La grande histoire du climat.Comment les humains s’adaptent depuis 3 millions d’années.
Pacotte L. et Chamussy C. (2024). La grande histoire du climat.
Comment les humains s’adaptent depuis 3 millions d’années. Editions Robert Laffont, 232 p.
Texte intégral
1Dans cet ouvrage, l’objectif des auteurs est de raconter comment, depuis des millénaires, les sociétés humaines se sont adaptées aux changements climatiques. Pour cela, ils répondent d’emblée, à trois questions : qu’est-ce que le climat ? Qu’est-ce qui fait varier ce climat ? Comment connaitre les climats du passé ? A chacune de ces questions, ils donnent des explications claires et précises avant d’examiner, en archéologues qu’ils sont, les grandes périodes de l’histoire de l’humanité et de l’adaptation des sociétés humaines aux climats de chacune de leur époque.
2Le chapitre 1 est consacré aux hominidés et le climat (3 millions à 40 000 ans BP). Les auteurs montrent comment l’espèce humaine apparue en Afrique de l’Est a migré vers l’ouest et le nord du continent en suivant les conditions climatiques. Ils montrent aussi comment Homo Erectus ne s’est pas aventuré au nord du 45e parallèle lors des périodes froides, tant qu’il n’a pas eu la maitrise du feu. Quant à Homo Sapiens, il est probablement sorti d’Afrique vers 300 000 ans grâce à un climat favorable.
3Le chapitre 2 montre comment les humains ont pu survivre aux conditions extrêmement froides du Dernier Maximum Glaciaire (23 000 à 19 000 ans BP). A cette époque, les températures sont inférieures de 5 à 10 °C en été et de 15 à 25 °C en hiver à celles d’aujourd’hui. L’inventaire des sites archéologiques d’Europe indique que la population a chuté de 330 000 à 130 000 individus. Seul 36 % du continent aurait été habité par des hommes alors que c’était le double 10 000 ans plus tôt. Les conditions climatiques semblent avoir obligé les humains à se réfugier dans deux régions : l’Italie et les Balkans (culture épi gravettienne) et le sud-ouest de la France et la Péninsule Ibérique (culture solutréenne). Par ailleurs, on constate que les conditions climatiques ont favorisé les innovations techniques et artistiques (grotte de Lascaux, grotte Cosquer) sans empêcher les mobilités, bien au contraire !
4Le chapitre 3 est consacré au réchauffement de l’Holocène (12 700 à 8000 av. JC). Après le Dernier Maximum Glaciaire, le climat a connu un réchauffement important lors de la période Bölling-Alleröd (12 700 à 11 000 av. JC), suivie par le refroidissement du Dryas récent (11 000 à 9700 av. JC). Cet épisode coïncide avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. C’est le Néolithique. Ce serait là la plus évidente des adaptations des sociétés humaines à un changement de climat. En effet, plusieurs auteurs montrent clairement comment l’agriculture s’est développée au Proche-Orient, dans le Croissant fertile, en réponse à ce changement climatique
5Le chapitre 4 est consacré à l’évènement de 8200 BP (6200 av JC). Avec l’Holocène, le monde s’installe dans une stabilité climatique. Mais brutalement à 8200 BP, on assiste à un refroidissement de 5 °C pendant 160 ans. Cet évènement est la conséquence de la rapide vidange de l’immense lac Agassiz situé en Amérique du Nord, qui apporte une énorme quantité d’eau froide à l’océan Atlantique faisant baisser sa température de 1,5 à 3 °C et monter son niveau de 41 cm. S’installe alors un climat contrasté avec des étés arides et des hivers pluvieux qui modifie la couverture végétale et fait migrer les populations abandonnant les sites archéologiques. Cependant, dans l’état actuel des recherches, il reste un flou sur ses conséquences.
6Le chapitre 5 traite de la fin du Sahara vert. A partir de 13 000 BP, les paramètres orbitaux sont à l’origine d’un climat chaud qui s’installe sur le Sahara. C’est le début du Dryas récent, qui voit la mousson d’été en provenance du sud s’étaler largement à l’intérieur du continent pendant que les pluies hivernales méditerranéennes pénètrent vers le sud. Ainsi se développe un Sahara vert couvert d’immense prairies et savanes arborées où se déplace la grande faune africaine. Quant aux poissons, ils remontent des cours d’eau pour rejoindre d’immenses lacs comme le lac Tchad qui s’étendait sur 330 000 km2. Ces conditions naturelles ont favorisé l’extension d’une population qui a laissé de nombreuses peintures rupestres toujours visibles. A partir de 5000 BP (3500 av. JC), la mousson et des pluies méditerranéennes ne pénètrent plus jusqu’au cœur du continent. Progressivement, le couvert végétal se réduit et le Sahara se transforme en un espace aride. Les populations doivent migrer, notamment vers la vallée du Nil, qui jusque-là n’était qu’une sorte d’immense marécage, et qui offre désormais un fleuve aux berges habitables. Ainsi se fait le développement de la civilisation égyptienne pharaonique.
7Le chapitre 6 analyse l’effondrement de la civilisation mycénienne de l’Âge du Bronze en 1200 av. JC et l’apparition de l’Âge du Fer. Ce changement reste une grande énigme pour les archéologues. L’hypothèse climatique doit être envisagée, même si elle n’est pas déterminante. Diverses études faisant appel à des méthodes et des techniques différentes montrent que la date de 1200 av. JC. est marquée par une nette aridité qui a dû mettre à mal toutes les récoltes de la Méditerranée orientale. Mais l’origine de cette aridité est pour l’heure mal connue. Il n’est donc pas prouvé que le changement climatique soit le seul responsable de l’effondrement de l’Âge du Bronze.
8Le chapitre 7 montre comment la grande avancée de la conquête romaine coïncide avec un optimum climatique disposant d’un climat chaud, humide et stable. Les études paléoclimatiques montrent que cette situation est due à la variation orbitale solaire qui, pendant quatre siècles, a donné à la Terre une énergie un peu supérieure à la normale – même si plusieurs éruptions volcaniques entre 45 et 43 av. JC ont dégradé ce beau climat. Plusieurs études font apparaître des disparités régionales souvent expliquées par des actions anthropiques (déforestations, extensions de pâturages, déviations des eaux avec de grands aqueducs, etc.). La détérioration climatique accompagnée de grandes épidémies doit être prise en compte pour expliquer la chute de l’Empire romain.
9Le chapitre 8 examine le Petit Âge Glaciaire (années 1300 à 1850) et expose comment les Européens ont réagi à ce changement climatique. Une première explication de ce refroidissement peut être trouvée dans plusieurs périodes de réduction de l’activité solaire qui jalonnent l’époque médiévale et moderne entre 1280 et 1360, 1450 et 1550 et 1645 et 1715. A cela il faut ajouter des éruptions volcaniques comme celle du Samalas en 1257, responsables de la haute teneur de l’atmosphère en dioxyde de soufre et de la réduction de l’effet de serre avec la diminution de la teneur en dioxyde de carbone. Le Petit Âge Glaciaire est ainsi une grande période d’instabilité climatique aux nombreuses conséquences économiques et sociales, dont la grande chasse aux sorcières si chère au climato-sceptique François Gervais.
10Le chapitre 9 étudie la crise climatique actuelle. Les auteurs disent clairement : « La crise climatique actuelle est cruellement simple à comprendre : depuis le milieu du XIXe siècle la planète est réchauffée par un puissant effet de serre, en conséquence de l’utilisation de combustibles fossiles par les humains ». En effet, depuis le début de l’Holocène, les paramètres orbitaux nous envoient lentement mais surement vers une nouvelle période glaciaire, et toutes les études climatiques montrent à l’évidence l’origine anthropique de ce changement climatique. A juste titre, les auteurs envoient les climato-sceptiques dans les cordes et écrivent « Dire on ne sait pas tout et occulter des faits parfaitement établis, est de leur part, au mieux, un terrible aveu de paresse, au pire, la preuve d’une grande malhonnêteté intellectuelle ». Les auteurs évoquent alors tous les effets de ce réchauffement sur les activités humaines : problèmes d’accès à l’eau, diminution des rendements agricoles, hausse de la malnutrition, disséminations de maladies infectieuses, migrations des réfugiés climatiques, inondations catastrophiques. Le réchauffement des océans modifiera la Dérive Nord Atlantique dont dépend le climat européen. D’après plusieurs travaux récents, il est certain à 95 % que son interruption se produira entre 2025 et 2095. Et comme le disent les auteurs de cet ouvrage, « il sera donc impossible de s’adapter sans douleur à tous ces changements ». Les auteurs annoncent donc qu’il faut agir de toute urgence, et ils donnent pour cela plusieurs orientations.
11L’ouvrage se termine avec une discussion sur l’Anthropocène, concept et mot inventés en 2000 par Crutzen et Stoermer mais qui reste très discuté par la communauté géologique. Son fondement est-il justifié ? Doit-on l’utiliser ? Si oui quand doit-on commencer cette période ? Beaucoup de questions qui restent en suspend !
12Avec cet ouvrage les deux auteurs nous proposent une grande synthèse qui s’appuie sur pas moins de 322 références bibliographiques. Ce livre apporte ainsi un grand nombre d’éléments de connaissance et contribue à nourrir une grande réflexion. A sa lecture, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer un autre ouvrage qui a fait date : « Effondrement » de Jared Diamond, publié en 2005. Enfin, s’il faut exprimer un regret, on peut dire seulement que les auteurs utilisent deux systèmes chronologiques. Parfois ils restent dans le système fondé sur l’ère chrétienne, parfois ils donnent les dates en BP (Before Present, le présent étant 1950, date de départ des analyses isotopiques), système chronologique qui aujourd’hui est de plus en plus utilisé par les scientifiques. Mais ils sont archéologues soit un peu historiens et on comprend leur attachement à la chronologie liée à l’ère chrétienne.
Pour citer cet article
Référence électronique
Alain Marre, « La grande histoire du climat.Comment les humains s’adaptent depuis 3 millions d’années. », Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], vol. 30 - n° 4 | 2024, mis en ligne le 08 février 2025, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/geomorphologie/19372 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13a8m
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