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Comptes rendus

Jean-Baptiste Santamaria, Marguerite de France, comtesse de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (1312-1382). Une vie de princesse capétienne au temps des Valois

Turhnout, Brepols, 2022, 538 p.
Lucie Jardot
Référence(s) :

Jean-Baptiste Santamaria, Marguerite de France, comtesse de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (1312-1382). Une vie de princesse capétienne au temps des Valois, Turhnout, Brepols, 2022, 538 p.

Texte intégral

1Fille du roi capétien Philippe V et épouse du comte Louis Ier de Flandre, Marguerite de France est au cœur du travail d’habilitation à diriger des recherches de Jean-Baptiste Santamaria. Toute l’ambition de son étude est résumée dans le sous-titre de l’ouvrage « Une vie de princesse capétienne au temps des Valois » : il s’agit de mettre en évidence la réalité du pouvoir des femmes aristocratiques à la fin du XIVe siècle à travers une figure particulière qui est celle de la comtesse de Flandre et d’Artois. La chronologie dans laquelle Marguerite de France s’inscrit, tout comme l’espace de ses possessions dans lequel la loi salique ne s’applique pas, sont deux éléments qui se prêtent aisément à un tel exercice. Favorisée par la documentation comptable locale, les archives comtoises et les actes de la pratique, cette étude permet de cerner avec précision la vie et la réalité du pouvoir de la comtesse. Cette somme rejoint ainsi les biographies précédemment réalisées à l’instar de celle de Christelle Balouzat-Loubet sur la tante de Marguerite, Mahaut d’Artois, ou encore de Michelle Bubenicek sur Yolande de Flandre : toutes permettent de réévaluer le pouvoir féminin. Articulé autour de deux parties, dont la première est biographique et la seconde thématique, le propos de Jean-Baptiste Santamaria lui permet de faire sortir de l’ombre, avec brio, cette comtesse méconnue des historiens et qui n’avait fait l’objet jusqu’ici que d’une approche régionaliste.

2De son enfance royale aux côtés de sa mère Jeanne de Bourgogne au statut de veuve héritière en passant par les noces avec le comte de Flandre pour sceller une paix, les dix premiers chapitres déclinent tous les statuts et rôles connus par Marguerite de France au cours de sa longue vie (1312-1382). Fille de roi, épouse, veuve et mère de comtes, elle est aussi comtesse par alliance, puis héritière des comtés-pairies d’Artois et de Bourgogne. La richesse de son parcours de vie s’entremêle à un contexte politique et diplomatique particulier pour la couronne de France dont elle est issue.

3Cette toile de fond brossée dans la première partie de l’ouvrage justifie, dans la seconde, l’étude du recours à la mobilité, au mécénat et à la piété déployée par la princesse qui œuvre à la fois pour son gouvernement personnel, mais aussi pour les intérêts de sa lignée. C’est à ce titre que Jean-Baptiste Santamaria voit en elle une « personne essentielle dans la formation d’un ensemble territorial et d’une politique dynastique réussie » (p. 469). La mobilité de la princesse – objet de très belles pages et cartes couleur ou numériques – est l’un des premiers outils employés par celle-ci pour parvenir à réaffirmer son autorité. En reconstituant son itinérance curiale, l’auteur parvient à mettre en lumière les stratégies territoriales de la comtesse qui s’appuie sur un solide réseau de résidences. À l’instar de ses contemporains la circulation est un mode de gouvernement. De même son mécénat, ses habitudes quotidiennes (alimentaires, vestimentaires) ne dérogent pas à ce qui est déjà pratiqué par ses homologues masculins ou féminins. En réalité, la singularité du règne de Marguerite de France réside davantage dans la dimension syncrétique de ses pratiques dévotionnelles ou mémorielles si l’on en croit l’auteur. Cette identité qualifiée d’hybride – déclinée à l’envie sur de multiples supports, comme les sceaux, les signets, les jetons, les espaces occupés – témoigne d’une très haute conscience de soi. Ce thème abordé dans le dernier chapitre de l’ouvrage apparaît comme le point d’orgue de la démonstration de l’auteur et permet de pleinement prendre la mesure du rôle tenu par Marguerite de France.

4Ainsi, les médiévistes ne peuvent que se féliciter d’accueillir dans leur bibliographie une somme aussi complète sur une figure cruciale du pouvoir féminin de la fin du XIVe siècle. Si l’on peut déplorer quelques coquilles sur des noms d’auteurs cités, et une légende cartographique pas toujours en adéquation avec la réalité représentée (carte no 23), il n’en demeure pas moins vrai que le travail accompli est impressionnant. La multiplicité des thèmes, la pertinence et l’équilibre du propos malgré une documentation éparse ne peuvent qu’être appréciés. Il est toutefois dommage que l’auteur ne fasse figurer nulle part la notion de genre, qui permettrait d’approfondir l’approche. L’ouvrage de Jean-Baptiste Santamaria remplit néanmoins pleinement son objectif et prolonge indéniablement les réflexions sur le pouvoir féminin au Moyen Âge. Les amateurs ou historiens du genre et des femmes ne pourront que l’en remercier.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucie Jardot, « Jean-Baptiste Santamaria, Marguerite de France, comtesse de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (1312-1382). Une vie de princesse capétienne au temps des Valois »Genre & Histoire [En ligne], 35 | 2025, mis en ligne le 01 juillet 2025, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/genrehistoire/10977 ; DOI : https://doi.org/10.4000/149tz

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Auteur

Lucie Jardot

UMR 8589 LaMOP
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