Laboratoire Junior RAT, colloque Genre, émotions, animalité
Colloque international et interdisciplinaire Genre, émotions et animalité. 13 et 14 juin 2024, ENS de Lyon, Laboratoire Junior RAT.
Texte intégral
1Les 13 et 14 juin 2024, une trentaine de participant·e·s se sont rassemblé·e·s à l’ENS de Lyon lors du colloque international et interdisciplinaire du laboratoire junior Recherches Animalières Transdisciplinaires (RAT) autour de la thématique « Genre, émotions, animalité ». Deux artistes et dix-sept chercheur·euses issu·e·s d’une grande diversité de disciplines (littérature, philosophie, sociologie, anthropologie, histoire, sciences politiques, études urbaines) ont abordé l’intrication de ces trois notions à partir de différents cadres théoriques et terrains d’études.
2La première session s’intéressait aux trajectoires de vie d’individu·e·s ou de groupes lié·e·s à la cause animale. Nolwenn Veillard et Donatien Le Carrer ont étudié les rapports de genre chez les militant·es antispécistes et animalistes français·ses, panorama enrichi par le portrait de Lü Bicheng, première défenseuse de la condition animale de la Chine républicaine, proposé par Joachim Boittout. Les interventions de Cécile Raas et d’Oriane Poret se sont ensuite tournées vers les arts plastiques et visuels pour questionner les relations entre figure féminine et animale dans les adaptations cinématographiques de Thérèse Raquin, et dans la vie et l’œuvre de Rosa Bonheur.
3La deuxième session a été consacrée à la division du travail et à l’ambivalence de l’investissement émotionnel dans des métiers en lien avec les animaux : les conditions du travail en élevage ont été abordées en France, puis au Kirghizistan à travers les interventions d’Anne Kawala, Chloé Jaffrézic et Carmen Le Bris, puis Hélène Marquès et Zinnia Guittin ont présenté le cas spécifique des activités équestres en questionnant l’engagement émotionnel des professionnel·le·s et des grooms. La première journée s’est clôturée avec l’exposition des œuvres de l’artiste plasticienne Pascale Rompteau représentant « J », dans l’évolution de ses rapports aux animaux et notamment à la mort animale.
4La deuxième journée s’est ouverte sur une troisième session durant laquelle Carmen Dreysse a expliqué la mise en place d’une socialisation genrée avec les animaux dans le cadre des visites scolaires au zoo. Marion Alves a ensuite montré comment la diversité émotionnelle des rapports aux animaux, permettant aussi de se construire en tant qu’humain·e, impliquait un questionnement non seulement sur le genre, mais également sur le milieu social et l’habitus de classe de manière intersectionnelle.
5La quatrième session a, quant à elle, porté sur les relations de soin ou de care : Gabrielle Perras St-Jean a exposé son travail sur les rencontres affectives qui se développent entre citadin·es et animaux urbains lors des pratiques de soin. Son approche du care a résonné avec la présentation de Julie Rodrigues Leite sur les effets de la médiation animale sur les masculinités en milieu carcéral.
6La lecture d’un conte écoféministe par Nora Goffre a ensuite permis de discuter du genre de la colère, nous invitant à repenser les cohabitations entre les humains de genres différents, et avec les autres animaux. Enfin, lors de la cinquième session, les rapports entre genre, émotions et animalité ont ainsi été abordés par le prisme d’approches épistémologiques, à travers l’intervention de Sam Ducourant et de Phœbé Mendes qui ont discuté de l’usage des théories matérialistes dans l’analyse du travail animal, faisant écho à la session consacrée au travail interspécifique. Laura Restrepo-Giraldo a, pour finir, présenté une lecture des travaux de Donna Haraway focalisée sur le féminisme et l’amour inter-espèces, notamment avec les espèces compagnes.
7Ce colloque a permis d'interroger nos rapports aux animaux autres qu’humains et de questionner ces relations à travers des profils d’humain·e·s très différents, avec à la fois des approches historiques (centrées sur des personnages comme Rosa Bonheur, Lü Bicheng, ou des groupes comme les acteur·rice·s de la lutte antispéciste ou les éleveur·euse·s) et des terrains d’étude contemporains, occidentaux comme internationaux. Les présentations et les échanges ont également été l’occasion de croiser les formes de domination en mentionnant non seulement les rapports de genre, mais également de classe ou de race. Si la question du genre a fait une large place aux rapports des femmes avec les animaux autres qu’humains, une partie des interventions a croisé avec une grande clarté la construction et la performance de genre et la socialisation aux autres animaux en évoquant à la fois la socialisation enfantine et la construction de la masculinité et des stéréotypes de genre.
8La dimension langagière, qui n’était pas au cœur des thématiques du colloque, a été mise en évidence par les présentations scientifiques comme artistiques. En effet, les interventions se sont intéressées au langage verbal et corporel, en mobilisant notamment les discours tenus sur les relations entre genre et animalité, à travers l’étude de textes historiques et philosophiques comme des paroles de militant·e·s, des professionnel·le·s, des adultes et des enfants.
- 1 Entre espèces.
9D’autre part, les émotions ont été surtout traitées au prisme de l’affection, de l’empathie, de l’émerveillement et de la colère, avec un consensus sur le fait qu’elles occupent une place centrale dans la construction des relations aux animaux autres qu’humains. Une question a notamment prédominé, celle de l’amour vis-à-vis des animaux et des formes qu’il peut prendre car ces dernières ont parfois été qualifiées de paradoxales, notamment autour de la question du care, visible directement ou indirectement, ou de l’amour – terme qui a été discuté – interspécifique1.
10Enfin, de nombreuses pistes ont émergé des échanges et mériteraient d’être explorées dans des événements ultérieurs. En effet, il pourrait être intéressant d’aborder ces questionnements au sujet d’animaux moins charismatiques et d’animaux autres que domestiques. En outre, il serait fécond de questionner la place des animaux, du genre et des émotions dans les sciences expérimentales, ce qui permettrait d’approfondir la réflexion sur les émotions des animaux et de proposer un discours moins anthropocentré.
Pour citer cet article
Référence électronique
Clara Lyonnais-Voutaz, « Laboratoire Junior RAT, colloque Genre, émotions, animalité », GLAD! [En ligne], 17 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/glad/9524 ; DOI : https://doi.org/10.4000/133ch
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