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2024

Mélanie Dubois Morestin, Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon

Émeline Retournard
Référence(s) :

Mélanie Dubois Morestin, Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2022, 404 p., ISBN : 978-2-7574-3644-8

Texte intégral

1Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon est la publication de la thèse de Mélanie Dubois Morestin, soutenue en novembre 2015 sous la direction de Laurent Feller à l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne. La couverture propose une image d’un artisan cordier, tirée d’un manuscrit allemand du xve siècle.

2L’ouvrage porte sur l’étude des archives de Jean Teisseire, artisan cordier avignonnais (né vers 1320, décédé en 1384), et plus particulièrement sur celles liées à sa comptabilité, ainsi que sur d’autres sources comptables le mentionnant. Pour ce faire, le document central de l’étude de Mélanie Dubois Morestin est le livre de raison de l’artisan, son cartularium comme il le nomme lui-même, composé de 189 folios et rédigé en langue provençale. Jean Teisseire est un homme qui a bâti sa fortune et sa réputation à la fois sur son activité de chanvrier (fabrication de « cordelettes, liens, attaches, toiles et nattes », p. 11) et sur d’autres activités, comme l’investissement immobilier (achats, ventes et locations) au sein d’un même quartier d’Avignon, ou encore la vente de vins et la location d’une taverne. De plus, cet homme a occupé plusieurs charges importantes au sein de la ville. Il était reconnu comme spécialiste, à la fois dans son domaine d’activité textile, mais aussi en tant que scripteur et gestionnaire de comptes. Son entreprise de chanvrier-cordier était familiale, puisque son père et son frère exerçaient ce métier, et qu’un de ces deux fils l’aidait à l’atelier. Sa vie fut marquée de nombreux deuils : il perdit un de ses frères, ses trois épouses, puis ses trois enfants.

3Le livre se compose de neuf chapitres. Le premier se concentre sur la façon dont Jean Teisseire a bâti sa fortune et sa carrière. Il aborde la situation de l’artisan au sein de l’élite urbaine avignonnaise et ses relations avec les autres membres de cette communauté. Le deuxième chapitre s’attache à définir les diverses activités du métier de chanvrier et de cordier, à la fois à Avignon et dans d’autres villes du sud-est de la France. Le chapitre trois se focalise sur l’entreprise de Jean Teisseire, notamment sur l’approvisionnement du chanvre et sur sa transformation, mais aussi sur l’acquisition et le travail d’autres matières textiles (le lin, la laine, le jonc et le liège). L’artisan fabrique divers objets de modèles variés : des cordes principalement, mais aussi des paniers, des tissus, des fils d’arbalètes, etc. Le chapitre quatre présente la fabrication et la composition générale du livre de raison ainsi que ses fonctions et l’histoire générale de ce type de document. Jean Teisseire réutilisa un manuscrit rédigé par un marchand italien quelques années auparavant. Le chapitre cinq porte sur la composition interne du livre de raison et sur les différents styles de mise en page opérés par l’artisan. Au chapitre six, M. Dubois Morestin se penche sur l’organisation du contenu du livre et sur les différents mécanismes de références et mémos créés par Jean Teisseire. Le chapitre sept évoque les modes d’écriture de l’artisan et les différents documents présents au sein du cartularium, ainsi que leurs contenus. L’avant-dernier chapitre fait le point sur les archives produites par le cordier et sur leur conservation de son vivant, montrant ainsi la pratique scripturaire de cet homme. Le chapitre neuf, le dernier de l’ouvrage, explore les différentes relations sociales de Jean Teisseire (familiales et autres), en rapport avec son entreprise ou ses dépenses et recettes personnelles. Cette partie démontre également, au travers de l’écrit, de quelle manière cet homme gérait ses employés et ses transactions (privées et professionnelles).

4Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon permet de mettre en lumière la vie d’un artisan chanvrier-cordier avignonnais du xive siècle et de mieux comprendre le fonctionnement des métiers textiles liés au chanvre dans le Sud-Est de la France médiévale. Cette publication s’insère, comme le dit M. Dubois Morestin, dans « les renouvellements actuels portant sur l’histoire du travail et sur l’histoire des hommes au travail au Moyen Âge » (p. 77), tout en permettant de saisir une facette de la culture matérielle, plus particulièrement celle des artefacts en chanvre, de l’acquisition de la matière première à la vente des produits finis. Les cordes étaient présentes partout dans la société médiévale. Elles servaient à la fois dans la vie quotidienne et dans la vie professionnelle pour attacher, emballer, lier, tracter, etc. Le métier de Jean Teisseire apparaissait donc comme essentiel pour beaucoup de personnes dans la ville d’Avignon et ses alentours.

5Cet ouvrage s’inscrit dans un intérêt renouvelé pour les métiers oubliés de l’Histoire, ceux qui n’étaient pas forcément régis par des statuts et des corporations, tout en s’affranchissant des représentations normées issues des travaux sur le livre des métiers parisiens d’Étienne Boileau. Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon témoigne de la vie courante d’un homme provençal du xive siècle, de ses activités et de ses rapports sociaux par le biais de l’étude des documents qu’il a rédigés et qui nous ont été transmis, comme son livre de raison. Nous rentrons ainsi dans l’intimité, privée et professionnelle, d’un artisan provincial, dans ce qui constitue une petite histoire dans la grande Histoire du Moyen Âge tardif.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Émeline Retournard, « Mélanie Dubois Morestin, Être entrepreneur au Moyen Âge. Jean Teisseire, artisan cordier d’Avignon »Frontière·s [En ligne], Comptes rendus, mis en ligne le 31 juillet 2024, consulté le 17 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/frontieres/2715 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1243h

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Auteur

Émeline Retournard

Doctorante en archéologie médiévale, Université Clermont-Auvergne, CHEC (UR 1001)

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