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Le vrai et le faux. Élaborations et déconstructions

Réflexions autour de la notion de vraisemblance dans l’art du portrait royal à la Renaissance : l’exemple des représentations du souverain Henri IV

Reflections on the Notion of Verisimilitude in the Art of Royal Portraiture in the Renaissance: The Example of Representations of the Sovereign Henry IV
Reflexiones sobre la noción de verosimilitud en el arte del retrato real renaciente: el ejemplo de las representaciones del soberano Enrique IV
Juliette Souperbie

Résumés

Les portraits de personnages illustres, bien qu’ils aient acquis avec le temps l’aura de documents historiques voire d’archives authentiques, restent des créations pensées qui ne donnent à voir qu’une part de vérité. La vocation d’un portrait politique a toujours été de véhiculer des messages valorisants. Devenu à la Renaissance un puissant outil de communication, celui-ci associait subtilement des éléments réels à des stratégies de représentation exaltant les vertus des souverains. Henri IV, en tant que roi qui rencontra d’immenses difficultés à asseoir son pouvoir, sut néanmoins utiliser son image pour répondre aux contestations et légitimer sa place sur le trône de France. Dans le cadre de cet article, nous ferons dialoguer l’historiographie existante sur les portraits royaux de la Renaissance avec une analyse iconographique de portraits d’Henri IV créés entre 1600 et 1610 afin de nous interroger sur les limites de l’authentique dans l’étude de ce type de représentations.

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Texte intégral

  • 1 La formule « vray pourtraict » pouvait se référer à une œuvre mais était également employée au sens (...)
  • 2 À titre d’exemple, l’un des ouvrages d’André Thevet, cosmographe des derniers Valois, s’intitulait  (...)
  • 3 Peut se traduire par : « Si bien que le portrait n’est pas moins vrai que le vrai ». Cf. Pierre l’A (...)

1Les problématiques liées aux questions de vraisemblance sont importantes en histoire de l’art et prégnantes dans les réflexions relatives au domaine du portrait. Quel que soit le contexte de création d’une œuvre, son étude engendre systématiquement des questionnements sur ses liens avec la réalité. À travers des approches artistiques, historiques mais aussi anthropologiques et sociologiques, nombre de spécialistes tentent régulièrement de démêler le vrai du faux. La frontière entre ces termes ambigus est assurément variable et discutable mais les enjeux qu’elle met en lumière sont révélateurs. Au xvie siècle, alors que l’art du portrait en tant que genre artistique s’épanouit et se transforme, le terme de « vrai » lui est fréquemment associé1. Une représentation annoncée comme étant un « vrai pourtraict », qu’elle soit visuelle ou textuelle, semblait garantir ou du moins promettre une vision située au plus près de la vérité2. Cette recherche d’authenticité était un critère de réussite, elle constituait un enjeu pour l’auteur, le commanditaire et tous ceux amenés à découvrir l’œuvre. En 1546, L’Arétin écrivit par exemple au sujet du portrait d’Elisabetta Querini Massola réalisé par Titien : « Tal che il dipinto è non men ver che il vero3 ». Selon lui, le peintre était parvenu à proposer une image fidèle à la réalité, aussi « vraie » que « le vrai ». Pour atteindre cet objectif, les artistes devaient élaborer des mises en scène dans lesquelles le réel – les traits du visage, le regard, l’expression, éventuellement un costume et des accessoires appartenant au modèle – se conjuguait à l’artifice – la modification des traits et potentiellement du corps, l’ajout d’un décor et d’éléments signifiants. Afin de répondre aux exigences des clients, ils se devaient d’être observateurs, flatteurs et ingénieux. En fonction des commandes reçues et d’éventuels entretiens, il relevait donc de leur compétence de mêler ce qu’ils voyaient à ce qu’il était souhaitable de montrer.

2Le portrait, quel qu’il soit, est une création qui unit avec subtilité une part de vraisemblance à une proportion plus ou moins importante de falsification. Il ne transmet qu’une part de réalité. Le portrait de dirigeant politique, qui se développa considérablement au xvie siècle, reste plus que tout autre tributaire de l’esthétique du temps et des enjeux stratégiques. La vérité n’y est exprimée qu’au prisme d’un idéal où se confondent fidélité et sublimation pour susciter l’admiration voire l’adoration du souverain. La portée politique de l’œuvre engendrait la création d’une image crédible, en partie conforme à la réalité – le visage devait absolument être reconnaissable – et en partie éloignée d’elle par souci de plaire, de provoquer des émotions et de convaincre. Les artistes, en plus d’appliquer un principe d’embellissement plus ou moins important, mettaient en place des compositions valorisantes afin de traduire le caractère, la nature et les ambitions de leurs modèles. Nombre d’entre eux redoublèrent d’imagination pour mettre en avant leur puissance, ce qui est patent dans les représentations d’Henri IV.

  • 4 Cf. Anne-Marie Lecoq, François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l’aube de la Renaissance f (...)
  • 5 Ce terme se réfère ici au travail mené par Peter Burke sur l’image de Louis XIV : «The fabrication (...)

3De nombreux historiens et historiens de l’art se sont intéressés à la rhétorique, à l’éloquence et aux pouvoirs du portrait royal. Ces études, de plus en plus nombreuses à l’heure actuelle, apportent des éclairages considérables sur ces questions4. Dans cet article, nous ferons dialoguer cette riche historiographie avec une analyse de portraits d’Henri IV créés entre 1600 et 1610 afin de savoir s’il est envisageable d’évaluer les limites de l’authentique dans l’étude du portrait royal. En d’autres termes, est-il possible de distinguer la mise en scène politique de la réalité historique ou ces deux aspects sont-ils intimement liés ? En explorant des questions liées à la « fabrication5 » et à l’utilisation du portrait politique à travers la notion de vraisemblance, nous verrons combien ce monarque a su mettre à profit le pouvoir des images pour affirmer sa légitimité.

1. Du pouvoir des images : entre mensonges et vérités

  • 6 L’ampleur et l’intérêt de cette iconographie furent signalés à de nombreuses reprises : par le biog (...)

4Tout au long de son règne, une quantité remarquable de portraits d’Henri IV furent produits. Extrêmement diverses, ces œuvres témoignent de la nécessité qu’il eut à rassurer, persuader et impressionner pour asseoir son autorité6. Nombre de personnes au sein et hors de son royaume contestaient son accession au trône, estimant que ce protestant était un opportuniste illégitime. Les protestations se multipliaient et les tentatives d’assassinat se succédaient. Aussi chercha-t-il à s’imposer par la création d’images élogieuses et par une large diffusion de celles-ci. La production de portraits gravés devint considérable tout comme celle de peintures, médailles, sculptures, offertes en présents diplomatiques, installées dans des lieux de pouvoir ou en place publique.

  • 7 Sur ce thème, voir notamment Françoise Bardon, Le portrait mythologique à la cour de France sous He (...)
  • 8 Cf. Ernst Kantorowicz, The King’s Two Bodies: A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, P (...)

5Différents types de portraits royaux pouvaient être envisagés, présentant le modèle avec réalisme ou le mettant en scène en personnage héroïsé. En fonction des dynasties, il existait des variantes. Les Habsbourg, par exemple, ennemis du roi français, privilégiaient les portraits les figurant avec simplicité. La situation particulière d’Henri IV engendra au contraire une iconographie présentant davantage d’originalités et où il fut régulièrement travesti en héros ou en dieu de l’Antiquité gréco-romaine7. Ce corpus regroupe de nombreux portraits qui, de manière symbolique, donnaient à voir la double nature du corps du roi, celle de l’homme et celle de son esprit supposément glorieux et invincible8. Ces œuvres mêlaient donc des traits réels à des éléments inscrits dans un imaginaire collectif mythique. La peinture conservée au musée du Louvre, exécutée autour de 1600 par l’entourage de Toussaint Dubreuil, le présente par exemple métamorphosé en Hercule.

Fig. 1

Fig. 1

Entourage de Toussaint Dubreuil, Portrait de Henri IV en Hercule terrassant l’Hydre de Lerne, vers 1600, huile sur toile, 91 x 74 cm. Musée du Louvre, Paris.

© Sailko, Wikimedia Commons

  • 9 Sur cette question de l’expression et du sourire d’Henri IV : Cf. Yann Lignereux, op. cit., p. 109- (...)

6Au cœur d’un paysage urbain, le souverain, vêtu d’une tenue romaine, peau de bête sur les épaules, appuie fermement un gourdin au sol tandis qu’une créature gémissante pourvue de plusieurs têtes gît à ses pieds. L’image s’éloigne ostensiblement du vraisemblable pour mettre en évidence la force du roi, sa capacité à terrasser ses adversaires et à gouverner avec fermeté. Sa victoire est manifeste et sa puissance renforcée par un corps magnifié, imposant et dont la jeunesse contraste avec un visage marqué par la vieillesse. Cette apparence, empreinte de l’esthétique maniériste et inspirée du modèle antique, s’inscrit dans un processus d’idéalisation voué à véhiculer une conception déifiée du prince. Le peintre a volontairement exacerbé cette musculature pour vanter la bonne santé du monarque et exalter son ardeur et son efficacité au combat. Le triomphe est accentué par l’expression traduisant fierté et assurance. Se retrouve l’air enjoué du dit « bon roi Henri » privilégié dans la majorité de ses portraits au détriment d’une allure grave et autoritaire. Cette posture ferme mais empreinte de bonhomie participa à construire la réputation d’un homme avenant et sympathique, pour ses contemporains comme pour la postérité9. Ce choix repose également sur l’intention, plus ou moins consciente, de traduire spontanément les qualités d’un homme bon.

  • 10 Les écrits du duc de Sully ou ceux de Jean-Baptiste Legrain sont particulièrement évocateurs. Cf. M (...)
  • 11 Cécile Scailliérez, « Le mensonger et l’impudique. À propos d’un singulier portrait d’Henri IV pein (...)
  • 12 Yann Lignereux, op. cit., p. 117.
  • 13 Cf. Martial Martin, « Images de propagande ? Les représentations de la Ligue et l’élaboration de l’ (...)

7À en croire de nombreuses descriptions et en dépit de tout panégyrique, l’attitude donnée ici au roi ne serait pas très éloignée de la réalité, il s’agirait bien du reflet de son tempérament10. Pour autant, le costume inventé et l’ennemi irréel font de cette œuvre une image fictive. Aujourd’hui, la conjugaison étonnante qui y apparaît, alliant violence, bienveillance, mythe et déguisement, concourt à amenuir la crédibilité du modèle. Cécile Scailliérez a évoqué à son sujet un portrait « non dépourvu de ridicule sous alibi mythologique11 ». Nous pouvons en effet questionner l’efficacité de cette œuvre et de cette incarnation du pouvoir. Le roi fut décrit dans cette scène par Yann Lignereux comme « un comédien surjouant son rôle12 ». Si cette peinture projette le spectateur dans un univers fictif et que l’attitude d’Henri IV y est, encore à ce jour, jugée burlesque, la scène se réfère à des actions et des ennemis concrets. Les multiples têtes de l’hydre de Lerne sont une métaphore alors usitée du « Mal » qu’incarnaient les guerres de religion auxquelles le roi mit fin avec la signature de l’Édit de Nantes, ainsi qu’à la Ligue vaincue. Ce symbole était alors largement diffusé à travers la gravure13. La réalité d’un monde, d’une époque, celle des guerres et des traumatismes qu’elles engendrèrent chez les Français comme chez le souverain lui-même, était ainsi évitée et vue à travers le prisme de la mythologie gréco-romaine qui offrait l’avantage d’une vision moins réaliste mais plus acceptable à regarder.

2. Une vision allégorique de l’histoire

8À la Renaissance, les portraits royaux servaient à diffuser l’image physique, morale et politique des souverains, rejoignant la théorie aristotélicienne selon laquelle l’art permettrait, au-delà de la simple imitation de la nature, de percevoir la signification profonde des choses, invisible à l’œil nu. Dans ce rapport dialectique, ces œuvres étaient vouées à exprimer des idées abstraites. En plus de refléter le visage, la personnalité, les qualités du monarque, le portraitiste devait être capable de persuader que celui-ci était un personnage hors norme doté de vertus extraordinaires. Des éléments s’éloignant de la réalité étaient alors convoqués pour aider à affermir l’autorité tout en matérialisant, propageant et immortalisant les succès du règne. Henri IV, figuré en puissant Hercule, visage affable et déterminé, illustré en position dominante, est mis en scène en défenseur du royaume, foulant au pied les ennemis de la paix – paix qu’il semblait par la même occasion rétablir en incarnant la stabilité future du royaume.

9Cette composition, qui insiste sur sa capacité à éliminer ses adversaires, rejoint une thématique régulièrement présente au sein de son iconographie : celle du guerrier qui vainc par la force. C’est de la sorte qu’il apparaît sur une médaille attribuée à Nicolas Guinier, créée pour célébrer sa victoire sur le duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier, après la signature du traité de Lyon de 1601, favorable à la France, qui marque la fin de la guerre franco-savoyarde. La médaille – symbole commémoratif destiné aux cercles de l’élite – constituait alors le support idéal pour illustrer cette victoire en mêlant ces faits réels au merveilleux.

Fig. 2

Fig. 2

Nicolas Guinier (attr.), Médaille figurant Henri IV combattant le duc de Savoie en centaure, 1601, bronze, 9,6 x 7,6 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris.

© Bibliothèque municipale de Lyon

  • 14 Corrado Vivanti, «Henry IV, the Gallic Hercules», Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, (...)
  • 15 Stéphane Gal, Charles-Emmanuel de Savoie : la politique du précipice, Payot & Rivages, Paris, 2012.
  • 16 Georges Balandier dans Kristel Gualde, Ana Claudia Fonsesca Brefe (dirs.), Pouvoirs. Représenter le (...)

10Le roi travesti en Mars y affronte une créature mi-homme mi-cheval. Il est équipé d’un casque et d’un bouclier mais ne porte aucun vêtement. Si Henri IV n’a, bien entendu, jamais combattu de centaure dans le plus simple appareil, cette image renvoie néanmoins à un événement concret et à un adversaire existant, se situant, de fait, entre réalité historique et univers chimérique. Le choix de cette nudité héroïque élève le souverain au rang de dieu. Inspiré du modèle antique, son corps athlétique participe là aussi à alimenter l’idée selon laquelle il était un surhomme invincible. Sa musculature est une fois de plus exacerbée tandis que la lutte, elle, est particulièrement théâtralisée. Le centaure, dans un élan remarquable, bascule en arrière et lève la couronne qu’il avait tenté d’usurper à son rival. Cette métaphore reprend avec ironie l’image que le duc avait fait frapper en 1588, après s’être emparé du marquisat de Saluces, qui le figurait en centaure foulant la couronne royale14. Allié à l’Espagne et aux ligueurs, il avait ensuite eu pour ambition de profiter de cette coalition et des difficultés rencontrées par le royaume de France pour conquérir de nouvelles terres15. L’échec de cette tentative est ici transformé en duel féroce dans une image qui témoigne de l’habileté avec laquelle les artistes mariaient le mythe à l’histoire, en rebondissant parfois sur des métaphores existantes. « Analyser le portrait, c’est toujours rencontrer l’imaginaire et le symbolique », rappelle le sociologue Georges Balandier16. Le contexte d’érudition dans lequel s’épanouissait l’art maniériste favorisait cet emploi de signes et, dans cette guerre des images, les symboles accordaient plus de force aux victoires que des représentations réalistes auraient été en mesure de le faire. En commémorant des événements réels, ces scènes allégoriques renforçaient l’autorité monarchique et servaient d’avertissements aux ennemis de la couronne. De nombreux portraits d’Henri IV allèrent ainsi au-delà du vraisemblable afin de mieux communiquer des idées fortes, notamment celles relatives à sa résistance et sa combativité. Ils furent le fruit de constructions réfléchies dans lesquelles les artistes utilisèrent à bon escient des références savantes à des fins de glorification. Conçus à l’aide de symboles et à travers une vision idéalisée, ces portraits illustrent bien le parcours atypique de ce roi d’abord en marge, de la conquête à l’affirmation durable de son pouvoir.

3. Idéaliser pour convaincre

11Certains portraits royaux, créés pour générer une contemplation voire une émotion esthétique et intellectuelle, s’éloignaient donc inévitablement de la simple imitation du réel. Il en va ainsi d’une singulière statuette signée par Barthélémy Prieur qui montre Henri IV en Jupiter. 

Fig. 3

Fig. 3

Barthélémy Prieur, Statuette de Henri IV en Jupiter, 1610, bronze, 63 cm. Musée du Louvre, Paris.

© Tylwyth Eldar, Wikimedia Commons

  • 17 Différents cas de figure ont été imaginés, cf. Stéphane Castelluccio, Les collections royales d’obj (...)
  • 18 Résurrection, Germain Pilon, v. 1572, marbre, 215 cm, Musée du Louvre ; Résurrection, Antoine Caron (...)
  • 19 Yann Lignereux, op. cit., p. 130.

12Comme la médaille de Guinier, ce petit bronze met en place une nudité héroïque mais en ronde-bosse cette fois-ci, à la manière d’une statue antique, ce qui constituait une grande originalité pour l’époque. Là encore, ce portrait réunit magistralement monde réel et mythologie. En l’absence de document lié à la commande, son contexte de création reste à ce jour incertain mais il fut probablement exécuté dans les dernières années du règne d’Henri IV ou juste après sa mort17. Cette dernière hypothèse, faisant de Marie de Médicis l’initiatrice du projet, est renforcée par le fait qu’une statuette de la reine en Junon ait été créée en pendant de celle du roi. Si la nudité du monarque peut surprendre, il est à noter que, du côté de ses prédécesseurs, les visages de Henri II et de Henri III avaient déjà été associés à des corps dénudés, en l’occurrence à travers le thème religieux majeur de la Résurrection18. Le corps idéal et sacré du Christ qui avait été transposé aux derniers Valois devint avec Henri IV assimilé à celui du roi des dieux romains ; quant au voile de pudeur, il disparut. Des parallèles avec d’autres portraits de dirigeants accordant une importance au corps peuvent être proposés mais, comme l’historien Yann Lignereux a récemment pu le signaler, l’exemplarité de cette statuette est néanmoins à souligner19.

  • 20 Stanis Perez, Le corps du roi. Incarner l’État. De Philippe Auguste à Louis-Philippe, Paris, Perrin (...)
  • 21 Cf. Diane H. Bodart, op. cit., [chap. III : Le visage de l’empereur], p. 93-145 et Diane H. Bodart, (...)
  • 22 Le principe renouvelé à la Renaissance selon lequel un homme beau est un homme vertueux rejoint le (...)

13« Il n’y a aucun réalisme dans ce bronze », indique Stanis Perez dans son ouvrage consacré à l’étude du corps royal20. Le corps du souverain est en effet sublimé mais il est allié à un visage dont les rides, indices de sa condition humaine, témoignent, comme dans la peinture le figurant en Hercule, d’une certaine impartialité. De manière générale, les traits de ce roi ne furent pas idéalisés à outrance. Ils furent certainement harmonisés mais aucune source ne révèle l’existence de négociations relatives à la représentation du visage comme cela avait pu être le cas entre Titien et Charles Quint ou comme ce fut le cas plus tard entre Bernin et Louis XIV21. Ses représentations ne peuvent pour autant être considérées comme objectives. Il était essentiel pour tout dirigeant de partager une image améliorée de sa personne, non seulement pour satisfaire l’estime qu’il avait de lui-même mais aussi parce qu’un monarque devait être beau pour incarner le bien, l’un étant implicitement associé à l’autre22.

  • 23 Cf. Édouard Pommier, Théories du portrait. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Gallimard, 1998.
  • 24 Paola Barocchi (éd.), Lettres de Giorgio Vasari, dans Scritti d’arte del Cinquecento, vol. III, Mil (...)

14Pour qu’un portrait soit réussi, il devait traduire cette beauté idéale tout en étant impérativement ressemblant. L’artiste devait donc sélectionner les traits caractéristiques du visage tout en épurant ses défauts. Cet équilibre entre ressemblance et idéal est au cœur de la théorie du portrait à la Renaissance, d’abord développée par Alberti et Vasari en Italie23. Le cas d’Henri IV est assez paradigmatique : nez aquilin, moustache et barbe arrondie devinrent les éléments de représentation réalistes qui permettaient de l’identifier. Au cours de son règne, il usa ainsi de portraits établis entre représentation réaliste et idéalisation et sut mettre à profit le pouvoir embellisseur et narratif de l’art. Entre sincères promesses et doux mensonges, cette dialectique constante entre réalité et fiction était omniprésente dans les images du monde politique et la métaphore était souvent requise pour exposer l’esprit du modèle. Lorsque Vasari réalisa les portraits d’Alexandre et Laurent de Médicis en 1534, il qualifia par exemple son travail en utilisant le terme d’« invenzione24 ». Ce procédé fut bien celui mis en place par Dubreuil, Guinier et Prieur pour Henri IV.

  • 25 Stanis Perez, op. cit., p. 213.
  • 26 Stanis Perez, « Les rides d'Apollon : l'évolution des portraits de Louis XIV », Revue d’histoire mo (...)
  • 27 Antoine de Laval, Des Peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy, memes à sa Gallerie du (...)

15« La vraisemblance était une exigence amplement suffisante, le tout étant de présenter quelque chose qui puisse passer pour la représentation d’un vrai roi à défaut d’être la vraie représentation du roi », explique Stanis Perez au sujet de l’image royale en général25. La vraisemblance prime en effet sur la vérité dans le portrait politique, en symbolisant plus qu’en décrivant. Dans un article consacré à l’évolution physique de Louis XIV dans ses portraits, l’historien formule l’idée suivante : « Les figurations mythologiques ne sont que des mensonges à demi avoués26 ». Ces « mensonges », basés sur un recours à la fable, permettaient de mettre en lumière un pouvoir intemporel et surtout incontestable, ce qui s’avéra crucial pour Henri IV. Pourtant, ce recours n’était pas toujours jugé bénéfique et, pour Antoine de Laval, chargé de concevoir la décoration de la Petite Galerie du Louvre en 1600, ces références païennes pouvaient même desservir sa cause27.

  • 28 Yann Lignereux, op. cit., p. 135.
  • 29 Idem.

16La statuette d’Henri IV en Jupiter est loin de le montrer tel qu’il pouvait être vu mais la transposition qu’elle met en œuvre est révélatrice. Conformément à cette idée, Yann Lignereux estime qu’elle ne montre en rien un roi « trompeur », elle n’est pas selon lui « le signe de la fausseté mais elle fonctionne au contraire comme la marque de la vérité la plus absolue, sans voile ni dissimulation28 ». Cette œuvre, en s’éloignant de ce qu’il nomme « la fiction trompeuse », proposerait « l’évidence d’un roi franc29 ». Cette image du monarque nu, idéalisé, déifié, pouvant être considérée comme un mensonge, pourrait en définitive être un gage de franchise.

4. Des portraits officiels fictionnels

  • 30 Olivier Ihl, « Les effigies de la souveraineté. Du roi au président », dans Pouvoirs. Représenter l (...)

17D’autres portraits mettent ces références mythologiques de côté et proposent des représentations d’une grande sobriété. Dans les peintures réalisées vers 1600 par Frans Pourbus le Jeune, la part d’invention est tout à fait modérée en comparaison des œuvres où le souverain est héroïsé. Les registres symboliques et métaphoriques laissent place aux portraits dits « officiels ». Le roi y figure en pied, vêtu d’un costume noir pour l’un et d’une armure noire pour l’autre. Dans les deux représentations, il est positionné de face et la main appuyée sur un support. Les portraits de ce type étaient reproduits et diffusés à grande échelle à travers le royaume. D’ailleurs, la composition de ces œuvres inspira a posteriori les photographies officielles des présidents de la République française prenant place au sein des hôtels de ville30.

  • 31 Porträtgalerie zur Geschichte Österreichs von 1400 bis 1800. Katalog der Gemäldegalerie, Vienne, Ku (...)
  • 32 Diane H. Bodart, op. cit.

18Face à ces portraits, il serait alors tentant, mais erroné, d’envisager une forme de rendu authentique. Bien que peints de façon réaliste, ils ne peuvent être considérés comme des images « capturées » du réel. Pourbus reprend ici la composition de portraits existants tels celui de Henri III créé vingt-cinq ans auparavant (Kunsthistorisches Museum de Vienne31) ou ceux que les Habsbourg commandaient au même moment. Ce choix permet de faire apparaître une continuité entre ces hommes, afin de légitimer une fois de plus la place du souverain vis-à-vis de ses sujets et des dirigeants voisins. Pourbus ne peint pas un moment précis de la vie du roi, ce portrait s’inscrit dans une tradition et un imaginaire privilégié à la fois par son prédécesseur, ses ennemis espagnols et son entourage. Un archétype constitué d’un support recouvert de velours à côté du modèle, d’épais rideaux en arrière-plan et d’un pavement de marbre est rigoureusement repris. Ce décorum fut largement adopté au sein des cours européennes. Il ne s’agit donc pas de véritables témoignages historiques immortalisant un instant figé dans le temps. Dans ces portraits, l’ensemble des éléments préétablis n’attendait plus qu’un visage, pris préalablement sur le vif ou copié à partir d’un autre. En ce sens, il s’agissait de « montages » – comme l’étaient les portraits mythologiques – qui, bien qu’ils ne transmettent pas de messages complexes, étaient, eux aussi, stratégiques puisqu’ils avaient pour ambition de mettre en image une correspondance symbolique ou abstraite, plus qu’une forme de vérité au sens strict du terme. Diane Bodart, en étudiant le cas des Habsbourg, a analysé l’intérêt de ce type iconographique. Elle justifie l’utilisation de ces poses et décors par la recherche d’un effet de présence. Cette composition permettait en effet de créer l’illusion d’un véritable substitut du roi en son absence32.

  • 33 L’œuvre est conservée au musée des Augustins (Cf. Juliette Souperbie, « Du prince de Navarre à Henr (...)

19Au sein de l’iconographie henricienne, plusieurs séries similaires se distinguent. Parmi ces ensembles figure le groupe de portraits où le souverain, dans ce même type de décor, porte une armure noire et or. Réalisés à partir de modèles, ils furent créés par des artistes éloignés de la cour, n’ayant jamais rencontré Henri IV. Ces toiles visant à multiplier son image et à matérialiser sa présence furent installées en France comme en dehors du royaume. Si ces portraits n’ont, le plus souvent, pas été attribués, à Toulouse, où la légitimité du Béarnais était fortement remise en question, le nom de Jacques Boulbène a pu être associé au tableau qui avait été accroché à la Maison de ville33. Comme souvent dans les provinces, ce dernier le réalisa in absentia en se basant sur un modèle, probablement lui-même inspiré d’un autre. La majorité des portraits était ainsi réalisée. Il ne s’agissait donc pas de portraits dits « au naturel », autrement dit pris sur le vif.

  • 34 Édouard Pommier, op. cit., p. 88.
  • 35 Ce fut le cas de Mantegna qui refusa par exemple en 1477 de peindre un portrait en l’absence du mod (...)

20Cette absence du modèle modifie-t-elle pour autant le rapport de l’œuvre au réel ? Selon Édouard Pommier, les commentaires de Vasari indiquent que, pour l’artiste, « la notion de réalisme n’[était] pas liée à la présence du réel34 ». Des artistes avaient pourtant, au cours de la Renaissance, pu contester l’efficacité de cette pratique35. Concernant la diffusion des portraits henriciens, la quantité des œuvres prima bien souvent sur leur qualité d’exécution. Cette production considérable donna en effet lieu à des représentations où les traits du souverain furent repris de manière approximative.

Fig. 4

Fig. 4

Jacques Boulbène (attr.), Portrait de Henri IV en armure, huile sur toile, 190 x 124 cm. Musée des Augustins, Toulouse.

© Didier Descouens

5. Des portraits créant l’illusion d’une présence

21En termes d’assise symbolique du pouvoir, la profusion de ses portraits présentait un intérêt politique majeur pour Henri IV. De nombreux médiateurs – ambassadeurs, conseillers, édiles – facilitèrent la reproduction, la circulation et l’installation d’effigies en de nombreux lieux. Par ce biais, un lien puissant s’établissait entre le souverain et ses contemporains car ces œuvres étaient perçues comme des incarnations de leur modèle, sous forme de présence réelle ou quasi-réelle. Dans l’imaginaire de la Renaissance, au-delà de l’aspect contemplatif, il existait en effet une part de vie dans ces créations. Pour preuve, lors de cérémonies auxquelles le souverain ne pouvait assister, le portrait devenait un simulacre et les actes officiels étaient effectués devant ce remplaçant, face à un public qui se comportait comme en présence du monarque.

  • 36 Registre-journal de Henri IV et de Louis XIII, publié d'après le manuscrit, 1837, 2ème partie du to (...)
  • 37 Louis Marin, « Du sublime en politique : le portrait du monarque », Procès. Cahiers d’analyse polit (...)
  • 38 Voir notamment : Diane H. Bodart, Antonio Pinelli, Gérard Sabatier, Barbara Stollberg-Rilinger, Chr (...)

22Des événements, au sein du royaume ou en dehors, pouvaient donc s’organiser autour d’une effigie. Le 27 mars 1608, par exemple, lorsque les ducs de Segni et de Santo-Gemini furent reçus chevaliers du Saint-Esprit, la cérémonie se déroula à Rome, devant le portrait du roi de France36. Si ce phénomène répondait d’abord à un aspect pratique, cette tradition témoigne également de la force évocatrice de ces images. L’idée qu’un portrait puisse matérialiser la présence de l’absent était avérée depuis l’Antiquité. Cette pratique rappelle d’ailleurs le mythe de l’origine de la peinture et les débuts de la théorisation du portrait avec cette capacité de rendre visible ce qui ne l’est pas. Comme l’énonça Louis Marin, à l’époque moderne, « le corps du Roi est réellement présent sous l’espèce de son portrait37 ». Ce pouvoir de présence met en exergue l’intérêt anthropologique de ces œuvres, puisqu’en tant qu’objets de substitution, elles jouaient un rôle essentiel dans la société38.

  • 39 Cf. Yann Lignereux, « Les « trois corps du roi ». Les entrées d'Henri IV à Lyon, 1594-1596 », Dix-s (...)
  • 40 Cf. Pascal Julien, « Les sculpteurs et l’Académie », dans L’art en France : de la Renaissance aux l (...)
  • 41 Mathieu Mercier, « La représentation de l’assassinat d’Henri III à l’aube de l’absolutisme monarchi (...)
  • 42 John Phillips, The Reformation of Images: Destruction of Art in England (1535-1660), Berkeley, Univ (...)

23Divers récits relatent les festivités organisées dans les villes de France en l’honneur d’Henri IV et l’utilisation qui était alors faite de ses portraits. Une gravure montre même les feux de joie installés devant l’un d’eux, fixé à la fenêtre principale de la Maison commune de Lyon, afin que son peuple puisse l’acclamer39. À Toulouse, dans les années 1590, une effigie d’Henri IV fut quant à elle arquebusée en place publique40. Depuis la fin du Moyen Âge, faute de pouvoir exécuter physiquement un condamné, une fin symbolique pouvait s’appliquer à un simulacre, par contumace. Des personnes pratiquaient ces exécutions en-dehors des décisions officielles et différents régicides symboliques ont été perpétrés à la Renaissance, le peuple s’emparant d’une image du monarque pour la détruire publiquement. Pierre de L’Estoile rapporte ainsi qu’une effigie d’Henri III avait été détruite en 1589 par les cordeliers, au-dessus du maître-autel de leur église41. Des démonstrations analogues eurent lieu en Angleterre avec un portrait d’Elisabeth Ière qui fut fouetté, traîné dans les rues, brûlé et pendu par des opposants de la reine42. Ces actes iconoclastes, qui permettaient à leurs auteurs d’exprimer leur colère, confirment la portée symbolique que possédaient ces effigies. Elles avaient un pouvoir d’incarnation, créant un double aussi puissant que vulnérable. Cette dimension doit être prise en considération pour comprendre la réception des portraits royaux en Europe à l’époque moderne car pour ceux qui contemplaient ces œuvres à la fin du xvie siècle, il y avait bien une part de « vrai » dans ces souverains « factices ».

24Le pouvoir de présence accordait donc au portrait royal un puissant sentiment de réel. Pourtant, rarement pris sur le vif, il exigeait une part de vraisemblable mais ne constituait pas une copie conforme de la réalité. Son créateur modifiait cette réalité par des ajouts ou des retraits, élaborant une habile entorse à la vérité qui créait l’effet recherché. L’intérêt de ces images réside dans ces artifices. Ce sont eux qui permettent de saisir les réalités du règne, les volontés et les intentions du souverain. Les œuvres les moins réalistes sont donc les plus explicites.

25Conclusion

26Au xvie siècle, le portrait royal résultait d’une réflexion où les choix, savamment orchestrés, parfois prodigieusement complexes, rejoignaient des stratégies de représentation. S’il offrait l’image d’un être existant, il relevait davantage de l’invention que d’une saisie du réel. Ce qui y paraît vrai un jour ne l’est pas toujours, il confronte ce qui fut vrai à ce qui ne l’est plus et propose même de voir ce qui ne l’a peut-être jamais été. La vérité y est modifiée, métaphorisée et sublimée. Afin de louer les vertus de leurs mécènes, les portraitistes élaboraient nécessairement des œuvres trompeuses et fortes de supercheries. En cherchant à persuader, elles mentaient donc inévitablement.

27Dans l’iconographie henricienne, il existe une part de véracité qui se traduit par un degré de ressemblance important et par la représentation symbolique ou concrète de véritables aspirations et actions du souverain. Une part de falsification s’y ajoute grâce à des mises en scène exacerbant les vertus du roi pour générer une image idéalisée du pouvoir. Entre mimèsis, didactique et imaginaire, ces œuvres contribuèrent vivement à véhiculer les idées qu’il souhaitait propager. Nombre d’artistes ont ainsi su offrir une forme de vraisemblance en imitant la nature, illustrant l’idée de vera effigie (véritable effigie) – comme en témoignent les qualités de ses portraits en tant que substituts du souverain en son absence – tout en faisant preuve de créativité et d’érudition, renforçant ainsi la puissance évocatrice des portraits royaux.

28La part fictive instaurée au sein des portraits politiques constitue une source inépuisable pour les chercheurs, comme un moyen de comprendre les valeurs que le souverain souhaitait incarner. S’il est toujours possible de rechercher son vrai visage au sein de son iconographie, ces images idéalisées de la réalité oscillent toujours entre mensonge et vérité, requérant de la part de l’historien de l’art une certaine prudence. Dans le cas des portraits d’Henri IV, cette conception de la vraisemblance conduisit à des créations inédites dont le langage symbolique constitua un véritable fondement pour la propagande moderne.

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Notes

1 La formule « vray pourtraict » pouvait se référer à une œuvre mais était également employée au sens large pour évoquer une ville ou une discipline par exemple.

2 À titre d’exemple, l’un des ouvrages d’André Thevet, cosmographe des derniers Valois, s’intitulait : Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres grecz, latins et payens : recueilliz de leurs tableaux, livres, médalles antiques et modernes (1584).

3 Peut se traduire par : « Si bien que le portrait n’est pas moins vrai que le vrai ». Cf. Pierre l’Arétin, Lettere, t. III, 1546, f. 35.

4 Cf. Anne-Marie Lecoq, François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l’aube de la Renaissance française, Paris, Macula, 1987 ; Gérard Sabatier, « Les rois de représentation. Image et pouvoir (xvie-xviie siècle) », Revue de synthèse, 1991, 112,  p. 387-422 ; Nicole Hochner, Louis XII, les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Paris, Seyssel, 2006 ; Thomas W. Gaehgtens et Nicole Hochner (dirs.), L’image du roi : de François Ier à Louis XIV, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2006 ; Naïma Ghermani, Le prince et son portrait : incarner le pouvoir dans l'Allemagne du xvie siècle, Rennes, PUR, 2009 ; Gérard Sabatier, Le prince et les arts : Stratégies figuratives de la monarchie française de la Renaissance à l'âge baroque, Paris, Seyssel,‎ 2010 ; Diane H. Bodart, Pouvoirs du portrait sous les Habsbourg d'Espagne, Paris, INHA, 2011.

5 Ce terme se réfère ici au travail mené par Peter Burke sur l’image de Louis XIV : «The fabrication of Louis XIV» (Peter Burke, Louis XIV : Les stratégies de la gloire, Paris, Seuil, 1992).

6 L’ampleur et l’intérêt de cette iconographie furent signalés à de nombreuses reprises : par le biographe du roi Jean-Pierre Babelon, par Sylvie Béguin, alors conservatrice au Louvre, par les conservateurs du musée du château de Pau, Jacques Pérot puis Paul Mironneau. Plus récemment, l’historien Yann Lignereux traita ce sujet dans son ouvrage Les rois imaginaires, Rennes, PUR, 2016, p. 107-152. Voir aussi : Henri IV. Le roi et la reconstruction du royaume, actes du IIIe colloque Avènement d'Henri IV quatrième centenaire Pau-Nérac 14-17 septembre 1989, vol. IV, Pau, J&D Éditions, 1990 ; Danièle Thomas, Henri IV : Images d’un roi entre réalité et mythe, Bizanos, Héraclès Information Diffusion, 1996 ; Nicole Garnier-Pelle et Jacques Pérot, Henri IV. Portraits d’un règne, Paris, Michel de Maule, 2010 ; Colette Nativel (dir.), Henri IV. Art et pouvoir, Rennes, PUR, 2016.

7 Sur ce thème, voir notamment Françoise Bardon, Le portrait mythologique à la cour de France sous Henri IV et Louis XIII. Mythologie et politique, Paris, A. et J. Picard, 1974.

8 Cf. Ernst Kantorowicz, The King’s Two Bodies: A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957 ; Louis Marin, Des pouvoirs de l’image - Gloses, Paris, Seuil, 1993.

9 Sur cette question de l’expression et du sourire d’Henri IV : Cf. Yann Lignereux, op. cit., p. 109-118. Au sujet de l’importance du regard dans les portraits royaux, cf. Étienne Jollet, « L’œil du prince : le regard dans les portraits royaux par Jean et François Clouet », dans Thomas W. Gaehgtens (dir.), op. cit., p. 343-358.

10 Les écrits du duc de Sully ou ceux de Jean-Baptiste Legrain sont particulièrement évocateurs. Cf. Maximilien de Béthune, Mémoires de Sully, principal Ministre de Henri-le-Grand, vol. 5, A. Costes, 1814, p. 119 ; Jean-Baptiste le Grain, Décade contenant la vie et les gestes de Henry le Grand, Impr. Laquehay, Paris, 1614, p. 42. Les mots que le roi lui-même laissa à la postérité, à travers ses correspondances ou harangues, sont également significatifs.

11 Cécile Scailliérez, « Le mensonger et l’impudique. À propos d’un singulier portrait d’Henri IV peint dans l’entourage de Toussaint Dubreuil », Revue du Louvre. La revue des musées de France, février 2003, n° 1, p. 37-47, p. 37.

12 Yann Lignereux, op. cit., p. 117.

13 Cf. Martial Martin, « Images de propagande ? Les représentations de la Ligue et l’élaboration de l’image du roi Henri IV », dans Colette Nativel (dir.), op. cit., p. 91-104.

14 Corrado Vivanti, «Henry IV, the Gallic Hercules», Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 30, 1967, p. 184 ; Josèphe Jacquiot, « L’allégorie aux revers de médailles et de jetons du xve au xviie siècle », dans Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1976, n° 28, p. 61-62.

15 Stéphane Gal, Charles-Emmanuel de Savoie : la politique du précipice, Payot & Rivages, Paris, 2012.

16 Georges Balandier dans Kristel Gualde, Ana Claudia Fonsesca Brefe (dirs.), Pouvoirs. Représenter le pouvoir en France du Moyen Age à nos jours, Paris, Somogy, 2008, 4e de couverture.

17 Différents cas de figure ont été imaginés, cf. Stéphane Castelluccio, Les collections royales d’objets d’art. De François Ier à la Révolution, Paris, Éd. de l’Amateur, 2002, p. 31 ; Paola Bassani-Pacht, Thierry Crépin-Leblond, Nicolas Sainte Fare Garnot, Francesco Solinas (dirs.), Marie de Médicis : un gouvernement par les arts, Paris/Blois, Somogy, 2003, p. 164 ; Jean-François Dubost, « Le corps de la reine, objet politique : Marie de Médicis », dans Femmes et pouvoir politique. Les princesses d’Europe, XVe-XVIIIe siècle, Isabelle Poutrin et Marie-Karine Schaub (dirs.), Paris, Bréal, 2007, p. 24 ; Geneviève Bresc-Bautier et Guilhem Scherf (dirs.), Bronzes français de la Renaissance au Siècle des lumières, Paris, Somogy-Musée du Louvre, 2008, p. 116-119 ; Yann Lignereux, op. cit., p. 125-127.

18 Résurrection, Germain Pilon, v. 1572, marbre, 215 cm, Musée du Louvre ; Résurrection, Antoine Caron, v. 1589, huile sur bois, 124,5 x 137,5 cm, Musée de l'Oise. Cf. Sylvie Béguin, « Le Primatice et Pilon », dans Germain Pilon et les sculpteurs français de la Renaissance, actes du colloque du Louvre 1990, Geneviève Bresc (dir.), Paris, La Documentation Française, 1993, p. 177-191.

19 Yann Lignereux, op. cit., p. 130.

20 Stanis Perez, Le corps du roi. Incarner l’État. De Philippe Auguste à Louis-Philippe, Paris, Perrin, 2018, p. 216.

21 Cf. Diane H. Bodart, op. cit., [chap. III : Le visage de l’empereur], p. 93-145 et Diane H. Bodart, « L’excellence du portrait par Gian Lorenzo Bernini, ou la ressemblance à l’épreuve de l’idea », Studiolo, 2006, no 4, p. 39-60.

22 Le principe renouvelé à la Renaissance selon lequel un homme beau est un homme vertueux rejoint le thème classique du kaloskagathos, cf. Félix Bourriot, Kaloskagathos-kalokagathia. D’un terme de propagande de sophistes à une notion sociale et philosophique. Étude d’histoire athénienne, Hildesheim/Zürich, Olms, 1995.

23 Cf. Édouard Pommier, Théories du portrait. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Gallimard, 1998.

24 Paola Barocchi (éd.), Lettres de Giorgio Vasari, dans Scritti d’arte del Cinquecento, vol. III, Milan, 1977, p. 2707-2711 ; Cf. Édouard Pommier, op. cit., p. 88-92 ; Stéphane Rolet, « Les portraits « hiéroglyphiques » de Laurent et d’Alexandre de Médicis par Giorgio Vasari (1534) », dans Le miroir et l’espace du prince dans l’art italien de la Renaissance, Philippe Morel (dir.), Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2012, p. 41-80.

25 Stanis Perez, op. cit., p. 213.

26 Stanis Perez, « Les rides d'Apollon : l'évolution des portraits de Louis XIV », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2003, vol. no50-3, no. 3, p. 62-95, ici p. 95.

27 Antoine de Laval, Des Peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy, memes à sa Gallerie du Louvre à Paris, dans Desseins de professions nobles et publiques, Paris, 1605. Voir Jacques Thuillier, « Peinture et politique : une théorie de la galerie royale sous Henri IV », dans Études d’art français offertes à Charles Sterling, Albert Châtelet et Nicole Reynaud (dirs.), Paris, PUF, p. 175-205 ; Thomas Kirchner, Le héros épique : Peinture d'histoire et politique artistique dans la France du XVIIe siècle, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2008, p. 29-36.

28 Yann Lignereux, op. cit., p. 135.

29 Idem.

30 Olivier Ihl, « Les effigies de la souveraineté. Du roi au président », dans Pouvoirs. Représenter le pouvoir en France du Moyen Âge à nos jours, A. C. Fonseca Brefe et K. Gualdé (dirs.), Nantes-Paris, Musée d’histoire de Nantes/Somogy, 2008, p. 131-143.

31 Porträtgalerie zur Geschichte Österreichs von 1400 bis 1800. Katalog der Gemäldegalerie, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Schloss Ambras, 1976.

32 Diane H. Bodart, op. cit.

33 L’œuvre est conservée au musée des Augustins (Cf. Juliette Souperbie, « Du prince de Navarre à Henri IV, portraits d’une ascension », dans Toulouse Renaissance, Toulouse-Paris, Musée des Augustins de Toulouse/Somogy, 2018, p. 244-248). Sur la présence de l’image du roi à Toulouse, voir aussi Sophie Fradier, « Les effigies sculptées de Henri IV à Toulouse au xviie siècle », Les Cahiers de Framespa [En ligne], 11 ǀ 2012, consulté le 23/09/2020. URL : https://journals.openedition.org/framespa/1930

34 Édouard Pommier, op. cit., p. 88.

35 Ce fut le cas de Mantegna qui refusa par exemple en 1477 de peindre un portrait en l’absence du modèle. Ibid., p. 58.

36 Registre-journal de Henri IV et de Louis XIII, publié d'après le manuscrit, 1837, 2ème partie du tome 1er, p. 454-455.

37 Louis Marin, « Du sublime en politique : le portrait du monarque », Procès. Cahiers d’analyse politique et juridique, 1983, n° 11-12, p. 80.

38 Voir notamment : Diane H. Bodart, Antonio Pinelli, Gérard Sabatier, Barbara Stollberg-Rilinger, Christine Tauber, « Le portrait du roi : entre art, histoire, anthropologie et sémiologie », Perspective, La revue de l’INHA, n° 1, 2012, p. 11-28.

39 Cf. Yann Lignereux, « Les « trois corps du roi ». Les entrées d'Henri IV à Lyon, 1594-1596 », Dix-septième siècle, 2001/3, n° 212, p. 405-417.

40 Cf. Pascal Julien, « Les sculpteurs et l’Académie », dans L’art en France : de la Renaissance aux lumières, Michèle-Caroline Heck (dir.), Paris, Citadelles et Mazenod, 2011, p. 339-387, ici p. 350. Source : Michel Levassor, Histoire du règne de Louis XIII, tome V, Amsterdam, Impr. chez Pierre Brunel, 1703, p. 668.

41 Mathieu Mercier, « La représentation de l’assassinat d’Henri III à l’aube de l’absolutisme monarchique : de l’exposition du corps soumis à la violence théophanique à l’escamotage d’une victime embarrassante », dans Corps souffrants, sanglants et macabres, XVIe-XVIIe siècles, actes du colloque tenu à l’université d’Oslo en juin 2008, Charlotte Meister et Kjerstin Aukrust (dirs.), Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2010, p. 315-331, ici p. 316.

42 John Phillips, The Reformation of Images: Destruction of Art in England (1535-1660), Berkeley, University of California Press, 1973, p. 121.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Entourage de Toussaint Dubreuil, Portrait de Henri IV en Hercule terrassant l’Hydre de Lerne, vers 1600, huile sur toile, 91 x 74 cm. Musée du Louvre, Paris.
Crédits © Sailko, Wikimedia Commons
URL http://journals.openedition.org/framespa/docannexe/image/10026/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Fig. 2
Légende Nicolas Guinier (attr.), Médaille figurant Henri IV combattant le duc de Savoie en centaure, 1601, bronze, 9,6 x 7,6 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris.
Crédits © Bibliothèque municipale de Lyon
URL http://journals.openedition.org/framespa/docannexe/image/10026/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Fig. 3
Légende Barthélémy Prieur, Statuette de Henri IV en Jupiter, 1610, bronze, 63 cm. Musée du Louvre, Paris.
Crédits © Tylwyth Eldar, Wikimedia Commons
URL http://journals.openedition.org/framespa/docannexe/image/10026/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Titre Fig. 4
Légende Jacques Boulbène (attr.), Portrait de Henri IV en armure, huile sur toile, 190 x 124 cm. Musée des Augustins, Toulouse.
Crédits © Didier Descouens
URL http://journals.openedition.org/framespa/docannexe/image/10026/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 164k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Juliette Souperbie, « Réflexions autour de la notion de vraisemblance dans l’art du portrait royal à la Renaissance : l’exemple des représentations du souverain Henri IV »Les Cahiers de Framespa [En ligne], 35 | 2020, mis en ligne le 30 octobre 2020, consulté le 09 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/framespa/10026 ; DOI : https://doi.org/10.4000/framespa.10026

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Auteur

Juliette Souperbie

Doctorante en histoire de l’art moderne à l’Université Toulouse – Jean Jaurès, elle prépare actuellement une thèse consacrée aux questions liées à la création et à la diffusion des portraits du souverain Henri IV sous la direction de Pascal Julien (Université Toulouse – Jean Jaurès, FRAMESPA (UMR 5136), thématique 3). juliette.souperbie@gmail.com

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Droits d’auteur

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