Regards historiques sur 40 ans de politique d’éducation prioritaire en France (1981-2021)
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démocratisation de l'enseignement, zone d'éducation prioritaire, politique en matière d'éducation, administration de l'enseignementPlan
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- 1 On peut citer néanmoins deux thèses, la première conjuguant cadrage national et réalités locales, (...)
- 2 Voir par exemple Jean-Yves Rochex, « La politique ZEP en France, laboratoire des politiques d’éduc (...)
- 3 <https://www.citeseducatives.fr/ (consulté le 21 septembre 2022) ; rapport annuel 2020 du Comité n (...)
1La politique d’éducation prioritaire a quarante ans. Politique éducative vraiment contemporaine, toujours en œuvre sous le même libellé malgré des aléas dans le pilotage et des évolutions dans les objectifs politiques, elle a rarement été étudiée historiquement1. Pourtant, elle a introduit dans le système éducatif français un certain nombre de transformations, qui ont été généralisées par la suite2. Elle a en effet permis de nouvelles approches éducatives et professionnelles, à l’intérieur comme avec l’extérieur de l’école. Récemment, la mise en place des cités éducatives3 confirme la prégnance d’une certaine volonté d’agir sur un territoire (quartier, ville), en mettant en synergie tous les acteurs œuvrant dans le champ scolaire, éducatif, social et culturel.
- 4 Marc Demeuse, Daniel Frandji, David Greger, Jean-Yves Rochex (dir.), Les politiques d’éducation pr (...)
- 5 En partenariat avec les Archives nationales et le soutien des Archives de France, Lydie Heurdier, (...)
- 6 Lydie Heurdier, « De nouvelles sources offertes aux chercheurs en sciences sociales : les archives (...)
- 7 <https://francearchives.fr/fr/circulaire/DGPA_SIAF_2021_005> (consulté le 21 septembre 2022).
- 8 AD 93, versement 3320 W 1-23. Ainsi, le témoignage de Jean-Paul Delahaye – inspecteur général hono (...)
2La complexité de cette politique a rendu difficiles les études diachroniques basées sur des fonds documentaires pérennes. Seules les Archives nationales (AN) disposaient jusqu’alors de sources éparses produites par le cabinet du ministre de l’Éducation nationale, les directions du ministère ou les services académiques. Le point de vue national, les politiques ministérielles successives ont donc été privilégiés, voire les comparaisons internationales4. Ce qui ne dit rien ou si peu des réalités locales. Or, grâce au projet national d’archivage de la politique d’éducation prioritaire, de nouvelles sources, locales cette fois, ont été recensées, et des versements plus ou moins conséquents rejoignent progressivement les services d’archives départementales (AD)5. Le bilan de ce projet a été présenté récemment6. Une circulaire du Service interministériel des Archives de France (SIAF), relative à l’archivage de cette politique dans les services déconcentrés de l’Éducation nationale, a par ailleurs été publiée en juillet 20217. Elle concerne en particulier les réseaux d’éducation prioritaire (REP) détenteurs d’archives définitives. Le tableau de gestion proposé liste l’ensemble des documents susceptibles d’être produits et conservés depuis la création des zones d’éducation prioritaire (ZEP). En outre, des entretiens réalisés dans le cadre de la collecte d’archives orales ont été déposés à l’automne 2021 aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis (AD 93). Ils constituent un fonds complémentaire aux versements papier et quelquefois électronique8.
- 9 Voir notamment, Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, « L’institution scolaire, les familles, (...)
3Ce projet ciblait en priorité les ZEP créées dès 1982. Un certain nombre d’entre elles sont désormais bien documentées. Des études sur les mises en œuvre contextualisées d’une politique nationale sont dès lors possibles, grâce à ces nouvelles sources recueillies parfois dans les échelons déconcentrés (rectorats, inspections académiques, inspections de circonscription), le plus souvent dans les écoles et collèges qui hébergent le bureau de la coordination du réseau. Le terme de réseau apparu en 1998 a supplanté définitivement celui de zone en 2006, bien que ZEP continue d’être usité comme terme générique. L’opportunité de disposer de sources locales permet désormais d’élargir le champ d’étude, de multiplier les focales et les comparaisons, de développer les travaux multiscalaires, de mieux saisir les interprétations et les mises en œuvre des directives nationales. Les analyses centrées sur l’échelon central, les textes officiels et leur évolution sont nécessaires mais non suffisants pour appréhender les processus engagés dans le système éducatif. En France, l’éducation prioritaire a vu le jour dans un contexte de renforcement de la déconcentration tandis que les lois de décentralisation instituaient les compétences partagées en matière éducative, entre l’État et les collectivités territoriales. La territorialisation des politiques éducatives à partir des années 1980 implique de s’intéresser aux échelons administratifs intermédiaires, de ne pas se contenter des décisions ministérielles ou des rapports des inspections générales. Faisant nôtre la démarche choisie par Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie dans leurs travaux sur la scolarisation sous la Troisième République9, il nous paraît indispensable de prendre en compte les documents élaborés au cours du fonctionnement ordinaire de l’institution scolaire. Dans leur étude, ils portent la focale sur l’établissement, unité de base et de gestion pour la scolarisation. Pour étudier l’éducation prioritaire, c’est la ZEP ou le réseau qui est l’unité de base, détentrice des traces du fonctionnement. L’interprétation des réglementations, leur possible redéfinition au fil du temps, ne peuvent ainsi se percevoir qu’à travers les projets et les activités envisagés, les bilans établis, les productions des élèves. Tous ces documents ne remontent pas à l’échelon central, pas plus d’ailleurs qu’au rectorat ou à l’inspection académique pour une partie d’entre eux. La centration sur des sources locales permet de mieux cerner les processus en œuvre localement et ouvre des espaces de compréhension fine, voire des perspectives pour les acteurs en prise avec des difficultés pérennes. Ce qu’Anne-Marie Chartier explicitait à sa manière lors d’une journée annuelle de l’Observatoire des zones prioritaires :
- 10 Anne-Marie Chartier, « Regard historique sur les politiques scolaires et les disparités territoria (...)
« Les études de cas aident à percevoir les espaces d’indétermination et les zones de jeu dans lesquels peuvent s’exercer de façon réaliste et parfois efficace les responsabilités des uns et des autres. […] Si les chercheurs souhaitent aider les personnels de l’éducation à “penser” les ZEP et les REP (nom donné aujourd’hui aux lieux où l’équité scolaire est battue en brèche), les aider aussi à percevoir quel est leur pouvoir dans l’école plutôt que leur impuissance, leurs enquêtes doivent non pas les traiter comme de simples agents du système, mais restituer, dans des contextes sociaux et politiques datés, le rôle, l’initiative ou l’action des individus, les évènements locaux ou nationaux qui ont fait ou non “bouger les choses”. L’histoire n’est pas écrite d’avance »10.
- 11 Marceline Laparra, « Les ZEP, miroir grossissant des évolutions et contradictions du système éduca (...)
4Si, comme le constate Marceline Laparra, les ZEP ont bien été un « miroir grossissant des évolutions et contradictions du système éducatif français »11, les études présentées dans ce dossier permettent d’en saisir plus finement les caractéristiques, tout en mettant en évidence l’importance des contextes, l’hétérogénéité des choix opérés pour les classements et déclassements, la variété des fonctionnements et des objectifs retenus dans les contrats et projets.
5Ce dossier ouvre donc un nouveau chantier, très vaste car depuis vingt ans près de 20 % des élèves français sont scolarisés en éducation prioritaire, cette moyenne cachant de fortes disparités territoriales. Autrement dit, dans le cadre de la scolarité obligatoire, un élève français sur cinq en moyenne est concerné ; mais en Seine-Saint-Denis par exemple, la proportion atteint plus du double avec près d’un écolier sur deux et plus d’un collégien sur deux.
6Afin que le lecteur des différentes contributions de ce dossier ne soit pas perdu face à la complexité de cette politique éducative, il est nécessaire de rappeler dans cette introduction les circonstances d’apparition de cette politique et ses principales caractéristiques, avant de présenter succinctement les étapes marquantes ayant scandé les quatre décennies.
- 12 Rappelons les travaux du CRESAS (Centre de recherche de l’éducation spécialisée et de l’adaptation (...)
- 13 Martine Kherroubi, Jean-Yves Rochex, « La recherche en éducation et les ZEP en France. 2. Apprenti (...)
- 14 Ibid., p. 180.
7Une remarque s’impose préalablement. La politique d’éducation prioritaire n’a pas fait l’objet de travaux de recherche à la hauteur des opinions et commentaires qui circulent à son sujet dans les médias notamment. Ce qui peut surprendre. Si la période 1981-2001 a été étudiée par quelques rares historiens, au moins dans ses grandes lignes, ce sont surtout les sociologues qui se sont saisis de ce terrain de recherche dans les années 1980 et dans une moindre mesure les années 199012.Mais d’une part, on observe au début des années 2000, « un déclin des recherches prenant pour objet spécifique la mise en œuvre de cette politique même, ainsi que les objets « politico-administratifs » qui ont pu lui être liés, tels que, par exemple, le partenariat […] »13. Martine Kherroubi, sociologue, et Jean-Yves Rochex, psychologue et professeur de sciences de l’éducation, auteurs de deux notes de synthèse, insistent sur la « nécessité d’un dialogue beaucoup plus soutenu entre approches synchronique et diachronique » tandis qu’il s’agirait de « conjuguer une approche socio-spatiale permettant de comparer les phénomènes et processus propres et/ou communs à des contextes sociaux et scolaires différents, et le souci — théorique et méthodologique — de mieux penser et étudier les rapports de domination et d’interdépendance entre ces constructions sociales locales » et les logiques et politiques socio-économiques et scolaires plus larges »14. Ces propos paraissent toujours d’actualité. D’autre part, une des explications du manque d’attrait de cette politique pour les chercheurs et les étudiants pourrait être liée à cet
- 15 Martine Kherroubi, Jean-Yves Rochex, « La recherche en éducation et les ZEP. 1. Politique ZEP, obje (...)
« objet empirique protéiforme, aux contours flous et au caractère difficilement saisissable, fortement dépendant des aléas politiques, et dans lequel se mêlent de façon quasi inextricable différentes dimensions qui sont chacune tout à la fois problème social, question politique et objet de recherche […] : question de la scolarisation des enfants de milieux populaires et de leur inégalités de performances scolaires ; celle de situations extrêmes que connaissent certaines zones ou certains établissements […] ; celle des conditions et des processus de mobilisation, tout à la fois professionnelle et militante, individuelle et collective, qui ont permis l’émergence dans les ZEP de nouveaux métiers et l’invention, plus ou moins forcée, de nouveaux modes d’exercice de métiers anciens »15.
- 16 André Robert, « Syndicats et ZEP : d’une controverse implicite sur l’idée de justice à un consensu (...)
- 17 À notre connaissance, seul Xavier Riondet, sollicité de notre part pour la journée d’étude du 1er (...)
8À ces considérations s’ajoute la difficulté d’étudier d’un point de vue historique une politique toujours en œuvre, très déconcentrée, avec des disparités territoriales manifestes. Jusqu’à récemment, peu d’archives définitives avaient été versées, ce qui impliquait de repérer les sources potentielles sur le terrain, d’obtenir l’accord des autorités pour y accéder, avant de pouvoir enfin les exploiter. Du reste, au niveau du ministère lui-même, les deux dernières décennies restent un champ d’étude à défricher : à ce jour, les sources disponibles aux Archives nationales n’ont pas été exploitées. Mentionnons enfin l’absence de travaux sur les points de vue des syndicats enseignants — hormis l’article d’André Robert déjà ancien16 —, des mouvements pédagogiques17 ou des fédérations de parents d’élèves. L’historiographie de l’éducation prioritaire, non développée plus avant ici, laisse à penser que cette politique reste bien un champ de recherche à développer.
Une politique éducative à vocation sociale
- 18 Dans l’avant-projet, il est annoncé qu’« il s’agit de donner la priorité aux actuels exclus du sys (...)
- 19 Bruno Cogez, Les Zones d’éducation prioritaires (origines, projets, mise en place) 1966-1985, mémo (...)
- 20 Lydie Heurdier, « La politique d’éducation prioritaire. Un projet conduit hors du champ politique (...)
9Lorsqu’Alain Savary, nommé ministre de l’Éducation nationale en mai, signe la circulaire fondatrice de l’éducation prioritaire le 1er juillet 1981, la surprise est réelle chez les acteurs éducatifs. L’objectif est formulé ainsi : « contribuer à corriger cette inégalité [sociale] par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé ». Hormis quelques militants du SGEN-CFDT revendiquant la création de zones d’éducation prioritaire, au milieu des années 1970, seuls quelques membres du Parti socialiste, parfois les mêmes, remettent en cause l’égalité formelle qui prévaut alors. Ces militants défendent l’idée qu’une école inégalitaire permettrait de mieux lutter contre l’échec scolaire dans les territoires les plus en difficulté, et obtiennent son inscription dans le plan socialiste pour l’éducation publié début 197818. Le sigle ZEP n’est cependant pas présent dans ce texte programmatique, et la genèse de cette introduction en France est alors connue des seuls militants d’une adaptation de l’école aux enfants issus de familles marginalisées, vivant dans des conditions indignes : bidonvilles, cités d’urgence et de transit19. Aucun débat n’est alors mené au Parlement, et cette politique sera de fait pilotée uniquement par voie réglementaire, par des circulaires et des notes de service20.
- 21 Lydie Heurdier, « Le pilotage de l’éducation prioritaire en France (1981-2017) », Les Dossiers des (...)
- 22 De 1981 à 1998, on parle de ZP ou ZEP ; de 1999 à 2006, de réseau d’éducation prioritaire (REP) et (...)
10Depuis 1982, année de réelle mise en place du dispositif, le pilotage national a été intermittent, avec des effets sur le pilotage des niveaux hiérarchiques inférieurs, du rectorat à la ZEP. Plusieurs relances ont eu lieu, dont la dernière, intitulée « Refondation de l’éducation prioritaire », date de 2014-201521. Ces temps forts se sont accompagnés généralement de transformation dans les sigles utilisés22 pour désigner les territoires et les établissements classés en éducation prioritaire, écoles et collèges essentiellement. Une nouvelle configuration était prévue pour la rentrée 2022, après avoir été expérimentée dans trois académies durant l’année scolaire 2021-2022. Une chronologie en annexe de cette introduction présente les principaux textes officiels relatifs à l’éducation prioritaire, avec en regard ce qui relève de la politique de la ville.
- 23 Prolongation de la scolarité obligatoire (ordonnance du 6 janvier 1959), réforme Berthoin (décret (...)
- 24 Lydie Heurdier, « Expansion et transformation de l’enseignement spécial : le tournant des années 1 (...)
- 25 De nombreuses équipes pédagogiques demandaient ainsi la création de GAPP dans les projets ZEP des (...)
11Cette politique éducative cible un territoire et non des individus. Elle apparaît en rupture avec le fonctionnement classique du système éducatif, tout en conservant l’objectif de conduire le maximum d’élèves au terme de la scolarité obligatoire. C’est une nouvelle tentative pour démocratiser la réussite scolaire alors que les réformes de structure entreprises depuis les années 1960 se sont révélées insuffisantes. À la suite de la prolongation de la scolarité à seize ans et du passage généralisé en sixième, les élèves étaient scolarisés dans une des trois filières selon leur niveau scolaire23. Parallèlement, au développement conséquent de l’enseignement spécialisé dans les années 196024 s’est progressivement substituée une logique de prévention des inadaptations dans le premier degré. À partir de 1970, des classes d’adaptation et des groupes d’aide psychopédagogique (GAPP) ont été créés, sans que tous les besoins aient été couverts25.
- 26 Loi du 11 juillet 1975, dite réforme Haby.
- 27 Dominique Paty, 12 collèges en France : le fonctionnement réel des collèges publics, Paris, La Doc (...)
12À compter de la rentrée 1977, le collège unique26, fortement contesté, devait à son tour lutter contre les retards importants dus à des redoublements nombreux et l’élimination d’une partie importante des élèves pendant le premier cycle du secondaire. Il reposait sur le principe de l’hétérogénéité des classes que devaient accompagner des actions de soutien et d’approfondissement. Or, « l’hétérogénéité révélait aux yeux de l’ensemble de l’institution l’ampleur d’échecs scolaires qu’on ne peut plus penser en termes de déficiences individuelles »27. Comme l’explique la sociologue Viviane Isambert-Jamati, l’échec scolaire qui touche massivement les enfants de familles populaires est un problème historiquement situé :
- 28 Viviane Isambert-Jamati, « Quelques rappels de l’émergence de l’échec scolaire comme ‘’problème so (...)
« Si les façons de faire, les références culturelles, les conduites attendues restent exactement ce qu’elles ont été, une part importante du nouveau public éprouve de telles difficultés qu’elle est rapidement éliminée comme inapte. Non seulement le retard, mais l’“échec” devient un “problème social”, puisque le niveau d’études en question est devenu nécessaire pour participer normalement à la vie sociale, en particulier professionnelle »28.
- 29 Voir par exemple : Antoine Prost, Éducation, société et politiques : une histoire de l’enseignemen (...)
- 30 Voir les travaux de Marc Demeuse et notamment, Vers une école juste et efficace : 26 contributions (...)
- 31 André D. Robert, « Syndicats et ZEP… », art. cit., p. 23.
13Le processus d’unification a permis de passer d’une école par ordre (réseaux d’établissements parallèles) à une école par degrés29. L’éducation prioritaire va au-delà des tentatives précédentes. Elle promeut des objectifs d’équité, de justice sociale et de démocratisation de la réussite scolaire, en s’appuyant sur un projet territorial mis en place par l’ensemble des partenaires concernés. Alain Savary était convaincu qu’il fallait accorder davantage d’autonomie aux établissements scolaires et aux acteurs de terrain, dans un contexte de décentralisation (lois de 1983 et 1985). L’objectif d’équité est alors nouveau puisque c’était celui d’égalité des chances, compris comme égalité d’accès, qui s’imposait dans les discours politiques et syndicaux. Or, puisque l’objectif d’égalité des chances s’avère insuffisant pour lutter contre les inégalités, émerge l’idée qu’il faut viser désormais l’égalité des acquis scolaires. Pour ce faire, le fonctionnement de l’école doit permettre de rétablir une certaine justice30. De ce point de vue, la nouvelle approche bouscule également les revendications des principaux syndicats enseignants, en phase avec « l’idéologie républicaine égalitariste, et en même temps méritocratique » : « l’égalité initiale des chances était en effet censée suffire à assurer une juste compétition et répartition finale des récompenses […]. Toutes les réformes de la Cinquième République, qu’elles soient de droite ou de gauche, ont été menées au nom de ladite “égalité des chances” »31.
La période fondatrice
14La première période, que l’on peut qualifier de fondatrice, couvre la première partie des années 1980, de la parution de la circulaire du 1er juillet 1981 à la démission d’Alain Savary en juillet 1984. La circulaire de décembre 1981 complète celle de juillet et propose un cadrage plus détaillé. C’est le premier texte de pilotage de cette politique.
15La ZEP a été conçue comme un dispositif non pérenne, interdegrés et partenarial. Ce sont dès l’origine ces éléments-là qui en font une politique spécifique et annonciatrice de nombreuses évolutions dans l’ensemble du système éducatif. En effet, pour Alain Savary et son cabinet, une ZEP doit favoriser le partenariat des établissements avec leur environnement proche :
- 32 Circulaire no 81-536 du 28 décembre 1981, Zones prioritaires et programmes d’éducation prioritaire (...)
« Autant que l’inadaptation de l’appareil scolaire, c’est la conjonction des difficultés dues aux insuffisances constatées dans différents domaines, et notamment ceux du travail, des loisirs, de l’habitat, de la sécurité, qui caractérise une zone prioritaire. C’est pourquoi il vous faut rechercher, en concertation […] avec les élus locaux et en coopération avec les services régionaux et locaux des autres départements ministériels, tous les moyens d’une intervention multiple dont les effets conjugués ne peuvent que se renforcer »32.
- 33 Notamment grâce à la large diffusion du Guide des équipes de zones prioritaires pour l’évaluation (...)
- 34 C’est ainsi que paraît en 2017, juste avant l’élection présidentielle et le changement de ministre (...)
- 35 Les principaux sont également mentionnés dans la chronologie en annexe.
16Un projet propre à chaque zone doit être défini, une fois le diagnostic posé, par les équipes éducatives, les parents d’élèves, les élus locaux et les partenaires potentiels. Les objectifs doivent être précis. Très vite, il est question d’évaluer les effets de ce qui est entrepris33. Les inspections générales sont d’emblée chargées d’établir des rapports sur la mise en place des ZEP dans les académies. Fin 1982, un groupe national de pilotage de la politique des zones prioritaires est constitué afin, notamment, d’assister les échelons déconcentrés. Rappelons que parallèlement, dès la rentrée 1981, la possibilité de créer des projets d’action éducative (PAE) dans tous les établissements du second degré offre une opportunité pour transformer les pratiques pédagogiques et s’ouvrir vers l’extérieur. Les ZEP proposeront de nombreux PAE, en lien le plus souvent avec le projet de zone, leur permettant à la fois de fédérer les équipes engagées et d’obtenir des crédits supplémentaires. Enfin, un pilotage fort est vivement conseillé à tous les échelons des services déconcentrés. Si le ministère souhaite laisser une grande autonomie aux équipes de terrain, les hiérarchies intermédiaires ne doivent pas pour autant se désintéresser de ce qui se met en place concrètement dans les ZEP. Cette nécessité d’un pilotage fort est constamment rappelée lors des différentes relances de l’éducation prioritaire34 ainsi que dans de nombreux rapports des inspections générales35.
- 36 Circulaire no 81-238 du 1er juillet 1981, Zones prioritaires.
- 37 Cette CSP (devenue par la suite PCS [professions et catégories sociales]) regroupe les ouvriers qu (...)
- 38 Les dernières mesures envisagées prennent en compte ces écoles « orphelines ».
17Pour déterminer les territoires à classer, la circulaire de juillet 1981 propose des « indicateurs de base qui pourraient servir à situer dans une académie ou un département les zones les unes par rapport aux autres ; […] c’est le secteur scolaire qui a été retenu comme support de l’analyse à mener localement pour l’ensemble des niveaux écoles et collèges » : poids des élèves ayant deux ans de retard (ou plus) au niveau de la sixième, rapport du nombre d’élèves de troisième au nombre d’élèves de sixième, poids des élèves des classes de CPPN/CPA par rapport au cycle d’observation36. À ces indicateurs scolaires est d’abord ajouté un seul indicateur social : la part des élèves étrangers ou non francophones par rapport au nombre total d’élèves. Dans la seconde circulaire, celle de décembre 1981, les critères proposés, toujours à titre indicatif, sont plus précis et nombreux. L’annexe II liste des critères externes, l’annexe III des indicateurs internes au système éducatif qui se décomposent en indicateurs d’environnement et indicateurs de résultats. Parmi les indicateurs sociaux apparaissent la catégorie socio-professionnelle (CSP) du chef de famille, l’importance du chômage et la proportion de familles nombreuses. Très vite, le pourcentage de CSP défavorisées37, selon la nomenclature de l’INSEE, devient l’indicateur social de référence, accompagné du pourcentage d’élèves de nationalité étrangère dans certains territoires. Selon les époques et les relances, d’autres indicateurs compléteront cet indicateur de base, y compris les pourcentages de CSP moyennes et favorisées, pour mieux rendre compte du degré de mixité sociale existant. Jusqu’en 2006, chaque académie pouvait décider des classements à partir de ses propres critères, certes en partie communs, mais elle était libre d’accorder plus d’importance à certains indicateurs en les pondérant. Depuis 2006, le ministère utilise les données de la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) pour lister les établissements du second degré les plus en difficultés, laissant une marge d’ajustement aux académies. Les écoles classées, maternelles et élémentaires, sont toujours celles du secteur scolaire du collège. Certaines écoles peuvent ainsi échapper au classement alors qu’elles présentent des indicateurs alarmants38.
- 39 Discours du 7 février 1986 dans le cadre d’un colloque École-Quartier où intervenait également le (...)
18Après la démission d’Alain Savary, l’éducation prioritaire n’apparaît plus vraiment comme une priorité, sans que le nouveau ministre, Jean-Pierre Chevènement, ne se démarque officiellement de son prédécesseur sur ce point. Il prononce cependant un discours sur le sujet à Belfort39 tandis qu’une note de service du directeur général des enseignements scolaires (DGESCO) paraît en janvier 1985. Avec René Monory (20 mars 1986-12 mai 1988), le silence ministériel est total, et aucun texte sur les ZEP ne paraît, ce qui pourrait être interprété comme la conséquence de l’hostilité idéologique de la droite. Cependant, nous le verrons dans plusieurs articles du dossier, le silence national n’entraîne pas nécessairement une suspension du travail engagé sur le terrain, les projets peuvent continuer à exister en l’absence de pilotage national et rectoral. Mais sans cadrage explicite, le fonctionnement et les actions pédagogiques privilégiées dans chacun des territoires classés peuvent présenter de nombreuses différences liées aux acteurs impliqués, voire se réduire significativement ou s’éloigner des apprentissages : implication des municipalités, partenariats avec les associations locales, présence ou non des financements au titre de la politique de la ville, mobilisation des acteurs culturels locaux, participation des familles, contribuent notamment à la grande diversité observée. Les articles du dossier illustreront cette diversité dans le temps et dans l’espace.
Formalisation du dispositif et couplage avec la politique de la ville
- 40 Circulaire no 90-028 du 1er février 1990, Mise en œuvre de la politique des zones d’éducation prio (...)
19La seconde période correspond à ce que l’on considère comme la première relance de l’éducation prioritaire, lorsque Lionel Jospin est ministre (12 mai 1988-4 avril 1992). La loi d’orientation du 10 juillet 1989 reste le texte majeur de ce ministère, tandis que les salaires des personnels enseignants connaissent des augmentations significatives, associées ou non à des modifications statutaires. L’éducation prioritaire est succinctement citée dans le rapport annexé à la loi. Le ministre a par ailleurs prononcé un discours à Arras le 23 mars 1989 « sur la réussite scolaire pour tous les élèves, les zones d’éducation prioritaires et la maîtrise du langage ». Mises en place par la DEP, les premières évaluations nationales en CE2 et 6e ont lieu à la rentrée 1989, permettant d’objectiver les résultats des élèves et de les comparer dans le temps et dans l’espace. Elles seront utilisées pour mesurer les écarts entre ZEP et non ZEP. Avec la circulaire du 1er février 1990, signée du ministre, le dispositif ZEP est formalisé, recentré sur l’institution scolaire et les résultats scolaires des élèves40. Plusieurs des mesures développées dans la circulaire ont été annoncées l’année précédente à Arras. Ainsi de la contractualisation désormais obligatoire entre la ZEP et l’autorité académique, au moment où le projet d’établissement devient lui-même obligatoire : le projet de zone « né de l’initiative des équipes éducatives, constitue, après validation, la base d’un contrat entre les acteurs et leurs autorités de tutelle. C’est sur cette base que seront attribués les moyens et que seront évalués les résultats ». L’institutionnalisation du dispositif passe également par la création d’un poste de coordonnateur, chargé du fonctionnement et de l’animation de la ZEP sous la responsabilité du principal du collège ou, pour les écoles, de l’inspecteur de circonscription. Par ailleurs, un couplage systématique entre éducation prioritaire et politique de la ville s’impose en milieu urbain :
- 41 Ce dispositif créé fin 1981 fait suite à l’opération Habitat et vie sociale (HVS) mis en place en (...)
- 42 Circulaire no 90-028, référence citée.
« Il a été convenu que désormais coïncideraient au maximum les politiques DSQ [développement social des quartiers]41 et ZEP : les quartiers faisant l’objet d’une opération de développement social au titre du contrat de plan 1989-1993 seront, pour tout ou partie, dotés d’une ZEP, et, dans ce cas, les établissements de la zone seront concernés de plein droit par les mesures prises »42.
- 43 On dénombrait 355 ZEP à la rentrée 1982, 484 à la rentrée 1989 et 526 à la rentrée 1990. Plusieurs (...)
- 44 Parmi les rapports, voir par exemple : Patrick Bouveau, Bernard Charlot, Jean-Yves Rochex et al., (...)
- 45 Décret no 90-806 du 11 septembre 1990, Institution d’une indemnité de sujétions spéciales en faveu (...)
20À la rentrée 1990, de nombreux territoires sont devenus ZEP sans que préalablement la moindre consultation ait eu lieu avec les équipes des établissements nouvellement classés43. Dans le cadre d’une action interministérielle, le Programme Développement Solidarité de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) finance la mise en place de 296 DSQ. L’action éducative en ZEP est soutenue à hauteur de douze millions de francs annuels pendant trois ans. Une association créée pour l’occasion, ANALISE (Association nouvelle pour les actions locales d’insertion, de scolarisation et d’éducation), composée d’universitaires de l’université Paris 8-Saint-Denis, reçoit des financements de la CDC pour évaluer l’impact de ces mesures44. Enfin, cette première relance pilotée exclusivement d’en haut s’est accompagnée en septembre 1990 de la création de la fameuse « prime ZEP »45, non réclamée par les enseignants ou les syndicats, qui va notamment compliquer les futures entrées et sorties du dispositif.
Bilans d’étape, réflexions collectives et expansion du dispositif
- 46 La période intermédiaire ne présente rien de vraiment marquant. Nommé le 4 avril 1992, Jack Lang e (...)
- 47 Pour de plus amples développements, se reporter à Philippe Bongrand, La réflexivité de l’action pu (...)
- 48 Circulaire no 97-233 du 31 octobre 1997, Les zones d’éducation prioritaires. Cette circulaire a ét (...)
- 49 Relance de l’éducation prioritaire. Assises nationales des ZEP, Rouen, 4 et 5 juin 1998, Paris, Mi (...)
- 50 Deux documents sont diffusés à cet effet. Ces documents bien renseignés constituent des sources ir (...)
- 51 Pour un état des lieux des ZEP, op. cit., p. 1.
21La troisième période de pilotage national fort a lieu lorsque Ségolène Royal devient ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire (4 juin 1997-27 mars 2000)46. Ségolène Royal engage alors la seconde relance47, qu’elle conduira de l’automne 1997 au début de l’année 2000. Quatre circulaires sont publiées48. De larges consultations, d’abord locales puis académiques, aboutissent aux Assises nationales de Rouen en juin 199849. À la différence de la relance précédente, et malgré les relations difficiles entre la ministre et le comité de pilotage de la relance des ZEP, composé de seize membres bons connaisseurs du sujet, de vraies concertations permettent aux équipes de redynamiser les territoires classés, une fois l’état des lieux établi50. Chargé de coordonner scientifiquement et matériellement les Assises de Rouen, le comité de pilotage élabore en effet des guides de discussion et d’analyse à destination des acteurs de terrain. Conçus pour faciliter la réflexion collective et constituer une mémoire pour l’avenir, ils devaient aussi favoriser « l’élaboration des futurs contrats de réussite en contribuant au diagnostic et à la précision des objectifs »51. Nouvelle appellation du projet de zone, le contrat de réussite doit présenter les priorités du réseau, choisies parmi les dix objectifs nationaux énoncés dans la circulaire de juillet 1998. Les exigences doivent y être les mêmes qu’ailleurs.
- 52 Catherine Moisan, Jacky Simon, Aménagement de la carte des ZEP : rapport intermédiaire, Paris, Min (...)
- 53 Les études de la DEP consacrées à la politique d’éducation prioritaire de 1985 à 2001 sont consult (...)
22Il existe dorénavant des réseaux d’éducation prioritaire (REP) et des ZEP, avec une gradation officielle entre les territoires classés puisque les ZEP sont les territoires les plus en difficulté. Présentés comme « constitués d’écoles et de collèges dont la concentration des difficultés sociales, économiques et culturelles mérite une vigilance et une aide particulière », les REP permettent de diviser les grandes ZEP en créant des « réseaux à taille humaine ». Ils vont servir également de sas d’entrée et de sortie de l’éducation prioritaire. Cette définition des REP, pour le moins floue, ne contribue pas à limiter l’expansion du dispositif, aggravée par les choix politiques de la ministre qui privilégie généralement les demandes des élus au détriment des recommandations de ses services administratifs. Ainsi, dans le premier des deux rapports établis avant l’arrivée de Ségolène Royal au ministère52, Catherine Moisan et Jacky Simon, inspecteurs généraux, recommandaient une révision de la carte basée sur le même taux national d’établissements classés. Il s’agissait d’harmoniser et de lutter contre la grande hétérogénéité des ZEP, évidente depuis les premières études de la DEP en 198553. La déconcentration totale des décisions de classement, le ministère se contentant de mentionner des critères à titre indicatif, avait entraîné des disparités manifestes que la DEP et les inspections générales auraient aimé corriger. En 1999, c’est un nouvel échec puisque le nombre d’établissements classés augmente notablement, sans que cessent les disparités entre académies et départements. Bien qu’il y ait eu 842 sorties du dispositif entre les rentrées 1997 et 1999, on dénombre 2 147 écoles, 322 collèges, 8 lycées généraux et technologiques et 33 lycées professionnels supplémentaires. Certains établissements sont entrés en REP, d’autres en ZEP directement. Au sortir de cette relance, la situation est plus complexe que jamais, d’autant moins lisible que chaque académie a pu associer ZEP et REP de manière autonome.
- 54 Catherine Moisan, Jacky Simon, Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation priori (...)
23Le second rapport Moisan-Simon apporte des éléments pour saisir la réalité des ZEP et les « déterminants de la réussite scolaire »54. L’étude a comparé « l’efficacité des ZEP entre elles, afin de mieux identifier les causes de réussite et d’échec ». Cette synthèse a fait date et reste aujourd’hui d’un intérêt réel. À l’approche statistique utilisée dans une première partie s’ajoute une étude qualitative basée sur des monographies. Vrai travail scientifique, le rapport démontre que la réussite scolaire des élèves de milieux défavorisés est possible à condition notamment de ne pas renoncer à investir le terrain des apprentissages.
- 55 Philippe Bongrand, « L’introduction controversée de l’"excellence" dans la politique française d’é (...)
24Enfin, la seconde relance introduit les pôles d’excellence, premières mesures dites d’ouverture sociale55. La circulaire de février 2000 prône deux objectifs : améliorer l’offre de formation en créant des sections d’excellence dans les établissements classés, afin d’impulser une dynamique et de permettre une plus grande mixité sociale ; établir des partenariats de haut niveau avec des institutions culturelles, des universités et centres de recherche, des grandes écoles, des institutions sportives, etc. Les jumelages et coopérations durables doivent veiller à ne pas conduire à la reconstitution de classes d’élite, car « il importe de concilier en permanence ces deux facettes de l’excellence scolaire : une progression commune et des réussites remarquables ». La ministre considère que la ségrégation sociale est un problème majeur contre lequel l’école ne peut lutter seule.
25L’ouverture sur le quartier environnant est toujours à l’ordre du jour, tandis que de nombreux dispositifs partenariaux se développent : contrats éducatifs locaux, classes-relais, école ouverte, politique de santé, politique de la ville, etc. La contractualisation concerne désormais tout projet. Cependant, au milieu des années 2000, l’approche territoriale jusqu’alors dominante, couplée à une vision sociale des difficultés des élèves, est remise en cause au profit d’un ciblage sur l’individu.
Choix national des territoires les plus en difficulté et priorité à l’individualisation
- 56 Circulaire no 2006-058 du 30 mars 2006, Principes et modalités de la politique d’éducation priorit (...)
- 57 « Part d’enfants issus de familles appartenant à des catégories socio-professionnelles défavorisée (...)
- 58 Le PPRE est un dispositif qui doit prévenir les difficultés scolaires, empêcher un redoublement et (...)
- 59 Loi no 2005-380 du 23 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
- 60 Composé du principal de collège, du principal adjoint et de tous les directeurs des écoles élément (...)
- 61 Elle est signée le 17 janvier 2005 par l’État, la conférence des présidents d’université, la confé (...)
26La relance suivante a été conduite par Gilles de Robien, ministre de juin 2005 à mai 2007. Maire d’Amiens de 1989 à 2002, il a travaillé avec les principaux acteurs locaux chargés de l’éducation prioritaire dans les quatre ZEP historiques de la ville. La réhabilitation de plusieurs quartiers de la ville, la révision de la carte scolaire à Amiens-Nord, l’ont familiarisé avec la question. Dans son discours du 8 février 2006 puis dans la circulaire du 30 mars 200656, il annonce un changement de logique : des critères sociaux et scolaires établis nationalement57 vont permettre de passer d’une logique de « zone » ou de territoire à une logique de « public ». Les collèges repérés grâce aux indicateurs, comme précédemment, doivent « apporter une aide supplémentaire, significative et personnalisée, aux élèves » les plus fragiles et « davantage individualiser leurs parcours et encourager leurs talents ». Pour le ministre, « ce qui importe, c’est l’élève en difficulté, et les conditions de sa réussite scolaire ». La création des programmes personnalisés de réussite éducative58 (PPRE) participe de la même logique — « trouver l’élève là où il est » —, alors que la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences en fin de scolarité obligatoire devient l’objectif officiel depuis le vote de la loi de 200559. Dès la rentrée 2006, 249 collèges « ambition réussite » constituent, avec les 1 600 écoles de leur secteur, 249 réseaux « ambition réussite » (RAR). Pierre Polivka, inspecteur général, est nommé délégué national à l’éducation prioritaire. Le premier objectif assigné à ces réseaux est « d’apporter une aide supplémentaire, significative et personnalisée, aux élèves en difficulté ». Parmi les 249 RAR, 18 n’étaient pas ZEP auparavant. À côté des RAR apparaissent les réseaux de réussite scolaire (RRS) pour les établissements présentant plus de mixité sociale. Chaque réseau est désormais piloté par un comité exécutif60. Le premier degré devient en quelque sorte subordonné au second degré puisque « l’IEN [inspecteur de l’éducation nationale] de la circonscription peut également faire partie » du comité exécutif, alors que précédemment il pouvait être responsable de la ZEP ou du REP, ou bien partager cette responsabilité avec le principal du collège classé. Le collège devient tête du réseau. Les RAR doivent établir un « contrat ambition réussite », les RRS un « contrat d’objectifs scolaires », pour quatre à cinq ans, que les autorités académiques valident. Il est prévu que ces contrats s’articulent avec le projet d’établissement du collège et les projets des écoles. À partir de la rentrée 2006 pour les RAR et à la rentrée 2007 au plus tard pour les RRS, il n’y a plus qu’un seul collège par réseau. Les REP qui regroupaient encore plusieurs collèges sont scindés en plusieurs réseaux. Cette modification perdurera. Parmi les autres nouveautés introduites par Gilles de Robien, il faut mentionner les 1 000 enseignants supplémentaires, professeurs expérimentés choisis après appel à candidatures, et les 3 000 assistants pédagogiques recrutés pour renforcer les équipes en RAR. Enfin, les élèves de RAR ayant obtenu une mention « très bien » au diplôme national du brevet, passé en fin de troisième, peuvent demander une affectation dans le lycée de leur choix parmi ceux de leur académie. Les jumelages et autres partenariats avec des institutions prestigieuses sont confortés. Le dispositif « École ouverte » devient quasi obligatoire en RAR. Une « charte pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence »61 est promue tandis que des actions en direction des familles sont fortement encouragées.
- 62 Parmi les sources disponibles aux AN, voir par exemple : cabinet de Gilles de Robien, dossiers d’Y (...)
27Ayant introduit de nombreuses ruptures, cette relance mériterait d’être étudiée, sources à l’appui62. Pourquoi, le seul de sa famille politique, ce ministre de centre-droit s’est-il autant engagé sur ce dossier ? Comment le changement de logique a-t-il été compris, accepté ou rejeté, par les autorités déconcentrées, les syndicats, les associations de parents d’élèves, les mouvements pédagogiques ? Après son départ, qui a réellement piloté le dispositif nationalement ? Les successeurs de Gilles de Robien, Xavier Darcos (18 mai 2007-23 juin 2009) puis Luc Chatel (23 juin 2009-16 mai 2012), ont manifestement délégué le pilotage du dossier au directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), et notamment à Jean-Michel Blanquer, à ce poste de décembre 2009 à novembre 2012.
Une période de confusion centrée sur la lutte contre la violence scolaire
- 63 Circulaire no 2010-096 du 7 juillet 2010, Programme « Clair », expérimentation année scolaire 2010 (...)
- 64 Par exemple, une recherche-action dans un ÉCLAIR de l’agglomération lyonnaise : <http://centre-ala (...)
- 65 Circulaire no 2010-106 du 15 juillet 2010, Extension du dispositif la « Mallette des parents ».
- 66 Circulaire no 2010-099 du 8 juillet 2010, Internats d’excellence et développement des internats sc (...)
- 67 Le Plan Espoir banlieues « contribue à l'égalité des chances, en permettant la réduction des écart (...)
28De 2006 à 2010, les RAR et les RRS ont fonctionné avant que de nouvelles modifications apparaissent. Cette phase ne peut être pour autant qualifiée de relance tant elle diffère dans ses objectifs, son ciblage et les modalités induites par ce nouveau programme. Annoncé à l’issue des États généraux de la sécurité à l’école, le programme CLAIR (Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite)63 est expérimenté en 2010-2011 dans 105 établissements du second degré : « Il concerne les établissements concentrant le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence ». La question de la violence à l’école est centrale dans ces nouvelles mesures. À la rentrée suivante, l’élargissement au premier degré — CLAIR devient ÉCLAIR (Écoles est ajouté) — ainsi que le passage de l’ensemble des RAR en ÉCLAIR, introduisent une confusion entre éducation prioritaire et lutte contre la violence en milieu scolaire. Avec ce nouveau dispositif apparaît la fonction de préfet des études, responsable pédagogique et éducatif pour chacun des quatre niveaux du collège et les classes de seconde des lycées classés. Le développement des postes à profil et le présupposé selon lequel « les innovations en matière de ressources humaines favorisent l’émergence des innovations pédagogiques » entraînent de fortes résistances et des contestations dans les réseaux. À notre connaissance, cette période et les modifications apportées dans la vie et le fonctionnement des établissements classés en éducation prioritaire n’ont pas été étudiées, et seul le travail d’accompagnement des équipes effectué par le Centre Alain Savary fournit quelques éléments64. Deux dispositifs complémentaires connaissent une extension nationale à la même période. « La mallette des parents »65 a été expérimentée à partir de 2008 dans l’académie de Créteil où Jean-Michel Blanquer était recteur (mars 2007-décembre 2009) avant de devenir DGESCO. Il s’agit de « construire un véritable partenariat entre l’institution scolaire et les parents de collégiens de sixième », mais aussi de prévenir l’absentéisme et la violence à l’école. Le second dispositif, les internats d’excellence66, a été mis en place dans le cadre d’une politique interministérielle en lien avec la dynamique « Espoir Banlieues »67, afin de permettre « à des collégiens, lycéens et étudiants motivés, ne bénéficiant pas d’un environnement propice aux études, d’exprimer tout leur potentiel et de réaliser le parcours scolaire correspondant ».
Un pilotage et un accompagnement des équipes renforcés
- 68 Cette politique de discrimination positive cherche à réduire l’écart entre les groupes pour faire (...)
- 69 Marc Bablet, « La refondation de l’éducation prioritaire et la recherche : quelques pistes de rela (...)
- 70 Marc Bablet a exercé dans l’académie de Créteil d’abord comme inspecteur de circonscription à Sain (...)
- 71 Circulaire no 2014-077 du 4 juin 2014, Refondation de l’éducation prioritaire ; Circulaire no 2017 (...)
- 72 Marc Bablet, « La refondation… », art. cit., p. 26.
- 73 Loi no 2013-595 du 8 juillet 2013, d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’Écol (...)
29Après cet emballement autour de la violence à l’école, la promotion généralisée des « expérimentations » et des « innovations », la tentative d’extraire une élite des établissements classés en éducation prioritaire, vision davantage apparentée à l’affirmative action américaine68 qu’à la politique conduite depuis trois décennies en France, l’arrivée de Vincent Peillon au ministère de l’Éducation nationale en mai 2012 est accueillie avec soulagement par tous les militants de l’éducation prioritaire et un grand nombre d’équipes éducatives. Najat Vallaud-Belkacem succède ensuite à Benoît Hamon, ministre éphémère (2 avril 2014-26 août 2014). C’est elle qui a soutenu la mise en œuvre de cette relance qualifiée de « refondation de l’éducation prioritaire ». Les archives de cette dernière période (2013-2017) n’ont pas été encore réellement étudiées, cependant des témoignages et quelques articles69 permettent d’en distinguer les principales caractéristiques. Le fort cadrage national, le pilotage réaffirmé à tous les niveaux hiérarchiques, la priorité au territoire avec le retour des REP et la création de REP+ (réseaux renforcés pour les territoires les plus en difficulté), la simplification du vocabulaire et des fonctions exercées — notamment la disparition du terme de secrétaire de comité exécutif et le retour au terme de coordonnateur —, participent d’un recentrage sur la logique antérieure. La prise en compte de l’histoire de l’éducation prioritaire par le principal maître d’œuvre national, Marc Bablet, soutenu par Jean-Paul Delahaye70, alors DGESCO, acteurs ayant participé à d’autres niveaux hiérarchiques aux relances antérieures, explique la démarche choisie avant toute décision, et le temps long accordé à l’évaluation et la concertation. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, des observations suivies de rapports ont permis d’établir un diagnostic discuté dans les réseaux. La démarche participative engagée a porté ses fruits. Des REP+ préfigurateurs ont été mis en place à la rentrée 2014 avant leur généralisation à la rentrée suivante, tandis que les REP bénéficiaient d’un pilotage différencié. Toutes les directions du ministère ont été associées au processus de relance. Trois textes officiels sont parus pendant la période : deux circulaires71 et un référentiel, désormais base de travail des équipes, conçu comme un outil pédagogique qui doit « donner les repères essentiels de ce que l’on sait d’utile pour favoriser la qualité de l’enseignement en milieu populaire »72. L’implication de nombreux acteurs et partenaires, de chercheurs, a permis de remobiliser à tous les niveaux hiérarchiques, de redynamiser les équipes et les projets locaux. L’importance accordée au volet formation et à l’accompagnement est également originale. La recherche d’une nouvelle cohérence s’inscrit dans le programme défini par la loi dite de refondation de l’école de la République73. La démarche progressive a associé expertise scientifique et expertise professionnelle.
- 74 Ariane Azéma, Pierre Mathiot, Mission territoires et réussite, novembre 2019, [en ligne] <https://w (...)
- 75 Jean-Louis Borloo, Vivre ensemble, vivre en grand : pour une réconciliation nationale, Ministère d (...)
- 76 Cités éducatives, dossier de presse, 2 mai 2019.
- 77 Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), Note d’étape no 2022-008 (...)
30Jean-Michel Blanquer, devenu ministre (17 mai 2017-20 mai 2022), n’a pas paru s’intéresser particulièrement à cette politique. À son arrivée rue de Grenelle, il s’est cependant engagé à dédoubler les classes de CP et CE1 des écoles classées à partir de la rentrée 2018, d’abord en REP+ puis en REP, respectant ainsi un engagement du candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron. Un éphémère secrétariat d’État chargé de l’éducation prioritaire a vu le jour en juillet 2020, dont on a pu supposer qu’il mènerait à bien une reconfiguration des REP et REP+ à la suite du rapport remis par Ariane Azéma et Pierre Mathiot74. Depuis la rentrée 2019 en effet, des « cités éducatives » se mettent en place progressivement dans les territoires les plus en difficultés. Proposition 4 du rapport de Jean-Louis Borloo75, elles s’inspirent des « initiatives menées sur le terrain par des élus locaux, les services de l’État et les associations à Grigny, à Clichy-sous-Bois ou encore à Nîmes ». Elles « visent à intensifier les prises en charge éducatives des enfants à partir de 3 ans et des jeunes jusqu’à 25 ans, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire »76. Parallèlement, pour les REP et quelques établissements dits orphelins car non intégrés antérieurement au dispositif, ont été imaginés les contrats locaux d’accompagnement (CLA). Expérimentés en 2021-2022 dans trois académies (Aix-Marseille, Lille, Nantes), les CLA ont été observés par les inspections générales avant leur possible généralisation. Conçu comme « un dispositif expérimental d’allocation progressive de moyens », le CLA concerne « des écoles et des [établissements publics locaux d’enseignement] EPLE dont les spécificités s’apparentent à celles de l’éducation prioritaire »77. Toutefois, la nomination d’un nouveau ministre en mai 2022 engendre de nouvelles incertitudes quant au devenir des réseaux d’éducation prioritaire, tels qu’ils ont été établis en 2014 et 2015.
Une politique républicaine discontinue mais pérenne
31Que retenir de significatif au terme de cette présentation rapide de quarante ans d’éducation prioritaire ? L’intermittence dans le pilotage national, avec des temps de silence ministériel suivis de relances, ont complexifié le dispositif conçu comme transitoire par l’équipe d’Alain Savary, sans le stabiliser pour autant, ni le faire disparaître. Depuis 2006, le pilotage national a été renforcé. Le choix des territoires les plus en difficulté est effectué par le ministère, ce qui a diminué l’hétérogénéité trop criante. L’utilisation croissante d’indicateurs sociaux et scolaires précis facilite ce cadrage. Cependant, les changements de sigles liés à des objectifs nouveaux, voire dévoyés, n’ont pas permis d’améliorer significativement la situation dans nombre de territoires, alors que les résultats des évaluations pointent en moyenne une augmentation des écarts. Pour les équipes en poste dans les ZEP historiques, celles créées en 1982 ou 1990, une lassitude certaine se manifeste. Comment progresser quand on se heurte à l’instabilité chronique de la politique nationale à laquelle s’ajoute, dans de nombreux réseaux, celle des équipes et des élèves ?
- 78 Voir notamment Lydie Heurdier, « Du handicap social… », art. cit.
- 79 Conseil d’État, « Rapport public 1996 : sur le principe d’égalité », Études et documents du Consei (...)
- 80 Voir notamment Gwénaële Calvès, « Les politiques françaises…», art. cit.
32Par ailleurs, il faut préciser que cette discrimination positive à la française ne peut être considérée comme une modalité d’affirmative action à l’anglo-saxonne, qui cherche à réduire l’écart entre les groupes pour faire surgir des élites sociales, économiques et politiques. La politique compensatoire française, partiellement inspirée à l’origine de la réflexion britannique78, est conforme aux principes républicains comme l’a jugé le Conseil d’État en 1997 : « Il est apparu que si la nation ne faisait pas un effort spécifique en direction des enfants issus de milieux défavorisés, ceux-ci accumuleraient vite un retard irréversible. C’est pourquoi une certaine évolution vers la conception équitable de l’égalité s’est opérée »79. Le droit français ne connaît que des individus citoyens, seules les caractéristiques socio-économiques sont prises en compte, non l’origine ethnique, raciale ou religieuse80.
33Les rédacteurs des circulaires fondatrices de 1981 pointaient le risque qu’un territoire classé dans la durée devienne un ghetto. Ils imaginaient que les moyens accordés, faibles pourtant, et les modalités de fonctionnement encouragées permettraient une disparition de l’échec scolaire des plus défavorisés, et donc la suppression à terme du dispositif. Quarante ans plus tard, une grande partie des ZEP de 1982 existe toujours, sans être pour autant des ghettos. Quelques-unes ont disparu, des collèges et des écoles ont fermé, parfois reconstruits plus loin dans la ville, dans l’espoir de changer les représentations et d’obtenir une certaine mixité sociale dans les établissements.
- 81 Ce qui n’a pas été le cas chez les principaux syndicats enseignants. Pour André Robert, dans les a (...)
- 82 CNESCO, Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ?, septembre 2016, (...)
34L’éducation prioritaire, dont les parlementaires n’ont jamais débattu sur le fond, est depuis l’origine trop politique pour faire consensus. De fait, en mettant en avant les questions de démocratisation et de lutte contre les inégalités sociales et scolaires, elle aborde frontalement les positions idéologiques des uns et des autres. Ce qui entraîne des prises de position tranchées81, y compris de la part de certains « experts » ou sociologues : il s’agirait d’être pour ou contre, ou d’imputer à l’éducation prioritaire les difficultés sociales et scolaires persistantes d’une partie des élèves et le creusement des inégalités de résultats. Ainsi, les conclusions vulgarisées dans les médias en 2017 par la présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) ont davantage contribué à discréditer l’éducation prioritaire qu’à lutter contre les idées reçues et les prises de position binaires82.
- 83 Antoine Prost, « Pour une histoire “par en bas” de la scolarisation républicaine », Histoire de l’ (...)
35A contrario, ce dossier a l’ambition d’apporter des éléments de compréhension, loin des polémiques stériles. Trois contributions mettent en évidence les particularités des territoires classés, l’importance du contexte et l’implication des acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels ou partenaires associatifs des équipes éducatives. Elles vont puiser dans des sources nouvelles, tout juste versées, premiers jalons d’une approche territoriale nécessaire pour mieux cerner les évolutions réelles et contrastées des dernières décennies, au-delà même du classement en éducation prioritaire. En cela, ce dossier présente une originalité certaine. Faisant nôtre la formule d’Antoine Prost, il apparaît bien que l’histoire de la politique d’éducation prioritaire et de la scolarisation en milieu populaire « est d’abord une question de sources »83.
Des contributions qui ouvrent des perspectives de recherche
36Dans un premier article, Xavier Riondet étudie le fonctionnement de la ZEP du quartier du Haut-du-Lièvre à Nancy, depuis sa création en 1982 autour du collège Claude-Le Lorrain, à 2002. Il rend compte des liens complexes entre acteurs et territoires et souligne l’écart entre le vécu des habitants du quartier et les discours médiatico-politiques portés sur le quartier et la ZEP. La mise en perspective des discours d’élus et d’articles de la presse locale illustre le décalage entre représentations et données statistiques. Cet article montre dans un premier temps le développement des actions au sein de la ZEP pour tenter de résoudre les nombreuses difficultés caractérisant ce territoire périphérique avant que cet élan ne soit freiné, quelques années plus tard, par la détérioration des conditions de vie et de scolarisation. Si le travail partenarial déployé localement tente de remédier à la situation, notamment en se concentrant sur la question de la réussite scolaire, l’adéquation entre moyens matériels, financiers et humains, reste fragile et dépendante de nombreux facteurs. Les archives de la ZEP permettent de documenter les questionnements des équipes enseignantes, notamment celles qui concernent les relations avec les familles et les partenaires locaux. Rien n’est figé, tout est instable. Dans ce contexte particulier mais représentatif d’un certain nombre de territoires urbains, les questions sociales et politiques sont centrales. Au cœur de la ZEP historique de Nancy, le collège Le Lorrain ferme en 2018 et symbolise la fin d’une manière spécifique de penser le développement de ce territoire au milieu des grands ensembles.
37Toutes les ZEP ne concernent pas des quartiers urbains soutenus par la politique de la ville. Il en existe aussi dans des villes moyennes et en zones rurales. En 1982, de nombreuses ZEP rurales ont été créées, quelques-unes, très rares, existent toujours même si, depuis la seconde relance, de nombreux territoires ruraux sont sortis du dispositif. La période d’étude couvre les années 1981-1998, période où elles étaient suffisamment nombreuses pour permettre des comparaisons. Lydie Heurdier s’attache à comprendre les raisons qui ont prévalu à leur création, à comparer les objectifs fixés à ces ZEP et les actions conduites, pédagogiques et culturelles, dans une étude interacadémique permise par l’exploitation de sources inédites. Si les contextes géographiques et sociaux diffèrent de ceux des ZEP urbaines, nombre d’indicateurs et des éléments du diagnostic préalable au projet de zone peuvent se trouver dans des ZEP non rurales. La question du retard scolaire, de l’orientation au collège, en fin de 5e ou de 3e, ne sont pas spécifiques, même si les conditions de scolarisation et l’éloignement constituent des obstacles supplémentaires. Les formes d’accompagnement et de pilotage mis en place par les autorités académiques oscillent tout au long de la période entre soutien à la ruralité et mise en œuvre de la politique d’éducation prioritaire à travers des projets privilégiant liaisons interdegrés et partenariats. Quel mode d’intervention faut-il privilégier dans les territoires ruraux ? La question posée dès 1982 n’a pas trouvé de réponse satisfaisante et définitive, elle reste aujourd’hui débattue.
- 84 Deux rapports des inspections générales constituent à cet égard des textes de référence, d’une pert (...)
38Un dossier sur l’éducation prioritaire ne peut ignorer l’importance des questions et pratiques pédagogiques, rappelées lors de chacune des relances. La lutte contre l’échec scolaire et les inégalités de réussite constitue un des objectifs majeurs de cette politique84. Catherine Dorison cible sa contribution sur le pilotage pédagogique des équipes enseignantes du premier degré dans deux villes du Val-d’Oise (académie de Versailles) connues pour leurs problèmes sociaux et scolaires persistants : Goussainville et Villiers-le-Bel. Elle s’intéresse aux projets des deux ZEP, aux pratiques des enseignants, en lien avec les préconisations et les formations organisées par les inspecteurs de circonscription, supérieurs hiérarchiques et responsables locaux des réseaux. Elle observe l’influence des formations continues sur les activités mises en œuvre dans les écoles, tout comme celle des mouvements pédagogiques implantés localement. Enfin, elle examine l’utilisation des moyens supplémentaires accordés à ces deux ZEP, le rôle des enseignants supplémentaires issus du premier degré et l’évolution différenciée de leurs missions.
- 85 La DEP est devenue Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) depuis (...)
39Le dossier se clôt par un entretien. L’historienne de l’éducation Anne-Marie Chartier revient sur le parcours professionnel de Catherine Moisan, engagée à différents niveaux institutionnels pendant les quatre décennies. Les temps forts de sa carrière en lien avec l’éducation prioritaire sont contextualisés et analysés. Réputée pour sa connaissance du système éducatif et pour sa rigueur, elle a participé à différents cabinets ministériels, fut inspectrice générale et termina sa carrière comme directrice de la DEPP85. Elle est connue du milieu enseignant grâce au rapport cité plus haut, rédigé avec l’inspecteur général Jacky Simon et largement diffusé en 1997. Ce remarquable travail collectif démontrait que la réussite scolaire en ZEP était possible à certaines conditions. Il a permis d’objectiver un certain nombre d’éléments afin d’améliorer le dispositif, leviers utiles pour les administrateurs comme pour les équipes de terrain. Arrivée en février 1983 au cabinet d’Alain Savary, elle a compris d’emblée l’importance de cette politique de rupture et s’est engagée les décennies suivantes à l’évaluer, l’accompagner, la rendre plus efficiente. Moins connu, son passage à la direction des affaires scolaires de la ville de Paris donne à voir une administratrice en action, les contraintes et limites qui s’imposent à elle. À ce poste, elle est amenée à prendre en compte les spécificités des établissements classés en éducation prioritaire, voire à leur accorder davantage de moyens et d’attention, comme elle doit faciliter les partenariats locaux et les accompagnements hors du temps d’enseignement des élèves de milieux populaires. Depuis la relance de 1998, cette actrice de premier plan avait évité soigneusement de répondre aux sollicitations de chercheurs. Ce témoignage, et le point de vue sur cette histoire qu’il propose, est donc exceptionnel.
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- 86 Pour s’en convaincre, se reporter à Lydie Heurdier qui a mis en évidence des profils d’évolution d (...)
40L’objet de ce dossier n’est pas d’évaluer les politiques d’éducation prioritaire. Ce n’est pas le rôle de l’historien. Au demeurant, les moyennes, qu’elles soient nationales, académiques ou départementales, ne rendent pas compte de la diversité des profils d’évolution des écoles et collèges classés86. Comment évaluer le travail entrepris quand un tiers des élèves quitte chaque année l’école maternelle ou élémentaire du réseau, cas fréquent dans un certain nombre de quartiers, ou bien quand l’instabilité des pilotes ou des équipes enseignantes est chronique ? Si la comparaison des indicateurs sociaux et scolaires dans le temps est nécessaire, elle doit être mise en perspective. En sus des aléas nationaux dûment reconnus, chaque ZEP a des caractéristiques liées à son implantation territoriale, au contexte politique et social local, mais dépend aussi des acteurs en poste, de leur mobilisation et des priorités qu’ils se fixent.
- 87 Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), École supérieure du professorat et de l’éd (...)
41Les entrées proposées ne couvrent qu’une petite partie des études possibles. De nombreuses questions restent à approfondir. Quel a été l’impact et le contenu des formations initiales en école normale puis dans les IUFM, ESPÉ et INSPÉ87, sur les prises de poste et les pratiques enseignantes en éducation prioritaire ? Y a-t-il eu un cadrage national, si oui lequel, sur les besoins des enseignants débutants dans les territoires classés ? Quel fut le rôle du Centre de ressources sur les pratiques éducatives en milieux difficiles (centre Alain Savary) dans l’accompagnement et la formation des équipes de ZEP ? Quelles articulations entre cette politique éducative et d’autres politiques nationales tels la prévention de la délinquance ou les plans santé ? Mais aussi, comment ont été financées les actions mises en œuvre ? Peut-on établir des typologies, trouver des constantes dans le temps, décrire un profil d’évolution ? Les représentations sur les ZEP ont-elles évolué ? Quels traitements ont été privilégiés dans la presse nationale et régionale ?, etc.
42De multiples aspects de ce qu’a permis ou facilité ce dispositif avec ses caractéristiques propres peuvent être étudiés, comparés dans le temps et dans l’espace. Sources locales disponibles, besoin de travaux historiques sur la scolarisation contemporaine de près d’un cinquième des écoliers et collégiens français : quarante ans après sa création, l’éducation prioritaire en France doit être étudiée en tant que telle, au plus près du terrain, car les historiens le savent bien, il ne suffit pas qu’un texte officiel paraisse pour que le cadrage national s’applique et que les transformations attendues se réalisent.
Annexe
Repères chronologiques
Ministre | Textes parus au Bulletin officiel de l’Éducation nationale | Autres textes, rapports, évènements relatifs à l’éducation prioritaire | Principales étapes de la Politique de la ville* |
(22 mai 1981-8 juillet 1984) Alain Savary |
C. 81-238 (1er juillet 1981) : Zones prioritaires | 1981 : 23 quartiers prioritaires ; création de la commission nationale pour le développement social des quartiers (DSQ) | |
C. 81-536 (28 décembre 1981) : Zones prioritaires et programmes d’éducation prioritaire | |||
C. 82-128 (19 mars 1982) : Conception et mise en œuvre de projets dans les zones connaissant des difficultés scolaires et dans les établissements à la recherche d’une vie éducative nouvelle | 1982 : Premières missions locales ; premières « opérations prévention été » | ||
C. 82-589 (15 décembre 1982) : Suivi des projets dans les zones et les programmes d’éducation prioritaires | 1983 : création du conseil national de prévention de la délinquance (CNPD), puis des conseils départementaux et communaux de prévention de la délinquance (CDPD et CCPD) | ||
NS 82-600 (23 décembre 1982) annexée à la circulaire de préparation de rentrée (C. 82-599) : Zones prioritaires | Université d’été (4 - 20 juillet 1983) | 1984 : début de la politique ville-État-région ; création d’un comité interministériel pour les villes ; création du fonds social urbain. | |
(19 juillet 1984-20 mars 1986) Jean-Pierre Chevènement |
NS 85-013 (8 janvier 1985) annexée à la circulaire de préparation de rentrée (C. 85-009) : Politique des zones prioritaires | 1985 : 148 quartiers DSQ bénéficient des contrats de plan | |
(20 mars 1986–12 mai 1988) René Monory |
Université d’été (26 juin-3 juillet 1986) Université d’automne (2-7 novembre 1987) | ||
(12 mai 1988-4 avril 1992) Lionel Jospin |
Lettre du 8 juillet 1988 : Programmes d’actions dans les zones d’éducation prioritaires | 1988 : création de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) ; engagement de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le programme « Développement solidarité » | |
Discours d’Arras (23 mars 1989) sur la réussite scolaire pour tous les élèves, les zones d’éducation prioritaires et la maîtrise du langage | Loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 | 1989 : mise en place de 296 DSQ ; convention de soutien aux politiques éducatives dans les quartiers en DSU et en ZEP (ministère de l’Éducation nationale - DIV – CDC) ; la commission DSQ devient DSU (développement social urbain) | |
C. 90-028 (1er février 1990) : Mise en œuvre de la politique des zones d’éducation prioritaires pour la période 1990-1993 | 1990 : création du ministère de la ville | ||
D. 90-806 (11 septembre 1990) : Institution d’une indemnité de sujétions spéciales en faveur des personnels enseignants des écoles, collèges, lycées et établissements d’éducation spéciale, des personnels de direction d’établissement et des personnels d’éducation | 1991 : loi d’orientation pour la ville (13 juillet) ; désignation des premiers grands projets urbains (GPU) ; début de l’opération « École ouverte » | ||
(4 avril 1992-30 mars 1993) Jack Lang |
C. 92-360 (7 décembre 1992) : La politique éducative dans les zones d’éducation prioritaires | 1992 : charte de l’accompagnement scolaire | |
NS (19 mars 1993) : Centre de ressources sur les pratiques éducatives et sociales en milieux difficiles | Forum École Quartier (19 janvier 1993) à l'UNESCO | 1993 : première sélection des sites de contrats de ville ; plan de relance pour la ville (juillet) | |
(30 mars 1993-4 juin 1997) François Bayrou |
C. 94-082 (26 janvier 1994) : Zones d’éducation prioritaires : aménagement du réseau | 1994 : 214 contrats de ville signés | |
1996 : Pacte de relance pour la ville (700 ZUS (zones urbaines sensibles), 350 ZRU (zones de redynamisation urbaine), 44 ZFU (zones franches urbaines) | |||
(4 juin 1997-27 mars 2000) Claude Allègre Ségolène Royal |
C. 97-233 (31 octobre 1997) : Les zones d’éducation prioritaires | Rapports Moisan/Simon : Aménagement de la carte des ZEP (1996) ; Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire (1997) | |
C. 98-145 (10 juillet 1998) : Relance de l’éducation prioritaire : mise en place des réseaux d’éducation prioritaire et des contrats de réussite | Forums académiques (mars-mai 1998) ; Assises nationales des ZEP à Rouen (4 et 5 juin 1998) | ||
C. interministérielle du 9 juillet 1998 : Aménagement des temps et des activités de l’enfant : mise en place du contrat éducatif local et des rythmes périscolaires | |||
C. 99-007 (20 janvier 1999) : Relance de l’éducation prioritaire : élaboration, pilotage et accompagnement des contrats de réussite des Réseaux d’éducation prioritaire | C. 99-194 (3 décembre 1999) : Préparation et suivi des volets « éducation » des contrats de ville | 1999 : contrats de ville 2000-2006 ; circulaire relative à la préparation et au suivi des volets éducation des contrats de ville | |
C. 2000-008 (8 février 2000) : Les pôles d’excellence scolaire dans les ZEP et les réseaux d’éducation prioritaire | |||
(27 mars 2000-7 mai 2002) Jack Lang |
2000 : Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) (décembre) | ||
Premières conventions entre l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et des lycées en ZEP (mars 2001) | 2001 : renforcement des actions de prévention de la délinquance, moyens accrus pour le contrat local de sécurité (CLS) et augmentation des adultes-relais ; circulaire relative à la mise en œuvre de la veille éducative ; renforcement des contrats éducatifs locaux (CEL) et des projets éducatifs locaux (PEL) | ||
Colloque international (5 et 6 mars 2002) à Paris : La Discrimination positive en France et dans le monde | |||
(7 mai 2002 – 31 mars 2004) Luc Ferry |
2002 : programme gouvernemental de rénovation urbaine ; circulaire relative à la mise en œuvre du programme adultes-relais ; les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) remplacent les CCPD | ||
C. 2003-133 (1er septembre 2003) : Éducation prioritaire : des objectifs et des méthodes pour lutter contre la fracture scolaire et élaborer les contrats de réussite scolaire | 2003 : loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (1er août) dite loi Borloo ; lancement de l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) | ||
(31 mars 2004–2 juin 2005) François Fillon |
2004 : né avec l’ANRU, le Programme national de Rénovation urbaine (PNRU) s’achève en 2020. Il a permis la réhabilitation de 600 quartiers en France et en Outre-mer | ||
Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (23 avril 2005) | 2005 : loi de programmation pour la cohésion sociale (janvier) ; création du programme de réussite éducative (PRE) | ||
(2 juin 2005–18 mai 2007) Gilles de Robien |
C. 2006-058 (30 mars 2006) : Principes et modalités de la politique de l’éducation prioritaire | Rapport d’Anne Armand et Béatrice Gille, La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, octobre 2006 | 2006 : création par la loi pour l’égalité des chances de l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) (mars) |
C. 2007-004 (11 décembre 2006) : Définition et mise en œuvre du volet éducation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) | 2007 : les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) succèdent aux contrats de ville | ||
(18 mai 2007–23 juin 2009) Xavier Darcos |
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(23 juin 2009-16 mai 2012) Luc Chatel |
C. 2010-096 (7 juillet 2010) : Programme « CLAIR » (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) - Expérimentation pour l’année scolaire 2010-2011 | ||
Élargissement du programme « CLAIR » aux écoles et collèges « ambition réussite » pour devenir le programme « ÉCLAIR » à la rentrée 2011 | Vade-mecum Programme ÉCLAIR (mai 2011) | ||
(16 mai 2012-2 avril 2014) Vincent Peillon |
Loi La Refondation de l’École de la République (8 juillet 2013) | ||
17 janvier 2014 : présentation de la réforme de l’éducation prioritaire | Évaluation de la politique de l’éducation prioritaire, rapport de diagnostic (juillet 2013) Un référentiel pour l’éducation prioritaire (janvier 2014) | 2014 : Loi de programmation pour la ville et la cohésion sociale (février) | |
Refondation de la politique d’éducation prioritaire, rapport final de l’évaluation (mai 2014) | |||
(2 avril 2014-26 août 2014) Benoît Hamon |
C. 2014-077 (4 juin 2014) Refondation de l’éducation prioritaire | ||
(26 août 2014–17 mai 2017) Najat Vallaud-Belkacem |
Rapport de Jean-Paul Delahaye, Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous (mai 2015) | 2015 : À partir du 1er janvier, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) se substituent aux quartiers en CUCS et en zones urbaines sensibles (ZUS) ; 1 514 quartiers situés dans 859 communes sont retenus ; le partenariat est formalisé par un contrat de ville 2014-2022 | |
C. 2017-090 (3 mai 2017) Le pilotage de l’éducation prioritaire | |||
(17 mai 2017-20 mai 2022) Jean-Michel Blanquer |
2016 : À partir du 1er janvier, dissolution et transfert des activités de l’ACSÉ au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) | ||
Loi Pour une École de la confiance (26 juillet 2019) | 2019 : Loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) (juillet) | ||
Dossier de presse Cités éducatives (2 mai 2019) ; lancement des cités éducatives en septembre 2019 dans des quartiers QPV [80 retenus puis 126 en janvier 2021] | |||
Rapport d’Ariane Azéma et Pierre Mathiot, Mission territoires et réussite, novembre 2019 | |||
Instruction du 21 juillet 2020, Cordées de la réussite | Expérimentation des contrats locaux d’accompagnement (CLA) dans trois académies en 2021-2022 | ||
Création d’un secrétariat d’État chargé de l’éducation prioritaire (juillet 2020 - mai 2022) | Inspection générale, Mission de suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement, notes d’étape, janvier 2022 |
* Le premier dispositif de la politique de la ville date de 1977 avec la circulaire du 3 mars relative au fonds d’aménagement urbain et au groupe interministériel habit et vie sociale (HVS). Cinquante quartiers sont classés HVS.
Notes
1 On peut citer néanmoins deux thèses, la première conjuguant cadrage national et réalités locales, la seconde centrée sur la politique nationale : Lydie Heurdier, Vingt ans de politique d’éducation prioritaire dans trois départements français, thèse, sciences de l’éducation, université Paris 5, 2008 ; Philippe Bongrand, La scolarisation des mœurs : socio-histoire de deux politiques de scolarisation, en France, depuis la Libération, thèse, science politique, université de Picardie, 2009. Les deux auteurs ont publié par ailleurs un article commun : Lydie Heurdier, Philipe Bongrand, « Des villes communistes face à l’éducation prioritaire, entre engagement marqué et refus (1981-1984) », Carrefours de l’éducation, no 51, 2021, p. 53-65.
2 Voir par exemple Jean-Yves Rochex, « La politique ZEP en France, laboratoire des politiques d’éducation ? », Revue française de pédagogie, no 177, 2011, p. 5-10 ; Lydie Heurdier, « La politique ZEP, laboratoire de nouveaux outils de pilotage du système éducatif (1981-2001) ? », Revue française de pédagogie, no 177, 2011, p. 25-36.
3 <https://www.citeseducatives.fr/> (consulté le 21 septembre 2022) ; rapport annuel 2020 du Comité national d’orientation et d’évaluation des cités éducatives, [en ligne] <https://www-vie-publique-fr.ezproxy.u-pec.fr/sites/default/files/rapport/pdf/280919.pdf> (consulté le 21 septembre 2022).
4 Marc Demeuse, Daniel Frandji, David Greger, Jean-Yves Rochex (dir.), Les politiques d’éducation prioritaire en Europe. Conceptions, mises en œuvre, débats, Lyon, INRP, 2008 ; Marc Demeuse, Daniel Frandji, David Greger, Jean-Yves Rochex (dir.), Les politiques d’éducation prioritaire en Europe. Vol. 2. Enjeux, devenir et possibles pour l’égalité scolaire, Lyon, ENS Éditions, 2012.
5 En partenariat avec les Archives nationales et le soutien des Archives de France, Lydie Heurdier, Jean-Yves Rochex (laboratoire CIRCEFT-ESCOL, Paris 8) et Mathias Gardet (CIRCEFT-HEDUC, Paris 8) ont initié ce projet qui a permis, entre autres, la constitution de deux guides des sources relatives à l’éducation prioritaire : le premier recense ce qui est conservé aux Archives nationales [désormais : AN], le second ce qui est disponible dans les services d’archives départementales [désormais : AD] d’une quinzaine d’académies sélectionnées comme représentatives : <https://archiveszep.hypotheses.org/files/2019/01/guide_sources_education_prioritaire_V02_2017-10.pdf> (consulté le 21 septembre 2022). Le projet a été lancé officiellement lors d’une journée d’études aux Archives nationales le 1er juillet 2016 : <https://archiveszep.hypotheses.org/journees-detude> (consulté le 21 septembre 2022).
6 Lydie Heurdier, « De nouvelles sources offertes aux chercheurs en sciences sociales : les archives de la politique d’éducation prioritaire », Histoire de l’éducation, no 156, 2021, p. 215-226.
7 <https://francearchives.fr/fr/circulaire/DGPA_SIAF_2021_005> (consulté le 21 septembre 2022).
8 AD 93, versement 3320 W 1-23. Ainsi, le témoignage de Jean-Paul Delahaye – inspecteur général honoraire et ancien directeur de l’enseignement scolaire – d’une durée de trois heures développe celui présenté en 2016 aux Archives nationales. Jean-Paul Delahaye, « 35 ans d’éducation prioritaire. Quelques souvenirs personnels au fil d’une carrière », Diversité, no 186, 2016, p. 15-21.
9 Voir notamment, Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, « L’institution scolaire, les familles, les collectivités locales, la politique d’État. Le développement de la scolarisation sous la IIIe République », Histoire de l’éducation, no 66, 1995, p. 15-46.
10 Anne-Marie Chartier, « Regard historique sur les politiques scolaires et les disparités territoriales », Diversité, no 144, 2006, p. 24.
11 Marceline Laparra, « Les ZEP, miroir grossissant des évolutions et contradictions du système éducatif français », Revue française de pédagogie, no 177, 2011, p. 47-60.
12 Rappelons les travaux du CRESAS (Centre de recherche de l’éducation spécialisée et de l’adaptation scolaire) rattaché à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) depuis sa création en 1969. L’équipe, pluridisciplinaire, a étudié l’échec scolaire massif des enfants de milieux populaires et a conduit des recherches-actions pour tenter d’y remédier. En 1981, le CRESAS a publié L’échec scolaire n’est pas une fatalité, et s’est engagé dans l’accompagnement de la politique d’éducation prioritaire. Ont notamment été publiés pour en rendre compte : Écoles en transformation. Zones prioritaires et autres quartiers, Paris, L’Harmattan-INRP, 1983 ; Depuis 1981, l’école pour tous ? Zones d’éducation prioritaires, Paris, L’Harmattan-INRP, 1985.
13 Martine Kherroubi, Jean-Yves Rochex, « La recherche en éducation et les ZEP en France. 2. Apprentissages et exercice professionnel en ZEP : résultats, analyses, interprétations », Revue française de pédagogie, no 146, 2004, p. 177.
14 Ibid., p. 180.
15 Martine Kherroubi, Jean-Yves Rochex, « La recherche en éducation et les ZEP. 1. Politique ZEP, objets, postures et orientations de recherche », Revue française de pédagogie, no 140, 2002, p. 125.
16 André Robert, « Syndicats et ZEP : d’une controverse implicite sur l’idée de justice à un consensus mou », Revue française de pédagogie, no 140, 2002, p. 21-31.
17 À notre connaissance, seul Xavier Riondet, sollicité de notre part pour la journée d’étude du 1er juillet 2016 aux AN, a abordé cette question. Xavier Riondet, « L’éducation prioritaire vue des Cahiers pédagogiques », Diversité, no 186, 2016, p. 30-36.
18 Dans l’avant-projet, il est annoncé qu’« il s’agit de donner la priorité aux actuels exclus du système éducatif. Une école formellement égalitaire profite aux favorisés. Il s’agit au contraire de donner plus à ceux qui sont actuellement exclus de l’école en concentrant les moyens dans les zones scolairement défavorisées ». Dans la version définitive, une légère modification précise que les moyens supplémentaires doivent être apportés en priorité « aux zones et aux catégories scolairement défavorisées ». Car pour assurer l’égalité réelle, « préalable indispensable mais non suffisant », « il faut compenser les inégalités d’origine géographique, économique, sociale ou culturelle […]. Seule une politique inégalitaire favorable aux actuels défavorisés permettra d’avancer vers plus d’égalité réelle » (Libérer l’école : Plan socialiste pour l’Éducation nationale, Paris, Flammarion, 1978, p. 43 et 160).
19 Bruno Cogez, Les Zones d’éducation prioritaires (origines, projets, mise en place) 1966-1985, mémoire de maîtrise, histoire, université Paris 1, 1996 ; Lydie Heurdier, « Du handicap social à l’éducation prioritaire. Cheminements croisés syndicaux et politiques (1969-1981) », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », no 24, 2022, p. 135-156.
20 Lydie Heurdier, « La politique d’éducation prioritaire. Un projet conduit hors du champ politique (1981-2001) »,Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 124, 2014, p. 155-168.
21 Lydie Heurdier, « Le pilotage de l’éducation prioritaire en France (1981-2017) », Les Dossiers des sciences de l’éducation, no 45, 2021, p. 57-75 ; Jean-Yves Rochex, « Les trois ‘‘âges’’ des politiques d’éducation prioritaire : une convergence européenne ? », in Choukri Ben Ayed (dir.), L’école démocratique. Vers un renoncement politique ? », Paris, Armand Colin, 2010, p. 94-108.
22 De 1981 à 1998, on parle de ZP ou ZEP ; de 1999 à 2006, de réseau d’éducation prioritaire (REP) et de ZEP ; de 2006 à 2010, de réseau ambition réussite (RAR) et de réseau de réussite scolaire (RRS) ; en 2010, de CLAIR (collège, lycée pour l’ambition, l’innovation et la réussite) et RRS, puis de 2011 à 2014 d’ÉCLAIR (écoles est ajouté) et de RRS ; depuis 2014, de REP et REP+ (REP renforcé). Une gradation est présente depuis 1999, les ZEP, RAR, CLAIR, ÉCLAIR et REP+ étant les zones ou réseaux les plus en difficulté.
23 Prolongation de la scolarité obligatoire (ordonnance du 6 janvier 1959), réforme Berthoin (décret du 6 janvier 1959) ; organisation des collèges d’enseignement secondaire (décret du 3 août 1963), avec création de trois sections : classiques et modernes de l’enseignement général long, modernes de l’enseignement général court, classes du cycle de transition et du cycle terminal.
24 Lydie Heurdier, « Expansion et transformation de l’enseignement spécial : le tournant des années 1960 », Carrefours de l’éducation, no 41, 2016, p. 133-149.
25 De nombreuses équipes pédagogiques demandaient ainsi la création de GAPP dans les projets ZEP des années 1980. La notable surreprésentation des classes de l’enseignement spécialisé dans les ZEP reste à étudier.
26 Loi du 11 juillet 1975, dite réforme Haby.
27 Dominique Paty, 12 collèges en France : le fonctionnement réel des collèges publics, Paris, La Documentation française, 1997, p. 245.
28 Viviane Isambert-Jamati, « Quelques rappels de l’émergence de l’échec scolaire comme ‘’problème social’’ dans les milieux pédagogiques français », in L’échec scolaire : nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques. Actes du colloque franco-suisse 9-12 janvier 1984, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1985, p. 162.
29 Voir par exemple : Antoine Prost, Éducation, société et politiques : une histoire de l’enseignement de 1945 à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 1997 ; André D. Robert, Système éducatif et réformes, Paris, Nathan, 1993.
30 Voir les travaux de Marc Demeuse et notamment, Vers une école juste et efficace : 26 contributions sur les systèmes d’enseignement et de formation, Bruxelles, De Boeck, 2005. Marc Demeuse y écrit : « Plaider pour les actions positives et le dépassement de l’égalité formelle se résume donc à plaider pour un changement de paradigme, celui du modèle égalitaire républicain strict, impliquant l’égalité de traitement, et à appeler à son dépassement au profit d’un nouveau principe de justice » (p. 254).
31 André D. Robert, « Syndicats et ZEP… », art. cit., p. 23.
32 Circulaire no 81-536 du 28 décembre 1981, Zones prioritaires et programmes d’éducation prioritaires.
33 Notamment grâce à la large diffusion du Guide des équipes de zones prioritaires pour l’évaluation régulatrice de leur action en décembre 1984.
34 C’est ainsi que paraît en 2017, juste avant l’élection présidentielle et le changement de ministre de l’Éducation nationale, la circulaire no 2017-090 du 3 mai 2017 relative au « Pilotage de l’éducation prioritaire ».
35 Les principaux sont également mentionnés dans la chronologie en annexe.
36 Circulaire no 81-238 du 1er juillet 1981, Zones prioritaires.
37 Cette CSP (devenue par la suite PCS [professions et catégories sociales]) regroupe les ouvriers qualifiés et non qualifiés, les ouvriers agricoles, les retraités ouvriers et employés, les chômeurs n’ayant jamais travaillé, les personnes sans activité professionnelle. Les déclarations des familles et les saisies parfois aléatoires dans les établissements conduisent à considérer les taux indiqués comme relatifs. Cependant, s’il faut rester prudent, une enquête portant sur les procédures de collecte, conclut que « la variable PCS, malgré tous les biais soulignés dans ce travail, reste un indicateur relativement pertinent du milieu social d’origine des élèves : la distinction entre grandes PCS, c’est-à-dire l’essentiel subsiste, fût-ce de manière relativement grossière » (Charles Soulié, « L’origine sociale des collégiens et lycéens en France : une analyse des conditions sociales de production de la statistique », Population, no 55, 2000, p. 179).
38 Les dernières mesures envisagées prennent en compte ces écoles « orphelines ».
39 Discours du 7 février 1986 dans le cadre d’un colloque École-Quartier où intervenait également le président de la commission nationale pour le développement social des quartiers (DSQ).
40 Circulaire no 90-028 du 1er février 1990, Mise en œuvre de la politique des zones d’éducation prioritaires pour la période 1990-1993.
41 Ce dispositif créé fin 1981 fait suite à l’opération Habitat et vie sociale (HVS) mis en place en 1977 dans cinquante zones urbaines. Le rapport Dubedout, Ensemble, refaire la ville (1983) tire un bilan de cette première expérience, précurseur de la politique de la ville, et propose différents objectifs à la politique DSQ qui va connaître une extension importante.
42 Circulaire no 90-028, référence citée.
43 On dénombrait 355 ZEP à la rentrée 1982, 484 à la rentrée 1989 et 526 à la rentrée 1990. Plusieurs recteurs ou inspecteurs d’académie ont révisé les classements avant la relance officielle de la rentrée 1990.
44 Parmi les rapports, voir par exemple : Patrick Bouveau, Bernard Charlot, Jean-Yves Rochex et al., Le soutien aux politiques éducatives dans les ZEP-DSQ (1989-1992) : évaluation de l’impact de la Caisse des dépôts et consignations (convention tripartite MEN–DIV–CDC), Montreuil, octobre 1992.
45 Décret no 90-806 du 11 septembre 1990, Institution d’une indemnité de sujétions spéciales en faveur des personnels enseignants des écoles, collèges, lycées et établissements d’éducation spéciale, des personnels de direction d’établissement et des personnels d’éducation.
46 La période intermédiaire ne présente rien de vraiment marquant. Nommé le 4 avril 1992, Jack Lang est remplacé par François Bayrou le 30 mars 1993. Entre 1992 et 1997, deux circulaires paraissent, en continuité avec les précédentes, hormis la sortie d’éducation prioritaire envisagée pour les territoires ruraux classés. Notons également la création du Centre de ressources sur les pratiques éducatives et sociales en milieux difficiles par une note du 19 mars 1993. Ce centre, rattaché à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP), lui-même devenu depuis janvier 2011 Institut français de l’éducation (IFÉ), doit servir « d’appui pour [les] actions de formation qui pourront ainsi devenir de véritables programmes d’accompagnement de la politique des ZEP ». Très vite, il a pris le nom de Centre Alain Savary.
47 Pour de plus amples développements, se reporter à Philippe Bongrand, La réflexivité de l’action publique. Savoirs et producteurs de savoirs dans la relance des zones d’éducation prioritaires (1997-1998), mémoire de DEA, université Paris 1, 2001 ; Lydie Heurdier, Vingt ans de politique…, op. cit., p. 57-67 et 114-146 ; Lydie Heurdier, « Le pilotage de l’éducation prioritaire…. », art. cit., p. 63-68.
48 Circulaire no 97-233 du 31 octobre 1997, Les zones d’éducation prioritaires. Cette circulaire a été rédigée par Catherine Moisan, inspectrice générale alors chargée de mission au cabinet de la ministre. Circulaire no 98-145 du 10 juillet 1998, Relance de l’éducation prioritaire : mise en place des réseaux d’éducation prioritaire et des contrats de réussite. Circulaire no 99-007 du 20 janvier 1999, Relance de l’éducation prioritaire : élaboration, pilotage et accompagnement des contrats de réussite et des réseaux d’éducation prioritaire. Circulaire no 2000-008 du 8 février 2000, Les pôles d’excellence scolaire dans les ZEP et les réseaux d’éducation prioritaire.
49 Relance de l’éducation prioritaire. Assises nationales des ZEP, Rouen, 4 et 5 juin 1998, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, 1998.
50 Deux documents sont diffusés à cet effet. Ces documents bien renseignés constituent des sources irremplaçables. Un des exemplaires devait être retourné au ministère. En fait, le versement effectué aux AN est incomplet. Il arrive fréquemment qu’un exemplaire de ces documents ait été conservé dans le réseau quand il n’y a pas eu d’élimination sauvage. Pour un état des lieux des ZEP : constats et réflexions. Document destiné aux écoles et établissements de la ZEP, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, 1998 ; Pour un état des lieux des ZEP : constats et réflexions. Document de synthèse de la ZEP, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, 1998.
51 Pour un état des lieux des ZEP, op. cit., p. 1.
52 Catherine Moisan, Jacky Simon, Aménagement de la carte des ZEP : rapport intermédiaire, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, septembre 1996, non publié (AN 20080019/27).
53 Les études de la DEP consacrées à la politique d’éducation prioritaire de 1985 à 2001 sont consultables en ligne : <https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/> et < http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=educprio>.
54 Catherine Moisan, Jacky Simon, Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire, Paris, INRP, 1997.
55 Philippe Bongrand, « L’introduction controversée de l’"excellence" dans la politique française d’éducation prioritaire (1999-2005) », Revue française de pédagogie, no 177, 2011, p. 11-24.
56 Circulaire no 2006-058 du 30 mars 2006, Principes et modalités de la politique d’éducation prioritaire.
57 « Part d’enfants issus de familles appartenant à des catégories socio-professionnelles défavorisées (66 %), part d’élèves ayant des résultats faibles aux évaluations en 6e (20 points au-dessous de la moyenne), part d’enfants ayant un retard scolaire de deux ans en 6e, part des parents bénéficiant du RMI (Revenu minimum d’insertion), part des enfants ayant des parents non francophones ».
58 Le PPRE est un dispositif qui doit prévenir les difficultés scolaires, empêcher un redoublement et accompagner l’élève si le redoublement n’a pu être évité. Un livret de compétences doit permettre de faciliter l’individualisation des réponses et la continuité entre l’école et le collège en vue de valider le socle commun.
59 Loi no 2005-380 du 23 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
60 Composé du principal de collège, du principal adjoint et de tous les directeurs des écoles élémentaires et maternelles rattachées. Le coordonnateur devient secrétaire du comité exécutif.
61 Elle est signée le 17 janvier 2005 par l’État, la conférence des présidents d’université, la conférence des Grandes écoles, la conférence des directeurs d’école et formations d’ingénieurs. Pour de plus amples développements, voir Philippe Bongrand, « L’introduction controversée… », art. cit. ; Paul Pasquali, Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite (1870-2020), Paris, La Découverte, 2021, chap. 6 et 7.
62 Parmi les sources disponibles aux AN, voir par exemple : cabinet de Gilles de Robien, dossiers d’Yves Cristofari, 20080247/5-20080247/8 ; cabinet de Xavier Darcos, dossiers de Thierry Tesson, 20090284/1-20090284/7.
63 Circulaire no 2010-096 du 7 juillet 2010, Programme « Clair », expérimentation année scolaire 2010-2011.
64 Par exemple, une recherche-action dans un ÉCLAIR de l’agglomération lyonnaise : <http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/difficultes-dapprentissage-et-prevention-du-decrochage/recherches/culture-ecrite-et-prevention-du-decrochage-le-rapport-de-la-recherche/culture-ecrite-et-prevention-du-decrochage-enjeux-cognitifs-culturels-et-sociaux-enquete-dans-le-reseau-eclair-schoelcher-a-lyon> (consulté le 17 octobre 2022).
65 Circulaire no 2010-106 du 15 juillet 2010, Extension du dispositif la « Mallette des parents ».
66 Circulaire no 2010-099 du 8 juillet 2010, Internats d’excellence et développement des internats scolaires. Concrètement, un projet éducatif renforcé est offert dans quelques établissements où les élèves peuvent être scolarisés comme internes, de la sixième jusqu’en classes préparatoires aux grandes écoles et sections de technicien supérieur (STS). Aux places labellisées « internat d’excellence » dans les internats existants – ce qui favorise la mixité sociale – se sont ajoutés quelques « établissements-internats d’excellence » où tous les élèves sont « internes d’excellence ». L’objectif, ambitieux, visait 20 000 places à destination « des élèves et étudiants d’origine modeste, notamment issus des quartiers de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire ».
67 Le Plan Espoir banlieues « contribue à l'égalité des chances, en permettant la réduction des écarts constatés entre les quartiers de la Politique de la ville et le reste du territoire national. La stratégie de l'Éducation nationale, à présent articulée autour de neuf mesures, apporte des réponses aux difficultés éducatives et sociales du public scolaire des zones urbaines sensibles et des réseaux de l'éducation prioritaire ». Parmi ces mesures figurent notamment la lutte contre le décrochage scolaire, les internats d’excellence, l’ouverture sociale des classes préparatoires aux grandes écoles, l’accompagnement éducatif (Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 7 mai 2009).
68 Cette politique de discrimination positive cherche à réduire l’écart entre les groupes pour faire surgir des élites sociales, économiques et politiques. Conception libérale de la justice sociale, elle accroît de facto les inégalités internes aux groupes bénéficiaires. Les politiques françaises de discrimination positive ignorent les groupes raciaux, ethniques ou religieux, et s’inscrivent dans le cadre d’une politique sociale, sans lien avec les « règles du marché ». Voir Gwenaële Calvès, « Les politiques françaises de discrimination positive : trois spécificités », Pouvoirs, no 111, 2004, p. 29-40.
69 Marc Bablet, « La refondation de l’éducation prioritaire et la recherche : quelques pistes de relations entre la recherche et la définition, l’animation et l’évaluation d’une politique publique », Revue française de pédagogie, no 200, 2017, p. 23-32 ; Lydie Heurdier, « Le pilotage de l’éducation prioritaire… », art. cit., p. 68-72 ; dossier « L’éducation prioritaire. Histoire (s) et enjeux pour demain », partie 3 « La Refondation à l’œuvre », Diversité, no 186, 2016, p. 115-164.
70 Marc Bablet a exercé dans l’académie de Créteil d’abord comme inspecteur de circonscription à Saint-Denis, puis inspecteur d’académie adjoint dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis. Il a été correspondant académique éducation prioritaire de nombreuses années. Il rejoint le bureau éducation prioritaire de la DGESCO début 2013, il en est nommé responsable à la rentrée 2014. Inspecteur général, Jean-Paul Delahaye est nommé DGESCO en novembre 2012 après avoir été conseiller spécial de Vincent Peillon. Ces deux très bons connaisseurs de l’éducation prioritaire ont participé à la collecte d’archives orales. Leurs entretiens sont consultables respectivement aux AD 93, cotes 3320 W 3 et W 9.
71 Circulaire no 2014-077 du 4 juin 2014, Refondation de l’éducation prioritaire ; Circulaire no 2017-090 du 3 mai 2017, Pilotage de l’éducation prioritaire.
72 Marc Bablet, « La refondation… », art. cit., p. 26.
73 Loi no 2013-595 du 8 juillet 2013, d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la République.
74 Ariane Azéma, Pierre Mathiot, Mission territoires et réussite, novembre 2019, [en ligne] <https://www.education.gouv.fr/rapport-mission-territoires-et-reussite-7577>. La première est inspectrice générale, le second, professeur des universités en science politique et directeur de l’Institut d’études politiques de Lille.
75 Jean-Louis Borloo, Vivre ensemble, vivre en grand : pour une réconciliation nationale, Ministère de la Cohésion des territoires, avril 2018.
76 Cités éducatives, dossier de presse, 2 mai 2019.
77 Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), Note d’étape no 2022-008 de janvier 2022, p. 6.
78 Voir notamment Lydie Heurdier, « Du handicap social… », art. cit.
79 Conseil d’État, « Rapport public 1996 : sur le principe d’égalité », Études et documents du Conseil d’État, Paris, La Documentation française, no 48, 1997, p. 89-90.
80 Voir notamment Gwénaële Calvès, « Les politiques françaises…», art. cit.
81 Ce qui n’a pas été le cas chez les principaux syndicats enseignants. Pour André Robert, dans les années 1980, la controverse entre les syndicats a eu lieu « à demi-mots » et non par des prises de position tranchées : « Si l’idée de différenciation est bien présente [au SNI-PEGC] à travers la notion de "rythme", c’est plus en relation avec une problématique psycho-individuelle que délibérément socio-spatiale […] le SNES adopte une attitude qui tend à le rapprocher de son rival du primaire au sein de la FEN : atténuation de la portée d’une initiative qui ne lui incombe pas, tentative de démonstration de l’antériorité de sa propre démarche dans le domaine concerné, mise au compte de son action des aspects positifs qui peuvent se dégager de l’expérience ». (André Robert, « Syndicats et ZEP… », art. cit., p. 25-26). La décennie suivante, il observe un « consensus qu’on peut qualifier de “mou”, les ZEP étant désormais acceptées par toutes les organisations » (ibid., p. 29).
82 CNESCO, Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ?, septembre 2016, [en ligne] <https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/04/Inegalites_sociales_dossier_synthese.pdf> (consulté le 17 octobre 2022). La synthèse publiée s’est appuyée sur les rapports de vingt-deux équipes de chercheurs français et étrangers, parmi lesquels celui de Jean-Yves Rochex et Philippe Bongrand : La politique française d’éducation prioritaire (1981-2015) : les ambivalences d’un consensus, [en ligne] https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2016/09/bongrand1.pdf (consulté le 17 octobre 2022). Afin de « documenter des points de discussion critique et de controverse scientifique concernant un objet […] à propos duquel il convient selon nous de se garder de conclusions trop rapides, d’imputations causales incertaines, voire de propos péremptoires », Jean-Yves Rochex a publié un article, sorte de contre-feu, sans que l’on sache quel a été son impact et s’il a permis de nuancer, voire de rectifier, les propos du CNESCO. Jean-Yves Rochex, « Faut-il crier haro sur l’éducation prioritaire ? Analyses et controverses sur une politique incertaine », Revue française de pédagogie, no 194, 2016, p. 91-108.
83 Antoine Prost, « Pour une histoire “par en bas” de la scolarisation républicaine », Histoire de l’éducation, no 57, 1993, p. 74.
84 Deux rapports des inspections générales constituent à cet égard des textes de référence, d’une pertinence qui ne s’est pas démentie. Catherine Moisan, Jacky Simon, Les déterminants de la réussite scolaire… op. cit. ; Anne Armand, Béatrice Gille, La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, Paris, Ministère de l’Éducation nationale, 2006.
85 La DEP est devenue Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) depuis 2006.
86 Pour s’en convaincre, se reporter à Lydie Heurdier qui a mis en évidence des profils d’évolution différenciés des collèges classés dans les trois départements étudiés, grâce notamment à une analyse des correspondances principales comprenant des indicateurs sociaux et scolaires : Vingt ans de politique…, op. cit., p. 223-259, p. 320-337, p. 503-545.
87 Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPÉ), Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ).
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Référence papier
Lydie Heurdier, « Regards historiques sur 40 ans de politique d’éducation prioritaire en France (1981-2021) », Histoire de l’éducation, 159 | 2023, 9-43.
Référence électronique
Lydie Heurdier, « Regards historiques sur 40 ans de politique d’éducation prioritaire en France (1981-2021) », Histoire de l’éducation [En ligne], 159 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/histoire-education/8335 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoire-education.8335
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