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Comptes rendus et notes critiques

TÖPFER (Thomas), Die « Freyheit » der Kinder. Territoriale Politik, Schule und Bildungsvermittlung in der vormodernen Stadtgesellschaft: das Kurfürstentum und Königreich Sachsen 1600-1815

Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2012, XIV, 482 p.
Jean-Luc Le Cam
p. 321-333
Référence(s) :

TÖPFER (Thomas), Die « Freyheit » der Kinder. Territoriale Politik, Schule und Bildungsvermittlung in der vormodernen Stadtgesellschaft: das Kurfürstentum und Königreich Sachsen 1600-1815, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2012, XIV, 482 p.

Texte intégral

  • 1 Prix dévolu aux ouvrages d’histoire moderne et contemporaine dans la Fondation Friedrich-Ebert. Le (...)
  • 2 Jean-Luc Le Cam (dir), « Éducation privée et pratiques préceptorales du XVe au XIXe siècle », numér (...)

1À l’occasion de ce numéro spécial sur le financement de l’éducation, il me semble opportun de présenter, bien qu’il ait maintenant dix ans, un ouvrage qui reste tout à fait innovant de ce point de vue dans l’historiographie de l’école et de l’éducation des pays de langue allemande, mais qui n’a pas pu avoir, pour des raisons pratiques, de réception suffisante en France alors même qu’au-delà de son ancrage géographique précis, son approche est tout à fait exportable dans notre sphère culturelle. Intitulé (nous traduisons) La « liberté » des enfants. Politique territoriale, école et transmission de la formation dans la société urbaine d’Ancien Régime : l’électorat et le royaume de Saxe 1600-1815, ce livre, issu d’une thèse soutenue en 2009 à l’université de Leipzig sous la direction de Manfred Rudersdorf, a été remarqué par la critique pour ses apports particulièrement neufs à la problématique de la modernisation scolaire et distingué pour cette raison par le prix Horst-Springer1. Sa nouveauté tient à la mise en lumière de plusieurs aspects souvent négligés, qui se combinent pour former « structure » comme l’explique l’auteur dans son introduction : d’abord, et c’est ce que nous avons défendu dans un numéro précédent de cette revue2, par une approche globale du « marché » de l’éducation – l’expression, plusieurs fois employée par l’auteur, a son importance –, qui s’efforce d’analyser les pratiques du plus grand nombre, et donc en miroir principalement l’offre d’instruction élémentaire et professionnelle, sans écarter aucune institution, du préceptorat aux grands établissements urbains en passant par les écoles privées « clandestines ». Ensuite, de s’intéresser pour les mêmes raisons plus particulièrement au monde des villes alors que l’historiographie de l’enseignement du peuple à l’époque des Lumières (Volksaufklärung) s’est généralement focalisée sur le développement de l’école rurale, objet d’une activité législative renouvelée à cette époque ; et de l’appliquer à un État protestant d’importance, le duché-électorat puis royaume de Saxe, riche d’un réseau urbain remarquable et d’un tissu économique particulièrement développé, mais qui paradoxalement n’avait guère eu les faveurs des historiens de l’école de cette période depuis longtemps. Enfin, même si les constructions législatives et les mouvements pédagogiques à l’œuvre ne sont pas ignorés, de mettre, autant que possible et plus que d’habitude, l’accent sur les comportements réellement observés de la société face à l’offre d’éducation.

2Cette réflexion s’inscrit également dans un long débat historiographique sur les capacités de l’État moderne à faire de l’école un objet d’administration, et par là même aussi sur les acteurs véritables de la modernisation dans le domaine éducatif à l’époque moderne. Tout cela prend en Allemagne une résonance et un intérêt accrus, dans la mesure où la configuration particulière du Saint Empire, faite de multiples principautés ayant toute autonomie dans le domaine administratif, ecclésiastique et scolaire, permet de comparer, dans la même aire culturelle, et dans la même temporalité, des politiques scolaires différentes, ou bien semblables mais appliquées à des territoires aux potentialités contrastées. C’est un peu comme si l’historien avait face à lui des tubes à essai remplis de différentes substances sur lesquelles il pourrait verser des réactifs variés. On peut ainsi comparer ce que devient la problématique de la scolarisation ou de l’alphabétisation en terre catholique ou protestante, en pays de grands domaines ou au contraire de fortes communautés villageoises autonomes, en région montagnarde et minière, de landes morainiques, ou de plaine céréalière telle la Börde.

  • 3 Veronika Albrecht-Birkner, Reformation des Lebens: die Reformen Herzog Ernsts des Frommen von Sachs (...)
  • 4 Très représentatif de ce courant, Ulrich Herrmann, « Das pädagogische Jahrhundert ». Volksaufklärun (...)
  • 5 Manfred Heinemann, Schule im Vorfeld der Verwaltung. Die Entwicklung der preußischen Unterrichtsver (...)

3L’historiographie s’est pendant longtemps focalisée sur certains grands États qui avaient la réputation d’avoir pris plus tôt que d’autres des mesures législatives d’ampleur, ou assumé des politiques scolaires centrales très volontaristes, ainsi la Prusse de Frédéric II et l’Autriche de Marie-Thérèse, ou au contraire des petits états modèles où des souverains pieux et parfois savants avaient dès le XVIe-XVIIe siècle promu le développement des infrastructures scolaires et la scolarisation : par exemple, le duché de Saxe Gotha, qui introduit sous le règne de Ernest le pieux l’obligation scolaire en 1642, pour la première fois à cette échelle en Allemagne3. Mais c’est la période des Lumières qui fascinait le plus en raison des idéologies progressistes qui marquaient par construction ce « siècle pédagogique », avec lesquelles les tenants des réformes scolaires des années 1960-1970 avaient des affinités4. Étaient privilégiées dans ces enquêtes certaines législations étatiques générales, les nouvelles institutions de contrôle centralisé des écoles, ou les réformes ou établissements scolaires modèles où s’exerçait l’avant-garde pédagogique5.

  • 6 Wolfgang Neugebauer, Absolutistischer Staat und Schulwirklichkeit in Brandenburg-Preußen, Berlin/Ne (...)
  • 7 Il existe une abondante bibliographie sur le sujet, qui a été stimulée à nouveau par les programmes (...)
  • 8 Jean-Luc Le Cam, La politique scolaire d'Auguste le Jeune de Brunswick-Wolfenbüttel et l'inspecteur (...)
  • 9 Edwin Dillmann, Schule und Volkskultur im 18. und 19. Jahrhundert. Erkundungen zum Modernisierungsp (...)

4Le premier à remettre en cause le primat de cette vision par le haut, par les grands pédagogues ou les souverains éclairés, fut Wolfgang Neugebauer, qui démonta systématiquement le mythe du modèle prussien fondé sur l’alliance des Lumières et du despotisme centralisateur6. Il révélait au contraire la capacité de résistance, mais aussi d’innovation des acteurs locaux, des États provinciaux, des nobles attentifs aux écoles dont ils avaient le patronage, ou des ecclésiastiques de terrain investis dans les missions éducatives, le piétisme jouant un rôle particulièrement stimulant de ce point de vue7. Ma propre thèse explorait un cas de taille intermédiaire, le duché de Brunswick, à une période, le XVIIe siècle, qui sortait aussi de la problématique de l’innovation par les Lumières ou même par les théoriciens de la nouvelle pédagogie du XVIIe siècle (Ratke, Comenius) puisque cette politique était inspirée encore par l’humanisme8. Il présentait à la fois certains traits des petits États « de l’avant-garde pédagogique », mais aussi une tentative absolutiste de construire une administration scolaire unifiant le système scolaire de territoires variés, grâce à une inspection générale ayant pour but de contrôler la législation et le fonctionnement du système. C’est une configuration qui ne se retrouve finalement nulle part ailleurs sous cette forme. D’autres études sur la scolarisation élémentaire et l’alphabétisation ont su montrer les articulations plus fines entre le substrat économique et social et le développement scolaire, relativisant ainsi l’effet des grandes législations et la portée de l’avant-garde pédagogique9. Les recherches des deux dernières décennies ont ainsi redessiné une image plus nuancée de la réalité du fonctionnement des institutions éducatives, faisant aussi la part aux initiatives locales et à la prépondérance des données du terrain.

5L’étude de Thomas Töpfer vient les parachever. Elle est très rigoureusement et clairement construite en six chapitres qui combinent plan thématique et chronologique. Elle s’ouvre sur une introduction faisant un exposé de la problématique fondamentale de l’étude, de l’état de la recherche antérieure, de la démarche et des méthodes, et enfin de la situation des sources. Les deux premiers chapitres sont consacrés à la perspective vue par en haut, c’est-à-dire principalement aux initiatives des autorités pour construire et réglementer un système scolaire à la suite de la Réforme, puis lors de la reconstruction postérieure à la guerre de Trente ans. Les deux suivants adoptent au contraire une démarche d’observation par le bas, en étudiant la réalité du fonctionnement sur le terrain essentiellement au XVIIIe siècle. Les deux derniers chapitres reprennent la question de la mainmise de l’État sur le système scolaire à la fin de l’époque moderne, en Saxe puis ailleurs dans l’Empire. Elle se termine par une longue conclusion reprenant systématiquement les résultats de l’étude, dont cette présentation essaie de rendre l’essentiel.

6Le premier chapitre retrace donc l’histoire de la construction du système scolaire jusqu’à la fin du XVIIe siècle. On y souligne d’abord la signification essentielle du siècle de la Réforme pour la constitution des structures de formation de la Saxe électorale. Après une première phase de densification dans les villes au bas Moyen Âge, le système scolaire latin, porté par le nouvel idéal réformateur et humaniste, connut un développement significatif, à l’instigation non seulement du souverain, mais également des magistrats urbains. C’est ainsi qu’un réseau particulièrement dense et efficace d’institutions éducatives se constitue au XVIe siècle, combinant des écoles latines urbaines, les trois écoles princières de Schulpforta (Naumburg), Meissen et Grimma, et les deux universités territoriales de Wittenberg et de Leipzig. Dans le domaine de l’enseignement élémentaire, la Réforme entraîna une diffusion quantitative significative sous la forme de petites écoles allemandes de sacristie. Ceci n’empêche pas qu’à intérieur même du territoire s’observent des contrastes importants, en termes de densité scolaire et d’enseignement du catéchisme, entre les régions fortement urbanisées, par exemple les Monts métallifères et leur avant-pays, et les zones plus rurales du nord du pays. À la différence des universités et des trois écoles princières, les écoles urbaines et celles du plat pays échappaient dans les faits à l’influence directe de l’autorité princière. Les ordonnances scolaires territoriales, qui faisaient partie de l’ordonnance ecclésiale de 1580, se bornaient à dicter un certain nombre de normes de fonctionnement, d’organisation des institutions et de pédagogie, sans que les instruments de contrôle, à savoir ici les visites ecclésiastiques (Kirchenvisitationen), aient de véritables moyens ni sans doute le souci principal d’en vérifier l’application.

7À la fin de la guerre de Trente ans, alors que les petites principautés voisines telle la Saxe-Gotha ou Saxe-Weimar se lançaient dans des réformes scolaires ambitieuses, s’appuyant sur les théories pédagogiques du moment (Ratke, Comenius), introduisant l’obligation scolaire et une forme d’inspection générale, le Haut consistoire de l’Électorat de Saxe restait sceptique face à ces novations et s’appliquait quant à lui à reconstruire les structures scolaires avec les instruments éprouvés du contrôle ecclésiastique local. À la différence des premiers temps de la Réforme et de la confessionnalisation, l’initiative de l’emploi de l’instrument de la visite ecclésiale pour traiter les conséquences de la guerre ne partait plus du gouvernement de Dresde. Ce sont les États provinciaux, bien mieux informés des particularités locales, qui apparaissent comme porteurs de ces efforts de reconstruction par les visites. Les principautés saxonnes dites de « secondogéniture » (duché de Saxe-Weissenfels et Saxe-Zeitz), détachées en 1657, ont profité du pouvoir de visite pour affirmer leur autonomie territoriale tandis que le gouvernement de Dresde cherchait au contraire à défendre le maintien dans ses mains d’une conception d’ensemble de la politique et de la législation scolaire.

8De même, l’attitude conservatrice du haut clergé et des autorités de l’État électoral et les pesanteurs administratives empêchèrent que la dernière grande visite générale de l’époque moderne, menée entre 1670 et 1675, soit mise à profit pour renforcer le contrôle étatique sur les écoles, ou pour promouvoir l’innovation dans ce domaine. En revanche, les institutions d’administration locales ou intermédiaires furent davantage en mesure de réagir aux demandes d’évolution de formation que suscitaient les changements sociaux et économiques. Contrairement à ce que l’on pense parfois, l’autonomie locale ne fut donc pas détruite par l’instrument de la visite mais plutôt bien acceptée, et dans une certaine mesure renforcée.

9Après cette visite générale, les améliorations apportées au système scolaire furent encore laissées à l’initiative des ecclésiastiques, des détenteurs des droits de patronage sur les cures et les sacristies (à savoir essentiellement la noblesse terrienne) et des autorités locales. Celles-ci prenaient à la fin du XVIIe siècle une multitude d’initiatives, qui allaient de la fondation de nouvelles places de maître d’école, d’abord dans les villes et plus tard dans les villages, jusqu’à la correction des contenus et des méthodes de l’enseignement du catéchisme. Déjà vers 1700, on avait atteint une densité scolaire tout à fait remarquable puisque, à côté des villes, non seulement toutes les paroisses mais aussi une majorité des villages qui n’étaient que filiales étaient dotés d’une école. C’est la raison pour laquelle il n’y a plus véritablement de mouvements de fondations d’école nouvelle en Saxe au XVIIIe siècle, contrairement à d’autres territoires. Ce n’est que vers 1800 que l’on peut observer une certaine expansion quantitative du réseau scolaire inférieur et moyen, avant tout dans les villes.

  • 10 Le surintendant (général ou spécial) est un pasteur ayant autorité sur une circonscription appelée (...)

10Le second chapitre traite de la politique scolaire au XVIIIe siècle. L’auteur interprète l’intensification de l’activité réglementaire princière vers 1700 comme étant pour l’essentiel une réaction à la multitude d’initiatives et d’exigences issues du terrain. L’impulsion décisive pour la mise en œuvre d’une réforme du catéchisme en 1688 (« catéchisme de Dresde »), de même que les deux ordonnances princières de l’année 1713 et 1724 sont à rapporter aux initiatives du clergé urbain de Dresde. Il n’y avait donc pas de concurrence à proprement parler entre le niveau local et territorial mais plutôt une coopération. C’est ce que montrent en particulier les essais fructueux du surintendant de Dresde, Valentin Ernst Löscher, de faire valoir dans tout l’État électoral les principes qu’il avait développés dans la capitale depuis 1709 pour l’enseignement élémentaire et de catéchisme10. Ceci retouche l’image habituelle, donnée par l’historiographie, de la Saxe comme bastion de l’orthodoxie luthérienne hostile au changement.

11Le cas de la Haute Lusace, rattachée depuis 1635 à la Saxe électorale, est encore plus ancré dans le particularisme local. Ici, la noblesse et les villes fixaient elles-mêmes les normes puisqu’il n’y avait pas eu de toute l’époque moderne d’ordonnance ecclésiastique commune, ni même avant 1770 la moindre ordonnance scolaire. Le système de formation s’organisait donc en petites unités en l’absence d’une véritable surveillance de l’autorité princière. Dans la région autour de Bautzen, l’Électeur n’a guère eu de capacité d’influence jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, tandis que dans les six villes, les ecclésiastiques étaient soumis directement à l’autorité municipale. Ces municipalités, particulièrement investies dans les questions scolaires, ont réussi à se réserver le contrôle des écoles savantes.

  • 11 C'est ce que nous avions nous-mêmes observé et démontré dans le Brunswick sur la base des effectifs (...)

12Le troisième chapitre étudie le réseau scolaire « sur le terrain ». La diversité du marché éducatif local dépendait principalement du degré de différenciation sociale, industrielle et économique de la ville ou du paysage urbain. L’instruction « savante » n’était pas réservée aux grands centres urbains, bon nombre de petites villes possédant une école latine, qui était un moyen de se distinguer de l’environnement rural, de former au moins dans le début des humanités les fils de la bourgeoisie et d’affirmer la conscience de soi urbaine. Mais ceci ne doit pas masquer le fait qu’il n’y avait pas fonctionnellement à ce niveau de distinction claire entre les institutions d’éducation savantes et élémentaires, les deux besoins étant couverts dans la même école : les petites classes se chargeaient de l’instruction élémentaire considérée désormais comme obligatoire, tandis que les plus grandes permettaient une intrusion plus ou moins poussée dans les humanités, beaucoup d’élèves s’arrêtant en fait après quelques rudiments latins11. La plupart des écoles créées au XVIe siècle dans les petites villes et même dans des villes moyennes étaient en fait des écoles de type mixte, l’accent portant, selon l’état de la demande locale, sur l’enseignement en allemand ou en latin. Vers 1700, toute une série de mesures furent prises pour s’adapter à l’évolution des différents besoins éducatifs, notamment ceux concernant l’enseignement élémentaire.

  • 12 Jean-Luc Le Cam, « Instruction privée et système scolaire public : une structure éducative emboitée (...)

13À l’instar de nos observations exprimées dans le numéro spécial d’Histoire de l’éducation sur les pratiques préceptorales12, Thomas Töpfer affirme aussi qu’on ne peut comprendre le système « scolaire » urbain au XVIIe et XVIIIe siècle, que si l’on prend en compte à côté du système d’instruction publique les nombreuses écoles privées et autres formes d’instruction préceptorale. Dans les faits, les écoles publiques n’avaient pas le privilège exclusif d’exercer l’enseignement, ni la population l’obligation de les fréquenter. Et elles étaient par conséquent soumises à une concurrence massive de l’enseignement privé, en particulier à destination des métiers, de sorte que Thomas Töpfer considère qu’elles n’avaient en fait dans beaucoup de villes qu’un statut marginal à l’intérieur du marché éducatif local. Celui-ci était au contraire dominé par les tenanciers d’écoles privées ou clandestines (Winkelschulen), qui répondaient souvent mieux à la demande en fournissant des contenus négligés dans les écoles publiques, en particulier ceux qui étaient spécifiques aux besoins pratiques des métiers. Il en est de même pour l’enseignement des filles pour lesquelles les maîtres privés avaient dans bien des endroits l’essentiel du marché. Certes des mesures d’interdiction des écoles clandestines étaient régulièrement prises, mais elles aboutissaient dans la pratique à une négociation et à une adaptation locale dans le sens d’une certaine normalisation par le biais de concessions officielles ou de tolérance tacite.

  • 13 Notamment parce qu'il est fondé sur des relevés précis avec l'identité des maîtres et parfois même (...)

14Sur la base d’une conjonction de sources particulièrement riches à Leipzig, l’auteur a pu décrire en détail et dans son ensemble le développement de ces écoles privées du XVIIe jusqu’au début du XIXe siècle. C’est l’objet du quatrième chapitre dont le titre est une appréciation significative de l’époque : « dans les écoles privées, les enfants ont leur liberté », et qui a été partielle reprise dans le titre du livre. C’est certainement son apport le plus original13. Il conduit à réviser la vision largement péjorative qui prévaut dans l’historiographie de l’éducation, encore aujourd’hui, sur ce type d’école. L’étude permet d’entrevoir leur ancrage dans la société urbaine, dans les parcours éducatifs, également la position sociale des maîtres et leur rapport aux parents, enfin l’activité quotidienne de ces écoles. Il en ressort que pour la plus grande partie des enfants de Leipzig, la formation scolaire s’organisait d’elle-même dans la société sans réglementation de l’autorité et était régulée par le rapport entre l’offre et la demande. La surveillance exercée par les autorités urbaines a certes entraîné un passage progressif de ces écoles sous le statut d’écoles publiques mais cela ne changeait rien à leur structuration interne comme école de métier. Du point de vue des parents, la décision sur le lieu, la durée, la forme et le type d’apprentissage de leurs enfants était une composante de leur propre « liberté » au sens ancien du terme, c’est-à-dire un pouvoir de décision ou un privilège. Ce qui revient à rappeler la position éminente des parents dans la réalité scolaire de l’époque prémoderne, trop souvent oubliée dans l’historiographie.

15Le cinquième chapitre se pose la question de savoir si l’école était une affaire de l’État au XVIIIe siècle ou si prédominent en fait les circonstances locales. Déjà au tournant des années 1700, sont attestés dans de nombreuses villes saxonnes des efforts de réforme des structures scolaires et de l’enseignement. Elles vont de la simple régulation du marché en expansion des écoles privées jusqu’à la fondation d’écoles pour les pauvres ou d’orphelinat, en passant par l’adaptation des écoles urbaines au changement des exigences de formation et aux conditions sociales environnantes. La pratique d’enseignement confessionnel fut en bien des endroits intensifiée. En fonction des circonstances locales, ce fut soit le patronat laïc sur l’école, soit l’inspection ecclésiastique qui exercèrent une influence prédominante dans ces réformes locales. Les membres du clergé et les surintendants n’étaient pas exclusivement vus en effet comme des représentants du lointain gouvernement et l’exercice de leurs charges était avant tout inscrit dans leur environnement concret. Il pouvait y avoir des réformes réussies en matière d’adaptation aux nouveaux besoins lorsqu’un clergé sensible à ces questions appuyait les décisions d’autorités locales.

  • 14 Appelées Bürgerschulen, ou Realschulen quand elles avaient un programme plus ambitieux, centré nota (...)

16Mais c’est au moment de la reconstruction territoriale après la guerre de Sept ans, que le système scolaire fut pour la première fois découvert en Saxe par la politique territoriale comme champ d’action autonome à côté ou face à l’Église. Les ecclésiastiques ou les intellectuels du Rétablissement, comme on appelle le mouvement de reconstruction après cette guerre, se prononcèrent pour la promotion des disciplines utiles aux universités, pour la fondation de séminaires d’instituteurs et pour des cursus adaptés aux conditions de vie et d’exercice des métiers, dans de nouvelles écoles « modernes »14. La commission de restauration qui fonctionna en 1762-1763 s’efforça aussi de promouvoir par la réforme de l’école et de l’université le redressement de l’économie du pays, des métiers, du commerce et des manufactures.

17Ces considérations ont aussi influencé l’élaboration de la nouvelle ordonnance scolaire de Saxe électorale en 1773, qui pour la première fois depuis la Réforme, réglait de façon unitaire les bases normatives des systèmes scolaires élémentaire, latin et des écoles princières, et qui resta en vigueur ensuite jusqu’aux années 1830. La comparaison des textes originaux et des actes des archives de Dresde avec les ordonnances plus tardivement proclamées montre que ces innovations ont été principalement élaborées en collaboration avec les États du pays, le Haut consistoire et le conseil secret ou gouvernement. À cet égard, Töpfer minimise le rôle traditionnellement attribué par l’historiographie au théologien et philologue de Leipzig Johann Auguste Ernesti dans la préparation des ordonnances concernant les écoles latines supérieures. Les États en revanche ont participé de façon intensive à la préparation des textes et exigèrent leur adaptation au nouveau concept de formation. L’élargissement du canon aux disciplines « réelles » telles que la géographie, les mathématiques, la prise en compte des langues modernes y compris la langue maternelle et l’emploi de nouveaux manuels et méthodes d’enseignement, provenant notamment de la Realschule de Berlin et du règlement général des écoles de la Prusse de 1763 en sont la marque. Comme la haute Lusace ne se trouvait pas sous le gouvernement de l’Église de Saxe électorale, on lui rédigea à l’initiative des États en 1770 une ordonnance scolaire propre qui, pour la première fois, concernait la totalité du système scolaire.

18Peter von Hohental qui présidait au destin de l’Église et du système scolaire de Saxe en tant que vice-président du Haut consistoire de Dresde entre 1763 et 1777 apparaît comme la figure clé de la genèse de l’ordonnance scolaire de 1773. Publiciste influent de la première vague des « Lumières pour le peuple », propagateur du piétisme de Halle et de Herrenhuten, il s’est inspiré de la pédagogie de l’école moderne (Realschule) de Berlin et des réformes éducatives autrichiennes des années 1770. Sur ces modèles, il a fondé de 1756 à sa mort en 1792 toute une série d’écoles, et préparé l’ouverture d’une école normale (Schulseminar) en Saxe, d’après le modèle d’école normale autrichienne.

19Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, avec une accélération dans les années 1790, le système scolaire d’une multitude de villes saxonnes fut pris dans un courant de réformes locales. À Dresde et à Leipzig, se constitua ainsi un système scolaire public, bien fréquenté, articulé autour d’une offre savante, moderne (Bürgerschule) et élémentaire. De nouvelles écoles modernes, gratuites, et des écoles charitables (Armenschulen) furent fondées à la place des écoles clandestines qui dominaient jusque-là. Les écoles latines se virent transformées par l’adjonction de classes de disciplines modernes, jusqu’à devenir parfois des Bürgerschulen. Toutes ces réformes dépendaient de la collaboration et de la disponibilité à l’innovation des acteurs locaux. Les municipalités, en raison de la dimension financière et matérielle de ces réformes, avaient un rôle prépondérant dans leur mise en œuvre. Un mouvement analogue se constate aussi en Haute Lusace, par exemple à partir de 1802 à Zittau à l’instigation du chancelier du haut bailliage Karl Gottfried Hermann.

20C’est à partir des années 1800 que le gouvernement entreprend de vouloir homogénéiser et rationaliser le contrôle du système scolaire élémentaire. Les conseillers du roi Friedrich August Ier voulurent en 1810 à cette fin remplacer les règlements scolaires de 1773. Ce fut un échec en raison du scepticisme voire de l’opposition du Haut consistoire vis-à-vis de tout plan de contrôle étatique généralisé. Ceux-ci répondaient à ces sollicitations que les enfants avaient été mieux servis dans le passé, et le seraient encore dans l’avenir, par des structures éducatives répondant étroitement aux « conditions locales ». En fait, instruits par une tradition saxonne pluriséculaire de gestion et de réforme locale du système scolaire, les conseillers ecclésiastiques voulaient s’en tenir à une gestion décentralisée de l’école, respectant aussi la liberté des parents d’organiser une instruction adaptée à leurs enfants.

21Le sixième chapitre, plus ramassé, replace cette histoire particulière de la politique scolaire en Saxe dans la perspective d’une comparaison à l’échelle de l’Empire. Elle serait particulièrement originale d’après l’auteur. Si en Prusse, l’État considère et proclame le système scolaire comme un domaine réservé de l’État, mais sans en tirer de véritables conséquences pratiques si ce n’est dans les écoles savantes qu’il contrôle effectivement, les réformes de l’enseignement élémentaire par l’État s’imposent bien à la fin du XVIIIe siècle en Autriche et dans les territoires ecclésiastiques de la Germania sacra, ainsi que dans l’électorat de Bavière. Les autres territoires furent bloqués dans leur volonté de réforme par des conflits entre souverain et États provinciaux, comme par exemple dans le Wurtemberg. La Saxe emprunta d’une certaine façon une voie moyenne : si une révision générale des ordonnances scolaires resta lettre morte, certains points particuliers furent malgré tout traités par des ordonnances royales. Mais les initiatives locales restèrent encore l’élément essentiel de l’innovation dans ce début du XIXe siècle.

22Les apports de ce travail sont donc incontestables et d’une portée qui dépasse largement l’histoire régionale. C’est un modèle d’histoire problème, dont les enseignements peuvent être transposés, mutatis mutandis, dans leur esprit, à d’autres aires politiques et culturelles que l’Allemagne ou les pays germaniques. On peut évidemment y apporter quelques critiques et quelques restrictions, qui tiennent principalement au genre même d’une historiographie très orientée sur une problématique. Même si la démonstration est loin d’être faite à l’emporte-pièce et sait employer les nuances et les précautions nécessaires, elle tend forcément à renforcer les traits qui vont dans son sens et à estomper d’autres aspects. Le fait que pour sa démonstration centrale, l’auteur se soit concentré sur la ville de Leipzig et sur la seconde moitié du XVIIIe siècle n’est pas anodin. C’est dans ce tissu urbain et social complexe que se trouve probablement le mieux vérifiée sa théorie. Il y a un risque à faire de l’histoire rétrospective et à considérer que la situation d’arrivée décrit des structures depuis longtemps mises en place. Le phénomène des écoles privées clandestines est certes avéré depuis le Moyen Âge, mais le fait que notre capacité à le décrire et l’estimer précisément commence essentiellement avec le XVIIIe siècle n’est sans doute pas à relier uniquement à la densité des sources et à leur meilleure conservation pour cette période, mais aussi à un changement des comportements. Ayant eu pour le milieu du XVIIe siècle le moyen de contrôler le phénomène par la source extrêmement fiable que sont les rapports de l’inspection générale du Brunswick, il m’apparaît que le phénomène concerne essentiellement les organismes urbains développés, et qu’il se renforce tout spécialement dans ce cadre à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. Il ne faudrait donc pas céder à une certaine illusion d’optique consistant à attribuer à l’époque moderne dans son ensemble les mêmes caractéristiques structurelles.

23De la même façon, la comparaison du cas de la Saxe avec les autres grands états allemands est pour partie limitée par le fait que ceux-ci ont été étudiés parfois dans une optique historiographique assez ancienne, en tout cas avec une approche différente. Il n’est pas impossible que la même démarche y rencontre des résultats assez comparables. Mais il faut bien reconnaître que, pour les efforts de réforme du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, Thomas Töpfer cite des échanges rarement rencontrés ailleurs sous cette forme dans les sources, et qu’il y a là une forme de pragmatisme et de savoir-faire pratique que certains pourraient, dans une vision traditionnelle de l’idiosyncrasie des provinces allemandes, attribuer aux Saxons.

24D’une certaine façon, le succès et la réception de ce livre en Allemagne vient de ce qu’il est en phase avec un esprit du temps moins porté à attendre d’un État lointain, intrusif et normalisateur, les solutions dont la société a besoin. L’historiographie des années 1970-1980 était encore fascinée par la planification étatique éclairée venant d’en haut. Celle du XXIe siècle commençant est plus réceptive aux arguments du libéralisme, ou à une forme de pragmatisme résigné.

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Notes

1 Prix dévolu aux ouvrages d’histoire moderne et contemporaine dans la Fondation Friedrich-Ebert. Le discours de réception est disponible en ligne : Thomas Töpfer, Schule, Bildungswesen und territoriale Politik in der Frühen Neuzeit: Leitfragen und Ergebnisse einer epochenübergreifenden Untersuchung zum Kurfürstentum und Königreich Sachsen (1600-1815) Rede anlässlich der Verleihung des Horst-Springer-Preises 2010, Bonn, Digitale Bibliothek der Friedrich-Ebert-Stiftung [en ligne] <http://library.fes.de/pdf-files/historiker/08596-20111117.pdf>.

2 Jean-Luc Le Cam (dir), « Éducation privée et pratiques préceptorales du XVe au XIXe siècle », numéro spécial, vol. 1-2, Histoire de l'éducation, no 143-144, 2015.

3 Veronika Albrecht-Birkner, Reformation des Lebens: die Reformen Herzog Ernsts des Frommen von Sachsen-Gotha und ihre Auswirkungen auf Frömmigkeit, Schule und Alltag im ländlichen Raum (1640-1675), Leipzig, Evangelische Verlag-Anstalt, 2002, qui rénove une historiographie qui a connu sa premier apogée à la fin du XIXe siècle.

4 Très représentatif de ce courant, Ulrich Herrmann, « Das pädagogische Jahrhundert ». Volksaufklärung und Erziehung zur Armut im 18. Jahrhundert in Deutschland, Weinheim, Beltz, 1981. Idem, « Die Bildung des Bürgers ». Die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhundert, Weinheim, Beltz, 1982.

5 Manfred Heinemann, Schule im Vorfeld der Verwaltung. Die Entwicklung der preußischen Unterrichtsverwaltung von 1771-1800, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1974 ; Hanno Schmitt, Schulreform im aufgeklärten Absolutismus. Leistungen, Widersprüche und Grenzen philanthropischer Reformpraxis im Herzogtum Braunschweig-Wolfenbüttel 1785-1790, Weinheim, Beltz, 1979.

6 Wolfgang Neugebauer, Absolutistischer Staat und Schulwirklichkeit in Brandenburg-Preußen, Berlin/New York, de Gruyter, 1985 ; Idem, Schule und Absolutismus in Preussen. Akten zum preussischen Elementarschulwesen bis 1806, Berlin/New York, de Gruyter, 1992, voir nos recensions dans Histoire de l'éducation, no 42, 1989, p. 183-188 ; no 61, 1994, p. 81-84.

7 Il existe une abondante bibliographie sur le sujet, qui a été stimulée à nouveau par les programmes de recherche exploitant les fonds du Paedagogium fondé par Francke à Halle. Voir entre autres l’ouvrage de la responsable de ce programme Juliane Jacobi, Zwischen christlicher Tradition und Aufbruch in die Moderne. Das Hallesche Waisenhaus im bildungsgeschichtlichen Kontext, Tübingen, Verlag der Franckeschen Stiftungen Halle im Niemeyer-Verlag, 2007.

8 Jean-Luc Le Cam, La politique scolaire d'Auguste le Jeune de Brunswick-Wolfenbüttel et l'inspecteur Christoph Schrader 1635-1666/1680, 2 vol., Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1996.

9 Edwin Dillmann, Schule und Volkskultur im 18. und 19. Jahrhundert. Erkundungen zum Modernisierungsprozeß im saarländisch-trierischen Raum, Cologne, Böhlau, 1995 ; Jens Bruning, Das pädagogische Jahrhundert in der Praxis. Schulwandel in Stadt und Land in den preußischen Westprovinzen Minden und Ravensberg 1648-1816, Berlin, Duncker & Humblot, 1998 ; Hans Erich Bödecker, Alphabetisierung und Literalisierung in Deutschland in der Frühen Neuzeit, Tübingen, Niemeyer, 1999.

10 Le surintendant (général ou spécial) est un pasteur ayant autorité sur une circonscription appelée surintendance, comparable suivant son importance à un évêché ou à un archidiaconé.

11 C'est ce que nous avions nous-mêmes observé et démontré dans le Brunswick sur la base des effectifs scolaires et des rapports d'inspection, Jean-Luc Le Cam, « Über die undeutlichen institutionellen Grenzen der Elementarbildung. Das Beispiel des Herzogtums Braunschweig-Wolfenbüttel im 17. Jahrhundert » in Alwin Hanschmidt, Hans-Ulrich Musolff (dir.), Elementarbildung und Berufsausbildung 1450-1750, Cologne, Böhlau, 2005, p. 47-72.

12 Jean-Luc Le Cam, « Instruction privée et système scolaire public : une structure éducative emboitée dans l’Allemagne luthérienne à l’époque moderne », in Jean-Luc Le Cam (dir), Éducation privée et pratiques préceptorales du XVe au XIXe siècle, numéro spécial, vol. 1, Histoire de l’éducation, no 143, 2015, p. 61-124.

13 Notamment parce qu'il est fondé sur des relevés précis avec l'identité des maîtres et parfois même des élèves, voir exemples donnés p. 279-291. La seule étude comparable, mais sur une période plus tardive, a été faite plus récemment sur Zurich : Luca Godenzi, « Das Zürcher Privatschulwesen (1800–1820) », Bildungsgeschichte, International Journal for the Historiography of Education, vol. 2, 2012, p. 176-192.

14 Appelées Bürgerschulen, ou Realschulen quand elles avaient un programme plus ambitieux, centré notamment sur les Realien, mathématiques, langues modernes, sciences et géographie.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Luc Le Cam, « TÖPFER (Thomas), Die « Freyheit » der Kinder. Territoriale Politik, Schule und Bildungsvermittlung in der vormodernen Stadtgesellschaft: das Kurfürstentum und Königreich Sachsen 1600-1815 »Histoire de l’éducation, 157 | 2022, 321-333.

Référence électronique

Jean-Luc Le Cam, « TÖPFER (Thomas), Die « Freyheit » der Kinder. Territoriale Politik, Schule und Bildungsvermittlung in der vormodernen Stadtgesellschaft: das Kurfürstentum und Königreich Sachsen 1600-1815 »Histoire de l’éducation [En ligne], 157 | 2022, mis en ligne le 01 juillet 2022, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/histoire-education/7617 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoire-education.7617

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Jean-Luc Le Cam

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