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2Au niveau géographique, la CFS se situe « entre les 39°30 et 41° de longitude Est et 11° et 12°30 de latitude nord » pour une superficie de 23 000 km²7, entourée par l’Erythrée italienne au nord et le Somaliland britannique8. Géologiquement, c’est une zone volcanique avec des formations basaltiques, conséquence des coulées de laves9.

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3La présence de fractures est mentionnée sur la partie océanique au niveau du Golfe de Tadjourah et du Goubet El Karab ainsi que des dépressions sur un axe Sud Est – Nord-Ouest faisant apparaitre des lacs10. C’est un territoire relativement montagneux caractérisée par de multiples plateaux de basalts dominés par « des dents et des pitons escarpées11 ». Trois massifs montagneux, le Moussa Ali (2 010m) à la frontière avec l’Erythrée, le Goda ou Gouda (1 775m) et le Mabla (1 300m) en bordure du golfe de Tadjourah dominent le nord de la CFS12. Au sud, les massifs sont moins élevés avec les exemples des Monts Arta (752m), Gamarré (1 000m), Are (1 200), Yaguerre (1300m) et Garbi (1 667m) et cohabitent avec les dépressions du Hanlé, du Godab et du Petit et Grand Bara dont les deux derniers ont un sol argileux13. Bordée par le Golfe d’Aden et le détroit de Bab El Mandeb à l’entrée de la Mer Rouge, la CFS dispose de récifs coralliens14. Ces côtes coraliennes sont basses de Loyada à Djibouti ainsi que de Doumeira à Obock mais escarpées entre le Goubet El Karab et le Golfe de Tadjourah15. Le climat est chaud et sec et la salinité y est importante dans les lacs de la zone16.

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4La CFS est peuplé par les Afars au nord et par les Issas (Somalis) au sud17. On trouve également des minorités européennes, indiennes et asiatiques habitant en majorité dans la ville de Djibouti18. Les populations sont musulmans sunnites avec une minorité chiite venant d’Inde19 tandis que le culte catholique est représenté par un évêché à Djibouti. Les protestants et orthodoxes disposent également de lieux de cultes20. La géographie militaire est perçue comme « une aide à la décision pour le stratège et appui aux armées sur le terrain21 ». Elle est aussi définie « comme l’emploi de toutes les formes de la géographie à des fins militaires et comme production cartographique militaire22 ». La géographie n’est pas négligée par les militaires français stationnés en CFS comme nous allons le voir. En effet, la géographie est utilisée par les militaires à des fins opérationnelles que ce soit au niveau tactique ou stratégique. La géographie physique et la géographie humaine sont ainsi étudiées par les forces afin de mieux comprendre l’espace dans lequel ils sont déployés.

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7Le Mont Guissy se trouve dans le dispositif de défense de la ville. Guissy est un pain de sucre d’une hauteur de 194m situé à 13 km de Djibouti, offrant une vue sur toute la région23. Il est situé en avant de la ligne de résistance comprenant « le signal Bouet, le Négad, le Petit Guissy et la Côte 5324 ».

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8L’étude précise que si un adversaire venait à prendre le mont, cela lui donne une vue imprenable sur le port de Djibouti mais aussi sur les mouvements en ville ainsi que sur les lignes de résistance et d’arrêts25. Néanmoins, en avril 1938, le commandement relativise sur la valeur stratégique du mont. En effet, ce dernier considère que ce sommet est éloigné des axes stratégiques amenant à Djibouti, en précisant que le chemin de fer franco-éthiopien est à 3 km, la piste Djibouti-Loyada (frontière avec le Somaliland britannique) à 8 km, la piste reliant Ali Sabieh (Sud-Sud-Est) à 7 km et la ligne de résistance en élaboration à 3km 50026. Cependant, l’auteur du rapport de mars 1938 estime que le mont ne doit être pris sous aucun prétexte par l’ennemi, en raison des possibilités que cela peut offrir pour l’attaquant.

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9L’artillerie ennemie, en cas de prise de contrôle, peut mettre en place des batteries27 pour permettre l’appui feu des unités de mêlées. Le facteur géographique est prise en compte concernant l’utilisation de ce relief. Selon le rapporteur, une grande garnison ne peut s’établir en raison de la rareté de l’eau et « des difficultés de ravitaillement au cours des opérations, de sa situation avancée et « en l’air »28 ».

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10Le rapport de mars mentionne la présence sur le mont de « 4 soutes à munitions creusées dans les pentes » pour les deux canons de 75 de campagne qui ont été montés sur le sommet, l’emploi d’une artillerie permanente n’est pas une option, pour des raisons matérielles et financières29. Le rapporteur préconise que l’utilisation de l’artillerie permanente ne peut se faire que s’il faut tenir la position à tout prix et que, pour un combat de retardement, l’infanterie est à privilégier30. L’étude d’avril 1938, quant à elle, propose l’envoi d’une cinquantaine d’hommes avec pour armement des mortiers, des grenades et des pistolets mitrailleurs31.

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11Néanmoins, le Mont Guissy ne va pas être confronté à une attaque ennemie. Djibouti n’est attaqué que par voie aérienne le 21 juin 1940 par l’aviation italienne et les combats terrestres se déroulent dans le secteur d’Ali Sabieh32. Il est difficile de savoir si la défense française aurait tenu face à une incursion italienne et inversement.

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13Durant la période de la Guerre Froide, le commandement français en CFS prend en compte la possibilité que la zone Arabie/Corne de l’Afrique puisse faire l’objet d’une attaque par le bloc communiste. Ainsi, l’exercice Lagarde en 1951 est l’exemple le plus probant, avec le scénario d’une faction communiste s’emparant de l’Iran, prenant le contrôle de l’Arabie Saoudite et parvenant à prendre pied à Aden et en CFS33. Un plan avec les Britanniques est mis en place pour reprendre la CFS et Aden34. Les troupes françaises vont être mises en place de Madagascar tandis que les Britanniques cela va se faire au Mozambique35. Côté français, l’objectif est de récupérer Djibouti et son aérodrome en une demi-journée, de neutraliser les éléments ennemis dans le nord puis de sécuriser les positions reprises36. Cet exercice a eu lieu essentiellement dans le secteur d’Obock dont les militaires disposent de renseignements en ce qui concerne la géographie des lieux.

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14Tout d’abord, le terrain a été modifié comme l’atteste la présence de mines au niveau « des récifs extérieurs », dans les fonds du port d’Obock (entre 0,5 et 3 mètres), où 2 lignes de tétraèdres de 1 mètre distant de 20 mètres équipés chacun de 2 mines37. La passe sud et ses fonds inférieurs 30 mètres sont minés et un barrage donne l’alerte si un navire tente de rentrer. Les fonds de la passe Est furent aussi minées entre « le Banc du Surcouf et le Banc du Curieux38 ». Enfin les plages entre l’Anse du Plateau de l’Aigle et l’Alat Eyla sont protégés par un réseau de mines39.

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15La défense a été organisé de manière à conserver des atouts majeurs comme les points d’eaux ou le terrain d’aviation à Obock40. L’ennemi a mis en place un centre de résistance sur un rayon de 2km autour d’Obock renforcée sur ses flancs par des unités motorisées et bénéficiant de fusées téléguidées et d’un radar au niveau de Ras Bir41.

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16L’objectif des troupes françaises est d’attaquer Obock en passant par le Nord-Ouest et de faire éloigner les réserves ennemies par des actions de diversion42. La finalité est de prendre rapidement la piste d’aviation, le pénitencier ainsi que le port et le minaret de la mosquée43. Afin de mener à bien l’opération, l’Armée de l’Air et la Marine sont sollicités pour s’approprier l’espace. L’aviation doit surveiller l’espace aérien de Djibouti et la côte jusqu’à la zone d’Obock mais aussi reconnaitre les pistes d’aviation au nord entre Obock et Doumeira44.

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17La Marine a pour mission de surveiller les eaux de Djibouti et de soutenir la force de débarquement par un appui feu contre les positions défensives ennemies45. Enfin, les ordres préconisent de ne pas compter sur les populations car elles sont peu nombreuses et nomades46, montrant la priorité donnée par les militaires à la géographie physique par rapport à la géographie humaine. A travers cette exercice, on remarque que les militaires français ont conscience du contexte géopolitique tendu, marqué par un risque d’invasion de la CFS.

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20Le vecteur aérien est utilisé dans le cadre de l’utilisation de la géographie militaire. En effet, ce vecteur peut faciliter considérablement les unités militaires en matière d’observation, d’appui feu et de soutien logistique. Avoir une force aérienne, augmente les chances de victoire pour une faction au sol ou sur les mers47. Notre propos va s’attarder sur la reconnaissance de troupes par l’aviation française à travers deux comptes rendus datant de novembre 1949. La première mission date du 20 novembre 1949 et avait pour objectif de repérer une colonne se dirigeant de Djibouti à Yoboki et de reconnaitre le secteur Alloulé-Garento48.

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21Cette dernière s’est effectuée sur un appareil de type Criquet avec deux personnels à son bord, à savoir un pilote et observateur, parti à 7h10 et revenu sur base à 9h4049. Les observations par le commandant de l’avion mettent en évidence que le facteur géographie a eu un impact sur les objectifs des aviateurs. Premièrement, la colonne n’a pas été repéré par le Criquet malgré trois dans le secteur en raison notamment de conditions climatiques difficiles caractérisées par « un vent très fort soufflant par rafales et par des courants rabattants50 ». Le facteur climatique a une influence sur la manière de voler et peut être un frein même si ce dernier peut également donner une supériorité tactique ou stratégique51. Le relief a eu un impact sur cette mission car il était accidenté empêchant l’appareil de voler à moins de 300m d’altitude52.

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22A l’instar du climat, le relief impacte les opérations aériennes limitant par moment le champ d’action des appareils53. Enfin, par radio, la colonne a annoncé le 21 novembre qu’elle n’a pas emprunté l’itinéraire de base et a décidé de se détourner vers le nord sur une piste située à 15 km54.

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23La deuxième mission datant du 22 novembre 1949 consistait à parachuter avec un Junker 52, des vivres pour la colonne convergeant de Djibouti à Yokobi55. Le parachutage devait s’effectuer dans le nord de la plaine de Gagadé à proximité des puits de Monrousse56.

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24La liaison entre l’avion et le sol s’est fait grâce à l’aide de la radio ainsi que des panneaux et des messages lestés57. L’opération a été une réussite grâce à la bonne communication avec le sol et 11 parachutes avec des vivres furent largués à 400 mètres du sol et récupérés par les troupes58. De plus, un sac de vivres et un message lesté ont été largués à basse altitude et pris par la colonne59.

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27Des productions écrites traitant de la géographie humaine entre les années 1930 et 1960 ont été réalisés permettant aux administrations de se renseigner sur les populations mais aussi de mieux les surveiller60. L’indépendance en 1977 de Djibouti n’a pas mis un terme à la présence du contingent militaire français qui a toujours un contact avec les populations locales. Ce contact des populations et de la Corne de l’Afrique est notamment l’une des raisons du succès de l’opération Oryx, mission humanitaire en Somalie entre 1992 et 199461, signe de l’importance de la géographie dans le cadre opérationnel.