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Conflits et rivalités en Indo-Pacifique : le Resisting Operating Concept en réponse à l’influence de la Chine

Jonathan Jay Mourtont

Résumés

Dans un contexte de rivalités et de conflictualités entre la Chine et les États-Unis, l’Empire du Milieu semble affirmer de plus en plus ses ambitions régionales, non plus uniquement par des actions d’influence ou par le renforcement de son potentiel militaire, mais aussi par une volonté de contester de manière durable la prééminence des États-Unis dans la région. Cet impérialisme que la Chine déploie laisse à penser qu’elle veut subordonner les différents pays de la région, tout en créant les conditions d’une dépendance économique par l’intermédiaire de l’architecture des nouvelles routes de la Soie, qui s’accompagnent d’un développement de nouvelles routes maritimes. Par ailleurs, l’approche générale souligne qu’il devient éminemment difficile d’exercer un blocus à l’encontre de la Chine. Néanmoins, il est possible de contenir cette dernière aux « marches » de son Empire, par le biais de stratégies visant à empêcher son action dans les pays proches. Cela peut passer par une guerre informationnelle et des actions d’influences, culturelles et académiques doublées d’actions militaires irrégulières, dans un contexte polymorphe et « mosaïque ». Afin de contenir une invasion, ces stratégies peuvent s’intégrer dans un schéma doctrinal de résistance à travers le Resisting Operating Concept, lequel rend possible une dissuasion en soutien de nos alliés présents en Indo-Pacifique.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 DAVE Bhavna, KOBAYASHI Yuka, 2018, “China’s silk road economic belt initiative in Central Asia : ec (...)
  • 2 MCBRIDE James, BERMAN Noah, CHATZKY Andrew, 2023 «China’s Massive Belt and Road Initiative», Counci (...)

1Depuis plus de quinze ans, la Chine s’impose peu à peu non plus comme une simple puissance régionale, mais comme une puissance mondiale, venant contester ainsi le leadership historique des États-Unis et plus largement de l’organisation du monde post-1945. Cette puissance s’est manifestée avec le développement des routes de la Soie, la Silk Road Economic Belt (SREB). Dans cette perspective, en 2013, une vaste stratégie de constructions d’infrastructures diverses (ports, chemin de fer, routes, oléoducs, etc.) (DAVE et KOBAYASHI, 2018)1 est déployée. Cette stratégie permet d’une part le développement de relations privilégiées avec les différents pays où ces constructions sont érigées, facilitant la modification de la perception de la Chine auprès des populations locales, et d’autre part d’étendre l’emprise de la Chine sur les économies locales et par extension sur les affaires politiques locales. De la sorte, la Chine parvient à enserrer ces pays, qui deviennent en partie dépendants de Pékin. De plus, cette stratégie s’étend jusqu’à l’Europe, ce qui facilite l’expansion de la Chine sur ce marché, alors même que des entreprises européennes se sont installées en Chine et que cette dernière s’est octroyé les services d’un certain nombre de personnels d’influence, notamment d’anciens hommes politiques de premier plan. Par ailleurs, si de nombreux pays tentent de jouer un rôle dans les économies locales à travers des agences de développement telles que l’ODA, la JICA et bien d’autres, avec un investissement de près de 1 000 milliards (MCBRIDE et al., 2023)2, la Chine concurrence grandement ces différents dispositifs. Au-delà, cette initiative économique que représentent les nouvelles routes de la Soie, toujours dans cette perspective d’influence, aura pour effet de toucher près de 4,4 milliards de personnes à travers 68 pays, ce qui montre l’ampleur considérable de ce projet aussi bien d’un point de vue économique, politique que de perception d’influence. La Chine a constamment renforcé sa position économique au niveau mondial. Ce développement économique lui permet de développer ses capacités militaires et d’exercer une influence et une pression vis-à-vis des pays de la région. Cette réalité sécuritaire en Asie appelle une action afin de contenir l’influence (économique politique et la subversion des sociétés), mais aussi afin de dissuader les pays compétiteurs à la fois avec des capacités militaires conséquentes pré-positionnées et des modes d’action spécifiques pour garantir l’intégrité des différents territoires des pays alliés, et de les prémunir de différents risques d’invasion potentiels provenant de la Chine.

2La Chine progresse dans différents secteurs en particulier le domaine maritime, l’aérospatial, ainsi que les technologies de rupture (I.A, supercalculateur, hypersonique, etc.). Porté par une volonté de réunification avec Taïwan, en employant la force, Pékin va mettre en œuvre notamment une stratégie navale qui comprendra deux composantes : l’une est l’exercice de son contrôle sur son espace maritime ou considéré comme tel, l’autre est l’annulation des différents facteurs de supériorité opérationnelle de la puissance rivale, les États-Unis, dont le pivot stratégique dans la région s’appuie à la fois sur des emprises militaires au Japon, en Corée du Sud ou encore à Hawaii ou Guam, mais aussi sur ses groupes aéronavals, en particulier la
7e flotte du Pacifique par une stratégie de déni d’accès (A2/AD).

  • 3 CRS, 2024«U.S-China Strategic Competition in South and East China Seas: Background and Issues for C (...)

3Au-delà, elle souhaite exercer son contrôle sur la mer de Chine et revendiquer la souveraineté sur l’ensemble des îles qui sont contestées (CRS, 2024)3. La situation militaire, notamment d’un point de vue naval, souligne à quel point il est difficile pour une marine militaire, aussi équipée soit-elle, de se prémunir face à une armée de drones et de vecteurs hypersoniques, qui pourraient rapidement rendre hors d’état de fonctionner différents groupes aéronavals. En effet, la doctrine militaire chinoise s’inscrit d’abord dans une volonté d’exercer sa domination sur l’Indo-Pacifique, davantage que dans des projections de forces militaires en dehors de sa sphère, même si ses actions d’influence, reflètent un narratif ayant vocation à faciliter les actions de la Chine dans le monde.

  • 4 CHARON Paul, VILMER Jean-Baptiste Jeangène, 2021, « Chinese Influence Operations, A Machiavellian M (...)
  • 5 DAUM Jeremy, «What China’s National Intelligence Law Says, And Why it Doesn’t Matter», 22/02/2024, (...)
  • 6 LAMP Roan, JUN Youmi, WU Will, ZHOU Tency, 2023, «China’s new Counter-Espionage Law and Recent Enfo (...)
  • 7 SCHWARCK Edward, «Intelligence and Informatization : The Rise of the Ministry of Public Security in (...)

4Ainsi, la Chine, très rapidement, a développé une stratégie d’influence qui s’est structurée à la fois sur des actions de propagande, de désinformation et, plus généralement, des actions de subversion, subversion se voulant intégrale (CHARON, VILMER, 2021)4. Indépendamment des actions des services de renseignement chinois, la loi chinoise sur le renseignement intérieur de 2017 (DAUM, 2024)5 et plus particulièrement son article 7 insistent sur le fait que chaque entreprise et chaque citoyen ont l’obligation de travailler pour les services de renseignement si ces derniers l’exigent. La loi révisée sur le contre-espionnage de 2023 (LAMP et al., 2023)6 élargit significativement la définition des activités d’espionnage. Elle inclut désormais l’ensemble des documents ou informations jugés pertinents par les autorités chinoises. Cette approche de surveillance portée par le ministère de la Sécurité publique a commencé dès le début des années 2000 concomitamment au développement et à l’intégration des technologies informatiques, avec pour finalité la domination de l’information ou zhi xinxi quan (制信息权) (SCHWARCK, 2018)7 l’exercice d’un contrôle sur celle-ci, contrôle qui a été facilité par l’avènement du « mur numérique, permettant de limiter l’arrivée des informations provenant de l’extérieur tout en diffusant des informations « choisies ». Il se révèle dès lors indispensable d’élaborer une stratégie afin de garantir l’intégrité, la résilience et l’appui de nos alliés dans la région Indo-Pacifique dans la perspective d’un conflit à venir dans un horizon plus ou moins proche.

5La Chine a ainsi développé une stratégie totale intégrant à la fois des actions d’influences culturelles, économique, tout en menant des actions de subversion agressive, lui permet de garantir une hégémonie à la fois passive et active dans la région. Par ailleurs son développement technologique et l’augmentation de ses capacités militaires, concourent également à son influence dans la région. Afin d’éviter l’établissement d’une stratégie de vassalisation des pays de la région et un déni d’accès partiel ou total aux États-Unis et à l’Europe à ces espaces que ce soit d’un point de vue des échanges économiques, culturels, académiques, politiques et militaires, il est nécessaire d’établir une réponse intégrale civile et militaire.

Une réponse intégrale, à la fois civile et militaire

6Cette approche chinoise totalisante vise à modeler les sociétés ciblées à son avantage, voire à les placer dans une incapacité à répondre à une situation de menace militaire imminente. Ces actions de déstabilisation peuvent revêtir de multiples formes, mais se situent sous le seuil de l’action militaire délibérée. Ce type d’actions peuvent ainsi faciliter en amont une action militaire au bénéfice de la Chine en neutralisant la capacité de réaction du pays.

7Ainsi, il est nécessaire de répondre à ces différentes actions afin d’empêcher la mobilité d’actions de la Chine qui, tout en étant un compétiteur, peut mener des actions hostiles « immatérielles », des cyberactions d’influence, mais aussi des actions de sabotage ou rendant possible une insurrection pouvant devenir une lutte armée. C’est pourquoi nous allons examiner différents aspects de cette stratégie, notamment les actions de contre-ingérence comprenant les actions de contre-guérilla et de résistance. Ces mesures seront envisagées dans l’éventualité où la Chine lancerait une action militaire hostile contre ses voisins ou mènerait des opérations de déstabilisation telles que des sabotages et des actions de guérilla en préparation d’une opération militaire.

  • 8 NEWTON Richard D., HOMIAK, Travis L., SMITH Kelly H. PELTIER Isaac J., WHITE Jonathan, 2009, «Conte (...)

8Dans ce contexte, une stratégie militaire indirecte de Surrogate and Irregular Warfare (NEWTON & AL, 2009)8 , notamment de contre-influence et de contre-subversion, est indispensable pour limiter l’action de Pékin. Cette approche fait écho à plusieurs concepts stratégiques : la stratégie du Resisting Operating Concept, du Deep Operations et du Multi-Domain Operations. L’association des trois dans une perspective de containment de la Chine pourrait devenir une nécessité.

9En effet, l’objectif est de diminuer la menace, en lui déniant la possibilité de mener ses actions tout en défendant les territoires, les zones ou les pays alliés de manière à empêcher l’adversaire d’atteindre ses buts de guerre. Il est donc essentiel de circonscrire l’action à l’ensemble des environnements en s’appuyant sur les opérations multi-domaines. Ces opérations soulignent l’importance d’agir de manière coordonnée dans les secteurs spatial, cyber, aérien, terrestre et maritime, que ce soit en contexte de conflit ou de compétition. Dans ce cadre, ce mode d’action tend à s’exercer dans des environnements qui sont à la jonction du conflit et de la compétition, qui peuvent alterner ou coexister dans des espaces, certains relevant uniquement de la compétition, d’autres comportant des zones d’affrontements. Cette réalité polymorphe se présente comme une mosaïque complexe.

  • 9 FRYER David, 2024, «Aligning emerging concepts and capabilities with Mosaic Warfare». Contemporary (...)
  • 10 CSENGERI Janos, 2021,«Multi-Domain Operations – A New Approach in Warfare», Security & Future, p.78 (...)
  • 11 DELORY Stéphane, GROS Philippe, 2021, « L’évolution des feux dans la profondeur à l’horizon 2035 », (...)

10Pour répondre à cette réalité mosaïque, l’approche irrégulière permet de répliquer au passage du statut de compétition à celui de conflit, en s’appuyant sur de nombreuses unités légères, mais connectées et possédant une avance technologique. Cette approche permet d’obtenir des effets opératifs ou stratégiques avec une empreinte limitée, en évitant la concentration des forces, tout en conservant une agilité qui change le rapport de force (FRYER, 2024)9. Le concept de Mosaic warfare intègre une dimension Multi-Domain (CSENGERI, 2021)10 en employant des moyens coordonnés dans plusieurs milieux. Cette approche utilise largement la technologie C4ISR pour les communications, le renseignement, le ciblage et les frappes jusqu’à 100 kilomètres. Cela permet à des unités comme le 2e RH de mener des missions en profondeur et de renseigner sur les positions adverses afin de faciliter leur réduction (DELORY, GROS, 2021)11. Ainsi, nous retrouvons l’idée des Deep Operations, afin d’agir dans la profondeur adverse et de briser en amont une manœuvre militaire adverse dans le cadre d’une résistance. Cette résistance face à un compétiteur ou à un adversaire se caractérise dans le Resisting Operating Concept, qui intègre l’ensemble des approches évoquées.

Le Resisting Operating Concept, une approche de containment à la jonction de la Mosaic warfare, des Deep Operations et des Multi-domain Operations

11Le concept de Resisting Operating Concept ou ROC s’inscrit et parachève une stratégie multidimensionnelle, dans la perspective de défense d’un territoire, face à des actions conventionnelles et non conventionnelles qui s’accompagnent d’actions d’influence tout en agissant dans la profondeur adverse. Ces actions d’influence agissent sur la population, les différentes composantes de celle-ci, mais aussi sur les membres de la société civile. Ces actions portent atteinte à la résilience de la société, qui deviendra moins apte à répondre à une menace clairement identifiée, et démobilisent des franges de la population, dont une part se trouve subvertie et pourrait mener des actions de sabotage et de terrorismes. Ainsi, cette approche commence par traiter non pas la phase de confrontation, mais la phase de préparation, au moyen de la subversion et de la destruction du potentiel d’un pays à se défendre en s’attaquant à la société civile et à son économie notamment. L’objectif est de modeler la société afin qu’elle ne soit plus en mesure de se défendre. Afin de faire face à l’ensemble des attaques coordonnées à l’encontre de la société, il faut disposer d’une société suffisamment résiliente, en mesure de résister en cas de déstabilisation ou d’invasion.

  • 12 CHINCHILLA, Alexandra, ATWELL Kyle, BRADSTREET Alexis, CROMBE Catherine & LEBLANC Luther, 2024, «Ir (...)

12La capacité d’un État d’être résilient et donc de pouvoir se prémunir en partie d’une menace et d’y résister concerne aussi bien la sphère informationnelle que dans la sphère cyber informationnelle. Elle inclut également la capacité à faire face à des actions irrégulières comme le sabotage, les assassinats ciblés et diverses autres opérations visant à faciliter une manœuvre militaire le cas échéant ou à créer une situation d’instabilité suffisante pour paralyser un État et l’empêcher de représenter une menace. Par conséquent, ces actions irrégulières peuvent être combinées à des opérations militaires traditionnelles, servant une stratégie qui répond à la fois à des situations de compétition et de confrontation (Chinchilla, 2024)12. Cela permet d’agir continuellement pour créer les conditions nécessaires à l’affaiblissement préalable du compétiteur avant qu’il ne puisse acquérir les capacités lui conférant le statut de menace. Cela s’applique parfaitement à nos alliés qui, pouvant être menacés par une Chine ayant des velléités impériales, ne doivent pas se trouver dans une situation où leurs populations sont influencées, leur capacité de combat réduite et leur réactivité face à une menace compromise. Il est évident que, parmi les objectifs prioritaires avant même le déploiement d’une opération militaire importante, on trouve les opérations de contre-influence accompagnées d’opérations militaires localisées, car elles permettent de limiter les capacités d’action et de détourner l’adversaire de la conduite de son opération décisive.

13Ainsi, la réponse se structure en deux volets : un volet informationnel et un volet militaire. Le premier se caractérise par la mise en œuvre d’un contre-discours tout en limitant, voire en rendant inopérants les plateformes et les médias de diffusion de l’adversaire, afin d’éviter tout processus de subversion. En effet, un média, une organisation ou un État peuvent dans un pays tiers générer une transformation de la société, en ciblant des vulnérabilités d’un environnement donné, telles que des problématiques sociétales, économiques ou identitaires, tout en proposant une réponse face à ces « injustices manifestes ». Pour cristalliser ces problématiques, il est nécessaire d’avoir des agents pathogènes, qui vont soutenir et diffuser d’autant plus l’idéologie, qu’ils vont nourrir cette diffusion par des manifestations, des évènements, des actions symboliques, des articles, donnant le sentiment que leur position est majoritaire ou largement partagée. Cette dynamique est renforcée par l’emploi d’une stratégie qui consiste à diffuser, via un média majoritaire, une idée minoritaire afin, grâce à cette diffusion, de donner l’impression qu’elle est en réalité majoritaire. Ces différentes actions tendent à créer les conditions d’une déstabilisation majeure, et sont susceptibles d’engendrer les conditions d’une dynamique insurrectionnelle. Dans ce cadre, la résilience d’une société s’avère donc essentielle.

Le Resisting Operating Concept : un mode de la guerre irrégulière

14Afin de mener cette action de résistance opérationnelle, deux modalités seront exploitées : la contre-influence par le biais de la narration et de la guerre informationnelle, ainsi que la collecte de renseignements, incluant l’IMINT, le ROHUM et le ROEM. Parallèlement, le ciblage sera effectué dans le but de désarticuler le dispositif adverse. Ce concept de résistance s’appuie au-delà sur une approche de combat guérilla, de sabotage, d’élimination ciblée, visant à stopper la manœuvre adverse. Par ailleurs, la dimension urbanisée et la présence des populations impliquent une action qui repose sur un dispositif agile et à faible empreinte. Ce dispositif s’appuie sur l’emploi de manière étendue des technologies de communications, combiné à l’utilisation de frappes de précision à différentes distances sur un ensemble de distance, permettant d’opérer en profondeur dans le dispositif adverse. Cela rend possible la combinaison entre agilité et puissance, avec des effectifs réduits, mais dotés d’un pouvoir d’action particulièrement efficace, capable de déstabiliser le dispositif adverse sur le plan stratégique.

  • 13 ATP 3-94.2, 2016, «Deep Operations», Headquarters Department of the Army, p.1-1.

15L’approche ROC, consiste en une stratégie visant à contenir un adversaire et à lui résister, à frapper le dispositif adverse en profondeur pour désorganiser sa seconde ligne, ses différents commandements et ses lignes d’approvisionnement. Ainsi, les opérations dans la grande profondeur concourent au Resisting Operating Concept. En effet, les opérations dans la profondeur adverse, si l’on se réfère à la définition de l’armée américaine, se caractérisent de la façon suivante : « « Deep operations include actions to divert, disrupt, delay, or destroy enemy forces and capabilities before they can be used effectively against friendly forces » (US Army, 2016)13. Dans un contexte où l’on cherche à circonscrire ou à contenir une invasion, limiter son contrôle du territoire sur certaines régions, la population joue un rôle important dans la résistance face à la menace et, plus largement, participe à la résilience de la Nation. Cela souligne l’intérêt de l’approche de ROC comme un mode d’action qui intègre la logique de profondeur.

16Pour que cette approche soit réalisable, il est nécessaire de disposer d’une présence dans les pays voisins de la Chine avec des bases prépositionnées et que nos systèmes d’arme puissent couvrir suffisamment les territoires de ces pays. Par ailleurs, notre présence doit s’accompagner d’un commandement en mesure de mener une guerre irrégulière. Une telle architecture déployée à l’étranger pourrait informer et appuyer les autorités locales, ainsi qu’entreprendre des actions pour neutraliser l’architecture de combat de l’adversaire en cas de présence de forces limitées ou au début d’un assaut. Au-delà, la résistance et l’action dans la profondeur adverse ne se limitent pas au champ militaire, il convient également d’agir dans le champ immatériel, qu’il s’agisse du champ culturel, de l’information, du cyber et plus largement de l’influence, pour se prémunir de tentatives de déstabilisation ciblant des vulnérabilités ou certaines franges de la population avec pour objectif d’affaiblir durablement le pays visé. Ainsi, les actions d’influence et de contre-influence apparaissent essentielles.

Les actions d’influence : la clé de voûte de la liberté de manœuvre

17Plusieurs actions d’influence peuvent être menées : dans les secteurs académique, culturel, de l’aide au développement, mais aussi à travers le biais de think tanks qui concourent à modeler un environnement opérationnel où les forces françaises pourraient être engagées dans le cadre du soutien à nos alliés en Indo-Pacifique.

Les relations académiques, culturelles, linguistiques : des vecteurs d’influence.

  • 14 Tokyo Institute of Technology a intégré la dimension des sciences, de la technologie et société dan (...)

18Parmi les actions d’influences civile, les relations académiques jouent un rôle important. En effet, l’ancrage universitaire dans les pays d’intérêt offre un rayonnement à l’échelle régionale et la possibilité de former une certaine élite locale. Les États-Unis ont employé cette stratégie, dans de nombreux pays en ouvrant des universités américaines (Liban, Égypte, etc.) ou des campus d’universités prestigieuses aux UAE pour déployer l’approche de la recherche américaine, tout en recrutant et en formant des étudiants et chercheurs prometteurs. La France pourrait dans ce cadre développer un campus universitaire de premier plan d’une université historique et prestigieuse comme la Sorbonne, à destination notamment d’étudiants qui pourraient, alors, bénéficier de l’excellence de l’enseignement français, au moyen d’une formation en langue française, pour qu’à terme les étudiants maîtrisent la langue française. La Sorbonne possède un campus à Abu Dhabi et pourrait donc développer cette approche avec un projet plus ambitieux correspondant à la réalité de l’écosystème académique en Asie du Sud et en Asie de l’Est très compétitif avec des universités de premier plan comme la National Singapour University, les universités nationales ou privées japonaises, coréennes ou encore chinoises. De plus, la mise en place de programmes de double diplôme avec des universités locales de premier plan renforce l’attractivité. Par ailleurs, cette approche permettrait aussi d’envoyer des étudiants et des chercheurs français, tout en les formant aux langues orientales par le biais de cursus dédiés (formations bilingues ou trilingues). Cela impliquerait par ailleurs que la Sorbonne ouvre dans le même temps une faculté de Sciences politiques, de géopolitiques, de droit et des Sciences et technologie et société (STS)14, domaines qui se révèlent les plus attractifs en Asie, à l’exception des études économiques, ou encore dans des domaines liés à la finance, filières qui rencontrent un certain succès.

19Cette approche d’influence académique et de recherche sera parachevée par la mise en place d’un think tank : on peut envisager qu’une université comme la Sorbonne établisse un campus de premier plan et que, concomitamment, un think tank traitant les questions de relations internationales, de géopolitique et plus largement les questions contemporaines, en particulier celles portant sur le domaine de la défense et de la sécurité, soit créé. Une telle approche faciliterait largement la diffusion de la perception française sur ces enjeux dans le contexte notamment de l’Indo-Pacifique. En effet, l’objectif est de déployer une recherche académique de haut niveau ancrée en Asie, pour influer au niveau local et régional sur les différents segments de la société et les décideurs, la société civile, mais aussi d’être présent dans les médias locaux afin d’y commenter les études et les analyses politiques et stratégiques produites par le Think Tank. Au-delà, un des facteurs favorisant la diffusion au plus grand nombre de ces analyses demeure la diffusion de ces dernières dans la langue locale. Ainsi, les études et les analyses devront être traduites ou réalisées dans chacune des langues principales de la région. Aussi, la majorité des chercheurs devront maîtriser une ou plusieurs langues orientales afin de publier et de diffuser leurs travaux, mais aussi d’être en mesure de s’intégrer dans l’écosystème local, de pouvoir interagir avec les différents acteurs locaux et de s’exprimer dans les médias. Cet axe offre donc la possibilité de développer une vision française.

  • 15 PERRIN Cédric, TEMAL Rachid, SAURY Hughes, LE NAY Jacques, GATTOLIN André et GUERRIAU Joël, 2023, R (...)

20L’autre axe de la perspective d’influence correspond à l’action culturelle et à la diplomatie culturelle à l’adresse de ces pays, qui pourraient se concrétiser autour d’une structure dédiée à ces domaines. Ainsi, un Institut des mondes asiatiques et pacifiques (IMAP) pourrait par des évènements culturels, artistiques, incarner une fenêtre, à la fois grand public, mais aussi pour un public averti, sur l’aire Indo-Pacifique. En effet, bien que le musée Guimet représente un pôle d’excellence, l’IMAP offrirait à la fois des conférences, une bibliothèque de recherche étendue, des espaces de concert multiples, des auditoriums, et inviterait des écrivains, des architectes étrangers, exposerait les œuvres de ces derniers, des artistes, classiques, contemporains, proposerait des représentations, ou encore recevrait des chercheurs ou des artistes en résidence. Dès lors, l’IMAP donnerait un accès au spectacle vivant, contemporain et classique, par exemple en diffusant des films classiques et contemporains des pays de la région. Cette ambition est aussi l’occasion d’accorder une place à ces différents pays de l’Indo-Pacifique, qui pourraient par ce biais développer aussi leur représentation dans un lieu d’échange avec des ambitions culturelles et la volonté d’être présents sur la scène culturelle française. Cette présence donne accès en parallèle à la population française à la diversité, au kaléidoscope qu’est l’Asie. Grâce à cette approche, l’Asie n’est plus alors perçue comme lointaine, mais devient partie prenante du débat public. Ces différentes approches du domaine de l’influence doivent, pour être structurantes, être subordonnées à une structure politique et gouvernementale, coordonnant la synergie et la cohérence des approches. Ainsi, il est nécessaire de disposer d’un interlocuteur unique pour diriger les différentes composantes concernant l’Indo-Pacifique. Par conséquent, la création d’un secrétariat d’État à l’Indo-Pacifique (PERRIN, 2023)15 permettra de superviser les différentes actions publiques et initiatives privées au profit des intérêts de la France dans la région. Cette coordination des approches permet ainsi d’aboutir à une influence sur la narration des évènements et du réel dans un contexte de compétition et de conflictualité. Un tel Narrative warfare se trouve subordonné à une planification ministérielle, dont l’action est multi-domaine. Ce secrétariat contribue ainsi à une meilleure synergie des différents acteurs publics et privés :

21- une action intégrale (civilo-militaire) doit intégrer des informations, des données et des connaissances du milieu (différents pays d’Asie), de la zone d’action à travers différents domaines opérationnels ;

22- le domaine militaire (cyber, spatial, air, naval et terrestre, CIMIC, PSYOPS, etc.) (sous la tutelle du MINARM) ;

23- des acteurs civils (MAE, ministère de la Culture, AFD, société civile, entreprises, expatriés, etc.) ;

24- les décideurs politiques bénéficient de la possibilité de mener une action totalisante sur l’ensemble de la région.

  • 16 KREBB, Ronald R. (2015), Narrative and the Making of the US National Security, Cambridge, Cambridge (...)
  • 17 PERRIN, op.cit.
  • 18 LOPEZ Todd C., «Mission Partner Environment Cuts Decision Making, Kill Chain», Department of Defens (...)

25Ainsi, la stratégie de Narrative warfare (KREB 2015 ; DAWSON 2022)16 devient alors possible et débouche sur l’élaboration et la diffusion d’un narratif en mesure d’agir sur les perceptions et donc de modifier le comportement des différentes franges de la société. Celui-ci est rendu possible par une action coordonnée de différents services sous la tutelle d’un secrétaire d’État17. L’autre aspect de cette action est de nature militaire. En effet, de bonnes relations avec les forces militaires locales, dans la perspective d’un conflit, jouent un rôle dans le renforcement de la résilience des forces en présence. La mise en œuvre d’une structure de Mission Partner Environment (LOPEZ, 2021)18, déployée par l’Armée américaine, permet à la fois le partage d’informations et la planification conjointe, le cas échéant pour bénéficier d’un dispositif cohérent en cas de conflit, tout en établissant une kill chain s’appuyant sur l’instantanéité du transfert de l’information en employant des logiciels dédiés (comme le logiciel Sabre), afin de démanteler l’architecture adverse, ce qui n’est possible qu’avec une mise en commun d’une culture opérationnelle et des actions dites d’influence vis-à-vis des pays d’Asie cibles. Par ailleurs, des exercices militaires conjoints permettent de renforcer la coordination entre les forces en présence. Cela présuppose une diplomatie militaire importante avec un mandat étendu et des personnels alloués pour mener à bien ces différents objectifs.

Les actions militaires d’influence

26Les actions militaires se caractérisent par différentes actions : coopération institutionnelle, coopération intergouvernementale, traités, présence militaire via des enclaves dans différents pays d’intérêt, opérations psychologiques auprès de franges de la population qui pourraient avoir une sympathie pour l’adversaire. Ainsi, les opérations militaires d’influence ont pour objet de jouer un rôle d’influence à la fois auprès des forces locales et auprès des populations cibles.

27Les coopérations militaires sont, elles, de différentes natures. Il y a à la fois la coopération militaire institutionnelle et intergouvernementale avec des organisations comme l’OTAN, la DCSD (Direction de la Coopération de sécurité et de défense), la DGRIS (Direction Générale des Relations Internationales et Stratégiques) ou encore la DCI (Défense Conseil International), mais la coopération existe aussi au niveau du théâtre d’opérations avec des actions portées par le CIAE (Centre interarmées d’actions sur l’environnement) et le J-9 pour les opérations de coopération civilo-militaire à destination des populations. Par ailleurs, une présence permanente dans différents pays, à l’instar de ce que font les États-Unis, offre une réassurance aux pays ciblés, ce qui les rend plus résilients à la menace adverse et à son influence qui cherche à les démobiliser. En outre, les forces déployées bénéficient de leur positionnement dans ces pays car elles améliorent leurs connaissances du terrain et donc leur capacité d’action, tout en jouissant d’une meilleure connaissance socioculturelle de l’environnement.

28Dans ce cadre, la formation des unités locales ainsi que les exercices conjoints jouent un rôle également dans l’influence et la résilience d’une nation, en particulier pour faire face à différentes menaces conventionnelles et non conventionnelles. Ainsi, le déploiement de conseillers techniques peut se révéler particulièrement pertinent dans le cas d’un conflit pour être en mesure d’apporter un soutien militaire, tout en étant en amont une force de réassurance et de dissuasion le cas échéant. C’est pourquoi la formation des unités locales constitue un enjeu majeur pour garantir la résilience des forces des différents pays exposés à une menace plus ou moins grande de la Chine. Cette force de conseillers « spéciaux » via un détachement aura la charge de prodiguer, à partir de ses connaissances opérationnelles, des conseils aux décideurs, tout en fournissant une instruction qui permette aux forces locales d’agir dans un environnement hostile, dans des zones ou territoires déniés et d’être en mesure de mener des actions, conventionnelles ou non, et de combat guérilla le cas échéant.

29Par ailleurs, ces déploiements « de conseillers », destinées à obtenir un effet de dissuasion, s’accompagnent nécessairement d’un certain nombre d’effectifs, qui mèneront des actions de renseignement (reconnaissance de cibles potentielles) et notamment la reconnaissance et la surveillance du territoire. Ces effectifs devront inévitablement être accompagnés d’éléments, qui pourront soutenir les forces locales engagées militairement, mais aussi être en mesure de faire du JTAC avec leur propre aviation ou à partir de nos aéronefs. Le cas échéant, à partir de la formation et des différents exercices, ils devront être en mesure d’intégrer les forces locales à travers un commandement joint comprenant la France et ses alliés afin d’optimiser les ressources militaires disponibles et d’assurer, par la coordination de l’action, un effet de sidération chez l’adversaire.

  • 19 FIALA Otto C., 2020,« Resistance Operating Concept (ROC) », Florida, Joint Special Operation Univer (...)
  • 20 Ibid.

30L’ensemble des actions d’influence civiles et militaires permettent d’agir en amont. Pour l’aspect militaire, elles s’intègrent plus largement dans une perspective de containment afin d’empêcher les capacités chinoises de se déployer dans le pays. Ces actions s’inscriraient donc dans le concept de ROC. En effet, l’approche de ROC consiste à préparer les gouvernements à affronter une menace en mettant en œuvre une défense totalisante qui comprend le gouvernement et la société dans son ensemble (FIALA, 2020)19. Cette stratégie n’a d’effet que si la population locale dans son ensemble soutient le gouvernement et les forces armées. En effet, plus la force morale de la société face à l’adversaire est grande, plus elle est apte à jouer son rôle face à la menace et à résister à l’adversaire. Dans ce cadre, le soutien de la France et de ses alliés sera déterminant dans le maintien de cette résilience et de cet esprit de combativité20.

31Cette force morale permet dès lors d’obtenir la mobilisation de la population dans l’effort de défense, afin de garantir l’intégrité territoriale du pays. Cet effet est obtenu grâce à la préparation de la population à l’esprit de défense, population qui va soutenir l’effort de guerre par la somme d’actions individuelles, qui concourent ainsi à la résistance efficace du pays.

Les moyens militaires

  • 21 Observer, Orienter, Décider, Agir

32Cette stratégie de résistance engendre des effets stratégiques, car en renforçant les capacités de résilience et de résistance de la population, les structures de défense ainsi que la BITD sont alimentées pour produire les équipements nécessaires en cas de conflit, ce qui consolide la capacité de manœuvre du gouvernement et des forces armées d’un point de vue géographique et temporel, tout en infligeant le maximum de pertes chez l’adversaire. Cela est d’autant plus rendu possible avec une stratégie permettant de « casser » l’architecture de combat de l’adversaire, qui passe par l’emploi des éléments mobiles réduisant la boucle OODA21 et d’arriver à partir de la collecte du renseignement une immédiateté de l’action et de frappe dans la profondeur sur l’ensemble de la structure de combat adverse. L’objectif est de détruire toutes formes d’offensive dès leur mise en œuvre : on gagne du temps et, le cas échéant, les renforts peuvent se déployer.

33Mettre en œuvre cette stratégie en Asie du Sud-Est, par rapport à la métropole, souligne l’aspect critique de disposer de forces prépositionnées aux pourtours de la Chine et le cas échéant d’être en mesure d’agir avec force. En effet, de la métropole à la frontière chinoise, il y a plus de 8 500 km à parcourir. À partir des îles françaises de l’Océan Indien, en particulier l’île de la Réunion, il y a plus de 8 100 kilomètres. À partir de nos territoires en Océan Pacifique, en particulier de Wallis-et-Futuna, nous avons une distance de 9 862 km. Ces chiffres montrent à quel point l’élongation territoriale est telle que, en cas de crise, il serait difficile de déployer des contingents de troupes et de matériels dans un territoire qui pourrait en cas de conflit devenir non permissif et, plus largement, si l’accès est dénié. Cela souligne davantage encore la nécessité de détenir des forces pré-déployées dans la région sous un commandement opérationnel sur le format du (commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR), pour garantir la résilience de nos alliés et l’accès à ces espaces.

34La mise en œuvre du Resisting Operating Concept requiert le déploiement par la France d’un certain nombre de forces dans des bases avancées, mais aussi d’un état-major dédié pour mener et coordonner ce type d’actions. En l’occurrence, le CAPR pourrait remplir ce rôle, avec un sous-commandement cette fois-ci réservé aux actions de guérilla et aux actions irrégulières ; cette organisation permettrait d’agir dans la phase de compétition de crises et de conflits jusqu’à la haute intensité (voir schéma), notamment dans le cas de la prise de contrôle de certains territoires, où les actions clandestines et la guérilla peuvent infliger un coût élevé à l’adversaire.

  • 22 Unités clandestines, combats guérilla, sabotage.
  • 23 KIRCH Brandon, Février 2025, «Dominating Conflicts’ Leading Edge : Five Principles for an Assertive (...)
  • 24 L’objectif serait après l’exercice DIODORE 2025, d’effectuer un exercice de grande ampleur en Asie (...)

35Pour assurer le fonctionnement d’un déploiement de forces en amont, toujours dans le cadre du concept de ROC, il serait nécessaire de déployer d’abord une architecture de gouvernance avec un contrôle régional, c’est-à-dire qu’il s’agit de disposer d’une division territoriale en région militaire, qui possède des unités spécialisées sur les actions guérilla22. Chacune de ces cellules doit être en mesure d’agir de manière autonome ou conjointement avec les autres. Cette capacité d’actions « irrégulières » permet de stopper toute possibilité que des forces s’immiscent dans chacune des régions en appui des forces conventionnelles locales par la collecte de renseignements et des actions permettant de désarticuler la manœuvre adverse23. Le 2e RH semble le plus indiqué pour mener l’action de collecte de renseignements, l’action de ciblage et le traitement des sources à grande échelle et dans un contexte de haute intensité, ce que des unités de forces spéciales comme le 13e RDP ne seront pas en mesure de faire dans un contexte de front étendu avec des centaines d’actions à traiter en même temps. Par ailleurs, dans ce contexte, être sous blindage devient une nécessité, ce qui implique un régiment de cavalerie, qui doit conserver une certaine agilité pour mener ses actions d’infiltration et de ciblage. Chacune des actions du 2e RH sera appuyée par quelques batteries d’artillerie (CAESAR notamment), drones et une capacité de communication, de cyber, et de brouillage. Cela dit, pour que les Hussards de « Chamborant » puissent mener pleinement cette mission, il sera nécessaire d’augmenter significativement ses effectifs pour conduire les différentes missions, ainsi que celles du CAPR afin que ce dernier soit en mesure de projeter plusieurs états-majors sur différents théâtres24. Ces multiples actions permettent à la fois de ralentir et de stopper toute opération adverse suffisamment longtemps pour permettre si nécessaire un déploiement de renforts.

36Ces différentes régions sont gérées par un commandement projeté du CAPR et dans chacune d’elle opère un sous-commandement des actions guérilla. Ces différents commandements issus du CAPR, s’assureront de la coordination des divers commandements au profit de la Direction du renseignement militaire (DRM). L’Armée de l’air pourrait contribuer à ce mode d’action terrestre, dans une moindre mesure, mais avec des moyens aériens et d’appui conséquents.

37Au niveau unitaire, le 2e RH est en mesure de mener le renseignement et du ciblage dans la profondeur adverse. Cependant, en partant de l’approche de ROC, et afin de mener des actions de guérilla et de formations auprès des armées locales, il serait pertinent d’augmenter la masse critique des effectifs de ce régiment. En effet, le 2e RH est doté de plusieurs escadrons. Ces derniers évoluent dans la profondeur adverse afin de collecter du renseignement. Ils peuvent acquérir des cibles qui seront frappées par d’autres unités. Néanmoins, dans une perspective de déstructuration de la manœuvre adverse, l’aspect du combat guérilla et, plus largement, la faculté de neutraliser ou de capturer des cibles à forte valeur ajoutée, tout en étant en mesure de saboter les infrastructures de l’adversaire, se révèle être une capacité utile. En intégrant ces savoir-faire, le 2e RH se rapprocherait davantage du domaine d’action du 75th Ranger Regiment des États-Unis ou du Ranger Regiment du Royaume-Uni.

38Le 75th Ranger Regiment est initialement un régiment, qui mène des actions de reconnaissance dans la profondeur adverse, des insertions clandestines, ainsi que des actions spéciales. Ce régiment, par n’importe quel mode d’insertion, est capable d’agir en amont d’un conflit conventionnel. En 2017, une évolution de cette unité est à noter en réponse à la multiplicité des actions hostiles par différents compétiteurs dans l’ensemble du spectre ; ces actions ont entraîné une volonté d’adapter ce régiment en intégrant le concept de Multi-Domain Operations) et en ajoutant un bataillon de renseignement en son sein, afin de répondre à cette réalité où le domaine connaissance et anticipation fait la différence. Cependant, concernant l’aspect des actions non conventionnelles, du sabotage, de la contre-insurrection et des formations des forces locales, c’est davantage l’US Army Special Forces (USASFC) qui en est en charge.

39Par ailleurs, toujours dans cette volonté d’adaptation à la réalité des conflits et à leur caractère polymorphe, le Royaume-Uni a décidé de créer une unité spécialisée, dans la perspective de progresser non seulement dans la profondeur adverse, mais aussi de briser la dynamique de l’adversaire. Il s’agit du Ranger Regiment, qui est en mesure d’opérer dans un conflit conventionnel afin de faciliter la manœuvre des forces britanniques, tout en étant capable de conduire des missions contre des organisations extrémistes et des menaces asymétriques. L’objectif était, dans un contexte d’effectif contraint, de développer une architecture qui permette toujours d’agir face aux différentes menaces, de la phase de compétition jusqu’au conflit : agir en amont avec des effectifs réduits, identifier grâce au renseignement et à l’observation en amont les menaces, les neutraliser, notamment en formant et en soutenant les forces alliées là où elles sont déployées. L’idée sous-jacente est d’offrir aux forces locales un facteur de supériorité opérationnelle et de soutenir ainsi les intérêts stratégiques de leurs pays et, à travers eux, ceux du Royaume-Uni. L’objectif est de former, de conseiller, d’accompagner et de soutenir la manœuvre de nos alliés, comme évoqué précédemment.

40Les stratégies de subversion ont pour objet d’amener une partie de la population ciblée à mener des actions contre le pouvoir légitime, notamment des actions de sabotage. Par conséquent, en amont d’une confrontation et d’une attaque sur différents pays d’Asie, des actions visant à mobiliser certaines franges de la population contre les autorités légitimes auraient pour effet d’entraîner une dynamique insurrectionnelle, qui s’accompagnerait d’actions contre les forces armées, les institutions, mais aussi à l’encontre des emprises militaires avec un sabotage potentiel.

41Ainsi, l’adaptation du 2e RH face à l’évolution du champ de bataille et dans la perspective du ROC, se révèle indispensable dans les pays d’Asie – mais aussi dans les pays de l’Est. Au-delà des actions dans la profondeur dans le cadre du CAPR, cette adaptation passe par la réduction de la boucle acquisition-feu. Elle implique également la nécessité de mener des actions irrégulières, des embuscades, du sabotage, des captures de chefs officiers étrangers et, plus généralement, d’être capable de mener des actions de guérilla et de résistance en formant et en accompagnant la manœuvre des forces alliées pour « casser » l’architecture de l’adversaire en amont. Cela doit être rendu possible même avec des moyens humains limités.

42Pour ce faire, l’intégration d’unités spécialisées dans le combat guérilla/contre-guérilla, et irréguliers au sein du 2e RH avec le soutien d’éléments du Centre Parachutiste d’Instruction Spécialisé (CPIS), permettrai de développer des pelotons dédies, et renforcer les autres sur la connaissance de ce domaine. Par ailleurs, le déploiement et le pré-positionnement de personnels du 2e RH, pour soutenir certains pays permettraient de renforcer les pays alliés dans leur défense et donc de déployer une stratégie de dissuasion avec la certitude d’une riposte conséquente. Cela s’intègre plus largement dans une stratégie de proxy dans la phase de compétition et d’engagement de nos forces si nous changeons de seuil du conflit.

43Le soutien militaire que la France offrirait contribue à une dissuasion effective. En effet, si le travail en amont sur la résilience de la société et sur la garantie de sa résistance est fondamental, le soutien militaire joue un rôle essentiel dans cette approche lorsque le risque d’un conflit émerge. Ce soutien renforce à la fois la résilience de la société et celle des forces armées locales. Il convient toutefois de relever qu’une dissuasion véritablement effective repose sur l’idée de compellence, c’est-à-dire que la destruction en amont du potentiel militaire ou de l’architecture de l’adversaire et notamment de son commandement démontre la capacité de destruction et constitue un ultime avertissement, puisque la destruction de l’adversaire est assurée. Le refus de renoncer à l’option armée entraînerait alors des conséquences extrêmement coûteuses. Ainsi, il est essentiel de développer ce genre d’approche stratégique intégrale.

Conclusion

44Dans un contexte de compétitions multi-dimensionnelles, il est possible de passer d’une situation de compétition accrue à des crises pouvant conduire à des conflits. Cette dynamique souligne qu’il est nécessaire de détenir des outils adaptés pour répondre à cette réalité. Il s’agit d’intervenir en amont lors de la phase de compétition, avec des actions de contre-influence, de lutte contre la désinformation ou de coopération culturelle et académique. Toutefois, dans cette une phase, des actions irrégulières de compétiteurs peuvent surgir et provoquer des situations de crises ou de conflits.

45Dans ce cadre, détenir un outil en mesure de répondre à la fois à des périodes de compétitions et à des périodes de conflits s’avère indispensable. En effet, dans la phase de compétition, les actions d’influence, notamment culturelle, et les efforts de résilience se conjuguent aux actions militaires irrégulières, afin de circonscrire en amont la menace ; et, dans le cas où l’adversaire choisirait de mener malgré tout une action militaire conséquente, ces actions irrégulières permettraient de stopper dans le cadre d’une opération militaire conventionnelle les avancées de l’adversaire, dans la perspective de désarticuler ses manœuvres opérationnelles. Pour ce faire, il est essentiel de contrer l’influence du compétiteur, mais aussi de contenir ses velléités coercitives, en le dissuadant par une action reposant sur des forces prépositionnées, tout en formant et en accompagnant l’action des autorités locales et des gouvernements, renforçant ainsi à la fois la résilience et la capacité des pays de contenir une menace, voire de la contrer en attendant le déploiement de renforts.

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Note de fin

1 DAVE Bhavna, KOBAYASHI Yuka, 2018, “China’s silk road economic belt initiative in Central Asia : economic and security implications”, Asia Europe Journal, Vol. 16, p.267-281, <https://doi.org/10.1007/s10308-018-0513>

2 MCBRIDE James, BERMAN Noah, CHATZKY Andrew, 2023 «China’s Massive Belt and Road Initiative», Council on Foreign Relations, <https://www.cfr.org/backgrounder/chinas-massive-belt-and-road-initiative>, consulté le 17/04/2025

3 CRS, 2024«U.S-China Strategic Competition in South and East China Seas: Background and Issues for Congress», Congressional Research Service, p.11, <https://crsreports.congress.gov> R42784, consulté le 7/04/2025

4 CHARON Paul, VILMER Jean-Baptiste Jeangène, 2021, « Chinese Influence Operations, A Machiavellian Moment », IRSEM, 654 p.

5 DAUM Jeremy, «What China’s National Intelligence Law Says, And Why it Doesn’t Matter», 22/02/2024, <https://www.chinalawtranslate.com/en/what-the-national-intelligence-law-says-and-why-it-doesnt-matter/>, consulté le 11/04/2025

6 LAMP Roan, JUN Youmi, WU Will, ZHOU Tency, 2023, «China’s new Counter-Espionage Law and Recent Enforcement Raise Data Security Compliance Bar», De Brauw Blackstone Westbroek, <https://www.debrauw.com/articles/chinas-new-counter-espionage-law-and-recent-enforcement-raise-data-security-compliance-bar#experts >consulté le 11/04/2025

7 SCHWARCK Edward, «Intelligence and Informatization : The Rise of the Ministry of Public Security in Intelligence Work in China», The China Journal Volume 80, Juillet 2018, Australian Centre of China in the World at the Australian National Library,< https://doi.org/10.1086/697089 >

8 NEWTON Richard D., HOMIAK, Travis L., SMITH Kelly H. PELTIER Isaac J., WHITE Jonathan, 2009, «Contemporary Security Challenges : Irregular Warfare and Indirect Approaches», Joint Special Operations University, JSOU Report 09-3 Contemporary Security Challenges, p.31-33.

9 FRYER David, 2024, «Aligning emerging concepts and capabilities with Mosaic Warfare». Contemporary Issues in Air and Space Power, 2(1), <https:/​/​doi.org/​10.58930/​bp41567496>,

10 CSENGERI Janos, 2021,«Multi-Domain Operations – A New Approach in Warfare», Security & Future, p.78-80, <https://stumejournals.com/journals/confsec/2021/3/78.full.pdf> consulté le 11/04/2024

11 DELORY Stéphane, GROS Philippe, 2021, « L’évolution des feux dans la profondeur à l’horizon 2035 », FRS, 52 p.

12 CHINCHILLA, Alexandra, ATWELL Kyle, BRADSTREET Alexis, CROMBE Catherine & LEBLANC Luther, 2024, «Irregular Warfare in Strategic Competition», Defence Studies, Volume 24, Issue 1, p.148-158

13 ATP 3-94.2, 2016, «Deep Operations», Headquarters Department of the Army, p.1-1.

14 Tokyo Institute of Technology a intégré la dimension des sciences, de la technologie et société dans un contexte lié aux enjeux politiques et de sciences politiques,

15 PERRIN Cédric, TEMAL Rachid, SAURY Hughes, LE NAY Jacques, GATTOLIN André et GUERRIAU Joël, 2023, Rapport du Sénat: Rapport d'information n° 285 (2022-2023), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

16 KREBB, Ronald R. (2015), Narrative and the Making of the US National Security, Cambridge, Cambridge University Press, 414 p. ; DAWNSON, Paul, 2022, «What is “The Narrative?”, Conspiracy Theories and Journalistic Emplotment in the Age of Social Media», dans DAWSON Paul & MÄKELÄ Maria, The Routledge Companion to Narrative Theory, New York, Routledge, p.71

17 PERRIN, op.cit.

18 LOPEZ Todd C., «Mission Partner Environment Cuts Decision Making, Kill Chain», Department of Defense, 29 Novembre, 2021, <https://www.defense.gov/News/News-Stories/Article/Article/2854238/mission-partner-environment-cuts-decision-making-kill-chain/ > consulté le 15/04/2025

19 FIALA Otto C., 2020,« Resistance Operating Concept (ROC) », Florida, Joint Special Operation University (JSOU) Press,

20 Ibid.

21 Observer, Orienter, Décider, Agir

22 Unités clandestines, combats guérilla, sabotage.

23 KIRCH Brandon, Février 2025, «Dominating Conflicts’ Leading Edge : Five Principles for an Assertive Irregular Warfare Doctrine», Irregular Warfare Initiative, <https://irregularwarfare.org/articles/irregular-warfare-strategy-five-key-principles/> consulté le 15/04/2025

24 L’objectif serait après l’exercice DIODORE 2025, d’effectuer un exercice de grande ampleur en Asie du Sud-est et de l’Est avec la projection de sous-commandement issus du CAPR, dans différents pays d’Asie et de simuler une tentative simultanée, d’attaques et d’actions clandestines de l’adversaire, sur ces différents pays, avec l’appui des forces françaises déployées en soutien des unités locales. Cela permettra d’évaluer si elles peuvent être ou non stopper ou réduites. Le même type d’exercice devrait avoir lieu en Europe de l’Est, avec la même approche auprès de pays comme la Moldavie et les pays Baltes.

-ATP 3-94.2, «Deep Operations», Headquarters Department of the Army, September 2016

-CHARON Paul, VILMER Jean-Baptiste Jeangène, 2021, « Chinese Influence Operations, A Machiavellian Moment », IRSEM

-CHINCHILLA, Alexandra, ATWELL Kyle, BRADSTREET Alexis, CROMBE Catherine & LEBLANC Luther, 2024, «Irregular Warfare in Strategic Competition», Defence Studies, Volume 24, Issue 1, 2024,

-CRS, 2024, «U.S-China Strategic Competition in South and East China Seas: Background and Issues for Congress», Congressional Research Service, p.11,< https://crsreports.congress.gov R42784>

-CSENGERI Janos, 2021, «Multi-Domain Operations – A New Approach in Warfare, Security & Future», p.78-80, <https://stumejournals.com/journals/confsec/2021/3/78.full.pdf>

-DAWNSON, Paul, 2022, «What is “The Narrative?”, Conspiracy Theories and Journalistic Emplotment in the Age of Social Media», dans DAWSON Paul & MÄKELÄ Maria, (2022)The Routledge Companion to Narrative Theory, New York, Routledge

-DAVE Bhavna, KOBAYASHI Yuka, 2018, «China’s silk road economic belt initiative in Central Asia : economic and security implications», Asia Europe Journal, Vol. 16, p.267-281China’s silk road economic belt initiative in Central Asia: economic and security implications | Asia Europe Journal (springer.com)

-DAUM Jeremy, 2024, «What China’s National Intelligence Law Says, And Why it Doesn’t Matter», 22/02/2024, <https://www.chinalawtranslate.com/en/what-the-national-intelligence-law-says-and-why-it-doesnt-matter/>, consulté le 11/04/2025

-DELORY Stéphane, GROS Philippe, 2021, «L’évolution des feux dans la profondeur à l’horizon 2035 », FRS, 52 p.

-FIALA Otto C. 2020, « Resistance Operating Concept (ROC) », Florida, JSOU Press,

-FRYER David, 2024, «Aligning emerging concepts and capabilities with Mosaic Warfare». Contemporary Issues in Air and Space Power, 2(1),. <https:/​/​doi.org/​10.58930/​bp41567496>

-KREBB, Ronald R. 2015, Narrative and the Making of the US National Security, Cambridge, Cambridge University Press, 414 p.

-LAMP Roan, JUN Youmi, WU Will, ZHOU Tency, 2023, «China’s new Counter-Espionage Law and Recent Enforcement Raise Data Security Compliance Bar», De Brauw Blackstone Westbroek, <https://www.debrauw.com/articles/chinas-new-counter-espionage-law-and-recent-enforcement-raise-data-security-compliance-bar#experts> consulté le 11/04/2025

-LOPEZ Todd C., 2021, «Mission Partner Environment Cuts Decision Making, Kill Chain», Department of Defense, 29 Novembre, <https://www.defense.gov/News/News-Stories/Article/Article/2854238/mission-partner-environment-cuts-decision-making-kill-chain/>

-MCBRIDE James, BERMAN Noah, CHATZKY Andrew, 2023, «China’s Massive Belt and Road Initiative», Council on Foreign Relations, <https://www.cfr.org/backgrounder/chinas-massive-belt-and-road-initiative>, consulté le 17/04/2025

-NEWTON Richard D., HOMIAK, Travis L., SMITH Kelly H. PELTIER Isaac J., WHITE Jonathan, 2009, «Contemporary Security Challenges : Irregular Warfare and Indirect Approaches», Joint Special Operations University, JSOU Report 09-3 Contemporary Security Challenges, p.31-33.

- PERRIN Cédric, TEMAL Rachid, SAURY Hughes, LE NAY Jacques, GATTOLIN André et GUERRIAU Joël, Rapport du Sénat: Rapport d'information n° 285 (2022-2023), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 25 janvier 2023

KIRCH Brandon, Février 2025, «Dominating Conflicts’ Leading Edge : Five Principles for an Assertive Irregular Warfare Doctrine», Irregular Warfare Initiative, <https://irregularwarfare.org/articles/irregular-warfare-strategy-five-key-principles/> consulté le 15/04/2025

SCHWARCK Edward, «Intelligence and Informatization : The Rise of the Ministry of Public Security in Intelligence Work in China», The China Journal Volume 80, Juillet 2018, Australian Centre of China in the World at the Australian National Library, <https://doi.org/10.1086/697089>

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jonathan Jay Mourtont, « Conflits et rivalités en Indo-Pacifique : le Resisting Operating Concept en réponse à l’influence de la Chine »Revue de géographie historique [En ligne], 27 | 2025, mis en ligne le 03 juin 2025, consulté le 09 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/geohist/10721 ; DOI : https://doi.org/10.4000/141su

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Auteur

Jonathan Jay Mourtont

Chercheur associé en géopolitique (Laboratoire Médiations / Sorbonne université)
Maison de la recherche, 28 rue Serpente, 75006 Paris, France
j.mourtont@gmail.com

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