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Dossier

Femmes, féministes et universités populaires en Belgique avant 1914

Women, feminists and popular universities in Belgium before 1914
Marie-Thérèse Coenen
p. 31-51

Résumés

À l’instar de la France, la Belgique connaît dès 1900, une vague de création d’universités populaires dont l’objectif est d’aller vers la classe ouvrière pour rencontrer les aspirations sociales émergentes. Dès le début, des femmes sont parties prenantes du processus, tant dans la création des UP, dans leur développement que leur organisation. La préoccupation de la formation des femmes adultes est présente mais privilégie souvent une approche traditionnelle des rôles sociaux attendus des hommes et des femmes. Pourtant, la plupart des UP invitent à leur tribune des conférencières dont plusieurs sont des féministes notoires. Celles-ci ont presque toutes été formées dans les cours d’Isabelle Gatti de Gamond. Elles poursuivent leurs études supérieures à l’Université libre de Bruxelles et sont affiliées aux associations féministes existantes. Leurs contributions aux UP répond à un projet politique et culturel : faire partager à un large public la compréhension du statut inégalitaire des femmes dans la société et les justes revendications féministes.

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Texte intégral

  • 1 Françoise Têtard et al, « De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, un siècle d’éducation popula (...)
  • 2 Cité par Lucien Mercier, Les universités populaires : 1899-1914. Éducation populaire et mouvement (...)
  • 3 Ibid. p. 59.

1À la fin du dix-neuvième siècle, un vaste mouvement d’éducation populaire se déploie en France. Secouée et divisée par l’Affaire Dreyfus, la société française est traversée par une crise morale et politique. L’éducation du peuple s’impose comme une urgence sociale. Cette volonté d’aller vers le peuple, de l’éclairer par la raison et la science pour l’aider à comprendre la société dans laquelle il évolue, mobilise des publicistes, des intellectuels, des bourgeois libéraux ou cléricaux, mais également les cadres des organisations ouvrières naissantes, préoccupés par la formation intellectuelle de leurs militants. L’archétype de cette intention pédagogique, de cette éducation ouvrière, populaire, politique ou sociale – le terme n’est pas encore fixé – est l’université populaire (UP)1. Malgré ou grâce à l’ambiguïté sur l’ambition émancipatrice de ces UP, à propos desquelles leur initiateur en France jugeait que « faute de direction et d’initiation intellectuelle, faute de source où satisfaire sa soif de savoir, le jeune travailleur peut tomber dans les plus grossières erreurs que sont les doctrines simplistes du socialisme et de l’anarchie »2, l’essor est fulgurant. Entre 1899 et 1914, 222 universités populaires sont créées en France3, mais le mouvement gagne aussi l’Europe : l’Italie, la Pologne, la Russie, la Suisse, en s’adaptant chaque fois aux contextes nationaux.

  • 4 Gaston Chotiau, « Les universités populaires », Rapports préliminaires. Congrès international de l (...)
  • 5 Maurice De Vroede, « Hoegeschooluitbreidingen en volksuniversiteiten », in Maurice De Vroede (coor (...)

2La Belgique n’est pas en reste. La première université populaire, L’Éducation mutuelle, ouvre ses portes le 27 décembre 1900 à Schaerbeek, dans les faubourgs de Bruxelles, la seconde, Le Foyer intellectuel de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, six mois plus tard. Elles sont une dizaine en 1902, vingt-cinq en 1904, quarante-cinq en 1908 et cinquante-quatre en 19104. Elles s’installent dans et autour de Bruxelles, Nivelles, Liège, Louvain, Gand et Anvers et dans la province du Hainaut5. En 1951, Alexis Noël, fondateur du Foyer intellectuel, évoque l’élément déclencheur du mouvement en Belgique :

  • 6 Alexis Noël, « L’esprit upéiste », Le Foyer intellectuel, 1901-1951, Célébration du 50e anniversai (...)

« contrairement au mouvement français, ce n’est pas l’Affaire Dreyfus, mais plutôt des jeunes intellectuels préoccupés par les soubresauts de la poussée ouvrière vers un mieux-être […] visant à élever le niveau intellectuel et social des classes laborieuses »6.

  • 7 Mundaneum, papiers Henri Lafontaine, conférence sur l’organisation mondiale – parlement – justice  (...)
  • 8 Archives de la Ville de Bruxelles (AVB), fonds Ligue de l’enseignement, 1909 A, 607.

3Une première rencontre est organisée à Saint-Gilles en 1905 à l’occasion de la millième conférence du Foyer intellectuel7. Plusieurs UP s’affilient à la Commission des œuvres postscolaires de la Ligue belge de l’enseignement, association libérale et laïque fondée en décembre 1864 pour la défense de l’enseignement public obligatoire. En 1909, une Fédération nationale des universités populaires voit le jour8.

  • 9 Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, Introduction, (...)
  • 10 Le Foyer intellectuel, commémoration du XXe anniversaire de sa fondation, Bruxelles, 1922, p. 27. (...)
  • 11 L’Université populaire. Bulletin des universités et conférences populaires, des extensions univers (...)
  • 12 La lutte de la femme contre l’alcool. Conférence de Mlle Parent à l’université populaire L’Éducatio (...)
  • 13 Éliane Gubin, « Home, sweet home : l’image de la femme au foyer en Belgique et au Canada avant 191 (...)
  • 14 Claudine Marissal, Mères et pères. Le défi de l’égalité. Belgique 19e-21e siècle, Bruxelles, Insti (...)

4Dans cette expérience des UP, l’historiographie s’est longtemps focalisée sur les hommes, cible privilégiée des UP en tant que citoyens et travailleurs. Les femmes ne semblent pas concernées : exclues de l’espace politique, leur présence dans la sphère économique serait considérée comme temporaire. Néanmoins, comme le rappelle Michelle Perrot, « c’est le regard qui fait l’Histoire […], au cœur de tout récit historique, il y a la volonté de savoir. En ce qui concerne les femmes, elle a longtemps manqué »9. Les universités populaires n’échappent pas à cette invisibilité des femmes. Aussi mettre la focale sur la contribution des femmes permet de revisiter cette histoire. Certaines UP s’intéressent à l’éducation des femmes : leurs statuts affichent la volonté de « préparer l’égalité sociale des deux sexes par le développement moral et intellectuel de la femme »10. Elles insistent sur leur approche généraliste et expriment leur ambition de s’adresser à un public sans distinction de sexe. « Instruire et émanciper la femme, il n’y a pas de tâche plus féconde », déclare Jules Destrée, figure du Parti ouvrier belge11. Les activités proposées s’adaptent à l’âge du public pour les filles comme pour les garçons : les enfants ont des matinées récréatives mixtes, les jeunes gens et les jeunes filles se retrouvent dans des cercles et des amicales. Pour autant, les rôles sociaux ne paraissent pas remis en cause : le but affirmé est de préparer les jeunes filles à leur rôle d’épouse et de mère, en même temps que d’apprendre à se débrouiller dans la vie. Pour les femmes adultes, la formation dispensée est centrée sur leur rôle d’éducatrice, de ménagère maîtrisant les principes d’hygiène et de gestion du ménage. Ces compétences sont jugées indispensables pour élever la condition morale et matérielle de la classe ouvrière, pour faire du foyer un lieu de vie agréable pour les enfants et garder le mari loin du milieu néfaste du cabaret12. « Cheval de bataille du conservatisme social en 1886 », observe Éliane Gubin, « ce modèle pénètre toutes les classes de la société »13. Le mouvement socialiste et la bourgeoisie libérale s’y rallient. D’après leurs programmes, les universités populaires, qui se situent à l’intersection de ces deux milieux, contribuent dans leur projet d’éducation des femmes adultes à renforcer le stéréotype de la ménagère parfaite et de la consommatrice responsable de la gestion du budget ouvrier14.

5Pourtant, ces UP voient s’impliquer, notamment en tant que conférencières, des militantes revendiquant un engagement féministe dont le sens, en ce début du XXe siècle, mérite attention. Comment ces militantes s’investissent-elles dans des institutions, les UP, dont le projet en matière d’éducation/formation des femmes adultes reste plutôt traditionnel ? Le féminisme revendiqué est-il nécessairement émancipateur et contradictoire avec le projet des UP, lui-même plus hétérogène qu’il ne s’affiche ?

  • 15 Maurice De Vroede, « Hoogeschooluitbreidigen en volksuniversiteiten », op. cit., p. 274-275.
  • 16 Carole Christen, Laurent Besse (dir.), Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945, perspectives (...)
  • 17 Laura Mougel, « L’université populaire nancéienne : les caractères originaux d’une expérience lorr (...)
  • 18 Agnès Sandras, « Les femmes dans les bibliothèques populaires, une présence volontairement oubliée (...)
  • 19 Mélanie Fabre, « Marie Baertschi-Fuster, une intellectuelle et une éducatrice au service du Progrè (...)
  • 20 Mélanie Fabre, « Éduquer pour la république, Jeanne Desparmet-Ruello, une intellectuelle au temps (...)
  • 21 Mélanie Fabre, Dick May, une femme à l'avant-garde d'un nouveau siècle, Rennes, Presses universita (...)
  • 22 Mélanie Fabre, « Éduquer pour la république », art. cit., p. 116.

6L’enjeu de la mise en évidence du rôle des femmes et de leurs objectifs est d’autant plus fort que, pour la Belgique, les travaux sur le mouvement upéiste, qui se développent à partir des années 1970, y accordent peu d’intérêt. Quand Maurice De Vroede, professeur et responsable du séminaire d’histoire de la pédagogie à la faculté de psychologie et de sciences de l’éducation de la Katholieke universiteit van Leuven (KUL), lance un vaste programme de recherche sur le mouvement d’éducation populaire pour adultes en Belgique aux XIXe et XXe siècles, il observe que « les universités populaires ont surtout été un mouvement d’éducation populaire qui a développé des activités dans différents champs dont la cible était les ouvriers, mais dont l’action a essentiellement touché le monde des employés, des fonctionnaires, des enseignants, la petite bourgeoisie et des artisans ou des travailleurs qualifiés »15. Il n’est guère question des femmes et, depuis, le terrain est resté en jachère. Au contraire, en France, de nouvelles recherches revisitent ce champ de l’éducation populaire initialement abordé par Lucien Mercier. Un colloque sur l’histoire de l’éducation populaire organisé en 2015 par Laurent Besse et Carole Christen16 a vu trois contributions porter sur les universités populaires de Nancy, de Besançon et sur l’UP Garibaldi à Bologne17. Ces textes montrent l’intérêt de nouvelles monographies où l’analyse de genre est encouragée. Dans un domaine très proche des UP, les bibliothèques publiques, Agnès Sandras met la focale sur les femmes bibliothécaires. Elle évoque la difficulté de saisir leur présence et l’omission systématique de leur contribution au développement du réseau de la lecture publique18. Mélanie Fabre, quant à elle, est partie sur les traces de pionnières, fondatrices d’universités populaires, souvent évoquées par les contemporains et par les historiens, mais largement méconnues, à l’image de l’enseignante Marie Baertschi-Fuster19 présente dans près de onze groupements à Paris et en banlieue, ou de celui de Jeanne Desparnet-Ruello20, présidente et fondatrice de l’université populaire de Lyon, voire de Dick May21, grande figure intellectuelle davantage étudiée, aux engagements multiples et qui est à l’initiative de l’UP La Solidarité à Paris. Au-delà de l’activité qu’elles ont pu déployer, Mélanie Fabre retrace leur trajectoire militante, analyse leur vision de l’éducation populaire, l’originalité de leur projet social et éducatif « qui fait naturellement de la question des femmes, un enjeu important de la pensée politique »22.

  • 23 Ewa Marynowiez-Hetka, Françoise Laot, « Éducation des adultes et progrès social selon Helena Radli (...)
  • 24 Joëlle Droux, « Marguerite Champendal : entrepreneure en santé et pionnière de l’éducation des fem (...)

7Cette participation de figures féminines aux universités populaires n’est pas une exception française. Parmi les plus engagées dans l’éducation des femmes adultes à cette époque, plusieurs occupent cette tribune : Helena Radlińska dans les universités populaires patriotiques en Pologne23 et la médecin Marguerite Champendal avec un cycle de cours d’hygiène pour dames à l’université populaire de Genève, dès 190224.

  • 25 Marie-Thérèse Coenen, Le Foyer intellectuel, une université populaire à Saint-Gilles, Bruxelles, 1 (...)

8Revisiter l’histoire des UP au prisme du genre en croisant l’approche biographique renouvelle les perspectives d’analyse de ce vaste mouvement d’éducation populaire qu’ont été les universités populaires, pour les hommes, mais aussi pour et par des femmes. Notre étude sur Le Foyer intellectuel, UP établie à Saint-Gilles-lez-Bruxelles en 1901, a montré une présence et un déploiement de l’activité de femmes, à tous les niveaux de l’organisation tandis qu’à sa tribune, des féministes contemporaines se succèdent25. Il importe pourtant d’interroger les objectifs de cet engagement féministe dans le cadre du projet inégalement émancipateur des UP.

  • 26 Maurice De Vroede, Bijdragen tot de geschiedenis van het pedagogisch leven in Belgie in de 19de et (...)

9Les programmes de la cinquantaine d’UP actives en Belgique entre 1900 et 1914 permettent de mener cette enquête. Notre corpus repose sur des monographies souvent non publiées, des rapports d’activités et des périodiques26, soit plus de vingt-cinq titres y compris le Bulletin des Universités et conférences populaires, des extensions universitaires, des associations d’anciens élèves, des amicales et en général des œuvres postscolaires d’enseignement et d’éducation sociale de la Province du Hainaut, qui rend compte des activités de plus de quinze UP. Leur conservation est très inégale. Elles concernent essentiellement les UP de la région bruxelloise et du Hainaut, mais même pour ces deux régions, certaines n’ont laissé aucune trace connue à ce jour.

10L’examen des publications et des programmes des UP belges confirme une participation de femmes et de féministes à différents niveaux. Notre hypothèse est que ces féministes trouvent au sein des universités populaires un public et un milieu laïque, neutre sur le plan politique, a priori favorable à leurs positions et revendications. Elles sortent ainsi du cercle restreint des personnes convaincues du bien-fondé de leur cause.

11À partir du cas du Foyer intellectuel de Saint-Gilles, cet article reviendra sur la présence des femmes dans des UP belges, avant de s’intéresser plus particulièrement aux cas des conférencières.

I. Le Foyer intellectuel de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, entre ouverture aux femmes et projet féministe

  • 27 Congrès international de l’éducation populaire organisé par la Ligue belge de l’enseignement du 30 (...)
  • 28 Gaston Chotiau, « Les universités populaires », op. cit, p. 209.
  • 29 Cercle d’histoire de Saint-Gilles, fonds Le foyer intellectuel, no 7, statistique, liste des profe (...)

12Alors que les UP belges se développent et nouent des contacts au-delà des frontières à l’occasion des congrès internationaux comme celui qui se tient à Bruxelles en 191027, l’exemple de l’UP de Saint-Gilles-lez-Bruxelles montre que les femmes apportent leur contribution au développement du Foyer intellectuel. Le public de celui-ci est largement féminin et deux femmes font partie du noyau fondateur. Au congrès international de 1910, Gaston Choteau, membre de la Ligue belge de l’enseignement et de plusieurs UP, président de la Fédération nationale des universités populaires, signale que le public des UP est, à de rares exceptions près, « composé de petits bourgeois, d’employés et de beaucoup de femmes »28. Au Foyer, en 1913, les épouses des membres sont 259 (sur 1 350 affiliés) et le comité insiste auprès de celles qui participent aux activités pour qu’elles contribuent davantage aux frais de l’association. Ce ne sont pas nécessairement des femmes au foyer. L’enquête menée en 1914 sur les professions des membres recense trois infirmières, une dame de compagnie, une pédicure, une cravatière, une maroquinière, trente-six tailleuses, neuf modistes, une fleuriste, une costumière, deux gantières, deux giletières, une chemisière, une pelletière, une brodeuse, une lingère, une téléphoniste, une télégraphiste, des employées, des enseignantes, un professeur de coupe. Près de la moitié des femmes composant l’effectif, soit 132 personnes, sont dites sans profession, ce qui désigne probablement des femmes au foyer de la petite et moyenne bourgeoisie, les rentiers et les pensionnés étant classés dans les professions29. La diversité est patente, et situe principalement ces femmes dans les classes moyennes urbaines. Celles qui travaillent sont salariées ou indépendantes ; elles exercent des métiers à domicile, en atelier ou ont des professions intellectuelles (fonctionnaires, enseignantes, employées).

  • 30 Le Foyer intellectuel, 1er octobre 1906, p. 9
  • 31 « La rentrée », Le Foyer intellectuel, 1er octobre 1907, p. 9.
  • 32 Émile Gilson, L’art maternel : conseils aux jeunes femmes et aux jeunes mères, Paris-Bruxelles, L’ (...)

13La plupart des activités proposées par le Foyer sont mixtes, mais certaines sont réservées aux femmes adultes : l’enseignement ménager et le cours d’hygiène. Émile Gilson, médecin et conférencier régulier au Foyer, propose en octobre 1906 un cycle de conférences d’art maternel. Il hésite sur le titre à donner : l’art d’élever hygiéniquement les enfants, l’art d’être une bonne mère ou plus simple, l’art maternel30. Réservé aux seules femmes âgées de plus de dix-huit ans, ce cours, selon l’annonce du programme publiée par l’UP, « vise à lutter contre les erreurs, les préjugés, les vieilles coutumes, les méthodes surannées, mettre en garde les intéressées contre les conseils de bonnes femmes, toujours dangereux ; apprendre à la jeune fille à se connaître, lui montrer en pleine lumière ce qu’est la maternité ; lui exposer les phénomènes de la vie, en suivre toutes les phases, toutes les étapes depuis sa prime origine jusqu’à sa formation complète »31. Ainsi présenté, ce cours paraît osciller entre ambition moralisatrice et promesse d’autonomie. Dès l’ouverture, plus de cent participantes suivent de manière assidue ces leçons qui seront programmées chaque année. Le public vient de Saint-Gilles, mais aussi des autres communes bruxelloises. En 1910, le docteur Gilson complète son cours avec un cycle sur l’art infirmier réservé aux femmes adultes et un cours d’hygiène ouvert à tous. Il publie un syllabus régulièrement réédité et largement diffusé32.

14À côté de formations à finalité domestique, le Foyer propose aussi des formations professionnelles qualifiantes mixtes comme un cours de sténographie, de comptabilité ou l’apprentissage de l’esperanto et, cette fois uniquement pour les femmes, un cours de coupe qui correspond au profil professionnel d’une partie de ses membres. Dans le domaine de la santé et du bien-être, une section gymnastique pour dames est ouverte à leur demande ainsi qu’un cours de natation. Les UP répondent ainsi aux évolutions contemporaines qui touchent la petite bourgeoisie.

  • 33 Elsa Roland, « Isabelle et Zoé Gatti de Gamond et l’éducation libérale des femmes en Belgique au X (...)
  • 34 Marie Popelin (1846-1913), enseignante, collaboratrice d’Isabelle Gatti de Gamond, première docteu (...)

15Le Foyer invite pour ses conférences des personnalités ayant une compétence reconnue et une certaine notoriété, des hommes majoritairement, mais aussi des femmes. Ces conférencières sont professeures, médecins, journalistes, écrivaines, musiciennes, généralement spécialistes du sujet traité. Dès le début, des féministes notoires occupent la tribune. Ainsi, Isabelle Gatti de Gamond33 fait une conférence sur l’histoire de l’éducation populaire tandis que Marie Popelin34 dresse le tableau des droits des femmes. Mathilde Matthys, responsable du bulletin du Foyer, fait ce commentaire :

  • 35 M.M., « Les conquêtes du féminisme », Le Foyer intellectuel, 15 novembre 1906, p. 112.

« Le Foyer, chacun le sait, est féministe et souhaite que la série de conférences, inaugurée par Mademoiselle Popelin, amène à la cause de nouvelles sympathies, éveille l’intérêt des intéressées et concoure à l’avènement de l’égalité légale des deux sexes »35.

  • 36 Le Foyer intellectuel, 1er août 1910, p. 397-398.

16Cette « fidèle collaboratrice », qui gère le bulletin du Foyer intellectuel de 1904 à 1914, rédige un grand nombre de comptes rendus. Ses propos reflètent souvent un positionnement favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes, réclamant parfois explicitement la progression des droits des femmes. Après le cycle de cours de 1909 consacré à « La femme à travers les âges », le conseil académique du Foyer lui attribue le titulariat de conférences sur l’actualité féministe36. L’université populaire de Saint-Gilles semble être un milieu ouvert à un public féminin, se souciant de proposer aux femmes des cours réguliers susceptibles de les intéresser, et le plus souvent conformes aux représentations de genre en vigueur à l’époque. Les conférences, en revanche, abordent les questions féministes contemporaines : revendications d’égalité, législation du travail et du code civil, droit de vote, salaires et revenus, droit à l’éducation, etc.

II. Des femmes aux origines d’UP belges

17Contrairement à l’image qui a été véhiculée par l’historiographie jusqu’à récemment, des femmes connues pour leur engagement féministe s’investissent dans la création d’universités populaires. Leur engagement correspond à un milieu et une expérience partagés, ainsi qu’à un véritable projet politique.

1. Une matrice commune

  • 37 Olivier Fillieule, Patricia Roux (dir.), Le sexe du militantisme, Paris, Presses de la Fondation n (...)

18L’implication fondatrice des femmes est avérée pour L’Éducation mutuelle (Schaerbeek), pour le Foyer intellectuel (Saint-Gilles), pour l’UP de Saint-Josse-ten-Noode (1902), mais c’est le cas également pour l’UP L’Émancipation (Maison du Peuple à Bruxelles) et l’UP L’Évolution (Ixelles) ou à Anvers. Leur présence, à peine soulignée, est pourtant rarement évoquée par la suite dans les récits mémoriels sur les origines des UP. Olivier Fillieule et Patricia Roux, s’interrogeant sur l’engagement des militantes dans le mouvement ouvrier, soulignent cette invisibilité des femmes à trois niveaux : dans les luttes où les hommes occupent rapidement le devant de la scène, dans le récit historique construit par les organisations et par une tradition de recherches en sciences sociales peu sensible, jusqu’il y a peu, aux rapports de genre dans les collectifs militants37. Cette analyse convient aussi au mouvement des universités populaires.

  • 38 Cité par Mélanie Fabre, Dick May…, op. cit., p. 43.

19Comme elles occupent rarement les fonctions de représentation, repérer les femmes demande une lecture attentive des sources. Mélanie Fabre souligne cette difficulté inhérente aux recherches sur les femmes. Non seulement elles ont laissé peu de traces, mais leur invisibilité s’avère parfois être une stratégie assumée. Dick May, par exemple, se cache derrière un pseudonyme et maintient la confusion de genre : « moi, vous voyez […] je ne suis que secrétaire général, un poste subalterne et accordé au masculin »38.

  • 39 « La première université populaire en France », Revue de l’Université de Bruxelles, 1900, vol. 5, (...)
  • 40 Revue de l’Université de Bruxelles, mars 1901, vol. 6, p. 475.
  • 41 Ibid., p. 476.
  • 42 Luc Couvreur, De Volksuniversiteit te Schaerbeek, mémoire de licence KUL, Louvain, 1977, p. 39 et (...)
  • 43 Anne Devos, « Portrait d’une femme engagée. Louise De Craene-Van Duuren (1875-1938) », Sextant, re (...)
  • 44 Louise Van Duuren, Le sentiment et l’acte volontaire, thèse de doctorat en philosophie, Université (...)

20Le récit des origines de l’Éducation mutuelle est exemplaire de ces caractéristiques. Cette UP de Schaerbeek remonte à 1900, quand paraît dans la revue étudiante de l’Université libre de Bruxelles (ULB) un article sur l’inauguration de l’UP La Coopération des idées au faubourg Saint-Antoine, à Paris39. Le projet intéresse « un groupe d’étudiants »40 qui décide de lancer une œuvre d’éducation analogue aux universités populaires françaises. Louise et Jeanne Van Duuren en font partie. La première Soirée d’éducation mutuelle se déroule le 27 décembre 1900. Les débuts sont modestes avec une conférence par semaine donnée par les étudiants et les étudiantes souvent sur la base des cours qu’ils et elles suivent eux-mêmes. Louise Van Duuren, à la demande d’un ouvrier, prépare un exposé sur l’hygiène du logement41. Très vite, les Soirées rassemblent 50 à 60 participants réguliers. L’Éducation mutuelle est sur les rails42. Présente dès l’origine, Louise Van Duuren devient une figure de proue du féminisme radical belge, mais sa biographe évoque à peine sa contribution aux UP43. En 1900, à 25 ans, elle est enseignante à la Ville de Bruxelles et vient de soutenir son doctorat en philosophie et lettres44. Son engagement social est rappelé à sa mort en 1937 :

  • 45 Germaine Hannevart, « In mémoriam », Bulletin annuel de la Fédération belge des femmes universitai (...)

« Elle partage le fougueux enthousiasme qui soulevait alors la jeunesse estudiantine : elle veut aller vers le peuple, apporter à tous le privilège de la connaissance, elle rêve d’instruire les masses et collabore la toute première, à la création d’Universités populaires qui s’ouvrent successivement à Schaerbeek, en 1901, puis à Saint-Josse [1902], à Molenbeek, à Etterbeek et dans les villes et villages de province. Louise Van Duuren est partout, infatigable, organisatrice et conférencière, au besoin même mécanicien, transportant et mettant au point la lanterne de projection »45.

  • 46 Cahiers féministes, 15 février 1902, p. 4 et 15 mars 1903, p. 8.

21Sa sœur Jeanne, de deux ans sa cadette, se tient à ses côtés et termine son doctorat en chimie à l’ULB. Ensemble, elles fondent en 1902 une autre UP à Saint-Josse-ten-Noode, commune bruxelloise où elles résident. Les Cahiers féministes évoquent à plusieurs reprises le dynamisme des sœurs Van Duuren dans les UP46.

  • 47 Marie-Thérèse Coenen, op. cit ; Ann Van der Wee, De volksuniversiteit te Sint-Gillis, 1901-1914, m (...)
  • 48 Alexis Noël (1875-1957), membre actif de la Ligue belge de l’enseignement, est élu conseiller comm (...)
  • 49 Mundaneum, Papiers Henri La Fontaine, 301/3, correspondance entre Henri La Fontaine et Alexis Noël (...)
  • 50 Cahiers féministes, 1er mars 1902, p. 6-7.

22Au Foyer intellectuel de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, on retrouve un engagement féminin et souvent féministe. Cette UP ouvre ses portes le 27 juin 190147. Depuis le mois d’avril, Alexis Noël48, jeune avocat, ancien étudiant à l’Université nouvelle de Bruxelles et secrétaire de l’Extension universitaire de cette université49, rassemble autour de lui un premier cercle d’une quinzaine de personnes, dont deux institutrices, Lucie Berleur et Hélène Moreau. La première est membre du comité directeur et responsable d’une section jeunesse, l’Amicale des jeunes filles50, qu’elle coanime avec Hélène Moreau. Cette dernière est chargée également d’organiser la future bibliothèque et, avec Alexis Noël, d’établir la programmation des cours.

  • 51 AVB, Dossiers du personnel de l'instruction publique, lettre M (13), Moreau H.
  • 52 Michèle Stessel, op. cit. ; Maurice De Vroede, « Hoegeschooluitbreidingen en volksuniversiteiten » (...)
  • 53 Hélène Moreau, « Quelques expériences psychopédagogiques », Revue de l’Université libre de Bruxell (...)
  • 54 Bulletin communal de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, 1913, p. 96.

23Les parcours de ces deux femmes sont longtemps restés mal connus. Hélène Moreau est enseignante à la Ville de Bruxelles depuis 189251. Comme beaucoup de jeunes enseignantes52, elle suit à l’extension universitaire de l’ULB un cours de psychologie de l’éducation. Son travail de fin de cycle réalisé auprès de ses élèves, qu’elle présente au Foyer en 1901, est publié dans la revue de l’université53. Dans la foulée, elle s’inscrit comme étudiante de plein exercice en psychologie à l’ULB en 1900-1901 et en 1904-1905, ce qui explique sans doute son éloignement du Foyer intellectuel à partir de ce moment. Lucie Berleur, institutrice, anime pendant de nombreuses années l’Amicale des jeunes filles. Elle enseigne dans les écoles communales de Saint-Gilles où elle est nommée en 1913, sous son nom de femme mariée, Lucie Mattheys-Berleur54. Elle forme un couple upéiste avec Ch. Mattheys, administrateur depuis 1905 au Foyer.

  • 55 Isabelle Gatti de Gamond (1839-1905). Cf. Elsa Roland, « Isabelle et Zoé Gatti de Gamond et l’éduc (...)
  • 56 École de préparation à l’enseignement. Le cours supérieur prépare à l’examen du jury central, titr (...)
  • 57 Cahiers féministes, 1er mars 1902, p. 7.
  • 58 La Ruche, anciennement association des régentes sorties de la section normale moyenne de Bruxelles (...)

24Les sœurs Van Duuren, Hélène Moreau et Lucie Berleur ont comme point commun d’avoir suivi l’enseignement d’Isabelle Gatti de Gamond55, que ce soit l’école moyenne pour institutrices, le régendat et/ou le Cours supérieur56. Trois sont enseignantes, seule Jeanne Van Duuren, encore étudiante, termine son doctorat en chimie en 1903. Elles sont également membres de La Ruche, qui est une association de type professionnel (mutuelle, bourse du travail, bibliothèque, Soirée populaire et conférences). Ainsi, en 1900, Lucie Berleur est secrétaire de l’association et active dans le comité d’extension et de propagande57. Hélène Moreau s’occupe de la Société de secours mutuels pour femmes créée en mai 1901. Louise Van Duuren apporte régulièrement son soutien financier. Avec ses conférences hebdomadaires, La Ruche devient rapidement un véritable centre intellectuel pour ces jeunes femmes58. Isabelle Gatti de Gamond qui anime souvent ces conférences, écrit ainsi dans les Cahiers féministes :

  • 59 Isabelle Gatti de Gamond, « Les devoirs civiques des femmes », Cahiers féministes, 1er novembre 19 (...)

« Mes chères compagnes […]. Beaucoup s’imaginent que le temps de s’instruire finit avec les années d’école. C’est une grave erreur ; l’école nous donne seulement les outils pour le travail futur de notre esprit. […] Instruisons-nous par le livre, par la parole, pour vous-mêmes et aussi en vue du bien qu’il est donné d’accomplir à un esprit éclairé »59.

  • 60 Rapport d’activités de l’association La Ruche, [1902], p. 4.
  • 61 Isabelle Gatti de Gamond, « Réunions amicales de Bruxelles », Cahiers féministes, 15 mars 1903, p. (...)
  • 62 Assemblée générale du Foyer intellectuel du 14 juillet 1906, « Rapport de l’administrateur des Ami (...)

25Chaque année, La Ruche soutient moralement et financièrement les cours de l’extension universitaire et les universités populaires où plusieurs de ses membres sont actives60, mais ce sont les Soirées populaires destinées aux jeunes ouvrières, rapidement rebaptisées « Les Réunions amicales (cercles d’ouvrières) » qui mobilisent leurs efforts. Celles-ci sont censées non seulement favoriser la rencontre entre jeunes femmes de classes différentes, mais aussi procurer aux jeunes ouvrières de saines distractions tout en les instruisant et les éduquant avec une pédagogie adaptée. Idéalement, elles doivent alterner les cours et causeries instructives, les activités de loisirs (gymnastique, excursions, séjour à la campagne) et culturelles (chant, auditions musicales et production d’une piécette). Une première expérience est tentée dans le quartier populaire bruxellois des Marolles, avec plus de 180 jeunes ouvrières inscrites61. Le lancement de l’Amicale au sein du Foyer intellectuel constitue donc une deuxième initiative. La première année de son existence, trente-deux jeunes ouvrières y participent62.

  • 63 L’Université populaire de Marcinelle, no 1, 15 mars 1905, p. 24 ; no 2, 15 octobre 1905, p. 1-2. V (...)
  • 64 Cahiers féministes, 15 novembre 1900, p. 4
  • 65 Éliane Gubin, Valérie Piette, Isabelle Gatti de Gamond, op. cit., p. 61.

26Figure de référence, Isabelle Gatti de Gamond apporte sa contribution au mouvement des UP quand elle inaugure, en janvier 1905, devant plus de 150 personnes, l’Amicale de jeunes filles à l’UP de Marcinelle avec une causerie sur la jeune fille. À son décès, le 11 octobre 1905, Jules Destrée rend hommage à son soutien « sans ménagement aux universités populaires, aux Amicales, aux œuvres d’instruction et d’éducation populaire »63. L’héritage d’Isabelle Gatti de Gamond est double. Elle a formé des femmes instruites qui se mettent au service de l’éducation populaire, et en particulier de la formation des femmes et des jeunes filles, répondant à son vœu formulé en novembre 1900, à l’occasion de la remise de diplôme à deux de ses anciennes élèves dont Louise Van Duuren : « Nous les félicitons de tout cœur avec l’espoir qu’elles mettront leur supériorité intellectuelle et sociale au service de la grande famille des déshéritées »64. Comme on va le voir, nombre de ces femmes instruites ont aussi été des militantes progressistes au point de vue social et féministe65.

2. Des militantes à la tribune des UP

  • 66 Jeanne Carter, dite Lilly, pédagogue et féministe (1865-1937).

27Le soutien de La Ruche aux UP est aussi politique. Il trouve probablement son origine dans le revirement du Parti ouvrier belge (POB). Après avoir revendiqué le suffrage universel, le POB, suite à un accord préélectoral avec le parti libéral, vote en décembre 1901 l’abandon de la revendication du suffrage féminin. Lilly Carter66, présidente de l’association La Ruche, dans un long article consacré à l’importance des Soirées populaires insiste sur ce contexte :

  • 67 Lilly Carter, « Importance des Soirées populaires et de leur développement », Cahiers féministes, (...)

« Au lendemain de la discussion de la question du suffrage des femmes, discussion vive et générale […] n’y a-t-il pas lieu de travailler afin que cette mesure si elle est adoptée, devienne une puissance pour le progrès du pays et non pour son malheur. Et comment y travailler mieux qu’en encourageant toutes les tentatives faites pour dissiper les ténèbres de l’ignorance […] Comment y travailler mieux qu’en encourageant toutes les œuvres postscolaires et toutes les personnes désireuses d’y collaborer ? »67

28Profondément déçue par ce revirement politique, Isabelle Gatti de Gamond voyait dans les Amicales et les UP un moyen d’éduquer les femmes à la citoyenneté, grâce à l’implication de conférencières convaincues :

  • 68 A. Beille, « La propagande », Cahiers féministes, 15 février 1902, p. 7.

« Les femmes belges commencent à sortir de leur torpeur. Partout, nous en voyons se produire à la tribune. […] Dans les universités populaires […] parmi les conférenciers, je relève avec joie les noms des demoiselles Van Duuren, Moreau, Mersch et Berleur, mes jeunes et vaillantes amies […] C’est un beau mouvement, plein de promesses […] dévoué à une cause comme celle de l’affranchissement de la femme […]. Puissions-nous être cent et plus encore et toutes pleines de talent, de ce talent qui naît des sentiments nobles et vrais ! »68

  • 69 Zeka [Kotchekowa], Rapport présenté au congrès du parti ouvrier les 3 et 4 avril 1904 au nom de l’ (...)
  • 70 Ibid., p. 10. Sur Zénéide Kotchekowa, dite Zeka (pas de date de naissance ni de décès), voir Arian (...)
  • 71 Zeka [Kotchekowa], Rapport présenté au congrès du parti ouvrier les 3 et 4 avril 1904, op. cit., p (...)
  • 72 Ibid., p. 9.
  • 73 Ibid., p. 11.

29Fondatrice et conférencière, l’économiste Zeka Kotchekowa est socialement la plus engagée. D’origine russe, elle étudie de 1899 à 1903 à l’ULB et obtient le titre de docteur en sciences économiques. Elle est encore étudiante quand elle lance en 1902, avec quelques camarades socialistes, l’université ouvrière L’Émancipation, logée à la Maison du Peuple de Bruxelles. Elle dresse au congrès d’avril 1904 du POB un bilan mitigé de la première année d’activité : les cours et conférences sont peu suivis par les ouvriers, en revanche, un groupe de femmes illettrées, « malgré les charges multiples de leur vie d’ouvrières et de femmes de ménage »69, suit régulièrement les cours. Zeka Kotchekowa insiste pour que le parti soutienne l’effort d’éducation, pour que les militants assistent aux conférences et « engagent leurs femmes et leurs filles à suivre les leçons spécialement organisées pour elles »70. Proche de Gatti de Gamond, Zeka Kotchekowa se préoccupe de la formation des jeunes ouvrières, « trop vite retirées de l’école pour être placées en service ou au travail »71. Elle lance une amicale sur le modèle de celles de La Ruche pour laquelle elle conçoit un programme complet d’éducation, mais l’appel publié dans la presse socialiste n’attire que quelques adolescentes âgées de dix à treize ans. Elle adapte son programme à leur âge. « Ces fillettes, dit-elle, grandiront vite. Elles formeront un groupe et prendront l’habitude de former leur esprit et leur jugement […] nous voyons en elles une pépinière de femmes conscientes, développées et attachées aux idées socialistes »72. Elle est loin de la neutralité proclamée des universités populaires. « Travailler à l’éducation générale, c’est contribuer au développement du Parti et à l’avènement du régime que nous rêvons tous »73.

III. Les conférencières des UP belges

30Les conférences sont l’activité centrale des UP. Les femmes qui s’y expriment forment un groupe dont la composition peut être restituée. L’examen attentif des programmes permet de repérer le nom des conférencières et pour certaines d’entre elles, de préciser leur trajectoire et de les identifier comme féministes, en notant la diversité que recouvre ce qualificatif, de la revendication égalitariste à la promotion active des droits des femmes en passant par l’appartenance à des groupements identifiés comme étant féministes. Les publications féministes nous informent également sur leurs activités au sein des UP. Elles ne sont qu’une vingtaine à intervenir dans les UP, mais les mêmes noms reviennent régulièrement. Les UP les invitent et les laissent libres des sujets à présenter. Si l’on en croit les sources favorables à ce mouvement, le public est au rendez-vous.

31En 1903, les Cahiers féministes publient ce commentaire :

  • 74 Elle est conférencière au Foyer intellectuel avec Hélène Moreau en 1901-1902.
  • 75 « Propagande », Cahiers féministes, 15 mars 1903, p. 8.

« Nous avons constaté cet hiver, avec un vrai plaisir combien les auditoires belges, jadis si réfractaires, accueillent avec une faveur grandissante les femmes conférencières. Sans parler de notre guide à toutes, la secrétaire de ces cahiers [Isabelle Gatti de Gamond], nous avons eu cette semaine six oratrices inscrites aux Universités populaires : les inlassables demoiselles Van Duuren, Melles Chesneau, Marie Parent, Perkins74 se partagent la faveur du public »75.

  • 76 Liste des conférenciers no 1 et no 2, Bulletin de la Ligue de l’enseignement, mars-avril 1908, p.  (...)

32La Fédération nationale des UP publie en 1908 la liste des conférenciers avec leur domaine scientifique, les sujets et les conditions financières souhaitées76. Sur quarante-deux noms, on relève six femmes : Jeanne Bogaert-Van Duuren, Louise De Craene-Van Duuren, Stéphanie Chandler, Nelly Lecrenier, Alice Gollière, Madame Félix Journaux. Trois d’entre elles sont universitaires et quatre sont membres d’associations féministes, deux caractéristiques qui méritent d’être détaillées.

1. Un milieu intellectuel bruxellois ouvert à l’éducation populaire

  • 77 Andrée Despy-Meyer, Jacques Becquevort, Les femmes et l’enseignement supérieur : l’Université libr (...)
  • 78 Vers la lumière, 1906, no 1. Marie-Louise Lawaese (1882-1948) est docteur en médecine en 1907. Voi (...)
  • 79 Josepha Joteyka est la première femme à occuper un mandat d’assistante en 1898 au laboratoire Kasi (...)
  • 80 Stéphanie Schwartz, épouse Chandler puis Dwelshauvers (1879-1958) est femme de lettres, philosophe (...)

33La fondation des UP intervient alors que la présence des femmes dans les universités belges se développe. Entre 1880 et 1914, quelque 1 292 étudiantes entament un parcours universitaire, dont près de la moitié à l’ULB, soit 257 Belges et 362 étrangères. Sur la même période pour cette seule université, 124 sortent diplômées outre les 113 Anglo-Saxonnes venues terminer leurs dernières années d’études pour obtenir leur doctorat en médecine77. Les femmes universitaires conférencières dans les UP ont suivi leur cursus à l’ULB ou à l’Université nouvelle. Ces deux institutions sont ouvertes à la question sociale et s’impliquent vis-à-vis du monde ouvrier. Avant l’université, la plupart ont fréquenté les cours de Gatti. Une fois diplômées, elles sont une dizaine à poursuivre leur collaboration avec les UP, en intervenant en fonction de leurs spécialisations, comme par exemple la médecin Marie-Louise Lawaese qui fait un exposé sur la physiologie et l’hygiène du nourrisson à l’UP de Molenbeek, en octobre 190978. Signe de leur engagement pour la formation d’adultes, trois conférencières proposent en parallèle un cours à l’extension universitaire de l’ULB. Il s’agit de l’économiste Zeka Kotchekowa, de la psychopédagogue Josepha Ioteyko79 et de la philosophe Stéphanie Chandler80.

  • 81 Auguste Slosse, Émile Waxweiler, Recherches sur le travail humain dans l’industrie : 1. Enquête su (...)

34Zeka Kotchekowa est aussi une conférencière régulière du Foyer intellectuel. C’est peut-être là qu’elle exprime le mieux son féminisme quand elle traite des droits politiques des femmes en Europe, de la question sociale du travail et des droits des travailleuses. Elle présente aussi une recherche scientifique sur les budgets ouvriers à laquelle elle collabore81.

  • 82 Lucette Schouters-Decroly, « Les femmes et la Franc-Maçonnerie », in Yolande Mendes da Costa, Anne (...)
  • 83 Éliane Gubin, Valérie Piette avec la collaboration de Pierre Van Dungen, Emma, Louise et Marie, op (...)

35Plusieurs femmes engagées dans les UP ont une affiliation maçonnique82. Zeka Kotchekowa est initiée à la Loge mixte internationale du Droit humain créée en 1911. Elle y côtoie des féministes, des socialistes et d’anciennes élèves de Gatti de Gamond comme Lilly Carter (présidente de La Ruche), Louise Van Duuren ou Germaine Hannevart83. C’est un nouveau réseau qu’elles tissent entre elles.

2. Entre les UP et les associations féministes, des relations intéressées

36Plusieurs conférencières des UP belges sont actives dans les associations féministes. Ce sont des intellectuelles qui ont en commun d’être laïques, progressistes, voire socialistes. Les périodiques des associations féministes annoncent les conférences et invitent les affiliées à y participer dans un but avoué de prosélytisme :

  • 84 « Notre propagande », La Ligue. Organe du droit des femmes, 1905, no 2, p. 55.

« Quelques amis de la Ligue [belge du droit des femmes] ont décidé de profiter de l’éveil du féminisme provoqué dans le groupe de dames de la société intellectuelle montoise qui suivent les conférences de l’Université populaire pour créer à bref délai, une section féministe locale, branche de la Ligue belge du droit des femmes »84.

  • 85 Marie Parent (1853-1934), féministe, membre de la Ligue belge du droit des femmes, du Conseil nati (...)
  • 86 Voir par exemple Didier Nourrisson, Jacqueline Freyssinet-Dominjon, L’école face à l’alcool. Un si (...)

37Parmi ces femmes membres d’associations féministes, Isabelle Gatti de Gamond, Marie Popelin, Marie Parent et Julie Gilain donnent des conférences à Bruxelles et en Wallonie. Elles abordent l’histoire du féminisme, les droits des femmes et le travail féminin. Très active, Marie Parent intervient partout avec ses conférences éducatives pour les mères et des conseils de lectures pour les filles85. Le journal des mères dont elle est la directrice est disponible dans toutes les bibliothèques upéistes, mais surtout elle y trouve un public (mixte) soutenant un combat contre l’alcoolisme très répandu au tournant du XIXe et du XXe siècle86. Le secrétaire de L’Éducation mutuelle, Fritz Hamaide, par exemple, est son allié inconditionnel. Il lance une section antialcoolique, organise des conférences tandis que les sections d’arts de l’UP de Schaerbeek apportent leurs contributions aux fêtes charitables organisées par l’Alliance des femmes contre l’abus d’alcool, association qu’elle a créée en 1905.

38Le Conseil national des femmes belges est fondé en 1905 par Marie Popelin. La Ruche s’y affilie l’année suivante. Le Conseil participe aux côtés des œuvres postscolaires et des UP à la grande manifestation du 18 novembre 1906, organisée à Bruxelles par la Ligue de l’enseignement en faveur de l’instruction obligatoire. Dans ce combat, les UP et les féministes poursuivent les mêmes objectifs.

  • 87 Pierre Van den Dungen, « Un milieu de femmes de lettres francophones au tournant du siècle », Sext (...)
  • 88 Vanessa Gemis. « Femmes et champ littéraire en Belgique francophone (1880-1940) », Sociétés contem (...)
  • 89 Vanessa Gemis, « Un réseau associatif de femmes de lettres au tournant du siècle. La section du li (...)

39Plusieurs conférencières régulières des UP comme Marie Parent, Stéphanie Chandler, Nelly Lecrenier et Hélèna Clément se côtoient dans le milieu littéraire francophone belge composé d’autrices « qui par nécessité pécuniaire autant que par volonté d’insertion se positionnent dans une sphère littéraire à forte dominante masculine »87. En 1906 et 1907, le Conseil national des femmes ouvre une section du livre et de la presse présidée par Marguerite Van De Wiele, seule femme belge à vivre de sa plume88. Son but est de favoriser la rencontre entre les femmes de lettres et de valoriser leurs créations89.

  • 90 Maximilienne Lecrenier dite Nelly (1879-1941) est régente et enseignante de littérature française (...)
  • 91 L’Évolution, no 1, novembre 1908, p. 4, no 2, février 1909, p. 1 et no 5, mars 1909.
  • 92 Pierre Van den Dungen, « Un milieu de femmes de lettres francophones », art. cit., p. 153.
  • 93 Vers la lumière, juin-juillet 1907, p. 107.
  • 94 L’Université populaire, no 9, 21 mai 1906, p. 138.
  • 95 Maud, « La femme », Le Foyer intellectuel, 15 juin 1907, p. 286-287.
  • 96 Ibid.

40Le cas de Nelly Lecrenier est emblématique90. Cette régente de l’école normale provinciale de Mons, professeure de littérature française, participe tant aux cercles littéraires bruxellois et wallons qu’aux cercles littéraires féministes. Elle tient un salon littéraire à Ixelles et lance avec un groupe d’amis l’université populaire d’Ixelles, L’Évolution, dont elle assume quasiment seule le bulletin entre 1907 et 191191. Elle est surtout une upéiste régulière avec plus de deux cents conférences à son actif, en Belgique et à l’étranger, avant 191492. Elle sillonne le réseau des UP, à Marcinelle, Ransart, Mons, Roux, Couillet, Frameries, à Schaerbeek, Saint-Gilles, Molenbeek, où on la présente comme une fidèle collaboratrice93. L’UP de Couillet (Hainaut) l’adopte comme marraine et l’associe à sa fête du « joli mois de mai »94. Elle invente avec son collègue René Dethier, du cercle littéraire La jeune Wallonie, le concept de la conférence contradictoire. Quand ce dernier dresse un tableau de l’asservissement de la femme dans la société moderne et réclame l’égalité des sexes, Nelly Lecrenier porte la contradiction en nuançant le propos « au grand plaisir des assistants mâles »95. Rappelant que le discours féministe n’est pas l’apanage des femmes tout en soulignant la réception contrastée de l’affirmation de l’égalité des sexes, cet exercice se clôt par un plaidoyer pour l’adoption d’une législation juste et équitable afin de régler la question féministe96.

41Ces conférencières forment une élite très caractéristique du milieu bruxellois. Elles sont quasi toutes membres du Conseil national des femmes belges. Elles utilisent la tribune des UP pour faire connaître le mouvement féministe, faire de l’éducation politique, sensibiliser aux droits et aux questions féminines, valoriser la création féminine contemporaine et faire du prosélytisme, sans pour autant emporter l’adhésion unanime du public malgré la difficulté à connaître précisément l’accueil réservé à ces intentions.

42Le bilan mitigé en matière d’éducation de la classe ouvrière n’a pas empêché les UP de toucher des femmes de la petite et moyenne bourgeoisie ainsi que des travailleuses. La fréquentation avérée s’explique à la fois par l’offre de conférences « mixtes » et par des cours spécifiquement destinés aux femmes.

43Le milieu des UP ne s’inscrit pas en rupture par rapport aux rôles sociaux des hommes et des femmes. Privées de l’accès à un enseignement de qualité, les femmes viennent y chercher des savoirs, souvent en lien avec ces rôles attendus, mais aussi un épanouissement personnel et des loisirs de qualité. Néanmoins, au-delà de leur assistance aux cours et conférences, les femmes s’investissent aussi dans l’organisation, assumant des tâches sans lesquelles aucune éducation populaire ne peut se déployer. Certaines figurent parmi les fondateurs. Bien que les titres et les mandats de représentation leur échappent, avec les années, des femmes s’imposent et deviennent titulaires de section, directrices du bulletin, trésorières, bibliothécaires, etc.

44Parmi les conférencières actives dans les UP, dont le nombre demeure modeste, se distinguent des femmes féministes, enseignantes et/ou intellectuelles. Ces femmes qui sont arrivées au plus haut niveau d’éducation possible à leur époque, appartiennent à la bourgeoisie urbaine, fréquentent les mêmes cercles intellectuels, laïques, féministes et littéraires. Vont-elles davantage « au peuple » que leurs homologues masculins ? Elles se recrutent en tout cas dans un milieu quantitativement plus limité, et il est notable que la plupart sont passées par les écoles de Gatti, véritable matrice à la fois de femmes instruites et de militantes.

45La Ruche est un des cercles où se réfléchissent les modalités de cette action éducative et sociale en lui donnant une dimension politique et militante, avec une attention particulière aux amicales de jeunes ouvrières. Il s’agit d’offrir à la jeunesse laborieuse, une alternative au patronage catholique et de parier sur l’avenir par l’éducation civique de ces jeunes femmes. L’encadrement de ces amicales par des femmes au sein des UP reste toutefois une approche très classique des responsabilités traditionnellement dévolues aux femmes.

46Si le discours revendiquant l’égalité des droits y trouve une place, celle-ci reste modeste et ne débouche pas nécessairement sur une remise en cause des rôles sociaux des hommes et des femmes (savoirs masculins/savoirs féminins). Sous réserve du recours à d’autres sources susceptibles d’affiner l’analyse, l’éducation des femmes adultes peut conduire à renforcer le stéréotype de la ménagère parfaite et de la consommatrice responsable de la gestion du budget ouvrier autant que relever d’une ambition émancipatrice.

47L’impact des quelques conférencières sur le public est difficile à percevoir, mais les UP sont pour elles une opportunité qu’elles exploitent avec dynamisme, acceptant d’aller partout où on les invite. Chaque conférence est pour elles l’occasion de propager leurs idées. Par leur engagement dans l’éducation populaire, elles font entendre un discours sur le statut social et politique des femmes qui jouxte d’autres discours, plus traditionnels.

48Août 1914 marque une rupture dans le développement des UP belges. Après l’armistice en novembre 1918, certaines reprennent leurs activités et les poursuivent jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. Durant la « Belle Époque » des UP, ces dernières ont été un lieu d’investissement et, peut-être, une école d’initiation au féminisme et aux droits des femmes pour certaines militantes attachées à l’éducation populaire et engagées dans une démarche féministe. Revisiter le mouvement des universités populaires en portant le regard sur la contribution des femmes et des féministes en particulier, met surtout en lumière chez ces dernières un engagement multidimensionnel sur lequel il reste encore beaucoup à écrire.

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Notes

1 Françoise Têtard et al, « De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, un siècle d’éducation populaire, entretien avec Françoise Tétard », Esprit, n° 3-4, mars-avril 2002, p. 40.

2 Cité par Lucien Mercier, Les universités populaires : 1899-1914. Éducation populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, Les Éditions ouvrières, 1986, p. 23.

3 Ibid. p. 59.

4 Gaston Chotiau, « Les universités populaires », Rapports préliminaires. Congrès international de l’éducation populaire organisé par la Ligue de l’enseignement sous le haut patronage du comité exécutif de l’exposition universelle et internationale de Bruxelles du 30 août au 2 septembre 1910, Bruxelles, 1910, p. 209.

5 Maurice De Vroede, « Hoegeschooluitbreidingen en volksuniversiteiten », in Maurice De Vroede (coord.), « L’enseignement populaire en Belgique au XIXe siècle. Textes présentés au colloque organisé à Louvain, les 1er et 2 décembre 1978 par l’Association belge pour l’histoire contemporaine », Revue belge d’histoire contemporaine, t. 10, 1979, n° 1-2, p. 255-275.

6 Alexis Noël, « L’esprit upéiste », Le Foyer intellectuel, 1901-1951, Célébration du 50e anniversaire de la fondation du Foyer intellectuel, université populaire de Saint-Gilles (ASBL), 13 octobre 1951, s.l., [1951], p. 9.

7 Mundaneum, papiers Henri Lafontaine, conférence sur l’organisation mondiale – parlement – justice – enseignement - fédération économique, 23 et 24 décembre 1905. Voir Le Foyer intellectuel. Bulletin bimensuel de l’université populaire de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, 15 décembre 1905, 1er janvier 1906, 15 janvier 1906.

8 Archives de la Ville de Bruxelles (AVB), fonds Ligue de l’enseignement, 1909 A, 607.

9 Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, Introduction, p. V.

10 Le Foyer intellectuel, commémoration du XXe anniversaire de sa fondation, Bruxelles, 1922, p. 27. Les universités populaires de Nivelles et de Watermael-Boitsfort affichent le même objectif.

11 L’Université populaire. Bulletin des universités et conférences populaires, des extensions universitaires, des associations d’anciens élèves, des Amicales et en général des œuvres postscolaires et d’enseignement et d’éducation sociale de la province du Hainaut, no 1, 15 mars 1905, p. 3. Jules Destrée (Marcinelle, 1863-Bruxelles, 1936) fut avocat, écrivain, homme politique, député socialiste (1894-1936), ministre des Sciences et des Arts (1919-1921). Il fonde l’UP de Marcinelle et promeut le mouvement upéiste dans le milieu socialiste. Nouvelle biographie nationale, Bruxelles, Académie royale des sciences, des arts et des lettres, tome 5, p. 117.

12 La lutte de la femme contre l’alcool. Conférence de Mlle Parent à l’université populaire L’Éducation mutuelle, le 20 octobre 1909, L’Éducation mutuelle, 2 novembre 1909, p. 5.

13 Éliane Gubin, « Home, sweet home : l’image de la femme au foyer en Belgique et au Canada avant 1914 », Revue belge d’histoire contemporaine, vol. 22, no 3-4, 1991, p. 548.

14 Claudine Marissal, Mères et pères. Le défi de l’égalité. Belgique 19e-21e siècle, Bruxelles, Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, CARHIF, 2018, p. 51.

15 Maurice De Vroede, « Hoogeschooluitbreidigen en volksuniversiteiten », op. cit., p. 274-275.

16 Carole Christen, Laurent Besse (dir.), Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945, perspectives françaises et internationales, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.

17 Laura Mougel, « L’université populaire nancéienne : les caractères originaux d’une expérience lorraine (1899-1914) », in Carole Christen, Laurent Besse (dir.), Histoire de l’éducation populaire, op. cit., p. 253-266 ; Damienne Bonnamy, « L’Enseignement supérieur pour tous ou comment enseigner le socialisme ? L’exemple de l’université populaire de Besançon », ibid., p. 267-278 ; Elena Musiani, « Mutualisme et éducation : l’exemple de l’université populaire Giuseppe Garibaldi de Bologne », ibid., p. 279-288.

18 Agnès Sandras, « Les femmes dans les bibliothèques populaires, une présence volontairement oubliée ? Quelques pistes de réflexion », ibid., p. 199-214.

19 Mélanie Fabre, « Marie Baertschi-Fuster, une intellectuelle et une éducatrice au service du Progrès social », Les études sociales, no 167-168, 2018, p. 397-446.

20 Mélanie Fabre, « Éduquer pour la république, Jeanne Desparmet-Ruello, une intellectuelle au temps de Jaurès », Cahiers Jaurès, no 235-236, 2020, p. 115-135.

21 Mélanie Fabre, Dick May, une femme à l'avant-garde d'un nouveau siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.

22 Mélanie Fabre, « Éduquer pour la république », art. cit., p. 116.

23 Ewa Marynowiez-Hetka, Françoise Laot, « Éducation des adultes et progrès social selon Helena Radlińska », in Françoise Laot, Claudie Solar (dir.), Pionnières de l’éducation des adultes. Perspectives internationales, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 169.

24 Joëlle Droux, « Marguerite Champendal : entrepreneure en santé et pionnière de l’éducation des femmes à l’hygiène », in Françoise Laot, Claudie Solar (dir.), op. cit, p. 139.

25 Marie-Thérèse Coenen, Le Foyer intellectuel, une université populaire à Saint-Gilles, Bruxelles, 1901-1914, Bruxelles, CARHIOP, 2017. Cette recherche a mis à jour des archives portant sur les années 1919 à 1970 qui ont fait l’objet d’un inventaire : Marie-Thérèse Coenen, Inventaire provisoire des archives du Foyer intellectuel. Université populaire de Saint-Gilles, Bruxelles, CARHOP, 2018.

26 Maurice De Vroede, Bijdragen tot de geschiedenis van het pedagogisch leven in Belgie in de 19de et de 20ste eeuw, deel III : « De periodiken 1896-1914 », vol. 1 et 2, Gent-Leuven, 1973. Il s’agit d’un inventaire reprenant tous les périodiques qui concernent l’enseignement et les œuvres post-scolaires (y compris les universités populaires).

27 Congrès international de l’éducation populaire organisé par la Ligue belge de l’enseignement du 30 août au 3 septembre 1910, compte rendu, Bruxelles, Imprimerie du Progrès, 1910, p. 176-179.

28 Gaston Chotiau, « Les universités populaires », op. cit, p. 209.

29 Cercle d’histoire de Saint-Gilles, fonds Le foyer intellectuel, no 7, statistique, liste des professions des membres du Foyer, 15 avril [1914].

30 Le Foyer intellectuel, 1er octobre 1906, p. 9

31 « La rentrée », Le Foyer intellectuel, 1er octobre 1907, p. 9.

32 Émile Gilson, L’art maternel : conseils aux jeunes femmes et aux jeunes mères, Paris-Bruxelles, L’Églantine, 1932.

33 Elsa Roland, « Isabelle et Zoé Gatti de Gamond et l’éducation libérale des femmes en Belgique au XIXe siècle », in Françoise Laot, Claudie Solar (dir.), op. cit., p. 51-69. Éliane Gubin, Valérie Piette, Isabelle Gatti de Gamond, 1839-1905, la passion d’enseigner, Bruxelles, GIEF-ULB, 2004. Voir les notices d’une partie des personnalités évoquées dans cet article dans Éliane Gubin, Catherine Jacques, Valérie Piette, Jean Puissant (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, Éditions Racine, 2006.

34 Marie Popelin (1846-1913), enseignante, collaboratrice d’Isabelle Gatti de Gamond, première docteure en droit en 1888. Elle fonde la Ligue belge du droit des femmes en 1892 et le Conseil national des femmes belges en 1905.

35 M.M., « Les conquêtes du féminisme », Le Foyer intellectuel, 15 novembre 1906, p. 112.

36 Le Foyer intellectuel, 1er août 1910, p. 397-398.

37 Olivier Fillieule, Patricia Roux (dir.), Le sexe du militantisme, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2009, p. 13.

38 Cité par Mélanie Fabre, Dick May…, op. cit., p. 43.

39 « La première université populaire en France », Revue de l’Université de Bruxelles, 1900, vol. 5, p. 170-174.

40 Revue de l’Université de Bruxelles, mars 1901, vol. 6, p. 475.

41 Ibid., p. 476.

42 Luc Couvreur, De Volksuniversiteit te Schaerbeek, mémoire de licence KUL, Louvain, 1977, p. 39 et 64.

43 Anne Devos, « Portrait d’une femme engagée. Louise De Craene-Van Duuren (1875-1938) », Sextant, revue du Groupe interdisciplinaire d’études sur les femmes, no 10, 1998, p. 75-96.

44 Louise Van Duuren, Le sentiment et l’acte volontaire, thèse de doctorat en philosophie, Université libre de Bruxelles, 1900. Anne Devos, « Portrait d’une femme engagée », op. cit., p. 75-96.

45 Germaine Hannevart, « In mémoriam », Bulletin annuel de la Fédération belge des femmes universitaires, 1938, p. 5.

46 Cahiers féministes, 15 février 1902, p. 4 et 15 mars 1903, p. 8.

47 Marie-Thérèse Coenen, op. cit ; Ann Van der Wee, De volksuniversiteit te Sint-Gillis, 1901-1914, mémoire de licence KUL, Louvain, 1978.

48 Alexis Noël (1875-1957), membre actif de la Ligue belge de l’enseignement, est élu conseiller communal à Saint-Gilles sur la liste socialiste (1903-1921). Marie-Thérèse Coenen, op. cit, p. 11-21.

49 Mundaneum, Papiers Henri La Fontaine, 301/3, correspondance entre Henri La Fontaine et Alexis Noël, 1898-1899. Les extensions universitaires existent depuis 1893, au sein des universités belges. Elles proposent à un réseau de cercles affiliés, une liste de cours qui se donnent de manière décentralisée. Plusieurs UP sont membres et intègrent ces cours dans leur programmation. Michèle Stessel, Les extensions universitaires en Belgique (1892-1914), mémoire de licence en histoire UCL, Louvain, 1977 ; Maurice De Vroede, « Hoegeschooluitbreidingen en volksuniversiteiten », op. cit.,p. 256-263 ; Michelle Stessel et al., « L’extension universitaire de Bruxelles 1893-1914 », « Les initiatives d’éducation ouvrière au 19e siècle : de la démarche intellectuelle à la formation militante », Dynamiques. Histoire sociale en revue, no 4, décembre 2017.

50 Cahiers féministes, 1er mars 1902, p. 6-7.

51 AVB, Dossiers du personnel de l'instruction publique, lettre M (13), Moreau H.

52 Michèle Stessel, op. cit. ; Maurice De Vroede, « Hoegeschooluitbreidingen en volksuniversiteiten », op. cit.

53 Hélène Moreau, « Quelques expériences psychopédagogiques », Revue de l’Université libre de Bruxelles, vol. 6, 1900, p. 49-63.

54 Bulletin communal de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, 1913, p. 96.

55 Isabelle Gatti de Gamond (1839-1905). Cf. Elsa Roland, « Isabelle et Zoé Gatti de Gamond et l’éducation libérale des femmes en Belgique au XIXe siècle », in Françoise Laot, Claudie Solar (dir.), op. cit., p. 51-69. Éliane Gubin, Valérie Piette, Isabelle Gatti de Gamond, op. cit.

56 École de préparation à l’enseignement. Le cours supérieur prépare à l’examen du jury central, titre obligatoire pour entrer à l’université.

57 Cahiers féministes, 1er mars 1902, p. 7.

58 La Ruche, anciennement association des régentes sorties de la section normale moyenne de Bruxelles, Bruxelles [1902], p. 1 VB, fonds de la Ligue de l’enseignement, 1905, boite B, documents imprimés.

59 Isabelle Gatti de Gamond, « Les devoirs civiques des femmes », Cahiers féministes, 1er novembre 1901, p 1.

60 Rapport d’activités de l’association La Ruche, [1902], p. 4.

61 Isabelle Gatti de Gamond, « Réunions amicales de Bruxelles », Cahiers féministes, 15 mars 1903, p. 6-7 ; Réunions amicales de Bruxelles (Cercle d’ouvrières) fondées par La Ruche, Rapport d’activités, janvier-décembre 1903, Bruxelles, 1904, et id., janvier-décembre 1904, Bruxelles, 1905, AVB, fonds de la Ligue de l’enseignement, 1905, boite B, documents imprimés.

62 Assemblée générale du Foyer intellectuel du 14 juillet 1906, « Rapport de l’administrateur des Amicales », Le Foyer intellectuel, 1er octobre 1906, p. 76-78.

63 L’Université populaire de Marcinelle, no 1, 15 mars 1905, p. 24 ; no 2, 15 octobre 1905, p. 1-2. Voir Wim Steel, De volksuniversiteit te Marcinelle, 1904-1914, Mémoire de licence, KUL, Louvain, 1979.

64 Cahiers féministes, 15 novembre 1900, p. 4

65 Éliane Gubin, Valérie Piette, Isabelle Gatti de Gamond, op. cit., p. 61.

66 Jeanne Carter, dite Lilly, pédagogue et féministe (1865-1937).

67 Lilly Carter, « Importance des Soirées populaires et de leur développement », Cahiers féministes, 1er mars 1902, p. 6.

68 A. Beille, « La propagande », Cahiers féministes, 15 février 1902, p. 7.

69 Zeka [Kotchekowa], Rapport présenté au congrès du parti ouvrier les 3 et 4 avril 1904 au nom de l’université ouvrière l’Émancipation, POB, 1904, p. 10.

70 Ibid., p. 10. Sur Zénéide Kotchekowa, dite Zeka (pas de date de naissance ni de décès), voir Ariane Dierickx, L’école ouvrière supérieure. Un laboratoire d’idées pour le POB, Bruxelles, Labor, 1996.

71 Zeka [Kotchekowa], Rapport présenté au congrès du parti ouvrier les 3 et 4 avril 1904, op. cit., p. 8-9.

72 Ibid., p. 9.

73 Ibid., p. 11.

74 Elle est conférencière au Foyer intellectuel avec Hélène Moreau en 1901-1902.

75 « Propagande », Cahiers féministes, 15 mars 1903, p. 8.

76 Liste des conférenciers no 1 et no 2, Bulletin de la Ligue de l’enseignement, mars-avril 1908, p. 50 et suivantes ; liste no 3, idem, mai-juin 1908, p. 77-79.

77 Andrée Despy-Meyer, Jacques Becquevort, Les femmes et l’enseignement supérieur : l’Université libre de Bruxelles de 1880 à 1914, Bruxelles, ULB, Service des archives, 1980, introduction, p. XV-XVI.

78 Vers la lumière, 1906, no 1. Marie-Louise Lawaese (1882-1948) est docteur en médecine en 1907. Voir Éliane Gubin, Valérie Piette avec la collaboration de Pierre Van Dungen, Emma, Louise et Marie, L’université de Bruxelles et l’émancipation des femmes (1834-2000), Bruxelles, ULB, 2004, p. 84, p. 97.

79 Josepha Joteyka est la première femme à occuper un mandat d’assistante en 1898 au laboratoire Kasimir. Elle est chef de travaux. Voir Éliane Gubin, Valérie Piette avec la collaboration de Pierre Van Dungen, Emma, Louise et Marie, op. cit., p. 106-109.

80 Stéphanie Schwartz, épouse Chandler puis Dwelshauvers (1879-1958) est femme de lettres, philosophe, traductrice. Elle est aussi publiciste. Sa thèse de doctorat Essai sur la philosophie de Lachelier est éditée en 1912. Chacune de ses conférences fait l’objet d’une publication.

81 Auguste Slosse, Émile Waxweiler, Recherches sur le travail humain dans l’industrie : 1. Enquête sur l’alimentation de 1 065 ouvriers belges, Bruxelles-Leipzig, Misch & Rhun, 1910, (Institut Solvay-travaux de l’institut de sociologie, notes et mémoires 9). Les auteurs remercient Zéka Kotchekowa pour l’établissement des tableaux de synthèse des données.

82 Lucette Schouters-Decroly, « Les femmes et la Franc-Maçonnerie », in Yolande Mendes da Costa, Anne Morelli (dir.), Femmes, libertés, laïcité, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1989, p. 71-84.

83 Éliane Gubin, Valérie Piette avec la collaboration de Pierre Van Dungen, Emma, Louise et Marie, op. cit., p. 75, p. 230-231.

84 « Notre propagande », La Ligue. Organe du droit des femmes, 1905, no 2, p. 55.

85 Marie Parent (1853-1934), féministe, membre de la Ligue belge du droit des femmes, du Conseil national des femmes belge, de l’Alliance des femmes contre les abus de l’alcool, éditrice du Journal des mères [1901-1934].

86 Voir par exemple Didier Nourrisson, Jacqueline Freyssinet-Dominjon, L’école face à l’alcool. Un siècle d’antialcoolisme scolaire (1870-1970), Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2009.

87 Pierre Van den Dungen, « Un milieu de femmes de lettres francophones au tournant du siècle », Sextant no 11, 1999, p. 135-166.

88 Vanessa Gemis. « Femmes et champ littéraire en Belgique francophone (1880-1940) », Sociétés contemporaines, 2010, no 78, p. 28.

89 Vanessa Gemis, « Un réseau associatif de femmes de lettres au tournant du siècle. La section du livre et de la presse du Conseil national des femmes belges », Textyles, revue des lettres belges de langue française, no 42, 2012, p. 53-69 ; id., « Femmes et champ littéraire », op. cit., p. 15-37 ; Pierre Van den Dungen, « Un milieu de femmes de lettres francophones au tournant du siècle », op. cit.

90 Maximilienne Lecrenier dite Nelly (1879-1941) est régente et enseignante de littérature française à Mons. Publiciste, elle est membre du cercle « La jeune Wallonie » et lance avec René Dethier la revue La jeune Wallonie.

91 L’Évolution, no 1, novembre 1908, p. 4, no 2, février 1909, p. 1 et no 5, mars 1909.

92 Pierre Van den Dungen, « Un milieu de femmes de lettres francophones », art. cit., p. 153.

93 Vers la lumière, juin-juillet 1907, p. 107.

94 L’Université populaire, no 9, 21 mai 1906, p. 138.

95 Maud, « La femme », Le Foyer intellectuel, 15 juin 1907, p. 286-287.

96 Ibid.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marie-Thérèse Coenen, « Femmes, féministes et universités populaires en Belgique avant 1914 »Histoire de l’éducation, 156 | 2021, 31-51.

Référence électronique

Marie-Thérèse Coenen, « Femmes, féministes et universités populaires en Belgique avant 1914 »Histoire de l’éducation [En ligne], 156 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 25 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/histoire-education/6586 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoire-education.6586

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