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Vagues de luttes dans le travail. Décomposition et recomposition des pratiques de recherche dans les Universités

Waves of struggles in the workplace. Decomposition and recomposition of research practices in the Universities
Marco Briziarelli et Susana Martínez Guillem
Traduction de Emiliana Armano et Andrea Cavazzini

Résumés

L'article explore la relation entre le capital néolibéral, la technologie numérique et l'enseignement supérieur, sa capacité à décomposer le travail, ainsi que les conditions de sa propre recomposition.

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Texte intégral

Les liens du néo-mutualisme

1En guise de prémisse, il faut rappeler que les conditions préalables de la relation de co-développement qui lie actuellement le capital et l’enseignement supérieur remontent à l’émergence et à la consolidation du capitalisme industriel, magistralement esquissées par Marx dans les Grundrisse :

  • 1 Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 dits « Grundrisse », traduit et édité par Jean-Pierre Lefebvre, (...)

La nature ne construit ni machines, ni locomotives, ni chemins de fer, ni télégraphes électriques, ni métiers à filer automatiques, etc. Ce sont là des produits de l’industrie humaine : du matériau naturel, transformé en organes de la volonté humaine sur la nature ou de son activation dans la nature. Ce sont des organes du cerveau humain créés par la main de l’homme : de la force de savoir objectivée. Le développement du capital fixe indique jusqu’à quel degré le savoir social général, la connaissance, est devenue force productive immédiate, et par suite, jusqu’à quel point les conditions du processus vital de la société sont elles-mêmes passées sous le contrôle de l’intellect général, et sont réorganisées conformément à lui. Jusqu’à quel degré les forces productives sociales sont produites, non seulement sous la forme du savoir, mais comme organes immédiats de la pratique sociale ; du processus réel de la vie1.

2Ces descriptions indiquent que les aspirations tendant vers un savoir universel et désintéressé sont reconfigurées en « intellect général », c’est-à-dire en savoir technique, en savoir manufacturier-instrumental. Ainsi, de la même manière que les universités servent de médiateur entre une production sociale générale d’expérience codifiée et un savoir adéquat aux exigences du capital, le travailleur universitaire devient lui-même une machine, dont l’atout mécanique consiste en sa capacité à tirer profit de l’expérience sociale afin d’activer une force de production directe : la capacité à objectiver son expérience ainsi que les ressources subjectives pour l’auto-activation et l’auto-rationalisation.

  • 2 Mario Tronti, Ouvrier et capital (1966), traduit par Giuseppe Bezza et Yann Moulier, nouvelle préfa (...)

3En raison de cette fonction particulière, en plus d’être une « machine », le travailleur universitaire devient un « ouvrier social » au sens de l’opéraïsme2. Autrement dit, et notamment dans le contexte de la conjoncture pandémique, son lieu de production et sa composition technique dépassent largement les murs de l’université, et opèrent dans ce qu’on peut appeler l’« usine sociale ».

  • 3 Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, traduit par Monique Wittig, Paris, Seuil, 1968.

4Les traditions universitaires dominantes (du moins dans les sciences sociales), telles que le fonctionnalisme structuraliste par exemple, montrent que l’université a activement contribué à créer une idéologie empiriste transformant les processus fluides de compréhension des phénomènes en produits « objectifs » quantifiables, adéquats aux politiques gouvernementales, aux régulations médiatiques, à la planification urbaine et, enfin et surtout, à une idéologie du primat des procédures3.

5Ainsi, pour en revenir à la notion de co-développement, alors que les besoins capitalistes ont façonné la production des connaissances par l’université en tant qu’ensemble de compétences techniques, l’université a « académisé » le capital dans la mesure où le capital s’est approprié des idéologies et des connaissances techniques qui ont surgi initialement dans le monde universitaire, tel l’utopisme technologique de la Silicon Valley, reliant le capitalisme à haut risque et les technologies informatiques.

6Plus récemment, plusieurs chercheurs ont reconnu le processus de privatisation et la pénétration de la logique d’entreprise au sein de l’enseignement supérieur. Ainsi, des notions telles que la « McDonaldisation », le « capitalisme académique » et l’ « université-entreprise » décrivent une tendance qui a débuté dans les années 1990 et qui s’est progressivement accentuée avec les multiples récessions économiques lesquelles ont entraîné des réductions budgetaires dans l’enseignement public et un accès correspondant des capitaux privés. Cependant, alors que ces études mettent déjà en évidence la précarisation et la taylorisation du travail universitaire, nous essayons dans cette contribution de comprendre comment le travail universitaire accède à la sphère de la gig economy – un processus qui, selon nous, a été accéléré par les conséquences des mesures de freinage du Covid-19.

  • 4 Nick Srniceck, Platform Capitalism, Cambridge, Polity Press, 2017.

7En résumé, la gig economy concerne la restructuration apportée par les technologies numériques tendant vers une précarisation générale du travail, qui devient travail à la demande et formellement de plus en plus indépendant, reflétant ainsi la transition de l’organisation du travail et de l’extraction de la valeur de la structure fordiste à la structure post-fordiste4.

8Ainsi, en ce qui concerne la notion marxienne d’« intellect général », ce que le lien entre la gig economy et l’université met en évidence est moins la simple introduction de la technologie que la manière dont une telle technologie restructure l’organisation sociale de la production en mettant en cause le processus même du travail (académique).

  • 5 Trebor Scholz, Uberworked and Underpaid: How Workers Are Disrupting the Digital Economy, Cambridge, (...)
  • 6 Henry A. Giroux, « The Corporate War Against Higher Education », in Workplace 5, October 2002, http (...)

9 En effet, la tendance à l’ubérisation5, non seulement porte au paroxysme les caractéristiques déjà impliquées par ce que l’on appelle la « McDonaldisation », mais elle met également en lumière un nouveau processus complexe du travail post-fordiste qui implique la précarité, la numérisation via l’incorporation massive des TIC, et la propension croissante à déplacer les « risques-et-coûts » de l’éducation vers les subjectivités des enseignants. D’autres caractéristiques post-fordistes sont la tension significative entre, d’une part, une structure de pouvoir verticale qui contrôle le travail des acteurs et, d’autre part, le processus moléculaire de subjectivation des universitaires. Nous fonctionnons donc, en tant que subjectivités façonnées par notre travail universitaire, comme des travailleurs indépendants, auto-activés et auto-exploités, auto-externalisés, indépendants et évaluant (partiellement) nos propres performances. Ce transfert des risques et des coûts vers le corps enseignant signifie que nous ne sommes plus seulement considérés comme des producteurs de produits universitaires, mais aussi comme les responsables de leur commercialisation, et donc comme susceptibles d’être confirmés ou licenciés si un produit particulier ne se « vend » pas bien, c’est-à-dire si le nombre d’étudiants inscrits est trop faible. Ainsi, de facto, le transfert des risques et des coûts sape la base matérielle du droit à la liberté académique. Ainsi, Henry A. Giroux6 souligne que l’on attend désormais de la part de nombreux enseignants qu’ils soient des « entrepreneurs sociaux » et qu’ils s’en réjouissent.

10Si nous admettons que les travailleurs universitaires doivent être compris comme des ouvriers sociaux, nous ne pouvons pas comprendre leur nature sans examiner leur sociale-individualité, c’est-à-dire leur subjectivité contradictoire. La belle ironie que nous allons décrire dans la section suivante pourrait être résumée comme suit : la socialisation – c’est-à-dire l’abstraction – du travail académique ne serait pas possible sans l’activation d’une subjectivité construite ad hoc pour être adéquate au capital.

La constitution contradictoire du travail académique

  • 7 Thomas Allmer, « Precarious, always-on and flexible: A case study of academics as information worke (...)
  • 8 Gabriella Gutiérrez y Muhs, Yolanda Flores Niemann, Carmen G. González and Angela P. Harris (eds.), (...)

11Comme le souligne Allmer, le processus d’intégration des universités dans le capitalisme post-fordiste « a eu un effet sur les conditions de travail, les pratiques et les relations des sujets »7. Cette intégration a également contribué à produire un environnement hautement paradoxal dans lequel, par exemple, une forte tendance vers de niveaux de plus en plus élevés de marchandisation, dont témoigne l’importance croissante de l’éducation en ligne, coexiste avec un sentiment accru de l’injustice sociale caractérisé par des sensibilités antiracistes, féministes et décoloniales8. Comme nous le verrons plus loin, c’est d’un tel développement contradictoire que peuvent émerger certaines conditions positives pour l’organisation des résistances.

  • 9 Tiziana Terranova, « Free Labour », in T. Scholz (ed.), Digital labour: The Internet as Playground (...)

12En outre, de nombreux acteurs et observateurs considèrent le travail universitaire comme illimité, précaire et, d’une manière fort ambivalente, « gratuit » - au sens de « non rémunéré » et de « bénévole » à la fois9.

13D’une part, « gratuit » signifie « non rémunéré », car l’ubérisation implique un déplacement importante de la charge des coûts de production de l’employeur vers le travailleur. Dans notre expérience, ce phénomène concerne les coûts de production et de reproduction de la recherche. Par exemple, alors que notre contrat de travail et nos conditions de titularisation et de promotion impliquent la participation à plusieurs conférences universitaires dans l’année, l’université fournit à peine les fonds nécessaires pour payer les frais d’une seule conférence. Ainsi, cette pénurie de fonds assigne les chercheurs et les enseignants à une condition matérielle et psychologique de précarité.

  • 10 Ibid.

14 D’autre part, « gratuit » signifie aussi « bénévole », « volontaire », du moins jusqu’à un certain point, car nos raisons subjectives de travailler découlent d’un rapport variable entre nécessités impérieuses et vocation authentique. Ainsi, en faisant référence à la distinction marxienne entre le travail et la force-travail, on peut dire que fonctionner en tant que travailleur académique dans l’« Université Uber » implique à la fois le travail libre en tant qu’acte/produit non contraint, volontaire et créateur qui peut même être désaliénant par sa manière de traiter des aspects personnels, et le travail libre en tant que service productif non rémunéré et non réglementé10.

  • 11 Andrew Ross, Nice Work If You Can Get It: Life and Labor in Precarious Times, New York, NYU Press, (...)
  • 12 Sergio Bologna & Andrea Fumagalli, Il lavoro autonomo di seconda generazione. Scenari del postfordi (...)

15 Dans un tel contexte, de nombreuses enquêtes se sont appuyées sur l’observation des acteurs et sur des entretiens avec eux pour montrer les difficultés croissantes des enseignants confrontés à des responsabilités professionnelles qui effacent constamment les frontières entre le temps de travail et le temps libre, l’espace public-professionnel et l’espace privé...11. Alors que la production de travaux savants demande très souvent que des tâches soient accomplies en dehors des murs de l’université (par exemple, le travail de terrain, les approches in vivo, les engagements directs avec les objets d’étude), l’incorporation des technologies numériques et mobiles a permis de « domestiquer » notre profession, qu’il s’agisse de l’écriture d’études savantes ou de l’accomplissement de tâches administratives depuis son domicile12. La « domestication » relève ici à la fois d’une plus grande flexibilité et d’une plus grande informalité en ce qui concerne les heures de travail et l’investissement personnel ; en outre, les sujets « domestiqués » s’activent régulièrement sur la base d’une logique temporelle du genre « projet après projet » – une caractéristique déterminante de la gig economy.

16L’intériorisation de la domestication nous conduit fréquemment à moraliser ces services gratuits dans le cadre d’une soi-disant « économie du don ». Dans notre université, cela est exprimé par les rappels constants venant de l’administration à notre statut d’institution « au service des minorités », ce qui nous situe sur le terrain réel du travail gratuit tout en liant notre emploi à une vocation, ainsi qu’à des notions abstraites de « justice sociale », de « démocratisation de l’éducation » ou d’« engagement pour la communauté ».

17 Par exemple, dans nos expériences personnelles, les tendances actuelles à la baisse des inscriptions des étudiants se traduisent par des propositions visant à recruter « librement » des étudiants potentiels dans les communautés de lycéens qui ne peuvent pas se permettre de visiter notre département. Comme nous l’avons déjà mentionné, une telle situation crée une ambivalence dangereuse : combiner les valeurs authentiques d’engagement professionnel et communautaire avec les intérêts marchands d’une institution qui tire une grande partie de ses financements des frais de scolarité des étudiants, lesquels diminuent actuellement en raison de la baisse du nombre d’inscriptions.

18 En dépit des idéologies diffuses concernant le monde universitaire que nous venons de passer en revue, la réalité est que les « universités Uber » nous assignent également à une dure condition de précarité. Cela se produit, tout d’abord, en termes de relations de travail objectives et d’insécurité de l’emploi. Selon un rapport récent de l’Association américaine des professeurs d’université, plus de 40 % des postes actuels du corps professoral aux États-Unis sont à temps partiel, et plus de 70 % sont des postes non permanents, comprenant principalement des chargés de cours et des tuteurs à temps partiel. Deuxièmement, nous faisons l’expérience de l’impermanence psychologique et de l’intériorisation subjective de cette précarité qui résulte de l’incapacité constante à répondre aux attentes liées à l’emploi présent et à l’employabilité future. Par conséquent, le travail universitaire précaire conduit à un travail académique « gratuit » et même autofinancé, puisque la plupart des universitaires doivent compter sur leurs propres ressources pour reproduire les conditions d’emploi et d’employabilité attendues.

19 Si tel est bien le cadre structurel en ce qui concerne les conditions du travail universitaire et scolaire, nous devons maintenant nous concentrer plus spécifiquement sur les idéologies de la communication qui innervent l’essor de l’enseignement en ligne et qui, selon nous, expriment l’émergence contradictoire du gig labor dans l’uber academia.

Les pièges de la connectivité et de la connexité dans le discours sur l’apprentissage en ligne

20Il est impossible de ne pas voir à quel degré les mesures « anti-Covid-19 » ont affecté le travail universitaire. Nous pourrions nous pencher sur de nombreux aspects, mais nous avons choisi de nous concentrer sur la façon dont la migration abrupte des cours « en présence » vers les cours en ligne a affecté le travail universitaire. Notre thèse principale peut être résumée comme suit : l’enseignement tel que médiatisé par les TIC a impliqué deux processus de fétichisation liés mais distincts, rendus possibles l’un et l’autre par les notions, relevant des idéologies communicationnelles, de « connectivité » [Connectivity] et de « connexité »[Connectedness] .

  • 13 Jose van Dijck, Culture of Connectivity: A Critical History of Social Media, Oxford, Oxford Univers (...)
  • 14 Ibid., p. 24.
  • 15 Vincent Mosco, The Digital Sublime: Myth, Power and Cyberspace, Cambridge, MA-MIT Press, 2004.

21L’une des idées dominantes véhiculées par ces notions est l’idée de l’enseignement en ligne en tant que transmission d’informations. Les pratiques de communication renforcent cette logique par le biais d’une relation instrumentale censée faire le lien entre la connectivité « technologique » et la connectivité « sociale », cette dernière tendant à remplacer la première dans le discours13. Tout en se penchant sur le processus général de numérisation impulsé par le capitalisme contemporain, van Dijck utilise le terme de « connectivité » pour décrire une condition propice à la valorisation des réseaux des utilisateurs et des plateformes intermédiaires capitalistes. Ainsi, la connectivité consiste en « des formes automatisées de connexions conçues et manipulées d’une manière formalisée et méthodique » qui se sont rapidement « transformées en de sources précieuses de profits » ; en revanche, la connexité décrit un principe normatif opérant dans le social, qui capitalise une rhétorique de la relationnalité et de la communicabilité pouvant potentiellement « désorganiser les plateformes et réassembler la socialité »14. La connexité reflète cet élan utopique particulier, qui accompagne constamment l’émergence et l’introduction de nouvelles technologies15, et cela témoigne des espoirs réels quant à la façon dont la technologie numérique peut améliorer considérablement nos vies. Cependant, la mise au jour des relations de pouvoir innervant cet environnement en ligne prétendument neutre révèle une profonde asymétrie entre les deux aspects de l’« être-connecté », une asymétrie qui favorise les processus fétichistes globaux.

  • 16 James Carey, Communication as Culture. Essays on Media and Society, Chicago, Psychology Press, 1988

22D’une manière cruciale, la connectivité et la connexité représentent deux idéologies concurrentes de la communication (médiatisée)16. La connectivité tend à naturaliser la communication en tant qu’instrument de transmission, une ressource logistique qui réussit lorsque des informations utiles sont transportées d’un point/parole « A » à un point/parole « B » ; la connexité, en revanche, véhicule une idée et une pratique de la communication en tant que mise en œuvre constante de rituels communautaires d’intégration sociale, visant à produire et à re-produire une communauté structurée par des significations et des valeurs partagées.

23Dans l’enseignement en ligne, nous constatons une subsomption idéologique de la connexité sous la connectivité qui facilite un mouvement allant du processus de connaissance à la connaissance objectivée en tant que produit, c’est-à-dire fétichisée. L’éducation s’inscrit ainsi dans l’entreprise logistique de transmission de l’information plutôt que dans la constitution sociale de la connaissance. Un tel mouvement se produit lorsque des classes en ligne sont construites à partir de la conversion d’un format « frontal » et « magistral », transformant ainsi les relations sociales entre les personnes (c’est-à-dire l’enseignant et les apprenants) en relations sociales entre des modules et leurs interfaces associées – conférences enregistrées, messages, devoirs et notes. En conséquence, les expériences vécues co-construites sont dématérialisées puis rématérialisées par des images colorées sur des systèmes de gestion de l’apprentissage en ligne (LMS) tels que Blackboard ou Canvas. Il n’y a en fait aucune différence entre une capture d’écran inerte et le fonctionnement réel de la page du cours en ligne, car l’opération principale du fétichisme dans ce contexte est la cristallisation, la parcellisation et la plateformisation des relations analogiques en relations numériques.

24Ainsi, dans les différents cours que nous avons donnés en ligne, la relation pédagogique avec les étudiants a été presque entièrement réduite à des questions techniques de connectivité – c’est-à-dire à des problèmes d’accès au matériel de lecture/visualisation, de téléchargement de travaux ou de recherche de fiches. Notre tâche se réduit donc presque exclusivement à fournir une sorte de soutien informatique à la classe, ainsi qu’à être l’« arbitre » d’un cours qui fonctionne de facto comme un jeu de société, où il s’agit d’obtenir, ou de perdre, des points suivant un ensemble donné de règles appelées « syllabus ». Le fétichisme transforme les aspects interactifs et exploratoires de l’apprentissage en un jeu hautement stratégique de gestion des ressources – temps, points et contenu.

L’académie désorganisée : créer un « discours collectif ».

25En analysant à la fois la dynamique de l’enseignement en ligne et la constitution des sujets du travail académique, nous visons à montrer les manières dont la technologie opère d’abord et avant tout comme un dispositif organisationnel pour accroître l’exploitation, le contrôle et la coordination, tout en affectant par-là la façon dont le travail se produit et se compose en tant que réalité collective. En ce sens, la tradition marxiste italienne de l’opéraïsme a mis en évidence la dialectique entre, d’une part, les éléments aliénants et destructurants du processus de travail intensif du capital et, d’autre part, le potentiel politique non saturé des travailleurs vivants. La contradiction inévitable que les opéraïstes voyaient dans le processus de travail consiste dans le fait que, alors que le processus de travail a tendance à traiter le travailleur comme un objet matériel docile, il requiert néanmoins les capacités subjectives actives du travailleur pour fonctionner et pour exploiter efficacement la technologie incorporée dans le processus de travail.

  • 17 Stephen Stolzoff, « One Thing Millennials haven’t Killed: Labor Unions », in qz.com, 2018, https:// (...)
  • 18 Richard L. Trumka, « Can organized labor come back? », in Yale Insights, 2018, https://insights.som (...)

26Les penseurs opéraïstes comme Romano Alquati ont défini ces deux aspects comme deux composantes du processus de composition de la classe : d’une part, la composition technique en tant qu’organisation de la force de travail que façonne un processus de travail marqué par la technologie et par les techniques de gestion ; d’autre part, la composition politique en tant que capacité d’auto-organisation. À cet égard, les organisations syndicales ont récemment refait surface et se sont opposés à la gig academia et à sa précarité normalisatrice, et ont peut-être ouvert la voie à la mise en œuvre de l’idéal démocratique caché derrière l’idéal humboldtien qui structure les institutions des études supérieures17. Les enquêtes de Pew Research disponibles à ce jour (septembre 2021) montrent que 55 % de Nord-Américains ont une opinion positive des syndicats, avec un remarquable 40 % de Républicains partageant cette opinion18.

  • 19 Marco Briziarelli, « Spatial Politics in the Digital Realm: or the ProductiveTension Between Logist (...)

27Dans le domaine de l’éducation, ces dernières années ont été marquées par une sorte d’élan syndical, ayant conduit à la création de nouveaux syndicats par des étudiants diplômés de Harvard et de Yale, à la syndicalisation des enseignants dans des États comme l’Oregon, le Michigan, l’Illinois ou New York et, enfin et surtout, à des grèves réussies d’enseignants en Virginie occidentale, en Oklahoma ou en Arizona. Des efforts de syndicalisation émergent également dans d’autres domaines hautement précarisés de l’économie du spectacle. Les secteurs de la logistique et du transport dans de nombreux pays occidentaux, par exemple, témoignent de l’importance croissante des syndicats auto-organisés19.

  • 20 Ana Alakovska & Rosalind Gill, « De-westernizing creative labour studies: The informality of creati (...)
  • 21 Romano Alquati, Sulla Fiat e altri scritti, Milano, Feltrinelli, 1975, p. 81-103.

28Nous sommes conscients que cette dynamique n’est pas universelle20. Nous souhaitons en revanche avancer l’hypotrhèse selon laquelle, dans le cadre de la dynamique de la gig economy qui façonne actuellement le travail universitaire, l’organisation est devenue plus exigeante que jamais, dans le double sens de « nécessaire » et de « difficile ». Tout d’abord, pourquoi est-elle difficile ? Pour en revenir aux réflexions d’Alquati sur la dialectique de la composition technique et de la composition politique du travail, nous dirons que la raison principale de cette difficulté est que le capital tente de nous décomposer en tant que collectif, produisant ainsi des obstacles s’opposant à l’organisation21. En fait, le schéma spatial de la migration vers l’éducation en ligne à l’occasion des confinements et des mesures de restriction n’a fait qu’aggraver ce processus.

  • 22 Alberto Battaggia, « Mass worker and social worker: reflections on the "new class composition" », i (...)

29Enfin, dans le contexte du potentiel de décomposition et de désagrégation du « travail-à-distance » et de la normalisation de l’enseignement en ligne, qui s’est fortement intensifiée dans le contexte post-pandémique, nous revenons à la notion de composition sociale, brièvement mentionnée par Alberto Battaggia, laquelle vise la sphère sociale où la (dé-)composition technique peut se transformer en composition politique22. La raison pour laquelle nous pensons qu’il est important de s’approprier une telle notion ne consiste pas seulement dans le fait qu’elle amène à reconnaître que les travailleurs retrouvent les conditions de la composition politique à partir de l’ensemble de leur expérience de vie, c’est-à-dire en tant qu’ouvriers sociaux, mais aussi en ceci, qu’elle permet de voir que, dans l’après-Covid, la domestication de notre travail impose d’analyser les manières dont le temps de travail socialement nécessaire se superpose au temps disponible socialement nécessaire, et dont la sphère productive et le monde de la vie se constituent mutuellement.

30Dans l’optique de Battaggia et du collectif Noted from Below, reconnaître la composition sociale est nécessaire pour comprendre les schémas post-fordistes d’accumulation du capital. Mais il est clair que cette nécessité est devenue, dans la conjoncture Covid, qualitativement et quantitativement plus forte. Alors, comment ce contexte spécifique affecte-t-il le terrain de la composition sociale où le technique devrait se transformer en politique ? Nous ne sommes pas encore prêts pour répondre à ces questions, car cette dynamique est en train de se déployer au moment même où nous écrivons. En effet, la socialisation du travail universitaire présente, une fois de plus, une condition très contradictoire et fluide : le paradigme opéraïste de la socialisation du travail se transforme, assez paradoxalement, en domestication – depuis les murs de l’université jusqu’au retour vers la sphère privée et individuelle de nos foyers.

31Dans le contexte plus spécifique de la gig university, les changements que nous avons décrits tout au long de cet article nous amènent à plaider en faveur du « cybertariat » comme lieu potentiel où des conditions précaires partagées se rencontrent et peuvent être contestées. Le cybertariat est un sujet politique et un lieu de lutte où les impacts conjugués de la précarisation systémique, de l’intensification du travail, des cultures de l’audit, de la surveillance et de la gestion des performances, ainsi que les inégalités anciennes et nouvelles, sont rendus visibles et entendus comme des problèmes collectifs. Ainsi, reconnaître les façons de plus en plus courantes dont notre travail est décomposé – par la distance à la fois spatiale, structurelle et idéologique accrue qui sépare les travailleurs universitaires – peut constituer un premier pas important vers une recomposition efficace.

  • 23 Dylan Matthews, « Europe could have the secret to saving American unions », in Vox.com, 2017, https (...)

32Il est clair que tout cela est difficile à réaliser, notamment en raison des contraintes structurelles qui entourent l’organisation ; aux États-Unis23, le système est fait de telle sorte que les négociations collectives – là où elles sont autorisées – se déroulent généralement au seul niveau de l’entreprise plutôt qu’à l’échelle d’un secteur productif tout entier. Cela signifie que les négociations n’affectent les conditions de travail que dans une entreprise – ou une institution – isolée, et non les conditions de tous les travailleurs d’un secteur, qu’ils soient ou non syndiqués.

33Il n’est pas surprenant qu’une telle procédure incite les entreprises ou les institutions à mener des campagnes agressives contre les syndicats et leurs membres, puisque les gestionnaires et les administrateurs voient une corrélation directe entre le syndicat et le risque d’avoir à négocier les salaires et/ou les acquis sociaux. Dans notre propre expérience d’organisation, cette attente s’est traduite par une clandestinité auto-imposée qui nous a accompagnés pendant la plus grande partie du processus d’organisation, en atomisant paradoxalement les travailleurs dans des conversations individuelles et privées, plutôt qu’en présentant dès le début un projet public commun, largement partagé. Ces stratégies, selon nous, risquent de situer symboliquement les syndicats comme un élément extérieur à la structure universitaire, égoïste et subversif, plutôt que comme une composante naturelle de celle-ci, non seulement pour les administrateurs, mais aussi pour beaucoup de nos collègues. Un tel cadrage réduit clairement la possibilité de développer des alliances fortes et vastes au sein du corps enseignant, en faisant ainsi de l’ensemble du processus de recomposition une expérience lente, souvent frustrante et fragmentée.

  • 24 Th. Allmer, « Precarious, always-on and flexible: A case study of academics as information workers  (...)

34La négociation « au niveau de l’entreprise » décourage donc naturellement les grandes alliances au-delà d’un lieu de travail spécifique, ainsi que tout ce qui, selon Alquati, serait le signe d’une « intégration horizontale », d’une recomposition des différentes professions aspirant à une composition sectorielle plutôt qu’à la constitution de collectifs de travail au sein d’une même profession. Cependant, ce système peut également être utilisé pour nos objectifs, notamment en développant des alliances verticales qui reconnaissent non seulement les différentes expériences des différents types de facultés, mais également, comme le souligne Allmer, tous les autres types de travail dont nous dépendons pour accomplir nos tâches – administratif, technique, manuel – ainsi que, ajouterions-nous, ceux que nous sommes censés servir : nos étudiants et la communauté au sens large...24. Le moment « vocationnel » très puissant inscrit dans notre profil professionnel, ainsi que la prolifération des « marqueurs » universitaires qui englobent idéalement tous ceux qui sont affiliés à un établissement d’enseignement supérieur, peuvent ainsi contribuer à l’objectif de présenter les revendications du corps professoral, comme fondées non pas sur l’intérêt personnel, mais sur les besoins de toute une communauté. En ce sens, nous pouvons apprendre quelque chose des récentes grèves des enseignants en intégrant les figures avec qui nous partageons l’espace de travail, ainsi que nos étudiants, dans une vision de l’organisation comme moyen de garantir que l’université peut pleinement remplir sa mission.

35Une autre façon de créer des occasions pour discuter des formes d’anxiété avec nos collègues, en reconnaissant ainsi leur nature systémique, est d’être proactif en réaffirmant une sorte d’érudition lente comme mode de production des connaissances qui n’agit pas seulement sur le temps, mais aussi sur les structures de pouvoir25. En ce sens, « ralentir les choses » peut être l’occasion d’une recomposition à travers des interactions directes susceptibles d’aider à consolider une identité plurielle mais collective.

  • 26 Ibid.

36La lenteur de l’érudition signifie également réclamer plus de temps pour préparer et pour enseigner nos cours de premier cycle et nos séminaires d’études supérieures, pour collaborer à des initiatives communes/publiques – y compris celles qui ont recours aux TIC –, pour traiter, et pour aider nos étudiants à traiter, ce que nous lisons et faisons, tout cela en tant que « moment d’une lutte pour un enseignement supérieur accessible et pour la décolonisation de la connaissance, dans laquelle l’expérimentation, la créativité, les différentes épistémologies et la dissidence sont toutes valorisées et encouragées »26.

  • 27 Michelle A. Holling, « "You Intimidate Me" as a Microaggressive Controlling Image to Discipline Wom (...)

37En outre, à notre avis, la normalisation du « ralentissement » peut aussi faire partie d’une stratégie d’organisation qui reconnaît et agit sur le fait que, même au sein du cybertariat, il peut aussi y avoir d’importantes lignes de division, à commencer par la ségrégation croissante des femmes et des personnes de couleur dans l’enseignement en ligne. Un mouvement efficace doit donc reconnaître que, pour certains d’entre nous, il n’y a pas d’autre moyen que « d’y aller lentement », qu’il s’agisse de travailler régulièrement dans une langue étrangère (notamment l’anglais) ou de faire face au sexisme, à la discrimination fondée sur la capacité physique et au racisme qui prévalent dans le monde universitaire et qui exacerbent notre propre surveillance et celle des autres, en obligeant les personnes stigmatisées à se préparer de manière excessive pour des cours, des présentations de conférences ou même des tâches de service censées être « faciles »27.

38En fin de compte, la lenteur de l’érudition peut être mise au service de la création d’un espace pour les autres corps dans le contexte des « Universités Uber », ainsi que pour s’assurer que les stratégies institutionnelles, même lorsqu’elles sont développées au nom de la « diversité », n’exacerbent pas la logique de la « gig academy », mais refusent au contraire la psychologisation individuelle des réponses à un environnement académique structurellement toxique. Cela signifie, par exemple, qu’il ne faut pas se focaliser sur les comportements individuels qui se concentrent sur la réalisation d’un « équilibre entre vie professionnelle et vie privée » et sur d’autres formes d’autogestion et de soins personnels comme remède aux problèmes d’accablement. Cela signifie en revanche rallier et réunir le corps enseignant dans la lutte pour une « organisation différente de l’apprentissage, de l’enseignement, de l’écriture et du travail »28.

Plateformes du capital et plateformes de lutte

  • 29 Dipesh Kapoor & Choudry Aziz, Choudry, Learning from the Ground Up: Global Perspectives on Social M (...)
  • 30 Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, Hegemony and Socialist Strategy, London, Verso, 1985, p. 31.

39Notre principal objectif dans cette intervention est d’analyser de manière critique les conditions de travail des universitaires en relation avec les développements récents du capitalisme qui ont suivi l’urgence Covid 19. Par conséquent, nous avons évoqué la syndicalisation comme une réponse provisoire au dilemme consistant à s’impliquer dans les questions générales de justice sociale tout en défendant les droits des travailleurs d’un secteur particulier et ce, surtout lorsque l’identité de ce secteur repose largement sur la vocation, l’économie du don et le travail gratuit, et que « les coûts et les risques de la recherche ont ainsi été socialisés, tandis que les bénéfices de l’innovation ont été privatisés »29. La précarité, dans cette perspective, constitue une occasion pour intervenir dans le sens commun, en construisant les chaînes d’équivalence nécessaires30 entre toutes les différentes formes de travail qui composent une université afin que nous puissions être solidaires et exiger des conditions de travail décentes pour tous.

40Deuxièmement, notre intervention problématise également les récits récurrents sur la technologie (médiatique) et l’éducation, les TIC ne pouvant guère être célébrées comme un progrès sans réflexion ni comme une disruption qui ne rencontre pas de résistance. Nous nous sommes appuyés sur la tension entre la connectivité et la connexité pour exposer notre compréhension dialectique de la technologie numérique dans l’enseignement supérieur. Ainsi, nous soutenons que ce qui rend l’enseignement/apprentissage en ligne problématique, ce n’est pas les plateformes en ligne en soi, mais les relations de production dans lesquelles ces processus éducatifs prennent place.

41 Ce que la conjoncture Covid-19 montre, c’est que l’enseignement en ligne est là pour rester, et que sa valeur d’usage pédagogique ne peut être simplement superposée à sa valeur d’échange. Cependant, si nous ne pouvons pas le rejeter simplement, nous pouvons le retravailler, en changeant sa signification et les pratiques qui lui sont associées pour les dissocier des aspects les plus dysfonctionnels de la gig economy, en nous organisant pour changer les conditions dans lesquelles l’enseignement (en ligne) se déroule, et en rejoignant finalement la lutte générale contre le capitalisme.

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Notes

1 Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 dits « Grundrisse », traduit et édité par Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Éditions sociales, Paris, 2011, p. 660-662.

2 Mario Tronti, Ouvrier et capital (1966), traduit par Giuseppe Bezza et Yann Moulier, nouvelle préface par Andrea Cavazzini et Fabrizio Carlino, Genève, Entremonde, 2016.

3 Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, traduit par Monique Wittig, Paris, Seuil, 1968.

4 Nick Srniceck, Platform Capitalism, Cambridge, Polity Press, 2017.

5 Trebor Scholz, Uberworked and Underpaid: How Workers Are Disrupting the Digital Economy, Cambridge, Polity Press, 2017.

6 Henry A. Giroux, « The Corporate War Against Higher Education », in Workplace 5, October 2002, https://www.humanities.mcmaster.ca/~girouxh/online_articles/corporate_war.htm

7 Thomas Allmer, « Precarious, always-on and flexible: A case study of academics as information workers », in European Journal of Communication 33, (4), 2018, p. 382.

8 Gabriella Gutiérrez y Muhs, Yolanda Flores Niemann, Carmen G. González and Angela P. Harris (eds.), Presumed incompetent: The intersections of race and class for women in academia, Boulder, University of Colorado Press, 2012.

9 Tiziana Terranova, « Free Labour », in T. Scholz (ed.), Digital labour: The Internet as Playground and Factory, p. 33-57, New York, Routledge, 2013.

10 Ibid.

11 Andrew Ross, Nice Work If You Can Get It: Life and Labor in Precarious Times, New York, NYU Press, 2009.

12 Sergio Bologna & Andrea Fumagalli, Il lavoro autonomo di seconda generazione. Scenari del postfordismo in Italia, Milano, Feltrinelli, 1997.

13 Jose van Dijck, Culture of Connectivity: A Critical History of Social Media, Oxford, Oxford University Press, 2013.

14 Ibid., p. 24.

15 Vincent Mosco, The Digital Sublime: Myth, Power and Cyberspace, Cambridge, MA-MIT Press, 2004.

16 James Carey, Communication as Culture. Essays on Media and Society, Chicago, Psychology Press, 1988.

17 Stephen Stolzoff, « One Thing Millennials haven’t Killed: Labor Unions », in qz.com, 2018, https://qz.com/work/1399288/labor-unions-are-on-the-rise-for-people-under-age-35/. [Sur l’idée humboldtienne de l’Université comme forme-de-vie, cf. Andrea Cavazzini, « Figures de l’Université entre contingence et autonomie. Pour une archéologie des pratiques du savoir » et Alessandro Russo, « Destins de l’université », in Cahiers du GRM n° 14, OpenEdition, 2019, https://journals.openedition.org/grm/1340 ]

18 Richard L. Trumka, « Can organized labor come back? », in Yale Insights, 2018, https://insights.som.yale.edu/insights/can-organized-labor-come-back; · Pauline van Mourik Broekman, Gary Hall, Ted Byfield, Shaun Hides, Simon Worthington, Open Education: A Study in Disruption (Disruptions). New York, Rowman and Littlefield, 2015.

19 Marco Briziarelli, « Spatial Politics in the Digital Realm: or the ProductiveTension Between Logistics and Precarity », in Cultural Studies (4), 2018, p. 1-19.

20 Ana Alakovska & Rosalind Gill, « De-westernizing creative labour studies: The informality of creative work from an ex-centric perspective », in International Journal of Cultural Studies 22, (2), 2019, p. 195-212.

21 Romano Alquati, Sulla Fiat e altri scritti, Milano, Feltrinelli, 1975, p. 81-103.

22 Alberto Battaggia, « Mass worker and social worker: reflections on the "new class composition" », in Notes from Below, 2018, https://notesfrombelow.org/article/mass-worker-and-social-worker.

23 Dylan Matthews, « Europe could have the secret to saving American unions », in Vox.com, 2017, https://www.vox.com/policy-and-politics/2017/4/17/15290674/union-labor-movement-europe-bargaining-fight-15-ghent

24 Th. Allmer, « Precarious, always-on and flexible: A case study of academics as information workers », op. cit.

25 Alison MountzAnne BondsB. MansfieldJenna M. LoydJ. HyndmanMargaret Walton‐RobertsR. BasuR. WhitsonRobert HawkinsTrina HamiltonWinifred Curran, « For Slow Scholarship: A Feminist Politics of Resistance through Collective Action in the Neoliberal University », in ACME. An International Journal for Critical Geographies 14 (4), 2015, p. 1235-59, https://www.acme-journal.org/index.php/acme/article/view/1058.

26 Ibid.

27 Michelle A. Holling, « "You Intimidate Me" as a Microaggressive Controlling Image to Discipline Women of Colorado. Faculty » in Southern Communication Journal, 84, (2), p. 99-112, d2018, oi : 10.1080/1041794X.2018.1511748.

28 Alison MountzAnne BondsB. MansfieldJenna M. LoydJ. HyndmanMargaret Walton‐RobertsR. BasuR. WhitsonRobert HawkinsTrina HamiltonWinifred Curran, « For Slow Scholarship: A Feminist Politics of Resistance through Collective Action in the Neoliberal University », op. cit., p. 1248.

29 Dipesh Kapoor & Choudry Aziz, Choudry, Learning from the Ground Up: Global Perspectives on Social Movements and Knowledge Production, Berlin, Springer, 2010.

30 Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, Hegemony and Socialist Strategy, London, Verso, 1985, p. 31.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marco Briziarelli et Susana Martínez Guillem, « Vagues de luttes dans le travail. Décomposition et recomposition des pratiques de recherche dans les Universités »Cahiers du GRM [En ligne], 20 | 2022, mis en ligne le 06 décembre 2022, consulté le 09 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/grm/3898 ; DOI : https://doi.org/10.4000/grm.3898

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Auteurs

Marco Briziarelli

Professeur à l’University of New Mexico

Susana Martínez Guillem

Professeure à l’University of New Mexico

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

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