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Filles et fils au prisme des journaux d’observation rédigés par leurs parents (Suisse romande, 1780-1820)

Daughters and sons through the prism of their parents' diaries (French-speaking Switzerland, 1780-1820)
Sylvie Moret Petrini

Résumés

Basé sur treize journaux d’éducation/d’observation tenus par des parents issus de la bourgeoisie de Suisse romande entre 1780 et 1820, l’article analyse cette pratique d’écriture et la façon dont les scripteurs et scriptrices évoquent leurs enfants, et cela dès la naissance et l’annonce du sexe de l’enfant. Les observations consignées permettent de questionner l’influence des représentations genrées du féminin et du masculin sur le regard, qui se veut scientifique, que les pères et les mères posent sur leur progéniture au moment même où la question de l’observation des enfants est activement promue par les pédagogues et philosophes des Lumières. Les descriptions apparaissent également influencées par la mise en scène du propre rôle du diariste, comme père ou comme mère, et par ses attentes face à ce rôle.

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Texte intégral

  • 1 Ces journaux d’éducation ou d’observation, dont on trouve des exemples rédigés par les parents, mai (...)
  • 2 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation [1762], Charles Wirz et Pierre Burgelin (éd.), Paris (...)
  • 3 Ibid., p. 311.
  • 4 Jean Delumeau, « Introduction IIe partie. Le discours des deux réformes », et Daniel Roche, « Intro (...)

1À la fin du xviiie siècle, plusieurs parents, inspirés par les traités d’éducation qui leur en soufflent l’idée, ont pris note de leurs observations sur leurs enfants, et ce depuis leur naissance. Sur le territoire suisse romand protestant où cette recherche a été menée de façon systématique, treize journaux de cette nature ont été repérés pour la période 1780-18201. Ils rendent compte de la perception par ces familles de l’importance, que rappelait Rousseau dans la préface de l’Émile, de connaître l’enfant à éduquer2. Dans ce même ouvrage, il appelait de ses vœux la rédaction d’un traité de l’observation des enfants pour diriger les parents dans cette voie3. Les pères et mères qui souscrivent à cette pratique le font avec des objectifs divers, mais la volonté d’identifier les différents stades de développement de l’enfant, ses progrès et l’impact de leurs actions éducatives en constitue pour tous et toutes le but premier. Leur volonté d’écrire témoigne également de leur attachement à rendre compte de leur investissement envers leurs enfants dans un contexte qui, dans le cadre familial, valorise les rôles éducatifs et une expression plus ouverte des sentiments4.

  • 5 Françoise Héritier, Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 24. (...)

2Analyser les observations des parents à l’aune de la question du genre permet de réfléchir à l’influence des représentations propres à chaque sexe, durant la période considérée, au regard que posent les scripteurs et scriptrices sur leurs enfants, à leurs attentes à leur égard dans un cadre qui pense la différence entre les sexes. Celle-ci a été mise en évidence par Françoise Héritier avec son concept de « valence différentielle des sexes » établissant l’universalité d’une observation orientée des filles et des garçons et une classification hiérarchique entre les deux au bénéfice des garçons5.

  • 6 La perception que défend encore en 1763 l’abbé Poncelet auteur d’un traité de l’éducation des enfan (...)

3En se focalisant sur la petite enfance, cet article s’interroge sur la perception des identités sexuées au moment même où les pédagogues et philosophes, à l’instar de Jean-Jacques Rousseau, Joachim Heinrich Campe et Johann Heinrich Pestalozzi pour ne citer que ces quelques exemples, découvrent l’importance de cette période pour le devenir des enfants6.

Observer et prendre note du développement de son enfant

  • 7 Jean Héroard a rédigé entre 1601 et 1628 un journal détaillant la santé du jeune Louis XIII dont il (...)
  • 8 Moret Petrini, L’enfance sous la plume..., op. cit., p. 25-41.
  • 9 Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse : lettres de deux amants habitants d’une petite (...)
  • 10 Nicolas-Edme Restif de La Bretonne, L’école des pères, France, Paris, Veuve Duchêne, Humblot, Le Ja (...)

4Au cours du xviiie siècle un genre d’écriture diaristique qui peut être perçu comme novateur en dehors du monde de la cour prend son essor dans les milieux nobiliaires et bourgeois7. Il s’agit du journal d’observation ou d’éducation. Philosophes et pédagogues, parmi lesquels Jean-Jacques Rousseau, Nicolas-Edme Restif de La Bretonne, Stéphanie-Félicité de Genlis, Joachim Heinrich Campe, Richard et Maria Edgeworth et Louis-François Jauffret encouragent cette pratique en s’adressant directement aux parents sans toutefois que la personne – père ou mère – à laquelle l’exercice est proposé ne fasse consensus8. Rousseau en fait la promotion dans son roman épistolaire Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) par la voix de son héroïne Julie qui dit observer sans relâche ses enfants et tenir « un registre exact de ce qu’ils font et de ce qu’ils disent9 ». Dans L’École des pères (1776), Restif de La Bretonne suggère que les parents « qui aiment la vertu » tiennent un journal d’éducation sur leurs enfants10. Quant au pédagogue et philosophe allemand Joachim Heinrich Campe, il exhorte les pères à tenter l’exercice qu’il détaille avec précision en annonçant sa volonté de publier de telles productions :

  • 11 Joachim Heinrich Campe, Allgemeine Revision des gesammten Schul-und Erziehungswesens von einer Gese (...)

« Journal d’un père sur son enfant contenant une présentation fidèle de l’éducation physique et morale de l’enfant incluant l’observation des effets et des conséquences ; l’observation des premières marques d’indépendance, d’attention, de joie et de peine ; les développements physiques et mentaux ; la formation progressive du langage et de la syntaxe de l’enfant ; le développement des différences individuelles et des émotions, les premières traces de la future personnalité11 ».

  • 12 « Prix proposé par la Société des Observateurs de l’homme, pour l’an II », dans Magasin encyclopédi (...)
  • 13 Jean-Luc Chappey, Sauvagerie et civilisation. Une histoire politique de Victor de l’Aveyron, Paris, (...)

5Un même appel émane un peu plus de dix ans après de la Société des observateurs de l’homme, – une société savante créée à Paris en 1799 dont les travaux d’observations de nature anthropologique se focalisent sur les enfants –, laquelle lance en 1800 un concours proposant de « déterminer, par l’observation journalière d’un ou de plusieurs enfants au berceau, l’ordre dans lequel les facultés physiques, intellectuelles et morales se développent12 ». Cette société, tout comme le philosophe allemand Campe du reste, ne paraît pas accorder d’importance intrinsèque, dans le cadre de cet exercice, au sexe de l’enfant. Cette dimension est en revanche intégrée, une année plus tard, dans le projet que présente Louis-François Jauffret, l’un des fondateurs de ladite société, qui propose d’observer pendant une quinzaine d’années des enfants élevés à l’écart de la société, précisant « moitié de chaque sexe13 ».

  • 14 À ce jour, les écrits de cette nature qui ont été repérés ne sont guère nombreux. Pour la France, v (...)
  • 15 Archives de l’Ancien Évêché de Bâle, Fonds Kohler carton 95, Jonas de Gélieu, Carnet pour Isabelle (...)
  • 16 Voir René Sigrist, La nature à l’épreuve : les débuts de l’expérimentation à Genève (1670-1790), Pa (...)
  • 17 Archives de l’État de Genève (désormais AEG), Archives privées 62 (famille Gautier) 43 D XIX b1, Fr (...)
  • 18 Archives cantonales vaudoises (désormais ACV), PP 410 C/6/3/52. Grand d’Hauteville, Aimée Philippin (...)
  • 19 Bibliothèque de Genève (désormais BGE), Ms fr. 4645, Adélaïde-Louise-Nicolasie Le Fort (dite Adèle) (...)
  • 20 BGE, Ms. fr. 4786, Louise Plantamour, Journal d’Émile [1819-1834].
  • 21 ACV, PP 106 / 86, Charles Lerber, Journal de Maurice [1811]. De façon surprenante, le scripteur se (...)

6Dans l’espace suisse romand, les journaux de cette nature qui ont été retrouvés rendent compte de la pénétration de cet usage dans les milieux privilégiés et, concernant huit mères et cinq pères, témoignent d’une répartition entre les parents14. Les scripteurs et scriptrices consignent la naissance de leur enfant, ses développements physiques, intellectuels et moraux, ses apprentissages, ses maladies et les soins qui lui ont été prodigués ainsi que les événements particuliers qui l’ont touché, traduisant à la fois une volonté mémorielle et un désir d’observation quasi scientifique de l’enfant. Sept journaux d’observation concernent un seul enfant – l’aîné –, à l’instar de celui du pasteur naturaliste Jonas de Gélieu (1740-1827) qui ouvre en 1779, à la naissance de sa fille Isabelle, un petit carnet d’observation tenu jusqu’aux 7 ans de l’enfant15. Quatre jeunes femmes, issues de la haute bourgeoisie genevoise, marquées à la fois par le calvinisme et un certain esprit scientifique dont témoigne l’importante contribution des savants genevois au développement des sciences aux xviie et xviiie siècles16, souscrivent également à cette pratique. Il s’agit de Françoise-Marie-Antoinette Gautier, née de Tournes (1769-1849), femme de négociant, qui rédige deux journaux pour ses aînés – Alfred et Charles, nés respectivement en 1793 et 1795 –, qu’elle annote durant près de huit ans17. L’époux de Marie Gautier participe d’ailleurs à l’exercice en complétant des notices et en y apportant des précisions. Les trois autres scriptrices se nomment Aimée Grand d’Hauteville (1791-1855) qui commence en 1812 un journal pour son fils Gonzalve18, Adèle Le Fort, née Mestrezat (1793-1884), femme d’un jeune juriste futur conseiller d’État, qui rédige des annales pour son fils Frédéric19, et Louise Plantamour, née Saladin (1791-1872), épouse du directeur de l’hôpital de Genève qui, en 1819, entame un journal pour son aîné Émile qui vient d’avoir 4 ans20. Enfin, même si son projet ne fait pas long feu, puisqu’il se limite à une seule notice rédigée en 1811 à la naissance de son premier fils, le Bernois et homme politique Charles Lerber (1784-1837), époux de Suzanne née Glayre, tente l’exercice avec un cahier intitulé « Journal de Maurice »21.

  • 22 ACV, P. Charrière de Sévery Ci 44, Louise Miéville, Journal de la 1ère enfance de mes chers enfans (...)
  • 23 Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, Archives de Castella, A-448, François Alexandr (...)
  • 24 ACV, PP 416, ck 2, Julie Marcel née Mayor, Journal [1819-1834].
  • 25 BGE, Ms suppl. 880, Jean-René-Guillaume Prevost-Dassier, Journal d’éducation commencé le 3e juillet (...)
  • 26 Albertine Necker, « Livre ouvert pour ses enfants, 23 novembre 1791 », cité par Julie de Mestral Co (...)
  • 27 Albertine-Adrienne Necker de Saussure, L’éducation progressive ou étude du cours de la vie, Paris ; (...)
  • 28 BGE, Ms. fr. 7679, Jean Picot, Extraits du journal de Jean Picot Mallet, relativement à l’enfance d (...)

7Les six autres scripteurs ont ouvert leurs journaux à tous leurs enfants au fil de leurs naissances, à l’instar d’une femme de pasteur, la Vaudoise Louise Miéville (v. 1757-1836), qui eut cinq enfants (quatre filles et un fils) durant la dernière décennie du xviiie siècle22. François Alexandre, comte de Pujol (1774-1848), officier dans la marine, d’origine lyonnaise, tient un journal dans lequel il note la naissance et les progrès de sa fille aînée Marie, née en 1813, puis de sa cadette Marthe, née deux ans plus tard23. Dans son journal, Julie Marcel, née Mayor (1801-1833), fille de médecin et femme de banquier, enregistre tout ce qui concerne ses trois enfants à partir de 181924. Quant au notaire genevois René Guillaume Prevost-Dassier (1749-1816), ses enfants, une fille et un garçon, ont déjà 4 et 3 ans lorsqu’il se met à écrire, commençant par consigner leur développement durant les années écoulées entre leur naissance et le début du journal25. La Genevoise et future pédagogue Albertine Necker, née de Saussure (1766-1841), fait de même ; elle a déjà donné naissance à ses quatre enfants – l’aîné étant âgé de 5 ans – lorsqu’en 1791, elle commence un « livre » à leur sujet afin, comme elle l’écrit elle-même, de pouvoir « comparer leurs progrès, leurs connaissances, de mieux connaître leurs caractères en rapprochant les traits épars qui les distinguent26 ». Si elle ne le poursuit pas au-delà de quelques pages, elle semble néanmoins convaincue de l’intérêt de l’objet. Dans son traité pédagogique, publié entre 1828 et 1838, elle exhortera les mères à se livrer à cet exercice en rédigeant « un journal exact du développement de leur enfant » déplorant – un peu hâtivement à la lumière du corpus étudié ici – que malgré l’intérêt porté à la science de l’observation à la fin du xviiie siècle, il n’y ait pas « un père qui ait daigné constater avec soin les progrès de son propre enfant27 ». Enfin, un journal personnel qui fait une place significative aux observations sur ses enfants a été intégré dans ce corpus : il s’agit de celui du Genevois Jean Picot (1777-1864), professeur à l’Académie de Genève. Dans ce journal, entamé alors qu’il n’avait pas 12 ans, sont consignés, dès la naissance de ses enfants (son fils aîné Eugène naît en 1805), les étapes-clés de leur développement ainsi que des bilans détaillés réalisés à l’occasion de leurs anniversaires. Les notes prises sur ses deux aînés forment un ensemble qui s’apparente à un véritable journal d’éducation, ce dont le scripteur a lui-même pris conscience en les recopiant, en 1830, dans des cahiers séparés28.

  • 29 Prevost-Dassier, Journal d’éducation, op. cit., 5 juillet 1789. Dans cet article, la graphie des di (...)
  • 30 Bibiothèque cantonale et universitaire de Fribourg, Archives de Castella, A-448, François Alexandre (...)
  • 31 Ibid., p. 3.
  • 32 BGE, Ms. fr. 7662-7672, Jean Picot, Journal [1789-1862], 1er juillet 1807.

8Ce corpus de journaux d’observation interroge. Pourquoi ces parents ont-ils adhéré à cette pratique ? Témoignant peut-être d’une certaine forme de consensus sur son intérêt et d’une diffusion plus commune que ne le laisse percevoir le nombre d’écrits conservés, la plupart des scripteurs et scriptrices n’ont pas jugé nécessaire d’expliquer leur démarche. Seuls René-Guillaume Prevost-Dassier, Albertine de Saussure et François de Pujol rédigent des prologues dans lesquels ils présentent leur projet. Pour Prevost-Dassier, il s’agit d’utiliser le journal pour « perfectionner l’éducation » de ses deux enfants et découvrir « le principe & développement du caractère & des talents des enfants & des circonstances qui auraient pu leur nuire ou les favoriser29 »,– des mots très proches de ceux utilisés par Albertine de Saussure pour décrire son projet. Quant au noble français François Alexandre de Pujol, qui rédige trente ans plus tard, la justification de l’écriture est particulièrement détaillée : « Pourquoi ne retiendrait-on pas les souvenirs, par ordre de date, de tous les faits qui dans la suite peuvent influer sur notre bonheur, servir nos intérêts ou seulement piquer notre curiosité30 ». Le scripteur dit sélectionner les informations consignées en fonction de ce qui pourra intéresser sa fille plus tard, envisageant ce projet diaristique et mémoriel comme une entreprise à long terme destinée à être poursuivie par cette dernière lorsqu’il lui en passera le relais en espérant qu’elle adoptera sa méthode31. Alors qu’il inscrit sa démarche dans la tradition du livre de famille, ses comptes rendus font de ce texte – à l’instar du reste du corpus – un véritable journal d’observation. Pour ces trois scripteurs, la volonté de vérifier leurs observations sur le long terme guide le projet, objectif partagé par Jean Picot qui note les observations sur ses enfants dans son journal personnel. Alors que son second fils Adrien n’est âgé que de trois mois, il relève, sur la base de l’observation du nourrisson qu’il montre « peut-être aussi moins de talent et de facilité pour les études » que son frère alors âgé d’un an et demi. Il précise alors prendre « note de ces remarques pour voir dans la suite si elles se vérifieront32 ». Observation, hypothèse et vérification participent pleinement du processus scientifique mis en œuvre par ces parents dans leurs journaux.

Fille ou garçon ? La surprise de la naissance

  • 33 Jacques Gélis, « Fille et garçon : “l’estimation” du bébé dans la France traditionnelle (xvie-xixe  (...)

9Dans le corpus étudié, vingt-quatre naissances sont annoncées, onze filles et treize garçons. L’analyse des mots choisis pour en faire part permet d’interroger le sentiment éprouvé face au sexe de l’enfant mais surtout la façon de l’exprimer dans un contexte où l’écrit sert à la fois une certaine mise en scène du rôle paternel ou maternel et témoigne des sentiments éprouvés pour les enfants dans un contexte qui tend à valoriser les naissances masculines33. Dans le journal de Louise Miéville, qui donne successivement naissance à quatre filles et un garçon, les remarques rendent compte d’une indéniable attente – qu’elle n’exprime néanmoins que tardivement. Concernant Julie, son premier enfant, née trois mois avant l’ouverture du journal, elle écrit :

  • 34 ACV, P. Charrière de Sévery Ci 44, Louise Miéville, Journal…, op. cit., 20 janvier 1791.

« Au moment de ta naissance, ma chère amie, je bénis le ciel de m’avoir délivrée et de m’avoir donné une petite fille. Je te consacrai à Dieu, le priant de te bénir, de bénir mes soins et ceux de ton cher père, qui autant réjoui de ta naissance que moi, joignit ses vœux aux miens34 ».

  • 35 Ibid., 21 janvier 1794.
  • 36 Ibid., 1er août 1796.
  • 37 Janine Garrisson, L’homme protestant, Bruxelles, Éd. Complexe, 1986.

10En janvier 1794, alors qu’elle a accouché de deux autres filles (en avril 1792 et en octobre 1793), elle reprend l’écriture du journal avec ces mots : « Voici une sœur, une amie, vous voilà trois mes chères filles35 ». La naissance de sa quatrième fille est saluée par une adresse à son intention : « Ma chère petite Émilie, tu as 7 semaines, tu t’annonces bien36 ». À ce moment-là, Louise Miéville ne confie pas encore à son journal les sentiments éprouvés face à cette succession de naissances féminines. Rédigée sous le sceau d’un protestantisme exigeant et peu enclin à la complaisance envers soi-même37, l’écriture se focalise sur sa forte implication dans les soins et l’éducation de ses filles et son dévouement à leur égard. La naissance de son fils, Henri, en octobre 1800, libère sa parole et donne rétrospectivement son sentiment sur les naissances féminines précédentes. Elle n’attend que 18 jours pour reprendre la plume et exprimer le soulagement qu’elle partage avec son époux :

  • 38 Miéville, Journal..., op. cit., 1er novembre 1800.

« Il y a dix-huit jours que j’ai eu le plaisir, bien grand, je vous assure, de féliciter votre bon papa sur la naissance de notre joli petit garçon. Combien nous remercions ce Dieu de bonté, de m’avoir soutenue dans des moments si pénibles ! de nous avoir donné un fils. Ah ! dit d’abord ce bon père, dès qu’il le sut, si Dieu nous fait la grâce de bien l’élever, je n’aurai plus d’inquiétudes pour ses sœurs38 ».

  • 39 Nahema Hanafi, « Le fruit de nos entrailles : la maternité dans les écrits des nobles toulousaines (...)
  • 40 Laura Drewett, « “Funestes secrets” et révolution contraceptive silencieuse dans la France du xviii(...)
  • 41 Alfred Perrenoud, « Espacement et arrêt dans le contrôle des naissances », Annales de démographie h (...)

11Alors que Nahema Hanafi rappelle la préoccupation majeure que représente le sexe de l’enfant dans la noblesse toulousaine du siècle des Lumières et l’importance de mettre au monde un fils notamment pour la pérennité du nom, le maintien du rang et la reproduction des valeurs39, le soulagement qu’exprime ici Louise – mais aussi son époux – semble être davantage de nature matérielle, la naissance d’un garçon étant perçue comme une source de sécurité financière pour la famille. La succession des grossesses de Louise s’arrête après la venue au monde d’Henri, révélant un probable contrôle des naissances inscrit dans une tendance qui s’accroît au xviiie siècle40. En effet, d’après les chiffres établis pour Genève par l’historien démographe Alfred Perrenoud, on passe d’une moyenne de 6,9 enfants par famille à la fin du xviie siècle à 2,9 à la fin du siècle suivant : les Genevoises acquièrent donc progressivement la maîtrise presque totale de leur fécondité41.

  • 42 Picot, Journal…, op. cit., 6 septembre 1805.
  • 43 Ibid., 11 avril 1807.
  • 44 Ibid., 7 septembre 1807.
  • 45 Ibid., 9 janvier 1810.
  • 46 Ibid., 10 novembre 1815.
  • 47 Ibid.
  • 48 Le Fort, Histoire de Frédéric…, op. cit., p. 1.

12Pour Jean Picot, les naissances donnent lieu à de longues descriptions qui se concentrent sur les étapes de l’accouchement, les gestes médicaux, les douleurs et les sentiments éprouvés. Le premier-né, un garçon, est annoncé en ces termes : « Le petit Pierre Eugène, il s’appellera ainsi mon père, qui est parrain, n’ayant pas voulu du nom d’Adrien, paraît vif ; ses yeux sont ouverts et il a crié avec force dès le moment de sa naissance42 ». La relation de la naissance du deuxième enfant, deux ans plus tard, largement similaire, se termine néanmoins par ce constat : « À 4 heures 18 minutes nous avons entendu crier le nouveau-né. C’était un garçon que nous recevons avec reconnaissance quoique nous eussions préféré une fille43 ». La naissance du premier fils semble donc ici avoir comblé l’attente du couple ; une mention glissée dans son journal cinq mois plus tard rend compte que cette envie d’avoir une fille n’était pas passagère. Il note en effet : « Mme Beaumont accouche très heureusement d’une fille ; elle aurait désiré un fils ; on remarque cette année que presque personne n’a ce qu’il désire44 ». À la naissance de son troisième fils, il exprime sans ambiguïté une résignation mêlée de déception : « Nous aurions vivement désiré une fille, mais la Providence nous envoie un garçon et nous devons nous soumettre à sa volonté45 ». Cinq ans plus tard, Jean Picot laisse paraître dans son journal leur vive satisfaction : « Constance accouche très heureusement, après 2 fortes douleurs, d’une fille grosse et qui paraît vigoureuse. Nous en désirions une tous les deux vivement et nous bénissons Dieu sincèrement de nous l’avoir accordée46 », ajoutant encore, après avoir fait le récit de l’accouchement et de la délivrance de sa femme : « Le mot de fille que M. Maunoir prononça un instant après lui causa bien de la joie47 ». Que cette dernière grossesse intervienne cinq ans après la précédente signale que les parents ont tenté leur chance une ultime fois. Cependant l’auteur ne confie pas à son journal les raisons qui motivaient leur désir d’avoir une fille. Justifier sa préférence paraît sans doute un exercice délicat pour les parents, comme le laisse entrevoir la formulation neutre choisie par Adèle Le Fort en ouverture de son journal : « Mon fils Frédéric le premier de mes enfants est né le samedi 8 mai 181348 ». Durant les trois premières années d’observation, et avant que ne naisse son second enfant – une fille prénommée Mathilde –, Adèle ne dit rien sur ce que représente pour elle le fait d’avoir un fils. Ce n’est que quelques jours après le baptême de sa fille, alors que lui a été faite la belle surprise de voir apparaître Frédéric pour le goûter « en habillement de garçon », qu’elle exprime de façon alambiquée son sentiment à cet égard :

  • 49 Ibid., 25 juillet 1816.

« Je le trouvai charmant dans ce nouveau costume ; il avait l’air d’un petit homme ; j’éprouvai une certaine fierté en me voyant mère d’un échantillon d’homme qui faisait espérer qui me promettait d’avoir un fils. À présent que je possède une fille je sens doublement le prix d’avoir un fils non que je regrette que Mathilde n’en soit pas un mais parce que je trouve une telle perfection dans cette réunion d’un fils et d’une fille que de quelque côté que je la considère j’en suis toute ravie49 ».

13La tournure de phrase et l’argument choisi par Adèle pour expliquer sa fierté maternelle attestent sans doute de la difficulté d’exprimer clairement le soulagement que représentent les naissances masculines.

  • 50 Pujol, Journal…, op. cit., 1er octobre 1811.
  • 51 Philippe Lejeune, « “Et le cahier ?”. Journaux en famille : les Coquebert de Montbret », Art. cit., (...)

14Pour les autres diaristes, le sentiment lié au sexe du nouveau-né n’est pas confié au journal. Et ce, même dans le journal de François de Pujol dont l’épouse donne naissance à deux filles. Dans des notes rétrospectives, on apprend toutefois que la première grossesse de son épouse Aglaé s’était soldée par une fausse couche, sans doute tardive. Alors qu’il précise qu’il s’agissait d’un garçon, il ajoute : « Pauvre amie. Au moment où j’écris ces notes, le mien [de cœur] se brise de douleurs en rappelant ton chagrin et tes regrets50 ». Si les autres scripteurs et scriptrices du corpus n’ont pas exprimé ouvertement leur sentiment vis-à-vis du sexe de leurs nouveau-nés, le fait que sur les treize journaux, dix commencent après la naissance d’un garçon peut indiquer que les naissances masculines ont été plus propices au désir de se livrer à cet exercice d’observation et d’écriture. Ces journaux, à l’exception de celui de Marie Gautier sur son deuxième fils Charles, entrent également dans le « privilège des aînés », pour reprendre la formule de Philippe Lejeune51, soit des écrits motivés par la naissance du premier fils d’un couple.

Caractère féminin vs caractère masculin : une représentation genrée ?

  • 52 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., 12 avril 1805.
  • 53 Ibid., 18 juillet 1789.
  • 54 Ibid.
  • 55 Ibid.
  • 56 Rousseau, Émile…, op. cit., p. 582.
  • 57 Michel Fournier, « La “révolution” de la lecture romanesque au xviiie siècle en France : institutio (...)
  • 58 Anne Vila, Enlightenment and Pathology. Sensibility in the Literature and Medecine of Eighteenth Ce (...)
  • 59 Necker de Saussure, Livre ouvert pour ses enfants…, op. cit., p. 72.

15Le journal d’éducation de René-Guillaume Prevost-Dassier est un document unique car ce père décrit en parallèle, entrée après entrée, sa fille aînée Marianne (1785-1819) et son fils Charles (1786-1848). Ce projet, dans lequel il a placé beaucoup d’espoirs et de persévérance, le notaire genevois ne le referme qu’au moment où il peut se targuer d’avoir mené à son terme l’éducation de ses enfants, sa fille étant mariée et son fils engagé dans une maison de commerce52. La comparaison entre les descriptions du caractère de ses deux enfants et celles proposées par d’autres parents permet de souligner l’importance de modèles masculin et féminin conditionnant le regard posé sur les enfants. Adepte de Jean-Jacques Rousseau, son compatriote qu’il nomme l’« immortel Jean-Jacques53 », Prevost-Dassier propose dès les premières pages de son journal un portrait physique et moral de ses enfants car, dit-il, « il faut connaître le sujet qu’on doit élever54 ». Marianne est ainsi décrite comme vive, gaie, franche, douce, flexible et capable d’application. La qualité sur laquelle Prevost-Dassier s’attarde cependant le plus est la sensibilité, trouvant que sa fille annonce, comme il l’écrit, « de la sensibilité & peut-être trop55 ». Il donne des exemples qui ne sont pas sans rappeler la description que Rousseau fait de Sophie, la compagne choisie pour Émile : « Sophie est bien née, elle est d’un bon naturel ; elle a le cœur très sensible et cette extrême sensibilité lui donne quelquefois une activité d’imagination difficile à modérer56 ». Au moment même où cette qualité prend une importance nouvelle57, elle reste dans les représentations à la fois traditionnelles et médicales un attribut largement féminin58 et la plupart des parents la mentionnent dans les portraits de leurs filles, à l’instar d’Albertine Necker qui déclare à propos de sa fille de 4 ans : « Moins vive, moins avancée que son frère, son caractère a plus de force et de sensibilité59 ». Alors que sa fille Marie fête ses deux ans, François Alexandre de Pujol, dresse, tout comme le notaire genevois et Albertine Necker, un portrait conforme au modèle féminin rousseauiste incluant lui aussi la sensibilité :

  • 60 Pujol, Journal…, op. cit., 10 novembre 1814.

« Son caractère annonçait toujours d’heureuses dispositions, de la douceur, de la docilité, de l’attention, de l’ordre, de la gaieté, de la sensibilité en formait le beau côté ; quelques légères impatiences sous mélange de bouderies, quelques petits caprices d’enfant gâté ; quelques rares impatiences sans opiniâtreté composaient tous ses défauts60 ».

  • 61 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., fo 10.
  • 62 Ibid., 18 juillet 1789.
  • 63 Rousseau, Émile…, op. cit., p. 542.

16Lorsqu’il décrit son fils à l’âge de trois ans, Prevost-Dassier relève cette fois-ci des qualités essentiellement masculines, excluant la sensibilité, et opposées aux qualités de Marianne : « Il est pour le moins aussi gai & certainement plus vif & plus tapageur que sa sœur. Il ne prend presque pas un moment de repos ; il est hardi, craint peu le danger & supporte la douleur avec assez de fermeté61 ». Dans les observations rédigées par le notaire genevois, un exemple témoigne de l’emprise des modèles masculins et féminins qui oriente par moments ses comptes rendus. Ayant expliqué sa façon de punir Charles, il ajoute que ce dernier fait souvent subir la même punition à sa poupée. Que ce jeu, à forte connotation féminine, puisse faire partie des amusements du jeune garçon mérite un correctif que René-Guillaume Prevost-Dassier s’empresse d’établir : « Cependant, il laisse ordinairement ces amusements à sa sœur ; il lui en faut des bruyants, des tambourins, des bâtons, des sifflets, des chiens & surtout des chevaux62 ». Pour compenser l’usage de la poupée, il énumère donc des jouets conformes aux conseils de Rousseau. Ce dernier défend en effet une vision très contrastée, en fonction du sexe, des amusements enfantins : « Les garçons cherchent le mouvement & le bruit : des tambours, des sabots, des petits carrosses ; les filles aiment mieux ce qui donne dans la vue & sert à l’ornement : des miroirs, des bijoux, des chiffons, surtout des poupées ; la poupée est l’amusement spécial de ce sexe63 ».

  • 64 Necker de Saussure, Livre ouvert pour ses enfants…, op. cit., p. 72.
  • 65 Picot, Journal…, op. cit., 15 mai 1806.
  • 66 Ibid., 6 août 1806.
  • 67 Ibid., 27 septembre 1807.
  • 68 Plantamour, Journal…, op. cit., 14 novembre 1820.
  • 69 Miéville, Journal…, op. cit., 20 février 1803.
  • 70 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., 6 novembre 1793.

17Tout comme Prevost-Dassier, les observations faites par Albertine de Saussure et Jean Picot sur leurs enfants révèlent un horizon d’attente – à l’aune du sexe – sur leur caractère et leur comportement. À propos de son fils de 5 ans, Albertine relève : « Toujours en activité, toujours entraîné par ce qu’il fait, la vivacité prodigieuse de ses passions me fait trembler pour un âge plus avancé. Lorsqu’il voit passer un régiment avec la musique militaire, il tremble et pâlit de plaisir64 ». Quant à Jean Picot, l’intérêt de son fils aîné Eugène pour le bruit est signalé alors qu’il a tout juste 8 mois : « Il aime aussi à frapper une table avec une clef ou un bâton ; plus le bruit est fort et plus il paraît content65 ». Quelques mois plus tard, il aborde la question de la sensibilité : « Il paraît vif et gai, mais jusqu’à présent il n’annonce pas de sensibilité66 ». Dressant le portrait de son cadet Adrien, Jean Picot revient sur cet aspect : « Sa physionomie a quelque chose d’intéressant et de sensible que n’avait pas celle de son frère ; mais elle annonce moins d’esprit et de vivacité67 ». Le côté sensible de son plus jeune fils est ainsi mis en balance avec une certaine forme de panache masculin, attribué à l’aîné. La vivacité – même excessive – traduit une forme d’idéal propre à l’enfance masculine qu’exprime Louise Plantamour à propos d’Émile, âgé de 4 ans : « Il devient un peu polisson mais nous serions bien fâchés qu’il ne le fût pas68 ». Louise Miéville ne dit pas autre chose à propos de son tout jeune fils, ce « petit espiègle d’Henry » qui « est aimable et cependant il nous fait enrager69 ». Tout comme la vivacité, la légèreté – dont Prevost-Dassier taxe son fils Charles70 – est clairement masculine. Ce qualificatif – ainsi que le goût pour le mouvement, l’activité, le plein air – revient à plusieurs reprises sous la plume des parents pour décrire le comportement de leur fils comme dans la description tracée par Marie Gautier, quelque vingt ans plus tard, de Charles, son deuxième fils, âgé d’à peine plus de 6 ans :

  • 71 Gautier, Récit de la tendre enfance de Charles…, op. cit., f13.

« L’étude n’est point notre côté fort s’il s’agissait de planter au jardin ou de nourrir des chiens et des glaises, le temps passerait à merveille mais pour étudier et écrire il nous paraît bien long, Ce n’est point que Charles manque de facilité au contraire, mais l’inhabitude de se fixer et la légèreté inouïe rendent tout difficile je n’ai pu encore lui persuader que 10 minutes bien employées lui épargneraient des heures d’ennui71 ».

  • 72 Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse…, op. cit., p. 641.

18Dans notre corpus seule une description propose une certaine forme de renversement des attributs liés au sexe. Il s’agit de celle faite par Marie Gautier de son aîné Alfred. Dans un cadre éducatif qui valorise l’attachement des enfants pour leur mère – selon un principe que met en scène Rousseau dans la Nouvelle Héloïse à travers son héroïne Julie72 –, Marie Gautier souligne à de nombreuses reprises le lien très fort qu’elle a réussi à nouer entre elle et Alfred. Ce faisant, elle propose de son fils, à l’âge de 3 ans, un portrait qui perturbe une certaine représentation stéréotypée des sexes :

  • 73 Gautier, Journal d’Alfred, op. cit., f14.

« L’attachement du bon Alfred pour moi a augmenté d’une manière très marquée et son développement à cet égard est touchant et délicieux à mon cœur, son plus grand bonheur est de rester dans ma chambre en sachant bien et se faisant répéter à chaque instant qu’au moins je ne sortirai pas. En général son caractère paraîtrait devoir être celui d’une fille n’aimant point à sortir et n’ayant pas en général l’activité et le mouvement des petits garçons73 ».

  • 74 Ibid., fo 15.
  • 75 Ibid., fo 17.

19Ce passage montre combien Marie est fortement imprégnée par une vision antagoniste des sexes. Dans la notice qu’elle rédige quelques mois plus tard, la jeune mère voit désormais le manque d’activité et d’indépendance du jeune garçon comme un problème, confessant : « Je dois l’avouer sa passion pour être avec moi lui a été nuisible toujours assis à mes côtés et ne s’amusant qu’à être dans la chambre où je travaille à travailler aussi ou à téter son pouce74 ». Les années passent, Alfred a bientôt 7 ans, et elle a encore à cœur de souligner : « Il est capable de détails, de soins et d’attentions touchantes et qu’on ne trouverait pas toujours dans une fille de 15 ans75 ». Pour cette jeune Genevoise, la force du lien entre elle et son fils et le caractère doux – et sensible – de ce dernier manifestent la réussite de son rôle maternel. Ils remplacent, dans son projet d’écriture, la mise en avant des caractéristiques proprement masculines du garçon.

Conclusion

  • 76 Grand d’Hauteville, Journal de Gonzalve…, op. cit., p. 1.

20En ouverture du journal pour son fils Gonzalve, Aimée Grand d’Hauteville dresse du nouveau-né de cinq semaines le portrait suivant : « Il est venu au monde très fort et vigoureux, très gras & très grand sans être fort gros ayant de très petits os – il a tout de suite fait entendre une voix assez forte pour annoncer son sexe76 ». Les termes choisis par cette jeune mère manifestent ici combien le sexe conditionne le regard qu’elle porte sur le physique de l’enfant. Les journaux étudiés montrent que ce conditionnement s’applique également au caractère. Alors qu’est promue l’observation comme outil de découverte de l’enfant, le regard posé sur les petites filles et les petits garçons, vers la fin du xviiisiècle, est intrinsèquement influencé par leur appartenance à l’un ou l’autre sexe, pour lesquels les attentes en termes de comportement ne sont pas les mêmes.

21L’étude de ce corpus de journaux d’éducation ne permet pas d’évaluer jusqu’à quel point les projections parentales ont pu participer à une certaine forme de renforcement des critères de genre. Il apparaît en revanche qu’elles troublent l’idéal d’objectivité associé à un exercice d’observation et d’écriture se réclamant d’un certain modèle scientifique, tout comme les objectifs personnels du scripteur ou de la scriptrice orientent les portraits qu’ils tracent de leur progéniture. Dans un mouvement d’influence réciproque, au miroir des observations qu’ils notent sur leurs enfants, ce sont leurs rôles comme père et comme mère – de filles ou de garçons – qui apparaissent en filigrane dans ces écrits.

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Annexe

Sources exploitées (Suisse romande, années 1780-1820)

Scripteurs-trices/époux·se·s

Lieu

Période

Titre77, Contenu, Format

Jonas de Gélieu (1740-1827), pasteur.

Marguerite Isabelle, née Frêne (1759-1818)

Bayards (Neuchâtel)

1779-1786

Carnet P. Isabelle de Gélieu

Journal d’observation de sa fille, Isabelle (1779-1834). L’auteur consigne les principales étapes de son développement physique et intellectuel. 1 cahier, 7 p.

René Guillaume Jean Prevost-Dassier (1749-1816), notaire.

Olympe Caroline Charlotte, née Dassier (1759-1821)

Genève

1789-1807

Journal d’éducation commencé le 3e juillet 1789

Journal tenu pour ses 2 enfants, Marianne (1785-1852) et Charles (1786-1848). Le père consigne les principales étapes de leur développement physique et intellectuel et rend compte des étapes de leur formation et des difficultés rencontrées. 1 cahier, 72 f°.

Louise Miéville (?-1836), épouse de pasteur.

Henri Miéville (mort en 1807)

Villars-le-Grand, Monpreveyre (Vaud)

1790-1835

Journal de la 1ère enfance de mes chers enfants.

Journal tenu pour ses 5 enfants : Julie (née en 1790), Caroline (née en 1792), Gabrielle (née en 1793), Émilie (née en 1796) et Henri (né en 1800). La mère rend compte de leur développement et de leur caractère tout en distillant quelques commentaires sur son propre engagement et son désir de bien faire. 1 cahier, 156 p.

Albertine Necker, née de Saussure (1766-1841), épouse de militaire et professeur de botanique.

Jacques Necker (1757-1825)

Genève

1791

[Sans titre]

Notes sur ses deux premiers enfants : Louis-Albert (1786-1861) et Albertine (1787-1845). L’autrice annonce qu’elle souhaite tenir un registre « exact » de tout ce qui l’occupe et rédige une description du caractère de ses deux aînés. Texte publié par Julie de Mestral Combremont dans Albertine Necker de Saussure : 1766-1841, Lausanne, Payot, 1946.

Marie Gautier, née de Tournes (1769-1849), épouse de négociant.

François Gautier (1755-1828)

Genève

1793-1802

Journal d’Alfred. 1793

Journal pour son fils aîné Alfred (1793-1881). La mère consigne les principales étapes de son développement physique, moral et intellectuel. Le père prend la plume à l’occasion pour compléter les dires de son épouse. 1 cahier, 100 p. dont seules 24 p. sont rédigées.

Marie Gautier, née de Tournes (1769-1849), épouse de négociant.

François Gautier (1755-1828)

Genève

1795-1802

[Sans titre]

Journal pour son second fils, Charles (1795-1859). La scriptrice consigne les principales étapes de son développement physique, moral et intellectuel. Le père prend la plume à l’occasion pour compléter les dires de son épouse. Feuillets cousus, 14 p.

Jean Picot (1777-1864), professeur, juriste.

Constance, née Mallet (1785-1837)

Genève

1805

[Sans titre]

Journal personnel. Les notes de l’auteur commencent avec la naissance d’Eugène (1805-1888) et se poursuivent avec Adrien (1807-1891), Georges (1810-1874) et Albertine (1815-1888). Le père fait des observations régulières durant les premières années sur leur développement et leurs apprentissages.

Il a recopié les informations concernant ses deux aînés dans deux documents séparés :

Extraits du journal de Jean Picot Mallet, relativement à l’enfance de son fils aîné Pierre Eugène Picot et

Journal de Jean Picot sur son fils Adrien de 1807 à 1830. 11 t.

Charles de Lerber (1784-1837), banquier, homme d’État.

Suzanne de Lerber, née Glayre (1788-1835)

Lausanne

1811

Journal de Maurice

Cahier ouvert dans l’intention de servir de journal de l’enfance de son fils aîné, Charles Maurice (1811-1895), projet qui n’a pas été mené à bien puisqu’il ne contient qu’une seule notice à propos de sa naissance. 1 cahier, dont seule 1 p. est rédigée.

François-Alexandre de Pujol (1774-1848), officier de marine.

Catherine de Bongard du Cambard

Paris,

Versailles

1812-1815

[Sans titre]

Journal d’observation des deux filles de l’auteur, Marie (1812-1892) et Marthe (née en 1815). Les notes très détaillées sur leur développement et leurs progrès s’arrêtent lorsque l’aînée atteint l’âge de deux ans et demi. Elles sont suivies d’un journal des événements les plus importants de leur vie, tenu à leur intention. 1 cahier, 44 + 68 p.

Aimée Grand d’Hauteville (1791-1855), épouse d’un secrétaire de légation, juge, syndic.

Éric Magnus Grand d’Hauteville (1786-1848)

Genève, Lausanne, Saint-Légier

(Vaud)

1812-1816

Journal de Gonzalve

Journal pour son fils aîné, Gonzalve (1812-1889). La mère s’intéresse surtout à la santé de son jeune garçon, aux progrès de son développement. 1 cahier, 107 p.

Adèle Le Fort, née Mestrezat (1793-1884), épouse de notaire, juge, professeur de droit.

Jean-Louis Le Fort (1786-1874)

Genève

1813-1820

Histoire de Frédéric Le Fort écrite par sa mère

Journal à l’intention de son fils aîné, Frédéric (1813-1890). La scriptrice s’intéresse surtout à la santé de son jeune garçon et aux étapes de son développement. Elle détaille également son éducation. 3 cahiers, 200 p.

Louise Plantamour, née Saladin (1791-1872), épouse d’un professeur, directeur de l’hôpital de Genève.

Théodore Plantamour (1777-1861)

Genève

1819-1834

Émile est né le 14 mai 1815

Journal pour son fils aîné, Émile (1815-1882). La mère note tout ce qui concerne la santé de son jeune garçon et les étapes de son développement. Elle évoque également sa formation. 1 cahier, 88 p.

Julie Marcel, née Mayor (1802-1833), épouse de banquier.

Félix Marcel (1797-1882)

Lausanne

1819-1834

[Sans titre]

Journal personnel de l’auteure qui commence avec la relation de son mariage et la naissance de ses enfants. La plupart des entrées concernent ses enfants Maurice (1821-1823), Sigismond (1824-1869), Cécile (née en 1825) et Laure (1828-1894). 1 cahier, 54 p.

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Notes

1 Ces journaux d’éducation ou d’observation, dont on trouve des exemples rédigés par les parents, mais également par les éducateurs et gouvernantes, ont fait l’objet de la thèse de doctorat de l’auteure, Sylvie Moret Petrini, L’enfance sous la plume. La diffusion de l’écriture éducative en Suisse romande, 1750-1820, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022.

2 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation [1762], Charles Wirz et Pierre Burgelin (éd.), Paris, Gallimard, 1969, p. 78.

3 Ibid., p. 311.

4 Jean Delumeau, « Introduction IIe partie. Le discours des deux réformes », et Daniel Roche, « Introduction IIIe partie. L’aventure des fils », in Jean Delumeau et Daniel Roche (éd.), Histoire des pères et de la paternité, Paris, Larousse, 1990, p. 144 et 242.

5 Françoise Héritier, Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 24. Sur la question de la construction des identités sexuées, voir aussi la récente synthèse de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie et Emmanuelle Berthiaud, Le Rose et le Bleu. La fabrique du féminin et du masculin, Paris, Belin, 2016.

6 La perception que défend encore en 1763 l’abbé Poncelet auteur d’un traité de l’éducation des enfants rédigé en réaction à l’Émile de Rousseau dans lequel il affirme que l’enfant, avant l’âge d’un an, végète dans une « espèce de sommeil », devient très minoritaire durant le dernier tiers du xviiie siècle. Voir Polycarpe Poncelet, Principes généraux pour servir à l’éducation des enfans, particulièrement de la noblesse françoise, Paris, chez P. G. Le Mercier, 1763, p. 67.

7 Jean Héroard a rédigé entre 1601 et 1628 un journal détaillant la santé du jeune Louis XIII dont il était le médecin personnel. Voir l’édition du journal par Madeleine Foisil (éd.), Journal de Jean Héroard, Paris, Fayard, 1989. Plusieurs journaux révèlent que cette pratique n’était pas inhabituelle dans les cours à l’instar des « journaux de sa vie » rédigés pour le jeune Louis de France (1751-1761), duc de Bourgogne, mentionnés par Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, Éloge historique de Monseigneur le duc de Bourgogne, Paris, De l’imprimerie royale, 1761, p. 42.

8 Moret Petrini, L’enfance sous la plume..., op. cit., p. 25-41.

9 Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse : lettres de deux amants habitants d’une petite ville au pied des Alpes, recueillies et publiées par J.-J. Rousseau, éd. Jean-Marie Goulemot, Paris, Librairie générale française, 2002, coll. Le livre de poche, p. 647.

10 Nicolas-Edme Restif de La Bretonne, L’école des pères, France, Paris, Veuve Duchêne, Humblot, Le Jay & Dorez, Delalain, Esprit, Mérigot jeune, 1776, t. 2, p. 87.

11 Joachim Heinrich Campe, Allgemeine Revision des gesammten Schul-und Erziehungswesens von einer Gesellschaft praktischer Erzieher [Révision générale de tout le système scolaire et éducatif par une société de praticiens de l’éducation], 1785-1792, vol. 1, p. xxvi (traduction personnelle).

12 « Prix proposé par la Société des Observateurs de l’homme, pour l’an II », dans Magasin encyclopédique, 6, 2, 1800, p. 535. Voir également Emmanuelle Chapron, « Les premiers mots », Vox puerorum. La voix de l’enfant à l’époque modernehttps://voxpuerorum.cantus-scholarum.univ-tours.fr

13 Jean-Luc Chappey, Sauvagerie et civilisation. Une histoire politique de Victor de l’Aveyron, Paris, Fayard, 2017, p. 93-94.

14 À ce jour, les écrits de cette nature qui ont été repérés ne sont guère nombreux. Pour la France, voir Philippe Lejeune, « “Et le cahier ?”. Journaux en famille : les Coquebert de Montbret », Lalies, t. 28, 2008, p. 189-203, et Philippe Marchand, « Propos d’un noble artésien sur l’éducation. Les discours de Dubois de Fosseux 1782-1783 », Revue du Nord, 78, 1996, p. 695-708. Pour l’espace hollandais, voir Rudolf M. Dekker, Family, culture and society in the diary of Constantijn Huygens Jr, secretary to Stadholder-King William of Orange, Leiden; Boston, Brill, 2013, p. 8. Enfin, pour l’espace italien, voir l’édition du journal par Verri, Pietro, “Manoscritto” per Teresa, Milano, LED Ed. universitarie di Lettere Economia Diritto, 2002. Un tableau présentant de manière synthétique les treize sources exploitées a été placé en annexe. 

15 Archives de l’Ancien Évêché de Bâle, Fonds Kohler carton 95, Jonas de Gélieu, Carnet pour Isabelle de Gélieu [1779-1786].

16 Voir René Sigrist, La nature à l’épreuve : les débuts de l’expérimentation à Genève (1670-1790), Paris, Classiques Garnier, 2011.

17 Archives de l’État de Genève (désormais AEG), Archives privées 62 (famille Gautier) 43 D XIX b1, Françoise-Marie-Antoinette Gautier, Journal d’Alfred [1793-1802] ; 43 D XX f. 1, Françoise-Marie-Antoinette Gautier, Récit de la tendre enfance de Charles [1795-1802].

18 Archives cantonales vaudoises (désormais ACV), PP 410 C/6/3/52. Grand d’Hauteville, Aimée Philippine Marie, Journal de Gonzalve, 1812-1816.

19 Bibliothèque de Genève (désormais BGE), Ms fr. 4645, Adélaïde-Louise-Nicolasie Le Fort (dite Adèle), née Mestrezat, Histoire de Frédéric Le Fort, écrite par sa mère [1813-1820].

20 BGE, Ms. fr. 4786, Louise Plantamour, Journal d’Émile [1819-1834].

21 ACV, PP 106 / 86, Charles Lerber, Journal de Maurice [1811]. De façon surprenante, le scripteur se trompe en notant l’année. Il est clairement indiqué 1812, en haut de la première page du journal, alors que Charles Maurice est né le 4 février 1811.

22 ACV, P. Charrière de Sévery Ci 44, Louise Miéville, Journal de la 1ère enfance de mes chers enfans [1791-1835], 20 janvier 1791.

23 Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, Archives de Castella, A-448, François Alexandre Pujol, Journal pour ses filles [1812-1815].

24 ACV, PP 416, ck 2, Julie Marcel née Mayor, Journal [1819-1834].

25 BGE, Ms suppl. 880, Jean-René-Guillaume Prevost-Dassier, Journal d’éducation commencé le 3e juillet 1789 [1789-1807], 5 juillet 1789. Sur ce journal, voir Valérie Cossy, « L’écriture de la paternité ou l’enfance des pères : Prevost-Dassier, Sir Walter Finch et Victor Frankenstein », Lettre de Zuylen et du Pontet, t. 26, 2001, p. 6-11 et Philippe Lejeune, « Journaux d’éducation, éducation par le journal », Aux origines du journal personnel, France, 1750-1815, Paris, Honoré champion, 2016, p. 397-422.

26 Albertine Necker, « Livre ouvert pour ses enfants, 23 novembre 1791 », cité par Julie de Mestral Combremont, Albertine Necker de Saussure : 1766-1841, Lausanne, Payot, 1946, p. 71.

27 Albertine-Adrienne Necker de Saussure, L’éducation progressive ou étude du cours de la vie, Paris ; Genève, A. Sautelet : Paulin ; A. Cherbulliez, 1828, t. 1, p. 128.

28 BGE, Ms. fr. 7679, Jean Picot, Extraits du journal de Jean Picot Mallet, relativement à l’enfance de son fils aîné Pierre Eugène Picot [1830], et Journal de Jean Picot sur son fils Adrien de 1807 à 1830 [1830].

29 Prevost-Dassier, Journal d’éducation, op. cit., 5 juillet 1789. Dans cet article, la graphie des différentes citations a été modernisée et les fautes corrigées sans qu’elles ne soient signalées.

30 Bibiothèque cantonale et universitaire de Fribourg, Archives de Castella, A-448, François Alexandre Pujol, Journal…, op. cit., p. 2.

31 Ibid., p. 3.

32 BGE, Ms. fr. 7662-7672, Jean Picot, Journal [1789-1862], 1er juillet 1807.

33 Jacques Gélis, « Fille et garçon : “l’estimation” du bébé dans la France traditionnelle (xvie-xixe siècle) », dans Michel Dugnat éd., Féminin, masculin, bébé. Toulouse, Érès, « Enfance & parentalité », 2011, p. 25-35.

34 ACV, P. Charrière de Sévery Ci 44, Louise Miéville, Journal…, op. cit., 20 janvier 1791.

35 Ibid., 21 janvier 1794.

36 Ibid., 1er août 1796.

37 Janine Garrisson, L’homme protestant, Bruxelles, Éd. Complexe, 1986.

38 Miéville, Journal..., op. cit., 1er novembre 1800.

39 Nahema Hanafi, « Le fruit de nos entrailles : la maternité dans les écrits des nobles toulousaines du siècle des Lumières », Annales du Midi, 122 (269), 2010, p. 70.

40 Laura Drewett, « “Funestes secrets” et révolution contraceptive silencieuse dans la France du xviiie siècle : “C’est le secret du vinaigrier” », Population, 76, 4, 2021, p. 667-692.

41 Alfred Perrenoud, « Espacement et arrêt dans le contrôle des naissances », Annales de démographie historique, 1988, p. 59-78. [En ligne] : https://www.persee.fr/docAsPDF/adh_0066-2062_1989_num_1988_1_1705.pdf

42 Picot, Journal…, op. cit., 6 septembre 1805.

43 Ibid., 11 avril 1807.

44 Ibid., 7 septembre 1807.

45 Ibid., 9 janvier 1810.

46 Ibid., 10 novembre 1815.

47 Ibid.

48 Le Fort, Histoire de Frédéric…, op. cit., p. 1.

49 Ibid., 25 juillet 1816.

50 Pujol, Journal…, op. cit., 1er octobre 1811.

51 Philippe Lejeune, « “Et le cahier ?”. Journaux en famille : les Coquebert de Montbret », Art. cit., p. 202.

52 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., 12 avril 1805.

53 Ibid., 18 juillet 1789.

54 Ibid.

55 Ibid.

56 Rousseau, Émile…, op. cit., p. 582.

57 Michel Fournier, « La “révolution” de la lecture romanesque au xviiie siècle en France : institutionnalisation de la lecture et émergence d’une nouvelle sensibilité », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 54, 2, 2007, p. 55-73.

58 Anne Vila, Enlightenment and Pathology. Sensibility in the Literature and Medecine of Eighteenth Century France, Baltimore, Johns Hopkins UP, 1998, p. 245 et ss.

59 Necker de Saussure, Livre ouvert pour ses enfants…, op. cit., p. 72.

60 Pujol, Journal…, op. cit., 10 novembre 1814.

61 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., fo 10.

62 Ibid., 18 juillet 1789.

63 Rousseau, Émile…, op. cit., p. 542.

64 Necker de Saussure, Livre ouvert pour ses enfants…, op. cit., p. 72.

65 Picot, Journal…, op. cit., 15 mai 1806.

66 Ibid., 6 août 1806.

67 Ibid., 27 septembre 1807.

68 Plantamour, Journal…, op. cit., 14 novembre 1820.

69 Miéville, Journal…, op. cit., 20 février 1803.

70 Prevost-Dassier, Journal…, op. cit., 6 novembre 1793.

71 Gautier, Récit de la tendre enfance de Charles…, op. cit., f13.

72 Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse…, op. cit., p. 641.

73 Gautier, Journal d’Alfred, op. cit., f14.

74 Ibid., fo 15.

75 Ibid., fo 17.

76 Grand d’Hauteville, Journal de Gonzalve…, op. cit., p. 1.

77 L’italique indique qu’il s’agit du titre donné par le scripteur ou la scriptrice ou l’absence de titre.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvie Moret Petrini, « Filles et fils au prisme des journaux d’observation rédigés par leurs parents (Suisse romande, 1780-1820) »Genre & Histoire [En ligne], 31 | Printemps 2023, mis en ligne le 19 octobre 2023, consulté le 17 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/genrehistoire/7980 ; DOI : https://doi.org/10.4000/genrehistoire.7980

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