mises en place par la loi du 2 août 1918. L’enseignement post-scolaire ménager agricole apporte « un complément de culture générale » et assure « une formation professionnelle pratique aux filles qui se destinaient à l’agriculture » (Journal Officiel, 8 juillet 1941, pp. 2855-2857). Il représente alors le 1er degré de cet enseignement et est placé sous l’autorité conjointe du ministère de l’Agriculture et de l’Éducation nationale (direction de l’Enseignement primaire) (Lebeaume, op. cit., p. 120). En 1941, les institutrices publiques comme leurs collègues du privé doivent posséder le Certificat d’aptitude à l’enseignement ménager agricole, délivré conjointement par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture et le secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse (Charmasson, Lelorrain, Ripa, 1992).

38À cette époque, la volonté du gouvernement de Vichy de former les agriculteurs, conformément à son idéologie réactionnaire de retour à la terre et d’idéalisation des campagnes, aboutit à la résolution de favoriser le développement de l’enseignement post-scolaire ménager, mais aussi à un enseignement agricole ménager rival : l’enseignement privé (Charmasson & al., 1999, p. 94 ; op. cit., 2014, p. 86). Dans le département du Doubs, l’enseignement ménager est développé (conformément à la loi du 18 mars 1842) et proposé aux jeunes filles des catégories populaires (Cussey-Besançon, 2019-2020, p. 188 ; Muel-Dreyfus, 1996, p. 271). À la campagne, c’est un enseignement ménager agricole renouvelé qui est proposé aux jeunes rurales. La loi du 12 juin 1943 modifie celle du 5 juillet 1941 et augmente la durée de scolarisation, qui passe de deux à trois ans (Charmasson, Lelorrain, Ripa, 1992, p. 452). Les principaux enseignements ménagers proposés avant-guerre sont toujours dispensés aux jeunes rurales : elles reçoivent des cours sur l’entretien de la maison, la confection de vêtements, sur le blanchissage et le repassage, sans oublier la cuisine. Elles bénéficient aussi d’une initiation à la psychologie et à la morale, ainsi qu’au droit usuel et aux éléments de comptabilité parallèlement à la puériculture et à des enseignements d’hygiène corporelle (Cussey-Besançon, 2019-2020, p. 208). Le 29 décembre 1943, un décret officialise le statut à temps plein des maîtres et maîtresses des cours post-scolaires agricoles et agricoles ménagers itinérants. Jusqu’au 1er décembre 1944, l’enseignement post scolaire ménager agricole du Doubs n’est dispensé que par une institutrice fixe. Le nombre restreint d’institutrices « certifiées » ou simplement qualifiées en empêche le développement tant espéré par le gouvernement de Vichy.

3 Un enseignement ménager agricole émancipateur ? (c. 1945-c. 1970)

39En 1950, dans le Doubs, seules quatre institutrices se partagent ces enseignements post-scolaires agricoles et ménagers. Parmi elles, Jeanne R. (née en 1922). Elle a suivi les cours ménagers agricoles post-scolaires durant la seconde moitié des années 1930. Elle est d’origine rurale, mais pas agricole, sa mère est couturière (entretien, 22 mars 2015). Elle obtient son Brevet élémentaire en 1938, ce qui lui permet alors de prétendre à l’enseignement primaire. Sans intégrer une école normale d’institutrices, elle prépare et obtient son Brevet supérieur en 1943. Ce diplôme est préparé alors que Jeanne R. enseigne déjà à l’école primaire depuis l’année précédente. Après la Guerre, elle passe avec succès le Certificat d’aptitude pédagogique (1945), puis obtient le Certificat d’aptitude à l’enseignement ménager agricole en 1947. Son intérêt pour l’enseignement agricole est peut-être à relier à son mariage, puisqu’elle épouse un agriculteur installé à l’Isle-sur-le-Doubs (Jeanne R., entretien, 22 mars 2015). Elle enseigne alors dans les cours post-scolaires ménagers agricoles jusqu’en 1967. Elle évoque sa double charge de travail entre ses cours et l’aide qu’elle apporte au sein de la ferme familiale, en particulier la traite, tôt le matin, avant de se rendre en classe (Jeanne R., entretien, 22 mars 2015). En France, le contexte politique est devenu plus favorable aux femmes après la Seconde Guerre mondiale : elles obtiennent le droit de vote en 1944, donc la pleine et entière citoyenneté. Ces conquêtes politiques facilitent aussi le quotidien de celles qui souhaitent s’affirmer autrement que comme mère et femme au foyer, à l’image de Jeanne R. qui est devenue enseignante alors même que son origine sociale ne l’y destinait pas a priori.

Encadré 1. Entretiens et témoignages écrits
Tous les témoignages sous forme d’entretiens semi-directifs ou de témoignages écrits ont été collectés par Adeline Divoux-Bonvalot. Le questionnaire proposé comportait une quinzaine de questions nécessitant des réponses courtes. Ces dernières ont souvent été complétées par des lettres d’une dizaine de pages.
Fernande G. (née en 1945), entretien, complété d’un témoignage écrit, hiver 2014-2015.
Françoise S. (née en 1946), témoignage écrit, hiver 2014-2015.
Hélène M. (née en 1938), entretien et témoignage écrit, mars 2015.
Jeanne R. (née en 1922), entretien du 22 mars 2015.

40Après la Libération, beaucoup d’élèves des écoles ménagères agricoles publiques sont des jeunes filles issues de famille d’agriculteurs. Dans notre corpus, on en compte environ une dizaine. Par exemple, Françoise S. (née en 1946), est fille d’agriculteurs et étudie à l’école ménagère agricole de Vercel, de 1961 à 1963. Elle précise que son « objectif était de continuer à apprendre avec l’espoir de trouver un futur métier, ce qui s’est concrétisé par [son] inscription à l’école de Byans-sur-Doubs [où] il formait principalement des enseignants destinés à enseigner dans les écoles agricoles » (Françoise S., témoignage écrit, hiver 2014-2015).

41Fernande G., née en 1945, élève de la Maison familiale et rurale d’Orchamps-Vennes, de 1959-1962, ne dit pas autre chose : « J’ai travaillé dans un magasin jusqu’à mon mariage en 1968, après j’ai travaillé avec mon mari sur l’exploitation agricole » (entretien, hiver 2014-2015).

42Françoise S. étudie à Byans-sur-Doubs de 1963 à 1965. À sa sortie de cette dernière école, elle enseigne brièvement à l’école ménagère privée La providence, à Besançon, au cours de l’année scolaire 1965-1966 puis, de 1966 à 1976, à l’école ménagère privée de Seloncourt (non loin de Belfort) avant de devenir assistante sociale (témoignage écrit, hiver 2014-2015). C’est une trajectoire sociale ascendante qui ne correspond pas aux autres situations, mais qui montre la possibilité, pour certaines jeunes rurales, de bénéficier d’une promotion sociale grâce à l’enseignement ménager agricole post-scolaire.

43Le plus souvent, les filles d’agriculteurs qui étudient dans des cours ménagers agricoles post-scolaires travaillent ensuite au sein de la ferme familiale (celle des parents, puis celle du mari) comme, par exemple, Hélène M. (née en 1938) qui intègre une école ménagère agricole à Orchamps-Vennes, de 1954 à 1957, après un passage par la classe de 6e qui s’est avéré un échec. Elle explique qu’elle s’est « mariée à 27 ans [et que] jusque-là, [elle] aidai[t] [ses] parents à la ferme ». Elle ajoute que son « mari avait repris une partie de la ferme de ses parents » (Hélène M., entretien, mars 2015).

44En 1956, elles sont huit, toutes institutrices itinérantes, à se partager les 26 centres d’enseignement post-scolaires agricoles ménagers du Doubs. En 1960, neuf institutrices enseignent dans 25 centres qui permettent à 304 communes de profiter des cours post-scolaires agricoles. En 1965, elles sont toujours neuf institutrices à couvrir six secteurs avec 12 centres, dont trois deviennent fixes : Baumes-les-Dames, Sancey-le-Grand et Pontarlier.

45La loi du 2 août 1960 place l’enseignement agricole sous l’entière tutelle du ministère de l’Agriculture (Lelorrain, 1995, p. 59). Les institutrices des cours post-scolaires ménagers, qui s’étaient vu attribuer, depuis 1955, des responsabilités dans l’animation des centres d’information et de vulgarisation agricole et ménagère, se sentent alors démunies. Au même moment, la loi Berthoin, votée en 1959, portant la scolarité obligatoire à 16 ans, s’applique pour les jeunes filles et les garçons nés à partir du 1er juillet 1953 et qui ont 14 ans à la rentrée de septembre 1967.

46À l’occasion de l’allongement de la scolarité obligatoire, les cours post-scolaires agricoles ménagers sont remplacés, à partir de 1969, par des cours professionnels ménagers agricoles et des cours professionnels polyvalents ruraux (mixtes). Jeanne R. prépare et obtient, en 1968, son Certificat d’aptitude à l’enseignement dans les classes pratiques, ce qui lui permet de formuler une demande d’intégration dans le corps des professeurs d’enseignement de collège, dès 1969 (entretien, 22 mars 2015).

47En 1970, il ne subsiste que deux centres ménagers dans le Doubs : à Besançon et à Pontarlier ; ils ferment en 1973. Comme en Savoie, c’est la « fin d’un monde » (Boulet, op. cit., pp. 162-163). Durant les années 1960, les institutrices spécialisées dans l’enseignement ménager et agricole sont progressivement intégrées dans le corps des professeurs d’enseignement général de collège (PEGC).

48C’est d’ailleurs le cas de Jeanne R., née en 1922, qui termine sa carrière comme professeur d’enseignement général de collège (elle est stagiaire durant l’année 1975-1976) (entretien, 22 mars 2015). Le cas particulier de Jeanne R. est caractéristique d’une forme de promotion sociale grâce à l’enseignement ménager et agricole qui lui permet d’accéder à l’enseignement ; métier pour lequel elle a même obtenu des distinctions prestigieuses comme les Palmes académiques en 1972 (elle obtient aussi la Médaille de la Reconnaissance française en 2010). Cette promotion sociale n’a cependant pas été décidée au sein de la famille de Jeanne R. lorsqu’elle était encore élève à l’école primaire obligatoire. C’est sa réussite scolaire qui lui a permis de convaincre ses parents d’une poursuite d’études scolaires post-obligatoires (Chapoulie, op. cit.).

49Le contexte de cette époque (milieu des années 1940-milieu des années 1970), avec l’essor du mouvement féministe (Riot-Sarcey, 2002), le développement de la contraception (loi Neuwirth, 28 décembre 1967) et la légalisation de l’IVG (interruption volontaire de grossesse, loi Veil, 17 janvier 1975), ainsi que les droits politiques obtenus avec le droit de vote à la Libération et la réforme favorable aux femmes du code civil, durant les années 1960, participe à permettre, voire à faciliter ces trajectoires féminines ascendantes.

50Cependant, le cas de Jeanne R. est trop isolé pour en conclure quoi que ce soit. Nous sommes ici dans l’impossibilité de généraliser. Toutefois, ce cas illustre une situation de maintien en milieu rural et agricole en même temps qu’une forme d’émancipation par le travail.

51Après 1945, des évolutions sont perceptibles dans un sens plus émancipateur, mais elles accompagnent la disparition des écoles ménagères. Les témoignages recueillis auprès d’anciennes élèves indiquent cependant que l’objectif de lutte contre l’exode rural, en favorisant le maintien des jeunes femmes dans les villages, est atteint. Ce constat se limite cependant à notre corpus.

Conclusion

52Au final, l’exemple du département du Doubs révèle que les écoles ménagères publiques, fixes ou ambulantes, proposent des enseignements peu innovants dont le but est de maintenir les femmes dans leur rôle d’auxiliaire de leur mari, chef d’exploitation (Knittel & Divoux-Bonvalot, 2019). Toutefois, le simple fait de permettre à des jeunes rurales de poursuivre leur scolarité dans le cadre d’un cursus post-obligatoire d’enseignement ménager agricole est déjà, en soi, un changement apte à amoindrir, certes lentement, les cadres de la domination masculine.

53Cet exemple départemental montre aussi que l’un des objectifs principaux de ces établissements d’enseignement ménager et agricole, dans le droit-fil de la tradition agrarienne, correspond à la lutte contre l’exode rural (Charmasson & al., 1999, p. 67 et p. 86 ; Lembré, 2010, p. 164 ; Lembré, 2013, p. 269). Les jeunes filles qui suivent ces enseignements, du moins jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sont « figées » dans leur rôle de futures épouses et mères. Malgré cette scolarisation post-obligatoire, les normes traditionnelles de genre sont globalement maintenues : c’est donc un enseignement qui vise au renforcement de l’ordre social tel qu’il existe. Toutefois, nous avons identifié aussi des évolutions, certes modestes, du rôle des femmes en milieu rural durant la période étudiée. Si le « tableau » apparaît globalement figé, dans le détail, en revanche, des petits changements sont perceptibles, à l’exemple de ces jeunes filles qui sont devenues enseignantes après leur scolarité dans une école ménagère agricole du Doubs. Il en est donc de l’évolution du statut des femmes en milieu rural comme de l’ensemble de l’évolution du milieu rural sur la longue durée : il faut en revenir à la leçon de Marc Bloch (1999) et pointer la somme de petits progrès cumulatifs. Certains cas, comme celui de Jeanne R., révèlent une possible mobilité sociale ascendante et une forme d’émancipation par le travail. Cette scolarité post-obligatoire permet aussi aux femmes d’affirmer un certain nombre de compétences (en comptabilité par exemple) leur permettant de faire jeu égal, dans certains domaines, avec leur conjoint chef d’exploitation (Brunier, 2013 ; Pelletier, 2010 ; 2013). Le fait d’avoir poursuivi des études au-delà de la scolarité obligatoire contribue donc, dans certains cas, à modifier les rapports sociaux de sexe, y compris au sein de l’exploitation agricole, même si ce n’est pas toujours très visible au regard des normes de l’époque.

54Les sources disponibles utilisées pour écrire l’histoire de ces écoles ménagères agricoles publiques du département du Doubs renseignent sur les enseignements, sur les études de certaines élèves, un peu moins sur les conditions de vie matérielle quotidiennes, et très peu sur les enseignantes. Des recherches complémentaires sont donc à envisager pour mieux connaître ces enseignantes particulières de l’enseignement technique rural féminin.

55Finalement, ceux et celles qui ont œuvré au sein des écoles ménagères agricoles publiques du Doubs, durant les premières années du XXe siècle, ont contribué au renforcement et à la diffusion de l’image stéréotypée des deux rôles de « la » paysanne, bien que le processus ne soit en rien linéaire et qu’il soit nécessaire de le nuancer selon les cas particuliers : d’un côté, une femme au travail, mais sans métier précis, auxiliaire de son mari et, de l’autre, la « gardienne du foyer », dernier aspect d’ailleurs qui prime le plus souvent dans les écoles ménagères où la finalité domestique est essentielle (Lembré, 2013, p. 276). Ce schéma semble cependant s’atténuer fortement après 1945, où l’on constate des changements dans les profils professionnels, sans doute liés à la conjoncture de plein emploi du début des Trente Glorieuses (Chapoulie, op. cit.). Les jeunes filles scolarisées dans ces écoles sont donc, dans un premier temps, entre les années 1910 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, « figées » dans leur rôle de futures épouses et mères, puis, après 1945 jusqu’à la fin des années 1960, leur « destins » sont plus ouverts. Un certain nombre de témoignages recueillis révèlent aussi l’existence de trajectoires plus complexes.

Haut de page

Bibliographie

Alzingre L. (2001), « L’enseignement professionnel public du ministère de l’agriculture dans le département du Doubs, 1900-1925 », Comité Régional d’Histoire de l’Enseignement Agricole, L’enseignement agricole a 150 ans, 1848-1998, contributions historiques de la Franche-Comté, SRFD, Tome 2.

Archives départementales du Doubs (ADD), M 4066, « Instructions générales sur la méthode et les programmes de l’enseignement post scolaires agricole féminin, 22 octobre 1920 », Écoles ménagères agricoles fixes et ambulantes, Arrêté ministériel du 22 avril 1921.

Archives départementales du Doubs, M 2119 (1913), Recueil des actes administratifs de la préfecture du Doubs, n° 2.

Archives départementales du Doubs, M 2129 (1913), Ecoles ménagères ambulantes (avant 1918).

Archives départementales du Doubs, M 4138 (1929), Liste des cours donnés dans le Doubs, programmes des cours en divers lieux d’enseignement (janvier).

Battagiola F. (2000), « Des aides aux familles aux politiques familiales (1870-1914) », Genèses, n° 40, pp. 144-161.

Barral P. (1968), Les agrariens français de Méline à Pisani, Paris, A. Colin.

Benoît M., Knittel F. (2001), « De la conférence agricole au tour de plaine : naissance d’une pratique de pédagogie agronomique », Comptes rendus de l’Académie d’Agriculture de France, vol. 7, n° 4, pp. 105-112.

Benoît M., Knittel F. (2017), « Une brève histoire de l’agronomie clinique depuis le XIXe siècle. Trois pratiques de l’observation in situ : les conférences agricoles, les tours de plaine et les ateliers Terrain », Agronomie, Environnement et Sociétés, vol. 7, n° 2, pp. 13-18.

Bloch M. (1999, 1er éd. 1931), Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, A. Colin.

Bonvalot A. (2015), L’enseignement technique au féminin. Des écoles ménagères agricoles et rurales dans le Doubs, des années 1920 aux années 1960, Master 2, Besançon, Université de Franche-Comté, (Knittel F., dir.), dactyl., 132 p.

Boulet M. (2014), L’école des paysans en Savoie et Haute-Savoie, 1760-1960, suivi du témoignage de Paulette Falcoz-Badet, Les écoles ménagères agricoles ambulantes en Savoie, 1948-1960, Chambéry, Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, Mémoire et documents n° CXVII.

Briand J.-P., Chapoulie J.-M. (2011), Les collèges du peuple. L’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Rennes, PUR (1er éd. 1983).

Brucy G. (1998), Histoire des diplômes de l’enseignement technique et professionnel (1880-1965). L’État, l’École, les Entreprises et la certification des compétences, Paris, Belin.

Brunier S. (2013), « Les techniques de conseil ont-elles un genre ? Le métier de conseillères agricoles dans les années 1960 », in Knittel F., Raggi P. (dir.), Genre et techniques (XIXe-XXIe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp. 85-100.

Chapoulie J.-M. (2018), « Sur les rapports des classes populaires et moyennes à l’école (France, 1910-1950) : quelle « demande sociale » d’instruction prolongée ? », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, 65-3, pp. 59-93.

Charmasson Th., Lelorrain A.-M., Ripa Y. (1992), L’enseignement agricole et vétérinaire de la Révolution à la Libération : textes officiels, Paris, INRP.

Charmasson Th., Duvigneau M., Lelorrain A.-M., Le Naou H. (1999), L’enseignement agricole, 150 ans d’histoire, Dijon, Éducagri.

Clark L. L. (1984), Schooling the Daughters of Marianne : Textbooks and the Socialization of Girls in Modern French Primary Schools, Albany, State University of New York.

Cocaud M. (1999), « L’avenir de Perrette. Les premiers établissements féminins d’agriculture : les écoles pratiques de laiterie », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 106-1, pp. 121-135.

Cocaud M., Sainclivier J. (2007), « Femmes et engagement dans le monde rural (XIXe-XXe siècles) : jalons pour une histoire », Ruralia, n° 21, pp. 129-154.

Cussey-Besançon M. (2019-2020), Collèges, lycées et universités en Franche-Comté au cœur des grandes mutations de l’éducation au milieu du XXe siècle : ruptures, renouveau et continuités (1938-1947), École doctorale Langages, Espaces, Temps, Sociétés (LETS), Université de Bourgogne-Franche-Comté, dir. du Pr. Robert Belot, dactyl., soutenance prévue le 7 novembre 2020.

Descamps Fl. (2001), L’historien, l’archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Paris, éditions du Comité pour l’histoire économique et financière de la France.

Décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la formation professionnelle agricole (1918), Journal Officiel, 26 juin 1938, p. 324.

Durpoix J. (2017), Les filles à l’école d’horlogerie de Besançon depuis 1917, Master 2, Vesoul, Université de Franche-Comté, (Knittel F., dir.), dactyl., 56 p.

El Amrani-Boisseau F. (2007), « Femmes au travail dans les campagnes angevines durant le premier XXe siècle : quels mots pour quels travaux ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 114, n° 3, pp. 109-124.

El Amrani-Boisseau F. (2012), Filles de la Terre. Apprentissages au féminin (Anjou, 1920-1950), Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

Fohlen Cl. (1977), « La Franche-Comté de 1870 à 1945 », in Fiétier R. (dir.), Histoire de la Franche-Comté, Toulouse, Privat.

Fritsch Ph., Joseph I., Battegay A. (1977), Disciplines à domicile, Recherches, n° 28, novembre.

Garapon L. (1937), Enquête agricole de 1929, département du Doubs, Rapport général, Besançon.

Garfinkel H. (2009), Recherches en ethnométhodologie, Paris, PUF « Quadrige », (1er éd. sous le titre Studies in ethnomethodology, 1969).

Gavoille J. (1981), L’école publique dans le département du Doubs, Paris, Les Belles Lettres, « Annales littéraires de l’Université de Besançon, Cahiers d’études comtoises », vol. 30.

Gavoille J. (2010), Du maître d’école à l’instituteur, La formation d’un corps enseignant du primaire. Instituteurs, institutrices et inspecteurs primaires du département du Doubs (1870-1914), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté.

Jacquemin Ch. (2017), L’apprentissage de la dentelle et de la broderie en Haute-Saône (1916-1936), Master 2, Vesoul, Université de Franche-Comté, (Knittel F., dir.), dactyl., 65 p.

Joly N. (2011), “Shaping records on the farm : Agricultural record-keeping in France from the nineteenth to the Liberation”, Agricultural History Review, 59-1, pp. 61-80.

Jorland G. (2010), Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard.

Kahn P. (2002), La leçon de choses. Naissance de l’enseignement des sciences à l’école primaire, Villeneuve D’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.

Kessler L. (2014), L’école primaire supérieure féminine de Besançon 1877-1941, Master 2, Besançon, Université de Franche-Comté, (Knittel F., dir.), dactyl., 79 p.

Knittel F. (2014), « L’‘éducation’ des fruitiers et des laitières de Franche-Comté au XIXe siècle : entre initiation domestique, apprentissage professionnel et transmission scolaire », Les Études sociales, vol. 159, n° 1, pp. 119-132.

Knittel F. (à paraître fin 2020), Agronomie et techniques laitières. Le cas des fruitières de l’Arc jurassien (1790-1914), Paris, Classiques Garnier, coll. « Histoire des techniques », 390 p.

Knittel F., Divoux-Bonvalot A. (2019), « L’enseignement technique rural au féminin. L’exemple de quelques écoles ménagères agricoles privées du Doubs (années 1900-années 1960) », Cahiers de RECITS, n° 11, pp. 141-168.

Knittel F., Raggi P. (2013), « Des techniques au genre et retour », in Knittel F., Raggi P. (dir.), Genre et techniques (XIXe-XXIe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp. 11-21.

Lagrave R.-M. (dir.) (1987), Celles de la terre. L’invention politique d’un métier, Paris, éditions de l’EHESS.

Lebeaume J. (2014), L’enseignement ménager en France. Sciences et techniques au féminin, 1880-1980, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Lelorrain A.-M. (1992), « La vie quotidienne de l’enseignement agricole ménager (1913-1922), Annales historiques de l’enseignement agricole, n° 4-5, pp. 31-41.

Lelorrain A.-M. (1995), « Le rôle de l’école laïque et des instituteurs dans la formation agricole », Histoire de l’Éducation, n° 65, pp. 51-69.

Lelorrain A.-M. (2000), « Le rôle de l’école primaire dans la formation des agriculteurs de la Révolution à la Libération », in Boulet M. (dir.), Les enjeux de la formation des acteurs de l’agriculture, 1760-1945, Dijon, Éducagri éd., pp. 107-114.

Lembré S. (2010), « L’expérience de l’enseignement agricole ambulant dans le Nord de la France (1900-1939) », Histoire et Sociétés Rurales, n° 34, pp. 149-180.

Lembré S. (2013), L’École des producteurs. Aux origines de l’enseignement technique en France (1800-1940), Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

Lembré S. (2016), Histoire de l’enseignement technique, Paris, La Découverte.

Marache C. (2016), Les petites villes et la modernisation agricole au XIXe siècle, mémoire inédit pour l’HDR en histoire contemporaine, Université Bordeaux Montaigne.

Muel-Dreyfus F. (1996), Vichy et l’éternel féminin. Contribution à une sociologie politique de l’ordre des corps, Paris, Le Seuil.

Pelletier J. (2010), La place des femmes dans la modernisation de l’agriculture en Loir-et-Cher de la Libération au début des années 1980, thèse d’histoire contemporaine, Lescure M. (dir.), Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2 vol. , dactyl.

Pelletier J. (2013), « Genre et techniques aux champs : la vulgarisation agricole féminine en Loir-et-Cher (1960-1970) », in Knittel F., Raggi P. (dir.), Genre et techniques (XIXe-XXIe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp. 69-84.

Prêtre F. (2017), Dentelle et production dentellière en Haute-Saône de 1850 à 1914, Master 2, Besançon, Université de Franche-Comté, (Knittel F., dir.), dactyl., 50 p.

Richard M. (2015), Le recrutement de l’école d’horlogerie de Besançon. Du localisme au rayonnement international (1862-1940), Master 2, Besançon, Université de Franche-Comté, (M. Kaci, dir.), dactyl., 80 p.

Riot-Sarcey M. (2002), Histoire du féminisme, Paris, La Découverte.

Rollet C. (1990), La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, INED / PUF.

Sainclivier J. (2005), « Une histoire des agricultrices aux XIXe-XXe siècles est-elle possible en France ? Acquis et perspectives », in Vivier N. (dir.), Ruralité française et britannique. Approches comparées, Rennes, PUR, p. 117-128.

Sanselme F. (2000a), « L’histoire sociale d’une différence identitaire ou le choix originel de l’hérésie scolaire : les Maisons familiales et rurales », in Boulet M. (dir.), Les enjeux de la formation des acteurs de l’agriculture, 1760-1945, Dijon, Éducagri éd., pp. 129-136.

Sanselme F. (2000b), Les maisons familiales rurales. L’ordre symbolique d’une institution scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Segalen M. (1984), Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, (1er éd. 1980).

Haut de page

Notes

1 Cela ne correspond pas à l’année scolaire telle que nous l’entendons aujourd’hui (de septembre à juin). Le plus souvent, il s’agit des mois d’hiver seulement.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Fabien Knittel et Adeline Divoux-Bonvalot, « Entre morale, enseignement technique et tâches ménagères : les écoles ménagères agricoles publiques du Doubs (1910- 1960) »Formation emploi, 151 | 2020, 23-43.

Référence électronique

Fabien Knittel et Adeline Divoux-Bonvalot, « Entre morale, enseignement technique et tâches ménagères : les écoles ménagères agricoles publiques du Doubs (1910- 1960) »Formation emploi [En ligne], 151 | juillet-septembre, mis en ligne le 03 janvier 2022, consulté le 25 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/8392 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.8392

Haut de page

Auteurs

Fabien Knittel

Maître de conférences HDR (habilité à diriger des recherches) en histoire contemporaine, Centre Lucien Febvre, Université de Bourgogne-Franche-Comté (UFC)

Adeline Divoux-Bonvalot

Personnel d’éducation, titulaire du Master MEEF (Métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation). Encadrement éducatif, Institut privé Sainte-Marie, Belfort

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search