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Territoires & Transitions socio-écologiques : dialogue fécond, parcours inachevé ou voie sans issue ?

Vincent Banos, Sabine Girard, Marie Houdart et Salma Loudiyi

Texte intégral

1Proposée en 2022 à l’occasion du centenaire de l’Union Géographique Internationale (UGI), l’hypothèse de l’émergence d’une « géographie des transitions territoriales » visait à questionner et éprouver ce qui semblait relever, tout à la fois, de la promesse et de l’espoir. La promesse était celle de la constitution d’une communauté géographique, réunie autour d’une approche territoriale propre au milieu académique francophone (Debizet et al., 2024) et apte à répondre aux défis d’une transition socio-écologique non réductible aux innovations technologiques (Durand et al, 2022 ; Pachoud et al., 2022). L’espoir était celui de voir les territoires locaux et régionaux – leurs acteurs, leurs ressources, leurs proximités et leurs héritages – être des leviers de transition (Bouisset et Vaucelle, 2020 ; Loudiyi et al., 2022) et un terreau fertile pour des initiatives, entre « utopies réelles » (Wright, 2017) et « démocratie du faire » (Girard et Muller, 2023). En somme, les territoires redevenaient des espaces de résolution des problèmes écologiques, démocratiques et sociaux. Le terme « redevenir » est utilisé à dessein car, au début des années 2000, ces mêmes territoires étaient déjà érigés en pilier du développement durable (Laganier et al., 2002 ; Courlet et Pecqueur, 2013). Sans se confondre totalement, horizons d’attente scientifiques et normatifs semblaient donc converger une nouvelle fois pour, à présent, faire du/des territoire(s) un possible accélérateur des transitions socio-écologiques. Le moment paraissait d’autant plus favorable que l’engouement territorial était partagé bien au-delà des frontières de la discipline. Tandis que les philosophes Catherine et feu Raphaël Larrère (2020) notaient que « c’est à ce niveau que les choses peuvent changer et, nous le pensons, changent déjà », l’économiste Eloi Laurent (2017) faisait du territoire « l’espace ou milieu à partir duquel des trajectoires de transition socio-écologique seraient collectivement et démocratiquement élaborées ». Quant au sociologue Bruno Latour (2017), tout en alertant sur les pièges du localisme, il prédisait que les territoires, ces « zones critiques » dont dépend un terrestre pour sa survie, allaient enfin devenir de grandes questions politiques.

2En dépit de cet indéniable élan, avouons d’emblée que nos doutes quant à l’existence d’une « géographie des transitions territoriales » se sont accrus. En cause, la polysémie persistante du concept de territoire et un foisonnement d’approches (Gonin, 2024), qui bien que souvent riches et fécondes, n’aident pas à constituer une communauté clairement définie. En cause aussi la difficulté lancinante à définir ce que nous entendons par « transition » et à s’accorder sur nos postures de recherche. Ainsi, tandis que certaines contributions adoptent un regard distancé pour expliciter comment différents publics (habitants, décideurs publics, scientifiques…) interprètent la transition, la mobilisent, voir s’en revendiquent, d’autres défendent une conception plus normative, en insistant sur les enjeux d’une « transformation socio-écologique » (texte de Blanc et al.) ou d’ » un avenir socialement et écologiquement sûr et juste » (texte de Berriet-Solec et al.). Bien entendu, cette scission entre travailler sur/pour la transition n’est ni binaire, ni même spécifique. Dans un autre numéro récemment consacré aux transitions, certains auteurs mettent ainsi en avant l’objectif d’analyser « des transitions soutenables » (Debizet et al., 2024) quand d’autres invitent à « penser des transformations socio-écologiques justes » (Durand et al., 2024), sans qu’on soit vraiment certain que ces propositions se recoupent et convergent complétement. Faut-il dès lors en conclure que dessiner les contours de ce que serait ou pourrait être une « transition territoriale soutenable » est aussi vain que de vouloir substituer la notion de « transformation territoriale » à celle de « transition territoriale » (Debizet et al., 2024) ? Peut-être. Mais cela ne doit pas pour autant conduire à « mettre sous le tapis » les horizons normatifs qui traversent nombre de travaux sur la transition socio-écologique et auxquels les approches territoriales n’échappent pas. Cette profusion de propositions et d’attentes exige au contraire une vigilance accrue et de prêter encore plus attention à l’histoire et à la portée des concepts mobilisés, comme nous y invite notamment Antoine Fontaine dans ce double numéro. Ainsi, telle que définie par le champ des Sustainibility Transitions Studies (STS), la notion de transition renvoie d’abord et avant tout à des changements au sein de (sous-)systèmes sociotechniques dominants et plus précisément encore à leur écologisation (Interview de Teis Hansen dans ce double numéro). Or, malgré les confusions entretenues par ce courant de pensée à tendance hégémonique, cette définition ne saurait épouser totalement les contours d’une transformation impliquant un changement plus global, plus structurel des rapports de pouvoir et des relations à la nature (Hölcher et al., 2018 ; Feola, 2020).

3Clarifier et mieux expliciter « pour qui roulent » les approches territoriales paraît d’autant plus important que le tropisme territorial a peut-être conduit les géographes, si ce n’est à idéaliser les changements à l’œuvre, du moins à se focaliser sur certains acteurs et échelles, et donc à en laisser d’autres dans l’ombre. Certes, ériger les territoires en échelle pertinente pour des alternatives écologiques (Lenglet et Caurla, 2020), en « outil transitionnel » (Durand et al., 2024), voire en voie de transformation socio-environnementale, résolument démocratique (Koop, 2022) et en rupture avec le paradigme de la compétitivité (Angeon et Crevoisier, 2024), contribue assurément à renouveler les conceptions du territoire et à équiper les regards. Le risque toutefois est d’éluder la pluralité des transitions « en train de se faire », car nombre de recompositions portées au nom même de la catastrophe climatique relèvent davantage de la croissance verte et du néo-libéralisme que du réagencement des solidarités entre humains et non-humains (Newell et Patterson, 2010 ; Malm, 2023). Travaillés et modelés par des dépendances au sentier, des ambivalences idéologiques et in fine des lignes de force contradictoires, les territoires continuent bien souvent à naviguer sur une ligne de crête, entre « fin du mois » et « fin du monde », autonomie et souveraineté, émancipation démocratique et contre-mouvement réactionnaire (Banos et al., 2020). La récente et toujours vive crise agricole vient d’ailleurs rappeler la profonde conflictualité des trajectoires de transition, nous éloignant quelque peu de l’idéal d’une diversification et d’une coexistence paisible des modèles productifs à l’échelle territoriale (Gasselin et al., 2021). Ce faisant, elle jette aussi une lumière crue sur la question des gagnants et des perdants de la transition socio-écologique (Sovacool, 2021). Enfin, si les expérimentations menées ici et là ont fait l’objet d’une large attention, leur intégration territoriale reste bien incertaine (Loudiyi et al., 2022) et leur passage à l’échelle empli de danger, entre épuisement de l’action collective, injonction de l’Etat et récupération par les marchés (Nadai et Wollenberg, 2019).

4Assurément provocatrice, l’hypothèse qui sous-tend ce double numéro, d’une sorte « d’hémiplégie » du regard territorial apparaît quelque peu contradictoire avec l’idée même de transitions territoriales impliquant des changements systémiques (Gonin, 2021). Elle semble également pour le moins réductrice au regard du renouvellement en cours de la boîte à outils territoriale et des efforts notamment déployés pour mieux intégrer le vivant, la circularité, la sobriété ou encore l’autonomie (Debizet et al., 2024). Néanmoins, elle souligne en creux la nécessité de continuer à questionner les orientations engagées, leurs apports, leurs ambiguïtés et leurs angles-morts, ainsi que l’inconfort des postures de recherche adoptées autour de ces enjeux tout à la fois scientifiques et normatifs. A l’aune des contributions reçues mais aussi du riche panorama dressé par le double numéro spécial récemment publié dans Géographie, Economie et Sociétés (ibid.), nous proposons de distinguer et de discuter trois ambivalences persistantes du nouage entre territoires et transitions socio-écologiques :

5La première ambivalence a trait au dialogue entretenu par les géographes avec le champ interdisciplinaire dominant des Sustainibility Transitions Studies (STS). Il s’agit plus précisément d’approfondir le constat fait par Debizet et ses co-autrices (2024), à savoir la propension des approches territoriales à critiquer ce champ pour sa naïveté spatiale et son tropisme technologique tout en se réappropriant largement le vocabulaire de la niche et de l’innovation. Qu’est-ce que cette part d’emprunt, d’oublis et de réinventions dit des visions véhiculées de la transition et de leurs angles morts ? Transversal à nombre de textes reçus, cet enjeu souligne l’apport de travaux réflexifs, à l’instar de celui réalisé par Antoine Fontaine sur la place de la géographie au sein des STS. La discussion bénéficie également d’un éclairage international à travers l’entretien accordé par Teis Hansen, spécialiste de la géographie économique des transitions, et le texte de Julian Ramirez-Guirado sur les productions académiques liées à la transition énergétique en Argentine.

6La deuxième ambivalence tient aux effets de la transition socio-écologique sur nos conceptions du territoire. D’un côté, il est avancé que le regard territorial permet d’éclairer les dynamiques de transition et de l’autre, qu’il doit se renouveler pour rendre compte de nouveaux enjeux liés à « l’impératif écologique » (Durand et al., 2024). Comment cette coévolution est-elle mise en musique par les géographes ? Pour répondre à cette question, les contributions du présent dossier, et en particulier les textes d’Alexis Gonin, de Marion Charbonneau et ses coauteur ·es, de Julien Frayssignes, et de Valérie Lacombe et Juste Rajaonson invitent à questionner les outils, conceptions et attributs du territoire mis en avant, ceux qui sont éventuellement délaissés, et finalement ce que ce renouvellement nous dit de nos manières d’aborder et concevoir les transitions, entre équipement théorique des regards et mise en lumière empirique de la diversité des configurations.

7La troisième ambivalence tient aux effets de la transition socio-écologique sur nos pratiques de recherche en géographie et en particulier les formes d’engagement associées. Si ce questionnement n’est spécifique ni à la transition, ni à la discipline, force est de constater que l’urgence d’agir (Opillard et Sardier, 2023) est source d’inconfort et bouscule nos manières d’envisager le travail scientifique, son rôle, ses objectifs et son public. Sans prétendre épuiser ici ce vaste sujet, qui n’est d’ailleurs pas au cœur des contributions, les articles de Nina Aubry, de Marielle Berriet-Sollec et ses coauteur ·es ou encore de Nathalie Blanc et ses co-auteur·es nous incitent néanmoins à réfléchir sur les stratégies d’accompagnement, sur ce que cela signifie « contribuer » en termes de choix des terrains et de postures adoptées, ou encore sur toute la difficulté d’évaluer la portée et les effets de l’action menée. En toile de fond de ce questionnement, se trouvent tout autant des interrogations sur la responsabilité des chercheurs, que sur la capacité du langage territorial à passer d’une géographie détachée mais « conseillère des princes » à une géographie engagée et source d’émancipation (Barnaud et Mathevet, 2015).

8Compte tenu du foisonnement actuel des travaux portant sur la transition socio-écologique et en particulier du double numéro spécial récemment édité (Debizet et al., 2024), nous présentons les différents articles qui composent ce double numéro en les resituant et positionnant dans cette littérature. L’objectif est de continuer à dresser l’état de l’art et à dégager des pistes de recherche, en éclairant les avancées mais aussi certains angles morts persistants du couple « territoires-transitions ». Bien que transversale, la grille de lecture proposée ne saurait toutefois épuiser la richesse des contributions réunies ici. Nous concluons donc cette introduction par une synthèse des textes et de leurs apports respectifs.

1. La géographie à l’épreuve des Sustainability Transitions Studies (STS) : une relation ambigüe et quelques pistes ouvertes

9A l’instar de récentes aventures éditoriales (Loudiyi et Cerdan, 2021 ; Van Neste et al., 2024, Debizet et al., 2024), les articles du présent dossier mentionnent très largement le champ des STS et en particulier la théorie de la Multi-Level Perspective (MLP). Les deux seules contributions n’y faisant pas référence traitent des enjeux de mobilisations socio-environnementales (texte de Blanc et al.) et d’expérimentations territoriales (texte de Berriet-Solec et al.) au prisme des principes de la justice sociale et environnementale ; une grammaire qui reste encore aux marges des STS et ce malgré la propension de ce champ à digérer les critiques et à intégrer toujours plus de thématiques (texte de Fontaine). Toutefois, mobiliser la théorie de la MLP ne conduit pas forcément à en faire la promotion, ni même à en déplier les tenants et les aboutissants. Cette théorie apparaît avant tout comme un référentiel utile pour se positionner et définir les transitions mais nécessitant d’être complété pour mieux comprendre « comment les transitions voyagent dans l’espace » selon la belle expression de Teis Hansen dans ce dossier. Plusieurs articles reprennent ainsi à leur compte l’agenda international de la géographie des transitions (Coenen et al., 2012 ; Hansen et Coenen, 2015 ; Binz et al., 2020), à savoir remédier à la naïveté spatiale de la MLP sans pour autant remettre fondamentalement en cause le modèle théorique construit autour du fameux triptyque niche-régime-paysage. Pour certains, ce besoin de décaler le regard répond aussi à la singularité d’objets encore peu étudiés par les STS, qu’il s’agisse des espaces ruraux et agricoles (textes de Charbonneau et al., de Frayssignes) ou des villes intermédiaires (texte de Lacombe et Rajaonson). Ainsi justifiés, les emprunts analytiques et méthodologiques témoignent d’une propension à combiner, voire à panacher les approches sans nécessairement pousser plus loin le dialogue avec les STS. Cette distanciation n’est pas toujours la règle comme en témoignent, par exemple, les travaux présentant le territoire comme « une contribution française » capable d’enrichir ce courant de pensée (Pachoud et al., 2022 ; Pachoud et Koop, 2024). Sans s’abstraire complétement du cadre la MLP, les textes réunis ici traduisent plutôt une forme de réserve et pointent des limites originales. Tout en soulignant que cette théorie présente l’intérêt d’orienter le regard vers les initiatives dites alternatives, Nina Aubry dénonce ainsi « l’obsession » du prisme transitionnel et ses biais, inhérent à son ancrage occidental et à son affiliation au développement durable. De son côté, tout en saluant la perspective systémique de la MLP, Alexis Gonin constate que l’influence prééminente de ce cadre théorique, contribue à enfermer les approches territoriales à l’échelle locale et à considérer que les chemins de la transition passent nécessairement par la mise en réseau et la dissémination d’expériences locales pour mettre in fine en œuvre « la grande transition ». Mis bout à bout, l’ensemble des contributions témoigne d’un positionnement ambivalent à l’égard des STS. Certes, le triptyque niche-régime-paysage reste un incontournable point de repère, mais on ressent aussi une forme d’insatisfaction à l’égard de ce schéma de pensée, soit parce que les « recettes » d’une transition réussie dans un territoire semblent difficilement transposables (texte de Gonin), soit parce que les niches ne sauraient se résumer à des initiatives locales que le régime intègrerait progressivement (texte de Charbonneau et al.), soit plus fondamentalement encore, parce que ce schéma peine à renseigner la manière dont les initiatives territorialisées peuvent bousculer et, a fortiori, transformer en profondeur le régime sociotechnique dominant (Debizet et al., 2024).

10Si la focalisation sur les niches et les innovations locales traduit assurément l’influence des STS, elle ne saurait non plus s’y réduire. Ce biais de lecture est certainement entretenu par les approches territoriales elles-mêmes et leur goût prononcé pour le développement local (des années 1990), puis le développement durable (des années 2000), les deux étant in fine supposés aller dans le même sens (Courlet et Pecqueur, 2013). Autrement dit, la manière dont la géographie française s’est partiellement appropriée ce champ tient aussi à nos héritages disciplinaires. Une des conséquences de cette appropriation partielle est l’oubli, ou du moins le moindre intérêt accordé aux régimes sociotechniques, qui renvoient de facto davantage à des logiques sectorielles, technologiques et étatiques non aisément appréhendables aux échelles territoriales. Absent ou réduit à une toile de fond censée expliquer les inerties et verrouillages à l’œuvre, le régime demeure souvent hors-champ (Debizet et al., 2024). Or, là encore, les contributions du présent dossier soulignent deux points importants : le premier est que des initiatives locales, initialement à contre-courant du modèle dominant (en l’occurrence agricole), peuvent quelques décennies plus tard revêtir les habits du régime sociotechnique cherchant à évoluer tout en préservant ses acquis (texte de Frayssignes). Ceci rappelle que les initiatives relevant des processus de transition doivent toujours composer, entre ressources et contraintes, avec le poids des héritages territoriaux, des coordinations instituées et des infrastructures existantes (Labussière et Nadai, 2018 ; Pachoud et al., 2022). Le second point, le plus important, est que les changements n’émergent pas nécessairement des niches mais peuvent aussi se structurer au sein des régimes eux-mêmes (textes de Frayssignes, de Lacombe et Rajaonson). Bien que simplement évoquée, cette idée n’en est pas moins essentielle. En effet, les institutions et les industries établies (incumbents) ne se résument pas à de simples freins ou obstacles à la transition socio-écologique mais se positionnent souvent, non sans ambiguïté, en acteurs et parfois même en moteurs de ces dynamiques de changement (Turnheim et Sovacool, 2022). Pour ne prendre que cet exemple, c’est au nom même de la transition bas-carbone que la filière forêt-bois française est appelée, par l’Etat, à produire plus (Sergent, 2014 ; Banos et al., 2022). Et ce qui vaut pour la forêt vaut pour de nombreux autres secteurs d’activités pris dans les injonctions à l’économie circulaire (Beaurain et Chembessi, 2024) et plus largement à la décarbonation (Granjou et al., 2023). Conjuguées à la montée en puissance des appels à la « souveraineté », ces injonctions soulignent l’intérêt de davantage prendre au sérieux la question des modes de production, du rôle de l’Etat ou encore du « capitalisme climatique » (Newell et Patterson, 2010) pour élargir notre compréhension des transitions en train de se faire dans les territoires. Comme le note justement Pel (2016, p. 691), « the politics of transitions are not simply about radical transformations or status-quo, but also about the continuous development or diluting appropriation ».

11Déplacer le regard des niches au régime, tel est aussi le programme proposé par Geels lui-même: « while empirical studies in the transitions literature often focus on the emergence and diffusion of niche-innovations (probably because of an innovation bias towards novelty), we need to pay more attention to adoption and adjustments in existing systems and the (re)alignments between multiple new and old elements that recongure system architectures » (Geels et al., 2015, p. 8). Ce faisant, le père fondateur de la théorie de la MLP nous invite surtout à considérer que le centre névralgique de son modèle analytique n’est pas la niche mais bien le régime sociotechnique. Cela est perceptible dans la conception du changement véhiculé. En effet, bien que parlant aussi bien de transitions soutenables que de transformations radicales, structurelles et paradigmatiques, ce courant de pensée s’inscrit, comme le souligne fort justement Antoine Fontaine, dans « une tradition politique et académique libérale » nord-européenne. Plus précisément encore, ce champ est fortement influencé par les théories de la modernisation écologique qui croient à la force du progrès technologique pour solutionner les problèmes environnementaux et invitent, plus largement, à faire rimer efficacité environnementale et compétitivité économique (Granjou et al., 2023). Ceci a plusieurs conséquences. La première est que l’horizon normatif désiré est d’abord et avant tout celui de la durabilité environnementale, comme le suggère Teis Hansen dans l’interview, et non celui de la justice sociale, qui reste dans l’ombre. La deuxième renvoie à l’idée que des changements incrémentaux pourraient à long-terme devenir des transformations radicales (Avelino et Grin, 2017). La troisième est que la transition peut et doit être orientée, pilotée et gouvernée malgré les incertitudes et les complexités existantes (Geels et al., 2023). Cela signifie au bout du compte, que même s’il existe différentes voies pour changer le régime sociotechnique dominant (Geels et Schot, 2007), la voie privilégiée par ces auteurs est clairement celle de la « reconfiguration », c’est-à-dire de l’adoption d’innovations plus ou moins transformatives par les acteurs du régime en place (Geels et al., 2015 ; Geels et al., 2023). Il ne faut donc pas se méprendre sur les promesses faites. L’objectif est avant tout d’écologiser des systèmes sociotechniques sans forcément remettre en cause les institutions et les acteurs en place, et encore moins l’ordre politico-économique qui les sous-tend : « Transitions Studies have essentially taken capitalism for granted » (Feola, 2020, p. 242).

12Il est possible de tirer au moins deux enseignements de cette rapide généalogie, plus amplement développée par ailleurs (Audet, 2015 ; Loudiyi et Cerdan, 2021). Le premier est que critiquer les STS pour leur tropisme technologique et leur manque de prise en compte des dimensions sociales et politiques, tout en reprenant les vocables de la niche ou de l’innovation, c’est faire seulement la moitié du chemin et prendre le risque de véhiculer à son insu des conceptions normatives et politiquement situées de la transition (texte de Fontaine). Le deuxième est que, quitte à utiliser ce modèle d’analyse, autant le faire pour comprendre et déconstruire les recompositions du régime sociotechnique dominant. Pour ce faire, on pourrait notamment s’appuyer sur les outils de la political ecology (Lawhon et Murphy, 2015) pour s’interroger sur les perdants des transitions institutionnellement promues (Sovacool, 2021), sur les conflits et les luttes qu’elles engendrent (Kalt, 2024) ou encore sur la mise au travail du vivant qu’elles peuvent induire (Banos, 2023).

13Mieux éclairer les « dark sides » (McGowan et Antadze, 2023) de la transition, tel est aussi le programme proposé par Teis Hansen. Dans l’interview accordée, il suggère ainsi de renforcer les liens avec la géographie environnementale et les études sur le développement afin non seulement de mieux évaluer la soutenabilité des solutions adoptées mais aussi et surtout, de mieux comprendre les « géographies du mécontentement » (Rodriguez-Pose et al., 2024) qui se développent face aux coûts initiaux de la transition et à notre incapacité collective à mieux en répartir les efforts. Tout en suggérant également des pistes pour renforcer les apports de la géographie, Antoine Fontaine alerte sur un risque, non négligeable, à savoir la difficulté de « la grammaire géographique » à peser sur les STS. Bien que très représentés au sein de ce champ dominant, les géographes n’ont en effet qu’une « influence conceptuelle très modérée ». Illustrant les enjeux de la circulation des idées et de la structuration des champs scientifiques, Julian Ramirez Guirao souligne, quant à lui, le découplage entre les productions académiques sur la transition énergétique en Argentine et le cadrage de cet agenda de recherche à l’échelle internationale par un corpus scientifique essentiellement anglophone. Ainsi, alors que la transition énergétique émergente en Argentine est principalement analysée au niveau national à partir d’approches critiques, ancrées dans une pensée environnementale latino-américaine ouvrant sur des questions de justice sociale, la littérature internationale propose des méthodes et des concepts pensés par et pour les pays du Nord global. Bien que les situations ne soient pas tout à fait comparables, la géographie française n’échappe pas à cet enjeu de la circulation des modèles de pensée et du difficile dialogue des productions académiques nationales et internationales, comme l’illustre parfaitement nos rapports ambigus aux STS. Au-delà de nous faire découvrir des corpus et des pistes de réflexion peu ou pas développées dans l’Hexagone, Julian Ramirez Guirao invite ainsi à nous interroger sur les choix opérés en termes d’inspiration, d’allégeance et de dialogue scientifiques, et souligne in fine leur rôle déterminant dans nos manières de concevoir les transitions socio-écologiques.

2. « Si proche, si loin » : quand le territoire permet (presque) de décrypter les transitions

14Dans les articles composant ce double numéro, le territoire n’est pas nécessairement mobilisé en tant que « notion phare et singulière de la géographie » (Gonin, 2024). Il constitue d’abord et avant tout une échelle d’observation des changements à analyser. Parfois critiquée, la focale locale est aussi justifiée par la nécessité d’être attentif aux espaces où émergent « les nouvelles formes d’action collective et les conflits qui en découlent, les nouveaux modes d’habiter, les transformations des activités productives dans leur rapport au vivant » (texte de Frayssignes citant Banos et al., 2020). C’est le local, dans sa capacité à révéler des signaux faibles, des processus coopératifs originaux et plus largement « des expérimentations destinées à élargir les possibilités d’action, mais aussi de proposer des pistes d’intervention concrète » (Villalba et Melin, 2022, p. 1), qui est ici mis en valeur. Il s’agit ce faisant d’identifier des initiatives, de les qualifier et d’en comprendre les ressorts multifactoriels et multi-scalaires. D’ailleurs, le périmètre de ces territoires locaux varie en fonction des enjeux observés et des objectifs visés. Outre les échelles communales et intercommunales (textes de Aubry, de Berriet-Sollec et al.), régionales (texte de Charbonneau et al.), certains articles inscrivent leurs réflexions au niveau d’espaces fonctionnels comme les territoires urbains (textes de Blanc et al., de Lacombe et Rajaonson) pour monter en généralité dans la compréhension des dynamiques de transition socio-écologique associées à ce type d’espace. Le terrain proposé par Julien Frayssignes est également moins défini par des limites administratives que par l’objectif de suivre les trajectoires de développement, puis de transition, d’un territoire rural en constante recomposition depuis les années 1960. Enfin, le cadre territorial autorise aussi des approches comparatives et/ou quantitatives bien utiles pour éclairer les disparités spatiales des transitions, entre différents territoires (Rieutort, 2023), ou au sein des territoires. Par exemple, Charbonneau et ses co-auteur·es se saisissent de l’échelle régionale pour « mettre en regard des configurations territoriales distinctes dans l’analyse des transitions agro-écologiques, en offrant la possibilité de varier la « résolution » des faits observés (des individus, des collectifs d’agriculteurs, des départements, etc.) en fonction des objets étudiés ». Ce type de dispositif méthodologique apporte une réponse à la naïveté spatiale de la MLP sans pour autant oublier l’enjeu de l’articulation des niveaux. Marion Charbonneau et ses co-auteur·es pointent d’ailleurs le décalage existant entre le foisonnement d’initiatives à l’échelle locale et la reproduction d’un modèle dominant à l’échelle régionale, en raison notamment de l’ancrage et de la puissance territoriale des acteurs de la cogestion agricole. Il semble donc nécessaire de nuancer le risque d’un enfermement dans « le bocal local », et ce d’autant plus que se multiplient les propositions pour concevoir les territoires comme des assemblages situés mais toujours multi-acteurs et multi-scalaires (textes Charbonneau et al., de Gonin ; Banos et al., 2020 ; Pachoud et Koop, 2024).

  • 1 Cette perspective multidimensionnelle renvoie au caractère idéel, matériel et institutionnel d’un t (...)

15Pour autant, si le cadre territorial est propice à une perspective multidimensionnelle1, il n’en demeure pas moins que sa portée intégratrice reste peu utilisée dans les études de cas empiriques pour décrire des « transitions territoriales » (Gonin, 2021). Ces difficultés de traduction opérationnelle proviennent-elles de l’inefficience des processus de transition ou du concept de territoire lui-même ? Une autre hypothèse serait que la transition, dont on ne sait pas toujours si elle est écologique ou socio-écologique, incite à jeter un regard particulier sur les territoires au détriment d’une vision systémique tenant compte des paramètres politiques, économiques, sociaux, culturels et écologiques. Sans conclure trop rapidement sur cette question, examinons les attributs mis en avant par les contributeurs à ce double numéro.

16Premier constat, les aspects organisationnels et les formes de gouvernance occupent une place centrale. Tandis que Marielle Berriet-Solliet et ses co-auteur·es se focalisent sur la participation citoyenne, Nathalie Blanc et ses co-auteur·es entrent par les mobilisations en décrivant les logiques d’action collective à l’œuvre. De son côté, Nina Aubry nous invite à décrypter l’organisation d’initiatives festives dans deux communes rurales en mettant notamment en lumière les alliances nouées avec des réseaux écologistes. Julien Frayssignes s’intéresse quant à lui aux stratégies de diversification des éleveurs et aux efforts de structuration de filières localisées dans ce qu’il appelle une gouvernance sectorielle. Enfin, Valérie Lacombe et Juste Rajaonson questionnent la restructuration de la gouvernance urbaine et la promotion d’innovations diversifiées dans les villes intermédiaires. Passer au crible territorial, cette entrée par l’agencéité des acteurs aide à décrypter la manière dont sont appropriés les enjeux de la transition, la diversité des parties prenantes, leurs modalités d’action et, finalement, les interactions permanentes entre la construction du sens de l’action, sa matérialisation et sa gouvernance (Houdart et al., 2025). Tel est le cas par exemple de Nina Aubry lorsqu’elle met en relation le profil des participants aux festivités et la façon dont ces événements influencent leurs représentations territoriales. Plus fondamentalement, l’autrice montre qu’en « fonction des ordonnancements relationnels, les initiatives ordinaires peuvent démocratiser des projets de transition en réalisant de minutieuses coutures entre des systèmes de valeurs différents ».

17Constituant un héritage fort de la littérature sur le développement territorial, l’attention portée aux logiques organisationnelles et aux coordinations situées interroge néanmoins quant aux continuités à l’œuvre entre développement territorial et transitions socio-écologiques. Soulignant la contestation de la primauté accordée aux seuls aspects économiques, Julien Frayssignes affirme que « le contexte de transition vient ainsi interroger les principes mêmes du développement territorial, tout en confortant la pertinence du concept ». Ce positionnement rejoint les appels à identifier un nouveau régime de spécification pour faire face à des changements écologiques qui bousculent « en profondeur » le paradigme du développement territorial sans nécessairement remettre en cause l’intérêt de la notion de ressource territoriale (Durand et al., 2024). Un des enjeux semble être alors de réussir à revisiter cette notion sans exclure pour autant des dimensions productives et économiques qui, bien que pouvant apparaître secondaires à l’heure de l’urgence écologique, demeurent pour nombre d’acteurs des référentiels importants (Rigoulet et Bidet, 2022 ; Banos, 2023). Par ailleurs, si la notion de ressource territoriale est finalement assez peu mobilisée dans ce dossier, on retrouve quand même très largement l’idée que le territoire sert d’abord et avant tout à analyser des réseaux d’acteurs qui reconnaissent des problèmes communs et se coordonnent à l’échelle locale, « en mode projet », pour tenter d’y apporter des solutions (Gonin, 2024). Si là encore, on peut y voir une trace de l’influence des sciences du territoire, cette manière de cadrer les choses répond probablement aussi à notre besoin de parler de façon moins anxiogène de la crise socio-écologique. De fait, les analyses empiriques présentées dans ce dossier tendent à valoriser les vertus du cadre territorial pour confronter différentes visions et visées, et pour adapter l’existant dans des processus plus incrémentaux que disruptifs. Sans être totalement absente (textes de Gonin, de Berriet-Sollec et al.), la question des conflits et des rapports de pouvoir apparaît ainsi nettement moins prégnante, comme si les initiatives et expérimentations territorialisées étaient nécessairement inclusives et participatives (Nina Aubry, citant Van Dyck & Van den Broeck, 2013). Cet implicite démocratique ne manque toutefois pas d’interroger lorsque l’on sait la montée du populisme et du nationalisme, mais aussi le caractère radical de groupes militants se satisfaisant peu des logiques incrémentales (Sénac, 2021). Un autre enjeu semble être ainsi de mieux comprendre la place des initiatives et expérimentations de transition dans un « champ territorial » (texte de Gonin) qui est aussi un champ de bataille situé à l’intersection de différentes lignes de force (Koop, 2022).

18La focale actorielle ne saurait par ailleurs minorer le renouvellement des approches territoriales dans le sillage de ce que Debizet et ses co-autrices (2024) nomment « le tournant matériel ». Cet aspect est également bien présent dans ce dossier. Valérie Lacombe et Juste Rajaonson insistent sur le rôle central alloué à « la reconnexion équitable des milieux urbanisés à la nature », et plus généralement la manière dont diverses solutions « fondées sur la nature » sont mises en avant pour améliorer la résilience urbaine tout en augmentant la qualité de vie des citadins. Face à cet agenda consensuel, les auteurs pointent quelques défis plus spécifiques aux villes intermédiaires, telle qu’une certaine créativité pour surmonter des ressources limitées en termes de ressources financières et techniques mais aussi une dualité ruralité-urbanité plus forte qu’ailleurs. Ces tensions entre développement urbain et conservation ou création de nouvelles ressources végétales sont également au cœur du propos de Nathalie Blanc et de ses co-auteur·es, même si l’entrée par les mobilisations poussent ces derniers à davantage mettre l’accent sur la réappropriation interstitielle des espaces urbains et la production d’une « matérialité agissante du territoire ». Ainsi, des jardins collectifs au tri des déchets, les composantes matérielles du territoire apparaissent comme autant de prises convergentes pour construire un commun environnemental assurant une « requalification des solidarités socio-écologiques » et un retissage à bas bruit du lien social. Constitutives d’un environnementalisme ordinaire (Blanc et Paddeu, 2018), ces formes de justice enracinées dans les pratiques quotidiennes et dans le milieu de vie proche rappellent l’importance des dimensions sensibles dans nos rapports aux territoires (Sébastien, 2016). Ces formes de valuation situées, issues de l’expérience et basées sur des valeurs davantage socio-culturelles qu’économiques apparaissent aujourd’hui comme des moteurs majeurs des expérimentations de transition (Angeon et Crevoisier, 2024 ; Girard 2024), voire de l’émergence d’une « diplomatie avec le vivant » (Durand et al., 2024).Tout en participant à revisiter nos conceptions du territoire, certains articles du présent dossier rappellent aussi l’importance des infrastructures et héritages matériels (texte de Fontaine) ou de l’inscription des relations/frictions sociales dans la matérialité (texte de Gonin). Ce faisant, ces auteurs suggèrent de penser la dimension matérielle tout autant comme une opportunité que comme une épreuve avec lesquelles les acteurs des transitions territoriales doivent dans tous les cas composer. L’appréhension des matérialités et leur influence sur les trajectoires de transition nécessitent ainsi d’être approfondies, ne serait-ce que parce que rien n’indique vraiment que la sobriété et les nouvelles solidarités entre humains et non-humains vont l’emporter sur le retour du productif et une industrialisation des usages de la nature, y compris à l’échelle territoriale (Banos, 2023). Par ailleurs, de par leur emprise spatiale, leur omniprésence dans nos vies et leur grande diversité de statuts (naturels, technologiques, hybrides), les éléments, infrastructures et équipement matériels ne bousculent pas seulement nos rapports à la nature et aux ressources, mais aussi au travail (Stokes et De Coss-Corzo, 2023) et à l’idée même de fragilité et de ce que nous en faisons (Denis et Pontille, 2023).

19Ainsi, les articles du présent dossier comme ceux récemment publiés nous invitent à nuancer l’hypothèse provocatrice d’une forme d’ » hémiplégie » du langage territorial. Tant d’un point de vue théorique que méthodologique, ce cadre de pensée est largement revisité et dispose d’un certain nombre d’atouts pour mieux tenir compte des non-humains, des interdépendances scalaires et des ajustements qui s’effectuent chemin faisant, dans des processus qui n’excluent ni les cohabitations ni les conflits, et nécessitent de mettre en regard les dimensions sociales autant qu’écologiques des transitions. Pour autant, en dépit des combinatoires échafaudées (Bellom et al., 2024) ou des approches multidimensionnelles développées (Koop et Pachoud, 2024), certains angles morts demeurent. Parmi ceux-ci, interroger de manière plus systématique ce que les initiatives et expérimentations transforment sur les territoires et au-delà des espaces de concernement (Subra, 2016) demeure un immense défi. En plus de la nécessité de mieux comprendre les « côtés sombres » de la transition (entretien avec Teis Hanssen), et en particulier la manière dont la recomposition des régimes sociotechniques dominants verrouille les trajectoires empruntées (partie 1), relever ce défi suppose entre autres d’interroger davantage notre rôle et nos responsabilités en tant que chercheur·es.

3. Quand la transition socio-écologique bouscule (ou non) les stratégies et pratiques des géographes

20En dépit des inconforts, doutes et difficultés suscités, peu de travaux abordent encore directement les effets de la transition socio-écologique sur les pratiques de recherche, les postures et les formes d’engagement associées. Comment les géographes mobilisant les approches territoriales (re)considèrent-ils leur rôle dans un contexte marqué par les urgences écologiques et sociales mais aussi les injonctions normatives à la transition ? Quelles nouvelles relations développent-ils aux acteurs des territoires, sujets ou partenaires d’étude ? Sans prétendre traiter ici de questions aussi épineuses, nous proposons quelques pistes de réflexion inspirées des contributions au présent double numéro.

21Tout d’abord, rappelons que les textes mettent en évidence une diversité de stratégies de recherche adoptant un regard territorial (comme problème, hypothèse ou méthode), répondant à différentes finalités quant à la transition, et relevant in fine de postures distinctes, quant à la relation aux acteurs. De fait, peu d’articles assument explicitement un engagement en faveur d’une conception donnée de la transition socio-écologique. Lorsque tel est le cas, cet engagement peut passer par la volonté d’équiper les pensées et/ou de faire évoluer les référentiels d’action publique. Par exemple, Nathalie Blanc et ses co-auteur·es proposent la notion de « solidarité socio-écologique » en s’inspirant du principe de solidarité écologique mais en y adjoignant le souci de réseaux d’action « intégrant les publics précaires ou paupérisés ». La solidarité socio-écologique ainsi défendue met en avant « les relations nécessaires à l’échelle de territoires d’action entre entités vivantes et non-vivantes favorisant une résilience territoriale ». De leur côté, Marielle Berriet-Solliec et ses co-auteur·es participent à renouveler les outils de l’ingénierie territoriale, autour de la notion de « capacitation territoriale » définie ici comme « la capacité à aspirer à a un avenir socialement et écologiquement sûr et juste ». Pour ce faire, ils mobilisent les critères de justice environnementale de David Schlosberg (2013) : équité, reconnaissance et participation. Franchissant une étape supplémentaire, les auteur·es donnent corps à leur proposition « d’une recherche transformative » en portant un dispositif de coproduction de connaissances entre chercheurs et acteurs avec l’ambition de constituer une « communauté épistémique transdisciplinaire », dans une perspective politique d’émancipation des personnes collectivement organisées. Défini par opposition aux régimes sociotechniques où l’expertise serait descendante et exogène, le territoire devient ici un espace favorisant l’agencéité individuelle et collective de ses habitants ; c’est-à-dire « un espace physique, social et géographique multiscalaire de contestations, de controverses, de délibérations qui, sans invisibiliser les conflits, rend ses habitants et représentants collectivement capables d’élaborer des représentations partagées, définir des buts et à agir de manière cohérente pour passer d’une situation subie à une situation souhaitée » (texte de Berriet-Solliec et al.). A sa manière, Nina Aubry estime également contribuer à la transition, en s’intéressant aux signaux faibles des initiatives ordinaires, qui bien que souvent délaissées, apparaissent comme des maillons essentiels de potentielles transformations territoriales globales, que cela soit en ouvrant des opportunités ou en démocratisant les projets de transition.

22Ce foisonnement de recherches contributives et l’enthousiasme qui les guide ne sont toutefois pas exempts d’écueils. Le premier, très justement souligné par Nina Aubry, tient à la focalisation des travaux empiriques sur des « études de cas prometteuses » ; cette concentration pouvant alors générer la constitution de véritables « hauts-lieux d’initiatives ». Par exemple, la fréquentation élevée de la Drôme par des chercheurs renommés n’est probablement pas étrangère au dynamisme des initiatives sur ce territoire et à leur mise en lisibilité et visibilité (Girard et Landel, 2023). Si cette instrumentalisation réciproque entre acteurs et chercheurs n’est pas nouvelle, Nina Aubry pointe les risques de sous-estimation de la diversité des conditions et processus de transition, mais aussi de « construction insidieuse de nouveaux modèles de développement normatifs » par le bas. Sans minorer ces biais, notons cependant que focaliser l’attention sur un » haut-lieu » ne s’oppose pas à l’étude des pratiques ordinaires, et permet, au contraire, de mettre en lumière leur rôle structurant sur le temps long, leur capacité à impacter et transformer des systèmes (Moore et al., 2015 ; Girard et Landel, 2023).

23La deuxième difficulté est de définir, dénommer et délimiter les objets et acteurs étudiés. Reflet des tâtonnements, hésitations et ambiguïtés collectivement rencontrés, cette grammaire plurielle offre des passerelles mais s’avère également source de confusions. Entre innovations, initiatives, expérimentations, mouvements, collectifs, communautés, dit-on la même chose ? Sur quoi est mis l’accent et avec quels implicites ? Même si les catégories sont toujours situées et dynamiques, à l’instar du terme communauté, qui n’a pas le même sens de part et d’autre de l’Atlantique, le choix des mots n’est jamais neutre. En catégorisant les acteurs et leurs intentions, en qualifiant et évaluant les effets de leurs actions, les chercheurs jouent un rôle normatif déterminant. Dans le brouillard ambiant, l’explicitation des notions employées et la clarification des conceptions de la transition sous-jacentes apparaissent donc nécessaires à l’avancée des débats et des connaissances. Cela vaut aussi pour le profil des acteurs, ceux qui sont impliqués dans les initiatives dites de transition mais aussi ceux qui en sont absents. Par exemple, au regard des articles présentés dans ce dossier et dans le double numéro de Géographie, Economie et Société (Debizet et al., 2024), les collectifs étudiés restent assez peu « radicaux » tant dans les actions mises en œuvre que dans leurs relations avec les institutions. Nulle trace d’action violente ou illégale, rien non plus sur les collectifs en lutte (ex : Zones à Défendre) ou encore sur les contre-mouvements réactionnaires. Est-ce à dire que ces groupes et modes d’action restent hors du champ de la transition socio-écologique ou bien leur absence traduit-elle nos difficultés à enquêter dans ces contextes ? A moins que cette réticence ne découle de nos cadres de pensées davantage façonnés, notamment dans les sciences du territoire, pour orienter l’action publique et venir en appui aux décideurs, que pour endosser des perspectives critiques ?

24Tout ceci nous conduit à une troisième difficulté, la plus importante, à savoir l’identification et l’évaluation des transformations portées ou favorisées par les initiatives étudiées. Cet écueil renvoie d’abord à la dissociation entre les ruptures d’ordre ontologique et politique. De fait, si l’intentionnalité des acteurs constitue en soi un indicateur de changement, l’affirmation d’une nouvelle manière de penser ou de se représenter les choses ne signifie pas pour autant une transformation des réalités écologiques ou sociales. Sans que cela ne soit spécifique à la transition socio-écologique, cette dernière semble néanmoins favoriser un certain décalage entre les récits construits et les réalités empiriques observées (Mathieu, 2011 ; Aykut et Evrard, 2017). Mais, que suivre et « évaluer » : le processus, ses résultats ou ses impacts ? Les impacts directs, indirects, ceux visés ou bien aussi ceux inattendus ? Quelles échelle spatiale et horizon temporel privilégier ? Transformer des réalités observées en variables et indicateurs objectivables pose nombre de défis : comment juger du caractère « écologique », « juste » ou « sûr » de ce qui est étudié ? Face à cette préoccupation majeure, certaines pistes existent, comme lorsque Marion Charbonneau et ses co-auteur·es proposent une méthode originale pour objectiver les dynamiques de transition agro-écologique à l’échelle d’une région et éclairer les inégalités socio-spatiales engendrées, ou encore lorsqu’Alexis Gonin appelle à privilégier le concept de territorialisation à celui de territoire « pour évaluer la portée systémique des changements, et donc les qualifier ou non de transitions ». Ces propositions émergentes et non-exhaustives (Buclet, 2024) demandent à être amplifiées sans minimiser l’ampleur de la tâche. En matière de justice, par exemple, s’intéresser aux inégalités de participation des publics (conditions pratiques et contribution réelle) requiert des suivis dédiés coûteux et exigeants que peu de projets peuvent se permettre (comptage des présences, caractérisation sociologique des participants, observation des prises de paroles, identification des effets sur les décisions prises, etc.). De même, l’analyse de l’émancipation des personnes concernées – autre critère fréquemment cité – demande une analyse approfondie auprès de ces publics, tandis que juger de la transformation des rapports et arènes de pouvoirs – portée politique – requiert d’élargir la focale d’analyse hors des acteurs alternatifs, avec une bonne connaissance des contextes locaux de décisions et dans les deux cas, des suivis de long cours, là encore, pas toujours compatibles avec la durée des projets de recherche. En l’absence de tels processus d’objectivation, le risque est d’affaiblir la portée de la critique adressée aux modèles dominants, mais aussi l’essaimage des initiatives alternatives (Lapostolle et Roy, 2022). Notons néanmoins que ces « évaluations » ne sont pas toujours nécessaires pour constater les problèmes et proposer « des solutions », comme lorsque Berriet-Solliec et ses co-auteur·es appellent à l’instauration d’une « académie des territoires », sorte d’« espace translocal de circulations des savoirs et pratiques se donnant les moyens et la légitimité d'interpeller les pouvoirs publics pour sortir de la précarité budgétaire et politique dans laquelle se trouvent les initiatives de transition par le bas ». Dans le même ordre d’idée, les différentes acceptions de la notion de scaling ou changement d’échelle (Moore et al., 2015 ; Houdart et al., 2025) montrent qu’il existe de puissants cadres pour penser le renforcement de l’impact des initiatives accompagnées.

  • 2 Cf les deux notes du Comité éthique du CNRS et de Ethique en Commun INRAE-Cirad-Ifremer-IRD : https (...)
  • 3 Cf par exemple, les rencontres 2023 du CNFG, sur le thème non consensuel de l’engagement ; https:// (...)

25En toile de fond de ces écueils et enjeux, c’est l’épineuse question de la contribution des scientifiques à la transformation des sociétés qui est posée. Les récentes réflexions collectives sur l’engagement des chercheurs, dans un contexte d’affaiblissement des liens science-société, témoignent de l’inconfort de la situation et de la vitalité des débats sur les rôles politiques des chercheurs2. Les géographes n’en sont pas exempts3, ne serait-ce que parce que la pratique du terrain, commune à une partie des approches territoriales, impose une nécessaire relation avec les acteurs qui les habitent et les animent (Girard, à paraître). Plus globalement, si l’engagement n’a rien d’une évidence, cette posture ne peut plus se définir en miroir d’une neutralité largement illusoire tant on sait que toute recherche est située et cadrée, a minima par le système institutionnel dans laquelle elle s’inscrit (Ethique en Commun, 2023). D’ailleurs, tandis que Julien Frayssignes souligne le rôle déterminant joué par l’INRA dans la structuration de filières agricoles de l’Aubrac, Berriet-Solliec et ses co-auteur·es nous rappellent combien le développement territorial et son ingénierie dédiée doivent depuis longtemps leur succès à l’investissement opérationnel et l’engagement de chercheurs dans le champ de l’action publique. La question n’est donc pas tant de savoir si la géographie conseille mais qui elle conseille : change-t-elle de cible, quand elle se revendique des approches territoriales de la transition ? Si elle ne s’adresse plus seulement aux services de l’Etat, vient-elle renforcer les capacités d’action des décideurs locaux, des gestionnaires ou bien celles des citoyens, habitants, usagers ou consommateurs ? Vient-elle équiper une pluralisation des acteurs, de leurs visions, de leurs modes de valuation ou d’action dans les arènes de concertation et de décision ou contribue-t-elle au contraire à mieux cadrer et orienter des conduites individuelles ou des politiques locales, au nom d’une nécessaire efficience de la transition écologique ?

26Ces questions renvoient in fine à des enjeux éthiques de responsabilité sociale mais aussi d’intégrité scientifique et de réciprocité (Coutellec, 2005 ; Couture, 2019), d’autant plus importantes lorsque les chercheurs adoptent une vision normative de la transition et qu’ils font partie du système d’acteurs à l’œuvre. Mais même sans posture normative explicite, la question de la responsabilité des chercheurs quant à l’utilité et au devenir des résultats qu’ils produisent se pose. Considérant que le champ des STS a largement fait le tour des « verrous » scientifiques à la transition, Teis Hansen estime ainsi du devoir des chercheurs de porter les messages jusque dans les arènes opérationnelles et politiques. Or, bien que cette implication soit souvent effective, et ce dès le choix du terrain, l’adoption d’une approche territoriale ne dit rien des théories du changement auxquels les chercheurs abondent : révolution versus reconfiguration, rôle des marges versus de la massification. Expliciter ces implicites paraît d’autant plus nécessaire que, sans dénier leur potentiel d’émancipation, les langages du territoire, de la transition et de la participation ont en commun d’être éminemment consensuels, faussement rassembleurs et parfaitement compatibles avec une néo-libéralisation des vies et des politiques. Au final, s’il apparaît délicat de statuer sur la pertinence d’une « géographie des transitions territoriales », dont les perspectives demeurent émergentes, nul doute que son devenir dépend de notre capacité à l’équiper de précautions d’ordre éthique, analytique et méthodologique. Pour éviter les différentes chausse-trappes du ‘local trap’ ou du greenwashing par exemple, il nous faut ainsi continuer à clarifier « d’où on parle », nos postures de recherche et les conceptions de la transition qu’elles sous-tendent, mais aussi et peut-être surtout se donner les moyens de mieux mesurer, objectiver ou qualifier l’impact des recherches menées, notamment lorsqu’elles revendiquent contribuer à des transformations socio-écologiques justes, durables, inclusives et démocratiques.

4. Organisation du double numéro et présentation des articles

27Les trois premiers articles apportent une coloration internationale en offrant différents points de vue situés sur la place de la géographie dans les STS. Ce faisant, ils donnent aussi à voir des pistes de recherche non complétement réductibles à celles esquissées ci-dessus. Soulignant à partir d’une analyse bibliométrique l’importance mais aussi la faible influence des géographes au sein des STS, Antoine Fontaine suggère ainsi trois point-clefs pour davantage affirmer les apports de la discipline : (1) Nommer les processus et décrire leur dimension politique ; (2) Valoriser une diversité de méthodologies et de raisonnements scientifiques ; (3) Réaffirmer l’importance et le rôle du contexte dans les processus de transition. Tout en mobilisant aussi la bibliométrie, Juan Ramirez Guirao nous invite à décentrer le regard en resituant la géographie dans le panorama des recherches en sciences sociales menées sur la transition énergétique en Argentine. Au-delà du faible dialogue existant avec les théories de la transition pensées par et pour les pays du Nord – ce qui ne signifie pas l’absence d’influence de ces dernières –, cet article met en lumière la constitution de deux corpus théoriques plus spécifiques, l’un relevant de l’écologie populaire et de l’éco-marxisme, l’autre des approches développementales. Enfin, l’interview accordée par Teis Hansen en marge du 15ème colloque organisé par le « Sustainability Transitions Research Network » (Oslo, IST 2024) vient éclairer quelques enjeux, écueils et perspectives pour la géographie des transitions, dans un contexte notamment marqué par les régressions environnementales et la montée des nationalismes.

28Le deuxième groupe d’article approfondit et illustre certains apports du renouvellement en cours des approches territoriales. Constatant que les travaux sur la transition agro-écologique et agri-alimentaire tendent à réduire le territoire au local, Alexis Gonin propose de mettre l’accent sur la notion de territorialisation pour mieux caractériser la portée systémique des changements observés. Sa proposition théorique est mise à l’épreuve d’une étude empirique sur les stratégies de transition des pratiques de fertilisation azotée dans le Loiret. Tout en s’intéressant aussi à des enjeux agricoles, Marion Charbonneau, Thibaut Preux, Delphine Thivet, Isabelle Degrémont, Frédéric Zahm, Claire Gagnepain, Myrtille Schlur, Amal Ismaili Alaoui, Marjolaine Huguet, Jean-Yves Puyo et Delphine Montagne nous transportent en Nouvelle-Aquitaine et dans une réflexion plus méthodologique. Leur article collectif dévoile une approche originale pour objectiver les disparités socio-spatiales de la transition agro-écologique et contribuer à en élucider les ressorts territoriaux. A travers son étude longitudinal du plateau de l’Aubrac, Julien Frayssignes contribue de son côté à questionner ce que la transition fait à des stratégies de développement ancrées au territoire. L’article montre que les dynamiques actuelles relèvent – pour l’instant – de l’ajustement plus que d’une réelle bifurcation car, si de nouvelles valeurs et préoccupations émergent quant aux manières de penser les ressources et la gouvernance, elles doivent composer tout à la fois avec le désir d’une préservation des acquis du régime aubracien et un paysage institutionnel peu favorable aux stratégies de spécification de ressources. Enfin, chercheur·es à l’Université du Québec à Montréal, Valérie Lacombe et Juste Rajaonson nous sortent du tropisme rural des précédents articles pour interroger les défis et les opportunités de la transition socio-écologique dans les villes intermédiaires à partir d’une revue de la littérature. Tout en rappelant que nombre d’enjeux (reconnexion à la nature, gouvernance, innovation…) sont loin d’être spécifiques, l’article montre que les villes intermédiaires doivent se montrer créatives pour dépasser des contraintes propres, tels la gestion des interfaces avec l’agriculture, le développement des solutions de mobilité durable ou l’optimisation du recyclage des matières résiduelles, et souligne la nécessité « d’indicateurs de performance » adaptés à divers types de ville.

29 Le troisième groupe d’articles met en lumière l’enjeu de la participation et de la mobilisation des citoyens « ordinaires » et interpelle, plus ou moins explicitement, le rôle des scientifiques dans leur contribution à une transition « juste ». A partir d’une enquête menée sur quatre communes du Grand Paris, Nathalie Blanc, Maitié Juan, Éléonore Genest et Hugo Rochard examinent comment des mobilisations citoyennes améliorent l’habitabilité de ces territoires urbains au regard des inégalités socio-environnementales préexistantes. Les auteur·es qualifient les transformations opérées, en termes de renaturation fondée sur des échanges écosystémiques et de requalification des solidarités territoriales, à la fois sociales et écologiques. Les deux derniers articles nous ramènent au monde rural. En faisant le récit d’une expérimentation menée dans le cadre du Living lab Territorial pour la Transition Ecologique (Ltte) de Dijon, Marielle Berriet-Solliec, Dany Lapostolle, Denis Lépicier et Jérémy Sauvineau dressent les contours d’une « ingénierie de capacitation ». Ils montrent son importance pour mettre en mouvement et faire émerger une forme d’agencéité environnementale locale mais aussi ses limites, tant en termes de réduction des inégalités que de pérennisation des actions menées. Pour dépasser ces contraintes, ils proposent une solution opérationnelle sous la forme d’un espace trans-local de co-construction et de circulation des savoirs, capable d’interpeller les pouvoirs publics tout en favorisant l’essaimage. Enfin, en couplant analyse critique de l’engouement pour les initiatives disruptives et enquêtes sur des festivités en Mayenne, Nina Aubry démontre l’intérêt et l’importance de l’étude des initiatives ordinaires, dans la compréhension des transformations territoriales. De manière originale, l’article met ainsi en lumière les discrets maillons et minutieuses coutures nécessaires à l’articulation de « mondes » différents ; un enjeu essentiel tant pour la vitalité du tissu social et démocratique que pour le devenir des transitions territoriales.

30Finalement, les dix textes présentés dans ce double numéro offrent une diversité de regards sur la géographie des transitions territoriales telle qu’elle se pratique et se questionne en France. Ils dévoilent ainsi de riches perspectives théoriques et méthodologiques pour analyser et accompagner des transitions socio-écologiques dont les trajectoires et les effets systémiques demeurent bien incertains, y compris à l’échelle des territoires.

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Notes

1 Cette perspective multidimensionnelle renvoie au caractère idéel, matériel et institutionnel d’un territoire défini comme « un espace élaboré, construit socialement, marqué culturellement et régulé institutionnellement » (Lopez et Muchnik, 1997 in Pachoud et Koop, 2024).

2 Cf les deux notes du Comité éthique du CNRS et de Ethique en Commun INRAE-Cirad-Ifremer-IRD : https://comite-ethique.cnrs.fr/wp-content/uploads/2023/09/AVIS-2023-44.pdf ; https://www.ethique-en-commun.org/content/download/8143/file/Avis-15.pdf

3 Cf par exemple, les rencontres 2023 du CNFG, sur le thème non consensuel de l’engagement ; https://engagement-s.sciencesconf.org/resource/page/id/1

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Pour citer cet article

Référence électronique

Vincent Banos, Sabine Girard, Marie Houdart et Salma Loudiyi, « Territoires & Transitions socio-écologiques : dialogue fécond, parcours inachevé ou voie sans issue ? »Géocarrefour [En ligne], 98/3-4 | 2024, mis en ligne le 28 avril 2025, consulté le 17 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/24369 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13tpm

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