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L’appropriation territoriale des formes du relief : l’exemple d’Al-Aïn et du Jebel Hafit (ÉAU)

Territorial appropriation of landforms: the example of Al Ain and Jebel Hafit (UAE)
Christian Giusti, Eric Fouache, Tara Beuzen-Waller, André Louchet et Kosmas Pavlopoulos

Résumés

Après la présentation du potentiel paysager du Jebel Hafit comme objet naturel (géologie, géomorphologie, karst) et l’évocation des usages traditionnels de la montagne en relation avec les réseaux d’irrigation (aflaj), l’article montre comment se sont développés plus récemment d’autres modes d’appropriation de l’espace, notamment sur le plan touristique (vestiges archéologiques, route paysagère, points de vue, commerce, hôtels de luxe, folklore, courses de chameaux).

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Notes de la rédaction

Manuscrit reçu le 15 juillet 2021, reçu sous forme révisée le 12 mai 2023, Définitivement accepté le 12 septembre 2023

Texte intégral

Les auteurs tiennent à remercier l’UFR de géographie et aménagement de Sorbonne Université (SU) ainsi que Sorbonne Université Abu Dhabi (SUAD) pour leur soutien institutionnel et financier. Nous sommes redevables au Dr W.Y. Al Tikriti et au Dr M. Beech de leurs commentaires sur site et au Dr M. Al Khemeiri pour ses éclairages et son aide dans la visite de l’Oasis.

1. Introduction

1Le Jebel Hafit – « la montagne vide » en arabe (fig. 1A) – est la montagne emblématique de l’Émirat d’Abou Dhabi. Ses aquifères sont à l’origine de plusieurs oasis, notamment celle d’Al-Aïn, « la source », berceau de la famille Al Nahyane, dynastie régnante de l’Émirat d’Abou Dhabi depuis le milieu du XVIIIe siècle, dont l’émir assure la Présidence des Émirats arabes unis (ÉAU) depuis leur création en 1971. Halte stratégique sur la route caravanière qui relie le Sultanat d’Oman à l’Émirat d’Abou Dhabi, l’océan Indien au golfe Arabo-Persique, l’occupation humaine de cette région remonte au Néolithique et a vu alterner, au gré des fluctuations climatiques holocènes, des phases de mise en valeur plus ou moins intenses et où le nomadisme et le pastoralisme ont toujours cohabité, à des dosages différents, avec l’agriculture sédentaire.

2Aujourd’hui traversé par la frontière du Sultanat d’Oman (SO) et des ÉAU, le Jebel Hafit domine Al-Aïn (fig. 1B), deuxième ville de l’émirat d’Abou Dhabi. Le chaînon allongé s’étend sur environ 26 km du SSE au NNW entre les latitudes 24°00 à 24°13’N, et 4 à 5 km de largeur entre les longitudes 55°44’ à 55°49’E. Situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest des Monts Hajar, le Jebel Hafit en est séparé par la large plaine d’Al-Jaww (fig. 1C). Toutefois, les données géophysiques ont établi que le chaînon isolé en surface est structuralement un satellite externe de la chaîne des Monts Hajar, dont le front passe en profondeur sous les grandes dunes linéaires de l’avant-pays plus à l’ouest.

3La géodiversité, les mutations survenues dans les occupations humaines et l’appropriation de l’espace (matérielle et symbolique) du Jebel Hafit depuis le Néolithique, et les bouleversements profonds survenus après 1950 sont les thèmes d’un article qui, après avoir présenté les éléments géo(morpho)logiques des paysages naturels, évoquera les emplois de la montagne et de ses piedmonts liés à l’oasis, aux réseaux d’irrigation et au commerce. La crise de l’économie perlière, le retrait britannique, l’entrée dans l’économie pétrolière et l’indépendance nationale en 1971, sont autant d’étapes qui mènent aux modes actuels d’appropriation de l’espace, basés sur l’urbanisation, la tertiarisation, l’hyper-mondialisation et depuis 2011 sur l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco des sites culturels d’Al-Aïn (bien sériel de 17 composantes réparties en quatre assemblages : Hafit, Hili, Bidaa Bint Saud, et les oasis).

Fig. 1 – Cartes de localisation.
Fig. 1 – Location maps.

Fig. 1 – Cartes de localisation.Fig. 1 – Location maps.

A. Carte de situation régionale ; B. Vue prise depuis la mosquée Sheikha Salama en direction du sud avec, du premier au dernier plan : la palmeraie de l’oasis d’Al Ain, le Jebel al-Naqfa (terminaison nord du Jebel Al Ain Est), et le Jebel Hafit dans le lointain ; C. Région urbanisée de Buraimi (SO) / Al-Aïn (ÉAU), où les losanges jaunes indiquent la position des 17 composantes inscrites en 2011 comme bien culturel au patrimoine mondial. Sources : Google Earth (A), Xalan Mustafa, Wikipédia (B), UNESCO (C).
A. Location map at regional scale; B. View taken from the Sheikha Salama mosque towards the south with, from the foreground to the last plan: the palm grove of Al-Ain’s oasis, the Jebel al-Naqfa (north end of the Jebel Al Ain East), and the Jebel Hafit in the distance; C. Urbanized area of Buraimi (OS) / Al-Aïn (UAE), where the yellow diamonds indicate the position of the 17 components inscribed in 2011 as a World Heritage cultural property. Sources: Google Earth (A), Xalan Mustafa, Wikipedia (B), UNESCO (C).

2. Genèse et morphogenèse du Jebel Hafit : un satellite des Monts Hajar

4Le Jebel Hafit, chaînon allongé en partie évidé en son centre, culmine à 1 163 m. Visible de loin comme une sentinelle en avant de l’Hajar, véritable repère pour les voyageurs, ce chaînon émerge d’une plaine sédimentaire située entre 300 et 400 m d’altitude et qui ceinture la base du chaînon (fig. 2A). L’énergie (commandement) de la « montagne vide » est donc de l’ordre de 800 mètres, et sa topographie est asymétrique : bastionné de tours et de pinacles, le long versant ouest tourné vers l’avant-pays dunaire (fig. 2B) s’oppose aux facettes triangulaires (fig. 2C) de l’escarpe orientale qui retombe sur la plaine d’Al-Jaww. Les deux crêts à fronts opposés du Jebel Al-Aïn prolongent le Jebel Hafit en direction du nord-est mais, de faible énergie, ils tendent à être absorbés et invisibilisés par l’étalement des constructions (fig. 3A, 7A).

Fig. 2 – Photos de terrain de la zone d’étude.
Fig. 2 – Ground photos of the study area.

Fig. 2 – Photos de terrain de la zone d’étude.Fig. 2 – Ground photos of the study area.

A. L’escarpe orientale du Jebel Hafit vue de la plaine d’Al-Jaww à la latitude de l’hôtel Mercure (une plateforme panoramique a été aménagée depuis pour faciliter les prises de vue), depuis la digue de protection contre les crues du district urbain de Mezyad (fig. 3A) ; B. Le piedmont d’Ain Al Fayda à l’ouest avec les Calcaires blancs de la Formation Rus inférieure (Rus WL) sous la terrasse de l’hôtel Mercure ; C. Les facettes de l’escarpe orientale dans l’Éocène, précédées d’un liseré de Miocène nappé de blocs et d’éboulis quaternaires (Crédit photo : C. Giusti, 2007 et 2013).
A. The eastern scarp of Jebel Hafit seen from the Al-Jaww plain at the latitude of the Mercure hotel (a viewing platform has since been set up to facilitate shooting), from the flood protection levee of the Mezyad urban district (fig. 3A); B. The foothills of Ain Al Fayda to the west with the White Limestones of the Lower Rus Formation (Rus WL) under the terrace of the Mercure hotel; C. The facetted eastern scarp (flatirons) in the Eocene, preceded by a Miocene border covered with Quaternary boulders and scree (Photo credit: C. Giusti, 2007 and 2013).

Fig. 3 – Photos illustrant les conditions morphostruturales de la zone d’étude.
Fig. 3 – Photos illustrating the morphostructural context of the study area.

Fig. 3 – Photos illustrant les conditions morphostruturales de la zone d’étude. Fig. 3 – Photos illustrating the morphostructural context of the study area.

A. L’extrémité nord du Jebel Hafit. TR, truck road ; GM, Green Mubazzarah ; HM, hôtel Mercure ; JHDP, Jebel Hafit Desert Park ; B. Glissement synsédimentaire dans l’unité finement litée de la Formation Rus (Rus TB) (Ellison et al., 2006 ; Van Dijk, 2020) ; C. Crêt monoclinal du Calcaire de Dammam (Dam L), avec revers structural en pente modérée vers le piedmont d’Ain Al Fayda à l’ouest, et barre subverticale découpée en pinacles dominant à l’est la vallée excavée dans les Marnes inférieures de la Formation Dammam (Dam LM) ; D. Crêts-barres et sillons sur la retombée orientale du Jebel Hafit, où les calcaires durs des Formations Dammam (Dam L, Dam Br) et Asmari (As L) donnent trois hogbacks. Formations Fars inférieure et Barzaman sur le piedmont d’Al-Jaww (Ellison et al., 2006) (Crédit photo : UNESCO and C. Giusti, 2007).
A. The Northern end of Jebel Hafit. TR, truck road; GM, Green Mubazzarah; HM, Mercure hotel; JHDP, Jebel Hafit Desert Park; B. Synsedimentary slip in the thin bed unit of the Rus Formation (Rus TB) (Ellison et al., 2006; however, see Van Dijk, 2020); C. Monoclinal ridge of Dammam Limestone (Dam L), with a structural low anti-dip slope towards the foothills of Ain Al Fayda to the west, and a subvertical free face cut into pinnacles overhanging the valley excavated in the Lower Marls to the east of the Dammam Formation (Dam LM); D. Valley and ridges on the eastern side of Jebel Hafit, where the limestones of the Dammam (Dam L, Dam Br) and Asmari (As L) Formations give three hogbacks. Lower Fars and Barzaman Formations on the Al-Jaww foothills (Ellison et al., 2006) (photo credit: UNESCO and C. Giusti, 2007).

5La série sédimentaire locale exposée en surface appartient au Groupe de Pabdeh, un ensemble de formations du Crétacé-Paléogène-Néogène (CPN) (fig. 4). Ces formations correspondent à une plateforme carbonatée dont les sédiments ont été déposés en mer peu profonde dans un bassin d’avant-pays de marge active, passant vers le haut à des dépôts détritiques. Au niveau du Jebel Hafit affleurent des marnes, des calcaires et des évaporites, d’âge paléocène-éocène dans l’axe du chaînon (Formation Rus), d’âge éocène-oligocène-miocène sur les flancs (Formations Dammam, Asmari, Fars). Une partie de cette série a été dolomitisée. Sous les dépôts de pente (éboulis, blocs) et le tablier sablo-graveleux carbonaté des cônes alluviaux détritiques quaternaires coalescents du piedmont, la Formation Barzaman du nom d’un village situé en Oman au pied du Jebel Madar (Maizels, 1988 ; Glennie, 2005), un ensemble à dominante conglomératique, et d’âge miocène moyen à pliocène, témoigne de la collision Arabie/Eurasie (Ellison et al., 2006 ; Ali et al., 2009 ; Macklin et al., 2012). Les nombreuses discontinuités au sein de la série et les figures de glissements synsédimentaires (fig. 3B) illustrent l’instabilité de la plateforme et de sa paléopente (Searle et Ali, 2009).

Fig. 4 – Le Jebel Hafit et ses piedmonts.
Fig. 4 – The Jebel Hafit and its foothills.

Fig. 4 – Le Jebel Hafit et ses piedmonts.Fig. 4 – The Jebel Hafit and its foothills.

A. Coupe géologique interprétative, montrant les variations latérales d’épaisseur et de pendage des couches du pli : alors que sur le versant est, trois binômes CD/CT donnent des barres subverticales (hogback), le versant ouest est marqué par la corniche massive du Calcaire de Dammam découpée en chevrons (adapté d’après Farrant et al., 2006, carte géologique au 1/100 000e) ; B. Bloc-diagramme 3D montrant la dissymétrie des piedmonts : mont et crêts dérivés dans les terrains du Crétacé-Paléogène-Néogène (CPN) du Groupe de Pabdeh ; cônes alluviaux coalescents (CA) de la plaine d’Al-Jaww, en partie masqués par les formations éoliennes dunaires (FE) du versant occidental (dunes basses, rides dunaires, dunes en étoile : non différenciées) ; terrasses alluviales (TA) dans le lit des oueds (légende adaptée de Farrant et al., 2012a, carte géologique au 1/250 000e).
A. Interpretive geological section showing lateral variations in thickness and dips of the fold strata. Whereas three pairs of HR/SR (hard/soft rocks) underpin a succession of three razorback ridges and narrow valleys on the eastern flank, the western flank features a massive homoclinal scarp in Dammam Limestone, here carved into flatirons by drainage systems (adapted from Farrant et al., 2006, 1/100 000 scale geological map); B. Block diagram highlighting the asymmetry of the piedmonts: anticlinal ridge and belt of inward-facing scarps carved out of the Cretaceous-Paleogene-Neogene (CPN) stratigraphy (Pabdeh Group); coalescent alluvial fans (CA) of Al-Jaww plain, partly covered by dune formations (FE) on the western slope (low dunes, dune ridges, star dunes: undifferentiated); alluvial fill terraces (TA) along the wadi channels (caption adapted from Farrant et al., 2012a, 1/250 000 scale geological map).

6Les études géophysiques ont révélé les structures de subsurface et de profondeur à l’aplomb du Jebel Hafit, avec les formations d’âge crétacé moyen à supérieur des groupes de Wasia et d’Aruma (i.e., Fiqa) passant latéralement aux écailles superposées du front des structures charriées (Sumeini, Hawasina) (fig. 5A). Le Jebel Hafit est un anticlinal asymétrique à vergence ENE, avec un flanc oriental renversé jusqu’à 70° et un flanc ouest à pendage modéré (environ 30°). Le pli de style coffré arrondi serait de type propagation de faille sur l’accident inverse de Tarabat, à pendage est. L’axe anticlinal principal plonge au NNW, mais le synclinal asymétrique de Rwaidhat le sépare de l’anticlinal secondaire d’Al-Aïn situé au NE.

7Le pli du Jebel Hafit est anormal car sa vergence E est antithétique, tant à la vergence WSW dominante des autres plis du secteur qu’au transport WSW des poussées régionales, avec une structure d’ensemble en piggy-back : le Jebel Hafit serait ici le bourrelet marginal de la plaine d’Al-Jaww, interprétée comme un bassin transporté en avant des Monts Hajar (Searle et Ali, 2009). Mais comme l’a montré une récente modélisation 3D basée sur un maillage serré de profils sismiques, un troisième pli (non affleurant) parallèle au Jebel Hafit s’observe à environ 4 km au sud-ouest, l’anticlinal de Suneinah (fig. 5B-C) : les trois anticlinaux (Al-Aïn, Hafit, Suneinah) forment un réseau en échelon à pas dextre initié en décollement puis développé par plissement sur propagation de rampe (Hansman et Ring, 2018). Cependant, un modèle en transpression a été proposé (fig. 5D), avec tectonique pelliculaire (thin-skinned) fini-crétacée suivie d’une tectonique de couverture (thick skinned) bien plus tardive (Van Dijk, 2020). Et des divergences existent aussi quant au timing des déformations du système plissé : Oligo-Miocène (Hansman et Ring, 2018), Plio-Pléistocène (Searle et Ali, 2009 ; Van Dijk, 2020). Les pendages observés dans les calcaires et argiles gypseuses de la Formation Fars sont moins raides que ceux des formations d’âge éocène-oligocène (Searle, 2019), ce qui accrédite une observation de Warrak (1996) sur des affleurements aujourd’hui disparus du fait de la construction d’un complexe industriel : les plis situés plus à l’est du Jebel Hafit seraient apparus dès le Paléocène, la structure même du Jebel Hafit ayant été initiée juste avant le milieu de l’Éocène et continuant de se développer pendant la sédimentation jusqu’à la fin du Miocène. Entre l’obduction des nappes ophiolitiques sur la marge arabe au Crétacé supérieur, scellée par une discordance régionale, et le développement des structures liées à l’orogenèse du Zagros pendant la collision de l’Arabie avec l’Eurasie, la morphogenèse subaérienne s’est donc effectuée en régime d’instabilité tectonique faible à modérée, mais chronique.

Fig. 5 – Contexte tecto-structural de la zone d’étude.
Fig. 5 – Tectono-structural features of the study site.

Fig. 5 – Contexte tecto-structural de la zone d’étude.Fig. 5 – Tectono-structural features of the study site.

A. Coupe géologique transversale équilibrée de l’anticlinal du Jebel Hafit et du bassin transporté d’Al-Jaww (piggy-back structure) (Searle et Ali, 2009) ; B-C. Profil sismique H à travers l’extrémité sud du Jebel Hafit avec l’anticlinal sub-affleurant de Suneinah, et vue d’ensemble des plis en échelon (Hansman et Ring, 2018) ; D. Modèle de déformation dextre profonde en transpression (van Dijk, 2020).
A. Balanced geological section across the Jebel Hafit anticline and the piggy-back structure under Al-Jaww plain (Searle and Ali, 2009); B-C. seismic profile H through the southern end of Jebel Hafit with the Suneinah subsurface anticline, and overview of the “en échelon” folds (Hansman and Ring, 2018); D. deep dextral deformation model with transpression (Van Dijk, 2020).

8La formation Barzaman est une source précieuse d’informations. Dans le secteur du Jebel Hafit, elle affleure à l’ouest de Bidaa Bint Saud (au nord-est de l’aéroport international d’Al-Aïn), et à l’est du Jebel Hafit sous la plaine d’Al-Jaww. Cette formation se compose de fragments de roches sédimentaires et de conglomérats emballés dans une matrice sableuse de nature fluviale, probablement d’âge miocène moyen à pliocène. L’aspect de la formation varie d’un affleurement à l’autre, car une grande partie de la matrice est éliminée par météorisation, la fraction clastique reflétant la géologie de la région-source (roches du manteau ophiolitique). Au nord-ouest d’Al-Aïn, il s’agit d’une séquence latéralement variable de calcaires fins, de grès et de conglomérats polygéniques interstratifiés (Styles et al., 2006). La mise en place de la formation Barzaman s’est effectuée sous le contrôle de coulées de débris nourrissant un système de cônes alluviaux en éventail très actifs, pouvant s’étendre jusqu’à 100 km à l’ouest de la chaîne du Hajar. Ce volume détritique a formé par progradation un coin clastique dans le bassin d’avant-pays apparu lors de l’affaissement corrélatif à l’épisode compressif responsable de la surrection du Zagros au Miocène supérieur, avec des faciès proximaux grossiers et mal triés (debris flow) passant à des faciès distaux sablo-limoneux de colmatage de chenaux, ou de dépôts d’inondation en nappe (sheet-flood) (Farrant et al., 2012b). Si deux phases de dépôt restent corrélées, l’une au Mio-Pliocène pour des faciès distaux dans la région de Dubaï (ÉAU) à proximité du Golfe, l’autre au Pléistocène inférieur pour des faciès proximaux de la région d’Adam (SO) au front de l’Hajar, des datations par luminescence optique (OSL) réalisées en Oman au nord-ouest des sables de Wahiba ont montré cinq phases d’aggradation en éventail au cours du Pléistocène moyen et supérieur (Blechschmidt et al., 2008 ; Macklin et al., 2012 ; Lacinska et al., 2014).

9En ce qui concerne les formes du relief, la topographie actuelle se situe à un niveau structural assez bas puisque les calcaires blancs de la formation Rus (fig. 10F) forment la voûte du mont. Mais il ne s’agit pas d’une forme « primitive » simple (Dufaure, 2007) car il paraît probable qu’une première crête anticlinale ait précédé l’actuelle, le caractère progressif du plissement (Warrak, 1996 ; Noweir, 2000) impliquant l’érosion progressive des strates (fig. 4A). Sur le versant ouest, un contraste lithologique au sein de la formation Dammam oppose les niveaux calcaires résistants aux niveaux marneux plus tendres. Il en résulte le développement de crêts monoclinaux à revers incliné de 25° à 45°W mais à front escarpé tourné vers le sommet, localement franchi en cluse par l’oued al-Nahyan le long de failles exploitées lors de phases plus humides (fig. 3C). Le sommet du Jebel Hafit est une voûte massive dominée par les calcaires de la formation Dammam , directement superposés aux calcaires blancs de la formation Rus sans marnes interposées (fig. 2B, 10F), dispositif qui a pu favoriser la karstification. Sur le flanc est du Jebel Hafit, les pendages sont souvent sub-verticaux, voire sur-déversés, mais une autre différence par rapport au flanc ouest réside dans la lithologie qui montre une alternance de formations marneuses et calcaires clairement exprimée dans le relief (fig. 3D, 4A). Au droit de l’extrémité nord du Jebel Hafit (fig. 3A), la section N-S de la route de Mezyad réservée aux poids lourds (truck road) est installée dans un sillon marneux encadré par deux des trois hogbacks. Plus au sud, dans le secteur des tombes, l’intense ravinement dans les calcaires massifs a sculpté des chevrons en forme de facettes triangulaires : les « fers-à-repasser » (flatirons) (fig. 2C). Le modelé superficiel en ravines plus ou moins intégrées à un réseau (par exemple l’oued Tarabat au NE) est un trait remarquable du paysage (fig. 3A). Leur netteté a pu être imputée aux bas-niveaux marins des périodes glaciaires (Glennie, 2005), tandis que le caractère juvénile du drainage au SW du Jebel Hafit était interprété comme un indice de propagation du pli en direction du sud (Hansman et Ring, 2018), mais ces propositions demandent à être confirmées.

10Si les variations de pendage et de lithologie expliquent le changement de paysage entre l’ouest et l’est du Jebel Hafit (fig. 4A), d’autres variations de ces paramètres du sud vers le nord, combinées au dispositif en échelon du système plissé, expliquent le remplacement du Jebel Hafit par une paire de crêts monoclinaux à fronts opposés et de faible énergie, rendus presque invisibles par l’essor de la ville contemporaine (fig. 7A, 7B). Les deux crêts sont associés au contraste lithologique entre les Calcaires coralliens d’Asmari reposant sur un ensemble plus marneux au passage des formations Asmari et Dammam (fig. 7C). La variation latérale d’épaisseur du Calcaire de Dammam (i.e., Dam L) est manifeste dans le secteur des sources du Green Mubazzarah, au nord de l’oued al-Nahyan (fig. 3C). De même que pour l’anticlinal du Jebel Hafit, la structure est asymétrique avec un pendage d’environ 14° à 28°W sur le flanc ouest de l’anticlinal d’Al-Aïn et de 40° à 67°E sur le flanc oriental. Le Jebel Al-Aïn peut donc être défini côté ouest comme un crêt monoclinal (fig. 7C), avec transition vers une cuesta dans les secteurs de plus faible pendage, alors que côté est, il s’agit d’un hogback prolongeant vers le nord les barres du paysage de crêts et sillons de l’est du Jebel Hafit (fig. 3D, 7D).

Fig. 6 – Mise en valeur du patrimoine archéologique.
Fig. 6 – Upgrading of archaeological heritage.

Fig. 6 – Mise en valeur du patrimoine archéologique.Fig. 6 – Upgrading of archaeological heritage.

A. Vue d’ensemble (noter la cavité karstique en arrière des deux tombes de gauche) ; B. Vue de détail en direction du sud ; C. idem en direction de la plaine d’Al-Jaww et du quartier d’Al-Dhahir. Le Parc archéologique d’Hili ; D. l’entrée. E. Un écrin de verdure pour la grande tombe, côté nord ; F. Porte sud de la grande tombe avec son décor d’oryx et d’humains (Crédit photo : C. Giusti, 2013).
A. Overview (note the karstic cavity behind the two tombs on the left); B. Detailed view looking south; C. Ditto, in the direction of Al-Jaww plain and the district of Al-Dhahir. Hili Archaeological Park: D. the entrance; E. A green setting for the main tomb, north side; 7F, the south door of the main tomb with its decoration of oryx and humans (Photo credit: C. Giusti, 2013).

Fig. 7 – Paysages naturels en cours d’anthropisation au sud d’Al-Ain (ÉAU).
Fig. 7 – Natural landscapes undergoing anthropization south of Al-Ain (ÉAU).

Fig. 7 – Paysages naturels en cours d’anthropisation au sud d’Al-Ain (ÉAU).Fig. 7 – Natural landscapes undergoing anthropization south of Al-Ain (ÉAU).

A. Les deux Jebel Al Ain, au NE du Jebel Hafit. TR, truck road. JNHT, Jebel Hafit North Tombs ; WRHT, West Ridge Hafit Tombs ; AWPT, Al Ain Wildlife Park Tombs ; ANR, Al Naqfa Ridge ; B. Le Jebel Al Ain oriental vu de la route qui, au sud de la zone industrielle de Sanaiya, longe le Jebel Al Ain occidental ; C. Au premier plan à gauche, escarpement tourné vers l’est du crêt des Calcaires d’Asmari (As L) au nord de la cimenterie, dans la partie sud du Jebel Al Ain occidental, et pendage du revers monoclinal à l’arrière-plan (à droite) ; D. Relais en échelon du Jebel Al Ain oriental, dont le hogback en Calcaires d’Asmari prolonge les barres de la retombée orientale du Jebel Hafit armées par la même formation. Source : UNESCO (A), C. Giusti (B-C-D, 2007).
A. Jebel Al Ain W and E, North-East of Jebel Hafit. TR, truck road. JNHT, Jebel Hafit North Tombs; WRHT, West Ridge Hafit Tombs; AWPT, Al Ain Wildlife Park Tombs; ANR, Al Naqfa Ridge; B, the eastern Jebel Al Ain seen from the road which, south of Sanaiya industrial area, runs alongside the western Jebel Al Ain; C, in the foreground on the left, eastward free face of the Asmari Limestone (As L) monocline north of the cement factory and anti-dip slope in the background (on the right), in the southern part of the western Jebel Al Ain;D, "En échelon" hogbacks of the eastern Jebel Al Ain, with the Asmari Limestone extending from Jebel Hafit in the foreground to Jebel Al Ain in the background. Source: UNESCO (A), C. Giusti (B-C-D, 2007).

11En ce qui concerne les topographies souterraines, la cavité visible en bas de versant dans le secteur des tombes (fig. 6A) est un objet complexe, de type grotte développée en puits sur fracture verticale, puis effondrement ultérieur du toit. Un programme d’étude géophysique a montré la susceptibilité des Calcaires d’Asmari au développement de ces cavités, liées à la karstification épigène et/ou aux eaux perdues à partir des aflaj : les désordres provoqués en surface (fontis) ne sont pas sans conséquences sur l’urbanisation (Saibi et al., 2019).

12En 1996, des travaux de terrassement effectués à proximité du parking terminal de la route construite en 1980 ont révélé l’entrée d’un puits naturel souterrain totalement insoupçonné. Des explorations conduites en décembre 1997 à partir de la voûte sommitale du Jebel Hafit ont montré l’existence d’un réseau de 450 m de puits, passages et chambres atteignant une profondeur de 96 m : Magharet Qasir Hafit (Fogg et al., 2002). Presque tous les passages sont apparus le long des intersections entre joints et failles, mais la discussion reste ouverte quant à l’âge et à l’environnement précis de la karstification, soit par descente d’eaux météoritiques (karst épigène), ou par percolation de solutions hydrothermales à circulation profonde (karst hypogène). Dans le Zagros, des grottes hypogènes existent dans les calcaires de la formation Asmari (Karimi Vardanjani et al., 2017). Un échantillon prélevé sur un plancher stalagmitique rubané a été daté dans un intervalle de 290 000 à 426 000 ans, sur l’intervalle MIS 9b / MIS 11e-12a (Railsback et al., 2015). Une stalagmite datée d’environ 337 000 ans montre que le réseau de Magharet Qasir Hafit était drainé à cette époque, au stade MIS 9 (Parker, 2010) ou à la transition MIS 10a-9e selon Railsback et al. (2015). Ce karst probablement très ancien pourrait avoir été initié au Néogène, en relation avec une phase d’incision des cours d’eau pendant une période climatique plus humide (Beech et Hellyer, 2005). Une autre oscillation climatique humide a été mesurée vers 7 000 à 8 000 BP, peut-être la dernière fois que de l’eau a pénétré le réseau. Magharet Qasir Hafit correspondrait donc au modèle reconnu ailleurs dans la péninsule arabique, du développement de grottes très anciennes suivi du dépôt de planchers stalagmitiques (flowstones), puis d’un abandon presque complet (Fogg et al., 2002). En Oman, à 200 km au sud-est, la grotte d’Al Hoota (Hoti Cave) dans le massif du Jebel Shams montre ainsi cinq phases de dépôts de spéléothèmes : (i) de 330 000 à 300 000 ans, (ii) de 200 000 à 180 000 ans, (iii) de 135 000 à 120 000 ans, (iv) de 82 000 à 78 000 ans, (v) de 10 500 à 6000 ans (Fleitmann et al., 2003 ; Beuzen-Waller, 2020).

13Les cluses, les ravines d’érosion et le karst sont autant de témoignages de périodes passées, où les conditions climatiques de la morphogenèse n’étaient pas celles du désert hyper-aride. Les formations quaternaires héritées témoignent de cette histoire.

3. Les formations quaternaires : éboulis gravitaires, cônes alluviaux et sables éoliens

14Autour du Jebel Hafit s’observent des formations superficielles d’origine locale, actuelles à subactuelles : dépôts de pente (tablier d’éboulis, blocs libres) et alluvions des oueds au pied du versant est. Mais les principaux dépôts sont, d’une part les systèmes de cônes alluviaux qui ceinturent le Jebel Hafit et les crêts du Jebel Al-Aïn au nord-est, d’autre part les dépôts éoliens (dunes, placages de sable, etc.), de plus en plus présents en allant vers l’ouest. Dans le paragraphe suivant sont mentionnées en majuscules entre parenthèses les notations des cartes géologiques au 1/50 000e (Ellison et al., 2006) et au 1/100 000e (Farrant et al., 2006).

15La taille et la morphologie des éventails alluviaux dépendent de la surface du bassin versant, du climat, et de la lithologie dominante de la fraction grossière. Sans surprise, les cônes alluviaux de graviers calcaires (AFGL) sont très développés à proximité du Jebel Hafit, plus au pied du versant ouest que sur le piedmont opposé. Au nord, ils enserrent d’un étroit liseré le Jebel Al-Aïn E, mais forment des affleurements plus importants le long du Jebel Al-Aïn W, où ils fusionnent avec les graviers calcaires issus de la terminaison périclinale du Jebel Hafit. Les dépôts AFGL passent latéralement à une formation mixte de sables et éléments calcaires notée AFSL qui, notamment vers l’ouest, disparaît très vite sous les dunes et les placages sableux et dépôts de sebkha interdunaires. À l’est du Jebel Hafit, la plaine d’Al-Jaww est largement couverte de cônes où dominent des lithologies ophiolitiques (AFGO), harzburgite en majorité, avec de petites quantités de basalte, wherlite, gabbro et serpentinite. À l’ouest d’Al-Aïn, la même formation affleure largement autour d’Al-Salamat, Shabiat Al-Maqam et du champ de courses de Ghireebah, parallèlement à la direction actuelle des oueds al-Jimi (ou al-Silemi) et al-Aïn, le noyau historique (oasis) et ses extensions récentes (après 1950) se tenant au débouché de l’oued Batha (ou al-Tiwayyah) au nord, de la confluence des oueds Shik et Aydan à l’est, et de l’oued Ajran au sud. La nomenclature des oueds donnée par Power et Sheehan (2012) a ici été complétée par les hydronymes portés sur la Al Ain Tourist Map à 1/50 000e du Military Survey Department Abu Dhabi (MSDAD, 2007). L’oued al-Aïn draine une importante cluse ouverte à travers les Monts Hajar, suivie par la route de Buraimi à Sohar sur l’océan Indien. Les éventails de débris ophiolitiques, en particulier ceux à forte teneur en harzburgite, forment de grands cônes surbaissés (0,2° à 0,5°) s’étalant jusqu’à 10 à 16 km du front montagneux. Quant à la formation notée AFGM, bien exposée sur la rive sud de l’oued al-Aïn, elle est un mélange des lithologies à dominante carbonatée et ophiolitique (Ellison et al., 2006 ; Farrant et al., 2006 ; Styles et al, 2006).

16Les sables éoliens couvrent une grande partie des contrées à l’ouest des Monts Hajar, formant des systèmes de puissantes dunes linéaires E-W à SW-NE à la latitude du Jebel Hafit et plus au nord (Glennie, 2005). Ces méga-dunes s’étendent du Golfe en direction de l’intérieur, venant recouvrir les systèmes de cônes alluviaux issus des montagnes et escalader les reliefs avec le renforcement de l’aridité et du chammal, le vent du nord-ouest (Styles et al, 2006). Sur les cartes de la région d’Al-Aïn, quatre types de dépôts éoliens ont été distingués : cordons dunaires, dunes basses, dunes en étoile, et placages sableux (Ellison et al., 2006 ; Farrant et al., 2006, 2012b).

4. Des aquifères hérités de périodes « pluviales » : aspects climatiques et hydrologiques

17Les conditions climatiques présentes placent le Jebel Hafit et les plaines environnantes dans un domaine où l’aridité confine à l’hyper-aridité en direction du Rub al Khali, mais aussi à la semi-aridité en direction des Monts Hajar, dont seuls certains secteurs localisés reçoivent plus de 200 mm de pluie. Partout, l’évaporation excède les précipitations : de 10 à 30 fois selon le régime des vents plus ou moins chargés de vapeur d’eau, et des variations de température (Planhol et Rognon, 1970 ; UNESCO, 1979 ; Laity, 2008). Par rapport au pic des paléo-températures du début de l’Éocène, le Quaternaire prolonge la détérioration globale du climat au cours du Cénozoïque, accentuée au Mio-Pliocène, et qui accompagne l’apparition du genre Homo dans les archives archéologiques (Farrant et al, 2012b ; Goudie, 2013).

18Les liens du Jebel Hafit avec les Monts Hajar ne se limitent pas à la structure profonde : les images Landsat ont révélé que la « montagne vide » est incluse dans le domaine des tabliers de piedmont qui, hypertrophiés à l’ouest des Sables de Wahiba, forment un ourlet de plus en plus réduit mais continu, frangeant le bord occidental de l’arc montagneux omanais jusqu’à Ras Al Khaima dans la péninsule de Musandam. Les pluies de montagne donnent de temps à autre des eaux courantes dans les oueds qui, quelques kilomètres à l’ouest du Jebel Hafit, se terminent dans le sable des dunes (Glennie, 2005). La brutalité et la puissance de certaines averses peuvent se traduire par des crues-éclair, qui nécessitent des mesures de protection, ce qui explique les digues délimitant les périmètres archéologiques situés au pied même du Jebel Hafit (fig. 2A), mais qui offrent en outre l’avantage de protéger des crues-éclair les infrastructures (routes) et les habitats contemporains imprudemment construits en zone inondable.

4.1. Les fluctuations climatiques quaternaires

19Durant le Quaternaire (les 2,5 derniers millions d’années), la péninsule arabique a été sujette à d’importantes fluctuations climatiques faisant alterner, d’une part des périodes plus humides, appelées « périodes pluviales », marquées par une remontée plus au nord de la Zone de convergence intertropicale (ZCIT), et donc des pluies de mousson, d’autre part des périodes plus arides pendant lesquelles se sont mis en place les grands systèmes de dunes : les ergs. L’Arabie a donc connu des variations climatiques (Lézine et al., 2010) qui ont influencé l’hominisation : les oscillations de l’humide à l’aride et inversement se traduisent par des phases d’expansion, de contraction, voire de disparition des populations (Parker, 2010 ; Gebel, 2020). Après la phase sèche et froide du dernier maximum glaciaire, le Tardiglaciaire connaît une hausse sensible des températures et des précipitations avant le brutal retour du froid et de l’aridité au Dryas récent, suivi d’un optimum climatique jusque vers 6 000 BP. Le rétablissement de l’aridité connaît des modalités variables à l’échelle de l’Arabie selon un double gradient : à la fois sud/nord et littoral/intérieur (Petraglia et al., 2020). Les paysages qui entourent le Jebel Hafit reflètent les héritages géomorphologiques de ces différentes périodes. Les deux plus importantes fluctuations humides identifiées correspondent, d’une part à l’Interglaciaire éémien (durant le MIS 5e ca 130 000 - 115 000 ans et le MIS 5a ca 90 000-76 000 ans) et d’autre part à l’Optimum holocène (10 500  – 5500 ans), la première moitié de l’Interglaciaire actuel (MIS 1), quand se met en place un climat proche de ce que nous connaissons aujourd’hui, mais plus humide et plus chaud avec une ZCIT décalée en latitude de 200 km plus au nord. Des petites poussées humides très localisées sont par ailleurs connues, par exemple en Arabie saoudite (McLaren et al., 2009). On considère que pendant l’Optimum, les précipitations ont pu atteindre 400 à 500 mm/an sur le piémont de l’Hajar (Mueller et al., 2022), et sont à l’origine de la recharge de plusieurs aquifères, dont celui du Jebel Hafit. Il est admis que l’aridification et l’installation des conditions climatiques actuelles se produisent entre 4 000 et 3 500 BP et que la dégradation a été progressive.

4.2. Les données hydrogéologiques

20Pendant les phases pluviales du Pléistocène et de l’Holocène on estime que le cumul des pluies était alors en moyenne régionale de 300 mm/an a minima, à comparer avec la pluviométrie moyenne actuelle à long terme, inférieure (voire très inférieure) à 100 mm/an. Dans cette ambiance, des crues-éclair peuvent cependant toucher le piedmont lors des tempêtes hivernales. Comme les aquifères des roches du cortège ophiolitique n’offrent qu’une faible transmissivité aux eaux souterraines, le ruissellement de surface est élevé : les Monts Hajar alimentent dix oueds majeurs, dont le cours franchit la frontière avec les ÉAU. Les principaux aquifères sont les sables et graviers quaternaires, la formation Barzaman, ou des couches calcaires plus anciennes comme celles de la formation Dammam (Farrant et al, 2012b).

21La source Bu Sukhanah à Ain Al Fayda près de Brighton College, à environ 4 km à l’ouest du Jebel Hafit est la seule source pérenne des ÉAU : elle est issue des couches de gypse et d’argile du Miocène et perce à travers la pellicule de formations superficielles non consolidées. Les captages pour l’eau potable bénéficient de la recharge secondaire des oueds actifs et chenaux alluviaux fossiles associés, transportant les eaux souterraines vers le désert à partir des bassins versants des hautes terres. Les eaux souterraines s’écoulent surtout en direction de l’ouest : écoulement profond d’échelle régionale vers le littoral, écoulements intermédiaires et locaux de subsurface qui concernent directement Al-Aïn. Les premiers diffusent des eaux saumâtres à salines, système fossile hérité des périodes pluviales. En revanche, les seconds transportent une eau riche en ions bicarbonates (HCO3), indiquant une recharge active : les données isotopiques suggèrent que l’humidité de l’Holocène provient de l’eau évaporée sur l’océan Indien pendant la mousson d’été (Searle, 2019). Elles alimentent des sources ainsi que les puits creusés à la main, les galeries des aflaj et les forages de faible profondeur dans toute la région orientale près de la frontière avec le Sultanat d’Oman (SO). Les temps de séjour sont courts, ne dépassant généralement pas quelques dizaines d’années.

5. Des tombes du piémont du Jebel Hafit aux oasis des plaines alluviales

22La période de l’Optimum holocène a été favorable à l’élargissement des espaces habités par les chasseurs-cueilleurs-pasteurs du Néolithique, dont on retrouve les épandages de pierres taillées dans des secteurs aujourd’hui physiquement très contraignants, et délaissés par les occupations humaines : par exemple le glacis oriental du Jebel Hafit (fig. 9B). Ces occupations sont rendues possibles par une distribution de la ressource en eau certainement mieux répartie dans le temps et dans l’espace, et par un couvert végétal plus dense (Parker et al., 2004). La fin de l’Optimum climatique de l’Holocène coïncide (à quelques siècles près) avec le début de l’âge du Bronze ancien : ici, les périodes Hafit (3 200 – 2 600 av. J.-C.) et Umm an-Nar (2 600 – 2 000 av. J.-C.). La période Hafit tient son nom de sites éponymes situés autour du Jebel Hafit, comme la nécropole (fig. 6A-C). Les habitats de la période Umm an-Nar sont localisés à proximité des éléments de plaine alluviales (du sud au nord : oueds al-Aïn, al-Jimi, Batha), le vestige le plus connu de cette période étant la tour Hili 8 dans le périmètre du parc archéologique, au niveau du site 2.1 dans le coin sud-ouest et à l’extérieur du jardin archéologique accessible aux visiteurs (fig. 9B, 6D).

23On voit se mettre en place au cours de ces périodes des pratiques sédentaires et agricoles (site archéologique de Hili) en complément des pratiques nomades et pastorales qui prévalaient au Néolithique. Les premiers habitats du Bronze ancien sont interprétés comme étant les fondements des premières oasis, tant par leur localisation que par les stratégies de subsistance qui commencent à se développer au cours du IIIe millénaire av. J.-C., en particulier l’acquisition et la gestion de la ressource en eau, et l’agriculture ayant pour clé-de-voûte le palmier-dattier. Les pluies et les eaux de ruissellement étant en surface limitées dans l’espace et dans le temps (Charbonnier, 2014), les groupes humains de la protohistoire ont développé l’irrigation grâce à une grande variété de techniques hydrauliques, notamment la dérivation des crues des oueds, ainsi que l’extraction des « eaux cachées » pour reprendre une expression issue d’un ouvrage arabe d’hydrologie du XIe siècle (Balland, 1992 ; Cariou, 2020). La question est depuis longtemps posée des relations entre les changements climatiques et l’adaptation des sociétés : nomadisme et vie pastorale des bédouins contre oasis et vie sédentaire des paysans cultivateurs, recherche de pâturages et terrains de parcours contre maîtrise de l’eau et techniques d’irrigation, razzias contre tours de guet fortifiées (Planhol et Rognon, 1970). Ce débat est partie prenante d’une plus large question, celle des débuts de l’agriculture oasienne et du poids des facteurs humains (Cleuziou et Tosi, 1997 ; Cleuziou, 2009), contre les tenants d’un strict déterminisme climatique comme Petraglia et al. (2020). Nombre de questions restent en suspens, car le prisme interprétatif du « Croissant fertile » (Anatolie, Levant, Zagros) a longtemps masqué les spécificités de l’Arabie, une terre de contrastes où les adaptations locales se produisent le long des routes empruntées par les incursions étrangères (Gebel, 2020). Il reste, en l’état actuel des connaissance, que l’appréciation du temps de réponse des socio-écosystèmes à la péjoration du climat doit tenir compte du fait qu’il s’écoule un millénaire avant l’occurrence du premier vestige de palmier-dattier daté, deux millénaires pour le premier falaj daté.

5.1. Naissance de l’oasis et adaptation du système d’irrigation par falaj

24Dans l’oasis d’Al-Aïn, le site de Hili 8 (Bronze ancien), qui est fouillé dès les années 1980, est le premier de la région à réunir suffisamment de structures et vestiges pour suggérer la présence d’établissements dont l’organisation rappelle celles des oasis actuelles, à savoir : un grand bâtiment circulaire appelé « tour », des fossés, des canaux, et des restes végétaux attestant la présence de céréales, de dattes et de palmier-dattier.

25Présent en Oman comme dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient, le dattier ou palmier-dattier (Phoenix dactylifera L.) est un cultivar. Sa domestication, antérieure à 3 000 av. J.-C., a pu avoir lieu à plusieurs endroits : à l’est de la Méditerranée et au nord de l’Afrique. Il a été domestiqué à partir d’une espèce de palmier-dattier sauvage, récemment identifiée dans des secteurs confinés des Monts Hajar (Gros-Balthazard et al., 2017). Le dattier existait donc de manière endémique dans les vallées montagnardes de l’Hajar à proximité de sources pérennes (oued Tanuf). Le palmier est en effet la plante la moins adaptée qui soit au désert puisque son pied doit en permanence être humecté (Toutain, 1967) ; c’est pourquoi sa culture est associée à la présence permanente d’eau, souvent acheminée par des systèmes d’irrigation : les aflaj.

26Les groupes humains organisés ont développé une grande variété de techniques hydrauliques. Les aflaj sont des galeries draînantes, le mot « aflaj » étant le pluriel de « falaj » qui, en arabe classique, signifie « diviser en parts ». Il existe trois types de falaj : le falaj ghaili correspond à la dérivation des crues des oueds, tandis que l’extraction des « eaux cachées » s’effectue par le falaj aini dans le cas d’eaux de source, par le falaj daoudi dans le cas des aquifères alluviaux. Une telle diversité explique que les « Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman » aient été inscrits en 2006 au Patrimoine mondial de l’UNESCO en tant « qu’exemple éminent d’établissement humain traditionnel », suivis en 2011 par l’inscription des « Sites culturels d’Al-Aïn » (parmi lesquels Hili et ses aflaj de l’Âge du Bronze). Ces systèmes d’irrigation traditionnels remontent à l’âge du Fer (1 300 – 300 av. J.-C.) (Cremaschi et al., 2018). La galerie drainante souterraine ou falaj daoudi est un conduit à pente longitudinale de 1 à 2 ‰, qui permet un écoulement gravitaire de l’aquifère jusqu’au secteur irrigué en contrebas. Ces galeries sont connues sous les noms de qanât en Iran et au Levant, kârêz en Afghanistan et Asie centrale, foggara dans les oasis sahariennes (Cariou, 2020). Pour les « diffusionnistes » (partisans de la diffusion à partir d’un centre unique), la technique serait apparue autour du lac d’Ourmia au début du Ier millénaire av. J.-C., et se serait ensuite répandue dans tout l’empire achéménide (Goblot, 1979). Mais une origine « polycentrique » a été défendue à partir des oasis d’Al-Aïn, dont les vestiges attesteraient la présence des aflaj dès le début du Ier millénaire av. J.-C. (Al Tikriti, 2002, 2011 ; Cremaschi et al., 2018, dans la région de Bahla en Oman, dans un contexte similaire).

5.2. Rôle crucial de l’archéologie pour construire un ancrage national aux ÉAU

27Ce n’est pas un hasard si les recherches archéologiques aux ÉAU ont vraiment décollé avec l’indépendance du pays en 1971. Ses résultats nourrissent un récit national qui raconte une appropriation collective du territoire, et le fait qu’elle ait été en partie pré-islamique n’est plus un problème aux ÉAU. Avec Cardi et Weisberger, Cleuziou et Tosi (2007) ont été parmi les pionniers de cette archéologie. Ils ont démontré le passage du nomadisme pastoral néolithique à l’agriculture sédentaire au cours du Bronze ancien pendant la période Hafit entre 5 150 et 3 950 cal an BP (Power et Sheehan, 2012) donc 3 100-2 600 av. J.-C., en se reposant beaucoup sur le complexe archéologique d’Hili, et en discutant le modèle de la « grande transformation ». Plusieurs centaines de tombes ont été fouillées sur le piedmont est du Jebel Hafit, avec la preuve de réutilisations ultérieures à la période Hafit, notamment pendant l’Âge du Fer (1 300-300 av. J.-C.). Depuis l’inscription du site au patrimoine mondial en 2011, plusieurs tombeaux ont été restaurés pour les visiteurs (fig. 6B-C). Rappelons que les « sites culturels d’Al-Aïn » (fig. 9B) sont un bien sériel de quatre sous-ensembles qui documentent un intervalle de temps allant du Néolithique au milieu du XXe siècle : (i) l’assemblage Hafit ; (ii) l’assemblage Hili ; (iii) la composante Bidaa Bint Saud ; (iv) les oasis : Al-Aïn - 4.1, Hili - 4.2, Al Jimi - 4.3, Al Qattara - 4.4, Mutaredh - 4.5, Al Muwaiji - 4.6 (fig. 9B).

28Selon le modèle de la « grande transformation », les habitats de l’assemblage Hafit seraient les vestiges des premières oasis, que l’on pourrait comprendre en poussant l’hypothèse comme une réponse socio-culturelle de type stratégie alternative issue des traditions locales. Mais les oasis ont aussi été vues comme un ajustement des sociétés au changement climatique, quand l’optimum humide Holocène cède la place à des formes plus ou moins sévères d’aridité (Petraglia et al., 2020). Peu après l’inscription des sites culturels d’Al-Aïn au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011, l’idée d’une trajectoire continue fondée sur la proximité spatiale des différents sites archéologiques a été vivement contestée : « There is no archaeological evidence relating the present oasis landscape to isolated finds of Neolithic (8000-4000 BC) encampments and flints scatters along the eastern flank of Jabal Hafit » (Power et Sheehan, 2012). La proposition alternative de séquences discontinues a été défendue, que des établissements d’hier aux aménagements d’aujourd’hui, il y aurait une proto-histoire et une histoire faites d’essais et d’abandons, de reprises et d’adaptations, le tout dans des contextes culturels, politiques et socio-économiques changeants (Power et Sheehan, 2012). La fouille de la maison de Bin Aati Al Darmaki dans l’oasis d’Al Qattara (site 4.4.15) a livré une séquence continue couvrant tout l’intervalle de l’âge du Fer moyen et tardif (1 100-300 av. J.-C.) à la période islamique tardive (1800-1950), qui permet de mieux suivre les modes d’appropriation de l’espace par les populations au fil du temps, et les transformations concomitantes des paysages : « The first direct evidence for the date-palm oases comes from the late Islamic period, raising the possibility that the oases of al-Ain are a more recent phenomenon than has hitherto been supposed » (Power et Sheehan, 2012). Sans surprise, cette lecture nouvelle a suscité une réponse critique basée sur les apports des fouilles d’Hili (Méry, 2013 ; Cleuziou et Tosi, 2018). L’étude des « niches écologiques » les plus favorables (Munoz, 2019), ou la découverte de sites néolithiques situés à 70 km au sud-est d’Al-Aïn (Białowarczuk et Szymczak, 2020), sont de nature à alimenter le dossier des oasis, confirmant au passage le potentiel archéologique de la région.

29Indépendamment de tout discours nationaliste (voir plus loin sur la fixation très récente de la frontière internationale entre les ÉAU et Oman), les apports de l’archéologie omanaise sont un apport clé pour comprendre ce qui s’est joué autour du Jebel Hafit. Une étude multi-traceurs de l’oasis intramontagnarde de Masafi (Purdue et al., 2019), située à 135 km au nord d’Al-Aïn, et l’établissement d’un profil jusqu’à Ras al-Khaimah (Costa, 2022), ont rappelé l’importance de facteurs locaux comme les pluies orographiques, ce qui soulève la question de savoir si malgré son altitude modeste, le Jebel Hafit n’aurait pas joué le rôle d’impluvium à l’échelle locale, à côté des apports de Jebel Hajar. Dans des secteurs situés en Oman à 100-300 km au sud-est des oasis d’Al-Aïn (régions de Bat, d’Adam, et plaine littorale de la Batina), il a été noté, d’une part que des formes d’irrigation précoce ont pu précéder l’agriculture d’oasis basée sur l’essor des aflaj (Desruelles et al., 2016), d’autre part « que les étapes de la mise en place des oasis s’étalent sur presque un millénaire et ne constituent donc pas une réponse immédiate à l’aridité » (Beuzen-Waller, 2020). L’oasis de Masafi a livré une autre information cruciale (Charbonnier et al., 2020), qui montre le poids des facteurs humains : du second millénaire avant J.-C. jusqu’au milieu du XXe siècle, les périodes d’abandon de l’oasis ne résultent pas du manque d’eau car la ressource en eaux souterraines est restée stable. Au fond, et pour en revenir à Hili, c’est moins la double dimension diachronique et dynamique des paysages d’oasis qui est contestée, que le manque de preuves directes lié au fait que « the geomorphology of al-Ain remains very poorly known and lack of information about the changing wadi systems is a particular problem » (Power et Sheehan, 2012). Depuis, les auteurs ont été conduits à nuancer leur point de vue (Power et al, 2019) en soulignant que les hypothèses construites sur les seules données visibles de l’archéologie de surface ont vocation à être sans doute modifiées par la prise en compte de l’invisible (Beuzen-Waller, 2020 ; Costa, 2022), les archives dormantes de subsurface qui reposent dans les dépôts stratifiés sous la surface du sol.

30Au pied du Jebel Hafit, les dynamiques paysagères et les modalités de l’appropriation des territoires, bien documentées aux temps historiques (tableaux 1 et 2), ne pourront être vraiment précisées aux temps proto-historiques que par d’autres études géomorphologiques et géoarchéologiques de surface et de subsurface ayant pour objet les systèmes de paléo-chenaux et d’oueds actifs qui, nés dans l’Hajar (SO), se perdent dans les sables quaternaires à l’ouest d’Al-Aïn (ÉAU).

Tableau 1 – Éléments de chronologie pré-britannique (d’après Morton, 2016).
Table 1 - Pre-british chronology (from Morton, 2016).

Tableau 1 – Éléments de chronologie pré-britannique (d’après Morton, 2016).Table 1 - Pre-british chronology (from Morton, 2016).

Tableau 2 – Éléments de chronologie de l’ère britannique à l’indépendance nationale (d’après Morton, 2016).
Table 2 - Chronology from the British period to the Independance (from Morton, 2016).

6. Or noir et désert vert : du village oasien à la « cité-jardin »

31Si le Jebel Hafit est la « montagne vide », Al-Aïn est la « cité-jardin », à l’origine l’un des neufs villages de l’oasis de Buraimi entre l’Hajar et le Golfe avant que la frontière internationale ne soit fixée (fig. 8A-B). Or, les modes d’appropriation de l’espace changent du tout au tout après 1950 avec les revenus pétroliers, l’indépendance nationale en 1971, la mutation des genres de vie traditionnels, l’urbanisation accélérée, l’ouverture au tourisme mondialisé. En effet, les autorités émiraties, en particulier celles de l’Émirat d’Abou Dhabi, ont été très tôt conscientes d’un impérieux devoir d’occupation de tous leurs territoires, y compris ceux de l’intérieur où l’essor des activités industrielles et tertiaires répond à un souci d’équilibrage avec le littoral, en partie réussi. Le vertige saisit l’observateur à l’idée que ces transformations se sont opérées en moins de 20 000 jours, une célérité qui tend à légitimer le concept de « grande accélération » au cours de l’Anthropocène (Lewis et Maslin, 2015).

Fig. 8 – La question des frontières.
Fig. 8 – The question of borders.

Fig. 8 – La question des frontières.Fig. 8 – The question of borders.

A. l’Arabie en 1948, avant la fixation des frontières ; on a indiqué le champ pétrolifère de Ghawar, découvert en 1948, entré en exploitation en 1951 (d’après Morton, 2013) ; B. Extrait de l’Atlas Rand McNally, où la frontière provisoire (trait discontinu) passe très à l’ouest du Jebel Hafit (Bayer, 1953) ; C. Propositions de frontières dans l’est de l’Arabie entre 1912 et 1955, avec la localisation de l’oasis de Buraimi revendiqué par l’Arabie saoudite ; les six villages favorables à Abou Dhabi sont en italiques grasses : leur répartition spatiale annonce les sinuosités de la future frontière internationale dans le secteur du Jebel Hafit (d’après Morton, 2013, modifié).
A. Arabia in 1948, before the borders were established; the oilfield of Ghawar was discovered in 1948 and entered into production in 1951 (after Morton, 2013); B. An excerpt from the Rand McNally Atlas, where the provisional boundary (dashed line) passes far west of Jebel Hafit (Bayer, 1953); C. Border proposals in eastern Arabia between 1912 and 1955, with the location of the oasis of Buraimi claimed by Saudi Arabia; the six villages favorable to Abu Dhabi are in bold italics: their spatial distribution announces the sinuosities of the future international border in the Jebel Hafit area (according to Morton, 2013, modified).

6.1. De l’économie perlière à la rente pétrolière

32Le long de la « côte des pirates », les États de la Trêve ont longtemps tiré de la pêche locale et du commerce maritime vers l’Irak, la côte perse et l’Inde des ressources appréciables, le soin le plus attentif étant apporté à la plongée perlière. Au début du siècle dernier, New York est après Bombay la grande place de négoce des perles, dont les exportations bénéficient de la Pax Britannica régionale et culminent en 1928-1929. Sans le surplus apporté par les perles, le littoral se serait sans doute vidé et les régions intérieures auraient connu un destin différent. Pour les tribus de l’oasis de Buraimi, l’eau, les dattes et les chameaux restent les trois piliers d’une économie de subsistance éprouvée où lors d’un repas de fête, la valeur de l’offrande ne réside ni dans le chameau sacrifié ni dans le café parfumé, mais dans le combustible utilisé. Entre 1820 et 1950, une douzaine d’aflaj sont en fonction dans l’oasis ; leur entretien est une tâche spécialisée, complexe et dangereuse, presque toujours effectuée par des Awamir venus de l’oasis d’Adam (SO) (Birks et Letts, 1976). On précise que les Awamir sont une grande tribu qui, partie des steppes au nord-est des montagnes de l’Hadramaout dans le sud de l’Arabie, s’est installée il y a plusieurs siècles dans les contrées soumises au sultanat d’Oman (Heard-Bey, 1982). En partie détruits par des combats ou endommagés par des crues-éclair, les aflaj sont restaurés à la fin des années 1960 : 7 irriguent les jardins d’Al-Aïn, 2 ceux de Buraimi, soit 16,6 millions de m3 apportés à 280 hectares (Heard-Bey, 1982).

33Grande puissance régionale, plus encore après la disparition de l’empire ottoman, la Grande-Bretagne est longtemps restée fidèle à son principe de « non-intervention directe » dans les affaires locales, recourant le moins souvent possible à la « politique de la canonnière » pour privilégier l’influence. Les explorations pétrolières vont peu à peu changer la donne car les compagnies ont besoin de savoir avec quelle autorité signer des concessions, dont les limites sont source de conflits à répétition. La crise de Buraimi se produit pendant les années 1950 et se joue sur des plans bien différents : l’affrontement des rois saoudiens et des souverains de la Trêve, la rivalité des intérêts américains (Aramco) et britanniques (Shell, British Petroleum), l’alliance de l’Arabie saoudite avec l’Égypte du colonel Nasser contre les signataires du Pacte de Bagdad dans un contexte de « guerre froide » entre les États-Unis et l’Union soviétique. Zayed ben Sultan Al Nahyane est officiellement né le 6 mai 1918 au fort de Qasr al-Hosn, à Abou Dhabi (Maitra, 2004). Mais d’autres sources indiquent d’autres dates, avec la possible naissance du « sage des Arabes » sur la bordure orientale de l’oasis d’Al-Aïn (sa résidence à partir de 1927 après la mort de son père). Fondée en 1944, l’Arabian American Oil Company a été nationalisée en 1976 et a pris en 1988 le nom de Saudi Arabian Oil Company ou Saudi Aramco. Quant au Pacte de Bagdad, il s’agit du Traité d’organisation du Moyen-Orient signé le 24 février 1955 par l’Irak, la Turquie, le Pakistan, l’Iran et le Royaume-Uni, en un temps où les États-Unis tentent d’endiguer (containment) l’influence de l’Union soviétique.

34Au contact du piedmont ouest de l’Hajar et des sables du désert, l’oasis de Buraimi se compose de neuf villages, dont six (Al-Aïn, Hili, Jimi, Mutaredh, Muwaiji, Al Qattara) sont plutôt fidèles à Cheikh Zayed qui, très présent sur le terrain, accompagne les géologues prospecteurs et agit au nom de son frère Chakhbout, souverain d’Abou Dhabi. Par tradition, les villages d’Hamasa, Buraimi et Saara font allégeance au sultan de Mascate bien que Rashid, Cheikh d’Hamasa, soit ouvertement pro-saoudien. Mais, par ses maladresses, il s’aliène le soutien de Cheikh Saqr, chef du village de Buraimi. Enfin, les tribus montagnardes de l’Hajar sont quant à elles fidèles à l’imam Muhammad, d’obédience ibadite (Morton, 2015). Après moult négociations et maints atermoiements, le gouvernement britannique envoie des forces armées prendre le contrôle de l’oasis les 25 et 26 octobre 1955. L’expulsion des Saoudiens a des conséquences directes sur Hamasa et Buraimi, qui se vident de leur population (Heard-Bey, 1982 ; Morton, 2013). Les tensions internes et internationales s’apaisent peu ou prou : en 1966 Cheikh Zayed prend le pouvoir à Abou Dhabi, en 1971 le sultan Qabus fait de même à Mascate. Mais lorsque les Émirats Arabes Unis proclament leur indépendance le 2 décembre de la même année, la question de la frontière avec le voisin saoudien reste pendante. Si l’Arabie saoudite renonce à ses prétentions sur Buraimi en 1974 par le Traité de Djeddah, les autorités émiraties refusent la ratification au motif de divergences entre l’accord oral et le texte final ; mais le « Printemps arabe » et les tensions avec l’Iran ont depuis quelque peu relégué cette question à l’arrière-plan. Par contre, la frontière entre les Émirats et le sultanat d’Oman, définie par étapes, a été scellée par un accord signé en juillet 2008 à Mascate : les zigzags de la frontière dans la région d’Al-Aïn et à travers le Jebel Hafit (fig. 8, 9) sont l’un des vestiges de ces années mouvementées.

35Après 1945, les géologues plaçaient de grands espoirs dans l’anticlinal du Jebel Hafit. Mais les champs pétrolifères qui devaient faire la fortune des Émirats et les sortir du marasme de la crise perlière (encore aggravée par l’essor des perles de culture japonaises et les taxes imposées par le nouveau gouvernement de l’Inde à partir de 1950) sont loin du Jebel Hafit, pour l’essentiel à l’ouest du méridien d’Abou Dhabi, où les roches sédimentaires carbonatées du Jurassique et du Crétacé recèlent à terre comme en mer les gisements les plus prolifiques (Alsharhan, 1989). Les prospections menées sous le contrôle de la Petroleum Development (Trucial Coast) aboutissent en mars 1958 à l’aplomb du banc perlier d’Umm Shaif. Les exportations de pétrole peuvent commencer en 1962 : PD-TC prend le nom d’Abu Dhabi Petroleum Company (ADPC), puis en 1971 d’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC). Avec les découvertes majeures des années 1970, la part de l’émirat d’Abou Dhabi dans les réserves mondiales de pétrole n’a cessé de croître, atteignant le niveau de 8 % pour 98 milliards de barils prouvés principalement dans le champ de Zakum, soit environ un demi-siècle à un siècle de réserves selon le volume produit chaque jour et les découvertes toujours possibles. Aux revenus du pétrole s’ajoutent ceux des investissements réalisés par les puissants fonds souverains, notamment Abu Dhabi Investments Authority (ADIA), Abu Dhabi Investment Company (ADIC), International Petroleum Investment Company (IPIC), Mubadala Development Corporation (MDC) (Ulrichsen, 2017). La conscience aiguë du fait que la manne pétrolière n’est pas infinie a poussé les dirigeants d’Abou Dhabi à suivre la voie d’une politique économique basée sur la diversification autour des industries à haute technologie, des énergies renouvelables, de l’immobilier, et du tourisme culturel (Davidson, 2009 ; Morton, 2016 ; Al Khemeiri, 2018).

6.2. Essor de l’urbanisation et périmètres irrigués

36Alors que l’oasis de Buraimi ne comptait qu’environ 5 000 âmes en 1904, la population d’Al-Aïn est estimée à 20 000 habitants en 1971 et 51 000 en 1975. En quelques années, la modeste cité est devenue la deuxième ville de l’émirat après la capitale, et la quatrième des ÉAU derrière Dubaï, Abou Dhabi et Charjah. Mais Al-Aïn est de loin la ville la plus peuplée de l’intérieur avec 560 000 habitants au recensement de 2010, et plus de 750 000 aujourd’hui (un million en 2030 ?), tirant parti de sa position au carrefour des routes de Dubaï et Abou Dhabi à l’ouest, et de Sohar sur le golfe d’Oman. La part des résidents nationaux (31 %), la limitation de la hauteur des immeubles (à quatre, puis à sept étages), les habitations de type fareej avec leurs cours ombragées et l’abondance des espaces verts confèrent à Al-Aïn le charme d’une ville arabe à l’authenticité provinciale, surtout par comparaison aux métropoles hérissées de gratte-ciels que sont devenues Dubaï et Abou Dhabi (Sharaf et al., 2018).

37Après avoir bénéficié de deux plans d’aménagement autonomes (1986-2000, 2003-2014), l’urbanisation d’Al-Aïn est depuis 2007 coordonnée à celle de l’émirat tout entier, comme en témoignent la série de plans publiés par l’Abu Dhabi Urban Planning Council pour l’horizon 2030 (Bani Hashim, 2019). Le choix d’un urbanisme horizontal a pour conséquence directe l’étalement urbain. En géomorphologie, on parle d’ennoyage désertique lorsqu’un relief en voie de réduction finit par être enseveli sous le volume de ses propres débris, que les agents d’érosion ne parviennent pas à évacuer. La nappe urbaine qui se développe autour d’Al-Aïn et qui enserre l’extrémité nord du Jebel Hafit est un ennoyage anthropique, où les constructions remplacent les produits de la météorisation. Et ceci vaut aussi pour les palmeraies historiques des noyaux villageois anciens, exposées à la pression foncière : de l’autre côté de la frontière, Buraimi offre un bâti plus dense et une fragmentation poussée de la palmeraie d’Hamasa alors que le nombre total d’habitants est dix fois moindre qu’à Al-Aïn (Caratelli et al., 2019). La progression de l’emprise urbaine est évidente sur les images prises depuis l’espace (fig. 10A-B), par exemple au pied du versant ouest du Jebel Hafit où, dans le secteur de Green Mubazzarah, les lotissements occupent désormais tout l’espace jusqu’à la frontière (fig. 3A), et aussi dans la plaine d’Al-Jaww avec les quartiers d’al-Khirayr et al-Dhahir (fig. 6C).

Fig. 9 – Situation et site d’Al-Aïn.
Fig. 9 – Location and site of Al Ain.

Fig. 9 – Situation et site d’Al-Aïn.Fig. 9 – Location and site of Al Ain.

A. Le Jebel Hafit, un des sommets du triangle Abou Dhabi / Dubaï / Al-Aïn : noter la desserte autoroutière depuis le littoral du golfe Arabo-Persique et le nombre des aéroports internationaux ; B. Au cœur d’Al-Aïn, les 17 composantes et les 4 assemblages du bien culturel sériel inscrit à l’Unesco en 2011 (Sites culturels d’Al-Aïn) ; la route paysagère du Jebel Hafit est le nouveau lien entre la montagne et les oasis du piedmont.
A. Jebel Hafit, one of the vertices of the Abu Dhabi / Dubai / Al-Ain triangle : note the motorway service from the coast of the Arabian-Persian Gulf and the number of international airports; B. In the heart of Al-Ain, the 17 components and the 4 assemblages of the serial cultural property registered with UNESCO in 2011 (Cultural Sites of Al Ain); the scenic road is the new link between the Jebel Hafit and the oases of the lowlands.

38Un autre choix capital en termes d’appropriation de l’espace et d’impact paysager a été celui de « verdir le désert » (fig. 3C, 6E, 10C-E). En 1984, les espaces verts étaient pour la plupart limités à la grande oasis du centre historique d’Al-Aïn. En 2015, nombre de parcs, fermes, réserves naturelles et jardins de palais ont vu le jour, en particulier au sud et à l’ouest de la ville : Al-Aïn compte environ 12 millions de m2 d’espaces verts, soit une moyenne de 32 m2 par habitant, plus que toute autre ville du monde arabe (Voiland, 2015). Lorsque l’on circule en ville, on ne peut manquer de remarquer le gazon omniprésent sur les terre-pleins, les talus, les moindres terrassements. Dans l’oasis, la température de l’air est en moyenne inférieure de 2 à 3 degrés à celle du désert, et les brises thermiques qui tempèrent l’ambiance contribuent à une sensation de fraîcheur relative, notamment dans les parcs et jardins, malgré la circulation et les climatiseurs qui tournent à plein régime (Caratelli et al., 2019). Là où un monarque occidental ordonnait un parc (Versailles) pour agrémenter son séjour, les autorités émiraties ont choisi de transformer un modeste village en une cité-jardin pour embellir cette partie du désert acquise de haute lutte, et ce, quoiqu’il puisse en coûter. Dès l’origine, la nouvelle Al-Aïn a été voulue et pensée par Cheikh Zayed comme un joyau, un rare ornement. Et c’est parce qu’ils peuvent aisément s’identifier à Al-Aïn que les nationaux nourrissent une profonde affection et un puissant attachement à l’égard de « leur » ville : la perle des Émirats.

39Les bassins sédimentaires recèlent non seulement des hydrocarbures et des évaporites, mais aussi de vastes aquifères dont le volume exploitable a été estimé à 2 185 km3, un capital non renouvelable à l’échelle de l’histoire humaine (Cariou, 2020). Au milieu du siècle dernier, la motorisation du pompage, réduisant la part du travail humain et animal, permet une extension considérable des superficies cultivées : la simple pompe diesel à arbre de transmission et turbine délivre 4 000 litres d’eau à la minute, contre 10 avec les techniques traditionnelles (Planhol et Rognon, 1970). Une deuxième étape est franchie à la fin des années 1970 avec le déploiement des pompes électriques submersibles qui autorisent le recours généralisé au forage profond. La mise en production des aquifères fossiles sert l’essor agricole, qui se traduit aussitôt dans le paysage par la prolifération des périmètres irrigués à parcellaire géométrique (Cariou, 2020). Dans la région d’Al-Aïn, des centaines de mazâri ont ainsi été distribuées gratuitement aux populations locales : ce sont des parcelles quadrangulaires de 2 à 4 hectares dotées de deux puits de forage individuels, équipés de pompes. Un écran végétal sert de limite et de haie brise-vent, doublée par deux rangs de palmiers-dattiers plantés à 8 m d’intervalle, le centre étant consacré à la culture des légumes et des fourrages. Une autre mutation technique a été l’essor de l’irrigation pressurisée (goutte-à-goutte ou aspersion) à côté de l’écoulement gravitaire, qui reste utilisé dans les aflaj pour revivifier les vieilles palmeraies. C’est aussi non loin d’Al-Aïn que la première ferme moderne des ÉAU a été construite à Mezyad en 1971 sur 25 hectares, à l’initiative de la Compagnie française des pétroles et de la Société grenobloise d’études et d’aménagements hydrauliques (Cariou, 2020). Parmi les développements plus récents, on citera encore la palmeraie d’Um Ghaffah au nord de Mezyad et, dans le secteur d’Al Fouah au nord-est d’Al-Aïn, nombre de fermes spécialisées avec rampes d’arrosage sur pivot pour les cultures ou étables climatisées pour le bétail. Depuis 2015, Al-Aïn est reconnue de même que la grande oasis de Liwa comme « systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial » par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Mais le développement agricole et urbain d’Al-Aïn a entraîné le déclin du niveau des aquifères : le débit des aflaj est assuré par 10 millions de m3/an tirés de 96 puits forés jusqu’à 200 m de profondeur, et plus de 75 % de l’eau douce potable distribuée dans la municipalité d’Al-Aïn provient de l’usine de dessalement de Qidfa, transportée par conduite depuis Fujairah à plus de 120 km (Caratelli et al., 2019 ; Cariou, 2020).

Fig. 10 – Évolution pluridécennale des paysages.
Fig. 10 – Decadal evolution of the landscapes.

Fig. 10 – Évolution pluridécennale des paysages.Fig. 10 – Decadal evolution of the landscapes.

La région d’Al-Aïn en 1984, image Landsat 5 TM (A), et aujourd’hui, image Google Earth (B) ; la ligne blanche marque la frontière internationale ; C. Verdissement du désert et la route du Jebel Hafit : vue prise en direction du nord ; D. Route de nuit illuminée : visuel publicitaire pour véhicule à transmission intégrale, aéroport de Rome-Fiumicino ; E. Table d’orientation et piscine de l’hôtel Mercure ; F. Parking terminal de la route du Jebel Hafit, une plateforme anthropique ouverte dans les Calcaires blancs de la Formation Rus inférieure (Rus WL). Crédit photos : NASA (A), Google Earth (B), C. Giusti (C-E, 2007 ; D, 2016), V. Moriniaux (F, 2016).
The Al-Ain region in 1984, Landsat 5 TM image (A), and today, Google Earth image (B); the white line indicates the international border; C. Greening of the desert and the road to Jebel Hafit: view taken towards the north; D. Illuminated road at night: advertising visual for a four-wheel drive vehicle, Rome-Fiumicino airport; E. Orientation table and swimming pool at the Mercure hotel; F. Terminal car park of the Jebel Hafit road, an anthropogenic platform carved in the white limestones of the Lower Rus Formation (Rus WL). Photo credit: NASA (A), Google Earth (B), C. Giusti (C-E, 2007; D, 2016), V. Moriniaux (F, 2016).

6.3. Entre tourisme familial et hyper-tourisme mondialisé

40Deux autoroutes à 2 x 3 voies éclairées de nuit relient Al-Aïn à Abou Dhabi (E22) et Dubaï (E66) (fig. 9A). Les infrastructures de transport, les conduites d’eau et les lignes électriques sont un peu les aflaj de la nouvelle économie. Mais si l’urbanisation et les activités agricoles suivent assez largement les axes routiers, ceux-ci amènent à Al-Aïn deux catégories de visiteurs : les uns, occasionnels, ne font que passer ; les autres, coutumiers, reviennent plus souvent.

41Des rivages du Golfe, il ne faut guère qu’une heure depuis Dubaï et deux depuis Abou Dhabi pour rejoindre Al-Aïn, visiter les tombes du Desert Park de Mezyad, le parc archéologique d’Hili, et « faire » le Jebel Hafit (comme d’autres « font » dans la journée Giverny et le Mont St-Michel depuis les quais de la Seine) (fig. 9B). L’impressionnant ruban d’asphalte de 11,7 km qui s’élève en direction du sommet au prix de 60 virages a été construit en 1980 : il procure de belles coupes géologiques ainsi que de remarquables points de vue sur les formes du relief et sur toutes les autres composantes du paysage (figs. 2B, 3, 10C-F). Des scènes de Race, un film à succès de Bollywood, y ont été tournées en 2008. Et la route est aussi une destination prisée des coureurs cyclistes professionnels qui viennent s’y entraîner en hiver, courir le challenge Mercure, ou disputer une étape du « tour des Émirats » : le Slovène Tadej Pogačar, vainqueur du « Tour de France » 2020, court sous le maillot UAE-Emirates.

42Loin des écrans et des horizons mondialisés, un autre tourisme prospère, adossé aux besoins d’une population locale en forte croissance et des populations du littoral qui, nationale ou étrangères, se rendent à Al-Aïn pour y passer le week-end ou y faire un plus long séjour. Ce tourisme familial s’appuie sur le riche patrimoine historique (forts), religieux (mosquées) et monumental (palais) de la période islamique (Power et Sheehan, 2012), ainsi que sur une large palette d’activités récréatives ou d’agrément pour les familles et les enfants : parcs et jardins, musées, manèges (Hili Fun Park), stade de football, patinoire, jardins botaniques et zoos (publics et privés), sans oublier l’équitation, le golf, et les courses de chameaux. Sur la retombée nord du Jebel Hafit, le secteur de Mubazzarah est un écrin de verdure où, autour du vieux barrage historique attribué à Cheikh Zayed en 1955 et restauré en 2004, a été construit un nouveau barrage avec plan d’eau au pied de la montagne, groupes de chalets résidentiels, fontaines, thermes, luges d’été, surf et canoé-kayak (Wadi Adventure). Les deux types de clientèle se croisent : outre la visite des tombes (en VTT, buggy ou SUV) et les possibilités de photographier depuis une plateforme panoramique aménagée, le Jebel Hafit Desert Park offre la possibilité de passer la nuit au désert, pour les nationaux comme une variante du séjour sous la tente et les étoiles en 4x4 au milieu des dunes, pour les étrangers venus d’Asie, d’Europe ou d’Amérique, à l’imitation de ce qui se pratique sur des sites comparables comme le monolithe sacré d’Uluru dans le désert australien (fig. 9B).

43Par les moyens mobilisés, en particulier les énormes volumes d’eau, et du fait de l’accès rapide que procure le hub de Dubaï aux visiteurs du monde entier, il serait tentant de qualifier d’hyper-tourisme ce qui se pratique à Al-Aïn. Cette dimension existe, indiscutablement, car les Émirats restent (sur ce point aussi) en concurrence avec leur puissant voisin saoudien, qui a investi dans le tourisme avec le plan Vision 2030 Strategy (De Man, 2020). Mais il serait réducteur (voire « occidentalo-centré » ?) de s’en tenir à cette seule lecture du tourisme de la surenchère. D’une part, Al-Aïn n’offre que quatre hôtels cinq étoiles ; d’autre part, sur les 767 000 habitants que compte la ville en 2016, 540 000 sont des étrangers parmi lesquels les Indiens, les Pakistanais, les Philippins et les Égyptiens forment d’importants contingents. Ce qui se vit ici au cœur du désert est très différent de ce qui se joue sur le littoral : Al-Aïn est une ville importante pour l’histoire de l’Islam et pour la jeune histoire nationale. Il ne faut pas oublier que depuis 1950, le développement de la cité-jardin d’Al-Aïn est le fruit de la volonté politique d’un dirigeant, Cheikh Zayed, qui a connu la nécessité, les guerres, le pétrole, vécu le retrait britannique, fondé la Fédération, et qui entendait que l’émirat d’Abou Dhabi soit si possible le premier dans tous les domaines : siège de la plus ancienne université des Émirats, la ville héberge de nombreux établissements scolaires et universitaires, ainsi que des hôpitaux et des cliniques spécialisées. Al-Aïn agrège aux fonctions historique, politique et religieuse toute une série de services de haut niveau. Il est donc logique que l’organisation des loisirs réponde aux attentes locales et nationales bien plus qu’à celles des touristes venus de pays lointains. La vue sur le Jebel Hafit depuis la mosquée de Cheikha Salama, mère des Cheikhs Chakhbout et Zayed (fig. 1B), est le meilleur résumé graphique qui soit de ce paysage culturel au sens plein de l’expression : un paysage dans lequel les éléments naturels ne sont plus un cadre de vie mais une toile de fond, voire un terrain de jeu, comme l’écho assourdi d’une dépendance millénaire de la société à son environnement, une sujétion pour un temps abolie.

7. Épilogue

44Au terme de cet essai qui a cherché à donner une vue précise de la transformation des modes d’appropriation des territoires et des multiples facteurs enchevêtrés qui l’expliquent, il y a le visible et le caché. Sous le sommet de la montagne, le karst se développe en profondeur. Sous la plaine et sous les dunes, la géophysique a révélé les plis invisibles et la structure profonde. Le pétrole et les eaux fossiles ont pu faire verdir le désert. L’archéologie a exhumé les « eaux cachées » des oasis et ses « archives dormantes ». L’Arabie n’est pas le Croissant fertile. L’histoire restitue la temporalité longue de la péninsule arabique des temps préislamiques à nos jours, la vie d’autrefois, les luttes d’influence pour le pétrole, la mer et les terres. La géographie questionne la mutation des genres de vie, le rôle de l’immigration, l’essor de l’économie, des villes, les changements du paysage. C’est pourquoi le binôme formé par Al-Aïn et le Jebel Hafit peut être vu comme une entité fonctionnelle qui répond à la définition que le géographe Bonnemaison (1981) a donné du géosymbole : « un lieu, un itinéraire, une étendue qui, pour des raisons religieuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur identité ».

45Le regard ici porté est certes informé, mais extérieur : pensant avoir étreint la réalité, n’avons-nous pas succombé à un mirage ? Pour certains, les choix effectués sont « une allégorie du développement non-durable », aboutissant à une palmeraie muséifiée sur fond de fuite en avant technologique (Cariou, 2020). Pour d’autres, l’émirat leader de la Fédération des ÉAU mène une politique réaliste de diversification économique, dont le tourisme national et international est l’un des vecteurs (Davidson, 2009). Le Louvre d’Abou Dhabi témoigne du fait que « any cultural postcolonial stance would be fundamentally inappropriate here » (De Man, 2020), et sans doute cette remarque est-elle une clé pour comprendre les ressorts profonds des mutations territoriales de la région depuis 1950. Sur le Golfe persique, nouvelle Venise, Abou Dhabi est sans conteste la capitale de la Fédération. Mais Al-Aïn, aux portes de l’Hajar et au pied du Jebel Hafit, reste le cœur vivant de l’émirat souverain : lieu de détente, de mémoire et de méditation.

*Auteur correspondant : Tel : +33 (0)1 44 32 14 44
Christian.Giusti@sorbonne-universite.fr

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Annexe

Abridged English version

Crossed by the international border with the Sultanate of Oman, Jebel Hafit overlooks Al-Ain, second city of the emirate of Abu Dhabi (UAE) (fig. 1). This essay attempts to follow the history of Jebel Hafit, from the origins of the mountain as a full natural object based on geological time scale, then with the effects of hominization in Arabia, from the long prehistoric interval based on the scale of the millennia, until the historical times proper based on the scale of the centuries, roughly from the beginnings of the Holocene to the 1950’s. In the end, after 1950, we show how the old survival economy grounded on irrigation canals (aflaj) and the Bedouin way of life is replaced in a few years by an economy built on the urbanization of the oasis, its greening, and the development of a diversified tourist offer that highlights the mountain through a long and winding scenic road. The Jebel Hafit is then no longer a natural object but a scarred mountain: an attraction, a scenery, a playground.

Jebel Hafit towers 800 m over the lowlands, as a cigar-shaped mountain stretching 26 km from SSE to NNW, 4 to 5 km wide. The transverse profile is clearly asymmetrical, with a long slope facing west to the dune foreland, and an eastern escarpment which falls steeply on the Al Jaww plain. The local sedimentary series belongs to the Pabdeh and Fars Groups, of Eocene-Oligocene to Miocene age; they are unstable carbonate platform formations deposited in shallow seas in an active margin foreland basin, rising upward to detrital deposits. The Barzaman Formation is a predominantly conglomeratic ensemble, of Middle Miocene to Pliocene age. The numerous discontinuities and unconformities within the series as well as the synsedimentary slips illustrate the instability of the platform (fig. 2-4). Jebel Hafit is an asymmetric ENE-verging anticline, with an eastern flank locally overturned up to 70° and a moderately dipping west flank (about 30° only). The main anticline axis plunges to the NNW, but the asymmetric Rwaidhat syncline separates it from the secondary anticline of Al-Ain located in the NE. Three tectonic models have been proposed (fig. 5): a piggy-back structure in front of the Hajar Mountains (Searle and Ali, 2009), an en échelon fold dextral step network initiated in detachment then developed by folding on ramp propagation (Hansman and Ring, 2018), a transpression model with thin-skinned Late Cretaceous tectonics followed by much later thick-skinned tectonics (Van Dijk, 2020). However, according to M. Warrak (1996), the folds located more to the east of Jebel Hafit would have appeared as early as the Palaeocene, the very structure of Jebel Hafit having been initiated just before the middle of the Eocene and continuing to develop during sedimentation until the end of the Miocene. Between the obduction of the ophiolitic nappes on the Arab margin in the Upper Cretaceous (closed by a regional unconformity) and the development of structures linked to the Zagros orogeny during the collision of Arabia with Eurasia, the subaerial morphogenesis was carried out under a regime of weak to moderate, but chronic tectonic instability. The Barzaman Formation is a detrital volume organized in several phases of deposits, from the Late Miocene (Dubai, UAE) to the Late Pleistocene (Wahiba Sands, Oman). Jebel Hafit is not a simple primeval anticline elevation, but a group of landforms resulted from the progressive folding described by M. Warrak (1996) and A. Noweir (2000) from outcrops unfortunately not preserved. Most of the landscape today shows monoclinal ridge westward, valley and ridges eastward with hogbacks linked to the limestone strata of Dammam and Asmari Formations (fig. 3, 7). Karstification is present, sometimes in the form of superficial cavities (fig. 6A) in relation to the active dissolution of Asmari Limestones (waste waters from the falaj), sometimes in the form of a natural underground karst system about a hundred meters deep from the top, which proves to wetter climatic phases during the Pleistocene.

The present climatic conditions place Jebel Hafit and the surrounding plains in an area where aridity borders on hyper-aridity towards Rub al Khali, but also semi-aridity towards the Hajar Mountains, of which only certain sectors receive more than 300 mm of rain at least. Everywhere, evaporation exceeds precipitation by 10 to 30 times, depending on temperature variations, and the wind conditions loaded with water vapor. Around Jebel Hafit are to be observed surface Quaternary deposits of local origin: slope deposits (scree apron, free blocks) and alluvium from the wadis on the eastern piedmont. But the main deposits are, on the one hand, the alluvial cone systems that surround Jebel Hafit and both ridges of Jebel Al-Aïn E and W in the northeast, on the other hand the aeolian deposits (dunes, sand veneers, etc.), more and more present going west. In the western and central UAE, two major humid periods have been recognized: during the MIS 5 (5e ca. 130-115 Ky, and 5a ca 90-76 Ky), and during the Holocene between 10,500 / 5,500 BP. The Hajar Mountains feed ten major wadis, the course of which crosses the border with the UAE. The main aquifers are Quaternary sands and gravels, the Barzaman Formation, or older limestone layers such as the Dammam Formation. As runoff water is limited in space and time (Charbonnier, 2014), varied organized human groups have developed irrigation through a wide variety of hydraulic techniques, such as the diversion of wadis and the extraction of “hidden waters”. According to S. Cleuziou and M. Tosi (2007) and S. Cleuziou (2009), the “great transformation” is the transition from Neolithic pastoral nomadism to sedentary agriculture during the Early Bronze Age during the Hafit period (3200-2600 BC) (fig. 6). However, the model of a continuous line of history based on the spatial proximity of different archaeological sites has been strongly contested (Power and Sheehan, 2012). Unsurprisingly, this new reading elicited a critical response based on the contributions of Hili’s excavations (Méry, 2013), and the “great transformation” restated (Cleuziou and Tosi, 2018) (fig. 6). No doubt that he discovery of new Neolithic sites (Białowarczuk and Szymczak, 2020) and the study of the most favourable ecological niches (Munoz, 2019) will bring new insights. The key-point is that the interpretation grids were mainly built on archaeological surface data only. However, on the piedmont of Jebel Hafit, considering the thickness of the alluvial deposits by the wadis, it is the geoarchaeological studies of the subsurface paleo-channels which will indisputably provide decisive information in the future. But the present massive urbanization jeopardies obliterating these dormant archives forever.

Along the “Pirate Coast”, the Trucial States have long drawn valuable resources from the local fishing and maritime trade to Iraq, the Persian coast and India, with the greatest care being taken to pearl diving (fig. 8A-B). Without the surplus brought by the pearls, the coast would undoubtedly have emptied, and the interior regions would have known a different fortune. Between 1820 and 1950, nearly twelve aflaj were in operation in the oasis. Partly destroyed by fighting or damaged by flash floods, the aflaj were restored at the end of the 1960s: 7 irrigated the gardens of Al-Aïn, 2 those of Buraimi, i.e., 16.6 million cubic meters brought to 280 hectares (Heard-Bey, 1982). Oil exploration is a game-changer by leading to the fixing of international borders, as corporations such as Aramco, Shell and British Petroleum need to know with which sovereign authority to sign concessions. The crisis unfolded during the 1950s (Morton, 2015) and turned to the advantage of the sheiks of Abu Dhabi. The zig-zag course of the present border across Jebel Hafit and the Al-Jaww plain is a vestige of the “Buraimi Affair” (fig. 8C). After 1945, geologists had indeed high hopes for the Jebel Hafit anticline to produce oil, but the oil fields that made the Emirates’ fortune are west of the Abu Dhabi meridian, in the carbonate sedimentary rocks of Jurassic and Cretaceous age (e.g., Zakum oil field). However, the keen awareness that the oil windfall is not endless has prompted Abu Dhabi’s rulers to follow the path of an economic policy based on diversification around high-tech industries, renewable energies, real estate, and cultural tourism. While the Buraimi oasis had only about 5,000 inhabitants in 1904, the population of Al-Ain is estimated at 20,000 in 1971 and 51,000 in 1975, 560,000 inhabitants in the 2010 census, and more than 750,000 in 2020 (maybe one million in 2030?). The share of national residents (31%), the limitation of the height of buildings to four and then seven floors, fareej type dwellings with their shaded courtyards and the abundance of green spaces give Al-Ain the charm of an Arabic city with provincial authenticity. Increase of urbanization is evident from space (fig 10A-B), either on the western piedmont of Jebel Hafit where, in the Green Mubazzarah sector, the housing estates now occupy the entire area up to the border (fig. 3A), or in the Al Jaww plain (fig. 6C). “Greening the desert” has been another fundamental choice to appropriate the geographical space, and of course in terms of landscape change (fig. 3C, 6E, 10C-E). In 1984, gardens were mostly limited to the large oasis in the historic centre of Al Ain. In 2015, several parks, farms, nature reserves and palace gardens were created, especially in the south and west of the city: Al-Ain has about 12 million m2 of green infrastructure, an average of 32 m2 per capita, more than any other city in the Arab world (Voiland, 2015). From the outset, the new Al-Ain was wanted and thought of by Sheikh Zayed as a jewel, a rare ornament. And it is because they can easily identify with Al Ain that nationals nurture a deep affection and a strong attachment to what they feel to be a city of their own: the “Pearl of the Emirates”. Shortly after independence (1971), the deployment of submersible electric pumps allowed deep boreholes and the production of fossil water for agriculture, which was immediately reflected in the landscape by the proliferation of mazâri: the irrigated geometric perimeters (Cariou, 2020). Since 2015, Al Ain has been recognized along with the great oasis of Liwa as “Globally Important Agricultural Heritage Systems” (GIAHS) by the Food and Agriculture Organization (FAO). But the agricultural and urban development of Al Aïn has led to the decline in the level of aquifers: the flow of the aflaj is ensured by 10 million m3 / year drawn from 96 wells drilled to a depth of 200 m, and more than 75 % of the fresh drinking water distributed in the municipality of Al Aïn comes from the Qidfa desalination plant, transported by pipeline from Fujairah over 120 km (Caratelli et al., 2019. Cariou, 2020). Two types of tourism occur, the most important not necessarily the most spectacular. From the shores of the Gulf, it only takes an hour from Dubai and two from Abu Dhabi to reach Al Ain, visit the tombs of Mezyad Desert Park, the Hili archaeological park, and “do” Jebel Hafit thanks to the 11.7 km, 60-bend scenic road built in 1980, illuminated at night (figs. 9, 10D). Another form of tourism is prosperous, in response to the needs of a rapidly growing local population and people living on the coast, national or foreign, who go to Al Ain for the weekend or to have a longer stay. This national and family tourism is based on the rich historical (forts), religious (mosques) and monumental (palaces) heritage of the Islamic period, and a wide range of recreational or leisure activities for families and children: parks and gardens, museums, rides (Hili Fun Park), football stadium, ice rink, botanical gardens, and zoos (public and private), not to mention horse riding, golf, and camel racing. The Mubazzarah sector is a green setting where, around the old historic dam attributed to Sheikh Zayed in 1955 and restored in 2004, a new dam was built with a body of water at the foot of the mountain, groups of residential chalets, fountains, thermal baths, summer toboggans, surfing, and canoeing (Wadi Adventure). It should not be forgotten that, of the 767,000 inhabitants of the city in 2016, 540,000 are foreigners, among whom Indians, Pakistanis, Filipinos and Egyptians form large groups. What is happening here in the heart of the desert is very different from what is happening on the Gulf coast: Al Ain is an important city for the history of Islam and for the young national history. Since 1950, the development of the garden city of Al Ain has been the fruit of the political will of Sheikh Zayed, the “Wise Man of the Arabs”.

To conclude, the twin object formed by Al Ain and Jebel Hafit can be seen as a functional entity which meets the definition that the geographer J. Bonnemaison (1981) gave of the geosymbol: “a place, a route, an area which, for religious, political or cultural reasons, in the eyes of certain peoples and ethnic groups, take on a symbolic dimension which reinforces their identity”. The Louvre of Abu Dhabi bears witness to the fact that “any cultural postcolonial stance would be fundamentally inappropriate here” (De Man, 2020). It is the belief of the authors that this remark also allows to understand the underlying motives of the territorial changes that happened since 1950 in the studied area.

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Titre Fig. 1 – Cartes de localisation.Fig. 1 – Location maps.
Légende A. Carte de situation régionale ; B. Vue prise depuis la mosquée Sheikha Salama en direction du sud avec, du premier au dernier plan : la palmeraie de l’oasis d’Al Ain, le Jebel al-Naqfa (terminaison nord du Jebel Al Ain Est), et le Jebel Hafit dans le lointain ; C. Région urbanisée de Buraimi (SO) / Al-Aïn (ÉAU), où les losanges jaunes indiquent la position des 17 composantes inscrites en 2011 comme bien culturel au patrimoine mondial. Sources : Google Earth (A), Xalan Mustafa, Wikipédia (B), UNESCO (C).A. Location map at regional scale; B. View taken from the Sheikha Salama mosque towards the south with, from the foreground to the last plan: the palm grove of Al-Ain’s oasis, the Jebel al-Naqfa (north end of the Jebel Al Ain East), and the Jebel Hafit in the distance; C. Urbanized area of Buraimi (OS) / Al-Aïn (UAE), where the yellow diamonds indicate the position of the 17 components inscribed in 2011 as a World Heritage cultural property. Sources: Google Earth (A), Xalan Mustafa, Wikipedia (B), UNESCO (C).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,7M
Titre Fig. 2 – Photos de terrain de la zone d’étude.Fig. 2 – Ground photos of the study area.
Légende A. L’escarpe orientale du Jebel Hafit vue de la plaine d’Al-Jaww à la latitude de l’hôtel Mercure (une plateforme panoramique a été aménagée depuis pour faciliter les prises de vue), depuis la digue de protection contre les crues du district urbain de Mezyad (fig. 3A) ; B. Le piedmont d’Ain Al Fayda à l’ouest avec les Calcaires blancs de la Formation Rus inférieure (Rus WL) sous la terrasse de l’hôtel Mercure ; C. Les facettes de l’escarpe orientale dans l’Éocène, précédées d’un liseré de Miocène nappé de blocs et d’éboulis quaternaires (Crédit photo : C. Giusti, 2007 et 2013).A. The eastern scarp of Jebel Hafit seen from the Al-Jaww plain at the latitude of the Mercure hotel (a viewing platform has since been set up to facilitate shooting), from the flood protection levee of the Mezyad urban district (fig. 3A); B. The foothills of Ain Al Fayda to the west with the White Limestones of the Lower Rus Formation (Rus WL) under the terrace of the Mercure hotel; C. The facetted eastern scarp (flatirons) in the Eocene, preceded by a Miocene border covered with Quaternary boulders and scree (Photo credit: C. Giusti, 2007 and 2013).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-2.jpg
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Titre Fig. 3 – Photos illustrant les conditions morphostruturales de la zone d’étude. Fig. 3 – Photos illustrating the morphostructural context of the study area.
Légende A. L’extrémité nord du Jebel Hafit. TR, truck road ; GM, Green Mubazzarah ; HM, hôtel Mercure ; JHDP, Jebel Hafit Desert Park ; B. Glissement synsédimentaire dans l’unité finement litée de la Formation Rus (Rus TB) (Ellison et al., 2006 ; Van Dijk, 2020) ; C. Crêt monoclinal du Calcaire de Dammam (Dam L), avec revers structural en pente modérée vers le piedmont d’Ain Al Fayda à l’ouest, et barre subverticale découpée en pinacles dominant à l’est la vallée excavée dans les Marnes inférieures de la Formation Dammam (Dam LM) ; D. Crêts-barres et sillons sur la retombée orientale du Jebel Hafit, où les calcaires durs des Formations Dammam (Dam L, Dam Br) et Asmari (As L) donnent trois hogbacks. Formations Fars inférieure et Barzaman sur le piedmont d’Al-Jaww (Ellison et al., 2006) (Crédit photo : UNESCO and C. Giusti, 2007).A. The Northern end of Jebel Hafit. TR, truck road; GM, Green Mubazzarah; HM, Mercure hotel; JHDP, Jebel Hafit Desert Park; B. Synsedimentary slip in the thin bed unit of the Rus Formation (Rus TB) (Ellison et al., 2006; however, see Van Dijk, 2020); C. Monoclinal ridge of Dammam Limestone (Dam L), with a structural low anti-dip slope towards the foothills of Ain Al Fayda to the west, and a subvertical free face cut into pinnacles overhanging the valley excavated in the Lower Marls to the east of the Dammam Formation (Dam LM); D. Valley and ridges on the eastern side of Jebel Hafit, where the limestones of the Dammam (Dam L, Dam Br) and Asmari (As L) Formations give three hogbacks. Lower Fars and Barzaman Formations on the Al-Jaww foothills (Ellison et al., 2006) (photo credit: UNESCO and C. Giusti, 2007).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 424k
Titre Fig. 4 – Le Jebel Hafit et ses piedmonts.Fig. 4 – The Jebel Hafit and its foothills.
Légende A. Coupe géologique interprétative, montrant les variations latérales d’épaisseur et de pendage des couches du pli : alors que sur le versant est, trois binômes CD/CT donnent des barres subverticales (hogback), le versant ouest est marqué par la corniche massive du Calcaire de Dammam découpée en chevrons (adapté d’après Farrant et al., 2006, carte géologique au 1/100 000e) ; B. Bloc-diagramme 3D montrant la dissymétrie des piedmonts : mont et crêts dérivés dans les terrains du Crétacé-Paléogène-Néogène (CPN) du Groupe de Pabdeh ; cônes alluviaux coalescents (CA) de la plaine d’Al-Jaww, en partie masqués par les formations éoliennes dunaires (FE) du versant occidental (dunes basses, rides dunaires, dunes en étoile : non différenciées) ; terrasses alluviales (TA) dans le lit des oueds (légende adaptée de Farrant et al., 2012a, carte géologique au 1/250 000e).A. Interpretive geological section showing lateral variations in thickness and dips of the fold strata. Whereas three pairs of HR/SR (hard/soft rocks) underpin a succession of three razorback ridges and narrow valleys on the eastern flank, the western flank features a massive homoclinal scarp in Dammam Limestone, here carved into flatirons by drainage systems (adapted from Farrant et al., 2006, 1/100 000 scale geological map); B. Block diagram highlighting the asymmetry of the piedmonts: anticlinal ridge and belt of inward-facing scarps carved out of the Cretaceous-Paleogene-Neogene (CPN) stratigraphy (Pabdeh Group); coalescent alluvial fans (CA) of Al-Jaww plain, partly covered by dune formations (FE) on the western slope (low dunes, dune ridges, star dunes: undifferentiated); alluvial fill terraces (TA) along the wadi channels (caption adapted from Farrant et al., 2012a, 1/250 000 scale geological map).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 701k
Titre Fig. 5 – Contexte tecto-structural de la zone d’étude.Fig. 5 – Tectono-structural features of the study site.
Légende A. Coupe géologique transversale équilibrée de l’anticlinal du Jebel Hafit et du bassin transporté d’Al-Jaww (piggy-back structure) (Searle et Ali, 2009) ; B-C. Profil sismique H à travers l’extrémité sud du Jebel Hafit avec l’anticlinal sub-affleurant de Suneinah, et vue d’ensemble des plis en échelon (Hansman et Ring, 2018) ; D. Modèle de déformation dextre profonde en transpression (van Dijk, 2020).A. Balanced geological section across the Jebel Hafit anticline and the piggy-back structure under Al-Jaww plain (Searle and Ali, 2009); B-C. seismic profile H through the southern end of Jebel Hafit with the Suneinah subsurface anticline, and overview of the “en échelon” folds (Hansman and Ring, 2018); D. deep dextral deformation model with transpression (Van Dijk, 2020).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-5.jpg
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Titre Fig. 6 – Mise en valeur du patrimoine archéologique.Fig. 6 – Upgrading of archaeological heritage.
Légende A. Vue d’ensemble (noter la cavité karstique en arrière des deux tombes de gauche) ; B. Vue de détail en direction du sud ; C. idem en direction de la plaine d’Al-Jaww et du quartier d’Al-Dhahir. Le Parc archéologique d’Hili ; D. l’entrée. E. Un écrin de verdure pour la grande tombe, côté nord ; F. Porte sud de la grande tombe avec son décor d’oryx et d’humains (Crédit photo : C. Giusti, 2013).A. Overview (note the karstic cavity behind the two tombs on the left); B. Detailed view looking south; C. Ditto, in the direction of Al-Jaww plain and the district of Al-Dhahir. Hili Archaeological Park: D. the entrance; E. A green setting for the main tomb, north side; 7F, the south door of the main tomb with its decoration of oryx and humans (Photo credit: C. Giusti, 2013).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-6.jpg
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Titre Fig. 7 – Paysages naturels en cours d’anthropisation au sud d’Al-Ain (ÉAU).Fig. 7 – Natural landscapes undergoing anthropization south of Al-Ain (ÉAU).
Légende A. Les deux Jebel Al Ain, au NE du Jebel Hafit. TR, truck road. JNHT, Jebel Hafit North Tombs ; WRHT, West Ridge Hafit Tombs ; AWPT, Al Ain Wildlife Park Tombs ; ANR, Al Naqfa Ridge ; B. Le Jebel Al Ain oriental vu de la route qui, au sud de la zone industrielle de Sanaiya, longe le Jebel Al Ain occidental ; C. Au premier plan à gauche, escarpement tourné vers l’est du crêt des Calcaires d’Asmari (As L) au nord de la cimenterie, dans la partie sud du Jebel Al Ain occidental, et pendage du revers monoclinal à l’arrière-plan (à droite) ; D. Relais en échelon du Jebel Al Ain oriental, dont le hogback en Calcaires d’Asmari prolonge les barres de la retombée orientale du Jebel Hafit armées par la même formation. Source : UNESCO (A), C. Giusti (B-C-D, 2007).A. Jebel Al Ain W and E, North-East of Jebel Hafit. TR, truck road. JNHT, Jebel Hafit North Tombs; WRHT, West Ridge Hafit Tombs; AWPT, Al Ain Wildlife Park Tombs; ANR, Al Naqfa Ridge; B, the eastern Jebel Al Ain seen from the road which, south of Sanaiya industrial area, runs alongside the western Jebel Al Ain; C, in the foreground on the left, eastward free face of the Asmari Limestone (As L) monocline north of the cement factory and anti-dip slope in the background (on the right), in the southern part of the western Jebel Al Ain;D, "En échelon" hogbacks of the eastern Jebel Al Ain, with the Asmari Limestone extending from Jebel Hafit in the foreground to Jebel Al Ain in the background. Source: UNESCO (A), C. Giusti (B-C-D, 2007).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-7.jpg
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Titre Tableau 1 – Éléments de chronologie pré-britannique (d’après Morton, 2016).Table 1 - Pre-british chronology (from Morton, 2016).
Légende Tableau 2 – Éléments de chronologie de l’ère britannique à l’indépendance nationale (d’après Morton, 2016).Table 2 - Chronology from the British period to the Independance (from Morton, 2016).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-8.jpg
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URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-9.jpg
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Titre Fig. 8 – La question des frontières.Fig. 8 – The question of borders.
Légende A. l’Arabie en 1948, avant la fixation des frontières ; on a indiqué le champ pétrolifère de Ghawar, découvert en 1948, entré en exploitation en 1951 (d’après Morton, 2013) ; B. Extrait de l’Atlas Rand McNally, où la frontière provisoire (trait discontinu) passe très à l’ouest du Jebel Hafit (Bayer, 1953) ; C. Propositions de frontières dans l’est de l’Arabie entre 1912 et 1955, avec la localisation de l’oasis de Buraimi revendiqué par l’Arabie saoudite ; les six villages favorables à Abou Dhabi sont en italiques grasses : leur répartition spatiale annonce les sinuosités de la future frontière internationale dans le secteur du Jebel Hafit (d’après Morton, 2013, modifié).A. Arabia in 1948, before the borders were established; the oilfield of Ghawar was discovered in 1948 and entered into production in 1951 (after Morton, 2013); B. An excerpt from the Rand McNally Atlas, where the provisional boundary (dashed line) passes far west of Jebel Hafit (Bayer, 1953); C. Border proposals in eastern Arabia between 1912 and 1955, with the location of the oasis of Buraimi claimed by Saudi Arabia; the six villages favorable to Abu Dhabi are in bold italics: their spatial distribution announces the sinuosities of the future international border in the Jebel Hafit area (according to Morton, 2013, modified).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 484k
Titre Fig. 9 – Situation et site d’Al-Aïn.Fig. 9 – Location and site of Al Ain.
Légende A. Le Jebel Hafit, un des sommets du triangle Abou Dhabi / Dubaï / Al-Aïn : noter la desserte autoroutière depuis le littoral du golfe Arabo-Persique et le nombre des aéroports internationaux ; B. Au cœur d’Al-Aïn, les 17 composantes et les 4 assemblages du bien culturel sériel inscrit à l’Unesco en 2011 (Sites culturels d’Al-Aïn) ; la route paysagère du Jebel Hafit est le nouveau lien entre la montagne et les oasis du piedmont.A. Jebel Hafit, one of the vertices of the Abu Dhabi / Dubai / Al-Ain triangle : note the motorway service from the coast of the Arabian-Persian Gulf and the number of international airports; B. In the heart of Al-Ain, the 17 components and the 4 assemblages of the serial cultural property registered with UNESCO in 2011 (Cultural Sites of Al Ain); the scenic road is the new link between the Jebel Hafit and the oases of the lowlands.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-11.jpg
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Titre Fig. 10 – Évolution pluridécennale des paysages.Fig. 10 – Decadal evolution of the landscapes.
Légende La région d’Al-Aïn en 1984, image Landsat 5 TM (A), et aujourd’hui, image Google Earth (B) ; la ligne blanche marque la frontière internationale ; C. Verdissement du désert et la route du Jebel Hafit : vue prise en direction du nord ; D. Route de nuit illuminée : visuel publicitaire pour véhicule à transmission intégrale, aéroport de Rome-Fiumicino ; E. Table d’orientation et piscine de l’hôtel Mercure ; F. Parking terminal de la route du Jebel Hafit, une plateforme anthropique ouverte dans les Calcaires blancs de la Formation Rus inférieure (Rus WL). Crédit photos : NASA (A), Google Earth (B), C. Giusti (C-E, 2007 ; D, 2016), V. Moriniaux (F, 2016).The Al-Ain region in 1984, Landsat 5 TM image (A), and today, Google Earth image (B); the white line indicates the international border; C. Greening of the desert and the road to Jebel Hafit: view taken towards the north; D. Illuminated road at night: advertising visual for a four-wheel drive vehicle, Rome-Fiumicino airport; E. Orientation table and swimming pool at the Mercure hotel; F. Terminal car park of the Jebel Hafit road, an anthropogenic platform carved in the white limestones of the Lower Rus Formation (Rus WL). Photo credit: NASA (A), Google Earth (B), C. Giusti (C-E, 2007; D, 2016), V. Moriniaux (F, 2016).
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/17604/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 1,9M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Christian Giusti, Eric Fouache, Tara Beuzen-Waller, André Louchet et Kosmas Pavlopoulos, « L’appropriation territoriale des formes du relief : l’exemple d’Al-Aïn et du Jebel Hafit (ÉAU) »Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], 1 | 2023, mis en ligne le 20 septembre 2023, consulté le 11 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/geomorphologie/17604 ; DOI : https://doi.org/10.4000/geomorphologie.17604

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Auteurs

Christian Giusti

Sorbonne-Université, Paris, Laboratoire de Géographie Physique (LGP), UMR 8591 CNRS, 2 rue Henri Dunant 94320 Thiais, France.

Articles du même auteur

Eric Fouache

Sorbonne-Université, Paris, Laboratoire Médiations, Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris, France.

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Tara Beuzen-Waller

Université de Perpignan Via Domitia, Histoire naturelle de l’Homme préhistorique (HNHP), UMR 7194 CNRS, UPVD 52 avenue Paul-Alduy, 66860 Perpignan, France.

Articles du même auteur

André Louchet

Sorbonne Université, Paris, Laboratoire Médiations, Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris, France.

Kosmas Pavlopoulos

Sorbonne Université, Paris, Laboratoire Médiations, Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris, France.

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