Les femmes juives et leurs maisons : de l’habitat au foyer (Couronne d’Aragon, XIVe siècle)
Résumés
La vie quotidienne des juives et des juifs est bien documentée dans les registres des notaires chrétiens de la Couronne d’Aragon au XIVe siècle. Les femmes juives médiévales vivent dans des maisons tout à fait semblables à celles des chrétiennes. Que ces logements prennent la forme d’une maison entière ou se réduisent à une pièce, leur demeure est l’endroit où elles gèrent leur famille et exercent parfois une activité artisanale. Les femmes juives jouent également un rôle important sur le marché de l’immobilier urbain, qu’il s’agisse de l’achat et de la vente de biens ou du marché de la location. Le jeu de miroir dans lequel il est possible d’apercevoir les différentes facettes des femmes juives à l’intérieur et à l’extérieur des maisons permet d’interroger la position intersectionnelle qu’elles occupent dans les sociétés urbaines de la Méditerranée médiévale. La question sera ici de comprendre comment les femmes s’approprient leurs espaces de vie pour en faire des foyers.
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- 1 Ingrid Houssaye, Sarah Maugin et Claire Soussen, « La frontière interconfessionnelle, un concept pe (...)
- 2 Michael Schraer, A Stake in the Ground: Jews and Property Investment in the Medieval Crown of Arago (...)
- 3 Claude Denjean, « L’espace et la diaspora juive méridionale et ibérique (XIIe-XVe siècles) », Autre (...)
- 4 Yom Tov Assis, The Golden Age of Aragonese Jewry: Community and society in the Crown of Aragon 1213 (...)
1L’histoire de l’ancrage territorial des juifs et des juives dans l’Europe médiévale semble à première vue marquée par une assignation à des espaces réduits et surveillés. La recherche depuis quelques années a balayé ces considérations : les quartiers juifs médiévaux ne sauraient être assimilés à des ghettos ou des espaces clos1. De plus, les juifs et les juives ont la possibilité de posséder des biens fonciers2 et l’essentiel des mouvements de population d’un espace à l’autre n’est pas fait sous la contrainte3. Dans le domaine de la Couronne d’Aragon en particulier, la relative stabilité politique et sociale dont bénéficient les populations juives de la fin du XIIIe siècle à la première moitié du XIVe siècle a permis à certains historiens de parler d’un véritable « âge d’or4 ».
- 5 Shelomo Dov Goiten, A Mediterranean society. The Jewish community of the Arab world as portrayed in (...)
- 6 Yom Tov Assis, « Juifs de France réfugiés en Aragon, XIIIe-XVe siècles », Revue des études juives ( (...)
- 7 Chloé Belard, « La notion de genre ou comment problématiser l’archéologie funéraire », Les nouvelle (...)
- 8 Aymat Catafau, Denis Fontaine, « Le call juif de Perpignan : nouveaux aperçus », REJ, 177/1-2, 2018 (...)
- 9 Projet ANR VISMIN, https://vismin.huma-num.fr/.
2Les populations juives autour de la Méditerranée demeurent ainsi relativement mobiles, qu’il s’agisse de déplacements liés au commerce, à l’étude ou aux alliances matrimoniales5. Quand la mobilité n’est pas véritablement vécue par les populations, elle peut être imaginée, envisagée : ainsi les expulsions des juifs de France à partir de 1306 ont pu fragiliser le sentiment de sécurité des juifs et des juives ibériques6. Il s’agit de comprendre ici comment les femmes juives du domaine de la Couronne d’Aragon, malgré les difficultés auxquelles elles peuvent faire face, s’approprient leur espace de vie pour en faire une maison, un foyer. L’approche par la culture matérielle et les sources archéologiques de l’habitat médiéval a longtemps été privilégiée par l’historiographie. Plus récemment, les travaux de l’archéologie du genre ont permis de questionner de façon différente ces sources7. La reconstitution des quartiers juifs et des objets du quotidien des maisons constitue une part importante de l’étude des populations juives médiévales8. À cet égard, le projet ANR VISMIN, qui associe géomatique, analyse des sources d’archives et archéologie, a offert une approche novatrice pour restituer l’organisation spatiale des quartiers et des maisons juives de la Couronne d’Aragon9.
3Cet article propose d’articuler l’étude de l’environnement matériel à une réflexion plus large sur la notion d’habitat et de foyer, c’est-à-dire sur le rapport entre le fait de résider dans un lieu et d’y ancrer la famille en y organisant son quotidien matériel et affectif, pour en faire un espace domestique.
4Ainsi, comment l’étude de l’environnement matériel permet-elle de comprendre l’établissement d’un foyer, la transformation du bâti en maison et la place investie par les femmes juives dans ce processus ?
- 10 Christian Guillere, « Le notariat catalan au XIVe siècle à travers l’exemple géronais : structures, (...)
5Les archives, plus particulièrement notariales, restent un support privilégié pour aborder ces questionnements. En effet, les contrats de location et de vente, mais aussi les contrats d’apprentissage, de mariage ou les actes de dévolution, permettent de reconstituer une partie du marché immobilier ainsi que certains aspects de l’environnement matériel des populations juives de la Couronne d’Aragon. Bien que la validité juridique des actes hébraïques soit reconnue par l’administration royale depuis le XIIIe siècle, il est d’usage parmi les juifs et les juives d’avoir recours aux services de notaires chrétiens pour des actes de gestion familiale. Ainsi à Gérone, les instruments impliquant les juifs et les juives représentent environ 20 % des actes notariés, alors que la population juive représente 5 à 10 % de l’ensemble des habitants de la ville10. Les archives notariales méridionales du XIVe siècle sont riches et permettent une approche sans cesse renouvelée de l’histoire des femmes juives.
6Le corpus de documents sur lequel est construit cet article est constitué d’actes notariés impliquant des femmes juives, datés de la première moitié du XIVe siècle et pour la plupart inédits. Au total, 250 registres de notaires couvrant la période de 1285 à 1350 ont été consultés pour les villes de Perpignan, Gérone, Castelló d’Empúries et Peralada. Dans une première partie, seront explorées les dynamiques autour du changement de résidence ainsi que la question de l’installation de populations nouvelles à travers l’étude d’un corpus de baux passés à Castelló d’Empúries après les expulsions de 1306. La seconde partie est consacrée à une réflexion sur la construction d’un foyer, autrement dit d’un ancrage matériel et économique par les femmes, en s’intéressant à la propriété immobilière, à la culture matérielle et à l’utilisation des maisons comme ateliers de production.
Un habitat instable ?
7Si les déplacements forcés des juifs et juives ibériques restent des épisodes très minoritaires tout au long du Moyen Âge, ils laissent néanmoins des traces profondes dans les mémoires et les sources. Quand bien même la vie d’une femme ne serait pas traversée par un exil, elle peut être amenée à changer de domicile au cours de son existence, en particulier lors d’un changement de statut familial : le mariage ou le veuvage. Se pose alors la question de la place qu’occupent les femmes tant dans le marché immobilier médiéval que dans le processus d’installation dans un nouveau lieu.
- 11 Miquel Pujol i Canelles, La conversió dels jueus de Castelló d’Empúries, Castelló d’Empúries, Ajunt (...)
8Les archives notariales de Castelló d’Empúries constituent un terrain d’étude particulièrement propice à cette approche. En effet, bien que les registres de la ville principale du duché d’Empúries aient été étudiés par Miquel Pujol i Canelles dans les années 1990, une très grande partie reste inédite11. Une présence juive est attestée dans les sources en 1240, et en 1284 on relève une aljama, unité fiscale et administrative concernant les populations juives et musulmanes d’une ville. La population juive augmente d’environ 10 % au cours de la première moitié du XIVe siècle. L’arrivée de nouvelles familles entraîne une reconfiguration du marché immobilier local. Les maisons urbaines peuvent alors se louer en entier ou par pièce. Les bâtisses urbaines sont aménagées sur plusieurs étages et dotées d’un toit-terrasse ou d’une galerie, appelée « solarium ». Les femmes et leurs familles occupent tout au long du XIVe siècle un rôle à la fois de locataires et de propriétaires.
Les femmes juives en itinérance au gré des locations
- 12 Juliette Sibon, Chasser les juifs pour régner, Paris, Perrin, 2016.
- 13 Céline Balasse, 1306 : l’expulsion des juifs du royaume de France, Bruxelles, De Boeck, 2008 ; Sibo (...)
- 14 Assis, « Juifs de France… », art. cit., p. 285-322.
- 15 Archives historiques de Gérone (désormais AHG), Ca 25, f. 63ro.
9Si jusqu’à la seconde moitié du XIVe siècle les populations juives sont assez protégées dans le domaine de la Couronne d’Aragon, la situation est bien différente pour leurs coreligionnaires en France12. Les expulsions de 1306 par Philippe le Bel entraînent l’arrivée de juifs et juives français en péninsule Ibérique13. Ils sont accueillis en Catalogne, dans la Cerdagne et le Roussillon, ce qui induit des changements dans l’organisation spatiale des quartiers juifs appelés calls. Dans l’un de ses articles, Yom Tov Assis met en évidence les mécanismes de solidarité des juifs et juives catalan∙es dans l’accueil des migrant∙es. Le secours peut aussi être un avantage pour ceux qui l’offrent14. L’exemple d’Aarna, une juive française exilée en 1306, illustre la complexité de ces dynamiques. Elle est engagée comme nourrice par Bonastruch Asmies, un juif de Castelló, pour une durée d’un an15. Le contrat d’embauche rédigé en latin ne mentionne aucun salaire, mais stipule que l’employeur s’engage à fournir à la nourrice, ainsi qu’à la fille de cette dernière, le gîte, la boisson, la nourriture et la vêture. Si ce contrat témoigne d’un geste de solidarité confessionnelle, il met également en lumière un rapport de pouvoir économique. Bonastruch Asmies, en accueillant chez lui une exilée, dispose d’une nourrice sans avoir à payer le salaire moyen de 70 sols melgoriens par année, une somme substantielle que reçoivent des nourrices juives de Castelló d’Empúries selon d’autres contrats. On voit ici les enjeux complexes qui se nouent autour de l’arrivée d’une population migrante et fragilisée, et en particulier autour des femmes.
- 16 Irene Llop, Vides I veus del Call. Origens i consolidacio de la comunitat jueva de Vic (1231-1315), (...)
- 17 Claude Denjean, Juifs et chrétiens. De Perpignan à Puigcerdà, XIIIe-XIVe siècles, Perpignan, Éditio (...)
- 18 Fred Menkes, « Une communauté juive en Provence au XIVe siècle : étude d’un groupe social », Le Moy (...)
10Les libri judeorum de Castelló d’Empúries, registres notariés spécifiquement consacrés aux actes impliquant des juifs et des juives, contiennent de nombreuses mentions de contrats de location de maisons. La présence de ces contrats témoigne du mouvement d’installation au début du XIVe siècle de familles nouvellement arrivées. Le schéma d’installation correspond tout à fait à ce que peuvent observer Irène Llop i Pujol à Vic16, Claude Denjean à Puigcerdà17 ou même Fred Menkes à Trets18 : les juifs et les juives chassés du royaume de France au début du XIVe siècle commencent par louer des logements. À partir des années 1330, une fois que leur stabilité sociale et financière le permet, ils amorcent un ancrage territorial en achetant des biens immobiliers.
- 19 AHG, Ca 52, f. 56 vo.
- 20 AHG, Ca 54, f. 61 ro.
- 21 Robert Burns, Jews in the Notarial Culture: Latinate Wills in Mediterranean Spain, 1250-1350, Berke (...)
- 22 Archives départementales des Pyrénées-Orientales (désormais ADPO), 3E1 27, f. 42 vo-43 ro ; Richard (...)
11Le même phénomène s’observe à Castelló. Les femmes jouent alors un rôle significatif dans le processus d’installation, d’abord dans les contrats de location, mais surtout au moment des achats immobiliers dans les années 1330. Sur un corpus de 63 actes de location datés de 1306 à 1341, 18 impliquent des femmes. 11 d’entre elles sont des veuves. Un exemple représentatif est celui de Fava, veuve de Vital Eliazar Mahir, dont la trajectoire résidentielle illustre la situation instable des veuves juives. En 1306, elle loue à Béranger Terandis et son épouse Maria une maison dotée d’une cour intérieure, située dans le puig de Mercatello, pour une durée de trois ans et un loyer total de 110 sols melgoriens19. En 1317, elle semble changer de résidence et conclut un bail d’un an avec une chrétienne, G. Gonzale, pour la somme de 40 sols. En 1322, elle signe un nouveau contrat de location avec un autre chrétien, Domitius Seguery, pour deux ans et un loyer de 100 sols. Deux ans plus tard, ce dernier loue le même logement à d’autres juifs pour une durée similaire et un montant inchangé de 50 sols par an20. Les veuves juives n’héritent pas des biens de leur époux et doivent parfois quitter la maison qui a abrité leur vie de couple. L’itinérance est ainsi l’un des risques de la viduité. Si les jeunes veuves juives retournent généralement vivre dans la maison de leur père ou celle de leur frère, les plus âgées peuvent être accueillies par leurs enfants. Cette vulnérabilité est parfois prise en charge dans les testaments, où l’on observe une volonté de protéger les veuves. En 1306, à Puigcerdà, Astruga, épouse de Juceff Abraham, fait rédiger un testament pour protéger sa mère, veuve et vivant avec elle et son époux. Elle donne à sa mère, Fava, 600 sols de Barcelone21. Si Juceff Abraham prend soin de Fava sans qu’elle ne manque de rien, il pourra garder la somme. S’il se remarie avant la mort de cette dernière, il devra la lui restituer. Astruga insiste sur le fait que sa mère soit bien traitée, logée, habillée et nourrie, qu’elle reste ou non domiciliée chez son gendre. De même, en 1322, à Perpignan, Asser Mosse Davi prend des dispositions testamentaires pour protéger sa fille veuve, qui est revenue vivre chez lui, en interdisant notamment la vente de la maison familiale22.
- 23 Cheryl Tallan, « Medieval Jewish Widows: Their Control of Resources », Jewish History, 5, 1991, p. (...)
- 24 Mireia Comas Via, Entre la solitud i la llibertat : Vidues barcelonines a finals de l’Edat Mitjana, (...)
- 25 La question de l’enrichissement de certains juifs grâce à la division et la sous-location de logeme (...)
12Ces dispositions illustrent à la fois l’existence de réseaux de solidarité visant à protéger les veuves, et la fragilité de leur position. La précarité des veuves n’est pas spécifique aux sociétés juives23. Mireia Comas a ainsi mis en évidence à quel point le droit coutumier en Catalogne médiévale pouvait être préjudiciable aux veuves. Alors qu’elles n’ont droit qu’à un quart des biens du couple, parfois elles n’héritent pas de la maison de leur mari et doivent chercher ailleurs un endroit pour vivre24. Les populations les plus vulnérables en quête de logement, immigrés juifs ou veuves juives et chrétiennes, sont une aubaine pour certains bailleurs, juifs comme chrétiens. Les logements sont découpés et des familles entières peuvent vivre dans une seule pièce. Certains juifs louent de nombreux logements auprès de chrétiens, logements qu’ils sous-louent par la suite, en entier ou pièce par pièce, à des juifs ou à des chrétiens : douze des actes de location du corpus concernent une pièce ou deux seulement. Les femmes seules qui, jusque dans les années 1330-1340, passent plusieurs actes de location, le font pour des raisons très différentes des hommes. En effet, elles multiplient des locations sur de courtes durées en raison de leur veuvage, qui les place dans une situation, sinon précaire, du moins fragile. Si certains juifs louent de nombreux logements à des chrétiens, c’est au contraire pour les sous-louer et s’enrichir25. Multiplier les locations sur quelques années suit ainsi des modalités genrées. Que les propriétaires soient chrétiens ou juifs, on observe des baux assez similaires. Le prix du loyer d’une pièce seule varie de 10 à 15 sols, alors que le prix d’une maison entière se situe entre 30 et à 60 sols l’année. La stabilité des prix du marché locatif qui ne semble pas affectée par le genre et la religion, laisse à penser qu’il s’agit d’une somme forfaitaire, difficile à changer, mais qui peut se payer d’une autre manière que par la monnaie de compte.
Les femmes juives propriétaires et le jeu des locations
- 26 AHG, Ca 429, f. 80 vo.
- 27 AHG, Ca 64, f. 29 ro [et] vo.
- 28 AHG, Ca 33, f. 3 vo, Ca 43, f. 51 vo.
- 29 AHG, Ca 33, f. 15 ro.
- 30 AHG, Ca 64, f. 43 vo.
- 31 Sarah Maugin, « Le cas de maître Samuel Alphaquim, juif de Perpignan (c. 1370-1420) », REJ, 181, 20 (...)
- 32 Sarah Ifft Decker, The Fruit of Her Hands: Jewish and Christian Women’s Work in Medieval Catalan Ci (...)
- 33 Ibid., p. 133.
- 34 Ibid., p. 140-144.
13À partir du moment où les juifs commencent à acheter des maisons, dans les années 1330, les femmes juives occupent une place plus visible dans les sources comme propriétaires de logements à louer. En 1337, Bonafilia, son époux Bonidomini Bonastruch et leur fils Bonastruch louent à un Astruch – dont une partie du nom est effacée, mais qui est dit juif de Besalú – une cave et un cellier dans une maison durant un an pour un loyer de 25 sols26. En 1340, une autre femme du nom de Bonafilia et son époux Mahir Bonastruch louent un logement dans le puig de Mercatello pour 15 sols à Vital Bonastruch27. Le phénomène est le même chez les bailleurs chrétiens : sur 52 actes où des chrétiens s’engagent à louer un logement à des juifs, on note 27 hommes seuls, 9 veuves, 3 femmes mariées, une femme et sa fille et 12 couples. Parmi les hommes, on retrouve deux menuisiers28, un tabellion29 et un médecin30. Les mentions des métiers ne sont pas assez nombreuses pour véritablement déterminer le profil social des bailleurs chrétiens, mais ces quelques éléments les rapprochent du milieu socioprofessionnel des habitants des aljama catalanes : un milieu social urbain d’artisans et de professions reposant sur le droit, la médecine ou les sciences31. La forte présence des femmes chrétiennes dans les transactions immobilières témoigne de leur rôle dans la possession des biens fonciers du couple. Sarah Ifft Decker identifie les transactions immobilières comme l’activité économique où les chrétiennes sont le plus représentées à Gérone, Barcelone et Vic32. Les utsages, éléments du droit coutumier catalan, permettent aux femmes d’hériter, de devenir propriétaires et de gérer des biens fonciers33. Les épouses ont le droit de réclamer une partie du patrimoine familial au moment de la mort de leur mari en compensation de leur dot. Cet élément leur donne un droit de regard et de gestion sur les ventes, achats et usufruits des biens immobiliers et fonciers du couple. La gestion des biens immobiliers se fait alors en couple. Les juifs et les juives s’adapteraient alors aux usages chrétiens, car selon les prescriptions rabbiniques, hommes et femmes ne devraient pas posséder ensemble un bien foncier34.
- 35 AHG, Ca 56, f. 49 ro-51 ro.
- 36 AHG, Ca 64, f. 29 ro.
14Mari et femme peuvent néanmoins acheter et vendre des maisons, faisant établir à ce moment-là un acte par un notaire chrétien. Ces transactions impliquent parfois la famille élargie, soulignant le rôle collectif que peut représenter la gestion du patrimoine foncier. Un acte de vente de maison à Castelló d’Empúries datant du 9 septembre 1332 montre bien la place des femmes dans la vente des maisons35. Bonastruch Salamonis Mahir, son épouse Astruga, leur fils Mahir Bonastruch et son épouse Bonafilia, ainsi que le fils de Mahir Bonastruch, Bonastruch Mahir, sont impliqués dans l’instrument de vente. Les cinq membres de la famille disent de concert vendre à Abraham, fils de Maymon Magistro, juif de Gérone, une maison qu’ils possèdent dans le call de cette ville. L’emplacement est alors minutieusement détaillé : la maison vendue fait face à celles des juifs Isaach Mosse et Juceff Bonjuha et celle du chrétien Ferrarius, dans la rue appelée « Ample ». Le prix de vente est de 1 100 sols melgoriens que la famille dit avoir reçus. Le reste de l’acte comporte les formules habituelles de vente en étendue. Tous les acteurs jurent sur le Décalogue. Trois chrétiens sont témoins de l’acte. Il est possible d’observer ici une famille sur trois générations vivant probablement sous le même toit à Gérone et mettant sa maison en vente après une installation à Castelló. De cette façon en 1340, Bonafilia et Mahir Bonastruch louent une maison qu’ils possèdent à Castelló36. En outre, contrairement aux actes de location, toute la famille est impliquée. Il n’y a pas de distinction de genre faite entre les différents possesseurs de la maison, hormis la référence habituelle à la renonciation du Senatus-consulte Velléien, reliquat médiéval de la loi Julia, qui limite la capacité juridique des femmes dans les transactions financières, en particulier sur le crédit. Les femmes sont très présentes dans les actes de vente de maisons, et actives dans les actes de location, mais quand il est question de l’appropriation sociale du domicile, leur rôle s’estompe.
S’ancrer dans un lieu, construire un foyer
15L’ancrage des populations s’opère également lors de la prise de possession des lieux de vie. L’appropriation de l’espace domestique par les femmes, tel qu’il est possible de le voir dans les sources, se manifeste ainsi à travers les objets. L’intérieur des habitations se dessine notamment à travers la description donnée dans les testaments et les contrats de fiançailles ou de mariage. Enfin, la production artisanale des femmes juives dans leur maison permet d’envisager leur place dans l’économie et la société urbaine médiévale.
Devenir propriétaire d’une maison
- 37 AHG, Gi05 04, f. 34 ro. L’identité du « juif de Besalú » n’est pas connue car le notaire a laissé u (...)
16Un lieu de résidence représente aussi un ancrage social et symbolique. Lorsqu’une maison change de propriétaire, certains gestes sont requis pour que le transfert de propriété soit validé par le voisinage et l’entourage social des vendeurs et des acheteurs. Un acte de 1324 documente un rituel qui marque la confirmation de la vente d’une maison appartenant à Bonadona, fille de feu Juceff Ravaya, juif de Gérone, à Astruch Caravita et à un autre juif de Besalú37. La vente a été faite en février 1323 à Gérone par Abraham Isaach qui a alors agi comme procurateur. Que Bonadona se remette entre les mains de son procurateur pour la gestion du processus de vente est assez commun. Elle est orpheline et probablement veuve ou non mariée ; elle n’est cependant pas mineure puisqu’elle peut donner procuration à Abraham Isaach, qui n’est pas son tuteur. De nombreuses femmes isolées choisissent un homme de l’aljama pour les représenter dans leurs affaires.
- 38 Ibid. : « ad ponendum et inducondum in corporalem possessionem astrugum caravitem judeum Gerunde et (...)
- 39 Ibid. : « Dictus abraham issachi nomine procuratione quo volens tractare corporalem possessionem di (...)
- 40 Une des formes documentées est la remise du verrou, de la clenche, de la poignée, du seuil, ou des (...)
17Astruch Caravita doit encore prendre possession de la maison « corporaliter possessionem », autrement dit investir les lieux physiquement38. Le rituel est ainsi décrit : « lesdits Astruch Caravita et [blanc] se rendirent dans ladite maison et firent ouvrir et fermer la porte principale extérieure de ladite maison39 ». Ce rituel est important, car il permet aux nouveaux acheteurs de signifier aux juifs louant un logement dans la maison de payer désormais le loyer à Astruch Caravita et à son co-acheteur. Le changement de propriétaire d’une maison passe ainsi autant par une reconnaissance sociale et symbolique que par l’acte de vente. Il n’est pas certain que cette pratique soit spécifique au monde juif, et la documentation ne permet pas d’observer un tel geste effectué par une femme. Ce genre de rituel, spécifique à la prise des lieux dans les sociétés médiévales et modernes et qui s’applique aux portes, aux verrous, aux linteaux et aux seuils, est en effet mal connu et peu décrit dans les sources40.
- 41 AHG, Gi05 04, f. 33 vo-34 ro.
- 42 Ibid. : « Bonadona uxor astrugui caravite judei Gerunde et eidem astrugus caravite eius vir ambi in (...)
18La répartition des rôles de genre se manifeste de façon évidente dans le cas évoqué. L’acte précédant la description du rituel de prise de possession des lieux concerne la somme engagée pour l’achat de la maison41. Dans cet acte, Astruch Caravita apparaît accompagné de son épouse, appelée Bonadona. Elle reconnaît de concert avec son époux devoir à Mosse Ravalie, juif de Barcelone, 6 000 sols sur la somme de 12 000 sols de Barcelone empruntée par le couple pour acheter une maison en alleu dans le call des juifs de Gérone. Alors qu’il est question du patrimoine engagé par le couple, la formule latine qui désigne les impétrant∙es est construite en miroir : « Bonadona épouse d’Astruch Caravita juif de Gérone et de même Astruch Caravita son homme tous les deux en même temps42 ». L’épouse est mise en avant dans les actes de gestion et d’achat du bien immobilier, mais est absente de l’instrument actant la prise de possession des lieux par son mari et son collaborateur anonyme. On observe ainsi une répartition genrée des rôles très claire, avec une place importante donnée à la femme dans le processus légal d’achat, et une prise de possession ritualisée réservée aux hommes. Le rituel de prise de possession répond aux attributs de la masculinité : la mise en mouvement du corps qui incarne le pouvoir, une action reliant l’intérieur et l’extérieur, une prise de possession symbolique de l’espace par le mouvement et le bruit de la grande porte.
La culture matérielle et le foyer
- 43 Teresa Maria Vinyoles Vidal, « El espacio doméstico y los objetos cotidianos en la Cataluña medieva (...)
- 44 Elka Klein, « Splitting Heirs: Patterns of Inheritance among Barcelona’s Jews », Jewish History, vo (...)
- 45 Andrée Courtemanche, La richesse des femmes, patrimoine et gestion à Majorque au XIVe siècle, Paris (...)
- 46 Eleanor Riemer, « Women, dowries and capital investment in thirteenth-century Siena », in Marion A. (...)
- 47 Idan Pérez, El Testament De Na Baladre (1325) : Nova Aportació a L’estudi De Les Sinagogues De Gir (...)
- 48 Archives historiques de Gérone (désormais AHG), Ca 73, f. 24 ro-25 ro.
- 49 AHG, Ca 54, f. 60 ro [et] vo.
- 50 Asunción Blasco Martínez, « Mujeres judías zaragozanas ante la muerte », Aragón en la Edad Media, 9 (...)
- 51 Donatien Guégan, « Le lit en France à la fin du Moyen Âge. Symbolique sociale dans les sources nota (...)
- 52 Katherine L. French, Household goods and good households in Late Medieval London: consumption and d (...)
- 53 AHG, Pe39, f. 204ro-207 vo.
- 54 Chen Misgav et Orna Blumen, « The Body within Home and Domesticity – Gendered Diversity », HAGAR, S (...)
19Ainsi la prise de possession de la maison passe principalement par la mise en scène du corps masculin. Les femmes sont contraintes de recourir à d’autres moyens pour s’approprier leur nouvel espace de vie. Les meubles et objets, facilement transportables d’une maison à l’autre, sont alors investis d’une charge émotionnelle et économique, ce sont eux qui constituent l’espace domestique des femmes. Les fouilles menées dans les quartiers juifs catalans médiévaux ont permis de reconstituer un quotidien matériel proche de celui des chrétiens43. En dehors des sources archéologiques, les documents notariés permettent de collecter des éléments sur la vie matérielle au sein des maisons. Le corpus de testaments connus en latin et en hébreu de juives et juifs de la Catalogne, du Roussillon et de la Cerdagne, datés de 1286 à 1346, est constitué de 8 actes passés par des femmes et de 7 actes par des hommes44. 72 biens mobiliers sont mentionnés dans les testaments de femmes, contre seulement 19 dans les testaments d’hommes. Alors que les objets et meubles du quotidien sont légués par des femmes à d’autres femmes, comme c’est le cas au même moment dans le monde chrétien, à Majorque45 ou à Sienne46 par exemple les mères juives privilégient généralement leur fils aîné pour transmettre leur lit. En 1325, à Gérone, Na Baladre lègue à son fils aîné, issu d’un premier mariage, son lit, un matelas, des draps d’une valeur de 35 sols, un couvre-lit épais et des couvertures47. Narbonna, veuve de Juceff Bonastruch, donne à son fils aîné un lit et sa garniture, deux coussins et deux paires de draps à Castelló d’Empúries en 132848. Enfin à Castelló en 1331, Regina, veuve de Bonastruch Juceff, lègue à son fils aîné une garniture de lit, un traversin et des couvertures49. Il est difficile de définir des pratiques systématiques au regard du peu de testaments de juives catalanes connus à ce jour, mais le legs du lit de mère en fils semble être une spécificité du corpus analysé ici. Dans les testaments de juives à Saragosse au XVe siècle, étudiés par Asunción Blasco Martínez, les seuls legs de lit et de linge de lit sont faits par une mère les transmettant à ses filles50. Katherine L. French montre comment, au XIVe siècle à Londres, l’espace de la maisonnée et des biens matériels est progressivement associé à une gestion féminine. Le legs des lits et du linge de lit se fait alors entre femmes. La pratique n’est pourtant pas systématique, en France le lit se lègue indifféremment du genre51. Les lits considérés comme des biens coûteux et symboliques sont essentiels à la constitution du ménage. Lorsqu’ils sont transmis par voie testamentaire, ils assurent la continuité du lignage52. Un contrat dotal à Peralada, daté de 1341, illustre bien les enjeux du lit53. Dulcia a épousé Leo Bonseynor après la mort de son premier époux. Dans ce document, Dulcia et Leo décrivent le contenu du trousseau de la fille issue du premier mariage de Dulcia, Blancha, fiancée à Davi Mahir. Le premier objet du trousseau est le lit conjugal des premières noces de la mère, ainsi qu’un matelas de bonne qualité, un traversin, une couverture et un oreiller. Cela signifie que la veuve a conservé son lit après son remariage, sans l’utiliser comme lit conjugal, pour le transmettre à ses enfants, ici sa fille unique. En cela, les juives ne sont pas très différentes des chrétiennes. De manière générale, dans les écritures testamentaires, la plupart des dons faits par des femmes sont destinés à d’autres femmes : leurs filles, leurs petites-filles, mais aussi leurs sœurs, des cousines, des servantes ou des voisines. Les vêtements et bijoux sont spécifiquement mentionnés dans les documents de mariage comme constituant une partie de leur dot. Les meubles, le linge, les vêtements et bijoux ont également une valeur symbolique : ils sont intimement liés au corps des femmes. Les corps comme l’espace domestique peuvent être le vecteur d’une expression de soi54. Les objets quotidiens se parent alors d’une charge émotionnelle et contribuent à construire le foyer tout autant que les murs de la maison. Ils interagissent avec la corporalité des membres de la maisonnée, contribuant à façonner l’identité et l’intimité du foyer.
- 55 Daniel Lord Smail, Legal Plunder: Households and Debt Collection in Late Medieval Europe, Cambridge (...)
20Dans les testaments, les petits objets et pièces textiles qui sont transmis ont aussi une valeur monétaire. Tous les dons, même les plus modestes, sont concernés, car, comme le souligne Daniel Lord Smail, ils font partie d’un système de thésaurisation55. Dans le corpus étudié, les femmes lèguent quatre fois plus d’objets que les hommes. Elles donnent en majorité ces biens à d’autres femmes de leur famille. Elles sont donc aussi les premières à en recevoir.
- 56 Pérez, El Testament De Na Baladre…, op. cit.
- 57 AHG, Pe 39, f. 85ro-86 vo.
21Quand les femmes transmettent des objets à des hommes, il s’agit majoritairement de leurs fils et jamais d’hommes situés en dehors du cercle familial proche (ascendants, descendants, avunculat). En revanche, quand elles transmettent à des femmes, le cercle s’élargit. Na Baladre, juive de Gérone, donne à sa fille Dulcia tous ses vêtements, mais réserve pour sa servante sa cotte bleue doublée de peau de lapin et une petite peau de serval56. En 1341 à Peralada, Bonadona, épouse de Momet Maymoni, donne des pièces et tuniques, cottes et surcots à des femmes n’appartenant pas à son cercle familial direct : Massipone, la fille de feu maître Bonjuha, juif de Besalú, et Druda, veuve de Bonsenyor Mometi, juif de Figueres57. Elle donne également une tunique et un surcot à la fille de son neveu Mosse. L’accès des femmes aux objets ordinaires de la maison et aux pièces textiles leur permet de s’inscrire dans des cercles de solidarités principalement féminins. Il s’agit également d’une partie de leur dot et de leurs richesses personnelles dont elles semblent pouvoir jouir avec plus de liberté.
- 58 Juan Vincente García Marsilla, « Ropas de ocasión y difusión de las modas en la Valencia del siglo (...)
- 59 Laurence Fontaine, Le Marché. Histoire et usages d’une conquête sociale, Paris, Gallimard, 2014, p. (...)
22Le marché du textile médiéval à la fois dynamique et complexe joue un rôle central dans les échanges économiques et sociaux, à différentes échelles. Les vêtements sont légués pour être portés, mais aussi revendus ou mis en gage. Ces dons qui peuvent parfois sembler modestes – un fichu, une chemise… – peuvent s’avérer précieux dans une micro-économie de la précarité. Juan Vincente García Marsilla observe à Valence au XVe siècle le poids économique des objets du quotidien et des vêtements de seconde main dans les circuits économiques de la ville, et plus particulièrement lors des ventes aux enchères58. À Valence, le marché de la seconde main représente 40 % par an des ventes encadrées par le pouvoir. Une grande partie de cet échange était destinée à la survie et constituée de pièces de facture médiocre, voire abîmées. Dans ses travaux sur le marché à l’époque moderne en France, Laurence Fontaine montre également combien les pièces de linge les plus modestes peuvent servir de support à des stratégies de survie concernant majoritairement des femmes59.
- 60 Pinchas Roth, « ‘My precious books and instruments’: Jewish divorce strategies and self-fashioning (...)
23La gestion des biens matériels peut s’étendre aux objets personnels et professionnels de leur mari. Dans un cas assez bien documenté du XIVe siècle, en latin comme en hébreu, Esther Caravita et sa mère menacent l’époux d’Esther, l’astronome David Bonjorn, de vendre les livres et les instruments de ce dernier s’il ne leur accorde pas le guet, le divorce60. Ce cas est exceptionnel et le procédé d’Esther réprouvé par les autorités rabbiniques, mais il montre que l’accès aux biens matériels d’un foyer est possible pour une femme.
- 61 Claire Soussen, « Les objets rituels des Juifs à la fin du Moyen Âge, catalyseurs des sentiments an (...)
24Comme les chrétiennes, les femmes juives évoluent dans un espace matériel domestique où certains objets et pièces de vêtements sont investis d’une valeur sociale, morale et émotionnelle. Les biens matériels servent aux femmes de supports de transmission de ces valeurs et cristallisent leur rôle social et familial. La question des objets et pièces de vêtements spécifiquement liés au judaïsme est également importante, mais difficile à cerner dans les actes notariés formulés en latin. Dans les testaments que nous connaissons pour la première moitié du XIVe siècle, il n’y a pas de mention de vêtements ou d’objets spécifiquement hébraïques, alors que dans les sources hébraïques comme les responsa, les halakhistes, spécialistes de la loi juive, y font référence tout au long du Moyen Âge61.
La maison-atelier
- 62 Lucia Direnberger et Camille Schmoll, « Ce que le genre fait à l’espace… et inversement », Les Cahi (...)
25Le « tournant spatial » des études de genre permet d’analyser les rares éléments de documentation sur le travail des femmes comme un moyen d’appropriation de l’espace et d’investissement de leur lieu de vie62.
- 63 Mireia Comas, Carme Muntaner et Teresa Vinyoles, « Elles no només filaven: producció i comerç en ma (...)
- 64 Ibid.
- 65 Ifft Decker, The Fruit of Her Hands…, op. cit., p. 111-112.
- 66 Asunción Blasco Martínez, « Judíos zaragozanos comerciantes de tejidos en el siglo XIV anotaciones (...)
- 67 Beatrice Leroy, « La vie économique des juifs de Navarre au XIVe siècle », Yosef Kaplan (dir.), Jew (...)
26Les pièces textiles qui apparaissent dans les testaments féminins sont parfois la trace d’une production artisanale qui a lieu dans les murs de la maison. Nous avons très peu de témoignages sur ces activités, mais les quelques contrats notariés connus placent systématiquement l’activité artisanale féminine juive dans les murs de la maison, où la maîtresse héberge l’apprentie, comme c’est le cas des chrétiennes au même moment63. Pourtant, le rôle des femmes dans l’économie textile des milieux urbains est essentiel, qu’elles soient juives ou chrétiennes. Il est extrêmement difficile d’identifier les femmes travaillant en atelier, car les activités artisanales menées en famille ou avec leur mari les effacent de la documentation64. Les femmes n’apparaissent donc dans les sources notariales que dans des cas très spécifiques : quand elles prennent des apprenties dans leur maison ou quand elles possèdent leur propre atelier. Selon une étude récente de Sarah Ifft Decker, menée à partir de l’analyse de registres de notaires catalans à Vic, Gérone et Barcelone, les femmes juives travaillent plus souvent dans leur maison parce qu’il est plus difficile pour elles que pour les chrétiennes d’ouvrir leur propre atelier65. Elle observe ainsi que les chrétiennes obtiennent des prêts pour ouvrir leur atelier seule ou aux côtés de leur époux, alors que les femmes juives n’en obtiennent que si elles exercent en couple. Les activités artisanales se pratiquent alors à l’intérieur des maisons et mènent parfois à une cohabitation quotidienne avec des apprenties. Sur les 250 registres de notaires que nous avons consultés pour les villes de Perpignan, Gérone, Peralada et Castelló d’Empúries de 1285 à 1350, cinq actes seulement concernent la mise en apprentissage chez des femmes juives à Castelló d’Empúries et Peralada, de 1331 à 1341. Parmi les maîtresses juives, on trouve trois femmes mariées et deux veuves, dont une spécialisée dans la confection de bourses de cuir, deux dans les lacets et lanières de cuir, une dans la confection de coiffes et de fichus, et une autre dont l’art n’est pas mentionné. Ces activités correspondent à celles observées par Asunción Blasco Martínez à Saragosse66 ou par Béatrice Leroy en Navarre67. Les juifs et les juives y exercent en effet une très grande variété de métiers dans le secteur textile et en particulier le textile de luxe.
- 68 AHG, Ca 54, f. 34 vo.
- 69 AHG, PE 39, f. 17 vo-18 ro.
- 70 Maugin, « Le cas de maître Samuel Alphaquim… », art. cit., p. 17-50.
- 71 Philippe Bernardi, « Relations familiales et rapports professionnels chez les artisans du bâtiment (...)
- 72 Simone Roux, « Les femmes dans les métiers parisiens : XIIIe-XVe siècles », Clio [En ligne], 3, 199 (...)
27Le plus ancien des cinq actes est daté du 3 juin 1331. À Castelló d’Empúries, Bonafilia, épouse de Juceff Bedony, confie sa fille Goygues à Regina, épouse de Vital Cordoviny, comme apprentie pendant une année complète68. La nature du métier est difficilement lisible sur le registre, peut-être « bursaria », fabricant de bourses. Goygues doit rester chez Regina et pour cela, Bonafilia s’engage à verser 8 sols de Melgueil, la moitié à la prochaine fête de saint Michel de septembre et les 4 autres sols pour les prochaines fêtes de Pâques. Dans ce cas particulier, ce sont deux femmes mariées qui agissent en leur propre nom. La mère place sa fille en apprentissage auprès d’une autre femme juive de Castelló. Ce genre d’accords passés entre des femmes se fait sans l’intervention, du moins juridique, de leurs époux respectifs. Les deux familles ne sont pas apparentées, mais Vital Cordoviny et Juceff Bedony mènent de pair une activité de crédit assez importante. La mise en apprentissage et l’hébergement se font donc dans un cercle de sociabilité proche et dans un milieu social équivalent. À Peralada en 1341, Bonjuha de Stella, juif, place sa fille Regina auprès de Bruna, épouse de maître Vital, médecin et juif de la ville, pour qu’elle apprenne le métier de cette dernière : le travail de la soie et le cardage de la laine69. Les deux années pendant lesquelles Regina restera chez Bruna et son époux, elle devra coudre de la soie. Regina s’engage à être fidèle aux ordres et directives de sa maîtresse. Ici, Bruna exerce un métier différent de celui de son époux : ce dernier est désigné comme « maître », ce qui dans le monde juif médiéval est le signe d’un métier intellectuel, parfois dans le domaine de la médecine70. Elles accueillent des apprenties qui, comme dans les milieux de l’artisanat chrétien, se mêlent à la vie quotidienne de la maison, voire la vie de famille71. Les métiers du textile permettent également aux femmes une certaine autonomie économique et sociale, à l’instar de ce que peut observer Simone Roux dans les métiers parisiens au XIVe siècle72.
- 73 AHG, Ca 429, f. 39 ro.
- 74 Juliette Sibon, « Bondavin revisité. Le prêteur juif de Marseille Bondavin de Draguignan (ca. 1285- (...)
28Le lieu de la pratique artisanale est la maison dans tous les actes du corpus. L’atelier qui se trouve dans le domicile est plus rarement un lieu d’échange entre juives et chrétiennes, mais il existe des exemples. Ainsi, en 1337, à Castelló, Dulcia, chrétienne, fille de Pascal de Garriguella, entre en apprentissage chez Goygues, veuve de Vital Profayt, pour deux ans afin de confectionner des fichus73. Dulcia s’engage à suivre les ordres et à remettre la somme de 10 sols à sa maîtresse juive si elle partait avant les deux années écoulées. Or, l’apprentie ne réside pas chez sa maîtresse pendant les deux années de son apprentissage ; elle n’habite donc pas la maison dans le quartier juif, mais elle va y passer une grande partie de ses journées. Goygues est la belle-mère d’Astruch Caravita, un juif important de la ville menant d’importantes activités de crédit. Qu’une jeune femme juive issue d’un milieu économiquement solide, côtoie de façon ordinaire les chrétien∙nes, renvoie au phénomène observé par Juliette Sibon à Marseille au début du XIVe siècle, où le juif Bondavin de Draguignan, ayant fait fortune grâce au crédit, travaille quotidiennement avec les marchands chrétiens et l’élite urbaine locale74.
Conclusion
- 75 Claude Denjean, Les juifs et les pouvoirs. Des minorités médiévales dans l’Occident méditerranéen ( (...)
29Le fait que les femmes apparaissent aux côtés de leur époux plus fréquemment dans les actes de gestion de biens immobiliers que dans des actes de location permet de s’interroger sur leur place et leur capacité d’action réelle dans les processus de choix, de décision ou de négociation. Leur présence dans les actes de vente, d’héritage et d’achat est liée à leur statut de propriétaire et ne reflète pas nécessairement une véritable agentivité quant au choix et à la gestion de leur lieu de vie. La prise de possession d’une maison fait l’objet d’un ensemble de gestes qui est l’apanage exclusif des hommes. La capacité des femmes à choisir leur maison semble faible et elles doivent parfois changer de domicile au cours de leur vie, fragilisant encore leur ancrage spatial. Dans ces conditions, l’investissement par les femmes de l’espace domestique se fait au moyen de la culture matérielle. La prise en compte de la position intersectionnelle de ces femmes, à la fois juives, migrantes et parfois veuves, autour de la notion d’habitat, permet de considérer autrement la question historiographique ancienne des quartiers juifs de l’Europe médiévale. Les activités artisanales ou encore la capacité des femmes à choisir à qui elles vont léguer certains de leurs objets intimes sont autant de moyens d’affirmer un choix et de construire une identité, processus qui fait du logement possédé un foyer habité, lieu d’interactions sociales et économiques. Il serait possible de poursuivre cette réflexion en l’inscrivant dans des travaux récents sur le sentiment d’appartenance des populations juives à des villes ou territoires75, en se focalisant sur le rôle économique, matériel, mais aussi émotionnel des femmes, et ce particulièrement dans des contextes d’exil et de migration.
30Enfin, l’étude des sources de la pratique notariale chrétienne permet d’appréhender les modes d’habitation des populations juives médiévales d’une façon renouvelée. Le corpus de contrats de location catalans offre des éclairages inédits sur un aspect peu connu du marché immobilier médiéval urbain, et donne notamment à voir le rôle des femmes dans ce marché et leur place dans les économies de la pauvreté.
Notes
1 Ingrid Houssaye, Sarah Maugin et Claire Soussen, « La frontière interconfessionnelle, un concept pertinent dans l’espace urbain de la Couronne d’Aragon des XIIIe-XVe siècles ? », in Frontières spatiales, frontières sociales, SHMESP, Paris, Publications de la Sorbonne, 2021, p. 313-332.
2 Michael Schraer, A Stake in the Ground: Jews and Property Investment in the Medieval Crown of Aragon, Boston, Brill, 2019.
3 Claude Denjean, « L’espace et la diaspora juive méridionale et ibérique (XIIe-XVe siècles) », Autrepart, 22, 2002, p. 37-51.
4 Yom Tov Assis, The Golden Age of Aragonese Jewry: Community and society in the Crown of Aragon 1213-1327, Oxford, Littman Library of Jewish Civilization, 2008 [1997].
5 Shelomo Dov Goiten, A Mediterranean society. The Jewish community of the Arab world as portrayed in the documents of the Cairo Geniza, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1969-1989 ; Judith R. Baskin, « Mobility and Marriage in Two Medieval Jewish Societies », Jewish History, 22/1, 2008, p. 223-243 ; Sarah Ifft Decker, « Between Two Cities: Jewish Women and Exogamous Marriage in Medieval Catalonia », Journal of Medieval History, 45/4, 2019, p. 481-503.
6 Yom Tov Assis, « Juifs de France réfugiés en Aragon, XIIIe-XVe siècles », Revue des études juives (désormais REJ), 142/2, 1983, p. 285-322 ; Claude Denjean, « Solidarités transpyrénéennes. Les communautés juives de Puigcerdà et de Perpignan face aux aléas de la tolérance, entre 1260 et 1428 », in Tolérance et solidarités, Colloque de Foix (18-20 septembre 1998), Foix, Archives départementales de l’Ariège, 2000, p. 163-177 ; eadem, « 1306 et avant : Des “sentiers invisibles”. Les juifs venus de France en Roussillon et Catalogne, de Perpignan au Pénédès au début du XIVe siècle », in Danièle Ianco-Agou (dir.), Les juifs du Royaume de France et l’expulsion de 1306, Paris, Le Cerf, 2012, p. 101-124.
7 Chloé Belard, « La notion de genre ou comment problématiser l’archéologie funéraire », Les nouvelles de l’archéologie, 140, 2015, p. 23-27 ; Isabelle Algrain (dir.), Archéologie du genre : construction sociale des identités et culture matérielle, Bruxelles, Université des Femmes, 2020.
8 Aymat Catafau, Denis Fontaine, « Le call juif de Perpignan : nouveaux aperçus », REJ, 177/1-2, 2018, p. 75-134 ; Gérard Nahon, « L’archéologie juive de la France médiévale », Archéologie médiévale, 5, 1975, p. 139-159 ; Anna Puig Griessenberger, Josep M. Gironella, Josep M. Granes, « La sinagoga de Castelló d’Empúries. Evidències històriques i arqueològiques », Annals de l’Institut d’Estudis Empordanesos, 2016, p. 97-131 ; Josep Canal i Roquet, Eduard Canal i De Diego, Josep Jordi, Nolla i Brufau et Maria Sagrera Aradilla, Història Urbana de Girona : reconstrucció cartogràfica, vol. 7, La forma urbana del Call de Girona, Gérone, Ajuntament de Girona, 2006.
9 Projet ANR VISMIN, https://vismin.huma-num.fr/.
10 Christian Guillere, « Le notariat catalan au XIVe siècle à travers l’exemple géronais : structures, production et clientèles », in Lucien Faggion, Anne Mailloux et Laure Verdon (dir.), Le notaire, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2008, p. 67-84.
11 Miquel Pujol i Canelles, La conversió dels jueus de Castelló d’Empúries, Castelló d’Empúries, Ajuntament de Castelló d’Empúries, 1997 ; idem, « El fossar dels jueues de Castelló d’Empúries », Annals de l’Institut d’Estudis Empordanesos, 36, 2003, p. 37-95.
12 Juliette Sibon, Chasser les juifs pour régner, Paris, Perrin, 2016.
13 Céline Balasse, 1306 : l’expulsion des juifs du royaume de France, Bruxelles, De Boeck, 2008 ; Sibon, Chasser…, op. cit., p. 129-152 ; Denjean, « Solidarités transpyrénéennes… », art. cit., p. 163-177 ; « 1306 et avant », art. cit., p. 101-124.
14 Assis, « Juifs de France… », art. cit., p. 285-322.
15 Archives historiques de Gérone (désormais AHG), Ca 25, f. 63ro.
16 Irene Llop, Vides I veus del Call. Origens i consolidacio de la comunitat jueva de Vic (1231-1315), Vic, Patronat d’estudis Osonencs, 2019, p. 58-62.
17 Claude Denjean, Juifs et chrétiens. De Perpignan à Puigcerdà, XIIIe-XIVe siècles, Perpignan, Éditions du Trabucaire, 2004.
18 Fred Menkes, « Une communauté juive en Provence au XIVe siècle : étude d’un groupe social », Le Moyen Âge, 77, 1971, p. 277-303, p. 297-299.
19 AHG, Ca 52, f. 56 vo.
20 AHG, Ca 54, f. 61 ro.
21 Robert Burns, Jews in the Notarial Culture: Latinate Wills in Mediterranean Spain, 1250-1350, Berkeley, University of California Press, 1996, p. 106-107, p. 178-179, doc. 36.
22 Archives départementales des Pyrénées-Orientales (désormais ADPO), 3E1 27, f. 42 vo-43 ro ; Richard W. Emery, The Jews of Perpignan in the thirteenth century: an economic study based on notarial records, New York, Columbia University Press, 1959, doc. 139, p. 189-191.
23 Cheryl Tallan, « Medieval Jewish Widows: Their Control of Resources », Jewish History, 5, 1991, p. 63-74, p. 63-64 ; Elka Klein, « The Widow’s Portion: Law, Custom and Marital Property among Medieval Catalan Jews », Viator, 31, 2000, p. 147-163.
24 Mireia Comas Via, Entre la solitud i la llibertat : Vidues barcelonines a finals de l’Edat Mitjana, Barcelone, Ircum/Viella, 2015, p. 104, p. 139-152.
25 La question de l’enrichissement de certains juifs grâce à la division et la sous-location de logements, en vertu du jus chazakah, a notamment été étudiée par Michaël Gasperoni à Rome à l’époque moderne. Michaël Gasperoni, « Les ghettos juifs d’Italie à travers le jus chazakah : un espace contraint, mais négocié », Annales. Histoire, Sciences sociales, 73/3, 2018, p. 559-590.
26 AHG, Ca 429, f. 80 vo.
27 AHG, Ca 64, f. 29 ro [et] vo.
28 AHG, Ca 33, f. 3 vo, Ca 43, f. 51 vo.
29 AHG, Ca 33, f. 15 ro.
30 AHG, Ca 64, f. 43 vo.
31 Sarah Maugin, « Le cas de maître Samuel Alphaquim, juif de Perpignan (c. 1370-1420) », REJ, 181, 2022, p. 17-50.
32 Sarah Ifft Decker, The Fruit of Her Hands: Jewish and Christian Women’s Work in Medieval Catalan Cities, University Park, Penn State University Press, 2022, p. 131.
33 Ibid., p. 133.
34 Ibid., p. 140-144.
35 AHG, Ca 56, f. 49 ro-51 ro.
36 AHG, Ca 64, f. 29 ro.
37 AHG, Gi05 04, f. 34 ro. L’identité du « juif de Besalú » n’est pas connue car le notaire a laissé un espace en lieu de son nom.
38 Ibid. : « ad ponendum et inducondum in corporalem possessionem astrugum caravitem judeum Gerunde et [un blanc est laissé] judeum bissuli de quodam hospitum ».
39 Ibid. : « Dictus abraham issachi nomine procuratione quo volens tractare corporalem possessionem dicti hospiti dictorum judeis » […] « dictos astrugus caravite et [blanc] intus dictum hospitum et pro ipsos fecint claudi et aperti januas maioris exterioris dicti hospiti ».
40 Une des formes documentées est la remise du verrou, de la clenche, de la poignée, du seuil, ou des linteaux de la porte. Cela peut consister à faire jouer le verrou de la porte principale de la maison en ouvrant et fermant cette dernière. Claude Lecouteux, La Maison et ses génies : croyances d’hier et d’aujourd’hui, Paris, Imago, 2000, p. 36-38.
41 AHG, Gi05 04, f. 33 vo-34 ro.
42 Ibid. : « Bonadona uxor astrugui caravite judei Gerunde et eidem astrugus caravite eius vir ambi in simul ».
43 Teresa Maria Vinyoles Vidal, « El espacio doméstico y los objetos cotidianos en la Cataluña medieval », in María Elena Díez Jorge et Julio Navarro Palazón (dir.), La casa medieval en la Península Ibérica, Madrid, Silex, 2015, p. 613-650 ; Sorroche Jiménez, María José Chavero Xesca i Lloveras, « Objectes materials en hàbitat jueu : el cas del pati del Col.legi d’Arquitectes de Girona », in Silvia Planas Macé (dir.), Temps i espais de la Girona jueva. Actes del Simposi Internacional celebrat a Girona 23, 24 i 25 de març de 2009, Gérone, Patronat del Call de Girona, 2011, p. 67-79.
44 Elka Klein, « Splitting Heirs: Patterns of Inheritance among Barcelona’s Jews », Jewish History, vol. 16, 2002, p. 49-71, p. 54 ; Robert Burns, Jews in the Notarial Culture, op. cit. ; Chloé Bonnet, Femmes juives, gestion des affaires et transmission des valeurs (Royaume d’Aragon, 1285-1370), thèse de doctorat, Claude Denjean (dir.), Université Perpignan Via Domitia, 2022.
45 Andrée Courtemanche, La richesse des femmes, patrimoine et gestion à Majorque au XIVe siècle, Paris-Montréal, Vrin-Bellarin, 1993, p. 169-171.
46 Eleanor Riemer, « Women, dowries and capital investment in thirteenth-century Siena », in Marion A. Kaplan (dir.), The Marriage Bargain. Women and Dowries in European History, New York, Institute for Research in History/Haworth Press, 1985, p. 59-79.
47 Idan Pérez, El Testament De Na Baladre (1325) : Nova Aportació a L’estudi De Les Sinagogues De Girona, Barcelone, AGAU, 2012.
48 Archives historiques de Gérone (désormais AHG), Ca 73, f. 24 ro-25 ro.
49 AHG, Ca 54, f. 60 ro [et] vo.
50 Asunción Blasco Martínez, « Mujeres judías zaragozanas ante la muerte », Aragón en la Edad Media, 9, 1991, p. 77-120, p. 86.
51 Donatien Guégan, « Le lit en France à la fin du Moyen Âge. Symbolique sociale dans les sources notariales », In Situ [En ligne], 40, 2019, https://doi.org/10.4000/insitu.22584.
52 Katherine L. French, Household goods and good households in Late Medieval London: consumption and domesticity after the Plague, Philadelphie, Philadelphia University Press, 2021, p. 63-64.
53 AHG, Pe39, f. 204ro-207 vo.
54 Chen Misgav et Orna Blumen, « The Body within Home and Domesticity – Gendered Diversity », HAGAR, Studies in Culture, Polities and Identities, 11, 2013, p. 6-19.
55 Daniel Lord Smail, Legal Plunder: Households and Debt Collection in Late Medieval Europe, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2016, p. 36.
56 Pérez, El Testament De Na Baladre…, op. cit.
57 AHG, Pe 39, f. 85ro-86 vo.
58 Juan Vincente García Marsilla, « Ropas de ocasión y difusión de las modas en la Valencia del siglo XV », Anuario De Estudios Medievales, 52/1, 2022, p. 311-350.
59 Laurence Fontaine, Le Marché. Histoire et usages d’une conquête sociale, Paris, Gallimard, 2014, p. 78-84 ; eadem, Vivre pauvre. Quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières, Paris, Gallimard, 2022, p. 18-46.
60 Pinchas Roth, « ‘My precious books and instruments’: Jewish divorce strategies and self-fashioning in medieval Catalonia », Journal of Medieval History, 43, 2017, p. 548-561.
61 Claire Soussen, « Les objets rituels des Juifs à la fin du Moyen Âge, catalyseurs des sentiments antijuifs ou fédérateurs des identités ? », Revue d’histoire des religions, 4, 2014, p. 681-698.
62 Lucia Direnberger et Camille Schmoll, « Ce que le genre fait à l’espace… et inversement », Les Cahiers du CEDREF [En ligne], 21, 2014, https://doi.org/10.4000/cedref.953.
63 Mireia Comas, Carme Muntaner et Teresa Vinyoles, « Elles no només filaven: producció i comerç en mans de dones a la Catalunya baixmedieval », Recerques, 56, 2008, p. 19-45.
64 Ibid.
65 Ifft Decker, The Fruit of Her Hands…, op. cit., p. 111-112.
66 Asunción Blasco Martínez, « Judíos zaragozanos comerciantes de tejidos en el siglo XIV anotaciones biográficas », Acta historica et archaeologica mediaevalia, 26, 2005, p. 587-612.
67 Beatrice Leroy, « La vie économique des juifs de Navarre au XIVe siècle », Yosef Kaplan (dir.), Jews and conversos: studies in society and the Inquisition – Proceedings of the Eighth World Congress of Jewish Studies held at the Hebrew University of Jerusalem, Jerusalem, World Union of Jewish Studies, 1985, p. 39-61.
68 AHG, Ca 54, f. 34 vo.
69 AHG, PE 39, f. 17 vo-18 ro.
70 Maugin, « Le cas de maître Samuel Alphaquim… », art. cit., p. 17-50.
71 Philippe Bernardi, « Relations familiales et rapports professionnels chez les artisans du bâtiment en Provence à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 30, 1996, p. 55-68.
72 Simone Roux, « Les femmes dans les métiers parisiens : XIIIe-XVe siècles », Clio [En ligne], 3, 1996, https://doi.org/10.4000/clio.460.
73 AHG, Ca 429, f. 39 ro.
74 Juliette Sibon, « Bondavin revisité. Le prêteur juif de Marseille Bondavin de Draguignan (ca. 1285-1361), suite et fin », Le Moyen Âge, 118/3, 2012, p. 641-659.
75 Claude Denjean, Les juifs et les pouvoirs. Des minorités médiévales dans l’Occident méditerranéen (XIe-XVe siècle), Paris, Les Éditions du Cerf, 2020 ; Nureet Dermer, « Between Foreigners, Strangers and Jews: The Changing Perception of Parisian Jews », Medieval Encounters, 27, 2021, p. 308-334.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Chloé Bonnet, « Les femmes juives et leurs maisons : de l’habitat au foyer (Couronne d’Aragon, XIVe siècle) », Genre & Histoire [En ligne], 35 | 2025, mis en ligne le 01 juillet 2025, consulté le 10 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/genrehistoire/10523 ; DOI : https://doi.org/10.4000/149uj
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