Territoire et terreur : les nationalismes en conflit au pays Basque
Jan Mansvelt, Beck, 2005, Territory and terror. Conflicting nationalisms in the Basque country, Londres, Routledge, XIII-203p.
Texte intégral
1Jan Mansvelt Beck s'attache depuis plus de vingt ans à l'évolution du pays Basque. Ce Néerlandais qui pratique aussi bien le français que l'espagnol a tout lu sur la question, parcouru le pays, questionné les gens. Vis-à-vis des passions qui ensanglantent le pays Basque espagnol depuis près de quarante ans, il prend le recul d'un libéral convaincu qui réprouve la violence, mais sait que construire un système politique démocratique est une œuvre de longue haleine.
2Pour quelqu'un qui s'intéresse à la genèse des nationalismes, à leurs formes, à leurs pathologies, le pays Basque est un cas d'école : un nationalisme issu de la base y affronte deux nationalismes construits par le haut, celui de la France et celui de l'Espagne. Pour analyser leurs formes et leurs conflits, Beck s'appuie sur l'abondante littérature qui (i) met en parallèle éclosion des nationalismes modernes, construction de l'État et révolution industrielle, ou (ii) insiste sur la dimension politique et culturelle de leur diffusion. Aucune de ces théories ne rend compte de la complexité de la situation basque, mais elles fournissent à Beck un fil directeur.
3La construction française de la nation a été plus continue et plus cohérente que cela n'a été le cas du côté espagnol : rien d'étonnant à ce que les Basques français se sentent bien davantage français que les Basques espagnols ne se sentent espagnols.
4L'Hegoalde, le territoire basque espagnol, est complexe : l'Euskadi n'est pas la Navarre, même si dans les deux ensembles, il y a coexistence de bascophones, au Nord, et de castillanophones, au Sud et dans les grandes villes. L'histoire politique et économique a accru les différences. Ainsi s'expliquent la complexité du nationalisme basque, ses contradictions, son manque de cohérence et de continuité, et l'impact très inégal qu'il a selon les milieux et les lieux. Né à l'époque de Sabino Ariana, "le contenu de son message a changé au cours des temps, d'une idéologie raciste, cléricale et territorialement mal spécifiée à un ensemble d'interprétations qui vont de conceptions [...] constitutionnalistes 4 des vues [...] indépendantistes" (p. 174).
5La violence a éclaté en 1968, avec le premier assassinat d'un agent de police. Depuis, "la terreur [...], dans une partie des territoires basques espagnols, s'est trouvée intégrée dans la routine politique et sociale normale" (p. 202). Beck analyse ses bases économiques et sociales et montre comment elle entrave la pratique de la démocratie.
6L'étude de Beck s'appuie sur une remarquable connaissance de toutes les facettes du problème. Elle tire parti des réflexions les plus récentes sur la construction de la nation. Le dernier chapitre évoque les diverses solutions, celles qui ont été recherchées dans le passé et celles qui sont explorées actuellement. C'est la partie la plus innovante d'un ouvrage remarquable et dont on aimerait qu'il soit rapidement traduit en français. Une riche bibliographie et un index détaillé en font un excellent outil de travail.
Pour citer cet article
Référence papier
Paul Claval, « Territoire et terreur : les nationalismes en conflit au pays Basque », Géographie et cultures, 60 | 2007, 136-137.
Référence électronique
Paul Claval, « Territoire et terreur : les nationalismes en conflit au pays Basque », Géographie et cultures [En ligne], 60 | 2007, mis en ligne le 29 septembre 2021, consulté le 15 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/gc/16324 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.16324
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